Le Journal de l`Institut Curie - n°66
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Le Journal de l`Institut Curie - n°66
JIC66_1COUV_SR2VD 6/06/06 12:18 Page 1 LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE COMPRENDRE POUR AGIR CONTRE LE CANCER ENTRE NOUS Des jardins pour faire reculer le cancer ACTUALITÉS Rendre les cellules plus réceptives aux rayons DOSSIER Découvrir et soigner La logique du transfert # 66 - JUIN 2006 - 1,25 € - ISSN 1145-9131 reJIC66_2-3_SR4VD 6/06/06 12:19 Page 2 ACTUALITÉS INSTITUT CURIE SOMMAIRE ÉDITORIAL p. 5 Les bienfaits du sport confirmés FICHE PRATIQUE h Dossier médical personnel : p. 7 le futur carnet de santé numérique h DOSSIER p. 8 Noak/Le bar Floréal/IC DÉCOUVRIR ET SOIGNER, LA LOGIQUE DU TRANSFERT Grâce à vous p. 10 L’Institut Curie investit près de 8 millions d’euros en 2006 Décryptage p. 12 Le brevet, ange gardien de l’invention Le XV de France aux côtés de l’Institut Curie Les jonquilles ont fleuri pour faire reculer le cancer Rétrospective Marie Curie, la première « professeure » à la Sorbonne 1. Cellule de bibliométrie (Inserm). p. 16 Amélie Mauresmo, marraine de l’Institut Curie p. 17 p. 19 C. Pereira/Institut Curie ENTRE NOUS h Initiatives Depuis 2004, la championne de tennis apporte bénévolement son soutien aux chercheurs, aux soignants de l’Institut Curie et, plus encore, aux malades du cancer. Marraine de l’Institut, elle «espère pouvoir leur donner du courage et un peu de bonheur» et assure qu’ «il faut toujours aller de l’avant, se battre. Parfois, on est moins motivé et, à d’autres moments, on reprend confiance en soi». LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE COMPRENDRE POUR AGIR CONTRE LE CANCER EST ÉDITÉ PAR L’INSTITUT CURIE - 26, RUE D’ULM, 75248 PARIS CEDEX 05 - FAX: 01 43 25 17 56 - [email protected] - WWW.CURIE.FR - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION: PR CLAUDE HURIET - RÉDACTRICE EN CHEF: NATHALIE BOISSIÈRE - RÉDACTION: JÉRÉMY LAVALAYE, MARIE-LAURE MOINET, CLÉMENCE MUSA, FABIEN RIVENET - ICONOGRAPHIE: YASMINE BENZOUGAR, CÉCILE CHARRE (01 44 32 40 51) - DONS ET ABONNEMENTS: YOVAN VUJOSEVIC (01 44 32 40 80) - ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO: ALAIN AURIAS, EMMANUEL BARRILLOT, ALAIN BOUQUET, JACQUES CAMONIS, DR JÉRÔME COUTURIER, PR JEAN-MARC COSSET, DR OLIVIER DELATTRE, EMMANUELLE DEPONGE, DR FRANCOIS DOZ, MARIE DUTREIX, NATHALIE HUCHETTE, DR ALAIN LIVARTOWSKI, DR SYLVIA NEUENSCHWANDER, FRANK PEREZ, DR SOPHIE PIPERNO-NEUMANN, DR XAVIER SASTRE, FRÉDÉRIC SAUDOU, SIMON SAULE, DR GUDRUN SCHLEIERMACHER, DR DOMINIQUE STOPPA-LYONNET, JEAN PAUL THIERY, JEAN-LOUIS VIOVY – LE SOMMAIRE, LES TITRES, CHAPÔS, INTERTITRES, ILLUSTRATIONS ET LÉGENDES SONT DE LA RESPONSABILITÉ DE LA RÉDACTION EN CHEF ET N’ENGAGENT PAS LES AUTEURS - PHOTO DE COUVERTURE : NOAK/LE BAR FLORÉAL/INSTITUT CURIE - ABONNEMENT POUR 4 NUMÉROS/AN : 5 € - CRÉATION ET RÉALISATION : L’AGENCE CITIZEN PRESS (01 53 00 10 00) - FABRICATION : TC GRAPHITE (PARIS) – IMPRESSION : LA GALIOTTE PRENANT - 70/82 RUE AUBER, 94400 VITRY-SURSEINE - NUMÉRO DE COMMISSION PARITAIRE : 0907H82469 - DÉPÔT LÉGAL DU NO 66 : JUIN 2006 - CE NUMÉRO A ÉTÉ IMPRIMÉ À 150 000 EXEMPLAIRES. 02, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ,TECHNOLOGIE h Sous la direction d’Emmanuel Barillot, une vingtaine de personnes développent des outils et des logiciels au sein de l’Unité de bio-informatique de l’Institut Curie. L’Unité de bio-informatique, «marché aux puces» de l’Institut Curie C réée en 2003 et entièrement dédiée à la cancérologie, l’Unité de bio-informatique de l’Institut Curie regroupe les compétences d’une vingtaine d’ingénieurs, informaticiens, physiciens et mathématiciens. La recherche sur le cancer nécessite en effet le recours à des technologies de pointe pour analyser les gènes responsables du développement cancéreux; elle utilise aussi des outils informatiques adaptés pour interpréter ces résultats. L’automatisation des techniques en biologie génère des quantités considérables de données qui, pour être exploitées efficacement, doivent être analysées, comparées et archivées. Telle est la mission des bioinformaticiens de l’Institut Curie. Afin d’étudier l’ensemble des données recueillies, ils développent des outils informatiques, par exemple des logiciels appropriés pour interpréter les résultats des analyses faites grâce aux puces à ADN. Sous l’aspect d’une simple lame de microscope, ces laboratoires miniatures permettent aux médecins et aux chercheurs d’étudier simultanément des centaines de gènes, voire le génome, c’est-à-dire la totalité des gènes contenus dans une cellule, soit près de 30 000 chez l’homme. L’un de ces programmes, baptisé Maia, permet déjà une analyse automatisée, fiable et rapide des données de ces puces et de quantifier l’état et l’activité des gènes (voir l’encadré). D’autres logiciels développés à l’Institut Curie établissent la carte génétique des tumeurs et désignent les régions du génome où les altérations sont les plus significatives. Généralement ce sont elles qui contiennent les gènes qui permettront aux chercheurs d’imaginer de nouvelles méthodes de diagnostic ou de traitement. Par ailleurs, en collaboration avec l’équipe CNRS de François Radvanyi, implantée à l’Institut Curie, les bio-informaticiens viennent de mettre au point le système Ittaca. Ce dernier associe Internet à un logiciel d’analyse pour permettre l’accès aux données de la littérature scientifique disponible sur les sites Web spécialisés dans le monde entier. Les ordinateurs des chercheurs corrèlent les données cliniques et génomiques qu’ils obtiennent avec les résultats de leurs confrères internationaux. En émergence depuis les années 1990 en Europe, la bioinformatique est désormais essentielle Avec des données de plus en plus nombreuses et complexes, l’informatique est devenue aussi indispensable aux chercheurs que l’imagerie. pour établir notamment la carte d’identité moléculaire unique et spécifique à chaque tumeur. Une donnée qui devrait améliorer le diagnostic, le pronostic et le traitement de tous les cancers. Fabien Rivenet MAIA, UN OUTIL PARTAGÉ AVEC LE MONDE ENTIER Maïa était chez les Hindous, ainsi que dans l’Antiquité et selon la tradition basque, la déesse de la Terre. Depuis peu, Maia est également l’acronyme de l’anglais Microarray Image Analysis pour analyseur d’image de micropuce, un logiciel développé par le bio-informaticien Eugène Novikov et ses collaborateurs du Département de transfert de l’Institut Curie. Régulièrement mis à jour, il est gracieusement mis à la disposition de la communauté scientifique internationale. LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ,03 A. Lescure/Institut Curie p. 4 Dans un environnement scientifique exceptionnel, l’Institut Curie continue de développer ses nombreux atouts : • Celui de s’appuyer sur la collaboration constante et fructueuse des chercheurs et des médecins. L’Institut Curie peut ainsi accompagner et anticiper les mutations et les évolutions des sciences du vivant et accélérer la mise à disposition des découvertes pour Pr Claude Huriet les patients et la communauté médicale. président de • Son statut de fondation, qui lui offre une diversité des l'Institut Curie ressources, issues à la fois de l’État et de la générosité publique. Sans cette dernière, l’acquisition de technologies innovantes, le développement de la recherche clinique et l’amélioration de la qualité de l’accueil des patients ne resteraient que des vœux pieux. • Sa politique scientifique, qui soutient les disciplines émergentes (bio-informatique, nouvelle imagerie scientifique et médicale, radiothérapie ultraprécise, etc.) et l’accueil des jeunes chercheurs motivés et entreprenants. • Le volume important de ses publications dans les meilleures revues scientifiques internationales, reflet en France et à l’étranger de l’excellence de ses équipes et de ses collaborateurs. Une étude récente vient d’ailleurs de placer le Centre de recherche de l’Institut Curie parmi les tout premiers au monde dans le domaine de la cancérologie1. • La grande compétence et la rigueur de ses médecins et chercheurs reconnues à titre individuel