théâtre - Scènes Magazine
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scènes seula la mer au théâtre forum meyrin et en tournée magazine photo Catherine Monney ISSN 1016-9415 260 / mars 2014 CHF. 10.-- 7 € s o m m a i r e 6 cinéma 6 8 9 10 11 12 16 16 16 17 18 18 19 cine die : livres de cinéma / raymond scholer cinémas du grütli / christian bernard sous la loupe : abus de faiblesse / christian bernard cinémathèque suisse en mars / raymond scholer gérardmer : festival de films fantastiques / d. leroy, c. fry les films du mois / christian bernard, serge lachat brèves : décès de miklos jancso & l’orgue fait son cinéma / s. lachat brève : le manuscrit trouvé à saragosse / christian bernard brèves : les sorties dvd / christian bernard les journées de soleure / emmanuèle rüegger fifdh, festival des droits humains / christian bernard brève : festival de film de fribourg / tuana gökçim toksöz entretien : edwy plenel / tuana gökçim toksöz 20 théâtre 20 21 22 23 24 25 26 28 29 30 31 31 32 33 en tournée : voyage au bout de la nuit / pierre-rené serna comédie de genève : oh les beaux jours / rosine schautz poche-genève : irrésistible / laurence tièche théâtre forum meyrin : seule la mer / laurence tièche saint-gervais genève : mademoiselle else / julien roche le galpon : quartett / laurent darbellay la parfumerie : les larmes des hommes / maya schautz kléber-méleau lausanne : la double inconstance / n. bruchez théâtre de carouge : guerre et paix selon fomenko en tournée : andré / bertrand tappolet grütli : bientôt viendra le temps / claudia cerretelli encarts : rideau ! en tournée / une société de services à sion encarts : yvonne princesse de bourgogne à dorigny / andromaque 10 - 43 au grütli / le bruit du monde au théâtre des amis / le chat du rabbin à l’alchimic plan-les-ouates : la compagnie des spectres / rosine schautz 34 opéra 34 36 38 40 41 42 43 44 44 45 45 46 47 48 48 grand théâtre de genève : nabucco / éric pousaz opéra de lausanne : luisa miller / éric pousaz portrait : jonas kaufmann / françois lesueur bfm : delusion of the fury / martine duruz strasbourg : rigoletto & la cenerentola / éric pousaz zurich : les pêcheurs de perles & alcina / éric pousaz bâle : eugène onéguine / éric pousaz marseille : lucia di lammermoor / françois jestin avignon : l’italiana in algeri / françois jestin monte-carlo : rusalka / françois jestin montpellier : eugène onéguine / françois jestin lyon : cœur de chien & the tender land / françois jestin mémento bologne : parsifal / frank fredenrich barcelone : la sonnambula / françois lesueur 260 / mars 2014 50 musique 50 52 53 54 55 57 58 59 60 61 62 63 hommage à claudio abbado / régine kopp portrait : kent nagano / beata zakes portrait : quatuor brentano / pierre jaquet portrait : menahem pressler / martine duruz portrait : karl anton rickenbacher / yves allaz agenda genevois / martina diaz portrait : bertrand de billy / yves allaz victoria hall : orchestre de lyon / frank langlois agenda romand / yves allaz gstaad : sommets musicaux / martina diaz encarts : elisso bolkvadze / maurizio baglini et silvia chiesa / quatuor schumann / musicales de compesières encarts : philippe béran / joshua redman / geneva camerata / hiromi 64 danse 64 65 festival de lausanne / emmanuèle rüegger espace nuithonie : angelin preljocaj / bertrand tappolet 66 spectacles 66 66 67 68 spectacles onésiens / firouz-elisabeth pillet théâtre am stram gram / firouz-elisabeth pillet bonlieu annecy / firouz-elisabeth pillet marionnettes de genève / firouz-elisabeth pillet 69 expositions 69 70 72 72 73 73 74 74 75 75 76 musée de l’élysée : philippe halsman / catherine graf fondation beyeler : odilon redon / régine kopp mémento beaux-arts : france centre pompidou-metz : paparazzi ! mémento beaux-arts : ailleurs albertina, vienne : de dürer à napoléon mémento beaux-arts : suisse romande musée jenisch, vevey : manon bellet mémento beaux-arts : suisse alémanique kunstmuseum, winterthur : gerhard richter lausanne : giacometti, marini, richier / françoise-hélène brou 79 paris 79 80 84 85 85 86 87 88 88 89 fondation henri cartier-bresson : guido guidi / christine pictet opéra : fanciulla sans western / pierre-rené serna maison de la poésie : natalie dessay / pierre-rené serna aux gémeaux : lux & glory / stéphanie nègre théâtre du rond-point : érection / stéphanie nègre sélection musicale de mars / françois lesueur chronique des concerts / david verdier mémento théâtre théâtre du vieux-colombier : la visite de la vieille dame mémento expositions musée maillol : le trésor de naples ABONNEZ-VOUS! Découvrez chaque mois dans nos pages : L’actualité culturelle d’ici et d’ailleurs Cinéma Concerts Livres Opéra Critiques Danse Expositions Théâtre Entretien Avant-Premières Mémento Scènes Magazine - Case postale 48 - 1211 Genève 4 Tél. (022) 346.96.43 / de France +41 22 346.96.43 www.scenesmagazine.com / e-mail : [email protected] COMMANDE D’ABONNEMENT scènes magazine Nom Prénom Adresse Code Postal Localité Pays o un abonnement (10 numéros) à 80 SFrs / Europe : 120 Sfrs. / hors Europe : 140 Sfrs. o un abonnement France (10 numéros) à 70 € o un abonnement de soutien (10 numéros) à 100 SFrs à partir du N° A renvoyer à SCENES MAGAZINE CP 48 - 1211 GENEVE 4 - Suisse avec le règlement par chèque ou virement sur le CCP Scènes Magazine 12-39372-8 Date Signature EDITO direction Frank Fredenrich, Jean-Michel Olivier, Jérôme Zanetta comité de rédaction Christian Bernard, Serge Bimpage, Françoise-Hélène Brou, Laurent Darbellay, Frank Dayen, Martine Duruz, Frank Fredenrich, FirouzElisabeth Pillet, Jérôme Zanetta éditeur responsable Frank Fredenrich publicité Viviane Vuilleumier secrétaire de rédaction Julie Bauer collaborateurs Yves Allaz, Philippe Baltzer, Julie Bauer, James Berclaz-Lewis, Nancy Bruchez, Gabriele Bucchi, Claudia Cerretelli, Romeo Cini, Sarah Clar-Boson, Martina Diaz, Catherine Fuchs, Catherine Graf, Emilien Gür, Bernard Halter, Christophe Imperiali, Pierre Jaquet, François Jestin, Régine Kopp, Serge Lachat, Frank Langlois, David Leroy, François Lesueur, Anouk Molendijk, Michel Perret, Eric Pousaz, Stéphanie Nègre, Christine Pictet, Christine Ramel, Serene Regard, Nancy Rieben, Christophe Rime, Julien Roche, Emmanuèle Rüegger, Maya Schautz, Rosine Schautz, Raymond Scholer, Pierre-René Serna, Bertrand Tappolet, Laurence Tièche Chavier, Tuana Gökçim Toksöz, David Verdier, Christian Wasselin, Beata Zakes, François Zanetta, Valérie Zuchuat maquette : Viviane Vuilleumier imprimé sur les presses de PETRUZZI - Città di Castello, Italie De la musique avant toute chose… D eux disparitions ont endeuillé le monde de la musique à la fin du mois de janvier. Le maestro et le folksinger : Claudio Abbado et Pete Seeger. Si l’on s’en tient aux stéréotypes, les univers musicaux de ces deux interprètes semblent bien éloignés. Et il ne fait guère de doute que les deux hommes ne se sont certainement jamais croisés. Pourtant si l’on considère leur carrière en rapport avec l’histoire contemporaine et leurs engagements respectifs, on pourra revenir sur un jugement superficiel qui ferait du chanteur un marginal un peu folklorique et du chef d’orchestre un artiste plongé dans un univers d’un autre temps. Car pour l’héritier de la tradition des chanteurs populaires américains (Woody Guthrie et les bluesmen tels Leadbelly ou Big Bill Broonzy) comme pour l’élève de Carlo Maria Giulini et l’admirateur de Wilhelm Furtwängler, le mot « artiste engagé » avait tout son sens. Certes, cela a marqué la carrière de Pete Seeger de façon plus évidente : marches de protestation, notamment à l’époque de la lutte pour la fin de la ségrégation qui le rapprocha de Martin Luther King, ou encore participation à des rassemblements contestataires, sans parler des festivals dont la portée politique était rarement absente, souvent dans le but de lutter pour les droits civiques des minorités. Moins spectaculaire, mais tout aussi utile, l’action de Claudio Abbado, durant notamment ses années milanaises à la Scala, a été marquée par la volonté de sortir la musique dite « classique » des ors de la scène milanaise en allant se produire à la tête de formations diverses dans des usines, collèges ou à l’université en Lombardie et en Emilie-Romagne, fréquemment accompagné par Maurizio Pollini et ce, sans craindre de faire découvrir des compositeurs contemporains dont il se sentait proche, tels Luigi Nono ou Luciano Berio. Contester un gouvernement trop longtemps favorable à la ségrégation outre-Atlantique était un des objets de la lutte de Pete Seeger, mais il est évident que de son côté Claudio Abbado a également tenté avec ses moyens d’interprète de faire passer un message contestataire contre l’emprise des mafias de privilégiés qui ont dominé l’Italie sous le régime de la Démocratie Chrétienne (sic ?) dont Sylvio Berlusconi est par ailleurs le digne héritier. Et à titre d’anecdote, on signalera que le maestro était surnommé la « baguette rouge » par Il Giornale, le quotidien d’Il Cavaliere, allusion au fait qu’on a pu le considérer comme un compagnon de route du Parti Communiste Italien (jusqu’à l’occupation de la Tchécoslovaquie en 1968). De son côté, Pete Seeger fut inévitablement une des cibles du maccarthysme en raison de son appartenance au Parti communiste des Etats-Unis. Autre engagement commun, celui consistant à s’opposer à la violence et plus particulièrement à la guerre du Viêt-nam. Claudio Abbado a-t-un jour fredonné We shall overcome lors d’une manifestation ? Pete Seeger fredonnait-il l’Hymne à la joie ? On l’ignore… Mais l’un comme l’autre, chacun à sa façon a exprimé la volonté d’être un musicien à l’écoute de l’histoire et du monde qui l’entoure. Et si cela semble naturel pour un chanteur « populaire » tel que Pete Seeger, on remarquera que Claudio Abbado a su se distinguer de certains de ses collègues par une ouverture d’esprit peu fréquente dans son milieu artistique. Alors il n’est pas interdit de penser que si le folksinger avait un jour rencontré le maestro, celui-ci l’aurait sans doute accueilli en s’exclamant : appelez-moi Claudio ! FF/SCENES MAGAZINE scènes magazine case postale 48 - 1211 Genève 4 Tél. (022) 346 96 43 de France 00-41-22 346 96 43 www.scenesmagazine.com e-mail : [email protected] c i n é m le cinéma au jour le jour Cine Die Livres de cinéma 6 Trois pavés monumentaux français ont paru en 2013. Le plus exigeant est sans conteste Hollywood : Le Temps des Mutants de Pierre BERTHOMIEU (aux éditions Rouge profond) dont les 729 pages de texte ne se lisent pas comme un roman, culture universitaire oblige. Il fait suite à deux précédents volumes, Hollywood Classique : Le Temps des Géants (2009, 582 p.) et Hollywood Moderne : Le Temps des Voyants (2011, 715 p.), où l’auteur, maître de conférences en études cinématographiques à l’université Paris-Diderot (Paris VII) et manifestement connaisseur hors pair en matière d’arts visuels, passe le cinéma commercial le plus décrié du monde, c’est-à-dire le cinéma hollywoodien au crible de la théorie hégélienne de l’art. « Tout art classique, comme l’est l’art hollywoodien, vise l’universel et propose une lecture universelle du singulier. Hollywood brasse des mythes primordiaux et brasse à même le mythe pour se gagner le public le plus large. » (Introduction au premier volume) Le philosophe cinéphile ne peut admettre qu’il soit légitime d’admirer Stagecoach ou Vertigo, et qu’aimer The Sound of Music ou Doctor Zhivago soit suspect. Culture noble, culture populaire : triste manichéisme. Hollywood, c’est la poignée de mains de Mickey Mouse et du grand chef d’orchestre Leopold Stokowski dans Fantasia. Foin donc de la hiérarchie des formes a d’art ! Sur 2000 pages, Berthomieu opère des renvois, des rapprochements, compare des repères iconiques, décèle des éléments de style et d’esprit à l’aide d’une myriade de photogrammes, qui, pour mesurer à peine quelques centimètres, constituent quand même un appui indispensable au texte. La mutation dont il est question dans le dernier volume concerne la fin de la pellicule, qui avait encore une existence physique, et l’essor du numérique, qui traduit la matière en chiffres et crée paradoxalement des corps qui n’existent pas en réalité. Les 64 pages que l’auteur consacre à « Spielberg, War Horse et le cinéma romantique » valent à elles seules le prix d’achat (€ 50.-). Le plus gros des pavés est Annales du Cinéma Français : Les Voies du Silence 18951929 de Pierre LHERMINIER (éd. Nouveau Monde) : format A4, 1060 pages de texte, 60 pages de références et index, € 89.-. Le livre suit « pas à pas, presque au jour le jour, l’actualité de la vie professionnelle du cinéma sous ses divers aspects, avec ses aléas, ses crises, ses débats, en mettant l’accent sur la vie et le travail de ceux qui l’ont fait, et les œuvres majeures qui en sont nées. Il en résulte un récit vivant, richement documenté et abondamment illustré, grâce auquel c’est au cœur même de l’histoire du cinéma français en train de se faire, et dans le contexte de son temps, que le lecteur est invité à pénétrer. » L’année 1895 est introduite par la phrase c t u a a géniale : « Au commencement était Lumière. » La suite vérifie ce qu’on suppute : Lherminier est un véritable écrivain : le style est alerte et ce « Journal du cinéma » se lit comme un roman. Parallèlement au texte principal courent en filigrane un autre qui périodiquement relie le cours des affaires cinématographiques à celui de la politique et de la société dans son ensemble et un troisième qui donne la chronologie de faits marquants. Des « Plans rapprochés » éclairent en outre de manière complémentaire certains sujets ou moments, comme l’incendie du Bazar de la Charité qui fit « passer le cinéma, durant quelques mois, pour un engin plus meurtrier que le canon de 75, entouré pourtant depuis l’affaire Dreyfus d’une terrifiante réputation » selon les mots de Henri Fescourt. Grâce à tous ces apports et aux citations nombreuses, le livre fourmille d’informations précises et précieuses. Un exemple : l’année 1902 correspond pour Georges Sadoul aux débuts de l’art du film, car « Voyage dans la Lune de Georges Méliès impose universellement la pratique de la mise en scène. Il est symbolique que ce film ait permis en octobre 1902 aux frères Tally de fonder le premier cinéma non forain, à quatre murs, ayant jamais existé à Los Angeles, et qu’il ait ainsi imposé l’art du film à cinq ou six lieues d’une bourgade nommée Hollywood ». Et en 1903, Méliès installe des bureaux à New York, déterminé à s’opposer aux contrefaçons américaines. Mais je ne vais pas vous raconter la suite : il y en a encore pour 800 pages. Le troisième pavé est un peu le résumé d’une vie. Jean-Pierre ANDREVON, écrivain de science-fiction et collaborateur, depuis sa création en 1969, de la revue L’Ecran Fantastique, recense de la manière la plus complète possible l i t é c i n é m a ce qu’on peut imaginer trouver dans un ouvrage intitulé 100 Ans et plus de Cinéma Fantastique et de Science-Fiction (éd. Rouge Profond, 1074 pages de texte, mais un peu plus large et un rien moins lourd que le précédent). Pas d’index, car l’organisation est simplement lexicale : ordre alphabétique des titres (d’ordinaire français) des films, des noms propres et des sujets confondus. Plus de 17’000 films sont mentionnés, 4’000 ont leur propre notice critique. Cela commence avec À des millions de kilomètres de la Terre / 20 million Miles to Earth (Nathan Juran, 1957) – film célèbre pour la créature gigantesque mi-gargouille médiévale, mi-tyrannosaure de feu Ray Harryhausen - et se termine sur Zucco, George, acteur britannique spécialisé dans les savants fous. Chaque notice est signée, car plusieurs rédacteurs de L’Ecran Fantastique, notamment Pierre Gires, ont assisté Andrevon dans l’élaboration de cette Bible qui est à recommander à tout amateur éclairé du genre. Le prix de € 142.- n’est pas excessif, car 2300 images de bonne tenue agrémentent le papier glacé. Les amateurs de cinéma populaire liront avec profit la synthèse pertinente de Florent FOUCART sur Le Péplum Italien (1946-1966) : Grandeur et Décadence d’une Antiquité Populaire (coll. CinExploitation, éd.imho). « Si l’époque mentionnée est aussi celle du néoréalisme, les spectateurs, traumatisés par cinq ans de misère, sont plus enclins à suivre les exploits de Maciste ou les dérèglements de Néron que les tribulations d’un voleur de bicyclettes ou les souffrances des pêcheurs siciliens » rappelle Jean A. Gili dans sa préface. Genre spectaculaire par excellence, le péplum produit 185 films au cours a c t u de la période considérée avant de disparaître brutalement, remplacé dans sa fonction de pur divertissement par le western spaghetti. Le livre de Fourcart a le mérite de mettre sur le même plan analytique les besognes alimentaires et les œuvres de prestige. Les films fondateurs sont « des œuvres sérieuses, pour ne pas dire empesées » : Fabiola (1947) d’Alessandro Blasetti et Les Derniers Jours de Pompéi (1948) de Marcel L’Herbier. Au cours des années cinquante, les films deviennent plus inventifs, moins soucieux de fidélité historique. En 1958, Le Fatiche di Ercole de Pietro Francisci se place en tête du box-office. En 1964, le genre atteint son point culminant avec 31 films. C’est aussi l’année où sort le film qui sonne le glas pour le péplum : Per un Pugno di Dollari (1964) de Sergio Leone, dont le premier film fut, 3 ans plus tôt, Il Colosso di Rodi ! N’empêche : à l’heure où les techniciens de Cinecittà construisent à nouveau des temples et des palais (cf. la série Rome), le film à l’Antique a encore de beaux jours devant lui : c’est aussi de cette survie que parle ce livre indispensable. Côté suisse, deux monographies à signaler. Le Lucernois Leonhard H. GMUER, location scout de tant de films de James Bond, est aussi un chercheur passionné et nous livre avec Rex Ingram : Hollywood’s Rebel of the Silver Screen (éd. epubli, Berlin, 556 p.) le dossier le plus complet jamais publié sur le cinéaste irlandais, auteur de The Four Horsemen of the Apocalypse (1921) et The Garden of Allah (1927), dont la conversion à l’islam en 1932 avait créé des remous dans la presse américaine, mais qui fut enterré selon le rite chrétien à Glendale en 1950. Un cas d’apostasie qui a échappé aux a l i t imams ? Rédigé en anglais, sur papier glacé et richement illustré de photos rarissimes, le livre peut se commander directement auprès de l’auteur sur www.unicorn.ch. Hervé DUMONT a publié sous le titre Frank Borzage : Un Romantique à Hollywood (Institut Lumière/Actes Sud) un texte revu, corrigé et augmenté de sa célèbre monographie de 1993. Si entretemps bien des films de Borzage ont paru sur DVD, il manque toujours à l’appel son dernier film, le très lyrique The Big Fisherman (1959), dont la séquence du vent ruinant le palais d’Hérode (incarné par Herbert Lom) au moment de la décollation de saint Jean-Baptiste est restée dans les mémoires des privilégiés qui ont vu le film. Signalons en passant, pour ceux qui ne seraient pas au courant, que Dumont a prolongé son opus L’Antiquité au Cinéma : Vérités, Légendes et Manipulations (éd. Nouveau Monde, 2009) par un site internet dédié au films historique, une encyclopédie inégalée à ce jour (www.hervedumont.ch) et déclinée en 4 parties : L’Antiquité (le livre corrigé et augmenté : y figure déjà Pompeii (2014) de Paul W. S. Anderson), Moyen-Âge et Renaissance (dont la partie Royaume de France devrait devenir accessible à la fin du mois), L’Absolutisme (accessible en entier) et Le XIXe siècle (dont certaines parties, comme Napoléon, sont encore en gestation). La prodigieuse somme d’informations donne tout simplement le vertige et devrait susciter des vocations de collectionneur. Au mois prochain Raymond Scholer é 7 c i n é m a les cinémas du grütli Clio Barnard, la Semaine des nominés A découvrir absolument, The Selfish Giant, de Clio Barnard, primé dans de nombreux festival en 2013 dont La Quinzaine des réalisateurs à Cannes, est un choc comparable à celui créé en son temps par Kes de Ken Loach. Il est projeté en mars dans la foulée du FIFDH, pour 10 séances exceptionnelles. 8 Ça commence par un ciel étoilé avec des animaux qui se détachent sur la ligne d’horizon: j’ai immédiatement pensé à La Nuit du chasseur, unique film (et chef-d’œuvre ) de Charles Laughton. Ce très probable hommage se révèle pleinement justifié: ici comme là, un conte, deux enfants, un ogre et des animaux. Sauf qu’ici dès le deuxième plan on se trouve brutalement projeté dans la réalité sociale la plus violente, celle de la survie dans l’Angleterre postthatchérienne, dans un néo-réalisme proche du Ken Loach de Kes et de Riff Raff et des frères Dardenne. à employer des mineurs d’âge scolaire, se laisse convaincre par la détermination d’Arbor, d’autant qu’il leur fait payer l’utilisation d’une charrette et d’un cheval lui appartenant. La récupération est avant tout l’affaire d’Arbor, ce qui les conduit à passer rapidement des casseroles, cuisinières et autres épaves domestiques, au vol des câbles de lignes à haute tension, autrement risqué tant pénalement (encore qu’ils soient mineurs) que physiquement. Tandis que Swifty se découvre un don naturel avec le cheval au contact duquel il s’épanouit. Ce don n’échappe pas à Kitten, qui en fera son jockey dans des courses de trotteurs clandestines pouvant rapporter gros (scène incroyable de la course des trotteurs sur routes, à l’aube, suivis par l’armada klaxonnante des voitures des parieurs). La voie divergeante suivie par Swifty sera ressentie comme une trahison par un Arbor devenu jaloux. Leur amitié n’y résistera apparemment pas. Au bout du «The Selfish Giant», photo Agatha A. Nitecka chemin la tragédie, mais aussi une forme Arbor et Swifty sont deux copains plus de rédemption. intéressés par la récupération de métaux pour le “Tu ne t’intéresses qu’au métal!”. “Tu ne compte du ferrailleur Kitten, que par l’école. t’intéresses qu’aux chevaux. Tu es trop tendre, Arbor est un hyperactif sous médicament, tu dois t’endurcir!” Cette opposition entre les caractériel intenable, tandis que Swifty, plus deux garçons sera vue par le spectateur sensible lent et plus doux, est la victime toute désignée à la dimension de conte du film, comme symbodes bizutages. Suite à une énième bagarre pro- lisant deux visions de la société. Comme il verra voquée par Arbor venu à la rescousse de Swifty, le Géant égoïste du titre à la fois dans Kitten ils sont renvoyés de l’école, libres désormais de mais aussi dans tout le système d’exploitation travailler pour Kitten. Celui-ci d’abord réticent dont celui-ci n’est qu’un rouage. De fait, c’est le a c t u a réalisme implacable de la description des effets de la précarité dans les comportements qui impressionne: l’agressivité générale des enfants, le chaos familial que tente de contenir des mères dépassées et épuisées, seules ou flanquées d’un mari chômeur, les meubles qu’il faut vendre à cause des huissiers, l’exploitation des plus faibles… Ce contre quoi luttent, au prix de leur avenir, Arbor et Swifty, qui redonnent l’argent gagné à leur parents. Ce que nous dit Clio Barnard en adaptant cette histoire d’Oscar Wilde, c’est que le monde de Dickens est de retour pour une frange des Britanniques aujourd’hui. Mais aussi que le chacun pour soi n’est pas une fatalité. On aura compris la forte valeur documentaire de cette fiction (on apprend tout en passant du monde des ferrailleurs et ses trafics). Le filmage caméra à l’épaule, le montage court, fixant la moindre réaction des deux garçons, appartient au genre. En contraste total, de longs plans fixes de ciels, de pylônes, de tours de refroidissement de centrale nucléaire, et bien sûr d’animaux, ménagent des pauses qui sont autant de respirations. On peut voir dans de tels plans typiques de sa manière un hommage rendu à Ozu… La Semaine des nominés En janvier à Soleure ont été nominés les films concourant pour les Prix du cinéma suisse dont la remise aura lieu à Zurich le 21 mars. Du 17 au 23 mars, seront projetés aux Cinémas du Grütli tous les longs-métrages nominés dans toutes les catégories (soit 13 films) complétés par deux programmes de courts- métrages de 70 minutes chacun. L’occasion de voir, dans la catégorie «Meilleur film de fiction» : Der Goalie bin ig de Sabine Boss ; Left Foot Right Foot de Germinal Roaux ; Les grandes ondes (à l'ouest) de Lionel Baier ; Mary Queen of Scots de Thomas Imbach ; Traumland de Petra Volpe. Dans la catégorie « Meilleur documentaire » : Der Imker de Mano Khalil ; L'escale de Kaveh Bakhtiari ; L'expérience Blocher de JeanStéphane Bron ; Neuland d’Anna Thommen ; Vaters Garten - die Liebe meiner Eltern de Peter Liechti. Dans la catégorie « Meilleur film d’animation » : Hasta Santiago de Mauro Carraro ; The Kiosk d’Anete Melece et Vigia de Marcel Barelli. Christian Bernard Plus d’informations sur : www.cinemas-du-grutli.ch/ l i t é c i n é m a sous la loupe Abus de faiblesse Il est des films que l’on regarde différemment selon que l’on est ou non renseigné sur le contexte de leur production. Abus de faiblesse est du nombre. «Abus de faiblesse» Tout ignorer de ce contexte, serait déjà voir un excellent film dont on ne peut que louer la maîtrise du récit et de la direction d’acteurs. Mais savoir que cette histoire d’une cinéaste sous influence a été vécue par Catherine Breillat, que la dimension autobiographique est omniprésente avec les risques qu’elle comporte, modifie notre regard sur ce qui est dès lors perçu comme un audacieux exercice de conjuration des épreuves subies associé à une introspection d’une lucidité sidérante sur le psychisme clivé de l’artiste engagée dans l’exercice de l’autobiographie. Soit l’histoire de Maud (Isabelle Huppert), une cinéaste ayant fait une attaque cérébrale avec séquelles lourdes, sa lutte pour vivre quand même. A force de rééducation, elle retrouve la parole mais pas toute sa mobilité. Hémiplégique, elle se déplace difficilement avec une canne et son bras gauche est incontrôlable. Une nuit, elle aperçoit à la télévision où il est interviewé, le type d’homme qu’elle recherche pour être le héros de son prochain film : un bad boy, détaché, au regard froid. Vilko (Kool a c t u Shen) a fait de la prison pour escroquerie. Dès leur première rencontre un pacte est scellé. Alors qu’elle ne voit jamais ses comédiens avant le début du tournage, ils ne vont plus se quitter. La nature de leur lien n’est pas claire. Une dépendance sans rapport sexuel s’installe. Qui dépend de qui ? Elle, l’handicapée, l’esthète, la fantasque, l’autoritaire, va se mettre à signer des chèques de plus en plus importants pour celui qui n’est jamais à court de bons plans garantissant leur remboursement. L’argent, envahissant tout, aura raison des sentiments amoureux et d’une relation de plus en plus mortifère. Maud / Vilko, Huppert / Kool Shen, Breillat / Rocancourt Cette ronde de l’amour, de l’argent et de la mort, déjà parfaitement fascinante en soi l’est davantage encore dès lors que l’on sait que Catherine Breillat a effectivement été foudroyée par un AVC en 2004 qui l'a rendue hémiplégique, qu’elle devait tourner un film Bad Love avec Naomi Campbell et Christophe a l i t Rocancourt, l’escroc dont on se souvient qu’il avait publiquement annoncé son repentir. Le film ne se fera pas mais Rocancourt saura se rendre indispensable. Profitant de la faiblesse de la cinéaste, il lui soutirera près de 800’000 euros, faits pour lesquels il sera condamné en 2012. Le film Abus de faiblesse est l’adaptation du livre du même titre de Catherine Breillat, paru en 2009. « Écrire un livre permet de développer un récit complexe, mais plus linéaire que dans un film. Au cinéma, le recours à l'image offre la possibilité de raconter au même moment une chose et son contraire » déclare Catherine Breillat. Le fait est que les ambiguïtés délibérées ne manquent pas dans cette narration elliptique où rien n’est développé. Wilko ne développe pas de vraie stratégie, tandis que Maud, tour à tour demanderesse et protectrice, déprimée et autoritaire, combative et revenue de tout, offre un portrait complexe. Elle est moins au clair qu’elle le pense sur les sentiments qui l’animent, en particulier à l’égard de ses proches, rendus par elle impuissants dans leur volonté de l’aider, ce qui l’ouvre à l’influence exercée par Wilko, acceptée avec légèreté. Face à une Isabelle Huppert jouant dans tous les registres, tantôt engagée âme et corps telle une sacrifiante, tantôt comme absente à elle-même, Kool Shen (l’autre moitié de NTM avec Joey Starr) tient le choc. Le plus admirable du film est l’absence de complaisance dans le regard que Catherine Breillat porte sur elle-même. Regard frontal sur son handicap, sa dépendance physique, ses tendances sado-masochistes, toutes choses l’ayant amenée à signer ces chèques en sachant bien que c’était un escroc, mais à signer quand même. « C’était moi et ce n’était pas moi », ainsi se conclut cette belle exploration de la dénégation. Christian Bernard é 9 c i n é m a prétexte fallacieux d’une conspiration sioniste en 1953. Blumenthal (2013) de Seth Fisher s’annonce comme une comédie satirique new yorkaise à la Woody Allen. mars à la Cinémathèque suisse Intégrale des frères Coen Last, but not least, vous aurez l’occasion mentaire du cinéaste Gianfranco Rosi (aucun d’attraper enfin ou de revoir l’un ou l’autre des lien de parenté avec l’immense Francesco films de Joel et Ethan Coen, la seule fratrie du Le samedi 8 mars, les membres de LACS Rosi). La Cinémathèque nous donne l’occasion cinéma dont l’œuvre soit d’une tenue pareilleet ceux qui veulent le devenir sont conviés à de rencontrer ce nouveau venu (qui n’en est pas ment exemplaire. Il n’y a tout simplement rien à l’assemblée annuelle qui se tiendra à 11h00 à la un, puisque son premier film date de 1993) le 18 jeter ! De Blood Simple (1984) à Inside Llewyn salle du Cinématographe au Casino de mars et de l’accompagner Montbenon. A 13h30 commence, dans la même dans sa découverte des marsalle, le marathon de quatre films achetés grâce ginaux qui ont trouvé domiaux contributions des membres, qui ont de ce cile le long du Grande fait accès libre : Roma città aperta (Roberto Raccordo Anulare, ou Rossellini, 1945), Ma Nuit chez Maud (Eric Grand Contournement de Rohmer, 1969), North by Northwest (Alfred Rome. Deux autres docuHitchcock, 1959) et Il Dono (Michelangelo mentaires de Rosi sont monFrammartino, 2003). Les trois premiers sont trés la même semaine, son bien sûr des classiques vus, revus et à revoir. Le premier, Boatman (1993) quatrième est le premier long métrage du réali- sur un conducteur de pirosateur de Le Quattro Volte (2010), paradigme gue sur le Gange à Bénarès, Frances McDormand dans «Fargo» des freres Coen du cinéma de contemplation qui a remporté là où les pieux Hindous viennent entamer leur voyal’adhésion critique lors de son passage sur nos écrans. Il Dono, que je ne connais pas, se dérou- ge vers l’éternité, et El Sicario, Room 164 Davis (2013), en 16 longs métrages, les frères le (selon le Web) dans un village calabrais avec, (2010), où un authentique tueur professionnel ont échappé constamment aux formules et aux dans le rôle principal, le grand-père nonagénai- d’un gang de narcotrafiquants mexicains nous clichés, trouvant pour chaque sujet une consre de l’auteur. Un autre rôle est tenu par une fait le récit, le visage masqué, bien sûr, de son truction, une écriture et un climat propres, avec comme seules constantes une photo cadrée au jeune femme vaguement handicapée mentale, itinéraire barbare. cordeau (due à Roger Deakins dans 11 cas) et qui couche avec tout le monde. Ceux qui ont vu une direction d’acteurs d’une assurance phénole film le résumeront sans doute d’une façon Geneva International Jewish ménale. On se souvient des « gueules » chez les plus mystérieuse et lyrique, mais si vous voulez Film Festival (GIJFF) Dans la dernière semaine du mois, trois Coen : M.Emmet Walsh en détective pervers et savoir ce qui se passe quand les deux personnalongs métrages du GIJFF sont montrés à la pourri dans Blood Simple, Javier Bardem en ges se rencontrent, soyez à 21h00 au Cinémathèque. Orchestra of Exiles (2012) de tueur psychopathe dans No Country for Old Cinématographe ! Josh Aronson, est un documentaire sur les ori- Men (2007), Jon Polito en gangster moraliste gines de l’Orchestre philharmonique d’Israël, dans Miller’s Crossing (1990), pour ne citer Gianfranco Rosi À la dernière Mostra de Venise, le Lion composé initialement de musiciens ayant survé- que 3 exemples, alors qu’on les confond faciled’or fut remporté par Sacro GRA, un film docu- cu à l’Holocauste. Tous doivent une fière chan- ment chez les Dardenne (normal, car les delle au violoniste Dardenne sont toujours dans le même sujet polonais Bronislaw qu’ils s’obligent de traiter en mode « réalisme Huberman dont les pur et dur »). Il est juste dommage que la efforts prodigieux ont Cinémathèque n’ait pas déniché une copie du sauvé des centaines remake chinois hilarant de Blood Simple : A de familles juives. Ve Woman, a Gun and a Noodle Shop (Zhang Stinu/In the Shadow Yimou, 2009). De même, le travail d’Ethan (2012) de David Coen sur le scénario de The Naked Man Ondricek est un film (1998), film très obscur de J.Todd Anderson, ne noir politique qui pourra être apprécié, rendant caduque la désidévoile comment le gnation d’ « intégrale des frères Coen » régime communiste Raymond Scholer tchèque voulait se débarrasser de ses Gianfranco Rosi et son Lion d'Or citoyens juifs sous le Assemblée Générale des Amis de la Cinémathèque Suisse (LACS) 10 a c t u a l i t é c i n é m a Mais au lieu d’opter pour l’ironie ou d’intégrer leur démarche à une narration, le couple préfère rester dans le champ expérimental, renonçant à toute intrigue et perdant le spectateur en cours de route, soumis aux courts termes de l’effet son et lumière. festival de gérardmer Films fantastiques Vingt-et-un ! Le Festival du Film Fantastique de Gérardmer a réussi à durer aussi longtemps que le festival d’Avoriaz, dont il fut le successeur. Même s’il reste peu connu, il fédère un public de connaisseurs de plus en plus nombreux autour d’une sélection passionnante, cohérente et représentative de la diversité des films de genre. L’absence des gros budgets (Gérardmer ne représente plus d’intérêt médiatique significatif pour les majors) laissent la place aux moyens budgets, souvent des premiers films, qui permettent aux festivaliers de découvrir des univers où les auteurs cherchent, sinon trouvent, un ton unique, exploratoire et intriguant. Zombi pasolinien Le grand prix, Miss Zombie fait résolument partie de cette catégorie. Handicapé par un titre un peu ridicule qui présage à tort une comédie, le film de Sabu (de son vrai nom Hiroyuki Tanaka) joue la carte de l’élément perturbateur qui exp(l)osera la famille nucléaire japonaise. La demoiselle zombie du titre étant offerte à la famille pour exécuter les tâches ménagères, sa totale docilité est idéale dans la structure hiérarchique nippone. Suivant la tradition de Romero, le zombi n’est ici ni armée funeste, ni fléau, mais un révélateur politique ou sociologique. On pense ici aux perturbations créées par l’élément étranger de Théorème de Pasolini. La docilité de la jeune zombie renvoie à la docilité des classes dites inférieures, bonnes à exécuter des tâches absurdes et répétitives. Corps de femme soumis à l’exploitation par les mâles (ici plus piteux les uns que les autres), force de travail soumise à l’exploitation des riches, la force symbolique du zombi est dans cette réification de l’humain, objet de tous les commerces, ce qui renvoie au devenir de notre condition humaine qui connaît aussi sa zombification. Le scénario développe de manière subtile la lente conscientisation du mort-vivant par l’étincelle a c t u émotionnelle d’un report d’affection sur le fils de famille, mort à son tour dans un accident. Les choix esthétique de Sabu (plans lents, noir et blanc) poussent à l’abstraction et à l’allégorie. Il termine son film en couleurs lorsque le personnage se suicide, mélangeant ainsi une connotation marxiste, sentimentale et sacrificielle. Ce syncrétisme rend ce film plus authentiquement japonais que beaucoup d’autres œuvres nippones récentes. «The Babadook» de Jennifer Kent © Matt Nettheim Giallo Postmoderniste Autre travail sur la forme, L’étrange couleur des larmes de ton corps, d’Hélène Cattet et Bruno Forzani, pousse vers davantage d’abstraction les recherches que ce couple avait précédemment entamées dans Amer. Ce dernier opus est tellement postmoderniste qu’il pourrait tenir à lui