par des institutions prestigieuses. Ainsi, le « chasseur d’images scientifiques » Jean-Baptiste Sibarita vient d’être récompensé par la médaille de cristal du CNRS et, ce mois-ci, l’immunologiste Sebastian Amigorena sera reçu solennellement à l’Académie des sciences, le biologiste cellulaire Michel Bornens devrait se voir décerner le prix Alexandre-Joannidès de l’Académie des sciences et, à la généticienne Geneviève Almouzni, sera remis le Grand prix de la Fondation Simone et Cino del Duca de l’Institut de France. Pluridisciplinarité, dynamisme, qualité des travaux et excellence de toutes les équipes créent les conditions propices à l’innovation scientifique et permettent à l’Institut Curie de témoigner jour après jour de sa volonté de comprendre pour « prendre le cancer de vitesse ». h Actualités générales p. 3 A. Lescure/Institut Curie L’Unité de bio-informatique, « marché aux puces » de l’Institut Curie Une molécule antirejet contre la maladie de Huntington L’excellence, une condition nécessaire à l’innovation Noak/Le bar Floréal/Institut Curie ACTUALITÉS h Institut Curie reJIC66_4-7_BAT 6/06/06 12:22 Page 4 ACTUALITÉS ACTUALITÉS INSTITUT CURIE GÉNÉRALES ,MÉDICAMENT DIM/Institut Curie h L’imagerie médicale est l’examen clé pour diagnostiquer une tumeur musculaire ou du système nerveux chez l’enfant. 04, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE contre la maladie de Huntington au risque cancérogène Grâce à la molécule FK506, la protéine malade, la huntingtine (en rouge), devient moins toxique. À l’Institut Curie, des chercheurs du CNRS et de l’Inserm viennent de montrer qu’un médicament évitant le rejet des greffes pourrait également traiter la maladie de Huntington. Comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson, cette pathologie se caractérise par la mort prématurée des neurones. Chez les patients venant de subir une F. R. Source: The Journal of Neuroscience, février 2006. Rendre les cellules plus réceptives aux rayons n radiothérapie, pour améliorer l’action des rayons sur les cellules malades, les médecins utilisent parfois des molécules appelées radiosensibilisateurs. À l’Institut Curie, le radiobiologiste Vincent Favaudon et son équipe Inserm travaillent à mettre au point des substances qui sensibilisent les cellules à l’action destructrice des rayons. C’est en étudiant la Parp, une protéine intervenant dans la réparation et la réplication de l’ADN, qu’ils ont découvert que d’autres molécules ’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que les bénéfices de la pilule contraceptive l’emportaient sur les risques cancérogènes, précisant que « plusieurs de [nos] équipes évaluent régulièrement la sécurité et la balance risques-bénéfices des contraceptifs oraux. Elles en ont conclu que, pour la plupart des femmes, les bénéfices pour la santé excèdent clairement les risques. » L’OMS fait suite aux déclarations du Centre international de la recherche contre le cancer qui a annoncé, en juin 2005, que les pilules estroprogestatives devaient augmentent fortement le nombre de cassures de l’ADN constatées après irradiation. Cette découverte suggère que ces molécules pourraient être efficaces lors des radiothérapies des tumeurs en croissance rapide, c’est-à-dire celles dont les cellules connaissent un fort taux de division. La radiothérapie est utilisée dans le traitement de plus de la moitié des cancers, et les cas face auxquels elle a été inefficace sont encore trop nombreux. F. R. Source: Molecular Cancer Therapeutics, mars 2006. consacre une exposition à Pierre Curie, célèbre physicien disparu il y a tout juste cent ans. Le Panthéon, où reposent les cendres de Pierre et Marie Curie, célèbre au travers d’une exposition l’un des plus brillants physiciens français. À 20 ans, il découvre avec son frère la piézoélectricité (propriété toujours utilisée par nos montres à quartz, par exemple), en donne l’explication théorique (le « principe de Curie »), mène des expériences très délicates sur le magnétisme (« loi et température de Curie »), avant d’entrer dans la légende avec sa femme pour leur découverte de la radioactivité. Jérémy Lavalaye ,CANCER DU SEIN Les bienfaits du sport précisés ans un récent sondage1, 84 % des Français citent l’exercice physique comme moyen de lutte contre le cancer du sein. Preuve que les messages de prévention ne sont pas vains. Une équipe Inserm à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif) vient de définir plus précisément l’intensité, la fréquence et le type d’activité bénéfique contre le cancer du sein, afin d’aider les femmes à adapter leur comportement. L’étude2 démontre que le risque de cancer du sein diminue d’autant plus que l’intensité et la durée de l’activité sont importantes. Par exemple, les femmes qui déclarent plusieurs heures hebdomadaires d’activité soutenue (jogging, natation, tennis, vélo…) voient leur risque de cancer du sein diminuer de 38 % par rapport à celui des femmes peu ou pas sportives. Les auteurs de l’étude PIERRE CURIE, UN PRÉSENT POUR L’AVENIR H Le Panthéon être officiellement considérées comme des substances cancérogènes pour certains types de cancers, comme ceux du sein, du foie et du col de l’utérus. Par ailleurs, les représentants de sociétés savantes françaises ont tenu à souligner qu’après 40 ans, une méthode de contraception non hormonale peut être envisagée. Ils ont également rappelé que la pilule diminue de moitié le taux de cancer de l’endomètre et de l’ovaire. h «Pierre Curie, l’homme, le scientifique». Du 15 juin au 31 octobre, crypte du Panthéon, Paris 5e. D ,RADIOTHÉRAPIE E L EXPOSITION ACJC greffe, la molécule FK 506 permet de diminuer le risque de rejet. Or, d’après les chercheurs du laboratoire Signalisation intracellulaire et mort neuronale, elle permet également de bloquer la toxicité de la protéine mutante responsable de la maladie de Huntington. Les chercheurs ont pressenti le fort potentiel de cette molécule, au point de la tester rapidement comme traitement potentiel de la maladie de Huntington. Cette pathologie touche actuellement 6 000 personnes en France et les experts estiment que les porteurs du gène responsable de la huntingtine mutante, qui n’ont pas encore développé la maladie, sont deux fois plus nombreux, ce qui porte le nombre de malades actuels et potentiels à 18 000. Les résultats sont évidemment très attendus. CONFÉRENCES P. Lombardi/Institut Curie F. R. Source: European Journal of Radiology, 13janvier 2006. Pilule: des bénéfices supérieurs h Assurant leur mission de diffusion des connaissances, les médecins du Département d’imagerie médicale de l’Institut Curie ont tenu à faire le point sur les examens à réaliser pour établir un diagnostic des tumeurs des tissus mous, comme celles touchant les systèmes musculaires et nerveux des enfants. Après l’examen clinique, la radiographie et l’échographie permettent de déterminer avec fiabilité le caractère bénin ou malin de la tumeur. Dans certains cas, l’IRM (imagerie par résonance magnétique) peut se révéler nécessaire pour une évaluation plus fine. Cette étape diagnostique est indispensable pour décider s’il y a lieu, ou non, de pratiquer un prélèvement à l’aiguille afin de définir sans équivoque la lésion. Il est en effet crucial que le diagnostic de ces tumeurs soit d’emblée fiable pour que les médecins puissent orienter au plus vite l’enfant vers un centre assurant la prise en charge pluridisciplinaire indispensable aux traitements anticancéreux, et augmenter ainsi ses chances de guérison. EN BREF Une molécule antirejet R. Pardo/UMR146-Institut Curie COMMENT ÉTABLIR UN DIAGNOSTIC SANS ÉQUIVOQUE h EN BREF IMAGERIE MÉDICALE ,CONTRACEPTION Quelques heures hebdomadaires de sport et le risque de cancer s’éloigne, une étude de l’Inserm vient de le confirmer. soulignent que « même chez les femmes présentant des antécédents familiaux ou d’autres facteurs de risque de cancer du sein, la pratique régulière d’une activité physique soutenue favorise une baisse non négligeable du risque de cancer du sein. » J. L. 1. Étude TNS Sofres. 2. Cancer Epidemiology, Biomarkers & Preventions, janvier 2006. « CANCER, PARLONS-EN » Tout au long de l’année, la Maison des cancérologues de France propose au grand public des conférences sur le cancer. Au programme en juin : - le 13, « Les cancers cutanés : prévention et dépistage » ; - le 20, « Soigner son image, à l’écoute des hommes et des femmes » ; Après une interruption cet été, le cycle reprendra en septembre. h 83 bd Vincent-Auriol, Paris 13e. Renseignements et inscriptions: 08 11 46 03 03 – www.santea.com LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ,05 6/06/06 12:22 Page 6 FICHE PRATIQUE ACTUALITÉS GÉNÉRALES Dossier médical personnel : le futur carnet de santé numérique ,SOINS ESTHÉTIQUES «Le nombre de cancers induits par l’amiante ne cesse d’augmenter, malgré son interdiction en France, en 1997», souligne le rapport1 de la Mission d’information de l’Assemblée nationale sur les risques et les conséquences de l’exposition à l’amiante. Les experts proposent des recommandations sanitaires, médicales, techniques, juridiques et économiques afin qu’une telle situation ne se reproduise plus. Les pouvoirs publics ont mis en place plusieurs mesures parmi lesquelles le droit à un suivi médical personnalisé pour les personnes ayant été exposées à l’amiante et un renforcement des contrôles des bâtiments contenant de l’amiante. Enfin, en septembre 2005, les ministères chargés du Travail, de la Santé et de l’Écologie ont créé l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) pour notamment améliorer la prévention des risques auxquels sont exposés les professionnels qui interviennent sur l’amiante. 1. Disponible sur www.sante.gouv.fr Se réconcilier avec son corps, surtout à l’hôpital S. Laure/Institut Curie L’AMIANTE, TOUJOURS D’ACTUALITÉ S i la chimiothérapie et la radiothérapie sont des traitements de plus en plus efficaces, leurs effets secondaires, comme la perte des cheveux, des sourcils ou des cils, le changement de la qualité des ongles ou de la texture de la peau, constituent un écueil difficile à surmonter, tant physiquement que moralement. Afin de changer cette situation, quelques établissements de santé, dont l’Institut Curie, proposent des soins esthétiques ou des conseils. Leur objectif est de réconcilier la personne avec son corps, les soins esthétiques devenant un complément précieux du traitement médical. En effet, les malades expliquent que le temps d’un soin, ils se sentent des femmes ou des hommes à part entière. Des spécialistes (esthéticiennes, coiffeurs…) prodiguent, à l’hôpital ou à l’extérieur, des conseils pratiques sur les techniques de maquillage adaptées à la situation des malades, mais aussi sur les façons de nouer un turban, sur h EN BREF ENVIRONNEMENT Quand la maladie malmène le corps, prendre soin de soi peut être un réconfort, loin d’être anecdotique. le choix d’une perruque ou d’une prothèse mammaire. Ces initiatives, encore trop peu nombreuses, sont, en majorité, le résultat de démarches individuelles, associatives ou de mécénat. Leur développement apparaît pourtant vraiment nécessaire et est réclamé par le Plan cancer depuis trois ans. 06, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE prêts et aux assurances. Lancée en Rhône-Alpes, cette initiative baptisée « Pour une citoyenneté retrouvée » regroupe des volontaires formés à ces questions, des médecins et des courtiers d’assurance liés à l’association par une charte éthique. Le demandeur bénéficie d’une expertise anonyme et gratuite de sa situation et d’un accompagnement dans toutes les phases de sa recherche. Plusieurs centaines de dossiers ont déjà L’Institut Curie, hôpital pilote médicaux et d’y donner accès aux médecins qu’elle consulte. Le DMP devrait ainsi concourir à limiter les prescriptions redondantes, aider les médecins à éviter les interactions médicamenteuses… Aujourd’hui en cours d’expérimentation, le DMP doit encore surmonter quelques difficultés techniques et financières. Une fois généralisé, il devrait simplifier le parcours de soins du patient. Printemps 2006 : début de la phase d’expérimentation du dossier médical personnel unique. L’Institut Curie y participe avec d’autres établissements et des réseaux de soins, en collaboration avec un des hébergeurs habilités. Son hôpital est fort d’une expérience de plusieurs années sur la mise à disposition informatisée du dossier d’établissement auprès de ses médecins correspondants. Jérémy Lavalaye Le dossier médical personnel (DMP) est accessible à l’hôpital. Le personnel médical et soignant peut le consulter et le mettre à jour avec l’accord du patient. h Quelques contacts utiles: • La liste des douze centres de beauté Cew France implantés dans des hôpitaux: cew.asso.fr • Les Espaces rencontres et information (Eri) de la Ligue contre le cancer organisent des ateliers «beauté»: renseignements auprès des Comités départementaux de la Ligue. • L’Embellie, un magasin entièrement consacré aux femmes atteintes de cancer et à leur entourage, premier lieu du genre en France: 29 bd Henri-IV, Paris 4e. Tél.: 01 42 74 36 33. www.embellieboutique.com Une association qui assure onstruire un projet, acheter un logement, obtenir un prêt, autant de démarches dont sont trop souvent déboutées les personnes atteintes de cancer ou de pathologies à risques aggravés. Depuis seize ans, cette exclusion sociale est combattue par l’association Vivre avec. Créée par des malades, elle propose désormais un service d’information et de conseil par téléphone qui facilite l’accès aux L’informatisation du dossier médical personnel (DMP), prévue d’ici 2007, vise à favoriser la coordination et la continuité des soins et à améliorer, sous le contrôle du patient concerné, la communication des informations médicales entre les professionnels de santé qui le soignent. Le DMP, unique pour chaque personne, centralisera à terme l’ensemble des données médicales (comptes rendus de consultation ou d’opération, imagerie médicale…) et lui permettra, lorsqu’elle le souhaite, de consulter ses antécédents J. L. ,ACCÈS À L’EMPRUNT C DOSSIER MÉDICAL été traitées. Par ailleurs, signe que les choses évoluent face aux revendications des patients, des spécialistes de la protection des personnes comme SwissLife proposent des produits conçus exclusivement pour les personnes ayant eu un cancer1. J. L. 1. Lire aussi Le Journal de l’Institut Curie, mars 2006. L’archivage informatisé des informations médicales du patient est disponible sur Internet. Contrôle et sécurisation du DMP. Une procédure garantit la confidentialité des informations médicales de chacun, conformément aux droits des patients dans le domaine des données personnelles de santé. Le DMP est utilisable par d’autres médecins. Lors d’une consultation chez un autre médecin (un spécialiste, par exemple) ou en cas d’urgence lors d’un déplacement, ce dernier peut avoir accès aux informations médicales et les mettre à jour, toujours sous réserve de l’autorisation du patient. Le DMP est la propriété du patient. D’ici à fin 2007, chacun devrait pouvoir consulter son dossier informatisé1 depuis tout ordinateur relié à Internet (domicile, cybercafé, hôpital, etc.). À tout moment, le malade a la liberté (et est le seul à l’avoir) de donner accès à son dossier, de refuser ou de résilier ce droit. Il peut le déléguer au médecin qui le suit régulièrement. Seuls des professionnels de santé (médecins, soignants) peuvent être autorisés par le patient à accéder à son DMP. Un médecin désigné par le patient peut intervenir dans le DMP. Lors de chaque consultation, le DMP est complété par le médecin traitant. Cela lui donne une vue d’ensemble actualisée du parcours médical de son patient. 1. D’ores et déjà, le patient peut avoir accès au dossier détenu par tout acteur de santé (établissement hospitalier, cabinet médical, etc.) après en avoir fait la demande écrite. Le délai de mise à disposition est limité par la loi à un mois maximum. Illustrations : E. Lamoglia/Institut Curie reJIC66_4-7_BAT Philippe Rizand, directeur des Systèmes d’information et de l’Informatique à l’Institut Curie. h 0821 21 80 08 (0,12 euro TTC/min). LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ,07 reJIC66_8-15_SR4VD.qxd 6/06/06 12:24 Page 8 DOSSIER DÉCOUVRIR ET SOIGNER, LE TRANSFERT h Noak/Le bar Floréal/Institut Curie Les chercheurs côtoyant régulièrement des médecins sont naturellement amenés à « élargir leur horizon » vers les attentes des patients. « La recherche translationnelle est une passerelle entre les découvertes ou les inventions et les applications médicales. Elle repose sur la concertation entre médecins, chercheurs, ingénieurs, techniciens… Quand tous ces acteurs ont la chance de travailler dans un même environnement, comme c’est le cas à l’Institut Curie, les progrès s’en trouvent accélérés, au bénéfice des patients. 08, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE L e transfert, c’est le laboratoire qui se transporte dans le monde réel des malades », résume le Pr Thierry Philip, cancérologue et chercheur à Lyon1. Cependant, cette conversion n’est pas immédiate : ainsi, treize ans séparent la découverte de la pénicilline (1928) de sa première application (1941). Et ce n’est qu’après plusieurs étapes de perfectionnement que la première greffe de moelle osseuse – en 1957, à l’Institut Curie – a donné naissance à une véritable discipline désormais appelée immunothérapie. Mettre la science au service de l’homme De fait, la continuité de la recherche et du soin a toujours été à la base du fonctionnement de l’Institut Curie. Né sous ces doubles auspices (lire l’encadré ci-contre), il a évolué en restant fidèle à sa mission, inscrite à l’article 1 de ses statuts : « Mettre la science au service de l’homme pour l’aider à lutter contre les maladies, et tout particulièrement le cancer. » Mieux encore, la pluridisciplinarité joue « dans l’intérêt de la science et des malades ». Le Pr François Doz, pédiatre, le confirme : « Un anesthésiste-réanimateur orientera le chimiste et le physicien vers la mise au point de cathéters bactéricides [NDLR : pour limiter le risque de complications infectieuses lors d’une opération] ». Autre exemple, suggéré par Emmanuelle Deponge, chargée d’affaires à la Direction de la valorisation et des relations industrielles : « Il nous arrive d’élargir la portée d’un brevet sur les travaux d’un chercheur grâce à la participation d’un médecin dont l’horizon est orienté vers les patients. » « Le transfert ■ ■ ■ 1. Directeur du Centre régional de lutte contre le cancer Léon-Bérard (Lyon). Auteur de Vaincre son cancer, Éd. Milan. 2. Directeur de laboratoire à l’université Paris-VI et chef du Département d’immunologie à l’Hôpital européen Georges-Pompidou (Paris). Le 5e arrondissement de Paris, relais d’expériences Noak/Le bar Floréal/Institut Curie « Le transfert, c’est typiquement la mise au point d’un test de routine à partir d’une découverte », explique le Pr Hervé Fridman2, artisan en 1993 du premier laboratoire français de transfert en cancérologie, le laboratoire Garet, à l’Institut Curie. «Par exemple, grâce à des techniques sophistiquées, nous venons d’identifier une substance dans certaines tumeurs du côlon et du rectum retirées à des patients. Sa présence dans la tumeur est synonyme de bon pronostic pour le malade. Il nous faut désormais mettre au point un test d’analyse simple pour la rechercher chez les patients. Il faudra ensuite déterminer à partir de quelle quantité la présence de cette molécule est significative, s’assurer que le test est accessible et applicable par les médecins… L’avantage de l’Institut Curie dans cette étape est qu’il dispose sur place des bio-informaticiens et autres ingénieurs capables d’exploiter la masse de données générée.» En effet, en France, peu de structures peuvent faire le lien direct entre leurs chercheurs dans leurs laboratoires et leurs médecins au chevet des malades à l’hôpital. h LA LOGIQUE DU TRANSFERT Sur les hauteurs de la montagne Sainte-Geneviève, le quartier «savant» de Paris, chercheurs et médecins échangent pour le plus grand bénéfice des patients. Quand l’Université de Paris et l’Institut Pasteur décident, en 1909, d’implanter l’Institut du radium1 au cœur de Paris, ils prévoient deux laboratoires, l’un pour la recherche, l’autre pour l’application médicale. Le premier sera dirigé par Marie Curie, prix Nobel de physique 1903, le second par le radiobiologiste Claudius Regaud. Entre les deux, un jardin propice aux échanges féconds. Cet état d’esprit perdure, et c’est quotidiennement que chercheurs et soignants continuent à se rencontrer à l’Institut Curie. Tout comme au sein de l’association de la Montagne-Sainte-Geneviève, fondée en 1993 avec les fleurons de ce quartier parisien, pépinière de prix Nobel : après les Curie et Joliot-Curie, Pierre-Gilles de Gennes, Georges Charpak et Claude Cohen-Tannoudji. Physicochimiste à l’École supérieure de physique et chimie industrielle, Jean-Louis Viovy rejoint l’Institut Curie en 1995. « Je désirais mettre ma “boîte à outils” au service de la biologie médicale », avoue-t-il avec modestie. Il y trouve matière, et un écho enthousiaste de la part du Dr Dominique Stoppa-Lyonnet, du Service de génétique oncologique à l’Institut Curie, confrontée au diagnostic des prédispositions héréditaires au cancer du sein. Sans attendre, il met au point un outil moins cher, plus accessible et surtout cinq fois plus rapide que les pratiques usuelles. Une société, Fluigent, accélérera le transfert de la méthode. Si la validation en cours se confirme, la méthode pourra ainsi être utilisée en routine à l’hôpital dès 2007, réduisant le délai d’attente de réponse de deux mois à… une semaine ! Elle facilitera aussi la recherche de prédisposition à un cancer pédiatrique de l’œil, le rétinoblastome. M.-L. M. 1. L’Institut Curie naîtra plus tard de la fusion de l’Institut du radium et de la Fondation Curie créée en 1920. LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 09 reJIC66_8-15_SR4VD.qxd 6/06/06 12:24 Page 10 DOSSIER DOSSIER LE TRANSFERT LE TRANSFERT h A. Lescure/Institut Curie Nombreux sont les médecins qui, comme le Dr Olivier Delattre, rejoignent tous ceux qui œuvrent pour faire aboutir des programmes de recherche biomédicale, sans jamais oublier leur serment d’Hypocrate. Anatomopathologie Discipline médicale qui étudie les modifications de structure et de forme des tissus et des organes provoquées par une maladie. Génomique Étude des gènes. Protéomique Étude de l’expression des gènes, à l’origine des protéines, et de leurs interactions, permettant de mieux comprendre le fonctionnement de la cellule. 10, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ■ ■ ■ réunit deux mondes différents : celui des chercheurs, projetés dans l’avenir, et celui des médecins, happés par l’urgence du présent. Les uns travaillent sur les cellules ou sur des modèles de laboratoire, les autres sont sollicités par des patients… Et le dessinateur Plantu a habilement croqué cette discipline en glissant une souris de laboratoire dans un lit d’hôpital », relève Jean Paul Thiery, responsable du Département de transfert, développement technologique et préclinique créé fin 2003. Son objectif ? Donner un nouvel élan à cette étape de transition. Ses moyens ? Le partage fructueux des idées et des plates-formes technologiques de l’Institut Curie au service de projets portés conjointement par des médecins et des chercheurs. Augmenter la place du transfert s’impose à tous. Pour quatre raisons : > La médecine se «scientifise». Les moyens diagnostiques de la lutte contre le cancer – imagerie, biologie, anatomopathologie – et thérapeutiques – chirurgie, traitements médicaux et radiothérapie – sont « révolutionnés » par les disciplines en -ique: génomique, protéomique, physique, bioinformatique, robotique. GRÂCE À VOUS L’Institut Curie investit près de 9millions d’euros en 2006 Sur les 60 millions d’euros consacrés en 2006 à la recherche, la recherche translationnelle bénéficie de 9 millions. Depuis 2003 à l’Institut Curie, elle dispose d’un département structuré et doté d’un budget que lui envient les spécialistes français et européens. Ce dernier a d’ailleurs augmenté de 85 % en trois ans grâce à la générosité des donateurs. Les frais de « démarrage » liés aux gros équipements et aux aménagements des plates-formes technologiques en représentent encore près d’un quart. Ceci va sans compter le million d’euros