seul de manifeste. Les auteurs procèdent par utilisation extensive des codes visuels du Giallo (film policier horrifique et baroque italien codifié par Dario Argento), par fragmentation, collage, recyclage d’œuvres d’autres champs culturels (Art nouveau de Nancy, musiques de Morricone) au service d’une œuvre sur le genre. a l i t A croire qu’on peut filmer la « Giallitude », au lieu de filmer un giallo, le film finit par s’autodétruire et réduire le genre à un effet purement visuel au lieu d’interroger ce qui constitue la véritable valeur des œuvres de référence: le sentiment qu’à tout moment, le familier peut basculer et se dérober et que cette angoisse, exacerbée, peut transformer le monde en expérience esthétique. Pour cela, il faudrait, pas même une histoire, mais juste une intrigue lisible. Ce que ce film, par ailleurs passionnant, ne prend pas la peine de donner. Quant au film australien The Babadook, déjà remarqué à Sundance et lauréat de nombreux prix, il traite des terreurs enfantines, tout comme Mama, grand prix de l’année passée. Si Mama développait une intrigue basée sur le « devenir mère » d’une femme, au départ dépourvue et de l’aptitude et du sentiment, Babadook interroge les limites de l’amour maternel face à un enfant perçu comme difficile. Le monstre s’insinuant pour pousser l’héroïne à tuer son enfant. Shining a été cité en exemple, bien que le film, par son traitement plus psychologique, entre dans des eaux plus subtiles du Possession de Polanski. Nous reviendrons plus en détails sur ce film complexe lorsqu’il sortira en salles. Mais il témoigne, s’il le fallait encore, que l’originalité vient moins des sujets que du traitement et du propos. David Leroy et Colette Fry Grand Prix: MISS ZOMBIE de SABU (Japon) ; Prix du public, de la critique, THE BABADOOK de Jennifer KENT (Australie), également prix du jury ex aequo avec RIGOR MORTIS de Juno MAK (Hongkong) é 11 c i n é m a En évitant tout pathos et tout excès mélodramatique, en soignant ses décors et ses costumes et en témoignant d’un véritable travail de recherche documentaire dans le traitement de son sujet, Jean-Marc Vallée offre un film qui montre la complexité de ce qui se joue sur le plan scientifique, économique et social avec l’irruption du sida au milieu des années 80. Les films du mois Serge Lachat NYMPH()MANIAC (VOL. 2) de Lars von Trier. Danemark 2013 12 «Dallas Buyers Club» avec Rayon (Jared Leto), Ron (Matthew McConaughey) © Ascot Elite DALLAS BUYERS CLUB de Jean-Marc Vallée (USA, 2013) avec Matthew McConaughey, Jared Leto, Jennifer Garner… Je le dis sans ambages : j’ai beaucoup aimé ce film ! Et c’est avec pas mal d’irritation que j’ai lu de nombreuses critiques qui voyaient dans son sujet, dans son inscription dans le genre « biopic », dans les performances de ses acteurs principaux et dans sa sélection pour de multiples Oscars le signe même de son appartenance au cinéma le plus « commercial » (épithète qui signale toujours le mépris du critique) ! Alors oui, Dallas Buyers Club est un biopic qui raconte l’histoire de Ron Woodroof, 35 ans, un « redneck » de Dallas, électricien sur des chantiers, fanatique de rodéos, baiseur à tout crin, macho homophobe, alcoolique et drogué à qui on annonce, lorsqu’il passe à l’hôpital à la suite d’un accident professionnel, qu’il a le sida. On est au milieu des années 80, Ron est incrédule (il « sait » que le sida ne touche que les pédés comme en témoigne le récent coming out de Rock Hudson…). Tout change lorsqu’on lui annonce qu’il n’a plus qu’une trentaine de jours à vivre : après s’être effondré, Ron décide de se battre pour survivre, comprend qu’il doit faire fi des consignes de la FDA complètement à la botte des grands laboratoires pharmaceutiques qui cherchent des cobayes pour mettre au point leur a vaccin. Il découvre qu’il peut se procurer au Mexique des médicaments interdits aux USA et, aidé par Rayon, un transsexuel victime du sida lui-aussi, il réussit à contourner les règles américaines au grand dam des laboratoires : des malades lui donnent de l’argent pour qu’il puisse acheter à l’étranger des médicaments en grande quantité (d’où le titre du film qui désigne ce « club » dont les clients paient leur adhésion, donc leur traitement à l’avance). Il meurt 7 ans plus tard, non sans avoir obtenu gain de cause contre les Autorités fédérales et les laboratoires pharmaceutiques devant les tribunaux. Alors oui, ce film appartient à la veine américaine de films de la deuxième chance ou de la rédemption. Mais même si, ostracisé par ses vieux copains machos, son protagoniste s’ouvre aux autres et perd ses préjugés homophobes, le cinéaste refuse à son histoire toute dimension religieuse au profit d’une approche politico-économique de son sujet, approche plutôt rare dans le cinéma hollywoodien ! Alors oui, le cinéaste réussit son film en grande partie parce qu’il dispose d’acteurs exceptionnels (Matthew McConaughey et Jared Leto en tête, dont la performance va bien au-delà de la vingtaine de kilos perdus dont on nous rebat les oreilles). Mais en quoi le fait d’avoir des acteurs pareillement investis permet-il de dire que le cinéaste a fait son film en visant les Oscars ? c t u a La question se pose évidemment à la vision du « Volume 2 » de ce film de Lars von Trier : qu’est-ce qui fait que j’aime plus ou que j’aime moins ce deuxième volet ? Séduit par le dispositif narratif surprenant du « Volume 1 », sa reprise dans la deuxième partie rendant le dispositif moins surprenant, suis-je encore sous le charme ? La réduction du nombre de chapitres de 5 à 3 at-elle un sens et change-t-elle ma réception du film ? Suis-je plus réservé devant les thèmes traités (même si le thème central reste en gros identique, on note une nette focalisation sur la question de la culpabilité, par exemple). Et ces questions, qui se posaient à partir de la prétendue volonté du cinéaste d’offrir son film en deux parties distinctes, sont-elles encore pertinentes depuis que l’on sait que le film doit être présenté à Berlin en une seule partie encore augmentée de plus d’une heure ?! Faute de pouvoir accéder à cette version longue pour le moment, essayons de voir ce qui se modifie et ce qui subsiste du « Volume 1 » au « Volume 2 ». Dans les deux parties, Lars von Trier met en scène une réflexion morale à partir du récit de sa vie sexuelle par une jeune femme. A la fin de la première partie, la très jeune Joe découvrait avec effroi son incapacité à jouir. Dans la deuxième partie, plus âgée, Joe est devenue mère d’un petit garçon. Par amour, son mari qui se croit responsable de l’absence de plaisir de sa femme, encourage celle-ci à coucher avec d’autres hommes, à vivre des aventures de plus en plus extrêmes. Qui la laisseront insatisfaite jusqu’à ce qu’elle découvre le masochisme. A partir de là, elle va tous les soirs retrouver son tortionnaire, négligeant dangereusement son fils, ce qui pousse Jérôme, le mari, à la menacer de partir avec l’enfant si elle ne renonce pas. Le soir où il formule sa menace, elle retrouve la jouissance sous les coups de cravache ! Forcée par sa patronne à entreprendre une thérapie, Joe constate l’échec de celle-ci, abandonne tout espoir de guérison et part. Refusant la l i t é c i n é m a «Nymphomaniac-Part 2» avec Joe (Charlotte Gainsbourg), Seligman (Stellan Skarsgard) © Ascot Elite norme que les autres veulent lui imposer et acceptant sa pulsion, elle poursuit ses expériences sexuelles (plus ou moins drôles – l’expérience avec les deux étalons noirs -, mais toujours frustrantes). Elle devient « recouvreuse de dettes » et par sa froideur même excelle dans cette profession. L’âge venant, on lui demande de former une jeune assistante qui ne tarde pas à devenir sa maîtresse. Jusqu’au jour où Joe découvre que l’assistante a une liaison avec un client. Ce client n’est autre que Jérôme, son ex-mari. Elle veut le tuer, son pistolet s’enraye et Jérôme la tabasse. Nous revoilà au point de départ du film, au moment où elle est trouvée et recueillie par Seligman. Seligman qui a continué, au gré du récit qui lui était fait, à apporter ses commentaires philosophiques et ses références culturelles. Seligman qui finit aussi par découvrir pour son malheur qu’il n’est pas qu’esprit ! On voit bien ce qui rapproche Joe des autres personnages des films de Lars von Trier : une solitude irrémédiable, une incapacité à accepter les normes sociales et morales, une incapacité aussi à jouir de cette différence malgré tous les efforts de son auditeur pour lui montrer qu’elle s’inscrit dans une lignée de héros, de mythes et de récits symboliques ! Et pourtant je suis sorti de ce « Volume 2 » déçu. Ce qui m’avait séduit dans la première partie, ce dialogue philosophique très « XVIIIème siècle » entre une Shéhérazade nordique et un vieux philosophe me semble tout à coup comme déséquilibré. Est-ce ma difficulté à regarder l’effet des coups de cravache sur un corps de femme, est-ce l’accent mis sur la culpabilité de la mère, est-ce la haine du corps qui semble tenailler le cinéaste ? Est-ce la mélancolie ou plutôt le pessimisme radical du cinéaste qui, loin de partager les analyses de Seligman, ne cesse de dire la mi- a c t u sère de l’homme et de la femme ? Est-ce sa complaisance perverse devant son propre pessimisme, complaisance qui l’amène à s’autociter (« Antichrist » avec l’utilisation de la musique de Haendel) ? Est-ce mon irritation à voir Lars von Trier resservir de vieux clichés sur les Noirs hypersexués et noyés dans leurs palabres sans fin, est-ce l’humour douteux qui fait de Joe une sorte de James Bond des recouvreurs de dettes ? Est-ce la vanité de faire apparaître pour rien des stars comme Willem Dafoe ou JeanMarc Barr ? Je ne sais pas, mais je suis sorti de la vision de ce « Volume 2 » de fort méchante humeur malgré la performance tout à fait remarquable de Charlotte Gainsbourg. La version berlinoise du film (plus de 5 heures en une fois !) pourrait-elle me rendre le plaisir que j’ai eu avec le « Volume Un » ? Serge Lachat ONLY LOVERS LEFT ALIVE de de Jim Jarmush (USA, 2013) avec Tilda Swinton, Tom Hiddleston, John Hurt… Jim Jarmush réalisant un film de vampires ? Voilà qui, dans un premier temps, peut paraître incongru. Mais la surprise laisse place à l’évidence lorsque le spectateur découvre que ces vampires ressemblent fort aux personnages du monde artistique et nocturne qui peuplent les films du cinéaste. Précisons que dans le cas présent, même s’ils boivent du sang et se réveillent la nuit, les vampires de Jarmush ne hantent ni les châteaux anglais, ni les demeures d’Europe centrale (malgré l’écriture gothique du générique !). En effet, s’ils ont bien traversé les siècles (ils semblent être là depuis la nuit des temps, puisqu’elle s’appelle Eve et lui Adam !), ils forment toujours un couple romantiquement amou- a l i t reux, mais à la façon des couples modernes : ils habitent aujourd’hui elle à Tanger, lui à Détroit. Si l’on peut s’étonner du choix d’une ville solaire comme Tanger (peut-être à cause de son cosmopolitisme et son attrait mythique pour les artistes depuis bien longtemps), il faut reconnaître que le choix de Détroit est une excellente idée. On peut même s’imaginer que le désir de faire ce film est né du désir de Jarmush de garder une trace visible de cette ville en état de ruine avancée (ce qui n’exclut en rien une potentielle renaissance évoquée dans le film et peut-être déjà commencée dans la réalité). Soyons clairs : le décor de l’ancienne très grande salle de cinéma transformée en parking restera dans les mémoires. Par ailleurs, cette ruine urbano-industrielle devient comme le signe d’une fin de la civilisation (occidentale ?). Dans cet univers moribond, les vampires de Jarmush se tournent vers le passé et peuvent donner libre cours à leur nostalgie et à leur détestation de la modernité qu’ils jugent grossière et uniquement peuplée de ce qu’ils appellent des « zombies » ! Il faut dire qu’ils ne peuvent plus prendre le risque de boire du sang frais au cou de leurs victimes, sang tellement contaminé qu’il pourrait les faire mourir pour de bon (!), et ils sont donc « condamnés » à boire du sang de conservation ou à le sucer en sorbets… Dans ce contexte, Adam n’a plus qu’une passion : collectionner, en vieux rocker, les vieux disques vinyles, les électrophones et les instruments à cordes, particulièrement les guitares électriques (ce qui permet à Jarmush de glisser dans son film un petit cours d’histoire de la musique à partir de ses propres goûts. Premier degré, auto-ironie, difficile de se prononcer !) Eve, quant à elle, vit à Tanger, ville aimée des auteurs littéraires, où son vieil ami du 16ème siècle Christopher Marlowe se meurt (pour avoir bu du sang mal conservé à l’hôpital !) en maudissant une dernière fois ce voyou de Shakespeare qui a pillé son œuvre et lui a volé sa place au panthéon ! Ce couple de dandys romantiques effrayés par le présent vit donc tourné vers le passé lorsqu’il voit surgir Ava, la jeune sœur d’Eve, pleine de fougue, de désirs de vivre et de mordre le cou de jeune gens désirables ! Moment qui aurait pu donner un élan au film languissant de Jarmush, mais comme Eve et surtout Adam, le cinéaste s’empresse d’expulser la jeune fille qui avait semé le désordre et laissé le « dealer » d’Adam vidé de son sang. A la fin de ce film plane un indéniable sentiment de tristesse, de taedium vitae. Peut naître alors chez le spectateur le sentiment d’avoir assisté à une succession de clins d’œil et de réfé- é 13 c i n é m a «Only Lovers Left Alive» avec Mia Wasikowska, Anton Yelchin, Tilda Swinton © Filmcoopi 14 rences culturelles pour happy few, ce qui peut provoquer une réaction de rejet. En même temps, dans sa posture décalée et sur une bande-son remarquable, le film distille un humour très fin et, toujours au bord de l’autodérision, évite toute lourdeur. Et sa fin est ouverte à toutes sortes d’interprétations… Serge Lachat LA COUR DE BABEL de Julie Bertucelli (France, 2013) Etre et avoir de Nicolas Philibert (2002) inaugurait sans le savoir ce qui est en passe de devenir un genre en soi: le documentaire ayant pour cadre une classe d’école. En choisissant de suivre pendant une année une classe d’accueil d’un collège du 10e arrondissement de Paris, Julie Bertucelli donne la parole à ceux qui ne l’ont pas, ou très peu, médiatiquement s’entend. La démarche est ici d’autant plus intéressante que ces élèves invités à s’exprimer, sont là parce qu’ils n’ont pas (encore) une maîtrise suffisante du français, condition de leur intégration future dans une classe “normale”. Premier étonnement: cette absence de maîtrise est loin d’être un handicap dès lors qu’il s’agit d’exprimer leurs sentiments profonds. Qu’ils soient Brésilien, Sénégalais, Chinois, Biélorusse, Serbe, ou de façon plus inattendue, Anglais ou Irlandais, tous ont en commun le déracinement et l’apprentissage forcément difficile d’une vie toute autre dans des conditions précaires. Mais chaque histoire est différente pour ces 24 élèves représentant une vingtaine de nationalités et autant de langues. C’est en effet le partage des expériences qui est suscité par la professeure en a charge de cette classe pas comme les autres dans laquelle Julie Bertucelli s’est rendue en moyenne deux fois par jour pendant toute l’année scolaire. « C’est sur la durée qu’ils m’ont acceptée, et m’ont laissée faire partie de leur classe. J’étais face à eux, à côté de la prof, avec ma petite chaise à roulettes, ils me voyaient bien, ils ne m’oubliaient pas. Mais il n’y a aucun regard caméra dans le film. » Le fait est que le spectateur n’a jamais l’impression d’une réalité “pour la caméra”. En résulteront des dizaines d’heures d’image et de son ramenées à une heure et demie par le montage. La cinéaste a donc dû choisir: seuls une huitaine d’élèves seront suivis, non seulement en classe mais aussi lors de leurs entretiens avec la prof, seuls ou accompagnés d’un parent (rarement deux et pas nécessairement biologique, parlant ou non le français). Autant d’histoires mêlant souffrances, ambitions, espoirs, venues de tous les continents et exprimées selon les codes propres à chaque culture. De l’Africaine ayant deux religions et venue en France pour être libre au violoncelliste argentin, du Serbe persécuté chez lui parce que juif à la Roumaine recevant les félicitations du conseil de classe, une plongée souvent bouleversante dans la commune humanité des occupants de la Tour de Babel. Au détour d’une phrase, d’un regard, d’un silence, on a le sentiment que tout est dit. On n’oubliera pas le moment où l’une des jeunes c t u a Ukrainiennes commence à chanter pour la classe, l’évidence immédiate du chant slave, sa force, son naturel. Il faut observer le changement à vue des trois camarades au second plan: ne venant pas d’une culture où le chant a une aussi grande place, ils sont d’abord prêts à rire, mais pas longtemps, et la sincérité de leurs applaudissements touche. Parfaitement captée également, l’importance pour ces adolescent(e)s du travail partagé: ils tourneront un film sur eux-mêmes parlant face à la caméra (jolie mise en abyme) qui sera projeté dans le cadre d’un festival du film scolaire à Chartres où la classe s’est transportée. Il faut voir leur joie à l’annonce que le film a reçu un prix. Les liens progressivement créés mèneront à la grande séparation de fin d’année entre embrassades et larmes. Peu importe si les cyniques de service écriront, comme on peut le prévoir, qu’on ne fait pas de bon cinéma avec de bons sentiments, ou qu’il ne s’agit que d’un hommage déguisé à l’Education nationale. Ils passeront à côté de ce que Julie Bertucelli prouve si tranquillement: qu’on ne voit bien qu’avec le coeur. Christian Bernard IDA de Pawel Pawlikowski, avec Agata Kulesza, Agata Trzebuchowska (Pologne, 2012) Pawel Pawlikowski est un cinéaste polonais âgé de 57 ans vivant en Grande-Bretagne. Il a quitté sa Pologne natale à l’âge de 14 ans, en 1971. Après trois longs-métrages, Transit Palace (2000) et My Summer of Love (2004) tournés en Grande-Bretagne, et La Femme du Vème (2011) tourné à Paris, il éprouve le besoin de revenir en Pologne pour y réaliser cet admirable Ida. En racontant l’histoire située dans la Pologne de 1962 d’Ida, jeune novice à la veille de ses vœux, et de sa tante Wanda, juge dans un «La cour de Babel» © Agora Films l i t é c i n é m a petit tribunal, Pawlikowski créer des conflits !). Dans le revisite l’histoire de la Pologne village, elle retrouve un ami un d’après-guerre, entre catholipeu plus âgé (James Thierrée) cisme, communisme et - thème avec lequel elle avait un peu plus rarement exploré par le flirté. A la suite d’une nuit d’acinéma polonais - antisémitismour ratée, ils avaient rompu. me. Il dresse en même temps Leurs retrouvailles vont d’aun portrait sans caricature de la bord relancer un dialogue pour Pologne de l’époque. Ida, se renvoyer la responsabilité séparée tout enfant de ses de cet échec. parents dont elle ignore ce On connaît le talent de qu’ils sont devenus, a été éledialoguiste de Doillon (certaivée dans un couvent. Elle ne nes répliques restent en connaît rien du monde. Son mémoire comme des vers), seul horizon est le couvent et mais aussi sa façon de faire ses rites, sa seule force, sa foi. souffler, chuchoter, proférer, Sa mère avait une sœur, mais crier ses dialogues. Et de les Agata Kulesza et Agata Trzebuchowska dans «Ida» © Frenetic Films elle n’a jamais reçu la visite de rythmer comme de la musique. cette tante, malgré ses demandes. Pourtant la recréer l’ambiance unique de ces dancings où se Il sait aussi tout le mal que peuvent faire les Mère supérieure, estimant indispensable qu’elle produisaient d’excellents musiciens n’ignorant ni mots, surtout quand ceux qui les utilisent connaisse le monde avant de prononcer ses vœux John Coltrane, ni Adriano Celentano. Lorsqu’Ida connaissent fort bien leur petit Freud ! C’est dire définitifs, lui annonce qu’elle va séjourner chez après s’être laissée séduire par un beau saxopho- que, dans un premier temps, les personnages cette tante Wanda inconnue. Tout semble devoir niste, deuxième temps de son initiation, danse devront (elle surtout, avec ses histoires de séparer Ida l’ignorante vivant hors du temps et avec lui, on pense à Viridiana. Mais elle ne le sui- famille) se débarrasser de leurs fantômes pour Wanda porteuse d’un poids d’histoire trop lourd, vra pas, et le film s’achève sur Ida en route vers arriver à lutter vraiment seul à seul ! Ida l’innocente spectatrice muette et Wanda, la le couvent, sans que l’on sache si elle va prononTrès vite d’ailleurs la lutte verbale ne suffit sensuelle, la lucide jusqu’à la dureté, la secrète- cer ses vœux. plus aux deux protagonistes qui vont peu à peu la ment désespérée. Pourtant elles se rapprocheront Je ne sais ce qu’il faut le plus admirer dans transformer en lutte physique. Ils vont se humer, jusqu’à devenir miroir l’une de l’autre au fil de cet Ida: la sécheresse d’une narration concise et se frôler, s’enlacer, se repousser, se frapper, se l’initiation conduite par Wanda. elliptique enchaînant des scènes allant tout de rouler dans la boue… Une danse qui constitue un Initiation à quoi ? Au monde, on l’a dit, suite à l’essentiel et coupées dès que ce qui curieux oxymore : douce violence, violente douc’est-à-dire, dans un premier temps, à la connais- devait être dit est dit ? Une superbe image en noir ceur. Je parle de danse car les protagonistes ne sance par Ida de ses origines. “Tu es juive” seront et blanc au format carré 1,33 comme à l’époque? luttent pas tant l’un contre l’autre que l’un avec les premières paroles adressées par Wanda à sa La science et l’originalité des cadrages (prédilec- l’autre. On peut distinguer plusieurs temps dans nièce. La quête des origines prendra la forme tion pour les gros plans de visages décentrés et la progression dramaturgique, mais disons pour d’une enquête: retrouver la maison familiale, coupés au ras du cadre)? L’oreille d’un cinéaste simplifier que les passes de lutte, après le retrouver les traces des disparus. Non sans peine, musicien attentif tant au rythme du montage, moment de paroxysme à nu dans la boue, se “la maison des juifs” sera retrouvée dans un qu’aux bruits, qu’aux musiques (presque tou- transforment de plus en plus en étreintes érovillage, occupée par un paysan polonais. Contre jours écoutées par les personnages; pas de tiques qui entraînent les deux personnages dans la promesse qu’il pourra rester, il conduira les musique d’accompagnement) ? Avec cet Ida de une sorte de dépendance. Ils semblent succomber deux femmes dans une forêt à l’endroit où il a grande tenue, on se dit que le grand cinéma polo- à l’empire de la passion. enseveli les corps et exhumera les restes; du fond nais (projeté au Ciné-club universitaire ce trimesDe même que Doillon est un maître de la du trou qu’il a creusé, il leur avoue son crime. tre, voir ci-contre) continue. captation de la parole dans tous ses états, il se Christian Bernard révèle magistral dans sa façon d’accompagner Les restes seront ensevelis dans un cimetière juif par sa caméra ces luttes amoureuses. à l’abandon… En parlant de Polonais tuant des Accompagner de tout près de sorte que le spectaJuifs, Warlikowski s’inscrit dans un débat qui n’a MES SEANCES DE LUTTE pu que récemment émerger en Pologne, levant un de Jacques Doillon (France, 2013) avec Sara teur est comme aspiré par ce jeu de pouvoir et de Forestier, James Thierrée, Louise Szpindel séduction violent! Entraîné dans tous les recoins véritable tabou. de la maison, derrière les meubles, dans les escaL’inscription de l’histoire polonaise à traUn scénario qui tient sur une carte postale : liers les plus sombres. Emporté par l’énergie et vers le personnage de Wanda ne s’arrête pas là. Son alcoolisme et ses aventures sans lendemain une jeune femme (Sara Forestier) revient sur les l’élan des acteurs : Sara Forestier comme James sont le symptôme d’une autre fêlure: elle a été lieux de son enfance et de son adolescence pour Thierrée sont absolument prodigieux de subtilité avant 1956 un procureur général impitoyable l’enterrement de son père (qui ne lui a pas donné et débordant d’une énergie sexuelle (sans que le (“Wanda la Rouge”) que la déstalinisation a éloi- d’amour et qu’elle détestait) et le difficile partage film soit jamais pornographique) vertigineuse. Serge Lachat gné du pouvoir. Elle entraînera Ida dans ses sor- de l’héritage avec son frère et sa sœur (en fait, ties nocturnes, l’occasion pour Warlikowski de elle ne voudrait que le piano, mais cela suffit à a c t u a l i t é 15 c i n é m a paraît-il, continué à tourner des films jusqu’en 2010, mais dès les années 80, ceux-ci n’ont plus trouvé le chemin de nos écrans. NéCROLOGIE : DéCèS DE MIKLOS JANCSO 16 Pour tous ceux qui aiment le cinéma, même et surtout dans ses manifestations les plus formellement audacieuses, la mort du cinéaste hongrois Miklos Jancso doit faire remonter des images et des séquences de films qui les ont marqués à jamais. Mais il est vrai que ces dernières années, Jancso avait presque totalement disparu des écrans et que très peu parmi les plus jeunes ont entendu parler de lui. Pourtant, dans les années 60-70, alors que nous découvrions un cinéma venus d’autres continents ou régions du monde (Amérique latine, Europe de l’Est…), Miklos Jancso occupait une place tout à fait importante. Non seulement son cinéma parlait de l’histoire peu connue de la Hongrie en évoquant par exemple l’écrasement de la révolution hongroise de 1848 par une coalition austro-russe (Les Sans Espoir, 1965), ou encore les atrocités de la guerre civile entre partisans et opposants de la Révolution bolchévique (Rouges et Blancs, 1967), mais il le faisait dans une forme absolument nouvelle. Tous ceux qui ont vu ses films se souviendront de son goût pour les plans-séquences interminables (parfois plus de 12 minutes !) qui donnaient à ses œuvres une dimension lyrique et graphique loin de tout naturalisme. Cette stylisation extrême, ce lyrisme épique seront reconnus et récompensés avec un prix de la mise en scène à Cannes en 1972 pour son chef-d’œuvre Psaume rouge qui parle des révoltes paysannes dans la Hongrie de la fin du 19ème siècle. Jancso a, En DVD Serge Lachat LE MANUSCRIT TROUVé à SARAGOSSE Christian Bernard Rens. : www.a-c.ch/ccu de Wojciech Jerzy Has, Pologne, 1964 C’est par ce chef-d’œuvre dont la sélection à Cannes en 1965 contribua à faire connaître son auteur, que se clôt, le 31 mars, le cycle que le Ciné-club universitaire de Genève a consacré durant trois mois au cinéma polonais. Tiré du roman de Jan Potocki publié en 1810 dont il reprend la structure, ce récit picaresque contant le voyage initiatique du capitaine Alfonse van Worden tel qu’il est consigné dans un manuscrit retrouvé par deux soldats lors du siège de Saragosse en 1809 est une suite d’histoires dans l’histoire, donnant elle-même lieu à d’autres histoires, plusieurs dizaines en tout. Une structure encore plus ramifiée que celle suggérée par l’image des poupées russes ou des récits gigogne. On se perdra avec délices dans cet univers de contes aussi surréaliste qu’érotique, ou tout n’est qu’illusions, fantasmes, rêves. Plus tôt dans le mois sont proposés Haut les mains (1967) de Jerzy Skolimowski, critique trop transparente du régime communiste qui fut donc censurée pendant 14 ans et mena Skolimovski à l’exil (3 mars); également interdit mais pour d’autres raisons, Le Diable (1972) d’Andrzej Zuławski manifeste déjà les penchants du cinéaste pour l’hystérisation et l’esthétisation des rapre de Vol au dessus d’un nid de coucou, Desplechin émeut profondément. JIMMY P. (Psychothérapie d'un MISSING Indien des Plaines) d’Arnaud Desplechin (france tv) Passé trop brièvement sur nos écrans, Jimmy P. se voit offrir une session de rattrapage en DVD ou en Blu-ray. Dans ce film américain à la simplicité fordienne mais tournant le dos aux grands espaces, Desplechin s’offre le luxe d’avancer au rythme lent des séances d’analyse de Jimmy Picard (Benicio Del Toro), un soldat Indien Blackfoot revenu traumatisé par les combats menés en France en 1944, séances retranscrites par l'ethnopsychiatre Georges Devereux (Mathieu Amalric). Entre l’Indien tenu pour fou et le pionnier d’une discipline encore marginalisée, s’établira une confiance menant à la guérison. Confiance souterrainement renforcée par leur commun statut de survivant (Devereux est un juif hongrois). Refusant de dramatiser à la maniè- a de Costa Gavras, DVD (Universal Classics) Sa longévité et le nombre relativement réduit de ses films pourraient conduire à le négliger. Costa Gavras, rapidement etiqueté cinéaste politique (ce qu’il est certainement) est aussi un grand connaisseur du cinéma tout court. On s’en convaincra avec ce thriller politique, Palme d’Or à Cannes en 1982, racontant la quête initiatique d’un homme d’affaires new-yorkais parti à la recherche de son fils journaliste, disparu suite à un coup d’état militaire dans un pays d’Amérique latine. Une preuve de plus que Jack Lemmon est aussi un grand acteur tragique. Il atteint ici des sommets dignes de son rôle d’alcoolique dans The days of Wine and Roses de Blake Edwards. Excellente Sissy Spacek dans le rôle de sa bellefille. c t u ports de force ; quant à Sans fin (1985) de Krzysztof Kieślowski, il inscrit avec finesse deux drames personnels dans la Pologne de 1982, celle de l’interdiction de Solidarnosc et la proclamation de l’état de guerre (24 mars). a L’ORGUE FAIT SON CINEMA Certains lecteurs le savent peut-être déjà, le Collège Claparède de Genève a la chance de posséder un orgue de cinéma. Construit dans les années 1920 par la société Wurlitzer pour un cinéma londonien, cet orgue a été racheté en fort mauvais état par un amateur genevois qui a trouvé en Monsieur Raymond Jourdan un directeur prêt à accueillir l’instrument dans son établissement qui disposait d’une salle de projection pour son ciné-club et autres manifestations. Mais un orgue de cinéma, surtout s’il est peu joué, se dégrade très vite et l’orgue de Claparède a fait l’objet de plusieurs remises en état. La dernière, la plus importante a été permise par la création d’une association : « Les Amis de l’Orgue de Cinéma du Collège Claparède » (www.orguedecinema.ch). Et c’est pour permet-tre de (re)découvrir ce merveilleux instrument en parfait état que cette association organise du 19 au 29 mars un premier festival « L’Orgue fait son cinéma », dont le programme figure sur le site sus-mentionné. Une occasion à ne pas manquer ! Serge Lachat BLUE JASMINE de Woody Allen, DVD ou Blu-ray (TF1) On s’en voudrait de ne pas signaler la sortie en DVD de cette réussite dans la veine sombre du cinéaste, celle de Crimes and Misdemeanors. Pour voir ou revoir la performance de Kate Blanchett incarnant cette Jasmine à la dérive, riche new-yorkaise désormais sans le sou à la recherche d’un nouveau départ en Californie auprès de sa sœur d’adoption, la très vivante et tonique Ginger (excellente Sally Hawkins). En suivant Jasmine dans ses rencontres californiennes, sa séduction, sa fragilité, ses névroses, on rit beaucoup (on est chez Woody Allen), mais le constat est sans appel: elle ne pourra que rejouer ses rêves et revivre son monde. Les crises ne servent à rien, aucun nouveau départ n’est possible car nul n’échappe à soi: le pessimisme de Woody Allen atteint ici un sommet. Christian Bernard l i t é c i n é m a tous les suffrages. Ce film historique, inspiré de l’œuvre de Stephan Zweig, est cependant un film d’auteur aussi bien pour la subjectivité de la narration que pour la sobriété de la photographie. En plus, il est animé par une musique envoûtante d’excellent niveau, de la compositrice russe Sophia Goubaïdoulina. à soleure Le film suisse se porte bien Palmarès Les journées de Soleure qui font chaque année le point sur la production des films suisses se sont déroulées fin janvier. On a pu y voir du très bon cinéma (en tout 35 premières), aussi bien des documentaires que de la fiction. a enflammé les esprits : la fiction Puppy Love, premier long métrage de la Lausannoise Sabine Lehericey. Il s’agit de l’éveil de la sexualité chez deux adolescentes, l’une ne cherchant que le plaisir, l’autre étant plus exigeante. Et bien, cette œuvre « sent encore l’école » (Les Cahiers du cinéma), elle est « bien supérieure à La vie d’Adèle» (Le Monde), sur quoi «Puppy Love» de Sabine Lehericey Parmi la sélection pour le prix principal, le prix de Soleure, il y a eu de très bons films mais aussi une déception. On attendait beaucoup de Akte Grüninger, d’Alain Gsponer le film sur ce juste Suisse qui a sauvé plusieurs centaines de juifs pendant la seconde guerre mondiale. Et bien le résultat est loin d’être un chef-d’œuvre, aussi bien techniquement qu’en ce qui concerne la structure narrative. Il vaut mieux revoir l’excellent documentaire de Richard Dindo (de 1997). On a par contre été captivé par L’escale de Kaveh Bakthiari, un Genevois avec des racines iraniennes. Pendant une durée de plus d’une heure et demie, on est enfermé dans un appartement à Athènes dans lequel se cachent des Iraniens clandestins. Le film, qui a été présenté à la quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes, est un plaidoyer humaniste. On vit avec les clandestins et on espère avec eux qu’ils réussiront à continuer leur périple en Europe. Parmi les tables rondes organisées par le Festival celle des critiques français était particulièrement animée. Ainsi la discussion sur le documentaire L’expérience Blocher de JeanStéphane Bron, fut qualifié tour à tour de génial (Les Cahiers du cinéma), d’horrifiant (Le Monde) de mou (France Culture). Un autre film a c t u Deux films romands qui relatent la vie de personnes en marge de la société ont impressionné l’audience : Left Foot Right Foot, du Lausannois Germinal Roaux, raconte la vie d’un jeune homme qui s’occupe de son frère autiste. Le film qui contient des citations du célèbre What’s Eating Gilbert Grape de Lasse Hallström, convainc, notamment grâce à la performance d’acteur de Dimitri Stapfer. Milky Way, du Neuchâtelois Cyril Bon et du Français Joseph Incardona, raconte avec empathie la vie de trois personnes au chômage, (un adulte, un jeune homme et une jeune femme) qui vivent dans une colocation et qui s’en sortiront en gagnant le gros lot lors d’une course… d’escargots ! Un mélo avec donc une prise comique. Les deux prix du Festival ont récompensé des films en rapport avec l’immigration : le Prix de Soleure a été attribué à L’escale et le public a plébiscité Neuland, un film documentaire de «Milky Way» de Cyril Bon et Joseph Incardona Corinne Rondeau (France Culture) s’exclame qu’elle ne veut plus entendre parler de ce dernier film (palme d’or à Cannes) totalement surestimé. Tous les critiques étaient d’accord pour louer les acteurs : Solène Rigot, Audrey Bastien et Vincent Perez. Les films de fiction alémaniques comprenaient le pire (Achtung, fertig, WK! De Oliver Rihs) et le meilleur (Der Goalie bin ig, de Sabine Boss) en dialecte bernois. Mary Queen of Scots, du Lucernois Thomas Imbach, une production franco-suisse, a également rallié a l i t la Bâloise Anna Thommen, qui a suivi pendant deux ans avec sa caméra la vie quotidienne d’une classe d’intégration dans une école de la ville rhénane. L’atmosphère du Festival qui se déroule dans la belle vieille ville de Soleure est très agréable. La manifestation est bilingue, les francophones s’y sentent tout à fait à l’aise. Car si le film suisse se porte bien, c’est aussi grâce aux réalisateurs romands! Emmanuèle Rüegger é 17 c i n é m a Retour en Syrie avec le grand réalisateur Mohamad Malas et son Ladder to Damascus, qui interroge la possibilité de vivre « normalement » une paix séparée pour de jeunes artistes dans leur pays en guerre. On attend aussi beaucoup de A Stranger du Croate Bobo Jelcic revisitant Mostar 20 ans après, entre humour noir et réalité kafkaïenne. maison des arts du grütli Le 7e art révélateur de l’état du monde La 12e édition du Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains (FIFDH) se tiendra du 7 au 16 mars en marge de la réunion du Conseil des droits de l’homme. Outre une quarantaine de films, documentaires de création ou fictions, pour certains inédits, sont proposées des rencontres avec des personnalités de premier plan. 18 Avec 25’000 spectateurs en 2013, le FIFDH a battu un record d’audience. Un succès qui devrait être au rendez-vous de l’édition 2014 à en juger par sa qualité. Large sélection. Au chapitre des documentaires de création la projection en première suisse du bouleversant L’image manquante de Rithy Pahn, primé à Cannes et nominé aux Oscars, sera un moment fort. Autre première suisse, Return to Homs du réalisateur syrien Talal Derki, suit sur trois ans la descente aux enfers de deux jeunes gens que rien ne prédisposait à devoir prendre les armes contre la répression du régime. Production suisse, Watermarks - Three Letters from China est le portrait entre passé, présent et futur, de trois habitants pris dans les bouleversements économiques et sociaux que connaît la Chine. Il est signé Luc Schaedler. Autour de la Journée internationale des Femmes le 8 mars, projection de Light Fly, Fly High de Beathe Hofseth et Susann Østigaard qui suit une jeune boxeuse indienne de caste inférieure dans son vain combat pour s’élever socialement. Quant à la réalisatrice et journaliste Mimi Chakarova, elle enquête sur la traite des jeunes femmes en Europe de l’Est avec The Price of Sex, un éclairage cru sur l’enfer quotidien vécu par ces esclaves sexuelles. Retour sur Angela Davis, figure majeure de la contestation de l’Amérique des années 60, qui se confie dans Free Angela and All Political Prisoners, véritable thriller politique que lui consacre Shola Lynch. La section « Fiction et droits humains » regroupe huit films en compétition. On distinguera la révélation que constitue The Selfish Giant de Clio Barnard (voir critique p. 8). Egalement inédit en Suisse, Red Family, écrit et produit par Kim Ki-duk et réalisé par Lee Juhyoung aborde le thème des relations entre les deux Corées, avec la saga, entre humour et drame, d’espions du Nord infiltrés au Sud. Clio Barnard, la réalisatrice de «The Selfish Giant». Photo Nick Wall a c t u Parmi les invités de marque de cette édition, on mentionnera l’actrice française Rachida Brakni ainsi que l’écrivaine et journaliste Joumana Haddad, figure du féminisme dans le monde arabe, ainsi que trois personnalités que l’on ne présente plus : Robert Badinter, Navanethem Pillay, Haut-Commissaire des Nations-Unie aux droits de l’Homme, et Edgar Morin. Signalons pour terminer la soirée « Yes We Scan » consacrée au thème de la cybersurveillance avec la participation notamment de Me Baltasar Garzon, avocat de Julian Assange, fondateur de Wikileaks. Christian Bernard Renseignements sur www.fifdh.org/ FIFF Le Festival International de Film de Fribourg change de cape. Thierry Jobin, le directeur artistique a dévoilé les grandes lignes de sa programmation. Dans cette 28ème édition, le sport et l’enfance laissent place à des sujets plus durs. Des films sur les catastrophes et la crise seront à l’honneur, notamment avec le documentaire Finding Vivian Maier de John Maloof et Charlie Siskel. Cette année est aussi celle des cartes blanches. Les cinéastes belges, les frères Dardenne, présenteront une face méconnue de leur travail : leurs productions. La légende du hockey Slava Bykov nous fera une visiter la Russie des films populaires. Est prévue aussi une rétrospective des œuvres marquantes du cinéma Iraniens. Et pour cela, quatorze des plus importants réalisateurs iraniens, dont Asghar Farhadi, Jafar Panahi, Mohsen Makhmalbaf, Sepideh Farsi, Mahmoud Ghaffari et Shirin Neshat, ont choisi pour le festival, 27 films allant de 1933 à 2006. Cette collection voyagera vers d’autres festivals comme en juin au Festival international du film d'Édimbourg et s’étoffera au fil de son parcours. En somme, une édition qui permettra de parfaire sa culture du cinéma d’ailleurs. Et pour la programmation complète : suspense… Il faudra attendre la mi-mars. Tuana Gökçim Toksöz a l i t é c i n é m a En juillet dernier, Médiapart a fait l’expérience de la censure suite à un arrêt surprenant de la cour d’appel de Versailles imposant le retrait des enregistrements fait par le majordome de Liliane Bettencourt et les textes qui les relatent. entretien Edwy Plenel Directeur du quotidien numérique Médiapart, le journaliste français Edwy Plenel est connu pour être un défenseur de la liberté d’expression, de la protection des citoyens lanceurs d’alerte et des journalistes. Edwy Plenel rejoindra donc Me Baltasar Garzon, l’avocat en charge de la défense de Wikileaks, pour apporter sa lecture d’Internet et celle du droit à l’information lors du débat sur la cybersurveillance orchestré par le Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains. Entretien téléphonique avec Edwy Plenel. Doit-on rejeter en block la cybersurveillance ? Le numérique n’a pas de frontières, c’est une immense forêt vierge et on a deux attitudes par rapport à elle. Soit on se dit qu’il y a des bêtes sauvages, on peut s’y égarer, c’est dangereux, c’est menaçant. Et dans ce cas là, on va mettre des barbelés, du goudron. Soit on se dit qu’il y a effectivement des bêtes sauvages dans la forêt vierge mais que c’est le poumon de notre écosystème. C’est un lieu où il y a des merveilles de la nature, où il y a tous les jours des nouvelles fleurs et des moments de grâce, des espèces très rares qu’il faut protéger et qu’il faut respecter cet écosystème. Nous [Médiapart], nous sommes partisans en clair de faire confiance à la liberté et de ne pas faire confiance au contrôle par les États, par les fournisseurs d’accès ou par les grandes entreprises du numérique. Vous partagez donc le même point de vue que Julian Assange et autres “hacktivistes“. Nous sommes partenaires de Wikileaks et nous avons d’ailleurs créé Frenchleaks. Et tout comme Wikileaks, nous défendons le développement et le renforcement du droit de savoir. Qui signifie que tout ce qui doit être d’intérêt public, doit être public. Et dans le cadre de la révolution numérique qui permet une diffusion horizontale, sans frontière, des informations, il faut conforter, consolider, développer et étendre ce droit. Ce droit est, effectivement, actuellement combattu par les moyens que se donnent les États, parfois aussi les grandes entreprises pour entraver cette liberté. Ces moyens passent par la surveillance accrue de notre utilisation d’internet, en quoi est-ce inquiétant ? Eh bien, en l’occurrence, c’est la question de la e n t r neutralité du numérique qui est en jeu. C’est-àdire, du droit d’accès de tous sans que ce soit des puissances extérieures qui contrôlent. Après, je rends des comptes si je publie des diffamations ou des insultes. Mais ce n’est ni à l’État, ni à des entreprises privées de contrôler ce à quoi j’ai accès sur mon ordinateur. Il faut faire le pari de la liberté et que cette liberté soit régulatrice. Il y a eu d’autres révolutions industrielles. Et l’une d’elles a donné tout bêtement naissance aux médias de masse à travers la presse démocratisée. À cette époque-là, au XIXème siècle, certains États ont considéré qu’il fallait demander une autorisation préalable pour faire un journal, qu’il fallait le cautionnement, qu’il fallait la censure, qu’il fallait contrôler son contenu. En bref, c’était un danger cette liberté de l’information. Ça a été une bataille de la société pour obtenir des lois libérales, au sens politique du terme, qui permettent à cette liberté de l’information de s’épanouir. Et bien, nous sommes dans le même moment, aujourd’hui, avec le numérique. L’ex-président Nicolas Sarkozy voulait encadrer les activités du Net, où se situe la France actuellement en matière de surveillance ? Il y a un combat entre les défenseurs des libertés dans le cadre d’Internet notamment au travers de l’association française, la Quadrature du Net, et ceux qui voudraient augmenter cette surveillance étatique ou économique du numérique. Mais cette question n’est pas propre à la France, le numérique n’ayant pas de frontières. L’arrivée du numérique traduit un nouveau rapport dans nos sociétés. Nous ne sommes plus dans des sociétés de groupes, de castes. Et cette évolution culturelle de nos sociétés provoque des tensions et des crispations d’un certain conservatisme qui veut nous fixer au groupe. e t i e Dans la période de transition que nous vivons, il y a des régressions qui sont possibles au niveau du droit à l’information. C’est ce que montrent les décisions qui ont été prises hors du droit de la presse, de manière non-justifiée d’une protection de la vie privée, contre les informations que nous avons publiées qui concernaient des faits d’intérêt public dans le cadre de l’affaire Bettencourt. Alors, que pronostiquez-vous comme avenir à la cybersurveillance? Vous en avez d’une certaine manière une image avec le blockbuster que fut le film Avatar. Et comme vous le savez, le scénario d’Avatar, c’est l’idée d’une libération. Au fond, celui qui est du côté de la puissance, de ceux qui détruisent la forêt vierge et l’écosystème, en l’exploitant, décide par le lien, par la relation – et l’univers du net, c’est l’univers de la relation – de se déplacer. De passer du camp des puissants qui sont en fait très fragiles, du côté des opprimés, du côté de la liberté. Et bien, vous avez là un peu l’exemple des questions que nous pose le numérique. Comment nous-mêmes, individuellement, devons défendre nos libertés. La surveillance globale est un phénomène connu depuis les années 1990 et validée par plusieurs états dont les états-Unis et l’Angleterre, à la suite des attentats du 11 septembre. Pourquoi avoir attendu les révélations de Snowden pour s’y consacrer ? Dans le journalisme une chose est de savoir que quelque chose existe. Une chose est de le prouver et de faire un événement auprès de l’opinion. Le fait qu’il y a de l’évasion et de la fraude fiscale, on le sait depuis des décennies mais c’est autre chose d’en révéler l’ampleur avec des noms, avec des chiffres et des montants, comme le scandale Cahuzac en France. Tout d’un coup, les gens prennent conscience en temps de crise qu’avec l’évasion et la fraude fiscale, c’est une richesse des nations qui est détournée et les choses bougent. Propos recueillis par Tuana Gökçim Toksöz n 19 t h é â t tournée en suisse romande Voyage au bout de la nuit Jean-François Balmer s’est attaqué au louable projet de mettre en théâtre le Voyage au bout de la nuit, le célèbre roman de Céline. L’acteur accomplit une prouesse et le public fait un triomphe mérité. Comme nous l’avons pu constater au Théâtre Montansier de Versailles, où nous avons vu le spectacle. Balmer est donc seul en scène, captivant l’attention au cours d’un soliloque de plus d’une heure et demie. Il s’agit presque d’un défi. D’autant que le plateau se résume à un arrièrefond de nuages ténébreux projetés et variant imperceptiblement, que les lumières restent obstinément en clair-obscur, sauf pour le prota- goniste principal sous des projecteurs changeants, que les costumes, portés successivement par le héros solitaire, vont de la simple gabardine ou redingote vert-de-gris (agrémentée, si l’on peut dire, d’un fusil en bandoulière), de la saharienne avec casque colonial, du manteau très urbain (avec Borsalino) jusqu’à la robe d’inté- 20 r e rieur. Le décor, quant à lui, se simplifie entre un attirail de campagne (caisson et pelisse), un lit en forme de paillasse, un banc public et enfin une petite table pourvue de sa chaise. Soit, côtés costumes et décors (?), l’illustration des quatre épisodes des mésaventures de Bardamu, Pied Nickelé égaré dans la guerre en Europe (la grande, celle de 14-18) et son cortège d’horreurs, l’Afrique, comme un paradis promis qui s’avère infernal, New York, autre miroir aux alouettes, et enfin Paris (la place Clichy) et sa banlieue, la triste réalité des jours ordinaires. Un voyage, dans des ténèbres sans espoir, “ au bout de la nuit ” dit l’auteur (fameux au plan littéraire mais contesté sur d’autres plans, à juste titre et par Balmer lui-même dans une de ses déclarations). Le texte, adapté et raccourci par les soins de Nicolas Massadau, est déclamé dans un débit saccadé, vif, angoissé, avec de fugaces élans de fureur et de larmes. Le comédien d’origine suisse est un beau diseur et un acteur d’une présence saisissante. Mais Bardamu/Balmer ne se contente pas d’être un personnage, il semble porter en lui tout une morale, toute l’humanité entière. Il est parfaitement soutenu dans sa tâche par la mise en scène et scénographie de Françoise Petit, les images de Tristan Sebenne, les lumières de Nathalie Brun, la régie sonore de Thibault Hédouin. Avec, pour cette dernière, la diffusion de quelques discrets extraits musicaux et passages parlés enregistrés, formant césures entre les scènes, et qui découpent la soirée comme autant de séquences et de rêves liés insaisissables. Pierre-René Serna Voyage au bout de la nuit d'après LouisFerdinand Céline, par Jean-François Balmer, m.e.s. Françoise Petit - Le 13 mars, Fribourg, Théâtre Equilibre à 20h (billetterie : Fribourg Tourisme 026/350.11.00 / [email protected]) - Le 18 mars, L’Octogone, Pully, à 20h30 (loc. 021/721.36.20) - Le 20 mars, Forum Meyrin à 20h30 sauf mention contraire (loc. 022/989.34.34) Jean-François Balmer dans «Voyage au bout de la nuit» a c t u a l i t é t h é â t r e création de la pièce dans les années 60, et qui apparaissent aujourd'hui plutôt datés. comédie de genève Oh les beaux jours Dans un morceau de désert, une femme s’enlise à bas bruit. Autour de ce naufrage, des vestiges : un conjoint muet, une brosse à dents, un miroir, une fourmi, des raisonnements, des souvenirs éboulés, des tics, quelques élans. Comme le disait Jean-Louis Barrault en 1963 dans L’Avant-Scène (n° 313) : « En général dans les pièces de théâtre, il y a quelque chose : une action qui arrive, passe et s’en va. Ici, dans Oh les beaux jours de Samuel Beckett, il y a quelqu’un ; une femme qui est là. Il semble que les choses soient déjà passées ou disparues. Nous sommes au terme de la Vie. Au terme de Tout. Et pourtant cette femme qui est là, est gaie et reconnaissante. Elle remercie. Elle comprend tout. Sa nature est obstinément braquée vers l’optimisme. C’est une damnée de l’espérance... » Comment ça commence Etendue d’herbe brûlée s’enflant au centre en petit mamelon. Pentes douces à gauche et à droite, et côté avant-scène. Derrière, une chute plus abrupte au niveau de la scène. Maximum de simplicité et de symétrie. Lumière aveuglante. Une toile de fond en trompe-l’œil, très pompier, représente la fuite et la rencontre au loin d’un ciel sans nuages et d’une plaine dénudée. Enterrée jusqu’au-dessus de la taille dans le mamelon au centre précis de celui-ci, Winnie, la cinquantaine, de beaux restes… Winnie fixant le zénith : « Encore une journée divine ! » Que nous dit cette phrase liminaire ? Où marquer la césure, la respiration ? Avant ‘encore’ ? Après ‘encore une’? Et au fait, qu’est-ce qu’une journée divine ? Rosine Schautz Entretien : Anne Bisang détacher de l’autre, précisément des liens tissés avec cet autre-là au cours des années. Ce texte en 2 actes, est-ce du théâtre finalement, ou de la poésie proférée, monologuée ? C’est du théâtre, avec un dépouillement maximal certes, qui met le focus sur la pensée d’une femme. Beckett aime aller à l’essence des choses avec force et dérision, avec une pointe de grotesque. Il ne s'agit pas d'un monologue car Winnie s'adresse concrètement à Willie, son partenaire de vie, durant toute la pièce. Ce qui me touche dans cette pièce, c’est cette femme qui parle au nom de l’humanité, qui représente l’humanité dans toute son amplitude, sa faiblesse et sa force. Comme Job le patriarche qui supporte et se résigne ? En effet, il y a des correspondances. Mais contrairement à Job qui maudit son existence du haut de son tas de fumier, il n'y a aucune lamentation chez Winnie. A peine un peu de révolte parfois, et ce paradoxe: à mesure qu'elle s'enfonce dans le sol, elle exprime surtout une force de vie, de créativité et de gratitude inédite. Comment avez-vous abordé ce texte? On a procédé à un travail à la table, traditionnel, pour faire surgir la compréhension du texte formellement et d’une pensée. On a recherché les trames, les leitmotive. Un travail d’archéologie dramaturgique. D’autant plus nécessaire que pour moi, Winnie, c’est l’Actrice, l’actrice des actrices. Christiane Cohendy représente le théâtre, incarne une page marquante de l’histoire du théâtre. L’interprétation devait jouer là-dessus aussi. Est-ce une pièce sur le couple ? Dans le texte, beaucoup de didascalies : comment les traiter ? Oui, indéniablement. C’est une pièce sur le couple qui raconte une érosion humaine. Mais ce n’est pas une pièce désespérée! C’est un texte qui parle de délivrance et d’attachement, qui parle d’amour aussi, qui propose une vision de l’amour vécu comme une ‘damnation’ dont on ne se libérerait pas. Enfin, c’est une pièce qui montre combien il est difficile de se Les didascalies appartiennent au corps du texte, et nous sommes tenus, même contractuellement, de les suivre à la lettre. Il s’agit ici d’une partition musicale et chorégraphique, et dès que l’on s’en éloigne, le texte se banalise. Pour rendre toute cette matière vivante, nous avons retravaillé quelques formalismes qui ne parlent plus de la même manière qu’au moment de la e n t r e t i e Q u e l décor et quel uniAnne Bisang vers sonore avezvous choisi ? Le mamelon est-il suggéré ou figuré sur le plateau ? Le mamelon, nous l’avons voulu comme une installation artistique plutôt qu’une construction scénique proprement dite. Il nous a semblé que la proposition de Beckett lorgne clairement du côté des arts plastiques. Le mamelon n’est pas suggéré mais bien présent sur scène. La scénographie étant assez colorée, nous avons privilégié un univers sonore qui apporte une dissonance et de l'inquiétude à cette harmonie esthétique. Qu’est-ce que ‘s’enliser’ pour vous ? S’enliser… C’est s’aveugler, renoncer à modifier l'ordre des choses tout en croyant les dominer. C'est aussi accepter son inéluctable disparition sans combattre. Comme rien n'est jamais univoque chez Beckett, l'enlisement de Winnie lui confère aussi un détachement et une libération insoupçonnés. Comme si à mesure qu'elle s'enfonçait, qu'elle perdait le contrôle, elle se libérait aussi de ses certitudes et de ses carcans intérieurs pour mieux redécouvrir la complexité de l'existence. Vous dites-vous le soir « oh ! le beau jour encore que ça aura été ! Encore un ! » C’est surtout le matin que je me dis que j’ai un beau jour encore à vivre! Au futur donc, plutôt qu’au futur antérieur ? Oui, effectivement. Signe d'une probable dépendance au futur! A la différence de Winnie pour laquelle ce qui distingue le passé du futur importe peu, ou n'a plus de pertinence. A la fin de la pièce, Willie dit ‘Win’ à Winnie. Est-ce un jeu de mot ? Est-ce un petit nom ? C’est un jeu de mot pour moi. Je crois qu’il pose la question de savoir ce qui est gagné, et contre qui, contre quoi. Contre le désert? Contre la disparition ? Et c'est aussi un diminutif amoureux, un ultime mot d'amour sans doute. Propos recueillis par Rosine Schautz Du 4 au 22 mars. Avec Vincent Aubert et Christiane Cohendy. La Comédie de Genève, Location. : 022/320.50.01 / [email protected] n 21 t h é â t r e Qu’est-ce qui est irrésistible ? le poche genève Irrésistible La tentation de l’amour absolu peut-elle conduire au désir de tuer l’autre pour le posséder ? Qu’est-ce qui est irrésistible ? La pulsion d’amour ? La pulsion de mort ? Le couple formé par Eros et Thanatos interroge encore et toujours le spectateur et c’est ici le petit-fils de Jacques Lacan, le dramaturge Fabrice Roger-Lacan, qui explore les mystères des relations de couple. Entretien avec Claude Vuillemin, le metteur en scène de cette création. Votre parcours de metteur en scène est éclectique ; comment êtes-vous arrivé à ce texte ? 22 Claude Vuillemin : Je lis beaucoup, sans a priori particulier mais en privilégiant les textes avec un nombre restreint de personnages. J’ai découvert Irrésistible par hasard et le thème de l’amour m’intéresse car il suscite débat sans apporter de réponse. Il faut avant tout qu’un texte me touche pour que j’aie envie de le porter à la scène, que je re-connaisse ce que je connais. Les pulsions d’amour et de mort, le désir de tuer sa femme pour pouvoir la posséder, la notion même de désir. La littérature nous a conditionnés à appréhender l’amour de manière métaphysique, à l’envisager comme une pulsion vers l’absolu. Mais en réalité, qu’est-ce que l’amour ? La Renaissance a mis l’individu au centre et prôné le développement du moi. Puis les Lumières ont glorifié la quête du bonheur individuel. Parallèlement, les religions ont cherché à canaliser le sentiment amoureux, à le codifier. Enfin, aujourd’hui on veut tout, la fidélité et l’aventure, l’érotisme et la pornographie, la transparence et la liberté. Nier que le caché, le voilé sont essentiels, c’est s’exposer à la frustration. Le conflit se produit au point de rencontre de la norme et de la transgression. Vous comparez le personnage masculin à Alceste le misanthrope. Alceste et le personnage masculin de Irrésistible sont attirés par l’amour absolu, par la possession intégrale. Ils ne conçoivent l’amour que dans la fusion, ce qui les conduit à la tyrannie. Tout naît de la haine de soi, du manque jamais comblé et de cette quête sans fin de la complétude. Alceste propose à Célimène un enterrement symbolique dans un désert social, pour l’avoir toute à soi. Trois cents ans plus tard, c’est toujours actuel. C’est une pièce à trois personnages, dont un absent. Le trio est donc un mythe éternel… Absolument, et c’est de l’absent que va naître le conflit. Quand la femme rentre en retard de l’interview de l’écrivain supposé « irrésistible » car admiré par elle depuis toujours, les ingrédients sont prêts pour que jaillisse le conflit dans le couple. Lui est avocat, du côté de la loi, de la règle, elle est éditrice, du côté de la littérature, de l’imaginaire. Il prépare une plaidoirie sur un assassin cannibale, preuve selon lui de l’amour suprême. - Que faisais-tu quand tu étais hors de ma vue, hors de portée de moi ? Je te veux esclave pour te posséder. Je te tue et je te mange pour que tu restes éternellement mienne et en moi. Il fait donc un procès impitoyable à tout ce qu’elle raconte, met tout en doute, lui reproche sa lâcheté pour ne pas avoir assumé son attirance envers l’autre homme, puis d’en avoir éprouvé la tentation. Il s’arrête aux apparences d’infidélité sexuelle, sans comprendre que les affinités intellectuelles ou spirituelles sont bien plus menaçantes. Mais à vouloir faire de sa femme une esclave, il la perd. Et la pièce n’apporte pas de réponse. Quelle mise en scène avez-vous imaginée ? C’est avant tout un travail collectif qui tient compte des apports de chacun sans aucun a priori, une sorte de plat minute dont je suis le chef. Cela reste une comédie, bien que grinçante car nous voyons un tueur en action. On rit, parfois jaune, comme on riait d’Alceste à l’époque de Molière. Personnage emblématique qui a créé un type, Alceste a été revisité par les Romantiques qui en ont fait un être authentique et blessé, puis par notre époque qui voit en lui un anti-consumériste. Il n’en demeure pas moins un fasciste en puissance. Propos recueillis par Laurence Tièche Du 24 mars au 13 avril : Irrésistible de Fabrice Roger-Lacan, m.e.s. Claude Vuillemin. Le Poche-Genève, lun et ven à 20h30, mer-jeu-sam à 19h, dim à 17h, mardi relâche (rens./rés. /loc. 022/310.37.59) «Irresistible» © Augustin Rebetez e n t r e t i e n t h é â t r e part des acteurs beaucoup de finesse pour éviter de tomber dans les clichés et la mièvrerie. L’univers d’Amos Oz est sincère, intime, sans maniement de la provocation, sans effet de mode, sans ironie décalée. Le titre évoque le temps qui passe, comme le ressac. théâtre forum meyrin Seule la mer Le très grand écrivain israélien Amos Oz est adapté par Denis Maillefer et sa compagnie Théâtre en Flammes. Seule la mer, roman atypique constitué de petits tableaux ou poèmes en prose ou en vers dont le metteur en scène a fait une sélection, donne à voir des petites gens ordinaires confrontées à la solitude, à l’angoisse et au questionnement sur le sens de la vie. Ponctué par la chanteuse folk Billie Bird, le spectacle abordera ces thèmes avec délicatesse et sensualité. Après La Cerisaie mise en scène en 2012, Denis Maillefer retrouve des thèmes de prédilection chez un auteur très tchékhovien. Entretien avec Denis Maillefer, metteur en scène. Quelles ont été vos options de mise en scène ? La mise en scène insiste sur le thème de la solitude : les personnages vivent seuls, le narrateur est seul avec son histoire. Tous sont dans une boîte constituée de panneaux coulissants, sur fond de mer ou de paysage. Amos Oz lui-même est présent sur scène, du moins son avatar acteur. La difficulté était de créer une unité d’ensemble pour ces soixante à septante tableaux qui durent entre trente secondes et quinze minutes. D’autre part, j’ai fait appel à Billie Bird (de son vrai nom Elodie Romain), une chanteuse folk lausannoise qui a composé les textes – inspirés de poèmes d’Amos Oz - et la musique du spectacle. Elle a une voix splendide et s’accompagne à la guitare et au piano. Sorte de double du narrateur, toujours présente sur scène, en contrepoint aux acteurs qui sont eux dans la boîte, elle rythme certains tableaux, les ponctue, leur apporte de la profondeur par son lyrisme et sa mélodie. Le tout crée une impression de jeu, avec ces boîtes qui s’articulent de façon un peu magique. «Seule la mer» © Catherine Monney Connaissiez-vous l’écrivain israélien Amos Oz auparavant ? Non, pas du tout, on me l’a fait connaître. J’ai par la suite lu d’autres textes de lui et découvert un auteur magnifique, très engagé pour la paix, mais ce n’est pas cet aspect-là que je voulais montrer. Seule la mer est de forme chorale, poétique, composé de minuscules petits chapitres, très tchékhovien. J’ai immédiatement été fasciné par l’écriture et les thèmes. C’est très intimiste et particulièrement propice à l’adaptation théâtrale. Surtout, j’aime les mots, la langue et ce texte conjugue la rigueur esthétique et la poésie intimiste. Quels sont les thèmes qui vous ont attiré ? La confession intime, la solitude, la perte de e n t r l’innocence de la jeunesse, le temps qui passe… On peut parler d’autobiographie de soi-même. Sur scène, un narrateur, qui existe aussi dans le roman, élément essentiel autour duquel gravitent les personnages qui l’appellent parfois pour entrer dans leur histoire. Les histoires sont celles de gens simples, petits personnages qui se croisent, se ratent, s’arrangent de leur angoisse et des autres. Mais ce sont des histoires universelles, transfigurées, qui racontent les drames et les joies dont est faite l’existence humaine, insignifiante et pourtant essentielle. C’est désespéré, tendre et malicieux, très sensuel aussi, avec un désir et une sexualité très présents. Par exemple la rencontre entre l’homme mûr et la très jeune femme : ce doit être sexy et troublant, on doit sentir les personnages qui se désirent, la sensualité qui les anime. Cela demande de la e t i e Propos recueillis par Laurence Tièche Seule la mer» - au théâtre Forum Meyrin les 10 et 11 mars (loc. 022/989.34.34) - à Vidy-Lausanne du 18 au 23 mars (rés. 021/619.45.45, www.billetterie-vidy.ch - à l’Espace Nuithonie, Villars-sur-Glâne, les 27 et 28 mars (loc. Fribourg Tourisme 026/350.11.00) ou Nuithonie o26/407.51.51 - au TPR de La Chaux-de-Fonds le 29 avril (loc. 032/967.60.50, www.arcenscenes.ch) n 23 t h é â t r e cié, « l’air de ne pas y toucher », épouse et éloigne dans le même temps la pensée méandreuse de l’héroïne, enfant gâtée prise au piège d’une situation inextricable, faisant ressortir la complexité du personnage et rendant possible une sympathie véritable. Comme les jeunes filles de Rohmer, Else est comique malgré elle et légèrement irritante, mais jamais notre rire ne dégénère en moquerie. Que sa situation manque tragiquement de tragique est le paradoxe qui nous touche. Belle réussite, donc, que cette mise en théâtre saint-gervais genève Mademoiselle Else Le Théâtre Saint-Gervais accueille en février et mars la compagnie tg STAN pour plusieurs réalisations. Parmi celles-ci, Mademoiselle Else de Arthur Schnitzler. 24 Mademoiselle Else est une nouvelle de l’écrivain autrichien Arthur Schnitzler, un des premiers textes de langue allemande à reposer sur le procédé du monologue intérieur. Ce n’est pas uniquement en raison de la nature discursive de ce procédé, rendant aisée la mise en bouche du texte, que l’idée de mettre en scène cette nouvelle paraît lumineuse ; le personnage lui-même, jeune fille de bonne famille séjournant dans une station thermale, semble traverser le monde en spectatrice, point central autour duquel tout s’organise. Le petit théâtre personnel de la jeune fille sera bouleversé lorsqu’elle recevra de sa mère une lettre urgente, l’enjoignant à sortir de sa passivité pour venir en aide à son père, avocat criblé de dettes dont elle est l’unique recours. L’intelligence de la mise en scène est de rendre sensible ce narcissisme contraint de sortir de soi: la comédienne (Alma Palacios) évolue, tout au long de la pièce, sur une étroite surface, disposée au centre de la scène, tandis qu’autour d’elle gravite Frank Vercruyssen, interprétant les autres personnages et matérialisant l’environnement de la jeune fille au moyen d’accessoires sommaires, dont l’apparition fugace indique bien le peu de consistance que la réalité extérieure, réfractée cependant par une conscience aux abois, revêt pour Else. Seul à gagner en épaisseur, Dorsday, le marchand d’art à qui Else demande de secourir son père ruiné, et qui exige en échange de a «Mademoiselle Else» © Tim Wouters son aide une faveur dont la jeune femme s’offusque avant de se résoudre à la lui accorder, la fera vaciller sur son assise, délogeant la comédienne de son confinement scénique. scène qui rend intelligemment les mille nuances d’un grand texte. Julien Roche Brillante prestation jusqu’au 1er mars Théâtre Saint-Gervais, Genève Le texte de Schnitzler est donc mis en espace de manière fort intelligente, malgré quelques trucs et astuces visant à détruire l’illusion théâtrale, pacotille chiquement contemporaine dont l’usage, heureusement modeste, ne nuit pas à la desserte du texte et des personnages. Mais la compagnie tg STAN fait plus : l’interprétation des deux comédiens est brillante, et met en lumière des aspects du texte qui ne sautent pas aux yeux à la lecture. Le jeu légèrement distan- Autres spectacles de tg STAN : - 1er mars : Après la répétition - Ingmar Bergmann. Théâtre Saint-Gervais, Salle Marieluise Fleisser, marjeu-sam à 19h, mer-ven à 20h30 (loc. 022/908.20.20 ou www.saint-gervais.ch) - Du 4 au 8 mars : Scène de la vie conjugale - Ingmar Bergmann. Théâtre Saint-Gervais, Salle Marieluise Fleisser (loc. 022/908.20.20 ou www.saint-gervais.ch) c t u a l i t é t h é â t r e au galpon Un Quartett turinois Le Théâtre du Galpon a placé l’année 2014 sous le signe des «Carrefours transalpins», et cette dimension transversale est parfaitement illustrée par le Quartett qui va y être monté les 5 et 6 mars prochains. Jugez plutôt : une pièce écrite par un des plus grands dramaturges allemands du XXème siècle, qui revisite avec humour noir et cruauté un célèbre roman libertin du XVIIIème (Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos), et qui sera jouée au Galpon en italien par des comédiens du célèbre Teatro Stabile de Turin, Laura Marinoni et Valter Malosti – ce dernier réalisant également la mise en scène. Un peu d’histoire Le Teatro Stabile, créé en 1955, est une véritable institution à Turin. Aujourd’hui dirigé par Mario Martone, il se déploie dans plusieurs espaces de la ville, propose une vaste programmation (plus de 45 spectacles cette année), et fonctionne également comme école de théâtre. Il va donc être très intéressant de voir comment Valter Malosti abordera Quartett, cette courte pièce qui reprend un des mythes les plus fascinants de la littérature européenne: le combat « à mort » entre le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil imaginé par Laclos dans le chef-d’œuvre de narration épistolaire que constitue Les Liaisons dangereuses. Au gré de nombreux épisodes, les deux libertins rivalisent d’inventivité pour corrompre ceux qui les côtoient, en particulier la Présidente de Tourvel et la jeune Cécile de Volanges. Lorsque Stephen Frears et Milos Forman ont envisagé dans les années 80 une transposition cinématographique du roman de Laclos, ils ont globalement privilégié le respect de l’original (trame, personnages, dialogues, contexte d’époque, etc.), et ce qui a été enlevé ne l’a pas forcément été à bon escient – Forman ôtant ainsi à son récit toute dimension épistolaire. En revanche, dans sa pièce de 1980, Heiner Müller propose une véritable réécriture des Liaisons dange- a c t u reuses, à la fois personnelle et radicale, qui tend plus vers une destruction du texte originel que vers une simple réduction théâtrale (c’est-à-dire ce qu’a fait Christopher Hampton en 1985 dans son adaptation théâtrale, qui servira de base à Frears pour son long-métrage). Travestissements Le dramaturge berlinois conçoit son œuvre comme un spectaculaire duel entre Valmont et Merteuil, duel situé, ainsi que le signale la didascalie inaugurale, à la fois dans un salon d’avant la Révolution française et dans un bunker d’après la Troisième Guerre mondiale. Dans ce cadre, le duel devient progressivement quartet, puisque les deux protagonistes endossent tour à tour d’autres rôles : Merteuil devient Valmont et ce dernier Allemagne, violence langagière et violence concrète, entremêlant l’univers Ancien Régime de Laclos et le monde traumatisé du XXe siècle. Dans ce cadre, il élabore une véritable guerre des sexes, comme il l’explique bien dans un entretien avec Matthias Matussek : « Ce qui m’a intéressé avec Quartett, c’est de dégager la structure des relations entre les sexes, de les montrer telles qu’elles me semblent vraies, et de détruire les clichés, les refoulements. Même si je vis moi-même d’illusions dans ma vie sexuelle, je peux ne pas faire entrer ces illusions en ligne de compte quand j’écris. Mon impulsion fondamentale dans le travail est la destruction. Casser aux autres leur jouet. Je crois à la nécessité d’impulsions négatives. » Ce texte serré et fragmentaire, à la fois caustique et cruel, fait donc résonner plusieurs voix, plusieurs époques et plusieurs enjeux (littéraires, sexuels, historiques, de genre). Nul doute que la polyphonie supplémentaire apportée par la langue italienne des comédiens du Teatro Stabile donnera encore plus de complexité, de force et de trouble à ce texte qui, sans doute encore plus que l’original de Laclos, « s'il brûle, ne peut brûler qu'à la manière de la glace.» (Charles Baudelaire). Laurent Darbellay Heiner Müller, Quartett. Mise en scène Valter Malosti, jeu Valter Malosti et Laura Marinoni; assistante à la mise en scène Elena Serra, scénographie Nicolas Bovey, son et live electronics G.u.p. Alcaro, lumières Francesco Dell’Elba, costumes Gianluca Falaschi. «Quartet» par le Teatro Stabile joue Tourvel, plus tard Merteuil contrefait l’innocente Cécile tandis que Valmont rejoue son propre personnage de séducteur envoûtant la jeune fille. Ces jeux de travestissements ne peuvent prendre fin que tragiquement, avec la mort de Valmont (comme dans l’œuvre de Laclos), et une ultime et énigmatique remarque de Merteuil. Tout au long de son œuvre dramaturgique, Heiner Müller a puisé son inspiration aussi bien dans l’Histoire contemporaine que dans les mythes antiques et les textes littéraires. Avec Quartett, il navigue ainsi entre France et a l i t A NOTER que les «Carrefours transalpins» se déroulent du 5 au 23 mars. Au menu, outre Quartett : Les 8 à 20h et 9 mars à 18h : Merci de ne pas donner à manger aux animaux de Florent Otello, par la Coe La Galerie. / Les 15 et 16 mars : Viento mucho viento. Par La cabra compagnie; chor., textes et dir. Valeria Alonso / Du 17 au 21 mars : Atelier de création, La cabra cia / Les 18 et 19 : Line d’Israël Horovitz, par le Teatro Due Parma, m.e.s. Walter Le Moli, pièce jouée en italien. / Les 22 et 23 mars : Peso Piuma / Poids Plume. Conception, m.e.s. et interprétation Michela Lucenti. Théâtre du Galpon, au pied du Bois de la Bâtie, sur les bords de l’Arve 2, route des Péniches. Réservation : www.galpon.ch, [email protected], 022/321.21.76 (rés. par tél. au plus tard 2 heures avant le début de l’événement - mail : [email protected]) é 25 t h é â t r e théâtre la parfumerie Les larmes des hommes Après une résidence en 2013 à Cuba, en collaboration avec la compagnie cubaine Teatrito, Patrick Mohr revient trois semaines à La Parfumerie à Genève, son lieu de base, créé en 1990. Son nouveau spectacle est adapté de six nouvelles de Mia Coutau, auteur mozambicain qui écrit en portugais et dont le metteur en scène continue l’exploration pour la troisième fois. Commencée déjà en 2005 avec le monologue de La Femme en moi, elle fut poursuivie en 2008 avec Chaque Homme est une race, qui voyagea beaucoup et qui revint l’an dernier à Genève et en France voisine. 