issu des dons et legs qui, chaque année depuis 2003, permet aux médecins et infirmières de se réserver du temps pour développer des projets de recherche clinique, sans nuire à la prise en charge de leurs patients au quotidien. Bien analyser les cellules De nouvelles questions taraudent les scientifiques. Que dérègle ce gène dans la cellule? Peut-on trouver une parade ? C’est typiquement le genre de sujets explorés par la plate-forme Biophenics. Parfois, on arrive à neutraliser les cellules cancéreuses grâce à des protéines issues du ou des gène(s) « malade(s) ». Le cas d’école est la protéine ErbB2, un récepteur membranaire en surnombre dans 25 % des cancers du sein. La contre-attaque existe : un médicament appelé trastuzumab (connu sous le nom commercial d’herceptine). Un missile ciblé, efficace chez de nombreuses patientes, mais… inefficace chez d’autres. L’avenir du médicament s’est joué, on le voit, grâce à la bonne analyse des cellules des patientes afin de les associer ou non aux essais cliniques ! Le rôle de la recherche translationnelle est d’optimiser cette classification. De même que l’identification des microbes a boule- 3. Cofondateur en 1998 de l’Unité « Pathologie moléculaire des cancers », dirigée par le Dr Olivier Delattre. 4. Lire le dossier thématique « La traque des micrométastases » (vente par correspondance). À l’Institut Curie, la biologie est tellement intégrée à la pratique médicale dans la prise en charge du neuroblastome (un cancer de l’enfant) que la pédiatre Gudrun Schleiermacher a tout naturellement tenu à faire sa thèse dans le laboratoire du Dr Olivier Delattre. « Savoir comment traiter les tumeurs pédiatriques implique de connaître les derniers résultats de la recherche, explique-t-elle. Le neuroblastome touche surtout des enfants de moins de cinq ans. Il se loge dans l’abdomen, le cou, le thorax. Il peut être agressif ou régresser spontanément. Il peut aussi resurgir loin de la tumeur initiale quelques années après alors que l’enfant semble guéri. On voudrait tant comprendre les liens entre les paramètres biologiques et les caractères cliniques. » L’un d’entre eux a déjà été découvert. C’est la répétition anormale – plus de cent copies au lieu de deux –, d’un gène appelé n-myc. D’autres signatures génétiques, encore à l’étude, pourraient compléter l’information. « L’objectif du transfert est de pouvoir explorer le génome des cellules tumorales avec la G. Schleiermacher & coll./U509 Inserm-Institut Curie Une « désescalade thérapeutique » grâce aux traitements sur mesure h Micrométastases Cellules isolées qui peuvent constituer les signes précurseurs de métastases, c’est-à-dire de foyers cancéreux secondaires. Les scientifiques sont désormais capables d’en détecter une parmi un million de cellules dans le sang et la moelle osseuse ! Cela devrait permettre de surveiller le risque de récidive ou l’efficacité d’un traitement. Depuis que l’on sait que les cancers prennent naissance dans nos gènes – même s’ils ne sont que rarement héréditaires – et depuis que le génome humain a été séquencé, la carte d’identité génétique des cancers est le Graal de l’oncologue. En identifiant tous les gènes en cause et leurs anomalies, elle révolutionne la logique actuelle de classification des tumeurs, parfois aussi leur évaluation pronostique et le choix thérapeutique. Prenons l’exemple du sarcome d’Ewing, un cancer rare survenant chez l’enfant et le jeune adulte, d’origine le plus souvent osseuse. Sa « signature » génétique a été identifiée en deux étapes à l’Institut Curie par des médecins convertis à la recherche. En 1983, le cytogénéticien Alain Aurias3 découvre la cause de ce cancer, un remaniement spécifique entre deux chromosomes qui fusionnent. Moins de dix ans plus tard, le pédiatre Olivier Delattre identifie le gène né de cette fusion. Des ingénieurs mettent alors au point une méthode de détection de ce gène. Elle est désormais utilisée pour poser tout diagnostic du sarcome d’Ewing. Belle réussite de transfert parmi d’autres. Aujourd’hui, l’Institut Curie est également le centre de référence pour la détection dans le sang et la moelle osseuse des micrométastases de cette tumeur4. Reconnaître les anomalies génétiques de chaque tumeur permet d’offrir aux patients des traitements mieux adaptés. plus grande résolution possible », résume le Dr Olivier Delattre. « Et en une seule étape, ajoute Gudrun Schleiermacher. Quand un test fiable permettra de préciser si l’évolution sera grave ou non, on écartera d’emblée le traitement lourd et ses risques de séquelles pour 85 % des enfants atteints de neuroblastome ! », espère cette jeune pédiatre. Son vœu est raisonnable, car une telle désescalade est déjà amorcée face à certaines tumeurs du cerveau (les gliomes)1 par exemple. M.-L. M. 1. Lire Le Journal de l’Institut Curie, mars 2006. versé la classification des maladies infectieuses, la génomique est un des outils qui permettent de faire la différence entre certaines tumeurs longtemps confondues avec d’autres. «Nous nous situons entre la découverte de Louis Pasteur et l’usage Mieux classer les tumeurs des antibiotiques», explique le Pr Thomas pour personnaliser Tursz, directeur de l’Institut GustaveRoussy (Villejuif). les traitements Dans l’Unité du Dr Olivier Delattre à l’Institut Curie, on a récemment montré que les pertes concomitantes de parties de chromosomes sont un facteur de très bon pronostic dans les cancers du cerveau (gliomes). Le test est désormais « transféré » puisque ■ ■ ■ LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 11 reJIC66_8-15_SR4VD.qxd 6/06/06 12:24 Page 12 DOSSIER DÉCRYPTAGE LE LES TRANSFERT 12-25 ANS BREVET Le brevet, ange gardien de l’invention Le brevet d’invention est le moyen le plus sûr de protéger une invention contre le vol. C’est une arme économique qui protège l’inventeur et son employeur, leur assure des revenus et prouve leur dynamisme dans le domaine de l’innovation. Ce contrat conclu avec l’État leur garantit un monopole d’exploitation temporaire, en échange de la publication de l’invention. Gros plan sur les différentes étapes qui permettent de breveter une innovation médicale. e dépôt d’un brevet permet de protéger l’exploitation des inventions issues de la recherche fondamentale, de transfert ou clinique, tout en préservant le droit des inventeurs et des institutions impliquées. En échange, le brevet contribue à organiser la diffusion, l’utilisation, le développement et l’exploitation commerciale des inventions. Pour qu’une invention soit déclarée brevetable par les autorités compétentes, il faut qu’elle réponde principalement à trois critères : • La nouveauté. Originale et novatrice, l’invention ne doit pas avoir été dévoilée par quiconque. • L’inventivité. Un spécialiste ne doit pas pouvoir déduire ou « réinventer » l’invention de façon évidente à partir de ses connaissances et de ce qui est déjà en vue. Une invention n’est pas la découverte d’un élément biologique qui, à la différence d’une invention, existe, qu’il ait été découvert ou qu’il soit encore méconnu. • L’application industrielle. L’invention doit avoir au moins une application concrète. 1 2. Expertise. Des experts déterminent si l’invention répond aux critères de brevetabilité et vérifient qu’elle n’est pas déjà connue du public. Ils réfléchissent aussi aux besoins auxquels répondrait l’invention et aux pays concernés. h L A. Lescure/Institut Curie 1. Invention. Un scientifique ou une équipe mettent au point un nouveau procédé technique résultant d’une invention. Afin de limiter au maximum les effets secondaires, les patients les moins graves peuvent aujourd’hui bénéficier de traitements moins lourds. La désescalade thérapeutique est l’un des objectifs des cancérologues comme le Dr Gudrun Schleiermacher. 2 Brevetables? Non brevetables? EN EUROPE, SONT BREVETABLES : g Les produits chimiques, biologiques, etc. ; g Les procédés de purification, de préparation, de sélection, etc. ; g Les applications : produits ou procédés connus mais « dédiés » à une nouvelle application, thérapeutique par exemple. 4 NE SONT PAS BREVETABLES : g Les découvertes ; g Les créations esthétiques ; g Les inventions contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs ; g Les logiciels ; g Les variétés végétales, les races animales et les procédés essentiellement biologiques pour obtenir des végétaux ou des animaux ; g Le corps humain, ses éléments, ses produits, son clonage et l’utilisation d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales. 5 > Des plates-formes de haute techno- 4. Publication du brevet. Elle survient dix-huit mois après le dépôt de la demande de brevet. C’est une publication accessible à tous, comme un journal scientifique. 5. Diffusion de l’invention. Même brevetée, une invention reste utilisable librement à des fins de recherche. En revanche, son exploitation commerciale est sujette à des accords (cession de licences, etc.). Pendant vingt ans maximum, l’invention est ainsi protégée de toute concurrence industrielle. Le brevet tombe ensuite dans le domaine public. L’invention peut alors être librement exploitée à des fins commerciales (par exemple, les médicaments génériques). GRÂCE À VOUS Illustrations : E. Lamoglia/Institut Curie 3 Jérémy Lavalaye 3. Demande de brevet. Elle décrit l’invention, définit le périmètre du monopole souhaité (activité diagnostique et/ou pronostique et/ou thérapeutique) et les pays concernés. Pendant une année, les inventeurs peuvent conforter leur procédé avec de nouveaux résultats. Il est aussi possible d’étendre la zone géographique de demande de brevet. La recherche d’entreprises intéressées par l’invention peut être lancée. FLORENCE LAZARD, DIRECTEUR DE LA VALORISATION, INSTITUT CURIE. LE JOURNAL DE 12 , L’INSTITUT CURIE utilisé depuis cette année en neuro-oncologie à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière. Autre exemple d’actualité : à la lumière de la découverte d’une nouvelle signature génétique, des spécialistes des sarcomes (cancers de la « charpente » du corps : os, muscles…) des centres de lutte contre le cancer français réévaluent les différentes tumeurs des tissus mous. Outil de diagnostic et de pronostic, ce gène est également la cible de deux nouveaux candidats-médicaments actuellement en cours d’essais cliniques. ■■■ logie sont indispensables. Elles sont de plus en plus nombreuses. Ainsi, au Centre Léon-Bérard à Lyon, un institut de chirurgie expérimentale a ouvert ses portes il y a tout juste un an pour mettre au point, grâce à l’imagerie médicale, des techniques chirurgicales plus efficaces et moins invasives, comme la destruction de tumeurs du foie en empruntant les vaisseaux sanguins ou par ultrasons. À l’Institut Curie, la plate-forme Biophenics, le fleuron du Département transfert installé en mai 2005, a coûté près d’un million d’euros. « C’est le prix à payer pour analyser d’énormes ■ ■ ■ L’efficacité des perles de cristal La jeune association Les Bagouz’ à Manon met toute son énergie pour faire avancer la recherche sur le neuroblastome. En fabricant et vendant des bijoux en perles de cristal, elle a rassemblé 17 000 euros en 2005, au profit du laboratoire Pathologie moléculaire des cancers dirigé par le Dr Olivier Delattre et spécialisé notamment dans ce cancer de l’enfant. Ces fonds ont permis de financer un poste d’attaché de recherche clinique, indispensable pour que les essais cliniques, étape succédant au transfert, soient menés dans de bonnes conditions. D’ores et déjà, un nouveau versement est prévu d’ici la fin 2006 afin de poursuivre cet élan. Rappelons qu’Anne Herbert a créé cette association en janvier 2005, après le décès de sa fille Manon, survenu deux ans plus tôt, des suites d’un cancer. C’est en se souvenant de la passion de sa fille pour les perles qu’Anne Herbert a eu cette idée. « Elle voulait monter un stand de bagues devant la bijouterie de ses grands-parents », raconte Anne. Depuis, avec sept mères d’enfants dont certains ont connu la maladie, elle fabrique ces bijoux, les vend dans des entreprises ou lors d’événements organisés en particulier par l’Institut. Devant le succès rencontré, l’association envisage même d’organiser des ventes à domicile. Jérémy Lavalaye h Les Bagouz’ à Manon 06 08 01 00 90 Vente en ligne: www.lesbagouzamanon. medicalistes.org LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 13 reJIC66_8-15_SR4VD.qxd 6/06/06 12:24 Page 14 DOSSIER DOSSIER LE TRANSFERT LE TRANSFERT quantités de données », prévient Jacques Camonis, médecin-chercheur, pilote et cofondateur avec Franck Perez de cette plate-forme. En tant qu’outil de recherche fondamentale, elle permettra de découvrir le rôle d’un gène dont l’altération mène au cancer, ou celui d’une molécule sur les fonctions cellulaires liées au cancer: multiplication, mobilité, perte de spécialisation, etc. Les premières molécules étudiées seront bien sûr celles disponibles dans la chimiothèque de l’Institut Curie, qui compte 8000 substances chimiques candidats-médicaments. Biophenics permettra, par ailleurs, de valider une piste thérapeutique ou de sonder les effets secondaires d’un candidat-médicament. Deux robots à haut débit se partagent cette activité dite postgénomique. ■■■ > L’importance de la générosité publique et de l’investissement privé. Le transfert se situe entre la recherche fondamentale, financée majoritairement par l’État, et la recherche clinique, dépendante du secteur privé industriel. En 2006, l’Institut Curie lui dédie plusieurs millions d’euros grâce à ses donateurs (lire p. 10), et établit des partenariats avec des industriels (Affymetrix, Servier, etc.). Il assure également un soutien stratégique En Europe, plusieurs institutions ont fait de la recherche translationnelle une priorité de la recherche contre le cancer. Ainsi à Stockholm, en Suède, à Heidelberg, en Allemagne ou à Londres, en Angleterre, des centres de recherche de haut niveau, en partenariat étroit avec des services hospitaliers, connaissent de beaux résultats de diffusion des découvertes. Une voie qui a donc fait ses preuves et dont l’Institut Curie fut un précurseur. aux start-up, quatre jeunes entreprises nées de la synergie entre chercheurs et médecins de l’Institut Curie. La création de start-up permet de lever des fonds chez des investisseurs pour assurer le développement nécessaire et accélérer la mise au point d’outils d’analyse, de diagnostic ou de pronostic, de médicaments… Sans ces leviers, les objectifs ne resteraient que des rêves. Il en est ainsi de Fluigent (lire encadré p. 9) et DNATherapeutics, deux start-up dont la dernière est née d’un programme financé par les donateurs de l’Institut, qui rappro- 50000 échantillons au profit de la recherche LE JOURNAL DE 14 , L’INSTITUT CURIE cible et d’imaginer un médicament potentiel… Actuellement indépendantes et réparties dans différents hôpitaux, leur accréditation et leur centralisation « virtuelle » – réseaux, catalogues communs – sont en cours au niveau local et national. Celle de l’Institut Curie, sans doute la plus importante en France dans le domaine de la cancérologie, contient plus de 50 000 échantillons liés aux pathologies cancéreuses. Elle s’enrichit chaque année de près de 3 000 échantillons : tissus tumoraux et tissus sains (pour les comparaisons), plasmas, sérums, moelles osseuses, cellules, matériels génétiques, etc. M.