26 Le voyage à travers le monde, les ethnies différentes, les musiques, les langues différentes, les approches théâtrales différentes représentent la marque fondamentale du Théâtre Spirale. A Cuba, le spectacle fut donné en portugais à La Havane et à Santa Clara, avec les musiciens acteurs de la compagnie cubaine. C’est à notre tour d’être embarqués avec les musiciens, les conteurs, et tous les protagonistes de la création, qui nous entraîneront à travers le métissage de leurs cultures. Le spectateur fait partie du voyage… Réalisme magique Le choix de Mia Coutau correspond parfaitement à l’ambition de Spirale : aller à la rencontre de tous les publics grâce à l’art d’un théâtre, lui aussi métissé de langages divers, de chants, de danses, de musiques. L’univers de Mia Coutau, l’un des auteurs contemporains les plus importants du monde lusophone d’Afrique, est d’une richesse et d’une musicalité exceptionnelles. Il est parfois comparé au réalisme magique d’un Garcia Marques. Ses histoires, où les personnages semblent s’adresser directement à nous, sont typiques de la littérature orale et se prêtent particulièrement à une adaptation théâtrale. Réalisme magique donc, où les vivants et les morts se mêlent, où l’inventivité des imagestriomphe. Ce qui permet de laisser place à l’imagination et à la réflexion du spectateur. Coutau donne une voix aux sans voix, à ceux d’en bas, que l’on n’entend pas, mais dont au théâtre on entendra le silence, le drame, mais aussi la joie et la légèreté! Dans ses nouvelles, l’auteur donne vie justement à des personnages abandonnés, à la recherche des autres et qui réinventent le réel en revisitant leurs rêves. Les larmes sont chez l’auteur un thème fondamental, comme une eau première : Pleurer c’est ouvrir son Cœur, Les pleurs sont la concrétisation de deux voyages : De la larme vers la lumière et de l’homme vers une plus grande humanité. Finalement, ne vient-on pas à la lumière en pleurs ? Les pleurs ne sont-ils pas notre première voix ? Dans sa mise en scène, Patrick Mohr utilise plusieurs langages et notamment le langage des signes qui exprime si bien le silence, tout en laissant leur voix aux guitares, percussions, violoncelle, tres cubano, hang, bande son… Les trois musiciens cubains - le duo Lien y Rey et Roly Berrio, guitariste - sont à la fois compositeurs, chanteurs, poly-instrumentistes et comptent parmi les représentants les plus en vue de la Nueva trova Cubana. Amanda Cepera est chanteuse et guitariste et les autres comédiennes chantent et font de la percussion. Avec les Ateliers d’ethnomusicologie, le Grand Café de La Parfumerie accueillera les musiciens cubains au Cabaret latino du 7 au 22 mars. Après le 23 mars commencera une grande tournée, du 25 mars au 10 avril : Evian (25 mars), Meyrin (27 mars), Monthey (29 mars), Yverdon (2 avril), Mies (4 avril), Belfort (9 avril). Maya Schautz Du 4 au 23.3. : Les Larmes des hommes de Mia Couto, d’après Le Fil des missangas, m.e.s. Patrick Mohr. Théâtre de La Parfumerie, ma-mer-je à 20h, ve-sa à 19h, di à 17h (rés. 022/341.21.21) Réservation : 022 341 21 21, www.la parfumerie.ch CABARET LATINO programme complet : www.adem.ch - 7.3. : Clube do Choro (Brésil) - Ivonne Gonzalez (Cuba) - 8.3. : Michele Millner (Chili) - Palenque La Papayera (Colombie) - 14.3. : Lien y Rey (Cuba) - Narciso Saúl Quinteto (Argentine) - 15.3. : Orisha Oko (Cuba) - Michelangelo4tet (Brésil) - 21.3. : El vinal (Argentine) - Luna Luna (Chili) - 22.3. : Roly Berrio (Cuba) - Barrio Oscuro (Argentine/Espagne) «Les larmes des hommes» © Patrick Mohr a c t u a l i t é Théâtre des Marionnettes de Genève VOYAGE EN POLYGONIE CHAPERON ROUGE CARTOON Dès 3 ans 29 mars au 13 avril 2014 Périple au pays des formes pour une remise en forme. Dès 5 ans 5 au 26 mars 2014 Le célèbre conte à la sauce dessin animé loufoque. L’APPRENTI MAGICIEN FRANCISCO SEPULVEDA SERGE CANTERO COMÉDIE MAGIQUE & FAMILIALE SÉBASTIEN MOSSIÈRE GALERIE LA FERME DE LA CHAPELLE 39, ROUTE DE LA CHAPELLE | CH -1212 GRAND-LANCY WWW.FERMEDELACHAPELLE.CH Du 1er au 30 mars 2014 L’ENVERS DU MIROIR laFERME de laCHAPELLE ! nnett mario Ville de Lancy République et canton de Genève es Rue Rodo 3 – Genève 022 807 31 07 www.marionnettes.ch WWW.OPERA-LAUSANNE.CH T 021 315 40 20 laFERME de laCHAPELLE tmg Tout public, dès 5 ans DIMANCHE 30 MARS — 16h30 SALLE DES FÊTES DU LIGNON Place du Lignon 16 — Vernier Service de la culture — 022 306 07 80 www.vernier.ch/billetterie t h é â t r e de kléber-méleau au théâtre de carouge La double inconstance Ce qu’il y a de magnifique chez Marivaux, c’est qu’il dit déjà au tout début du XVIIIème siècle : « Presque tout le monde commence à croire qu’on peut être honnête sans être absurde. » On pense qu’on peut être de bonne foi, on se ment à soi-même, on ment aux autres, on s’aperçoit a posteriori qu’on rusait avec soi-même. Alors se prétendre honnête est une absurdité. Quelle modernité ! Comment abordez-vous la mise en scène des deux mondes en présence dans La double inconstance : la campagne et la Cour ? L'œuvre de Marivaux ne se réduit pas au marivaudage qui a conduit à le considérer comme un auteur intéressant mais quelque peu précieux et maniéré. Il y a dans l'écriture de Marivaux une peinture extraordinairement fine, précise, nuancée, caustique, cruelle, bref intelligente des méandres de l'amour. Philippe Mentha met en scène La double inconstance, d’abord au Théâtre Kléber-Méleau, puis au Théâtre de Carouge. Entretien. L’action se passe dans le monde de la Cour. On y a emmené une paysanne qu’on a enlevée. Le départ de la pièce est un rapt qui provoque l’indignation. C’était une chose déjà scandaleuse et qui le reste aujourd’hui. Il s’agit de montrer l’hypocrisie de ce Prince qui, parce qu’il est très amoureux, fait une entorse à la loi qui lui interdit de recourir à la violence et enlève une jeune fille. Ensuite, il tâche, grâce à une femme en particulier, de faire oublier cette violence initiale pour que d’autres choses l’emportent sur ce premier contact déplaisant. Il se cache d’ailleurs constamment de Silvia qui le fascine. On a fait parfois une lecture pessimiste de la pièce de par sa violence morale et physique et son injustice. Qu’en pensez-vous ? Pourquoi avoir arrêté votre choix sur cette pièce en particulier parmi toutes celles de Marivaux ? 28 Marivaux l’appelle comédie et je suis d’accord. Le jugement moral est enquiquinant et n’a rien à voir avec le théâtre. Nous sommes tous ambigus. On voudrait être plus propres qu’on ne l’est en réalité, puis le naturel reprend le dessus. Est-ce que trahir est un crime? Dans La répétition ou L’amour puni, Anouilh part de La double inconstance pour en faire l’histoire d’un crime. Or c’est la vie de tomber amoureux puis de se détacher, ce n’est pas un délit. Il y a des choses qui me plaisent depuis 30-40 ans et qui reviennent régulièrement. Puis il arrive un moment plus favorable où une pièce s’impose de manière insidieuse et plaisante à la fois. C’est davantage cela que le résultat d’un véritable choix. Parmi toutes les pièces de Marivaux, il est effectivement difficile de choisir, mais certaines, depuis l’époque où elles ont été écrites, ont plus ou moins bien vieilli et gardent plus ou moins de saveur. J’ai une petite préférence pour La double inconstance qui offre deux mésalliances et pas mal de surprises, alors que le coeur marche en principe selon les classes dans le jeu de l’amour. La comédienne Alexandra Tiedemann Le déguisement, le changement d’identité et la notion de jeu sont des thèmes récurrents chez Marivaux… Il y a bien sûr des déguisements puisque le Prince apparaît d’abord en simple domestique. C’est une tradition : les grands de ce monde, voulant être aimés pour eux-mêmes, taisent leur titre. Cela n’est pas très nouveau. Ce qui est original ici en revanche, c’est la grande ambiguïté et la quantité incroyable de mensonges pour arriver à la vérité d’un personnage masqué ! Marivaux prend toujours un grand plaisir à masquer ses personnages pour qu’ils finissent pas découvrir qui ils sont vraiment. Dans la vie de tous les jours, on regarde avec d’autres yeux les puissants ou les bourgeois quand tombe le masque de l’apparence. Et cela nous étonne encore. Marivaux est un auteur résolument moderne aujourd’hui, alors qu’au XVIIIème il était souvent critiqué pour ses marivaudages. e Dans cette pièce, la transgression sociale est exprimée par l’ambiguïté de la relation maîtres-serviteurs. Les paysans sortent-ils réellement vainqueurs ? Il y a une scène magnifique entre le Prince et Arlequin qui parle de la justice et des abus qui pourraient se produire. Je suis pour les ambiguïtés. On parle souvent à propos de cette pièce de la manipulation des petits par les grands. Mais Silvia et Arlequin font eux aussi des calculs. Arlequin se dit que si Silvia épousait le Prince, il serait plus libre pour courir de son côté. Ils sont tous deux tentés et mettent une bonne volonté à se manipuler et à se laisser manipuler. Propos recueillis par Nancy Bruchez La Double inconstance de Marivaux, m.e.s. Philippe Mentha – décor Audrey Vuong – avec Alexandra Tiedemann, Barbara Tobola, Céline Nidegger, Lise Ramu, Darius Kehtari, David Pion, Christian RobertCharrue et Philippe Mentha. - du 4 au 16 mars au Théâtre Kléber-Méleau, Lausanne, mame-je 19h – ve 20h30 – sa 19h – di 17h30 – lu relâche (rés. au 021/625.84.29) - du 21 mars au 6 avril au Théâtre de Carouge, Salle FrançoisSimon, mar, mer, jeu et sam à 19h / ven à 20h / dim à 17h (billetterie : 022/343.43.43 - [email protected]) La comédienne Barbaro Tobola n t r e t i e n Théâtre de Carouge « Guerre et Paix » d’après Léon Tolstoï - mise en scène de Piotr Fomenko Du mercredi 26 février au mercredi 5 mars 2014 photo A.Kharitonov photo A.Bobrovsky t h é â t r e en tournée : le corps souffrant du champion André Héros grunge adoptant la chevelure décolorée et les tenues bariolées flashy de Kurt Cobain, leader du groupe Nirvana suicidé à 26 ans, le tennisman malgré lui, André Agassi, fit des courts son théâtre anatomique en douleurs. Cette icône fragile et haïssant le tennis est habilement déconstruite et interprétée par Marie Rémond. 30 Dans la peau d’un ressenti Le Kid de Las Vegas, lui, se livre en une manière bien américaine de quêter l’improbable rédemption. Sa théodicée de la souffrance, ses addictions aux psychotropes, son caractère anxiogène se révèlent au fil de son autobiographie mélodramatique, Open. Agassi joue donc en 2006 un avant-dernier match contre le jeune allemand Benjamin Becker à l’Open des Etats-Unis. Il ne maîtrise plus son corps. Marie Rémond précise : « Ce qu’il peut y avoir à l’intérieur de la tête d’Agassi et dont il témoigne, ce qui n’est pas immédiatement perceptible, fait aussi l’intérêt de cette plongée dans la vie d’un tennisman. Lui souffrant, étant bloqué et ne pouvant bouger, comme avec un cadenas à vélo fiché dans le dos. Ce fait a des incidences énormes et le désoriente. La situation doloriste a été développée, sans tenter de se situer dans la vérité objective de ce match. Mais davantage dans la tentative d’en avoir l’âme, l’élan intérieure. Et partant, de distordre cette partie jusqu’à en faire quelque chose de cauchemardesque, où le joueur ne saurait plus où sont la balle et la raquette. Ce qui évidemment n’est pas le cas d’Agassi dans la réalité. » A trente-six ans, l'Américain a été plusieurs fois numéro un, remportant des tournois prestigieux, loin pourtant derrière celui qui est considéré comme le plus grand joueur de tous les temps, Roger Federer, auquel Denis Maillefer consacra une ode sensorielle, méditative et cosmique aux Forte de n'avoir pas obtenu les droits d’Open, ce pensum saint-sulpilisières de l’hagiogracien, la metteure en phie, In Love with scène et comédienne Federer. place son travail scéA la fois hors de nique dans le sillage son espace intérieur et d'une théâtralité décaen apnée au cœur de lée façon Tg Stan. Soit, son ressenti corporel, le désir d’arpenter ce il faut voir, buste penqui pourrait être un ché, jambes écartées, « degré zéro » du rôle, la comédienne françaice moment furtif et frase Marie Rémond faire gile où le personnage le récit d’un match naît. Il s’agit là d’éclaihomérique, épique, au rer d’une autre manière gré d'une carrière en (complémentaire à la dents de scie, alors que permanence du jeu disle champion connaît tancié) l’intersection d'hallucinantes lancées entre réel et fiction, dorsales. Une maladie quête essentielle de la « André » © Mario Del Curto Française. Elle incarne dégénérative de naisainsi une « hypothèse sance qui le fit souvent souffrir secrètement le martyr sur les surfaces d'ici et d'ailleurs. La négo- Agassi ». D’où, dès l’entame, une façon de se présenter en adresse au ciation avec son corps qui se délite, le chantre du retour gagnant sur court public en biographie succincte ou storytelling à la wikipedia. « Il s’agit d’interrogations relativement au comédien mais aussi propre à chaque « la mène souvent avec une piqure de cortisone ». être humain sur les contradictions internes, les difficultés de faire des En 2006, il est à bout, car son corps-prison ne peut plus suivre, choix. L’histoire d’Agassi incarne ses questions à un niveau impressioncomme en fera l’aveu public en août 2013, la Française Marion Bartoli nant. Car elle est une personne publique mondialement connue. Ce début mettant un terme à sa carrière tennistique après avoir remporté le rêve vient de la découverte de son autobiographie. On en ressort avec la send’une vie, Wimbledon. « Mon corps ne plus assumer ce qu’il doit assumer sation de quelqu’un qui voulait parler depuis trente ans et ne l’avais pour être au plus haut niveau. Quand au bout de 45 minutes, vous avez jamais fait au préalable. En le lisant, c’est ce mouvement de dévoilement mal de partout, ce n’est plus vraiment un plaisir de jouer », confie alors et d’adresse frontale, qui m’avait paru possiblement théâtral. » au fil d’un entretien poignant, une jeune femme épuisée et lasse qui ajouBertrand Tappolet te : « Mon corps a été poussé jusqu’à ses limites ». A l’image de celui d’Agassi, son destin est profondément lié à la figure paternelle. Deux comédiens, Sébastien Pouderoux et Clément Bresson, se passent le témoin La Grange, le Locle. 28 mars 2014. Réservations : 032/931.53.31 avec drôlerie pour incarner le père, le coach Bolletieri, et le frère qui Théâtre du Passage, Neuchâtel. Du 1er au 5 avril 2014. Location : 032/717.79.07 demeurera une balise. a c t u a l i t é t h é â t r e En tournée théâtre du grütli : bientôt viendra le temps Rideau ! Création La pièce de Line Knutzon proposée au Grütli est une première création en français. Cette écrivaine très connue au Danemark où elle a été sacrée meilleure écrivaine de pièces de théâtre, a été retenue par Sophie Kandaouroff pour sa folie et son extrême richesse. Le temps, qui est dans de nombreuses créations de Line Knutzon, sera l'élément du vertige : sa perte, son impalpabilité, et néanmoins son existence tangible sur tous les vivants et particulièrement les couples... « Bientôt viendra le temps » est aussi d'une création en termes existentiels et métaphysiques...Deux couples se retrouvent dans un canevas de vaudeville, mais on comprend vite que l'enjeu est ailleurs : dans le temps qui échappe aux personnages comme s'il dépendait d'un très long sommeil, comme si les vies étaient détachées de cette dimension qui les rattrapait, pourtant . Que dire de plus de cette pièce, de ce qu'on ne peut appeler autrement, selon les mots du moment, d'OVNI ? Au spectateur de sombrer dans cette histoire absurde, drôle et si proche de nous. L’action se déroule au cours d’une répétition. Les actrices, les acteurs sont prêts, mais un incident technique diffère le début du spectacle. La metteure en scène explique au public que l’imprévu vient d'entrer en jeu et qu'il fait partie du travail théâtral. La répétition va dès lors suivre une logique à elle et échapper en partie à la metteure en scène, qui laisse surgir ce qu’elle n’attendait pas. Dans ce contexte, les actrices et acteurs vont jouer, improviser, danser, chanter, aimer, rêver et, Gisèle Sallin bien sûr, mourir. « Rideau ! » est un hommage au théâtre. . 3 mars Théâtre Palace, Bienne . 10 mars Stadttheater, Berne . 11 mars Théâtre de Beausobre, Morges . 26 mars Théâtre Benno Besson, Yverdon-les-Bains . 28 mars Salle CO2, Bulle-La Tour-de-Trême . 30 mars Théâtre de Vevey, Vevey Comment pensez-vous mettre en scène – et donc matérialiser un spectacle qui est à la fois si réel et si abstrait ? L'histoire ressemble à la fois à un vaudeville et à la fameuse histoire du personnage qui se réveille après vingt ans d'absence, reprise par de nombreux cinéastes et écrivains. Les ficelles connues emmènent dans une autre dimension, en somme...C'est une histoire assez commune qui devient vite vertigineuse. Nous avons pensé créer un lieu très concret, dans lequel des personnages vivent leur quotidien, mais où on travaille avec le moins de murs possibles. Il s'agit d'une sorte d'aquarium expérimental où le spectateur ne peut faire autrement que d'être impliqué. Car cette histoire est forcément aussi la sienne. Théâtre de Valère, Sion Une Société de services Dans cette pièce, Françoise Bloch creuse la question du monde du travail aujourd’hui. Nourrie de documentaires et de l’expérience vécue de l’un des acteurs qui y joue son propre rôle, l’équipe explore le milieu du télémarketing et pointe avec un esprit ludique la réalité de ces larges plateaux où de jeunes gens aux salaires précaires et aux conditions de travail résolument cadencées appellent le monde entier pour vendre à tout prix. Est-ce un drame ? C'est un drame mais aussi une comédie. Dans une tragédie grecque, le drame vient aux personnages : ils ne se déplacent pas. C'est ainsi que je vois aussi cette pièce. Qui a au fond comme personnage principal le temps et sa dissolution absurde, comme c'est Sophie Kandaouroff la cas dans toute condition humaine. Mais c'est aussi une comédie, car l'absurde mène au comique. En ce moment on est encore dans la phase de laboratoire, qui est la plus passionnante. On finit tous, les comédiens y compris, par être emportés par le vertige proposé par la pièce, et on espère que le spectateur sentira cela aussi bien que nous ! Propos recueillis par Claudia Cerretelli Du 18 mars au 6 avril : Bientôt viendra le temps de Line Knutzon, m.e.s. Sophie Kandaouroff. Le Grütli, Petite Salle (2ème étage), à 20h, dim à 18h. Relâche lun (billetterie : [email protected] / 022/888.44.88) a c t u a l «Une Société de services» © Antonio Gomez Garcia Dans un portrait scénique volontairement fragmenté où s’entremêlent jeu, son et vidéo, les acteurs questionnent, non sans humour, l’intimité fragilisée de ces voix de la vente. Pour une critique, jusqu’à l’absurde, des conséquences sur l’individu d’un système fondé sur la croyance illusoire en une “croissance constante de la rentabilité”, voire en un “progrès sans fin”. Dans une telle perspective, quelle(s) valeur(s), quel(s) rêve(s) peut encore renfermer le mot travail ? . 25 mars, Théâtre de Valère, Sion Réservation : 027 / 323.45.61 i t é 31 t h é â t r e La Grange de Dorigny Théâtre du Grütli Yvonne Princesse de Bourgogne 32 Andromaque 10 - 43 Farce grotesque, «Yvonne, princesse de Bourgogne» est une sorte de parodie shakespearienne. Héritier du trône, le prince Philippe projette d’épouser par défi des conventions, Yvonne, une fille dépourvue de charme, insignifiante et ennuyeuse. L’arrivée de cette princesse « hors norme » va bouleverser les codes et les valeurs de la cour. Par sa seule présence, elle éveille au sein du royaume, agressivité et haine en mettant à nu les «Yvonne, Princesse de Bourgogne» © Debaye-Guhl failles et les vices de tout en chacun. Même l’élite tremble, personne n’est plus à l’abri de « l’effet » Yvonne…. Écrite en 1938, c’est la première pièce de Gombrowicz. Comme un geste de rébellion, joyeux et vivifiant, qui revendique son immaturité et sa jeunesse, elle se joue des formes, flirte avec plusieurs styles, le clown, l’absurde, la comédie de mœurs, la tragédie. Le metteur en scène Kristian Frédric propose une adaptation libre et audacieuse d' «Andromaque» de Racine, contraignant pour ce faire le comédien français Denis Lavant à l’alexandrin. Sur scène, le comédien incarne Pyrrhus aux côtés d'une distribution romande qui réunit Monica Budde, Jeanne de Mont et Frédéric Landenberg. «Andromaque10 - 43» avec Denis Lavant © Laillier A la suite de Racine, qui s'était émancipé des dieux et des chœurs, cette adaptation interroge le silence des sphères auquel s'oppose désormais le fracas des écrans. Déchirés entre deux cultures, résignés aux lois du sang mais débordés par la violence du monde, les personnages de la tragédie n'ont d'autre choix que de se soumettre. Jusqu'à l'hécatombe finale, qui solde aussi bien les comptes de la fable que ceux de notre époque. . jusqu’au 8 mars à Dorigny . puis à la Comédie de Genève, du 8 au 11 avril 2014 . Jusqu’au 15 mars Réservation : 022/888.44.88 ou [email protected] Théâtre Alchimic Théâtre des Amis Le Chat du rabbin Le bruit du monde Si vous avez adoré le précédent spectacle de la Compagnie Paradoxe intitulé «Tranches de Vian», vous serez heureux d’apprendre que cette compagnie revient avec une nouvelle création. En coproduction avec le Théâtre des Amis, cette compagnie vous offrira un voyage théâtral et musical, tout autant que burlesque, extravagant et déroutant : «Le bruit du monde». Le bruit des autres si proches et si différents qui nous dérangent continuellement... Vous découvrirez sur la scène des voyageurs fantasques, imprévisibles, entraînés dans des situations étranges, poétiques, Le comédien Antonio Buil participe à la création absurdes, comiques du «Bruit du monde» ou dérangeantes. Des voyageurs mis en mouvement par Yves Pinguely... des voyageurs qui ont pour nom Nadèle Allaki, Antonio Buil, Pascal Chenu, Isabel Mayor et Sophie Solo Sous la houlette de Sarah et Xénia Marcuse, la Compagnie La Fourmilière s’est attelée à l’adaptation de la bande dessinée de Joann Sfar, qui, comme on le sait, a fait l’objet en 2011 d’une adaptation en long métrage d’animation, par Joann Sfar lui-même aidé de plusieurs artistes. Sur la scène de l’Alchimic, la création prendra la forme d’un spectacle philosophico-humoristique et musical, durant lequel on pourra apprécier l’humour féroce et succulent dont Joan Sfar a affublé le Chat. Ce chat impertinent, malin et subversif qui pose au Rabbin toutes les questions qu’un esprit sain et amusé peut se poser face à tous les dogmatismes. Ce Rabbin qui se fixe pour but d’instruire le Chat pour qu’il puisse passer sa BarMitsva..... Voilà un spectacle qui promet d’être transgressif, jubilatoire et sonore... . Jusqu’au 23 mars 2014 Supplémentaire : lundi 17 mars à 19 h 00 Une image tirée du film d’animation «Le Chat du Rabbin» mardis et vendredis à 20 h. Mercredis, jeudis, samedis à 19 h. Dimanches à 17 h . du 4 au 23 mars Réservation : 022 /342.28.74. mardi et vendredi à 20h30, mercredi, jeudi, samedi et dimanche à 19h Réservation : 022 / 301 68.38 a c t u a l i t é t h é â t r e espace vélodrome, plan-les-ouates La Compagnie des spectres Les spectres du roman de Lydie Salvayre dont cette pièce est l’adaptation, ce sont les souvenirs de sales individus des années quarante, avec un fantôme principal, le maréchal Pétain, ici maréchal ‘Putain’ ... Le héros de Verdun et traître de Vichy constitue le personnage principal du spectacle. L'action se passe en fait bien après la guerre. Une femme très âgée, Rose, et sa fille partagent un petit appartement dans lequel surgit un huissier chargé de saisir les biens des locataires. Pour ensuite procéder à leur expulsion. Rose qui perd un peu la boule prend cette irruption impromptue pour une piqûre de rappel des humiliations qu'elle a connues durant l'Occupation. Elle qui jadis avait cru au Maréchal, qui avait même souhaité le rencontrer, se souvient que sa franchise lui avait valu nombre de sanctions allant jusqu'à la mise à nu annonciatrice d’une fouille au corps consécutive. Au bord de la crise de nerf, elle se souvient aussi que son fils avait été torturé à mort par la Gestapo. La vieille femme, égarée, s’en prend dès lors à l'huissier, le confondant avec le sordide Darnand, figure majeure de la collaboration de sinistre réputation. L'homme de loi n’en a cure : il poursuit son état des lieux sous les invectives. La fille essaie de temporiser, mais se laisse, elle aussi, emporter par des souvenirs douloureux, ceux des petites gens que tout accable. Spectacle fait de fureur à deux voix, empli de tristesse et de rage, mais également de drôlerie, spectacle peuplé de spectres ‘de compagnie’, spectacle qui in fine dit la vie des miséreux embourbés, engloutis dans une mémoire qui ne cesse de sourdre. Zabou Breitman a adapté le roman de Lydie Salvayre sorti en 1997, l'a mis en scène et le joue. Le regretté Jean-Marc Stehlé avait conçu pour elle un de ces décors dont il avait la maîtrise absolue, ajoutant pour dire au mieux la réalité des humbles quelques objets banals et bibelots des plus quotidiens, ceux qu’on trouve chez les gens modestes qui collectionnent les riens pour mieux s’y rattacher. Dans un entretien donné au journal L’Humanité du 13 septembre 1997, la romancière - par ailleurs psychiatre d’enfants - expliquait : « La question est : que transmet-on de notre fardeau ? Comment transmettre aux enfants d'aujourd'hui, dans leur corps, dans leur âme, ce que fut 1943, et dont ils subissent, à leur insu, les effets... Cette transmission, ici, ne prend pas les voies de la connaissance historique, mais celle du roman familial. Mais que faire quand un parent vous en accable ? On se bouche les oreilles ? Il y a, avec des circonstances différentes, un peu de mon histoire. Pendant longtemps je n'ai rien voulu savoir des histoires dont on me rebattait les oreilles, au point de développer ce que Freud appelait 'une passion pour l'ignorance'. » Et si pour ne pas finir totalement névrosé l’on faisait mentir cette passion-là ? Rosine Schautz Espace Vélodrome, Plan-les-Ouates Les 6 et 7 mars 2014 à 20h00. Location : 022/888.64.60 Durée : 1h30 / Tarif(s) : de CHF 18 à 35.Zabou Breitman dans «La compagnie des spectres» © Chantal Depagne Palazon a c t u a Texte disponible aux éditions du Seuil, collection "Points" l i t é 33 o p é r grand théâtre de genève : nabucco Un colosse fragile Nabucco compte au nombre des opéras les plus connus de Verdi. Sa musique entraînante, ses rythmes martiaux, ses choeurs somptueux et ses effets de mise en scène spectaculaires lui assurent une place de choix dans les festivals lyriques de plein air comme Vérone ou Avenches, alors que dans les théâtres traditionnels, on affiche assez systématiquement ce titre lorsqu'il s'agit de renflouer les finances... 34 Les détracteurs de Nabucco sont pourtant nombreux : pour eux, la musique de cet opéra est trop axée sur la recherche d'effets, l'intrigue en est banale et peu logique alors que la psychologie des personnages principaux reste désespérément sommaire. La situation paradoxale de ce titre adoré des foules mais souvent décrié par les spécialistes m'a incité à demander à John Fiore, le chef de la nouvelle production genevoise, ce qu'il pensait de cette partition qu'il a déjà souvent dirigée. «J'aime vraiment Nabucco, je n'ai pas honte à l'avouer. D'abord parce qu'il me plaît de travailler avec des chanteurs, et Verdi offre aux trois protagonistes, et même aux deux emplois secondaires que sont Ismaele et Fenena, des moments de musique que tout artiste rêve d'interpréter sur les planches. Et puis, je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui font la fine bouche devant le langage utilisé ici. Il serait bien sûr vain de le mesurer à l'aune de ces réussites que sont Rigoletto, Un bal masqué ou Otello, mais il n'en reste pas moins que le musicien, dans ce troisième opus, trace déjà sa voie d'une main sûre car théâtre et musique parviennent ici à un degré d'harmonie auquel plusieurs titres postérieurs ne pourront plus prétendre. mémoriser pour que les applaudissement crépitent immédiatement. En outre, bien des tournures orchestrales semblent rappeler celles des musiques militaires ou des flonflons de fêtes populaires. Mais il serait faux d'en rester là. Car se limiter à la recherche du succès facile, c'est ne pas rendre justice aux beautés cachées d'une partition dont la grandeur dissimule efficacement les fragilités. Si chef et chanteurs ne prennent pas la peine de mettre en exergue ces brefs instants où Verdi semble tout à coup vouloir donner corps à des sentiments plus subtils, alors on justifie le dédain de ceux qui ne veulent voir en Nabucco qu'une œuvre mineure . Pouvez-vous donner un exemple de ces moments d'exception ? Prenez l'air de Zaccharia. Il est accompagné de six violoncelles, ce qui pourrait bien être une première dans l'histoire de l'opéra romantique italien. La couleur sombre des instruments est atténuée par le fait que cette pièce est écrite dans une tonalité relativement claire qui fait de Quelle difficulté présente pour le chef le langage en apparence un peu fruste de Nabucco ? Avec ses effets de masse colossaux, l'opéra semble s'imposer tout seul: l'orchestration, monolithique, vise à l'effet sans trop de raffinements et les mélodies sont la plupart du temps suffisamment amples et faciles à John Fiore e n t r e a cette mélodie un formidable chant d'espoir chez les Hébreux opprimés par un tyran sanguinaire. La musique, dès le début, laisse entendre que l'espérance n'est pas un vain mot pour celui qui sait garder la foi. Dans le grand air d'Abigaïle, plein de fureur et de rage, l'irruption soudaine d'une flûte solo dans sa séquence centrale laisse entrevoir la face cachée de ce personnage qui souffre de n'avoir jamais été aimé. Cette femme avide de pouvoir est certes monstrueuse, mais Verdi tient à nous rappeler, par ce soudain accès de tendresse spontanée, qu'elle a été faite ainsi par le mépris de son entourage à son égard et par les circonstances obscures qui ont entouré sa naissance. La musique, autrement dit, nous rappelle ici qu'il aurait pu y avoir une autre Abigaïle si son enfance s'était déroulée plus harmonieusement. Vous n'êtes donc pas de ceux qui pensent que la psychologie des personnages est trop primaire ... Je ne peux, bien sûr, mettre un Iago, voire un Luna sur le même plan qu'une Abigaïle qui hurle sa rage avec une telle constance. Mais je reste séduit par l'honnêteté du musicien qui, dans un contexte où la peinture des caractères est marquée par l'exagération et la véhémence, s'attache à montrer discrètement une autre facette du personnage. Ce chant de la flûte, c'est comme une soudaine mais courte plongée dans une psyché dont la complexité reste voilée. A quoi un chef qui s'attaque à cette partition doit-il alors particulièrement faire attention ? On a souvent dit de Verdi que, dans ses opéras de jeunesse, il exploitait les possibilités de l'orchestre comme celle d'une grande guitare. C'est en partie exact, notamment dans les récitatifs où les instrumentistes sont avant tout là pour donner rythme et forme au chant. Dans ces moments, il est certain que le chef doit veiller prioritairement à donner à ces séquences les impulsions nécessaires à assurer leur progression; ensuite, dans les airs et ensembles, il lui faut trouver la couleur juste qui mette en une perspective narrative correcte les divers moments de l'action. Et ce n'est pas tout : car cette musique avance, elle a un but, un point culminant t i e n o p é r a vers lequel toutes les péripéties des scènes doivent tendre. Le chef doit rendre sensible les lentes montées de tension qui trouvent leur exutoire dans ces moment clefs de l'action que sont, par exemple, l'entrée de Nabucco dans le temple (à cheval, si l'on en croit la tradition !), sa scène de folie, la destruction de l'idole par un éclair divin, le retour à la raison du roi, le délire dément d'Abigaïle suivie de sa demande de pardon, etc. ... En représentation, la beauté pure des airs et cabalettes risque de faire perdre de vue au public ces axes dramatiques essentiels à la compréhension du sujet car l'auditeur a alors tendance à se laisser porter par la musique sans trop se poser de questions sur la progression de l'intrigue. S'ajoute encore à cela le problème que posent les interruptions liées aux applaudissements : je n'ai bien sûr rien contre le fait de manifester son enthousiasme à des chanteurs ou des choristes qui s'acquittent de leur tâche avec panache, mais il est certain que de telles ruptures dans le flux musical ne favorisent pas la construction de ces grands arcs mélodiques qui doivent amener tout naturellement l'auditeur à prendre pleinement conscience des enjeux des scènes cruciales mentionnées ci-dessus. Pour reprendre un exemple précis : le chœur des Hébreux, si justement célèbre, se déguste comme une gâterie musicale de choix. Il s'agit là véritablement d'un tableau vivant, d'un arrêt sur image apprécié dans la structure de l'ensemble. Il est par conséquent naturel de l'applaudir, voire de le bisser comme cela se fait encore de nos jours en Italie. D'un point de vue théâtral, cependant, l'arrivée de Zaccharia juste après les dernières notes du chœur se révèle bien plus importante, car c'est elle qui, par la couleur claire de la tonalité choisie, annonce le lieto fine, c'est-à-dire la fin miraculeusement heureuse de cette sombre histoire. Il faut donc capter au plus vite l'intérêt des auditeurs pour faire sentir l'urgence du message et le changement subit d'atmosphère. Il reste néanmoins indéniable que Verdi a conçu son opéra comme une suite de morceaux de bravoure. Bien sûr. Mais on peut dire cela de tous les opéras baroques ou du premier romantisme italien sans que cela implique que leur structure dramatique soit trop lâche ou artificielle! Les e n t r Leonardo Capalbo sera Ismaele conventions du temps devaient être respectées, et Verdi, lorsqu'il compose Nabucco, n'a pas encore l'aura nécessaire pour imposer à ses librettistes et à son public les changements dramaturgique qui feront la gloire de partitions fondamentales comme celles de La Traviata ou de Don Carlo... Le chœur joue un rôle central ici, plus que dans presque tous les autres titres de Verdi. Comment concevez-vous musicalement ce collectif ? Le chœur est un protagoniste à part entière. Ce qu'il chante, c'est ce que n'importe quel autre personnage pourrait dire à sa place. Mais en choisissant de confier ce message à une masse chorale, Verdi sent implicitement qu'il augmente la force de frappe des morceaux ainsi mis en valeur et qu'ils vont ainsi trouver un écho encore plus grand auprès du public. Il ne s'est pas trompé, comme en témoigne le succès prodigieux de la création milanaise, succès qui ne s'est jamais démenti depuis. Et personne de sérieux ne songerait à critiquer un compositeur parce qu'il cherche à remporter l'adhésion du public ! Vous avez beaucoup dirigé Verdi en Allemagne. Dans quel état d'esprit arrivezvous à Genève pour défendre ce répertoire ? L'OSR est un orchestre magnifique, et, en plus, j'aime ce théâtre. La scène y est grande et permet de monter du grand spectacle sans avoir à en rogner les effets par manque de place; malgré cela, le rapport entre scène et salle reste idéal. Quant à l'orchestre, comme il se confronte régulièrement au domaine symphonique et au domaine lyrique, il manifeste une souplesse dans ses approches des divers styles de langages musicaux que l'on ne trouve pas toujours chez des ensembles qui passent leur vie uniquement en fosse. De plus, en Allemagne, le principe de e t i e la saison continue avec un lever de rideau quasiment chaque soir implique que les instrumentistes sont soumis à de fréquentes rotations. Vous pouvez diriger sept fois un opéra sans vous retrouver deux fois devant la même formation en fosse ! C'est dire toute la frustration d'un chef essayant de mettre au point une interprétation qui tienne la route lorsqu'il se retrouve soudain devant un premier violon qu'il ne connaît pas ou avec lequel il n'a pas encore travaillé la partition en question. Vous êtes amené à travailler avec deux distributions différentes ici à Genève puisque les représentations sont très rapprochées et qu'il serait insensé d'attendre des protagonistes qu'ils entrent en scène trois ou quatre soirs de suite. Cela vous gêne-t-il dans votre préparation ? Je dirais plutôt que c'est stimulant, puisque le but de tout chef d'orchestre est d'harmoniser les tempéraments de façon que l'assise du spectacle reste solide. Comme chaque interprète apporte au départ une touche de couleur différente et une sensibilité autre au personnage qu'il incarne, la mise en commun de ces expériences et de ces sensibilités différentes reste toujours stimulante... En ce qui me concerne, j'arrive bien sûr aux premières répétitions avec une idée précise de ce que je souhaite obtenir à tel ou tel moment. Mais, en cas de soudain désaccord avec un chanteur ou un metteur en scène, je ne peux me résoudre à m'opposer à cet autre point de vue interprétatif sans me demander si le mien est d'une valeur aussi absolue que cela. Dans un tel cas, la recherche du compromis est profitable à tous et permet un approfondissement supplémentaire. Ainsi, même dans une oeuvre en apparence aussi limpide que Nabucco, vous n'arrivez jamais à vous dire en toute honnêteté que vous en avez définitivement fait le tour... Surtout que, dans ce cas précis, c'est bien de la foi qu'il s'agit. Et chacun de nous réagit de façon fort personnelle à ce qui reste fondamentalement inexplicable ... Propos recueillis par Eric Pousaz Nabucco est à l'affiche du Grand Théâtre le 28 février et les 1, 2, 4, 6, 7, 8 & 10 mars n 35 o p é r a correspondance assez tendue qu'il a échangée avec Salvatore Cammarano, son librettiste, au sujet de la distribution de son ouvrage. opéra de lausanne : luisa miller de verdi Une musique qui ouvre des fenêtres... Au cours des douze mois passés où l'on a fêté le bicentenaire de la naissance du grand compositeur italien, les nouvelles productions d'Aida, de la Traviata, du Bal masqué ou même de Falstaff ont envahi les affiches des théâtres lyriques partout dans le monde. Luisa Miller, une œuvre pourtant créée en 1849 juste deux ans avant la première de Rigoletto, n'a par contre pas fait la une de l'actualité musicale. Seul l'opéra de Malmö, en 2012, s'est offert le luxe d'une nouvelle production particulièrement remarquée qui a d'ailleurs fait l'objet d'une parution en DVD. 36 On ne peut donc que féliciter les responsables de la programmation de l'Opéra lausannois pour leur courage en proposant une nouvelle réalisation d'un titre que beaucoup considèrent comme problématique. Non que la musique en soit de mauvaise qualité, mais la mise sur pied de ce spectacle place les responsables devant de nombreux problèmes épineux à résoudre, tant au plan théâtral que musical. Avant le début de la première répétition, fixée au 17 février déjà, le chef d'orchestre Roberto Rizzi Brignoli a accepté le principe d'une interview téléphonique, tout en précisant qu'il était encore bien incapable de dire quoi que ce soit sur les bases dramatiques de cette production car beaucoup de décisions allaient se prendre seulement au moment où tous les responsables de la représentation seraient réunis... Ma première question concerne la relative impopularité de ce titre verdien. Y a-t-il une explication musicale à cela ? Roberto Rizzi Brignoli : Je serai bien incapable de vous dire pourquoi cet ouvrage n'a pas la place qu'il mérite dans le cœur des admirateurs de Verdi. Les explications sont certainement multiples, mais on n'est sûr de rien lorsqu'on essaie de porter un jugement sur le degré d'acceptation d'une œuvre d'art par le public. Et puis, il y a des effets de modes: il fut un temps pas si lointain où Don Carlo, qui est pourtant un e Oui, Verdi aurait voulu étoffer les rôles de Wurm et de Frederica car il craignait que l'intrigue ne paraisse trop mélodramatique si le librettiste éliminait tous les éléments liés à la situation politique. Privés de leur contexte social et historique, ces deux personnages négatifs risquaient en effet de devenir des esquisses psychologiques inabouties plutôt que des personnages à part entière. Mais Cammarano ne céda pas aux demandes du musicien, faisant valoir que le San Carlo de Naples, commanditaire du nouvel ouvrage, n'avait pas l'intention d'afficher une représentation plus longue que de coutume. De plus, il semblait aller de soi que le théâtre n'avait pas les moyens d'engager des stars pour ces deux rôles assez secondaires si on les compare à ceux des protagonistes. Pressé par le temps, Verdi se soumit finalement de mauvaise grâce, tout en faisant remarquer que ces deux intrigants restaient essentiels à la compréhension de l'évolution de la situation dramatique et des conflits psychologiques qui nourrissent l'intrigue. On en vient à rêver aujourd'hui de ce que le compositeur aurait pu faire de ce sujet vingt ans plus tard si l'on compare cette partition avec celle de Don Carlo, d'une durée presque double, où le compositeur prend le temps de creuser plus à fond les portraits de chaque personnage. Quelle place occupe cet ouvrage dans l'énorme production du compositeur ? Roberto Rizzi Brignoli chef-d'œuvre absolu aussi écrit d'après une tragédie de Schiller, paraissait bien plus rarement qu'aujourd'hui sur les plateaux des maisons d'opéra du monde entier. Or en ce début de 21e siècle, c'est peut-être le titre le plus aimé de toute la production du compositeur... On dit que Verdi lui-même a eu quelques doutes quant à la viabilité de ce projet dramatique, comme en témoigne la n t r e On le considère d'abord comme le premier opéra bourgeois de Verdi. Tournant le dos aux grands drames historiques ou bibliques, le musicien brosse le portrait d'une société marquée au sceau des préjugés de tous ordres au sein de laquelle l'amour de la fille d'un militaire à la retraite pour le fils d'un puissant homme politique n'a aucune chance d'aboutir au succès. On n'est à vrai dire pas très loin du mélodrame de La traviata, créé quatre ans plus tard, qui se joue certes dans le brillant milieu parisien mais où les données dramatiques de base sont assez semblables. Et musicalement, où situez-vous cet opéra ? t i e n o p é r a Là aussi, Verdi fait en quelque sorte peau neuve. Son langage musical s'enrichit d'un nombre incroyable de nouveautés qu'il exploitera plus tard avec une belle constance, jusque dans Falstaff ! Prenez par exemple l'ouverture : c'est la première fois qu'une telle pièce est écrite sur un seul motif, très court et très rapide, qui va ensuite irriguer tout l'opéra en lui conférant sa couleur sombre si particulière. On est loin des potpourris habituels qu'on retrouvera pourtant sous la plume de Verdi jusque dans les années soixante avec le splendide morceau d'introduction de La forza del destino. Il y a aussi le rôle de Luisa, qui s'inscrit d'abord avec une légèreté virtuose dans une délicate scène alpestre qu'aurait presque pu écrire un Bellini pour La sonnambula et qui se termine sur une note plus morbide, sollicitant à l'extrême le registre grave du soprano, un peu à la manière de ce qui se passe dans le dernier acte de La traviata. Enfin, et c'est le plus important à mes yeux, c'est dans les scènes de transition que le compositeur se libère des conventions du temps avec le plus de panache. Verdi n'écrit pas ici des récitatifs traditionnels, seulement destinés à donner aux spectateurs les éléments nécessaires à la compréhension du déroulement de l'action. Lors des confrontations entre les personnages négatifs, par exemple, Verdi refuse souvent aux chanteurs le droit à un bel air avec cabalette ou à un duo spectaculaire; il se contente bien plutôt de composer une scène aux rythmes tendus et à l'écriture serrée où mots et musique s'entremêlent pour former un langage nouveau dont les tournures ne s'impriment pas immédiatement dans la mémoire des auditeurs. C'est la fameuse parola scenica à laquelle il fait si souvent allusion dans sa correspondance avec ses librettistes. Et j'en profite pour revenir à votre première question : la difficulté d'appréhender à première écoute de telles scènes qui sont primordiales dans l'équilibre du spectacle contribue peut-être à rendre moins populaire ce titre qui demande finalement de l'auditeur un maximum d'attention dans les moments clefs, au contraire de ce qui se passe dans Rigoletto, par exemple, où le flux musical vous emporte de la première à la dernière note. Quelles sont pour vous les principales difficultés à surmonter quand vous abordez un tel titre ? e n t r Il convient d'abord de trouver la teinte juste pour l'ensemble de chaque scène. Cela tient à la mise en place de textures rythmiques efficaces au plan théâtral qui ne freinent pas le développement naturel de la musique. Il faut que chant et diction, théâtre et musique se complètent harmonieusement pour que les articulations musicales restent constamment sensibles. L'opéra ne doit pas donner l'impression d'une structure morcelée, malgré la présence de trois courts tableaux dans les deux premiers actes. Verdi innove ici en utilisant des procédés musicaux qui lui permettent de resserrer l'agencement des scènes de façon que l'auditeur se sente irrémédiablement entraîné vers le dénouement final. On pourrait dire, en exagérant quelque peu, que le compositeur semble inviter ici son public à ne pas considérer les airs comme des morceaux de Luisa ne sait pas qu'elle a été empoisonnée et Rodolfo ignore que la lettre de rupture qu'on lui a remise a été écrite par sa fiancée sous la contrainte. L'amour ne prend pas ici la première place comme le veut la coutume. Ce duo est d'abord une scène d'explications difficiles et d'aveux inconfortables qui exige des chanteurs un art de la nuance et un ciselé épuré dans le legato qui n'ont rien à voir avec la véhémence pathétique de la musique qui accompagne la mort des protagonistes dans Il trovatore ou La forza del destino! Je ne veux bien sûr pas dire par là que je trouve la fin de Luisa Miller supérieure à celle de ces opéras postérieurs, mais il me paraît juste de rappeler que dans cette scène ultime, le compositeur recherche autre chose que le pathos pur et qu'il nous faut prendre la peine de l'écouter attentivement pour saisir toutes les facettes de son message dramatique. Une dernière question : quand vous travaillez sur la partition, imaginez-vous déjà une mise en scène ou attendez-vous de vous trouver à la première répétition pour découvrir ce que le responsable théâtral du spectacle va proposer ? Alexia Voulgaridou sera Luisa bravoure à applaudir bruyamment après leur exécution mais bien comme des instants de recueillement où les personnages, se repliant sur eux-mêmes, nous révèlent le plus profond de leur âme. Le duo final semble aussi introduire une touche nouvelle dans la sensibilité musicale du compositeur... Il s'agit certes d'un duo d'amour, mais quand il commence, bien des points restent à résoudre. e t i e La musique de Verdi n'est pas univoque, elle ouvre des fenêtres sur des horizons divers que chacun a la liberté d'interpréter comme il veut. Ainsi, je n'attends pas d'un metteur en scène qu'il vienne me dire comment jouer tel ou tel morceau et je ne m'arroge pas le droit d'imaginer un mouvement scénique à sa place! Ce qui n'exclut bien entendu pas que l'on discute franchement des problèmes rencontrés lors de la mise en commun de nos expériences théâtrales et musicales.... Nous avons la chance, à Lausanne, de travailler presque six semaines avec tous les artisans du spectacle. C'est ce que je considère comme des conditions de travail idéale : nous allons nous réunir le premier jour pour former une famille artistique où les idées doivent passer des uns aux autres en toute confiance. Et c'est de cette émulation que le spectacle va tirer toute son énergie ... Propos recueillis par Eric Pousaz Luisa Miller est à l'affiche de l'Opéra de Lausanne les vendredi 21 mars 2014 à 20h, dimanche 23 mars 2014 à 17h, mercredi 26 mars 2014 à 19h, vendredi 28 mars 2014 à 20h et dimanche 30 mars 2014 à 15h n 37 o p é r a portrait du ténor Jonas Kaufmann Le ténor des ténors, Jonas Kaufmann, sera de passage au Grand Théâtre le 30 mars prochain pour livrer au public son interprétation du Winterreise de Schubert, l'un des cycles les plus difficiles et les plus pénétrants qui soit. Accompagné par son pianiste attitré Helmut Deutsch, la chanteur devrait logiquement être aussi intense que dans son précédent opus, Die Schöne Müllerin, dont il avait gravé une version de référence publiée par Decca. 38 Avant d'accéder au rang le plus élevé et d'occuper la première place parmi les ténors stars de son temps, Jonas Kaufmann, né le 10 juillet 1969, contrairement à ce que l'on pourrait croire, n'a brûlé aucune étape. Issu d'une famille où la musique tenait une place de choix, le jeune Jonas écoute son grand-père jouer et chanter en s'accompagnant au piano l'ensemble des opéras de Wagner – dont le chanteur conserve aujourd'hui pieusement les partitions – tout en mêlant sa voix à celles de ses parents et de sa sœur, également musicienne. Il intègre très jeune l'un des chœurs d'enfants de sa ville natale, Munich, et prend plaisir à chanter des chansons folkloriques en bavarois, avant de se voir confier vers 15 ans de petits solos dans des concerts scolaires. Un professeur de musique lui donne au passage ses premières leçons, tout en lui apprenant à bien respirer. De là à devenir chanteur, il y a pourtant un monde ! Attiré par les matières scientifiques, il continue ses études à l’Université tout en pratiquant le chant. A 19 ans sur les conseils d'un professeur, ce théoricien, adepte du concret, décide enfin de se consacrer à l'étude du chant à la Hochschule. Il obtient rapidement un contrat pour intégrer la troupe de l'Opéra de Sarrebruck où il passe deux saisons de 1994 à 1996. Ténor léger, il est programmé dans Dr Caius (Falstaff), le Remendado (Carmen), Andres (Wozzeck), Ottavio (Don Giovanni) et travaille en parallèle la flexibilité, pour parvenir à être distribué dans le répertoire rossinien ; sa voix résiste et se heurte cependant à cette tessiture dans laquelle il s'aventurera peu. Il quitte Sarrebruck pour Heidelberg, puis se retrouve à Trèves et à Stuttgart où il enchaîne les spectacles à un rythme soutenu, abordant Jaquino (Fidelio), Almaviva (Barbiere) et Alfredo (Traviata), tout en prenant le risque de ne plus être attaché à un théâtre et de ne pouvoir répondre aux propositions venues de l'extérieur. Il participe à cette époque à des master classes animées par Hans Hotter, après avoir reçu les conseils d'une autre sommité, le baryton Josef Metternich, pendant de longs mois. A partir de 2001 pourtant, Jonas Kaufmann reste étroitement lié à l'Opéra de Zürich dirigé par Alexander Pereira, un collectionneur qui souhaite disposer des meilleurs poulains dans son écurie. Ce « partenariat continu » lui permet de combiner ses engagements avec d'autres rendez-vous et de participer à plusieurs enregistrements discographiques comme Der Vampyr de Marschner (1999), Die drei Wunsche de Loewe (1996) ou Ekkehard de Abert (1998) pour le label Capriccio et de débuter à Salzbourg en 1999 (Doktor Faustus de Busoni), à Milan en 1999 dans Fidelio (Jaquino avec Muti), un an après avoir travaillé avec Strehler (mort quelques jours avant la première) sur Cosi fan tutte de Mozart (Ferrando) au Piccolo Teatro. Kaufmann élargit à cette époque son répertoire et aborde aussi bien des rôles allemands (Zauberflöte, Entführung aus dem Serail, Fierrabras de Schubert), que français, Faust et Mignon qui marque ses débuts en France à Toulouse en 2001, ou italiens, tels que Nina de Paisiello, Il ritorno d'Ulisse in patria de Monteverdi, La Clemenza di Tito, Rigoletto ou Bohème, multipliant les styles et les esthétiques. Il débute à Chicago en 2001 avec Cassio (Otello) et à Paris en 2004 (Cassio à la Bastille), année où il interprète Ruggero de La Rondine à Londres, ses premiers pas au Grand Théâtre de Genève ayant lieu en 2003 avec La Damnation de Faust de Berlioz, mise en scène par Olivier Py. Louanges On loue déjà son adéquation stylistique, la beauté de son timbre viril et cuivré, l’élasticité de ses phrasés et sa capacité à chanter pianissimo sans détimbrage, autant que sa diction irréprochable dans toutes les langues et l'intensité de sa présence scénique. Avant Munich et Vienne qui lui restent à conquérir, Jonas Kaufmann est invité au Met de New York en mars 2006 Jonas Kaufmann a c t u a l i t é o p é r a pour participer à une série de Traviata (production de Zeffirelli) avec Angela Gheorghiu - avec laquelle il a beaucoup chanté depuis opéras et concerts – succès qui lui ouvre grand les portes de l'Autriche. Très proche du pianiste Helmut Deusch, il n'attend pas longtemps pour se produire en récital : leur premier programme au disque est consacré à Strauss (HM 2005), aussitôt suivi par Schubert (Decca), le chanteur se montrant d'un niveau exceptionnel dans les mélodies de Mahler, Duparc ou Britten dans lesquels sa voix d'une exemplaire musicalité se plie aux moindres nuances et recrée d'ineffables mondes intérieurs. Ses débuts dans le rôle de Don José (Carmen) ont lieu en 2006 à Londres (DVD Decca) avec Pappano et Antonacci, personnage qu'il retrouve en décembre 2009 à Milan pour l'ouverture de la saison (avec Emma Dante à la régie) et où il rencontre un succès similaire à celui qu'il rencontrera bientôt dans le Don Carlo de Verdi qu'il défend à Zürich, New York, Munich, ou Londres et l'été dernier à Salzbourg avec sa partenaire préférée, Anja Harteros (mise en scène de Peter Stein). Sous la loupe Sa notoriété est aujourd'hui telle que chacune de ses apparitions fait l'objet d'une véritable hystérie médiatique et publique. Ses prises de rôles régulières sont attendues, diagnostiquées et disséquées, de ce sensationnel Werther parisien dirigé par Plasson en 2010 (Bastille dvd Decca), à ce Lohengrin de rêve donné d'abord à Munich, puis à Milan en 2012 (Barenboïm en fosse et Claus Guth à la régie), avec lequel il fait se débuts à Bayreuth en 2010. Tosca (2 dvd Decca et Emi) à Zürich et Londres, Die Walküre (intégrale avec Gergiev cd Marinscky) et au Met en 2012, suivi par Parsifal en 2013 l'ont consacrés artiste le plus convoité de la scène lyrique, régnant sans partage à Munich et à Vienne où il vient de triompher successivement dans Il Trovatore (Py à la régie et Harteros en Leonora), Fanciulla del West (avec Stemme) et La forza del destino (Harteros et Tézier) dans des mises en scènes conçues autour de sa fascinante personnalité. On admire désormais le souffle inépuisable, la puissance d'un instrument qui a gagné en largeur, le legato de cette voix expressive aux moirures barytonales que l'aigu n'effraie pas, auxquelles le musicien vient ajouter une séduction et une dimension scéniques qui font de lui le plus grand ténor du moment. Contraint à réduire de façon drastique son emploi du temps après des problèmes de nodules sur les cordes vocales (il devait donner son premier Enée des Troyens en juin 2012 à Londres avec Pappano et Mac Vicar), Kaufmann a pris conscience des risques qu'il encourait sans pour autant se limiter à quelques rendez-vous avec un public toujours plus vaste. Il aime les défis à l'image de Placido Domingo qu'il considère comme un modèle et ne résiste pas à alterner les rôles, Rodolfo entre deux Bacchus (Ariadne auf Naxos) à Salzbourg en 2012, Lohengrin entre deux Don Carlo à Munich en 2013 pour sauver des représentations et croule sous les projets les plus enthousiasmants. Prochaine étape après un nouveau Werther au Met en février et mars, Des Grieux (Manon Lescaut) à Londres en juillet prochain, Andrea Chénier en 2015, avant Ballo in maschera, Otello et Tannhaüser... Pour célébrer Wagner et Verdi en 2013, il a publié deux albums magnifiques qui confirment l'étendue et la variété de ses moyens expressifs et techniques (chez Decca et Sony son nouveau label). Sa présence à Genève dans le cadre d'une tournée de récitals commencée à Barcelone et qui se terminera à La Scala, avec le Voyage d'hiver de Schubert (qu'il vient de graver pour Sony) s'annonce comme l'un des événements incontournables de la saison. François Lesueur NOUVELLE PRODUCTION 3 ÈME J O U R N É E D U F E S T I VA L S C É N I Q U E DER RING DES NIBELUNGEN EN 3 ACTES E T U N P R O LO G U E GÖTTERDÄMMERUNG R I C H A R D WA G N E R DIRECTION MUSICALE INGO METZMACHER MISE EN SCÈNE DIETER DORN DÉCORS & COSTUMES JÜRGEN ROSE GUNTHER SIEGFRIED JOHN DASZAK JOHANNES MARTIN KRÄNZLE BRÜNNHILDE PETRA LANG HAGEN JEREMY MILNER ALBERICH JOHN LUNDGREN GUTRUNE EDITH HALLER W A LT R A U T E M I C H E L L E B R E E D T CHOEUR DU GRAND THÉÂTRE DIRECTION CHING-LIEN WU ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE 23.04>02.05.2014 Grand Théâtre, le 30 mars à 19h30 SAISON1314 a g e n d a WWW.GENEVEOPERA.CH +41(0)22 322 5050 o p é r a sa propre colère. Selon Danlee Mitchell, percussionniste, chef d’orchestre, manager et ami de Partch, Delusion of the Fury a induit «la réconciliation de Harry avec le monde ». bâtiment des forces motrices, genève Delusion of the Fury Avis aux curieux, aux amateurs de surprises, aux lassés du répertoire classique, un passage au Bâtiment des Forces Motrices le 28 ou le 29 mars s’impose. En effet, dans le cadre du Festival Archipel, le Grand Théâtre propose Delusion of the Fury, une œuvre particulièrement originale, voire révolutionnaire, du compositeur américain Harry Partch. Créée en 1969 au Pasadena Art Museum de Los Angeles, elle vient d’être reprise en août 2013, après un oubli de plusieurs décennies en Europe, pour l’ouverture du Festival Ruhrtrien-nale à la Jahrhunderthalle Bochum. Nous aurons la chance de la découvrir à Genève dans cette même production. 40 Et voici la vérité sur l’affaire Harry Partch ! Celui que l’on a appelé le Don Quichotte de la musique contemporaine est né en 1901 à Oakland (Californie) et mort à San Diego en 1974. Il apprit à jouer de plusieurs instruments et se mit très tôt à la composition, en se servant bien sûr des outils de la musique occidentale, tempéraments égaux et échelle chromatique. Frustré cependant de ne pouvoir transcrire avec assez de précision les nuances du langage parlé, il détruisit toutes ses compositions en 1930 et se mit à inventer et à construire des instruments qui lui permettraient d’atteindre l’exactitude recherchée. Il commença par le monophone, plus tard nommé violon adapté : un manche de violoncelle est monté sur un corps d’alto et sur la longueur de cordes obtenue des positions plus précises que les degrés de la gamme chromatique tempérée sont marquées. Dans son livre Genesis of a Music, Harry Partch explique sa théorie musicale fondée sur l’intonation juste et la microtonalité, décrit les instruments qu’il a construits et évoque quelques unes de ses compositions majeures. Sa « trinité » a-t-il dit, est la même que celle de l’homme primitif qui fabriquait ses instruments : « magie du son, impor- a tance de l’élément visuel et de sa beauté, expérience rituelle ». L’ensemble MusikFabrik occupe une place de choix dans l’univers de la musique contemporaine. Les plus grands compositeurs actuels ont été ses hôtes : Sir Harrison Birtwistle, Peter Eötvös, Heiner Goebbels, Michael Jarrell, Mauricio Kagel, Olga Neuwirth, Wolfgang Rihm, Karlheinz Stockhausen, Sasha Waltz ou Hans Zender. L’Ensemble a reconstruit tous les instruments inventés par Partch, et appris à en jouer ! «Delusion of the Fury» Théâtre Musical Selon son concept de « corporéalité » Partch ne veut pas de distinction entre les interprètes et les musiciens qui les accompagnent. Les instruments constituent le décor de l’action et les intervenants évoluent parmi eux. Delusion of the Fury s’articule en deux parties : une scène du théâtre No japonais et une scène de conte traditionnel africain. Comme dans la Grèce antique, la farce et le drame sont exploités. L’œuvre met en exergue la nature trompeuse (delusion) et l’inutilité de la colère humaine et se moque de la justice dans le second acte. Il se peut que Partch, victime des injustices et de l’incompréhension de la société de son temps, ait trouvé ici le moyen de se confronter à c t u a La mise en scène est assurée par Heiner Goebbels, la scénographie et les lumières par Klaus Grünberg, et la direction musicale par… personne ! Une occasion unique de découvrir l’univers sonore inspiré et inouï (dans le sens étymologique du terme) de ce pionnier que fut Harry Partch. Et n’oubliez pas vos jumelles pour suivre en détail le ballet des percussionnistes, danseurs, mimes et acteurs dans leurs costumes saisissants. Martine Duruz 28, 29 mars : Delusion of the fury de Harry Partch, Ensemble Musikfabrik, m.e.s. Heiner Goebbels. Bâtiment des Forces Motrices à 19h30 (billetterie : 022/322.50.50 et www.geneveopera.com/) l i t é o p é r a opéra du rhin Rigoletto Créée l'été passé au Festival d'Aix-en-Provence, cette mise en scène du Rigoletto de Verdi par Robert Carsen, présentée à l'Opéra du Rhin en cette fin d'année, fera encore halte prochainement à Bruxelles, Moscou et au Grand Théâtre de Genève. A la fois simple et ingénieux, le dispositif scénique de Radu Boruzescu transplante l'action dans une tente de cirque présentée en coupe. La piste emplie de sable, les gradins, la loge pour les VIP, les grandes perches soutenant le toit de toile: rien ne manque à l'évocation d'une soirée sous le chapiteau. Implicitement, le spectateur a l'impression de faire partie de la représentation, car le dispositif scénique le place dans les gradins qui lui font face sur le plateau, la fosse d'orchestre représentant la deuxième partie de l'ère de jeu des artistes. Avant le lever du rideau, Rigoletto paraît sur le devant de la scène, portant un grand sac rouge foncé d'où il extrait une poupée gonflable: elle lui sert à rendre plus explicites ses plaisanteries grivoises destinées à plaire à un public de courtisans dépravés, massés dans les gradins qui font face au public. A la fin de la représentation, lorsqu'il prend livraison du corps du Duc de Mantoue, ce même sac révèle le corps poignardé de sa fille. La boucle est bouclée. Dans cet univers de cirque, l'action semble se jouer de nos jours. Quelques femmes dénudées et une équipe de danseurs athlétiques pimentent l'action de leurs pirouettes et ajoutent une touche de dérision à une intrigue dont les développements dramatiques prêtent longtemps à rire avant de révéler son réalisme sordide longtemps occulté. On ne saurait imaginer procédé plus efficace pour redonner une actualité brûlante à un sujet vieux de plus de cent-quatre-vingts ans : Le Roi s'amuse de Victor Hugo a en effet été créé en 1832 déjà... Tout ne fonctionne pas d'idéale façon dans une transposition aussi radicale. Faire habiter Rigoletto dans une roulotte de cirque ne permet pas, par exemple, de faire comprendre à l'auditeur comment le bouffon a pu espérer cacher l'existence de sa fille aux artistes du cirque qui l'emploie. Mais l'accumulation d'images fortes suffit à faire oublier quelques menues invraisemblances de ce type en donnant à l'ensemble une dimension poétique qui fait fi de toute référence rationnelle. Paolo Carignani opte pour une approche en finesse : il détaille la partition avec un goût marqué pour un travail en profondeur visant à assurer un maximum de transparence et de rigueur au commentaire orchestral que les instrumentistes de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg détaillent avec une rare cohésion. Sous sa direction tout en souplesse, le drame se déroule avec cette rigueur tranquille qui caractérise la lente approche de la catastrophe finale dans toutes les grandes tragédies. Bien qu'annoncé souffrant, George Petean époustoufle avec son Rigoletto vocalement intense, jamais forcé, comme sil s'agissait de montrer pour lui qu'il n'atteint jamais ses limites. Le chant coule avec naturel et n'a nul besoin d'effets spectaculaires pour mettre en avant les moments forts du drame. Cette retenue en dit plus long sur la psyché du personnage que les cris et gémissements d'interprètes moins inspirés. Dmytro Popov en Duc fait étalage d'impressionnants moyens vocaux; mais son interprétation tout d'un bloc finit par lasser tant le personnage paraît étranger au monde qui l'entoure, seulement soucieux de donner à son chant le maximum d'impact sur les auditeurs. Et comme il n'a pas l'aigu vraiment facile et léger, le rôle paraît seulement esquissé. Il est toutefois a c t u a l «Rigoletto» © Opéra national du Rhin / Alain Kaiser juste de préciser qu'il s'intègre parfaitement dans la conception particulière de ce spectacle. Nathalie Manfrino possède une voix déjà presque trop mûre pour Gilda et sa vocalise savonnée dans le 'Caro nome' aurait pu faire craindre le pire si l'interprète ne s'était soudain reprise en main dans les deux derniers actes où son portait de femme délaissée bouleverse par la variété des accents dramatiques dont elle sait enrichir le profil musical du rôle. Sara Fulgoni, une Maddalena sonore aux graves profonds et Konstantin Gorny, un Sparafucile puissant mais à la ligne de chant peu raffinée, complètent cette distribution d'une cohérence frappante. Quant au chœur d'hommes de l'Opéra du Rhin, il séduit autant par l'aplomb de ses interventions musicales que par sa capacité à s'intégrer au projet dramatique sans réticence aucune. (10 janvier) Le cenerentola La Cendrillon de Rossini est sans conteste un chef-d'œuvre. Musicalement, l'ouvrage est même plus riche que Le Barbier de Séville, car le mélange des genres y est réalisé de main de maître. Ces oppositions confèrent à l'ouvrage une largeur de palette expressive que l'on chercherait en vain du côté de Séville. Le chef d'orchestre espagnol Enrique Mazzola l'a bien compris: sa battue n'a rien de débridé, voire d'hystérique dans les grands ensembles. Au contraire, il privilégie une certaine lenteur dans la construction de ces vastes formes musicales où le délire est structuré de main de maître par un compositeur connaissant toutes les ficelles du métier. La distribution fait la part belle aux jeunes talents. Maite Beaumont prête à Cendrillon sa voix fruitée, déliée dans l'aigu et pourtant agréablement charnue dans le grave. Les passages de registre se font sans rupture aucune, la vocalise coule de source avec naturel. Bogdan Mihai est un Prince rêveur dont l'aigu aux luminescences lunaires convient idéalement à ce personnage qui reste en dehors du cadre social où il se meut. Le baryton français Edwin Crossley-Mercer ne fait qu'une bouchée du personnage de Dandini dont il déguste les diverses facettes avec une gourmandise vocale qui n'exclut ni la précision dans l'accentuation, ni la classe dans la recherche d'un phrasé toujours adéquat. Umberto Chiummo, par contre, reste en deçà du potentiel comique de Don Magnifico, qu'il incarne ici avec une retenue vocale qui nous fait perdre sa trace dans les nombreux ensembles de l'ouvrage. Ugo Guagliardo, un Alidoro à la voix puissante mais manquant parfois de stabilité, ainsi que Hendrickje Van Kerckhove et Sophie Pondjiclis dans le rôles des deux méchantes sœurs, complètent agréablement ce plateau que soutient efficacement un Orchestre Symphonique de Mulhouse parfois en mal de précision et un chœur d'hommes dont l'homogénéité vocale laisse à désirer dans la formation réduite requise par cette partition. La mise en scène de Sandrine Anglade ne cherche pas à renouveler le genre car la metteuse en scène ne paraît pas intéressée par le potentiel dramatique qu'elle aurait pu tirer de ce conte finalement assez noir (17 novembre). Eric Pousaz i t é 41 o p é r a opéra de zurich Les Pêcheurs de Perles réhabilités Depuis le milieu du siècle passé, Les Pêcheurs de Perles de Bizet apparaissent trop rarement à l'affiche. Le sujet passe pour démodé, la musique est jugée facile et inutilement alanguie alors que l'exotisme de pacotille auquel se réfère le librettiste non sans une certaine complaisance semble paralyser l'imagination des metteurs en scène. 