-L. M. h Même après leur traitement, des patients participent encore à la recherche. Conservés dans les centres de ressources, des fragments de leur tumeur opérée permettent, avec leur accord, d’imaginer des tests de diagnostic ou de pronostic innovants ou de nouvelles stratégies de traitement. C. Charré/Institut Curie À l’occasion d’un geste chirurgical, les tumeurs sont analysées par l’œil expert des anatomo-pathologistes afin de poser un diagnostic biomédical immédiat. Dans la mesure du possible, un fragment de tissu est conservé au froid pour d’éventuelles analyses complémentaires qui pourraient se révéler nécessaires au cours de l’évolution de la maladie. Avec le consentement du patient, une partie de ces échantillons peut également servir à des travaux de recherche. Annotés d’informations cliniques, les produits biologiques dérivés des échantillons sont précieux. La traçabilité de ces spécimens, depuis leur collecte jusqu’à leur préparation, leur qualité ainsi que celle des données médicales qui leur sont associées font la richesse d’une biobanque. Les différentes collections (ou -thèques) sont un élément clé du transfert. Elles permettent de mieux comprendre les mécanismes du cancer, ses origines génétiques, de découvrir une nouvelle cha en 2001 la biologiste Marie Dutreix, spécialiste génétique de la rétine. « C’est difficile de faire le de la réparation de l’ADN, et le Pr Jean-Marc Cosgrand écart entre la cellule et les soins thérapeuset, chef du Département de radiothérapie. Les radiotiques ou palliatifs », avoue le Dr Sophie Pipernothérapeutes ont soulevé un problème: la «radioréNeumann, spécialiste du mélanome choroïdien, la sistance », qui désigne l’insensibilité tumeur oculaire la plus fréquente et qui Favoriser de certaines tumeurs à la radiothérapie. s’étend une fois sur deux au foie. Marie Dutreix a apporté sa solution: des le partage des idées « Alors qu’ensemble, on se pose les «appâts» qui neutralisent les enzymes bonnes questions », rassure-t-elle. On et des outils de réparation du génome, celles-là la croit volontiers. Avec le Dr Jérôme même qui font échouer la radiothérapie (lire aussi Couturier, cytogénéticien, et grâce aux fragments p. 4). Testée chez l’animal, l’injection d’appâts moléde tumeur conservés à l’Institut Curie (lire encaculaires juste avant la radiothérapie équivaut à muldré ci-contre), le trinôme vient de mettre au jour tiplier par dix la dose d’irradiation sans dommage une nouvelle piste. Affaire à suivre… pour les cellules saines alentours. Une formidable Qu’elle soit fondamentale ou clinique, la recherche piste que la société espère transformer rapidement puise sa force dans la pluridisciplinarité. Quand une en essai clinique. institution comme l’Institut Curie lui installe des passerelles, cela ne peut aller que mieux. > Un espace de concertation est nécessaire pour renforcer et accélérer le transfert. « Le Marie-Laure Moinet chercheur veut comprendre, le médecin veut soigner », rappelle Simon Saule5, spécialiste de la 5. Chef de l’équipe « Régulations cellulaires et oncogénèse » CNRS-Institut Curie. H Quand le transfert s’empare d’une découverte, c’est que ses experts ont pressenti une application médicale. Ils donnent ce coup de pouce afin d’arriver plus vite à imaginer des essais cliniques organisés avec la participation des patients et grâce, parfois, à l’intervention de partenaires industriels. Face au cancer : le transfert en Europe A. Lescure/Institut Curie h LA RECHERCHE CLINIQUE, OBJECTIF DU TRANSFERT En France, peu de structures peuvent tisser des liens directs entre chercheurs et médecins comme le fait l’Institut Curie. Et pourtant, cela représente sans doute l’un des meilleurs modèles à suivre afin que les découvertes soient le plus rapidement possible transposées en médecine. LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 15 reJIC66_16-19_SR3VD 6/06/06 12:25 Page 16 ENTRE NOUS ENTRE NOUS INITIATIVES INITIATIVES ,ÉVÉNEMENT VOTRE FONDATION L’Institut Curie dispose de l’expertise, des structures et des ambitions nécessaires pour « prendre le cancer de vitesse ». La continuité de la recherche et des soins dans un même lieu, unique en son genre, stimule l’innovation, favorise les échanges et le travail commun des chercheurs, médecins et soignants pour accélérer la mise à disposition des nouveaux traitements aux patients. Notre volonté de progresser est encouragée par le soutien et la générosité de nos donateurs, testateurs et partenaires. LES JONQUILLES ONT FLEURI POUR FAIRE RECULER LE CANCER ,RUGBY L. Martines/Institut Curie LE XV DE FRANCE AUX CÔTÉS DE L’INSTITUT CURIE CONTRE LES CANCERS DE L’ENFANT LE JOURNAL DE 16 , L’INSTITUT CURIE M. Hantz h tourné avec l’équipe de France de rugby à Marcoussis, et l’acteur Christophe Malavoy lui a bénévolement prêté sa voix. Le message a été diffusé gracieusement plus de 150 fois à la télévision, puis dans les salles de cinéma des réseaux UGC et MK2-Gaumont. Le spot radio, également enregistré par Christophe Malavoy, est passé plusieurs centaines de fois sur les ondes. Les magasins Sport 2000 ont aussi participé à l’opération en distribuant des coupons d’appel au don. L’intégralité des fonds collectés participera au financement de la recherche en pédiatrie à l’Institut Curie. h C. Charré/Institut Curie P. Lombardi/Institut Curie Grâce à la générosité des donateurs, ce sont près de 80 000 euros qui vont contribuer à soutenir la lutte contre le cancer. P. Derewiany Parce qu’il faut rester positif face à la maladie, l’opération « Des jardins pour la Vie, une Jonquille pour Curie » était ponctuée d’animations festives. h 80 009 spectateurs ! Le Stade de France a battu son record d’affluence lors de la rencontre France-Angleterre du Tournoi des VI Nations. Un match de choix, joué au profit de l’Institut Curie. Sous la clameur du public, le jeune Clément, 12 ans, soigné à l’Institut Curie, accompagné du capitaine de l’équipe de France de handball, Jackson Richardson, a apporté le ballon ovale pour le coup d’envoi. Tout a commencé lorsque la Fédération française de rugby a choisi de s’associer à l’Institut Curie. Le mythique Stade de France a ensuite rallié la cause, ainsi que d’autres partenaires comme la Société générale, Truffaut et le groupe France télévisions. Les joueurs du XV de France ont marqué leur engagement en arborant sur leur maillot une jonquille, symbole de la lutte contre le cancer. À plusieurs occasions, le présentateur du Stade de France, Marc Maury, a invité les spectateurs à télécharger une jonquille sur leur mobile ou à faire un don au profit de l’Institut Curie. Celui-ci souhaitait faire connaître au plus grand nombre son objectif, « Gagner le match contre les cancers de l’enfant ». Un spot TV a donc été Clément, 12 ans, soigné à l’Institut Curie, était soutenu par le handballeur Jackson Richardson pour donner le coup d’envoi de ce match de rugby, joué en faveur de l’Institut Curie. Découvrez les spots « Ensemble, h gagnons le match contre les cancers de l’enfant », les coulisses du tournage et tous les partenaires sur le site Internet : rugby.curie.fr e mois de mars est celui du printemps, mais aussi celui de l’Institut Curie. Du 22 au 26 mars dernier, le Panthéon s’est paré de jaune et de vert, invitant chacun à cueillir, en échange d’un don, une jonquille, symbole de l’espoir dans la lutte contre le cancer. Cette troisième édition « Des Jardins pour la Vie, une Jonquille pour Curie » a ravi ses fidèles. Pour la première fois, la fête se déroulait sur cinq jours. La journée inaugurale, un mercredi, était naturellement dédiée aux enfants. Les visiteurs ont voyagé à travers le temps dans les quatre « Jardins pour la Vie » : des chaises longues comme en plein été, des vignes bordelaises, synonyme de vendange automnale, des sapins enneigés pour l’hiver, et bien sûr les quelque 60 000 jonquilles de printemps. « C’est un moment exquis pour une cause des plus importantes, cet événe- L ment est magique et donne encore plus envie de se mobiliser », confie Josiane, fidèle soutien de l’Institut Curie. Et de poursuivre : « L’année prochaine, pour compléter mon obole, je serai bénévole. » Près de 80 000 euros ont été collectés, en incluant les sommes reversées par les magasins Truffaut de toute la France qui vendaient en parallèle des jonquilles au profit de l’Institut. Les fonds ont été affectés à la plate-forme d’imagerie scientifique de l’Institut qui doit s’équiper d’un microscope dit confocal, une technologie de pointe qui permet de s’affranchir des limites de la microscopie classique pour obtenir une image plus précise que jamais. Cette année encore, « Des Jardins pour la Vie, une Jonquille pour Curie » ont permis une mobilisation contre le cancer dans l’espoir. Rendez-vous l’année prochaine… LE JARDIN EN LIGNE Ceux qui n’ont pu se déplacer peuvent toujours visiter le jardin virtuel et le fleurir de jonquilles, au prorata du don qu’ils souhaitent faire au profit de la recherche contre le cancer. h jonquille.curie.fr GÉNÉROSITÉ Partenaires Ces entreprises et institutions soutiennent l’Institut Curie : Truffaut, Monum, SwissLife, RATP, Aéroports de Paris, Zelphis, Lu. Clémence Musa LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 17 reJIC66_16-19_SR3VD 6/06/06 12:25 Page 18 ENTRE NOUS ENTRE NOUS INITIATIVES RÉTROSPECTIVE , IL Y A 100 ANS ,HISTOIRE D’UN SOUTIEN APRÈS LE DEUIL, MARIE CURIE, LA PREMIÈRE EN BREF MAINE-ET-LOIRE LA « COURSE DE TIMO » CONTRE LES CANCERS DE L’ENFANT À vos chaussures de sport ! Le 2 juillet prochain, à Seichessur-le-Loir (Maine-et-Loire), se déroulera une grande manifestation sportive afin de récolter des fonds au profit de P. Lombardi/Institut Curie Propos recueillis par Jérémy Lavalaye h Réagir BP 7- 25430 Sancey [email protected] chanteuse lyrique Cécile Éloir, et l’Orchestre à cordes de la Garde républicaine ont apporté leur soutien à l’Institut Curie, le 18 mars dernier. Leur émouvante interprétation du Concerto pour violon en mi majeur de J.