42 Dans sa mise en scène zurichoise, Jens-Daniel Herzog a opté pour une approche résolument contemporaine de l'action scénique. Tout se joue sur un vieux rafiot vu en coupe; au sous-sol, les ouvriers ouvre des huitres sur un rythme soutenu pour chercher la perle rare sous le regard dur de surveillants auxquels il ne faut pas en conter; au premier étage se trouve la cabine où règne sans partage un capitaine Zurga colérique et brutal, alors que le pont supérieur, donnant vue sur le ciel au début du deuxième acte, sert de refuge aux amoureux qui tentent d'échapper aux sbires du chef des pêcheurs. Certes, il est difficile d'accepter cette transposition sans fermer les yeux sur certaines incohérences : ainsi, où sont les palmiers si souvent évoqués par les amoureux ? Où est ce village en flammes qui couvre leur fuite ?... Mais le spectateur s'en accommode d'autant plus facilement qu'il lui serait facile de trouver dans l'original des éléments contradictoires défiant le bon sens d'un auditeur moyen! Sous cette forme renouvelée, le spectacle rappelle au moins opportunément l'injustice des conditions sociales dans le tiers monde ainsi que l'exploitation éhontée de ses richesses naturelles par des colons sans scrupules.... Les quatre chanteurs réunis pour l'occasion, bien que tous étrangers, font honneur au style de chant français, même si leur prononciation peine parfois à rendre le texte compréhensible. Le soprano épanoui de Marina Rebeka habite avec aisance le rôle de Leïla; si les vocalises de son air d'entrée ne sont pas forcément l'atout principal de son interprétation, la «Les Pêcheurs de perles» © Suzanne Schwiertz a c t vigueur de ses accents, la beauté et l'éclat de son aigu et une présence scénique affirmée, doublée d'une gestuelle subtile, font exister le personnage en dépit des banalités d'une intrigue assez mal ficelée. Pavol Breslik incarne un Nadir idéal : le timbre, solaire, se déploie sans jamais forcer l'émission au point que le profil mélodique de ses airs charme sans peine l'oreille; de plus, la ligne de chant conserve pureté et élégance en chaque instant. N'était la coloration parfois baroque de certains sons, on pourrait parler d'une interprétation idéale. Michael Volle impressionne avec son Zurga tourmenté, au chant chargé d'accents violents mais idéalement maîtrisés. Avec aplomb, il tire le maximum de la psychologie du seul personnage un tant soit peu crédible de ce quatuor complété par le Nourabad puissant, aux invectives sonores mais jamais agressives, de Scott Conner. A la direction, Patrick Fournillier trouve le juste milieu entre les langueurs d'une orchestration pas toujours exempte de facilités et les passages plus dramatiques, notamment au 3e acte, où l'on sent le jeune compositeur pressé de faire éclater le carcan de l'opéra comique aux formules déjà trop convenues pour lui. Le chœur et les instrumentistes du Philharmonia Zurich font honneur à leur réputation et défendent cet ouvrage avec la même passion que s'il s'agissait d'un des grands chefs-d'œuvre du répertoire (19 janvier). Cecilia Bartoli en vraie magicienne Alcina est certainement un des plus riches opéras de Haendel. Le portrait que le compositeur y propose d'une femme délaissée qui asservit tous les hommes sans parvenir à s'attacher durablement le cœur du seul qu'elle aime vraiment, compte au nombre des grandes réussites de peinture psychologique dans tout le répertoire de l'opéra baroque. Le rôle semble pour ainsi dire avoir été écrit pour Cecilia Bartoli, et il était logique qu'elle s'y attaque dans cette salle zurichoise où elle a créé plus d'une dizaine de rôle dans ce dernier demi-siècle... Les années ont passé, et il serait vain de nier les légères blessures d'un timbre dont le vibrato devient parfois intrusif ou dont les couleurs ont tendance à se ternir dans les infinies chaînes de vocalises que l'interprète se plaît à rajouter dans les da capo de ses six longs airs. Mais au final, qu'importe ? Car tout cela n'est que détail. Comment résister en effet à cette voix aux accents impalpables qui chante sur le souffle pendant de longues secondes sans qu'une moindre défaillance n'altère l'émission ? Comment ne pas succomber à cette capacité de faire vivre une note pour que le texte, pourtant inlassablement répété, semble tout à coup se charger de sousentendus insondables et insoupçonnés jusqu'ici ? Peu d'artistes parviennent à un tel degré d'identification avec un rôle au point que tout spectateur présent ne pourra dorénavant voir Alcina sans mesurer chaque nouvelle incarnation à celle de la soprano romaine. Le miracle du spectacle zurichois ne s'arrête pourtant pas là; il tient également à la réunion sur un même plateau d'artistes qui se hissent apparemment sans peine à la hauteur de la diva. Malena Ernman en Ruggiero aligne les prouesses techniques avec un abattage incroyable qui lui permet même d'esquisser quelques appuis faciaux en chantant son air de triomphe hérissé de difficultés au 3e acte, après deux heures et demie de représentation, sans que l'effort n'influence de quelque façon la suavité de la projection vocale. Et c'est peu dire que ce timbre charnu, puissant mais jamais forcé, rend pleinement justice à cet emploi d'une difficulté qui n'a rien à envier à celui de la magicienne; il semble lui aussi idéalement adapté au rôle. Julie Fuchs est à peine moins impressionnante en Morgana : le soprano est léger mais passe la rampe avec facilité, les réserves de souffle paraissent inépuisables et l'ornementation des reprises de ses airs reste tou- u a l i t é o p é r a théâtre de bâle Un Onéguine 'prolo' Dans sa nouvelle mise en scène de l'opéra le plus connu de Tchaïkovski, Corina von Rad évacue tout ce qui pourrait rappeler la différence de milieux sociaux entre Tatiana et Onéguine. «Alcina» avec Cecilia Bartoli (Alcina) et Malena Ernman (Ruggiero) © Monika Rittershaus jours d'une éloquence et d'une élégance qui forcent l'admiration. Varduhi Abrahamyan dans le rôle de l'amante trahie fait idéalement contrepoids avec son mezzo aux belles teintes de bronze qui rendent le travesti parfaitement plausible en début de soirée. Les hommes sont nettement moins gâtés par le compositeur et leurs airs semblent souvent écrits rapidement par un compositeur qui se serait mis ... sur pilotage automatique. Fabio Trümpy et Eric Anstine font de leur mieux pour éviter que l'intérêt du public ne retombe et réussissent pleinement dans leur tâche. L'orchestre 'La Scintilla' est dirigé par Giovanni Antonini. Le chef italien, qui prend même la flûte pour accompagner un air, aime les tempos larges et sereins, au détriment parfois de la variété de ton dans un 2e acte, notamment, qui aligne les airs funèbres. Mais la qualité des effets sonores tirés des nombreuses interventions en solistes de plusieurs instrumentistes et surtout la plasticité d'un accompagnement qui se profile comme un vrai partenaire de la scène rendent cette soirée musicalement mémorable sur tous les plans. Un jeu virtuose de théâtre dans le théâtre Christof Loy n'en est pas à sa premières mise en scène d' Alcina, mais visuellement, il a totalement renouvelé son approche par rapport aux versions proposées à Hambourg et Munich. Ici, l'action se joue dans un théâtre baroque dont la scène, avec ses décors branlants, est visible dans la partie supérieure du plateau zurichois alors qu'au-dessous, la machinerie visible nous fait voir l'envers du décor, Et c'est là que, précisément, se nouent les véritables enjeux de l'action. Lorsqu'ils quittent les feux des projecteurs, les personnages retrouvent leurs problèmes quotidiens et leur incapacité à les résoudre. Le 2e acte se joue dans les loges du théâtre, le 3e sur la scène mais derrière un amoncellement de décors qu'on dirait déjà préparés pour la destruction. De cette façon, le metteur en scène rend visibles les deux niveaux de l'action, celui de l'illusion brillante qu'est l'île d'Alcina et celui de la précarité de la vie des artistes, toujours menacés d'être rattrapés par les exigences d'un monde sans pitié aux lois duquel ils échappent difficilement. Au final, le spectacle réussit à être beau esthétiquement, tout en restant signifiant et captivant pour le spectateur d'aujourd'hui. Une grande heure de théâtre baroque à voir absolument lors d'une prochaine reprise. (26 janvier) Eric Pousaz Le décor spartiate de Ralf Käselau sert de cadre unique à une action qui se déroule sans points forts ni coups de théâtre. Onéguine apparaît chez ses voisins dans une tenue négligée, sanglé dans un veston de cuir mal seyant. Tatiana et sa sœur portent, elles, des vêtements qui évoquent vaguement le XIXe siècle, à l'image du chœur qui semble sorti d'une peinture naturaliste du bon vieux temps. Au 3e acte, les hôtes du Prince Grémine portent des habits de soirée de coupe moderne, sauf Tatiana qui reste engoncée dans une ignoble robe blanche épaississant son tour de taille. Tout cela serait de peu d'importance si le travail gestuel avait été soigné, mais ce n'est pas le cas ici: les acteurs arpentent la scène sans but précis, comme pour tromper leur ennui, et lorsqu'ils s'empoignent avec violence, le spectateur se demande le pourquoi d'un tel déchaînement d'énergie. La musique n'est pas servie avec un maximum d'efficacité. L'Onéguine d'Eung Kwang Lee commence la soirée avec un timbre agréablement sombre, plein d'assurance et couronné d'un aigu percutant. Néanmoins, dans le duo qui clôt l'œuvre, une soudaine baisse de régime le laisse la plupart du temps sans voix. Sunyoung Seo ne connaît pas ce problème : sa Tatiana est magnifique de présence et d'éclat, même si la voix peine à trouver les accents d'une rondeur nécessaire à rendre toute la nostalgie de son chant de femme frustrée en fin de parcours. Andrej Dunaev en Lenski fait une belle démonstration de chant soigné «Eugène Onéguine» avec malgré un timbre qui reste sans charSunyoung Seo, Eung Kwang e me dans son air du 2 acte. Le reste de Lee © Priska Ketterer la distribution est solide, sans marquer d'une sceau particulier les scènes auxquelles ils sont associés. A la tête d'un orchestre symphonique bâlois en grande forme, Christoph Gedschold propose une lecture fort sage de la partition. Au fil des scènes, la tension se relâche irrémédiablement : l'exceptionnel duo de la dernière scène tombe même à plat, faute d'une direction qui rendrait sensibles les aspérités d'un langage instrumental qui en sait plus long sur l'inconscient des personnages que ce que ceux-ci consentent à révéler. Au final, c'est donc une légère impression d'ennui qui prédomine... (18 janvier). Eric Pousaz a c t u a l i t é 43 o p é r a à marseille Lucia di Lammermoor Reprise de la production de Frédéric Bélier-Garcia, créée à Marseille en 2007 (voir SM 196), avec deux valeureuses distributions vocales en alternance. 44 Le désistement d’Eglise Gutiérrez, prévue initialement pour le rôle-titre du premier cast, a certainement perturbé l’organisation du spectacle, mais finalement sans aucun dommage. C’est ainsi Zuzana Markovà, programmée à l’origine pour la deuxième équipe, qui passe en première distribution… une sorte de « saut dans le grand bain » pour cette jeune chanteuse (25 ans), en prise de rôle de surcroît, et qui a aussi chanté à pleine voix la veille de la première ! Le résultat est spectaculaire, la musicalité semble à toute épreuve, elle sait varier entre piani et aigus puissants bien assurés, le public lui fait une ovation à l’issue de son air de la Folie. L’actrice est moins convaincante, sa grande taille amenant une raideur certaine dans le jeu, mis à part quelques passages bien travaillés comme l’air précité où elle roule des yeux comme une vraie folle. Sans avoir exactement les mêmes moyens vocaux, sa consœur Burcu Uyar en Lucia est une fine musicienne très investie dans le rôle, et elle émeut par son naturel. Pour la partie masculine de la distribution, c’est le deuxième cast qui surpasse sans conteste le premier, à commencer par le ténor vaillant et élégant Arnold Rutkowski (Edgardo), chez qui on croit déceler quelques petits accents alla Carlo Bergonzi … et ce n’est pas rien ! Même s’il traverse une sérieuse baisse de régime sur son air final, on le préfère à Giuseppe Gipali, d’un volume de plus en plus étriqué et des aigus parfois à la limite du dérapage, même s’il a potentiellement la ligne et le style adéquats. Côté barytons, le brillant, le mordant voire l’arrogance de l’émission ainsi que la beauté du timbre de Gezim Myshketa (Enrico) éclipsent un Marc Barrard en très petite forme, qui lutte souvent pour trouver la justesse du ton jusqu’à douter sur plusieurs attaques. Dans le rôle de Raimondo, les deux basses Wojtek Smilek et Nicolas Testé (Raimondo) sont robustes et autoritaires, avec plus d’humanité dans la voix de celui-ci, alors que celui-là sonne par moments de manière un brin monolithique. En Arturo, le ténor Stanislas de Barbeyrac fait honneur à son titre tout fraîchement acquis de révélation lyrique de l’année aux Victoires de la Giuseppe Gipali et Zuzana Markovà © Dresse a c t Musique, l’instrument est clair et superbement projeté, tandis que Marc Larcher se montre beaucoup moins aguerri en Normanno. Le chef Alain Guingal déroule une direction solide, de répertoire, en parvenant tout de même à trouver de belles couleurs. On lui sait gré d’éviter le style pompier et de ne pas couvrir le plateau de trop de décibels, y compris dans le sextuor du 2ème acte. La mise en scène, dès les premières images en clair-obscur noir et blanc, fait la part belle au théâtre et au jeu des passions. Dans cette ambiance crépusculaire avec un sol jonché de feuilles mortes, la pièce maîtresse du décor reste le cyclorama d’arbres inquiétants vus en transparence qui produit un effet toujours aussi réussi. François Jestin Donizetti : LUCIA DI LAMMERMOOR – les 31 janvier et 5 février 2014 à l’Opéra de Marseille à avignon L’Italiana in Algeri Représentée il y a un an à l’Opéra de Marseille (voir SM 250), la production de Nicola Berloffa fonctionne toujours aussi bien, défendue par une équipe artistique complètement renouvelée. Sans revenir en détails sur la mise en scène, le lever de rideau à Avignon est un vrai grand moment d’opéra : les femmes voilées mettent beaucoup d’énergie à leur activité de repassage, produisant une fumée considérable qui part comme un épais brouillard dans la salle. On craint d’avoir à subir les toux démonstratives du voisinage, mais la brume se lève très vite ! Un petit bémol dans le dispositif scénique au début du deuxième acte, la pompe de la fontaine d’où l’eau s’écoule par deux petits palmiers est assez bruyante et perturbe l’écoute des passages délicats de l’air de Lindoro. La distribution vocale est emmenée par l’énergique Silvia Tro Santafé (Isabella), au timbre sombre et reconnaissable entre tous, elle possède l’abattage et l’agilité atten- «L’Italiana in Algeri» © Delestrade dus, qualités malheureusement bien absentes chez Donato Di Stefano (Mustafa), en manque d’amplitude, de stabilité, de charisme, il est clairement le maillon faible de la troupe même si son personnage est visuellement plutôt crédible. L’écriture rossinienne paraît déjà un peu tendue, en particulier en termes de cadences, pour le ténor léger Julien Dran (Lindoro), mais il se sort sans dommages de ses difficiles passages d’agilité. Armando Noguera est un Taddeo sonore, à l’aise dans le jeu et d’une belle présence, tandis que Giulio Mastrototaro (Haly) paraît en retrait dans ce rôle de moindre importance. Clémence Tilquin (Elvira) est certes puissante mais pas toujours juste, dommage pour les 2 aigus « stratégiques » du finale du premier acte !, alors qu’Amaya Dominguez (Zulma) fait valoir une plus u a l i t é o p é r a grande maîtrise. La direction musicale de Roberto Rizzi-Brignoli surprend au démarrage par sa lenteur, mais on a le sentiment par la suite qu’il se met au niveau de virtuosité des forces en présence. La cohésion est ainsi assurée à l’orchestre, y compris pour les ensembles et finales qui tourbillonnent. François Jestin Rossini : L’ITALIANA IN ALGERI – le 4 février 2014 à l’Opéra Grand Avignon à monte-carlo Rusalka projection est malgré les années toujours aussi dynamique dans l’aigu, et à l’autre extrémité quelques graves masculins nous rappellent la profondeur de son contralto. Les rôles secondaires sont également tenus avec une grande qualité, Julie Robard-Gendre (le Marmiton) dont la voix est bien posée, et l’ensemble des trois nymphes des bois Daphné Touchais, Marie Kalinine et Maïram Sokolova. Au pupitre, c’est un spécialiste de ce répertoire Lawrence Foster (il tenait déjà la baguette pour la Rusalka montpelliéraine en 2011, voir SM n° 237) qui restitue toutes la beauté et la luxuriance de la partition, que ce soit la harpe seule à l’entrée de Rusalka ou les tutti orchestraux, dont le volume est cependant gardé sous contrôle dans la petite salle Garnier. François Jestin Le chef-d’œuvre de Dvorak est donné pour la première fois à l’Opéra de Monte-Carlo, dans une coproduction avec le Staatstheater de Nuremberg signée de Dieter Kaegi. Dvorak : RUSALKA – le 26 janvier 2014 à Monte-Carlo – Salle Garnier à montpellier Les premières images surprennent : un jeune couple descend de moto pour une balade romantique au clair de lune, puis ils ôtent quelques vêtements et sautent à pieds joints dans le lac avec force éclaboussures. Cette mare fumante encerclée d’un praticable en bois sera présente tout au long de l’opéra, recouverte d’une passerelle dorée pour le 2ème acte qui se déroule au palais princier. Le dispositif est alors complété en fond de plateau par une grande boîte, caisse de résonance recouverte de miroirs dans laquelle les invités du bal se montrent dans des costumes très colorés. Au début du II également, à la place du garde-forestier et du marmiton, c’est un éclairagiste qui met la dernière main à l’orientation des spots tout en conversant avec un costumier. Mais mis à part ce clin d’œil, la mise en scène respecte de manière très classique le livret, avec un Odin en combinaison turquoise qui arrive directement des eaux profondes comme un gros triton, et une Jezibaba effroyable aux doigts crochus et crâne rasé, entourée de petites flammes autour du lac lorsqu’elle prépare sa potion. Barbara Haveman (Rusalka) possède le rôle en amplitude et en volume, mais rencontre malheureusement de sérieux problèmes d’intonation dans le haut du registre, se situant souvent en-dessous de la note. Maksim Aksenov (le Prince) est un ténor à l’aigu claironnant de format héroïque et on l’espère rapidement dans d’autres emplois, on pense par exemple à Hermann de La Dame de pique. La Princesse étrangère de Tatiana Pavlovskaïa est très puissante mais beaucoup plus discrète dans le grave qui perd de sa consistance, et Alexeï Tikhomirov (l’Ondin) est une basse particulièrement solide. Pour compléter les rôles principaux, Ewa Podles est tout simplement une Jezibaba d’anthologie, la Eugène Onéguine Une lecture faussement originale de l’œuvre et globalement peu convaincante. En entrant dans la salle, le spectateur découvre, comme il est indiqué, un « appartement communautaire de Saint-Pétersbourg – 1999 » qui a un air de déjà-vu. Les vieilles cuisinières et machines à laver, le linge qui sèche en avant-scène, les personnages qui errent comme de pauvres âmes, ou qui changent et rechangent de vêtements en quasi permanence pour certains, tout cela évoque un mélange de Marthaler, Warlikowski et Tcherniakov réunis, mais en copie, pas dans l’original. Marie-Eve Signeyrole, qui a ima- «Eugène Onéguine» © Ginot giné cette production, souhaite ajouter sa touche personnelle à l’opéra de Tchaïkovski : avant les premières notes, des chanteuses / danseuses se trémoussent dans un clip à la gloire du « gentil » Poutine, plus tard ce seront des couplets de Otchi Tchernye qui seront entonnés par certains protagonistes, et on aura aussi droit à quelques cris et beuglement… tout cela finit par irriter sérieusement ! Et puis, miracle ! la scène du duel est très forte et réussie, elle se joue à la roulette russe accompagnée de très nombreux verres de Vodka, après que le témoin de Lenski a pris les roubles des parieurs. Le 3ème acte aussi est intéressant, avec un Onéguine SDF, et une baignoire à jardin pour rafraîchir les bouteilles de champagne de la réception glauque chez Grémine. La musique ne rehausse pas vraiment le visuel, avec une direction du chef Ari Rasilainen très lente, qui manque foncièrement d’éclat Barbara Haveman et Alexeï Tikhomirov © Opéra de Monte-Carlo a c t u a l i t é 45 o p é r a et de brillant. Dans ce volume parfois presque chambriste, ce sont les vents qui sont mis à l’honneur, pas toujours impeccables d’ailleurs, le meilleur moment étant produit par les cordes dans la 2ème scène du II. La distribution vocale est handicapée par l’Onéguine de Lucas Meachem, sans charisme ni séduction particulière du timbre. Dina Kuznetsova (Tatiana) n’est pas toujours très précise dans l’intonation, les aigus sont limites à la fin de son air de la lettre, mais elle est suffisamment sonore, ce qui n’est pas toujours le cas des graves d’Anna Destraël (Olga), très joli grain de voix par ailleurs. Les suffrages vont finalement au ténor Dovlet Nurgeldiyev (Lenski), dont l’instrument est joliment conduit et élégant. Svetlana Lifar (Madame Larina) fait valoir un mordant et une projection spectaculaires, Olga Tichina (Filippievna) est peu stable mais a l’âge du rôle, et Loïc Félix (Monsieur Triquet) est sans reproches. François Jestin Tchaïkovski : EUGENE ONEGUINE – le 21 janvier 2014 au Corum de Montpellier à lyon 46 Cœur de Chien / The Tender Land Après sa création à Amsterdam en 2010, puis un passage par la Scala de Milan, c’est à l’Opéra de Lyon que Cœur de Chien est présenté en première française, pour un spectacle réjouissant à tous points de vue. Sergei Leiferkus (Filippovitch) et les Soviétiques © Stofleth L’opéra composé par Alexander Raskatov suit fidèlement, en seize tableaux, la nouvelle satirique et fantastique de Boulgakov, au cours de laquelle le professeur Filipp Filippovitch Preobrajenski recueille Bouboule (Charik dans l’opéra), chien errant dans les rues de Moscou, puis lui greffe une hypophyse et une paire de testicules humains. La greffe est une réussite technique, mais la création homme-chien Charikov se révèle un sans-gêne monstrueux, poussant finalement le professeur à l’opération chirurgicale inverse, pour retrouver le Bouboule du début de l’histoire. Un épilogue moins « happy end » est ajouté par rapport à la nouvelle, des doubles menaçants du chien se déployant en avant-scène, équipés de mégaphones qui finissent par « casser les oreilles » des auditeurs ! La production imaginée par Simon McBurney est enthousiasmante, les scènes successives enchaînant à un rythme haletant. La a c t «The Tender Land» © Fernandez vidéo est utilisé ici à dose légère (la neige moscovite, des nuages, …), le dispositif scénique principal est une cloison presque de la taille du cadre de scène, qui peut avancer, pivoter, basculer, et figure le plus souvent un mur au papier peint vintage dans l’appartement du professeur. Le tableau où celui-ci explique – dans un cauchemar de voix d’outre-tombe – son expérience devant un parterre de confrères, est un petit bijou. D’autres passages sont hilarants, comme les opérations chirurgicales illustrées de petits geysers en ombres chinoises, puis de flaques de sang qui dégoulinent. Ou encore la poursuite du chat par Charikov qui s’enferme dans les toilettes, et lorsque la porte est fracassée, c’est un torrent d’eau qui se déverse sur le plateau. La musique illustre idéalement les situations, elle s’écoute avec plaisir et intérêt, assez loin d’un avantgardisme outrancier. La distribution artistique est en majeure partie celle de la création amstellodamoise, emmenée par le chef d’orchestre Martyn Brabbins. Le rôle du chien Charik, alias Poligraf Poligrafovitch Bouboulov sous sa forme humaine, requiert déjà quatre marionnettistes pour mouvoir un grand chien noir squelettique et désarticulé, la soprano Elena Vassilieva pour évoquer la « voix déplaisante » du chien, le magnifique con-tre-ténor Andrew Watts pour sa « voix plaisante », puis le ténor à la tessiture très étendue Peter Hoare pour la forme humaine. Dans le rôle du professeur, le baryton Sergei Leiferkus est impérial, et son assistant Bormenthal, le baryton Ville Rusanen, peine un peu dans le grave… mais ses aigus sont tellement haut perchés ! Nancy Allen Lundy (Zina) fait partir ses aigus comme des flèches, tandis que Sophie Desmars (la Fiancée de Charikov) négocie avec virtuosité un passage de pure soprano colorature. Un petit bémol tout de même, il faut signaler la sonorisation généralisée des rôles principaux, évidemment nécessaire pour certains effets de mégaphones ou autres, mais la plupart du temps superflue et assez incompréhensible dans un théâtre de cette taille, artificielle et trompeuse… transformant ainsi une fluette soprano en fond de plateau dos tourné au public en une Brünnhilde déchaînée ! Reprise du spectacle inauguré en 2010 au théâtre de la Renaissance d’Oullins, cette fois au théâtre de la Croix-Rousse, dont la taille permet à nouveau une appréciable proximité entre le public et la scène. La production de Jean Lacornerie est dense et variée, avec tout d’abord un film projeté en direct, procédé qu’on voit de plus en plus dans les maisons d’opéra : ici, chaque protagoniste fait vivre sa marionnette à l’intérieur et autour d’une maquette de ferme. Le résultat projeté est souvent bluffant et a tendance à attirer durablement les yeux… si bien qu’on ne regarde plus la chanteuse elle-même ! La version pour 13 instruments, dirigée par Philippe Forget, sonne richement et rappelle à plusieurs endroits la ressemblance à certaines partitions de Britten. La distribution vocale a le mérite de la cohésion d’ensemble, où la partie féminine semble la plus assurée, comme Laure Barras (Laurie Moss) et Lucy Schaufer (Ma Moss). François Jestin Raskatov : COEUR DE CHIEN – le 24 janvier 2014 à l’Opéra de Lyon Copland : THE TENDER LAND – le 1er février 2014 au Théâtre de la Croix-Rousse u a l i t é m é m e n t o genève s t r a s b o u rg Grand Théâtre (022/418.31.30) s Nabucco (Fiore-Aeschlimann) – 1er, 2, 4, 6, 7, 8, 10 mars Opéra National (0825.84.14.84) s Le Roi Arthus (Lacombe-Warner) – 14, 16, 18, 21, 25 mars lausanne toulouse Opéra (021.315.40.20) s Luisa Miller (Rizzi BrignoliDelMonaco) – 21, 23, 26, 28, 30 mars s zurich Opernhaus (044.268.66.66) s Don Carlo (Luisi-Bechtolf) – 1er mars s Aida (Luisi-Gürbaca) – 2, 6, 9, 13, 16, 19, 22, 26, 29 mars s Der Fliegende Holländer (TrinksHomoki) – 11, 14, 20, 23 mars s Les Contes d’Hoffmann (LuisiAsagaroff) – 21, 23, 28, 30 mars paris Champs-Elysées (01.49.52.50.50) s Les Fêtes de l’hymen et de l’amour (Niquet) – 11 mars s Der Rosenkavalier (Petrenko) – 18 mars Opéra Comique (0825.01.01.23) s Platée (Christie-Carsen) – 20, 22, 24, 25, 27, 30 mars s Castor et Pollux (Pichon) – 21 mars Opéra National (08.92.90.90) Bastille : s Madama Butterfly (CallegariWilson) – 1er, 4, 7, 12 mars s Die Zauberflöte (Jordan-Carsen) – 11, 14, 17, 20, 22, 25, 29 mars s La Bohème (Oren-Miller) – 15, 18, 21, 24, 27, 31 mars avignon Opéra-Théâtre (04.90.82.81.40) s Le Dernier jour d’un condamné (Kocsar-Duffaut) – 9, 12 mars lyon Opéra National (08.26.30.53.25) s Le Comte Ory (Montanari-Pelly) – 1er, 3, 5 mars marseille Opéra (04.91.55.11.10) s Colomba (Gibault-Roubaud) – 8, 11, 13, 16 mars monte-carlo Théâtre du Capitole (05.61.63.13.13) Cavalleria rusticana/Pagliacci (Sokhiev-Kokkos) – 14, 16, 18, 21, 23 mars a m s t e rd a m Opera (31.20.62.55.456) s Lucia di Lammermoor (RizziWagemakers) – 14, 17, 21, 23, 27, 30 mars bruxelles La Monnaie (32/70.23.39.39) s Guillaume Tell (Pido) – 3, 5, 9, 11 mars s Arthur (Petrou-Koek) – 19, 20, 21 mars b a rc e l o n e Liceu (34.934.85.99.13) s Tosca (Carignani-Azorin) - 8, 9,11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25 mars madrid Teatro Real (34/90.224.48.48) s Alceste (Bolton-Warlikowski) – 2, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 14, 15 mars l o n d re s ROH (0044/207.304.4000) s La Fille du régiment (Abel-Pelly) – 3, 6, 9, 12, 15, 18 mars Opéra-Théâtre (04.77.47.83.40) s Werther (Campellone-Fréchuret) – 21, 23, 25 mars a c t Deutsche Oper (49/30.343.84.343) s Cavalleria rusticana/Pagliacci (Meister-Pountney) – 14, 18, 22, 26 mars s Die Zauberflöte (Repusic-Krämer) – 13, 16 mars s Lucia di Lammermoor (Garcia Calvo-Sanjust) – 15, 19, 23 mars s Don Giovanni (Layer-Schwab) – 20, 29 mars s La Damnation de Faust (RunniclesSpuck) – 5, 8 mars s Le Nozze di Figaro (ForemnyFriedrich) – 2, 7 mars s Les Troyens (Daniel-Pountney) – 30 mars Staatsoper (49/30.20.35.45.55) s La Traviata (Hindoyan-Mussbach) – 1er, 4 mars s Tosca (Ranzani-Riha) – 2, 6, 14 mars s Le Nozze di Figaro (MouldsLanghoff) – 16, 21, 23, 28 mars Teatro alla scala (39/02.720.03.744) s Il Trovatore (Rustioni-deAna) – 1er, 4, 6, 7 mars parme Teatro Regio (39/05.21.20.39.93) s Les Pêcheurs de perles Teatro dell’opera (39/06.48.16.02.55) s Maometto II (R.Abbado-Pizzi) – 28, 30 mars saint-étienne berlin milan Opéra national (04.67.02.02.01) s L’Etoile (Pillement-Bénichou) – 29, 30 mars Opéra (04.92.17.40.79) s Adriana Lecouvreur (Boër-Micheli) – 16, 18, 20, 22 mars Teatro La Fenice (39/041.24.24) s La Traviata (Matheuz-Carsen) – 4, 6, 8 mars s Il Barbiere di Siviglia (MatheuzMorassi) – 2, 5, 7, 9 mars s Il Campiello (Romani-Trevisi) – 2, 5, 7, 11 mars s Elegy for young lovers (Webb-Pizzi) – 27, 29 mars Teatro Communale (39/051.617.42.99) s Tosca (Veronesi-Abbado) – 1er, 2 mars ro m e nice venise bologne Opéra (00.377.98.06.28.28) s Il Mondo della luna (Rhorer-Sagi) – 21, 23, 25 mars montpellier o p é r a (Fournillier-Sparvoli) – 25, 31 mars turin Teatro Regio (39/011.881.52.41) s Tosca (Palumbo-Grinda) – 13, 16, 18 mars s Eine Florentinische Tragödie /Gianni Schicchi (Reck-Borrelli) – 21, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 30 mars u a Komische Oper (49/30.47.99.74.00) s Serse (Junghänel-Herheim) – 9, 21 mars s Die Zauberflöte (Poska-Kosky) – 7, 15, 18, 24 mars s L’Ange de feu (Nanasi-Andrews) – 2 mars s Iphigénie en Tauride (JunghänelKosky) – 16, 22 mars s Les Contes d’Hoffmann (MiltonRheinhardt ) – 29 mars vienne Staatsoper (43/1514447880) s Eugène Oneguine (Lange-Richter) – 7, 10, 14 mars s Adriana Lecouvreur (Pido-McVicar) – 4, 8, 12 mars s Il Barbiere di Siviglia (Garcia CalvoRennert) – 31 mars s La Bohème (Welser-Möst-Zeffirelli) – 22, 26, 29 mars s Wozzeck (Gatti-Dresen) – 23, 27, 30 mars Theater an der Wien (43/15.88.85) s Le Nozze di Figaro (Harnoncourt) – 6, 8 mars s Don Giovanni (Harnoncourt) – 17, 19 mars s Cosi fan tutte (Harnoncourt) – 27, 29 mars new york Metropolitan Opera (00.1.212.362.60.00) s The Enchanted Island (SummersMcDermott) 1er, 5, 8, 12, 15, 20 mars s La Bohème (RanzaniZeffirelli) – 19, 22, 26, 29 mars s Wozzeck (Altinoglu-Eyre) – 6, 10, 13, 17, 22 mars s Le Prince Igor (NosedaTcherniakov) – 1er, 4, 8 mars s Werther (Altinoglu-Eyre) – 3, 7, 11, 15 mars s La Sonnambula (ArmiliatoZimmermann) – 14, 18, 21, 25, 29 mars s Andrea C h é n i e r (Noseda-Joel) – 24, 28, 31 mars Susan Graham sera Sycorax dans les représentations de «The Enchanted Island» au Metropolitan Opera en mars © Dario Acosta l i t é 47 o p é r a gran teatre del liceu, barcelone teatro comunale de bologne Un mois après Cendrillon de Massenet où elle interprétait La Fée, Annick Massis a remporté un vif succès dans un des sommets du bel canto, La Sonnambula de Bellini, en alternance avec sa consœur italienne, la soprano Patrizia Ciofi. Peu après Mai 68, dans la grande vague des remises en questions culturelles, quelques épigones de Pierre Boulez avaient déclaré la mort de l’opéra qualifié de genre bourgeois passéiste sans avenir. Quelques décennies plus tard, la popularité du genre ne s’étant pas démentie, bien au contraire, la prédiction s’est avérée sans rapport avec la réalité. La Sonnambula Contre Parsifal 48 Rarement donnée à Barcelone, La Sonnambula de Bellini a fait la joie des catalans venus découvrir la production de Marco Arturo Marelli déjà présentée à Vienne et à Paris. Librement inspirée de l'atmosphère délétère qui parcourt les pages du célèbre roman de Thomas Mann, La Montagne magique, le drame d'Amina, somnambule accusée à tort d'adultère le jour de ses noces, trouve de jolies correspondances. Au village tyrolien original, succède l’espace feutré d'un sanatorium de luxe où se préparent les fiançailles de la douce Amina, ici une modeste employée, avec un fils de bonne famille. Dénoncée par sa rivale Lisa, Amina se voit injustement rejetée, jusqu'à ce que son somnambulisme soit découvert et qu'elle soit publiquement pardonnée. Sommet du bel canto romantique imaginé par Bellini en 1831 et créé à Milan la même année que Norma par Giuditta Pasta, puis transfiguré au XXème siècle par Maria Callas, ballerine inégalée dans les sfumature, la cantilène et l'agilité propres à cette école de chant, La Sonnambula repose, comme souvent dans ce répertoire, sur les épaules de la soprano. Réputée pour sa grande maîtrise des règles belcantistes, Annick Massis démontre une fois encore sa parfaite adéquation stylistique. Dans une forme vocale impressionnante, la cantatrice française n'est à aucun moment prise en défaut, bravant sans effort apparent les pièges d'une écriture mêlant douceur et virtuosité, dans un climat baigné de mélancolie et de poésie. Etonnante dans l'air d'entrée « Care compagne », délicate aux côtés de son futur mari « Son geloso del zeffiro errante », elle parvient jusqu'à la cabalette finale à maintenir un même niveau d'exigence musicale et d'élégance, qui plus est à un âge où bien d'autres ont été contraintes de baisser la garde. Ténor prudent, à la technique encore lacunaire mais consciencieux dans son approche de la partition, Celso Albelo est un Elvino en devenir, qu'il faudrait aider à sortir de sa réserve «La Sonnambula» © A. Bofill notamment dans les passages ornementés. Sabina Puertolas, Lisa engagée scéniquement et vocalement, semble promise à un bel avenir, comme Alex Sanmarti, Alessio plus que convaincant, Gemma Coma-Alabert (la mère d'Amina) poursuivant son joli parcours de mezzo-soprano. Daniel Oren a du métier, aime ses interprètes, mais à trop vouloir les protéger d'éventuelles intempéries, surtout dans les passages rapides, ses tempi s'étirent et sa direction devient émolliente. En fait, il fallait considérer que le propos concernait avant tout l’opéra en tant que genre musical et s’adressait avant tout aux compositeurs. Toutefois, le succès du genre ne se démentant pas : nouvelles salles (Bastille n’étant qu’un exemple), nouveaux pays (en Asie notamment), nouveaux moyens de diffusion (vidéo, télévision, cinéma…), le nombre de productions ne cessant de croître, sauf exception dans quelques régions en crise, il a bien fallu faire appel, en raison de la demande, à de très nombreuses équipes de néophytes pour monter de nouvelles productions. Parmi les réalisateurs, très souvent revient le même leitmotiv, il s’agit d’admettre le fait « de ne rien connaître à l’opéra, mais c’est justement pour cela que c’est intéressant ». Cette attitude très paradoxale peut certes trouver tout son intérêt lorsqu’il s’agit de traiter des livrets à l’invraisemblance incontestable, ou au contraire s’il s’agit de monter un opéra dont la trame est très proche d’une œuvre théâtrale qui l’a inspiré. Parfois même, cela n’est pas contestable, la vision d’un homme de théâtre peut révéler un aspect négligé d’un livret connu, ou susciter de la curiosité pour une œuvre méconnue. Toutefois à force de confier n’importe quelle œuvre à n’importe qui, il est difficile d’éviter les ratages. Il en allait ainsi du pathétique Parsifal - repris au Teatro Comunale de Bologne après avoir été créé au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles - commis par le sulfureux Romeo Castellucci, vedette prisée par un certain public branché, dans le genre trash, autrement dit « regietheater » auf deutsch. L’accumulation de fantasmes quelque peu nauséeux ainsi que le fourre-tout vaguement inspiré par des références picturales, à savoir L’Origine du monde de Courbet et Quarto Stato de Giuseppe Pelizza da Volpedo (réinterprété par Bernardo Bertolucci dans son film Novecento), interpelle certes le spectateur mais peut assurément décevoir le mélomane. Dans le cas de cette reprise bolognaise (pour laquelle on conviendra qu’il valait mieux éviter toute référence culinaire), on ne pouvait que saluer l’abnégation, la constance et l’engagement d’artistes placés sous la direction de Roberto Abbado à la tête de l’Orchestre et des Chœurs du Teatro Comunale de Bologne. Ces courageux serviteurs (à l’insu de leur plein gré ?) d’un objet scénique n’ayant guère à voir avec Parsifal méritaient des éloges : l’imposant Andrew Richards, Parsifal de grande classe aux aigus aisés et puissants, Anna Larsson, Kundry à la fois sensuelle et émouvante ou encore Lucio Gallo (Klingsor), Gabor Bretz (Gurnemanz), Detlef Roth (Amfortas) et Arutjun Kotchinian (Titurel). Frank Fredenrich François Lesueur a c t u a l i t é m u s i q hommage à Claudio Abbado Le maestro avait accordé un entretien à Scènes Magazine dont nous publions de larges extraits à l’occasion de sa disparition. 