-S. Bach et du Stabat Mater de Pergolèse a généré une recette d’un peu plus de 4 100 euros reversés au profit de l’Institut. h LA FERTÉ-SOUS-JOUARRE PARIS UNE GRANDE VOIX POUR L’INSTITUT CURIE En l’église Saint-Étienne-duMont à Paris, l’association Lyre et Muses, sous l’impulsion de la LE JOURNAL DE naires financiers. Nous sommes en contact avec de grands patrons de l’horlogerie suisse : ils pourraient financer la bourse d’études d’un doctorant qui effectuera sa thèse à mi-temps entre Bâle (Suisse) et Paris à l’Institut Curie. Je sais bien que notre contribution reste minime face aux besoins réels de la recherche, mais je garde ce sentiment que “des petits ruisseaux, naissent les grandes rivières”. » la recherche sur les tumeurs cérébrales de l’enfant, menée à l’Institut Curie. Soutenus par les élus locaux, des athlètes de haut niveau et de nombreux partenaires, Carole et Jean-Michel Durand lancent un appel à tous les sportifs pour participer à cette course en mémoire de leur fils Timothé, décédé à l’âge de six ans, en juillet 2005. Inscription: assoc.wanadoo.fr/ marathonduloir/ contacts/timo/timo1.htm 18 , L’INSTITUT CURIE Thierry Sauvanet n’a de cesse de poursuivre le combat contre le cancer, en soutenant l’Institut Curie. LA 4E VENTE AUX ENCHÈRES RAPPORTE 25 000 EUROS Dimanche 2 avril, 14 h 30, à la mairie de la Ferté-sousJouarre, en Seine-et-Marne, le marteau de maître Bardin résonnait pour la quatrième vente aux enchères que ce commissaire-priseur organisait au profit de l’Institut Curie. Comme le souligne le triple champion olympique Jean-Claude Killy, parrain de l’opération, « les pièces et documents proposés ont justifié les très beaux coups de cœur ». En effet, parmi tous ces lots, des souvenirs d’événements sportifs exceptionnels tels que le maillot de champion du monde de cyclisme Louison Bobet, le film officiel en 35 mm du match de football France-Italie de 1948, ou le Pedestrian, statuette en régule de la fin du XIXe siècle. Avec les 35 000 euros déjà reversés à l’Institut Curie grâce aux ventes précédentes, les 60 000 euros sont maintenant dépassés. Novembre 1906, dans un modeste amphithéâtre de la Sorbonne se déroulait un événement historique pour les femmes et la science : Marie Curie prenait la relève de son mari Pierre Curie. Une femme enseignait pour la première fois à la Sorbonne. n traversant la rue Dauphine à Paris, le 19 avril 1906, Pierre Curie meurt renversé par un camion à chevaux. Sa veuve, Marie Curie, physicienne nobelisée, est choisie pour prendre sa succession à la Sorbonne. Elle donne son cours inaugural le lundi 5 novembre 1906. Une étudiante témoignera plus tard : « Dès avant midi, plusieurs centaines de personnes s’attroupaient sur la place de la Sorbonne devant les grilles closes. On les avait ouvertes vers une heure, le public s’était rué et, en cinq minutes, l’amphithéâtre de physique était archicomble. Les portes avaient été refermées, et une foule imposante attendait patiemment devant elles qu’un miracle se produisît ; mais il n’y eut pas de miracle : les haut-parleurs n’existaient pas encore ! Pendant tout le cours, le public se montra attentif, déférent, et même profondément ému. On y voyait des gens du monde, des artistes, des reporters, des photographes, des personnalités françaises et étrangères, beaucoup de jeunes femmes de la colonie polonaise, et aussi quelques étudiants. (…) Mme Curie avait exprimé le désir que son installation se fît sans apparat. À l’heure dite, elle entra, presque furtivement ; une énorme ovation la salua. Elle nous apparut très pâle, le visage impassible, toute mince dans sa robe noire. (…) Marie Curie, d’une voie nette, toute unie, prononce simplement ces mots, qui reprennent le cours de Pierre Curie à l’endroit où il l’a laissé: «Lorsqu’on envisage les progrès qui ont été accomplis en physique depuis une dizaine d’années, on est surpris du mouvement qui E s’est produit dans les idées sur l’électricité et sur la matière... » Dans le recueillement général, Marie Curie poursuit son cours ; son débit, un peu précipité au début par une émotion qu’elle contenait de toute sa volonté, devient plus lent (…) ; les plus profanes sont émerveillés. » 1 Et ils avaient de quoi ! Pour la première fois, la Sorbonne accueillait une femme parmi ses Maîtres. Marie Curie a ouvert une nouvelle voie pour les femmes : celle de l’enseignement supérieur et de la recherche. ACJC C également : le capitaine de l’équipe de football de Sochaux, Mickaël Isabey, et le champion de France de cyclocross, Francis Mourey, sont les deux parrains de notre association. Toute l’année, nous collectons des fonds sur des marchés, des foires… Dans notre région, les cérémonies religieuses qui ponctuent la vie sont autant d’occasions de soutenir notre association. Nous organisons aussi des soupers dansants dont les bénéfices sont entièrement reversés à Réagir. En deux ans, grâce à ces manifestations familiales et locales, nous avons déjà versé plus de 45 000 euros au profit de la lutte contre les cancers de l’enfant, menée à l’Institut Curie. Afin d’aller plus loin, nous sommes à la recherche aujourd’hui de nouveaux parte- À LA SORBONNE h omment réagir lorsque l’on perd son fils âgé de six ans ? Sans cesse, nous nous sommes posé cette question, consciemment et inconsciemment, après le départ de notre Quentin, mort d’un cancer des glandes surrénales en septembre 2003. Avec ma femme, nous ne voulions pas baisser les bras. Nous avons alors décidé de poursuivre le combat que nous avions déjà mené à ses côtés, en créant l’association Réagir. Elle s’est fixée pour mission de lutter contre les cancers pédiatriques aux côtés de l’équipe de recherche du Dr Olivier Delattre à l’Institut Curie. Aujourd’hui, notre association compte plus de 500 membres et mobilise nombre de personnes. Je suis heureux de voir que même les jeunes se sentent concernés. Des sportifs célèbres nous accompagnent « PROFESSEURE » « Lorsqu’on envisage les progrès qui ont été accomplis… » C’est par ces mots que Marie Curie reprit, à la Sorbonne, le cours que son mari décédé avait laissé en suspens. Nathalie Huchette, Musée Curie, Institut Curie h Lire aussi : 1. « 50e anniversaire du cours de Marie Curie à la Sorbonne », Revue des Sévriennes, 1957, Archives du Musée Curie. Marie Curie, portrait intime d’une femme d’exception, de Barbara Goldsmith, Éd. Dunod, juin 2006, coll. « Quai des Sciences ». EXPO IRÈNE CURIE, UNE FEMME AUX MULTIPLES ENGAGEMENTS Le 17 mars 1956, Irène Curie décède. La France lui réserve des obsèques nationales. Elle était l’« héritière » de son père, Pierre Curie, et de sa mère, Marie Curie. Elle aussi Prix Nobel et directrice du laboratoire de physique et de chimie à l’Institut Curie, mais également sous-secrétaire d’État à la Recherche scientifique, commissaire à l’énergie atomique et professeur à la faculté des sciences. À l’occasion du cinquantième anniversaire de sa disparition, une exposition photographique lui rend hommage. ACJC « h Président de l’association franc-comtoise Réagir, Thierry Sauvanet témoigne de son investissement pour la recherche sur les cancers de l’enfant menée à l’Institut Curie. B. Orny/Réagir POURSUIVRE LE COMBAT h Exposition en plein air : du 15 juin au 30 juillet 2006, angle des rues d’Ulm et Pierre-et-Marie-Curie, Paris 5e. LE JOURNAL DE 19 , L’INSTITUT CURIE