50 Claudio Abbado était lié à la Suisse. Avant tout à Lucerne. En Suisse Romande, il était venu en 1997, au festival de musique de Montreux, à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Au programme, la Symphonie inachevée de Schubert et la Symphonie n°9 de Bruckner. Etrange coïncidence, on retrouvera ce même programme pour sa dernière apparition publique, le 24 août 2013, au festival de Lucerne. Interprété cette fois non par le Philharmonique de Berlin mais par le Lucerne Festival Orchestra, relancé par lui en 2003, sur le modèle de l’orchestre du Festival de Lucerne, fondé par Arturo Toscanini en 1938. Une formation unique et exceptionnelle, comme elle n’existera plus, car elle était constituée pour l’essentiel des chefs de pupitre et solistes des plus grands orchestres internationaux, qui jouaient en parfaite complicité avec Abbado. Claudio Abbado nous avait accordé un entretien qui n’a rien perdu de son actualité. Claudio Abbado avait succédé en 1989 à Karajan. Son contrat sera renouvelé jusqu’en 2002, date à laquelle il quittera son poste, laissant la baguette à Simon Rattle. A ses débuts, le défi de réussir à la tête du meilleur orchestre du monde n’était pas gagné d’avance. On peut dire à présent (en 1997) que son nom fait référence pour toutes ses interprétations discographiques et que sa relation avec le Philharmonique de Berlin est harmonieuse et féconde. Séduction De ses origines latines, il avait gardé ce pouvoir de séduction, cet amour presque physique de la musique et cette générosité de cœur, antidote contre tout syndrome de tyrannie. Son milieu d’origine, familial avant tout, marqué par la résistance au fascisme, n’était d’ailleurs pas étranger à son orientation politique et artistique. Compagnon de route des communistes, il n’avait jamais pris sa carte du Parti, contrairement à son ami compositeur Luigi Nono. Interrogé sur la concurrence avec les autres orchestres, Abbado répondait sans ambages : « je pense qu’on doit faire le mieux possible mais les mots concurrence, carrière n’existent pas. Il y a l’amour de la musique et puis on cherche à faire autre chose ». e Position qui le placait au-dessus de la mêlée avec un zeste de provocation, quand il ajoutait : « ma carrière, je ne l’ai pas construite. Ce n’est pas une carrière. Vous savez, j’habite en Engadine et parfois, j’ai la chance de descendre à Berlin pour faire de la musique avec un orchestre à moi … ». L’Engadine représentait dans sa géographie personnelle un lieu magique, où il se ressourcait volontiers : « c’est formidable, c’est une maison en pierres mais avec une Stube tout en bois de 1600. Il n’y a pas de téléphone, pas de télévision. Je dois faire le feu le matin, ramasser la neige, c’est beau, n’est-ce pas ? J’aime venir là pour travailler, étudier les partitions, faire du ski, boire de la grappa, être avec mes enfants ». Pour parler de sa carrière, il évoquait ses souvenirs racontés dans La Casa degli sogni, La Boîte à musique, un filmvideo réalisé par son fils avec l’orchestre de Gênes : « on m’a demandé d’expliquer aux enfants ce qu’était la musique pour moi, quand j’étais enfant. Je suis allé à sept ans à la Scala et j’ai entendu cette musique de Debussy (les Nocturnes) mais l’idée , c’était de jouer de la musique et non pas de la diriger et d’être chef. Après, j’ai appris le piano, la composition, la direction mais c’était toujours pour réaliser ce rêve ». Revenant sur les tractations et les intrigues entourant la succession de Karajan, il se montrait discret. Il n’avait jamais fait de forcing mais il n’était pas non plus le candidat donné favori, puisque l’industrie musicale avait misé sur des chefs comme Lorin Maazel, Ricardo Muti ou James Levine. L’orchestre en a alors décidé autrement. Depuis 1968, année où il entra comme directeur musical à la Scala, il fut régulièrement chef invité au Philharmonique de Berlin. « Pour moi, c’était une faute des maisons de disques qui ont poussé plusieurs chefs d’orchestre. Moi, j’ai dit non ; j’aime faire de la musique avec le Philharmonique, je vais continuer, ce n’est pas une question de position dans la vie. J’ai ensuite appris que les musiciens avaient voté pour moi, après avoir joué la 3° de Brahms, qui était un morceau pour l’orchestre ». Succession redoutable politiquement mais aussi, par sa culture musicale moderne, Abbado incarnait le contraire de l’imperator. « Ce n’était pas n t r e u e un choix contre Karajan. Les musiciens cherchaient aussi quelqu’un qui leur apporterait humainement autre chose. Karajan, pendant toutes ces années où il a été à Berlin, a fait des choses différentes et je le dis sans aucune connotation polémique, mais formidables. Alors, c’est vrai, dans les dernières années, il n’y avait plus le même amour. L’orchestre a aussi cherché quelqu’un qui faisait de la musique moderne, plus de musique française. Et quand l’orchestre a voté pour moi, ce sont les mêmes (ceux qui ont été invités à diriger le Philharmonique) qui m’ont tout de suite téléphoné pour dire qu’ils étaient contents ». A l’écoute des musiciens « Nous sommes très ouverts pour les programmes. Ce n’est pas facile de gérer cet orchestre, il y a beaucoup trop de solistes pour avoir un équilibre, mais on se comprend bien car on parle toujours ensemble pour trouver la meilleure solution pour l’orchestre. Nous avons fait une audition pour un nouveau Konzertmeister et à la fin, il en restait deux que l’orchestre n’arrivait pas à départager, proposant de garder les deux. Ce que nous avons fait. Cela vous montre aussi qu’à Berlin, si on veut faire une chose, on le fait tout de suite. Une chose pareille serait impossible à Paris, avec le chauvinisme des Français, ou en Italie, ou même en Angleterre, impossible pour des raisons économiques. » Engagement A la question : Et si on vous promettait de faire un grand orchestre en Italie, l’équivalent du Philharmonique, y retourneriez-vous ? Abbado s’était contenté de rire : « Non merci. Vous savez, l’Italie est un pays très riche culturellement, mais l’organisation n’existe pas, la mentalité d’organiser les choses leur fait défaut. Rome c’est une catastrophe mais c’est dommage car on pourrait y faire des choses formidables. En Italie, les grands compositeurs sont du domaine du lyrique et non symphonique comme celui des Allemands et des Autrichiens. Il y a de beaux théâtres pour l’opéra mais aucune salle de concert ». De même lorsqu’on lui demandait pourquoi il n’y a pas de bons orchestres en France, il répondait : « Pour la même raison qu’il n’y en a pas non plus en Italie, ni en Espagne, dans aucun pays latin. Il y a de bons musiciens solistes, mais la mentalité, la culture pour jouer ensemble comme en Autriche, en Allemagne ou en Hollande, n’existe pas. Si un enfant est préparé pour être soliste, le nouveau Heifetz, et s’il doit ensuite jouer dans un orchestre, il est frustré et déçu ». t i e n Claudio Abbado dirigeant le Lucerne Festival Orchestra,au Festival de Lucerne, en été 2013 © Georg Anderhub / Lucerne Fsetival Lieu-culte Il y avait d’abord Milan. Son enfance marquée par un père violoniste et une mère pianiste, sa jeunesse sauvage et révolutionnaire entouré d’amis comme Maurizio Pollini et Luigi Nono. Abbado se montrait agacé toutefois, lorsqu’on voulait lui faire dire que ses choix musicaux étaient le résultat d’une prise de position politique. « Si on veut parler de culture politique, je suis d’accord, par exemple en ouvrant la Scala à tout le public, ouvriers et étudiants et ne pas réserver les concerts à une élite. Et je trouve que c’est juste. Je referais la même chose aujourd’hui, s’il le fallait. C’est pourquoi on a fait des concerts dans les usines et avec des étudiants. C’était des choses très importantes en Italie à ce moment-là. Dans notre famille, nous avons toujours protesté contre l’injustice : ma mère était en prison, parce que nous avons aidé une famille juive et moi, j’ai protesté contre le fascisme en Grèce et en Espagne et avec Barenboïm et Kubelik, quand les Russes sont entrés à Prague. Mais les journaux de droite n’en ont pas parlé car on voulait faire de moi un homme de gauche ». Son engagement politique, il le voyait plutôt dans son parti pris de jouer des compositeurs du XX° siècle. Il avait créé à Vienne pour le cycle Wien Modern, un concours de composition : « j’ai dirigé moi-même un morceau du Suisse Beat Furrer. Il y avait des gens comme Guarnieri, Marco Stroppa, qui avaient été plusieurs années à l’Ircam avec Boulez. C’est difficile de comprendre aujourd’hui lesquels sont les meilleurs. Je n’aime pas la mentalité des gens qui ne veulent pas ouvrir la porte pour comprendre ce qu’il y a derrière, il y a toujours quelque chose de nouveau ». Voyages Quittant Milan, Abbado est parti pour Vienne, où il travailla avec le pianiste Friedrich Gulda et le chef d’orchestre Hans Swarowski, e n t r assista à des répétitions de Bruno Walter et Karl Boehm et chanta dans les chœurs avec Zubin Mehta. « Il y avait un professeur formidable mais surtout une vie musicale très intéressante. Rien que d’aller dans la rue et regarder les funérailles accompagnées d’un ensemble de musiciens viennois qui joue, c’est déjà une symphonie de Mahler. Il y a par contre plus d’intrigues à Vienne qu’à Berlin, où les gens sont plus directs. A vienne, c’est toujours bien, on dit oui par devant, mais par derrière… On ne doit jamais rien croire à Vienne ». Après Vienne, Abbado s’est rendu à Londres et il a pris la tête du London Symphony Orchestra, créant en 1985 un festival Mahler. Mais c’est Berlin avec cet énorme potentiel, sa disponibilité, qui l’enthousiasma le plus. « Berlin aujourd’hui n’est pas une ville allemande. Il y a cette tradition d’avant la guerre et pendant quarante ans la présence des Américains, des Français, des Russes en a fait comme une île internationale. Ce qu’on fait à Berlin pour la culture est exceptionnel et unique en Europe. J’ai compris l’importance qu’il y avait à mettre sur pied des projets culturels autour d’un cycle réunissant les acteurs, les orchestres, les opéras, les musées ». Il a ainsi créé un cycle Hölderlin, Prométhée, Faust et Shakespeare. Qui a vu diriger Abbado, sait qu’il dirigeait par cœur. « Pour moi, si je ne connais pas par cœur la partition, c’est que je ne la connais pas. De plus, il y a le contact avec les solistes et les musiciens. Toscanini chez qui j’ai souvent été autrefois, avait des problèmes d’yeux mais ne dirigeait jamais avec des lunettes car il pensait que c’était plus important que les musiciens puissent voir ses yeux et comprenaient s’il était content ou fâché. Il y a bien sûr des partitions plus difficiles que d’autres mais je crois qu’un des compositeurs les plus difficiles à diriger reste Mozart…et là, c’était très important pour moi de travailler avec Rudolf Serkin. C’est un des plus grands e t i e génies et les génies sont difficiles. Mais aussi Bach, Beethoven, tous les grands classiques demandent du temps à être étudiés. » Abbado réagissait cependant violemment à toute forme de nationalisme culturel et avait tendance à croire que c’était une habitude française de penser que la musique française n’est bien jouée que par les Français. « Ce sont des clichés. J’ai vu des Shakespeare magnifiques à Londres mais le plus bel Hamlet, je l’ai vu à Moscou avec Lioubimov, les plus beaux Tristan, je les ai entendus avec de Sabata, les plus beaux Othello avec Furtwängler. Et moi, je dirige la musique russe et je ne suis pas Russe. Si on a la passion, l’amour de comprendre la culture des autres pays, il n’y a pas de limite. Il y a des limites, quand on ne veut comprendre que la culture de son pays ». En parlant de son esprit d’ouverture, de curiosité, la presse allemande l’a baptisé Schatzgräber. « Pas seulement dans la musique, revendique-t-il. J’ai trouvé l’origine du nom de notre famille, d’origine espagnole mauresque. Le nom vient d’abbade, mes ancêtres ont construit la casa de Sevilla et dans la troisième génération, il y avait un grand poète, qui est venu en Italie vers 1040 ». Elixir de jeunesse Jusqu’au moment de sa maladie en 2000, la question de son éternelle jeunesse et de son énergie inépuisable était presque inévitable. Il se réfèrait alors au Jugend Mahler Orchester, une formidable drogue pour le maintenir en forme et qui lui injectait cet élixir de jeunesse. « C’est superbe de travailler avec ces jeunes de toute l’Europe. Ils n’ont pas d’expérience mais je n’ai jamais un mot à dire pour la discipline ; ils ne sont pas liés, ils sont libres, mais il y a un respect réciproque. On peut expérimenter des choses folles, très intéressantes, différentes sur le plan de l’interprétation. Il n’y a pas de problème économiques, ni syndicaux, tout le monde travaille pour l’amour de la musique ». Cet amour de la musique, il avait su le transmettre à toute une génération de musiciens qu’il retrouvait régulièrement dans une des nombreuses formations qu’il avait créées. Que ce soit l’European Youth Community Orchestra (en 1978), le Mozart Orchestra (en 2004) et bien sûr le joyau de sa couronne le Lucerne festival Orchestra (en 2003), tous sont orphelins d’un chef des plus charismatiques de notre temps. Propos recueillis par Régine Kopp n 51 m u s i q u e migros «pour-cent-culturel» Entre cultures et générations Le «Pour-cent culturel» offre à trois villes suisses une tournée qui conjugue romantisme et découverte. Musiciens canadiens, compositeurs germaniques et chef américain aux origines japonaises s’y rencontrent. A l’affiche également, une page contemporaine suisse dédiée à Kent Nagano. 52 Kent Nagano Si la carrière de Kent Nagano a débuté par une rencontre transfigurante avec Olivier Messiaen, le maestro est resté marqué à vie par une soif de découvertes et d'explorations de la musique contemporaine, déclenchée à cette période décisive de sa vie. Enfant, dans sa petite ville californienne, il rêvait déjà de partir à la conquête du monde grâce à la musique, un vrai rêve américain. Après avoir exercé sa baguette auprès de quelques opéras de renom (Boston, Lyon et Munich), Kent Nagano a pris la tête de l’Orchestre Symphonique de Montréal en 2006 (il avait œuvré comme conseiller musical de la formation). Quelques années plus tard — riches en concerts, tournées et enregistrements —, devenu un personnage largement apprécié au Canada, il a reçu de nombreuses récompenses: le 7 novembre 2013, Kent Nagano est fait Grand Officier de l'Ordre national du Québec. Mais à soixante ans à peine, il est loin de songer a à une retraite dorée… Il reste encore tellement de terrains vierges à explorer... d’autant plus que de nouveaux talents affluent, « encore mieux éduqués et techniquement plus avancés » qu’à l’époque où lui-même débutait. L’avenir de la musique classique ne le préoccupe pas: dans ce domaine, « il y aura toujours de l’eau fraîche » affirme-t-il lors d’une interview filmée accordée lors de son dernier passage au Festival de Verbier. Adagio de Hefti David Philip Hefti est un Saint-Gallois qui a étudié la composition, la direction d’orchestre, la clarinette et la musique de chambre à Zurich et Karlsruhe; c'est un habitué des festivals et collaborateur proche de phalanges germaniques réputées, mais également de la Sinfonietta de Tokyo et de l’Orchestre Symphonique de Montréal…. Lauréat de prestigieuses récom- c t u a penses (Prix Gustav Mahler à Vienne, Pablo Casals à Prades, George Enescu à Bucarest et prix de la Fondation Ernst von Siemens) il dédie, à la veille de ses 40 ans, son œuvre la plus récente à Kent Nagano. Qu’allons-nous entendre lors de ce concert ? Des opus précédents — souvent des commandes sur mesure — avaient révélé un style original, explorant contrastes dynamiques et luminosité sonore; ce style appartient à un concepteur exigeant envers lui-même et ses interprètes, mais aussi envers son public. Pour ce compositeur, un silence religieux dans le public est une meilleure récompense que des applaudissements mécaniques, parfois trop enthousiastes à la fin du concert. Y a-t-il dans cette attente d’un accueil sobre et recueilli quelque chose de … japonais ? La soirée nous le dira… Comme dirait le maestro: « quoi de plus excitant que de combiner notre expérience avec la force, l’énergie et la maîtrise technique de la jeune génération ». La musique classique a de l’avenir, et Kent Nagano veut contribuer à cela! Beata Zakes A Genève au Victoria Hall le 13 mars 2014 (Tonhalle Zürich, 11 mars 2014; Berne Kulturcasino le 12 mars). Au programme: œuvres de Wagner, Liszt (concerto pour piano n° 2, en soliste MARC-ANDRé HAMELIN) Berlioz et David Philip Hefti, commandée par le «Pour-cent culturel», Adagio — Beziehungsweisen für Orchester, première mondiale à la Maison Symphonique à Montréal, les 4 et 5 mars. Information et réservation +41 22 319 61 11 l i t é m u s i q u e man ! La violoncelliste pousse ses collègues à se libérer de toute forme d'inhibition ! Pour ce qui est de Franz Schubert, la conception de ces chambristes est toujours engagée. Leur interprétation de La jeune fille et la mort est expressive, exempte de résignation. Signalons enfin la chaleur qui se dégage de l'instrument de Mischa Amory, altiste. quatuor brentano à genève Des traits bien dessinés ! Collaborations L'excellence et une recherche constante de nouveaux horizons sonores caractérisent une formation américaine de passage à Genève. Quatre anciens élèves de la Julliard School de New York se construisent depuis environ vingt ans un répertoire où la tradition fait bon voisinage avec la modernité. Très engagés dans leur interprétation, ils ont choisi pour nom celui de Antonie Brentano, que d'aucuns estiment être la destinataire de la lettre de Beethoven « à l'immortelle bienaimée ». Ce clin d'œil au musicien de Bonn n'est pas fortuit, puisque les interprètes ont souvent défendu sa production avec talent. Ils considèrent d'ailleurs le mouvement lent de l'Opus 135 comme la quintessence du genre; la page exprime des sentiments d'amour et de vulnérabilité, et plus généralement toute l'humanité d'un être qui écrit, mais avec lequel - pour des raisons évidentes - ils n'ont jamais pu directement communiquer ! Soucieux d'aborder le monde du quatuor dès ses fondements, ils ont fait de la production de Haydn, celui qu'on présente toujours comme le père du genre, leur fonds de commerce. Pour autant, ils ne se produisent pas avec des instruments d'époque. Mark Steinberg, le premier violon estime que, pour eux, la différence n'est pas aussi essentielle que pour les instruments à clavier, et de toute façon, « avec nos cordes modernes, nous sommes capables de saisir l'essence de ce qui était destiné aux instruments de l'époque. » D'après Serena Canin (second violon) « il est difficile, voire insensé, d'avoir une préférence pour un numéro. Il y a une telle inventivité et une telle variété. Impossible se tromper avec Haydn ! » Cette concertiste, au jeu posé, offre un contrepoint subtil à l'art élégant de Mark Steinberg. Son archet agile dessine toujours un léger et fin vibrato, caractéristique. Il fait merveille dans l'art de Mendelssohn, que Serena Canin considère également comme l'un des favoris du groupe : « Sa musique a de la vie et de la spontanéité. J'y trouve beaucoup d'exubérance et de joie. » De l'exubérance, on en repère dans la sonorité de Nina Maria Lee. Enfant, elle rêvait de devenir une wonderwo- Ces interprètes refusent de se confiner dans des niches sonores, pour reprendre un terme du premier violon. « Nous aimons aussi servir des œuvres de commande ! » C'est ainsi que dans leur programme figurent les noms d'Elliot Carter, Steven Mackey, ou György Kurtag. Les concertistes ont même fait appel à des arrangeurs, pour offrir au public des relectures pour le moins surprenantes : Charles Wuoren a réécrit pour la formation des pages de Josquin des Prés, Bruce Adolphe des madrigaux de Monteverdi ! En 2013 sortait Le Quatuor, un film de Yaron Zilberman. Dans ce décor new-yorkais, sur fond de neige, le long-métrage débute par la nouvelle que le violoncelliste est atteint par la maladie de Parkinson. Que va devenir l'ensemble ? Comment la longue amitié entre les artistes va-t-elle tenir ? Derrière la performance des acteurs, qui dessinent un drame, le Quatuor Brentano offre un écho sonore fort, en jouant l'opus 131 de Beethoven. La capacité des interprètes se trouve aussi mise en scène, et la réalisation de ce projet illustre bien le goût du challenge qui caractérise ces concertistes. Pierre Jaquet Mark Steinberg, Serena Canin (violons), Misha Amory (alto), Nina Maria Lee (violoncelle) «Temps et Musique», le 17 mars à 20h 00 au Conservatoire de Musique, Pl. Neuve 1 - 1204 Genève Programme: Mozart: Quatuor à cordes en ré majeur, K.575 Chostakovitch: Quatuor à cordes N°11 en fa mineur, op.122 Beethoven: Quatuor à cordes N°8 en mi mineur, op. 59 N°2 Site internet: http://www.brentanoquartet.com Quatuor Brentano a c t u a l i t é 53 m u s i q u e Menahem Pressler se voit offrir un poste de pianiste et professeur en résidence à l’Université de Bloomington, qu’il accepte, sans toutefois abandonner les masterclasses qu’il donne un peu partout dans le monde. récital au victoria hall Menahem Pressler Le doyen des pianistes en activité donnera un récital au Victoria Hall le 24 mars à 20h. dans la série des Grands Interprètes. Après dix ans de succès personnels, il fut à l’origine du légendaire Beaux-Arts Trio, créé en 1955 et dissous en 2008 après le départ du violoniste Daniel Hope, membre du groupe depuis 2002. Aujourd’hui encore Menahem Pressler poursuit sa carrière mondiale de récitaliste, de chambriste, et de concertiste avec les meilleurs orchestres d’Europe et des Etats-Unis, tout en enseignant à l’Université de Bloomington (Indiana), ainsi que dans le cadre de nombreuses masterclasses. Sa réputation de pédagogue est à la hauteur de celle de musicien. 54 Portrait Né en 1923 d’un père tailleur et violoniste amateur et d’une « yiddish mama » il passa son enfance à Magdebourg, étudiant à la fois le violon et le piano. Lorsqu’il fut renvoyé de son école en 1938, parce que juif, la famille décida de se réfugier à Tel Aviv, où il continua l’apprentissage du piano auprès d’Eliyahu Rudiakow, bientôt remplacé par Leo Kerstenberg, qui avait été l’élève du compositeur Ferruccio Busoni. Désireux de tenter sa chance au Concours Debussy de San Francisco, il travaille brièvement les Préludes avec Paul Loyonnet et peu de temps après, en 1946, il remporte le premier prix. Suivent ses débuts au Carnegie Hall de New York dans le concerto de Schumann avec l’Orchestre de Philadelphie sous la direction d’Eugene Ormandy. C’est à New York aussi, en 1955, qu’il rencontre le violoniste Daniel Guilet 1 (né Guilevitch en Russie) et le violoncelliste américain Bernard Greenhouse 2, tous deux solistes du NBC Orchestra que dirige Toscanini. Il leur propose un enregistrement des trios de Mozart. Quelques concerts plus tard, le Beaux-Arts Trio débute au Festival de Tanglewood. Par ailleurs, Collaborations Il a également collaboré avec d’autres célèbres formations de chambre : les quatuors Juilliard, Emerson, Guarneri, Cleveland, l’Israël Quartet, le trio Pasquier. Il siège de plus dans les jurys de maints concours. Le pianiste a été honoré de multiples façons, notamment en étant nommé membre de l’American Academy of Arts and Sciences ou en recevant le titre de Commandeur dans l’ordre des Arts et Lettres en France. Cinquante enregistrements avec le BeauxArts Trio et environ trente en tant que soliste sont les témoins de son exceptionnel talent. Sur le dernier en date figurent la sonate No 18 en sol majeur de Schubert, les Bagatelles op. 126 de Beethoven et le Rondo en la mineur de Mozart, A Genève Menahem Pressler jouera la sonate No 18 en sol majeur « Fantaisie » (op.78) de Schubert ainsi que la Sonate No 21 en si bémol majeur, dernière sonate du même compositeur, que le pianiste, à 90 ans, n’a certainement pas choisie par hasard. On a dit avec raison que sa sonorité rappelle celle de Wilhelm Kempff dans ce répertoire. Il interprétera entre les deux sonates l’Impromptu-all’ongherese écrit pour lui par György Kurtag. Martine Duruz 1 Daniel Guilet s’est retiré en 1969 ; il est décédé en 1990 à l’âge de 91 ans. 2 Bernard Greenhouse a quitté le Trio en 1987 ; il est mort en 2011, à l’âge de 95 ans. 24 mars : Les Grands Interprètes. Menahem Pressler, piano; dir. Romain Mayor (Schubert, Kurtag). Victoria Hall à 20h (tél. 022/322.22.40 ou : [email protected]) Menahem Pressler lors du Festival de Verbier, en été 2013 © Aline Paley a c t u a l i t é m u s i q u e portrait Karl Anton Rickenbacher Le chef d’orchestre Karl Anton Rickenbacher sera à la tête de l’Orchestre de la Haute Ecole de Musique de Genève (HEM) le dimanche 16 mars à 17h au Victoria Hall, dans un programme de haute tenue comportant les Métamorphoses (1945) de Richard Strauss, Les Offrandes oubliées (1930) composées par Olivier Messiaen à l’âge de vingt-deux ans, ainsi que Totenfeier, sorte de grandiose marche funèbre datant de 1888 qui, remaniée, deviendra le premier mouvement de la 2e symphonie « Résurrection » de Gustav Mahler. Une précieuse opportunité pour ces jeunes musiciens de tirer le meilleur profit de l’immense expérience d’un chef qui est un éminent connaisseur de l’œuvre de Richard Strauss et a côtoyé quelques-uns des plus importants compositeurs de la seconde moitié du XXe siècle, Messiaen et Boulez en tête. vivants. Protégé d’Otto Klemperer, il entretient aussi d’étroites relations avec Olivier Messiaen, auquel il consacrera une étude très fouillée, et avec Pierre Boulez, qui a, dit-il, exercé une influence déterminante sur sa manière de travailler. Parcours Né à Bâle, où il sera élève du pianiste Charles Dobler à la Musikakademie de cette ville, Karl Anton Rickenbacher poursuit ses études au Conservatoire de Berlin, où il bénéficie entre autres de l’enseignement de Herbert von Karajan, avant de revenir dans sa ville natale suivre en 1965 les cours de direction de Pierre Boulez. Il fait ses débuts comme répétiteur et assistant du chef de chœur à l’Opéra de Zurich de 1966 à 1969. Sa carrière se poursuit comme Kapellmeister à Karlsruhe, Munich et Berlin. Il passe ensuite neuf ans à la tête de l’Orchestre de Westphalie, où il se familiarise avec tout le grand répertoire symphonique, puis trois aux commandes du BBC Scottisch Symphony Orchestra. Invité à conduire les grandes formations du continent, il renonce pourtant à un poste de directeur permanent, rebuté par les charges administratives qu’une telle fonction comporte, pour mener tout au long de sa carrière une activité de chef invité, se consacrant plus particulièrement à la défense d’œuvres injustement oubliées de compositeurs du passé et à celles des compositeurs a c t u Karl Anton Rickenbacher © Nicolas Brodard Il faut reconnaître enfin au Montreusien d’adoption qu’est Karl Anton Rickenbacher le grand mérite d’avoir remis sur les rails un « Septembre musical » de la Riviera vaudoise alors moribond en en assurant la programmation de 2002 à 2004. Repères discographiques (non exhaustifs) Le legs discographique de Karl Anton Rickenbacher témoigne de l’insatiable curiosité de ce chef pour redonner vie à certaines œuvres de grands compositeurs négligées à tort selon a l i t lui ou, à l’inverse, à des partitions de valeur jamais jouées de compositeurs de moindre importance. Pour le label Koch Schwann, K.A. Rickenbacher a enregistré à Berlin, Munich et Bamberg, entre 1997 et 2000, 14 CD d’œuvres méconnues de Richard Strauss, dont les 2 symphonies de jeunesse pour grand orchestre, et les deux œuvres concertantes pour la main gauche écrites pour Paul Wittgenstein, avec la pianiste Anna Gourari et les Bamberger Symphoniker. Chez le même éditeur, on trouve les 6 Petites Symphonies, 3 Opéras-Minute, et les Saudades do Brasil de Darius Milhaud, des pages de Schrecker, de Hindemith, de Humperdinck (les 2 Shakespeare Suiten), de Grieg (la Symphonie en ut mineur), de Liszt, les 2 Cantates sur la mort de Joseph II et sur l’avènement de Léopold II de Beethoven, et deux symphonies de Karl Amadeus Hartmann. Un compositeur dont K.A. Rickenbacher souligne l’importance, le considérant comme le véritable continuateur de Mahler au XXe siècle. Chez Koch également, et avec Peter Ustinov comme narrateur (en allemand), le Carnaval des animaux de Saint-Saëns, complété sur le même CD par la Cinderella Suite d’Eugen D’Albert. K.A.Rickenbacher a également enregistré les 4 symphonies de Brahms avec l’Orchestre symphonique de Budapest, et surtout quelques-unes des grandes œuvres du compositeur qu’il a sans doute le mieux connu, Olivier Messiaen. Yves Allaz 16 mars : Orchestre de la Haute école de musique de Genève, dir. Karl Anton Rickenbacher (R. Strauss, Messiaen, Mahler). Victoria Hall à 11h Rens. 0800.418.418, billets : Espace Ville de Genève, Alhambra, Grütli / tél. 022/311.80.52 email : http://billetterie-culture.ville-ge.ch é 55 m u s i q u e scènes de mars Agenda genevois Le mois de mars sera chargé sur la scène du Grand Théâtre de Genève : Nabucco, rarement monté dans la cité de Calvin, sera à l’affiche du 28 février au 10 mars. Dans une mise en scène de Roland Aeschliman, Lucio Gallo et Roman Burdenko seront tour à tour Nabucco, tandis que Roberto Scandiuzzi et Almas Svilpa se partageront le rôle de Zaccaria et que Csilla Boross et Elizabeth Blancke-Biggs interpréteront Abigaille. Dans la fosse, l’Orchestre de la Suisse Romande sera dirigée par John Fiore. Pour continuer ensuite les célébrations wagnériennes de la saison, un spectacle sur Siegfried arrangé par Peter Larsen sera proposé les 21 et 22 mars : la troupe des chanteurs en résidence sera alors dirigée par Philippe Béran. Enfin, Jonas Kaufmann, accompagné par Helmut Deutsch, viendra dire se adieux à l’hiver avec le Winterreise de Schubert, toujours sur la scène du Grand Théâtre, le dimanche 30 mars. L’Orchestre de la Suisse Romande sera au Victoria Hall les 12 et 14 mars prochains avec à sa tête Neeme Järvi. Vadim Repin et Truls Mork, violoncelle, interpréteront alors le Double concerto de Brahms. L’Orchestre Symphonique de Montréal rendra visite au Victoria Hall le 13 mars, avec à sa tête Kent Nagano ; le pianiste Marc-André Hamelin sera également de la partie, pour interpréter le Concerto pour piano No 2 de Liszt. Au programme de cette même soirée : la Symphonie fantastique de Berlioz, une création mondiale de Hefti ainsi que le Prélude de Parsifal. Au Forum Meyrin, Philippe Béran propose de faire découvrir la forme concerto avec la collaboration de l’Orchestre de Chambre de Genève : rendez-vous donc le jeudi 13 mars pour cette traversée des styles et des époques. Au Conservatoire de Musique, le 17 mars, Mozart, Chostakovitch et Beethoven seront servis par le Quatuor Brentano, invité par Temps & Musique. a c t u Maxim Vengerov Au Musée d’Art et d’Histoire, les 14 et 16 mars, le Geneva Camerata propose pour sa part l’intégrale des six Concertos brandebourgeois de Bach. Le même ensemble propose, le 10 mars, un concert sauvage dédié à «Un violoncelle fou» qui permettra d’entendre des œuvres de Machat, Catherin, Monteverdi ou Merula; le 15 mars, le concert en famille du Geneva Camerata se penchera sur «Le Monde de Mozart». Enfin, le concert du 20 mars, dirigé par David Greilsammer, offrira un programme «Au Cœur du Printemps». Notons encore la venue du violoniste Maxim Vengerov, au Victoria Hall, le 8 mars avec les solistes de l’Académie Menuhin, pour un programme bariolé allant de Bach à Piazzola. La série Classiques Alternances invite à écouter des sonates pour piano et violoncelle le 18 mars, toujours au Victoria Hall : Silvia Chiesa et Maurizio Baglini interpréteront des œuvres de Brahms, Schubert et Rachmaninov. L’Orchestre des Nations Unies, dirigé par Antoine Marguier, en présence de la pianiste Elisso Bolkvadze, offrira un concert le 21 mars, avec au programme notamment la sixième de Dvorák. Enfin, l’Orchestre National de Lyon sera de passage à Genève pour exécuter des œuvres de Debussy et de Takemitsu le 30 mars, tandis que le San Francisco Symphony se produira le 20 du mois : Michael Tilson Thomas dirigera la Symphonie No 3 de Mahler. La série Jazz Classics invite le saxophoniste Joshua Redman le mardi 4 mars, puis la pianiste japonaise Hiromi le vendredi 28 mars. Le Quatuor Schuman sera le 30 mars au Musée d’Art et d’Histoire pour un programme Mozart et Fauré. N’oublions pas le concert StraussMessiaen-Mahler du 16 mars, donné par l’Orchestre de la Haute Ecole de Musique de Genève placé sous la direction de Karl Anton Rickenbacher. Les amateurs de musiques d’aujourd’hui seront comblés grâce au Festival Archipel qui se tiendra dans diverses salles du canton du 21 au 30 mars : le programme complet sur www.archipel.org. L’ensemble Contrechamps propose pour sa part une soirée Holliger le 9 mars à l’Espace Fusterie, ainsi qu’une exploration de « Chronos et Thanatos » le 21 mars, à la Salle communale de Plainpalais. Remarquons enfin le récital que le pianiste Menahem Pressler offrira au Victoria Hall le 24 mars prochain, avec des œuvres de Schubert et Kurtág. Martina Díaz Michael Tilson Thomas a l i t é 57 m u s i q u e portrait Bertrand de Billy Pour son 5e Concert du Dimanche de la saison, le 9 mars à 11h15 à la Salle Métropole, l’Orchestre de Chambre de Lausanne aura à sa tête Bertrand de Billy, son principal chef invité de 2013 à 2016. Au programme figureront les deux Konzertstücke pour clarinette, cor de basset et orchestre (1833) de Félix Mendelssohn, ainsi que l’unique Symphonie(1815) de Luigi Cherubini. Les solistes du concert seront les deux clarinettistes de l’OCL, Davide Bandieri et Curzio Petraglio. 58 Né à Paris en 1965, violoniste de formation, élève de Jacques Castérède en classe d’analyse et de Pierre Dervaux dont il deviendra l’assistant de direction à l’Orchestre Colonne, Bertrand de Billy est appelé un jour fortuitement à faire un remplacement à Dessau, où on lui propose aussitôt un contrat de 2 ans de chef assistant au Anhaltisches Theater. Il accepte et passe finalement trois ans dans cette ville de Saxe-Anhalt. « La meilleure décision de ma vie », avouera-t-il plus tard. En effet, c’est à Dessau, à l’abri des pressions médiatiques et des agences, que Bertrand de Billy apprend véritablement son métier de chef. Il y conduit opéras et concerts symphoniques à un rythme soutenu, avant d’obtenir en 1996 un poste de directeur musical adjoint au Volksoper de Vienne. Carrière internationale fait jouer aussi bien Mozart que Dutilleux, encore peu connu à Vienne. En 2010, lors de son premier concert avec l’Orchestre de Paris, il est vu comme « le plus viennois des chefs français » au terme de dix années passées à la tête du RSO Wien. Mais en cette même année 2010, alors qu’il a déjà dirigé Tristan und Isolde et la Tétralogie de Wagner et conduit avec succès des formations prestigieuses, en Europe et aux USA, et que des propositions alléchantes lui sont faites, Bertrand de Billy, à 45 ans, soucieux de prendre un peu de recul, de mettre un peu de distance par rapport à une carrière qui s’est développée jusque-là à une vitesse fulgurante, décide de s’accorder un temps de réflexion, de « faire une mise à plat », selon ses propres termes. Et aujourd’hui encore, Bertrand de Billy continue de mener une existence de chef itiné- C’est alors que s’ouvrent à lui les portes d’une carrière internationale. Il est invité à Covent Garden à Londres, à l’Opéra Bastille à Paris, au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, au Grand Théâtre de Genève (Les Contes d’Hoffmann en 2001) et fait des débuts couronnés de succès aux USA. En 1999, il devient directeur musical du Liceu de Barcelone reconstruit après l’incendie de 1994, avec la lourde charge d’en recréer la structure musicale. En parallèle, sa carrière se poursuit à Vienne, où il entretient une relation privilégiée avec le théâtre An der Wien et le Staatsoper. En 2002, il est nommé directeur de l’ORF RadioSymphonieorchester Wien, une formation vouée essentiellement à la musique contemporaine, à laquelle il rant, sans poste fixe, avec toutefois de solides ancrages à Vienne, Munich et Francfort, où il est depuis 2013 premier chef invité de l’Opéra et du Museumsorchester. A Lausanne, entre Falstaff en février à Francfort, Lohengrin et Faust à Vienne, Simon Boccanegra à Munich en avril et Arabella de Strauss en mai à Tokyo, Bertrand de Billy mettra sa baguette tout en finesse au service d’une Symphonie en ré majeur de Cherubini bien connue des discophiles grâce à la fameuse gravure historique qu’en avait réalisée en son temps Arturo Toscanini et son orchestre de la NBC, à New York, au Carnegie Hall, en 1952. Bertrand de Billy et l’opéra, en DVD : Verdi : - Don Carlos au Wiener Staatsoper, version intégrale en 5 actes et en français ; mise en scène de Peter Konwitschny (2004) Wagner : - la Tétralogie au Liceu de Barcelone ; reprise en 2003/4 de la mise en scène de Harry Kupfer à Bayreuth en 1988 - Tristan und Isolde au Liceu de Barcelone (2005) ; m.sc. Alfred Kirchner Mozart : - Don Giovanni au Liceu de Barcelone ; m.sc. Calixto Bieito (2002) - Don Giovanni au Festival de Salzbourg : m.sc. Claus Guth (2008) Donizetti : - Lucrezia Borgia au Nationaltheater de Munich (2009) ; m.sc. Christof Loy Debussy : - Pelléas et Mélisande au Theater an der Wien (2009) ; m.sc. Laurent Pelly Thomas : - Hamlet au Liceu de Barcelone (2003) ; m.sc.Caurier & Leiser Massenet : - Cendrillon au Royal Opera House, Covent Garden (2011) ; m.sc. Pelly. Yves Allaz Billetterie OCL : Rue Saint-Laurent 19 021 345 00 25 www.ocl.ch Bertrand de Billy © Marco Borggreve a c t u a l i t é m u s i q u e chronique lyonnaise Orchestre de Lyon Et si, pour les Genevois, l’Orchestre national de Lyon était le grand voisin méconnu ? Dans la carte des grands orchestres européens, c’est à qui serait le plus ancien, jusqu’à friser le ridicule : hormis le nom, existe-t-il un lien entre l’admirable et actuelle Staatskapelle de Dresde, et la chapelle musicale que Schütz dirigea au XVIIe siècle ? Non. Et, dans cette sotte course au pedigree, des orchestres assez récents, tel le Philharmonia Orchestra, l’emportent sur bien des phalanges historiques. En 1905, GeorgesMartin Witkowski (1867-1943) fonda la Société des Grands Concerts de Lyon. En 1969, la Ville de Lyon apporta la permanence à cette phalange qui, en 1972, reçut la dénomination d’Orchestre national de Lyon. Depuis 1975, l’OnL répète et joue dans « sa » salle, toute de largeur et de plaisante acoustique, l’Auditorium de Lyon, et dont les 2’100 places sont à la mesure de la métropole lyonnaise. Administré par la Ville de Lyon, il a, pour autres partenaires publics, le Ministère de la Culture et la Région RhôneAlpes. Depuis que, en 1983, l’Opéra de Lyon a créé sa propre phalange, l’OnL et sa centaine d’instrumentistes se vouent exclusivement au concert. Ses directeurs musicaux successifs ont été Serge Baudo (19711987), Emmanuel Krivine (1987-2000), David Robertson (2000-2004) et Jun Märkl (20052011) ; depuis 2011 et au moins jusqu’en 2017, Leonard Slatkin en est le patron. Un orchestre ambitieux Sur la carte française, l’Orchestre national de Lyon tient son haut rang, à égal statut avec les quatre orchestres parisiens (Orchestre de l’Opéra national de Paris, Orchestre de Paris, Orchestre philharmonique de Radio France et Orchestre national de France) et avec son alter ego en région, l’Orchestre national du Capitole a c t u Claude Debussy et Toru Takemitsu (avec biwa et shakuhachi). Ce programme illustre l’attention que l’OnL porte aux compositeurs de notre temps (Luciano Berio, Pascal Dusapin, Michael Jarrell, Steve Reich), dont il donne des premières auditions mondiales. Au cours de cette saison, il accueille Kaija Saariaho comme compositrice associée. Les musiciens de l’Orchestre national de Lyon avec lesquels nous avons récemment conversé s’impatientent de découvrir le Victoria Hall, sa fameuse acoustique et son public généreux. Deux lumineux et récents concerts Eivind Gullberg Jensen © Mat Hennek de Toulouse. Et sur la carte européenne, les solistes (Argerich, Lupu, Mørk, Repin ou Zimerman) et chefs (Armin Jordan et Neeme Järvi, mais aussi John-Eliot Gardiner, Alan Gilbert, Marek Janowski ou Christian Zacharias) qu’il a invités plaident pour lui. Enfin, avec des intégrales Berlioz, Debussy et Ravel, une ample politique d’enregistrement chez Naxos complète ce portrait d’un orchestre ambitieux. Depuis 1979, l’Orchestre national de Lyon effectue de fréquentes tournées internationales, témoins la Chine et le Japon visités lors de cette saison, et sans oublier Genève et son fameux Victoria Hall, le dimanche 30 mars. Coloré de ses récents séjours nippons, ce concert, dirigé par Eivind Gullberg-Jensen, mettra en regard a l i t L’Orchestre national de Lyon développe une intelligente politique de chefs invités. Lors de la saison passée, dirigeant une lyrique et ductile Symphonie n°8 de Bruckner, Stanisław Skrowaczewski laissa l’auditoire ébahi, et, à lui seul, exprima toutes les tragédies que connut l’Europe au XXe siècle. Quant à cette saison, deux grandes baguettes finlandaises y ont déjà fait merveille. Le 14 décembre, Jukka-Pekka Saraste a révélé un Oiseau de feu décalé : l’usuel conte russe laissa la place à un récit épique, chatoyant et palpitant ; dans les espaces intérieurs ainsi découverts, les solistes de l’OnL ont offert le plus fruité de leur travail. Et le 25 janvier, le trop rare Osmo Vänskä et l’OnL ont montré trois visages complémentaires : le plein art symphonique allemand (Don Juan de Richard Strauss) ; un esprit chambriste et souple (Concerto pour flûte n°1 de Mozart) ; et une expérience rhapsodique, avec une « Nouveau monde » de Dvořák qui devint un épique et enflammé poème symphonique. Frank Langlois 30 mars : Orchestre National de Lyon, dir. Eivind Gullberg Jensen, Emmanuelle Réville, flûte, Eléonore Euler-Cabantous, harpe, Kumiko Shuto, biwa, Kifu Mitsuhashi, shakuhachi (Debussy, Takemitsu). Victoria Hall à 11h (rens. 0800.418.418, billets : Alhambra, Grütli) é 59 m u s i q u e A l’Octogone de Pully, le Quatuor Merel interprétera, le 11 mars à Pour l’Art, des quatuors de Mozart, de Schubert (Rosamunde), ainsi qu’avec la soprano Ruth Ziesak le Quatuor No 2 de Schoenberg. A Lutry, le 23, les Concerts Bach reçoivent l’Orfeo Vokalensemble et Barokorchester de Salzbourg, conduits par Michi Gaigg, pour des Cantates du jeune J.S.Bach. Luisa Miller de Verdi dans une nouvelle production à Au Théâtre de Vevey, le 18, le Quatuor Zehetmair sera l’hôte d’Arts l’Opéra de Lausanne, Tosca de Puccini mis en scène et Lettres pour le Quatuor No1, dit « Sonate à Kreutzer » de Janacek, un par Robert Bouvier au Théâtre du Passage à Neuchâtel, quatuor du jeune Schubert, ainsi que celui de Debussy. création d’un opéra de Christian Henking au Théâtre Le 2 mars à l’Eglise St-Paul, les Concerts de Villeneuve reçoivent le de Bienne : trois spectacles qui témoignent de la vitalité chœur lausannois de gospels One Step pour le dernier concert de la saison. Le 1er mars, au temple de Vers-l’Eglise, l’Ensemble Fiacorda, formation de l’art lyrique en nos contrées. On y célèbre aussi en musique des anniversaires en ce mois de mars, celui des à géométrie variable fondée à Bâle par Robert Zimansky, ancien 1er violon solo de l’OSR , mettra un terme au Festival Musique et Neige des 80 ans de Michel Corboz à Lausanne, celui des 75 ans Diablerets. de Jost Meier à Bienne. Conclusion également des Classiques de Villars, à la Grande Salle le A Lausanne, Alexia Voulgaridou sera l’héroï2, avec des œuvres de Tchaïkovski – dont le poine éponyme de l’opéra de Verdi mis en scène par gnant Trio en la mineur – et Arenski, interprétées Giancarlo del Monaco, du 21 au 30 mars. La direcpar Valentina Igoshina au piano, Kirill Troussov au tion musicale en est confiée à Roberto Rizzi violon et Mark Drobinsky au violoncelle. Brignoli, l’OCL étant dans la fosse. En Valais, le 1er mars à Crans, Boris Le 21 mars, les Concerts de Montbenon fêtent Berezovsky au piano et Michael Guttman au vioMichel Corboz, invité à interpréter les Motets à lon, donneront un programme de musique françaidouble chœur de J.S.Bach en compagnie de son se, avec des œuvres de Debussy,Fauré, Franck et Ensemble Vocal de Lausanne. Ravel. A l’Hôtel de Ville de Sierre, le 2, l’excellent L’Opéra de son côté offre une carte blanche au Trio Wanderer se produira dans trois trios avec pianiste Cédric Pescia, qui sera sur la scène lausanpiano, de Beethoven, de Chostakovitch et de noise le 9 mars, pour y jouer la Sonate D.959 et, Mendelssohn. A Sion, le 9, à l’église St-Théodule, avec le baryton Sebastian Geyer, le cycle des 24 le jeune Sedunum String Orchestra, fondé en 2012 lieder de la Winterreise de Franz Schubert. par Sebastien Bagnoud, défendra un beau programLes 3 et 4 mars à la Salle Métropole, Frank me comportant une symphonie de Haydn, le motet Peter Zimmermann sera à la fois chef et soliste du Exultate Jubilate de Mozart et un concerto d’A. 7e concert d’abonnement de l’Orchestre de Stephenson, avec Carole Rey, soprano, et David Frank Peter Zimmermann © Franz Hamm Chambre de Lausanne pour les Concertos pour vioRey, tromboniste. Les 22 et 23 mars à l’église des lon K. 207, K 216 et K.218 de Mozart. Au même endroit, pour les Jésuites, l’Ensemble Vocal Cantamabile, fondé à Sion en 2009 par MarieConcerts du Dimanche, le 9 mars, l’OCL jouera les deux Konzertstücke Marthe Claivaz, présentera une version concertante de Didon et Enée de pour clarinette et cor de basset de Mendelssohn, ainsi que la Symphonie Purcell. en ré majeur de Cherubini, sous la conduite de son principal chef invité A Neuchâtel, Flora Tosca sera incarnée par Joanna Parisi, Cavaradossi par Ramon Vargas (remplacé par Bertrand de Billy, et avec deux solistes sortis de Orlando Niz à Vevey) et Scarpia par le baryton ses rangs, Davide Bandieri et Curzio Petraglio. Rubén Amoretti, sous la conduite de Facundo Le 30, également au Métropole, ce sont les Agudin, avec l’Orchestre Symphonique du Jura. Il vocalistes et l’orchestre de la HEMU, avec à leur y aura 3 représentations de l’opéra de Puccini à tête Benjamin Lévy, qui se produiront dans la merNeuchâtel, les 1er, 4 et 7 mars, et une au Théâtre de veilleuse fantaisie lyrique L’enfant et les sortilèges Vevey, le 11. Le même Théâtre du Passage de Maurice Ravel. A la Cathédrale le 28 - et à accueillera la troupe de L’Avant-Scène Opéra trois Yens-sur-Morges le 29 - place aux jeunes égalesoirs durant, du 14 au 16, pour la truculente opéretment, ceux des Chœurs des Gymnases lausannois te d’Offenbach La Vie parisienne. Trois concerts et du Gymnase de Waiblingen, qui, avec sont annoncés au Temple du Bas. Le 9, l’Orchestre l’Orchestre Romand des Jeunes professionnels, de Chambre Fribourgeois se joindra à l’Ensemble vont donner Ein Deutsches Requiem de Johannes Symphonique de Neuchâtel pour y donner, sous la Brahms, sous la baguette d’Olivier Piguet, A Gland, le 23, au Théâtre Grand-Champ, la direction de Laurent Gendre, avec la participation Sinfonietta, conduite par James Lowe, jouera des du pianiste Oliver Schnyder, des pages célèbres de pages de Mozart, Lutoslawski et Beethoven (2e Gershwin et la 9e Symphonie, « du Nouveau Monde » de Dvorak. Le 15, le Quatuor Schumann symphonie) et accompagnera le violoncelliste Joanna Paris sera Floria Tosca à Neuchâtel et Fribourg présentera deux quatuors avec piano, l’un de Robert Enrico Bronzi dans le Concerto No1 de Saint-Saëns. scènes de mars Agenda romand 60 a c t u a l i t é m u s i q u e Schumann, l’autre de Gabriel Fauré, plus une page de Frank Bridge. Enfin, le 22, la Passion selon Saint Jean de Bach aura pour interprètes la Société chorale de Neuchâtel et l’Ensemble baroque La Freitags Akademie de Berne, sous la conduite de Gilbert Bezençon. A La Chaux-de-Fonds, à la Salle Faller, le14, le duo de la flûtiste Anne-Laure Pantillon et du pianiste Marc Pantillon se fera entendre dans des pages de musique française, dont une, fort rare, de la compositrice Mel Bonis (1858-1937). Au même lieu, le 27, récital du pianiste Ashot Khachatourian. A son programme, Beethoven, Chopin et la 4e Sonate de Prokofiev. Concerts-portrait, le 30 mars au Musée International d’Horlogerie, du compositeur grec Nicolas Tzortzis, né à Athènes en 1978, établi à Paris, où il a fait ses études. Diverses œuvres de ce musicien seront présentées, dont L’Etoile de Mer, avec projection du film de 1928 de Man Ray, et Alk Création 2014, pour voix de femme et grand ensemble électronique, par le Collectif Binoculaire le matin et le Nouvel Ensemble Contemporain l’après-midi, avec Franziska Baumann, voix, et Pierre-Alain Monot à la direction. A Bienne, l’opéra Figaro de Christian Henking, dont la première a lieu le 28 février, est redonné deux fois en mars, le 2 et le 26, au Stadttheater, sous la conduite de Jürg Henneberger, ou pour les reprises, de Harald Siegel, qui tiendra aussi la baguette le 6 mars pour la Fledermaus de Johann Strauss. Le 12, pour l’anniversaire de Jost Meier, l’Orchestre Symphonique Bienne Soleure (OSBS), qu’il a fondé en 1969, donnera un concert en son honneur au Palais des Congrès, sous la direction de Hans Urbanek. Le corniste Bruno Schneider sera le soliste du Concerto pour cor de Jost Meier, dont Lena Neudauer sera aussi donnée en création une œuvre © Marco Borggreve écrite spécialement pour l’occasion, Adullam. Au même endroit, le 27, on pourra entendre l’Histoire du Soldat de Stravinski-Ramuz en version bilingue, dans une mise en scène d’Ariane Gaffron. Le 20, l’OSBS et le Chœur Bach de Berne, conduits par Kaspar Zehnder, avec Ruth Ziesak, soprano, et Marc-Olivier Oetterli, baryton, interpréteront Ein Deutsches Requiem de Brahms à la Stadtkirche. Dans le Jura, le dimanche 2, Etienne Baillot, à l’orgue de la Collégiale de St-Ursanne, et la soprano Françoise Masset présenteront des pages de musique sacrée à l’enseigne de « Psaumes et Déplorations ». A Fribourg enfin, le 11 mars, au Théâtre de l’Equilibre, se fera la reprise du concert donné le 9 à Neuchâtel par l’Orchestre de Chambre Fribourgeois et l’Ensemble Symphonique de Neuchâtel, avec Un Américain à Paris, la Rhapsody in Blue de Gershwin et la 9e Symphonie de Dvorak. Autre concert le 22 mars, avec Mario Venzago et l’ Orchestre Symphonique de Berne dans des œuvres de Wagner, de Mahler (5e Symphonie) et de Robert Schumann dont la brillante Lena Neudauer sera la soliste du trop rare Concerto pour violon et orchestre en ré mineur. gstaad, sommets musicaux 2014 Duo à l’honneur Les Sommets Musicaux de Gstaad ont mis à l’honneur cette année la forme duo. La semaine musicale a proposé en effet pas moins de huit concerts consacrés au piano à quatre mains et permettant à de jeunes musiciens de se produire dans l’intimité de la Chapelle de Gstaad. Comme chaque année, la musique a aussi résonné dans l’église de Saanen et dans celle de Rougemont avec notamment un magnifique récital de Renaud Capuçon et Francesco Piemontesi. Une entrée pourtant sur la pointe des pieds avec la Sonate pour piano et violon en mi mineur de Mozart, une œuvre toujours difficile dans le choix du caractère musical à adopter. Puis, c’est avec la Sonate pour violon et piano en si mineur d’Ottorino Respighi que s’est poursuivi la soirée. Cette œuvre peu jouée représente pourtant une part non négligeable de la création du compositeur dans le domaine de la musique de chambre. Il s’agit, en effet, d’une partition complément monumentale dans sa forme et dont la difficulté d’écriture requiert non seulement une technique acérée de la part des interprètes mais également un niveau de concentration soutenu du public. Renaud Capuçon et Francesco Piemontesi réussissent avec panache dans cette musique grâce à une complicité musicale forte. Violoniste et pianiste plongent avec violence dans un déferlement de gammes et d’arpèges inquiets, se rendant trait pour trait toute la violence du premier mouvement, à la fois lyrique et tourmenté. Dans l’Andante espressivo, le piano de Francesco Piemontesi cède subtilement devant le chant raffiné du violoniste français avant de conclure avec un dernier mouvement dont les rythmes agressifs portent la musique à un degré de violence rarement atteint dans le style de la sonate. Enfin, la Sonate pour violon et piano en la majeur de César Franck révèle chez les deux artistes une profonde compréhension de l’œuvre, avec dès les premières mesure le choix d’un tempo retenu ainsi que celui d’un traitement large de la phrase musicale. Renaud Capuçon y déploie la belle sonorité de l’école française du violon avec un dosage exact de la dynamique. Le troisième mouvement reste en cela un exemple parfait de ce que peut signifier la pulsation en musique avec ses tensions, ses relâchements, tour à tour Francesco Piemontesi lance et récupère son partenaire dans un rubato incessant jamais artificiel. Martina Díaz Yves Allaz Eglise de Rougement le 2 février : Renaud Capuçon et Francesco Piémontesi © Miguel Bueno a c t u a l i t é 61 m u s i q u e Victoria Hall, Genève Victoria Hall, Genève Elisso Bolkvadze Maurizio Baglini et Silvia Chiesa Concert de Printemps, le 21 mars, de l’Orchestre des Nations-Unies avec la pianiste Elisso Bolkvadze. Mardi 18 mars, dans le cadre de la saison de Classiques Alternances, le pianiste Maurizio Baglini, qui avait donné dans ce même Victoria Hall un mémorable concert en solo le 17 janvier 2013, revient, cette fois en compagnie de la violoncelliste Silvia Chiesa, avec laquelle ils forment un duo stable depuis 2005 tournant dans le monde entier. Née à Tbilissi en 1967, formée en Géorgie et à Moscou, élève de Michel Sogny, Elisso Bolkvadze poursuit une carrière internationale au plus haut niveau. Sa musicalité et sa maîtrise de l’instrument ont été très tôt reconnues par Zubin Mehta. Elle donnera le Concerto pour piano n°2 de Camille Saint-Saëns qu’elle a enregistré pour Cascavelle en 2010 avec l’Orchestre symphonique de Tbilissi. Ils donneront quelques unes des plus belles sonates pour violoncelle et piano du répertoire : la Sonate no.1 op.38 en Mi mineur de Brahms; la Sonate «Arpeggione» en la mineur de Schubert; et la Sonate en Sol mineur de Rachmaninoff. C.B. Elisso Borkvadze 62 Encadrant ce Concerto, l’Ouverture de Guillaume Tell de Rossini et la Symphonie n°6 de Dvorák permettront d’apprécier les qualités de l‘orchestre co-fondé et dirigé par Antoine Marguier. C.B. . Vendredi 21 mars Maurizio Baglini et Silvia Chiesa . Mardi 18 mars à 20h Billetterie : points de vente Ville de Genève, et Service culturel Migros Musicales de Compesières Billetterie : Espace Ville de Genève, Grütli, Genève Tourisme... Centrale Billetterie au 0800.418.418 Musée d’Art et d’Histoire, Genève Le Quatuor Schumann Dimanche 30 mars à 11 heures, le Quatuor Schumann sera pour la 3e fois l’invité du Quatuor de Genève. L’occasion de découvrir Frédéric Week-end musical dans la campagne genevoise pour fêter l’arrivée du printemps. . Vendredi 21 mars 2014, 20h30 Tomoki Sakata, piano Le pianiste Tomoki Sakata, a obtenu en 2012 un Prix de soliste à la Haute Ecole de Musique de Genève ainsi que le Prix du Public des Jeudis du Piano - Société des Arts de Genève. On l’entendra dans des Sonates de Scarlatti et de Granados suivies, après l’entracte, des 24 Préludes de Chopin. . Samedi 22 mars 2014, 20h30 Bruno Rigutto, piano Le pianiste, compositeur et chef d'orchestre français Bruno Rigutto, un élève de Samson François et Paul Badura-Skoda, a derrière lui une longue carrière lancée par les Prix obtenus au concours international MargueriteLong en 1965, et au concours Tchaïkovski en 1966. Au programme de ce concert on trouvera Chopin (Nocturnes opus 9 n°1 et opus 15 n°2 ; Scherzo opus 31 ; Fantaisie opus 49) ; Schumann (scènes d'enfants opus 15) ; Liszt (Funérailles) et Ravel (Sonatine ; Alborada del gracioso). Quatuor Schumann Angleraux, nouveau violon de l’ensemble, aux côtés de Christian Favre (piano), de Christoph Schiller (alto) et de François Guye (violoncelle). Au programme le Divertimento pour trio à cordes K 563 de Mozart, et le Quatuor avec piano no 2, opus 45 de Fauré, deux oeuvres de la maturité des compositeurs. C.B. . Dimanche 30 mars à 11 h . Dimanche 23 mars 2014, 17h00 Ensemble vocal DeMusica Direction Marc Bochud Habitué des Schubertiades d’Espace 2, L’Ensemble vocal deMusica a chanté, lors de l’édition 2007, sous la baguette de Christian Zaccharias, la messe en mi bémol majeur de F. Schubert, accompagné par l’Orchestre de Chambre de Lausanne et deux autres chœurs fribourgeois. C’est Bach qui sera célébré ce dimanche avec 6 Motets. Billetterie : Billets sur place, une heure avant le concert ou prélocation au points de vente Ville de Genève a c Abonnements : détails sur www.musicalesdecompesieres.ch Location : billets en vente le soir même sur place, une heure avant le concert. t u a l i t é m u s i q u e Forum Meyrin Victoria Hall, Genève Philippe Béran, sa baguette magique, et l’Orchestre de Chambre de Genève se sont donné pour mission de raviver vos connaissances en matière de concerto. Le temps d’un concert, un parcours découverte, du genre «Concerto pour les Nuls», à travers les époques et les styles, vous sera présenté. Sous la baguette de Philippe Béran, le concert devient un spectacle que le chef d’orchestre genevois n’hésite pas à commenter, à interrompre pour faire intervenir le public ou même pour renvoyer ses musiciens ! Tout est bon, dès lors qu’il s’agit de faire découvrir le grand répertoire symphonique, mais toujours avec simplicité et humour. Mais sachez déjà qu’un concerto, c’est une Philippe Béran © Michel Blanc œuvre dans laquelle on fait dialoguer un ou plusieurs solistes avec un ensemble orchestral. A l’issue de la représentation, une rencontre avec Philippe Béran est agendée. Les amateurs de la série Jazz Classics se réjouiront d’entendre le saxophoniste virtuose Joshua Redman, qui se produira en quartet au Victoria Hall. Lors de cette soirée, il sera sur scène en compagnie de Aaron Goldberg, Reuben Rogers et Greg Hutchinson. Vous avez dit Concerto ? Joshua Redman Mélodiste à tout crin, ténor et sopraniste virtuose et féru de l’histoire de son instrument, Joshua Redman s’est construit un chemin à la fois respectueux de la tradition et original, au travers d’un répertoire qui fait la part belle à des compositions personnelles. Toutefois, le programme du concert genevois sera tissé des grandes ballades qui ont Joshua Redman © Jay Blakesberg fait l’histoire de Broadway, caressées dans le sens du velours en compagnie des brillants complices que sont le pianiste Aaron Goldberg, le contrebassiste Reuben Rogers et le batteur Greg Hutchinson. . Jeudi 13 mars à 19h . Mardi 4 mars à 20h30 Location en ligne : /www.forum-meyrin.ch/billetterie Location : 0900.800.800 TicketCorner ou en ligne sur : www.prestigeartists.ch/ Geneva Camerata Victoria Hall, Genève Quatre concerts à l’agenda du Geneva Camerata pour ce mois de mars, des événements qui auront lieu dans différents endroits de la place. Hiromi Pour commencer, le Concert Sauvage n°2 intitulé « Un Violoncelle Fou » proposera des œuvres de Guillaume de Machaut, Brice Catherin («Von der Musik» création mondiale d’une commande du Geneva Camerata), Claudio Monteverdi, Dario Castello, Morton Feldmann et Tarquino Merula. . Lundi 10 mars - 19h30 à la Comédie de Genève La pianiste prodige sera l’invitée de Jazz Classics. Une occasion unique de découvrir la personnalité débordante de passion de la Japonaise. Assoiffée de musique dès son plus jeune âge, Hiromi Uehara s’est juste rapidement donné les moyens techniques de répondre à son appétit viscéral de musique, une qualité qui lui vaut les parrainages musicaux inconditionnels de grands musiciens comme Ahmad Jamal ou encore Chick Corea, avec lequel elle a d’ailleurs souvent joué, et enregistré un disque détonnant en duo. Son appétit musical, de Liszt à Peterson, en passant par Bach et King Crimson, semble paraît-il insatiable. A vérifier sur scène, où Hiromi donne toujours des prestations inclassables ! Suivra le Concert en Famille n°3, durant lequel «Le Monde de Mozart» sera présenté et dirigé par David Greilsammer. . Samedi 15 mars - 11h à la Salle Frank-Martin Puis Les Rencontres Magiques vous permettront d’écouter les Six Concertos Brandebourgeois de Bach, servis par les musiciens du Geneva Camerata. . Vendredi 14 mars - 19h et dimanche 16 mars - 16h au Musée d'Art et d'Histoire Le dernier concert appartient à la série La Musique du Cœur et vous offrira, sous le titre «Au Cœur du Printemps, des œuvres de Vivaldi et Piazzolla. . Jeudi 20 mars - 20h à la Salle Frank-Martin David Greilsammer © Julien Mignot Hiromi © Sakiko Nomura . Vendredi 28 mars à 20h30 Concert Sauvage, Concert en Famille : billets sur place une heure avant le concert. Réservation possible à [email protected] pour les autres concerts : Fnac ou Genève Tourisme a c t u a l Location : 0900.800.800 TicketCorner ou en ligne sur : www.prestigeartists.ch/ i t é 63 d a n s tre garçons. L’autre danseuse est la Japonaise Sae Maeda, qui fut on ne peut plus gracieuse dans la variation du royaume des ombres (extrait du Ballet La bayadère de Petipa) et très habile dans sa variation contemporaine (de Richard Wherlock). Comme chaque année, les Asiatiques sont venus en grand renfort et ils sont doués! Il y en avait huit en finale. En plus des deux lauréats déjà évoqués, le Japonais Haruo Niyama a remporté un prix, et pas n’importe lequel : le premier Prix. Il faut dire qu’il a été époustouflant dans la variation de Solor (de La Bayadère) et qu’il a interprété sa variation contemporaine avec enthousiasme, ce qui est le plus difficile pour les Asiatiques. Un seul bémol : il n’est pas très élégant avec ses courtes jambes. prix de lausanne : concours pour jeunes danseurs Excellent niveau La capitale vaudoise est célèbre dans le monde entier de la danse pour deux raisons : elle héberge le Béjart Ballet et elle offre des bourses aux meilleurs danseurs solistes en herbe. 73 candidats venant de 15 pays ont été sélectionnés parmi 295 dvd reçus. 64 Le niveau des danseurs qui ont tous eu l’occasion de montrer leurs variations classique et contemporaine était excellent, le choix du jury (présidé par Kay Mazzo, ancienne danseuse étoile du New York City Ballet) d’autant plus difficile. 20 candidats ont cependant été sélectionnés pour la finale, 8 filles et 12 garçons (depuis une demi-douzaine d’années le niveau des garçons s’est nettement amélioré). Après être rentrés bredouilles depuis plusieurs années, les écoles française et de Monte-Carlo ont été à nouveau couronnées de succès. Ainsi le Français Garegin Pogossian, élève du Conservatoire Precious Adams © Gregory Batardon a Sae Maeda © Gregory Batardon National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon, a convaincu aussi bien dans sa version classique (extraite de Don Quichotte) que dans sa version contemporaine, du chorégraphe finlandais Jorma Elo. Parmi les lauréats, on compte même deux élèves de l’Académie Princesse Grace de Monte-Carlo : le Japonais Mikio Kato, qui s’est très bien débrouillé dans sa variation, très exigeante, du Lac des cygnes, et qui a exécuté avec bravoure sa variation contemporaine de Richard Wherlock, le chorégraphe du Theater Basel. David Fernando Navarro Yudes, de la même école, a remporté non seulement un Prix de Lausanne mais aussi le Prix du public. Il a su nous enthousiasmer dans le solo de Basile (du ballet Don Quichotte) et celui d’Otello (dans la version de Goyo Montero). Une autre lauréate a obtenu deux prix très mérités, l’Afro-américaine Precious Adams. Originaire de Canton dans le Michigan, elle a eu le courage de quitter sa patrie à l’âge de 16 ans pour devenir une élève de l’école de danse du Bolchoï ! Même si son tutu rose ne lui allait pas très bien, sa technique était impeccable et elle était encore plus convaincante dans sa variation contemporaine de Jorma Elo. Elle a remporté un Prix de Lausanne et le Prix de la meilleure interprétation contemporaine. Les lauréats comptent seulement 2 filles, pour qua- c t u e a Le prix de Lausanne est aussi le lieu de rencontre des directeurs d’écoles et de compagnies. Ainsi, les candidats qui n’ont pas reçus de prix ou même ceux qui n’ont pas été finalistes peuvent recevoir des offres, voire des contrats. Emmanuèle Rüegger Garegin Pogossian © Gregory Batardon l i t é d a n s e espace nuithonie, villars-sur-glâne Promesses de l’Apocalypse Dans Suivront mille ans de calme, tout se déploie avec la simplicité du rêve, en un cheminement de visions implacables. Anjelin Preljocaj est au sommet de son art, et cette simplicité là, cette pertinence visionnaire aussi, sont la propriété exclusive des seigneurs. rejouant des ensembles pornographiques. Ces derniers rappellent, sous forme de chorégraphie ascétique, la démarche photographique de l’écrivain Edouard Levé selon la tradition des tableaux vivants du 19e siècle. Enserrés dans les drapeaux, les visages n'expri«Suivront mille ans de calme» © JC Carbonne ment rien. C'est une pornographie Grand maître des ensembles travaillés par glacée, dérivée d’un oxymore photographique des phrases chorégraphiques chaînées aux sur fond de médusant pamphlet plasticien sur les variantes multiples et intimes, où les unissons se corps enchâssés du concert des nations. Et la posdédoublent et se cassent, le chorégraphe livre un sible représentation d’une mécanique du « suropus dont le titre est tiré de L’Apocalypse de veiller, jouir et punir » attachée à la communauté Saint-Jean. « Après l’arrivée des Anges annon- internationale que ne renierait pas le dramaturge çant un Royaume nouveau et la mise en chaines et metteur en scène hispano-argentin Rodrigo de Satan et ses légions, il est écrit: Suivront mille Garcia. Partagée entre danseurs du Bolchoï et interans de calme, relève le chorégraphe La création n’est pas rattachée de manière littérale et théma- prètes du Ballet Preljocaj, la réalisation aborde tique à l’Apocalypse, mais à la dimension poé- notamment l’idée de Révolution, de 1789 à 1917, tique flottant de cette phrase prophétique. Je me en alliant précision, torsion, dislocation et folle suis inspiré d’images et métaphores présentes au expressivité innervant jusqu’aux jeux ciselés des fil de L’Apocalypse. La racine du mot apo signi- mains. La pièce apprend à voir le monde d’un fie soulever, ôter et calypsis désignant le voile. autre regard, plus calme, plus attentif ; l’alphabet L’expression ne trahit rien de cette idée commu- mouvementiste est ici moins une fin, condamnée ne de désastre ou de catastrophe. Le sens origi- au sanctuaire du répertoire, qu'un moyen d’exernel est de l’ordre de la révélation intérieure de cer sur toutes choses un œil de visiteur perpétuel. l’indicible, de ce qui est sous-jacent et que l’on L’opus arpente aussi diverses formes d’asservisne connaît pas en le rendant perceptible, sensi- sement. « Le chaînes sont ici très présentes, tant ble. D’où cette intention de révéler par la danse elles peuvent à la fois entraver et relier destins et des réalités présentes dans nos sociétés, mais trajectoires. Si ces éléments peuvent évoquer la que l’on ne voit guère. C’est ainsi une métapho- contrainte liberticide, les chaînes tombent aussi du ciel comme la foudre fouettant le plateau. A re qui serait en prise avec notre aujourd’hui. » En levée de voiles ouvrant sur les servitudes mes yeux, elles peuvent convoquer l’imagerie des contemporaines, les héraldiques de nations en Cavaliers de l’Apocalypse. Les déluges d’eau drapeaux formatent des corps anonymes en dessinent, eux, une forme de purification. » a c t u a l i t Histoires de la violence « L’amour est violation de l’intégrité des individus, il fait toucher du doigt les limites de l’être humain », pose le philosophe et psychanalyste Umberto Galimberti. Dans cette veine, la chorégraphie donne lieu à des scènes aussi surprenantes qu’entêtantes, dans leur énergie formelle et leur réalisme de la violence désespérante au sein du couple, qui effondre et fiche les êtres comme insectes sur la surface de murailles en métal. Ainsi le binôme d’amants qui se livre à l’adresse du « je t’aime », tout en s’écrasant contre les parois. Cet épisode semble s’inscrire dans le sillage des slows ouvrant Paysages après la bataille (1997) de Preljocaj. Comment oublier les duos enlacés sur le Ti amo d’Umberto Tozzi qui confondaient finalement le baiser et la morsure, l’enlacement et l’étouffement mortifère ? La violence innerve ainsi toute l’œuvre du chorégraphe français. En témoigne N (2004) et ses fulgurances somatiques de corps marionnettiques manipulés entre l’animé et l’inerte, le vif et le trépassé. Ou Ce que j'appelle oubli (2012) prolongeant les atteintes faites au corps d'une dimension sociale et politique sur un texte de Laurent Mauvigner interrogeant l’emprise sur autrui exercée par les agresseurs. Dès l’entame, se déploient des femmes porteuses de la paix. Elles évoluent dans un unisson harmonieux, la béatitude en front de corps. Etat évoqué avec une délicatesse, dont on peine à trouver un équivalent dans le paysage chorégraphique contemporain français. Aux éclats des Anges de Benjamin Rippert et de Sonate au Clair de lune signée Beethoven, se greffe le martial avec les mosaïques cadencées dues au DJ français Laurent Garnier pour accompagner les visions de Preljocaj qui retrouvent, par instants, le périple intra-utérin de son Near Life Experience (2002) en ses corps déclinés en cristallisations de nos fantasmes et de nos inconscients. Une production multipliant ses cadrages scéniques que rehausse la scénographie et les coiffes en éléments de cuisine totémique signées par une icône de l’art contemporain indien, Shilpa Gupta, dont les d’installations métaphoriques sont d’essences politique et poétique. Bertrand Tappolet Equilibre Nuithonie. Villars-sur-Glâne. 19 mars. Rés.: 026 407 51 41 é 65 s p e c t a c l e s spectacles onésiens Humour, humour... L’humour sera roi en mars à Onex, en tous cas en ce qui concerne les spectacles destinés aux adultes, puisque les enfants, eux, auront droit à des aventures de caneton... Les 6 et 7 mars 2014, le troisième one man show de et avec Frédéric Recrosio, Je suis vieux (pas beaucoup mais déjà), mis en scène par JeanLuc Barbezat, traite de l'avancée dans l'âge, sorte de bilan de milieu de vie de cet humoriste en pleine crise de la quarantaine, qui visite les pertes ordinaires qui accompagnent le vieillissement. A ces questionnements existentiels, l'humoriste répond avec un humour corrosif et contagieux. Un spectacle qui, hélas pour certains, affiche déjà complet depuis de nombreuses semaines. 66 Le mois de mars reste placé sous le signe de l'humour avec la venue, les 27 et 28 mars mars, des frères Taloche qui, après avoir fêté en grandes pompes leur vingt ans de carrière à l'Olympia, nous font l'honneur de venir amuser le public onésien. Au fil des ans, ces artistes sont devenus l’un des duos comiques belges les plus connus. Basé sur le modèle des clowns traditionnels du cirque, ce numéro connait un succès notable. les Taloche ont d’abord entamé leurs carrières séparément avant de former leur duo en 1992. Bruno et Vincent Counard, nés respectivement en 1960 et 1969, sont également frères dans la vie, aîné et benjamin d’une fratrie de quatre enfants originaires de la région de Liège. Ils se voient distingués par le convoité prix Raymond-Devos en 2005 par le ministère de la Culture française, prix créé en 2003, destiné à récompenser un travail d’excellence autour de la langue française. Le succès viendra grâce aux médias amis qui les imposeront par le mime parodique de la chanson J’ai encore rêvé d’elle du groupe Il était une fois. Leur humour réside aussi bien dans les dialogues, où se mêlent quiproquos, jeux de mots et caricatures, que dans leur panoplie de mimiques et grimaces en tout genre. Ils font constamment appel au mime et il n’est pas rare de les voir présenter un sketch sans aucune parole. Ils caricaturent des moments de la vie de tous les jours, depuis le chauffeur impatient au médecin généraliste (aux prises avec un amnésique), en passant par les vendeurs de calendriers, les montagnes russes, la préparation des frites, etc. Bruno tient généralement le rôle du clown blanc et Vincent celui de l'auguste. Les deux frères sont également producteurs, directeurs du festival international d’humour de Liège et à la tête d’une émission de variété à la RTBF (la télévision nationale belge), Signé Taloche, qui connaît un énorme succès. Le spectacle présenté à Onex reprend des sketches incontournables avec quelques inédits. Du burlesque visuel terriblement efficace, pour rire de bon cœur à tout âge. Quant aux petits spectateurs, ils pourront voir, les 9 et 12 mars, A l'Aide! par Cie Deux Fois Rien, un spectacle de marionnettes & théâtre d'ombres dès 4 ans, qui relate les aventures du caneton Loulou étouffé par sa mère, la grenouille Grelotte ou Helpman, incapable de dire non… des aventures qui vous rappelleront certainement quelqu’un de proche ! Firouz-Elisabeth Pillet www.spectaclesonésiens.ch Théâtre Am Stram Gram Au mois de mars, le Théâtre Am Stram Gram proposera deux spectacles : du 4 au 16 mars, un conte rock en création, Lola Folding, l’histoire d’une fillette happée par un album de photographies vivantes qui l'entraînent dans un univers de folie et lui fait découvrir son univers familial. ASG retrouve Brico Jardin pour ce spectacle dont les textes sont signés Marc Jeanneret, sur une musique de Simon Aeschimann. Pour les plus jeunes, La Brioche des Mioches, du 4 mars au 6 avril, sera l'occasion de découvrir une jeune artiste vaudoise, conviée par ASG à cette occasion. Comédienne, écrivain, scénariste, Sandra Korol écrit pour les enfants : en 2011, le théâtre des Osses présente Le voyage de Célestine, son premier texte destiné au jeune public. En novembre 2012, le petit théâtre de Lausanne a proposé Tim et les Zinvisibles, sa première pièce jeune public dans laquelle Sandra Korol joue le rôle de Mel, l'amie imaginaire du héros. Firouz-Elisabeth Pillet Les Frères Taloche fêtent leur 20 ans de carrière a c t www.amstramgram.ch u a l i t é s p e c t a c l e bonlieu, annecy Cirque alors... Les incroyables installations du Jardin des haras, un espace insolite qui allie le végétal, les installations plastiques et musicales - complété par Zoophonies et Les Architextures - accueilleront en mars la programmation du Théâtre et Scène nationale de Bonlieu, une affiche faisant la part belle à l'art circassien. «Mazut» © Alexandra Fleurantin Johann Le Guillerm, artiste atypique de la piste et théoricien, s'établit dans les espaces des haras avec Attraction, projet colossal et protéiforme composé de spectacles, expositions, films, livres, architectures. Les Architextures, installées depuis septembre 2013, sont à voir durant toute la saison dans le Jardin des haras. Ce cadre unique abrite également Monstration, un incroyable et extravagant parcours-installation dans lequel les spectateurs sont conviés à remettre en question leurs repères et à voir les choses qui les entourent différemment. Le public pourra aussi découvrir ou revoir Secret, le spectacle de Johann Le Guillerm, créé en 2003 et qui a fait le tour du monde. Année après année, Johann Le Guillerm perfectionne son point de vue : une image du monde où le cirque est un cosmos en réduction. Prodige couronné à l’âge de 27 ans du Grand Prix National du Cirque, Johann Le Guillerm invente dans ce spectacle, selon ses propres termes, « une machinerie pour déstabiliser le monde et le faire réagir ». Seul artiste à rassembler de multiples talents - il est tour à tour acrobate, funambule, clown, jongleur, magicien, manipulateur d’objets -, le redoutable équilibriste veut « mettre de l’ordre dans le chaos ». Chez lui, tout est pensé minutieusement afin que le cirque soit perçu comme une cosmogonie, un espace où tous les éléments sont liés à la manière de cellules vivantes. Il crée en direct des mécanismes qui s'apparentent étrangement à un mikado géant sur lesquels il agit en défiant les lois de la gravité et de la stabilité. Jouant avec des objets dont on est sûr qu’ils ne tiendront pas d’aplomb, il prouve avec brio que la force mentale est notre principal alliée. Le spectacle Secret sera présenté aux dates suivantes : mardi 18, mercredi 19, vendredi 21, samedi 22, mardi 25, mercredi 26, vendredi 28 et samedi 29 mars à 20h30 et dimanche 23 et dimanche 30 mars à 17h; tandis que l’exposition Monstration peut se voir du 18 mars au 13 avril 2014. Toujours dans le domaine du cirque, très représenté durant le mois de mars, citons les spectacles suivants : Escargopolis, une installation de la Compagnie 2 rien merci (du 28 mars au 25 mai), Mazùt , un spectacle de et avec Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias (du 28 au 30 mars) ainsi que Pour le meilleur et pour le pire, présenté par le Cirque Aïtal, dans la conception et l’interprétation de Kati Pikkarainen et Victor Cathala (du 28 au 30 mars). Les mélomanes ne seront pas en reste et auront l'embarras du choix entre Alpbarock, un projet d'Yves Rechtsteiner, qui nourrissait l'envie de quitter un instant le champ de la musique savante pour se réapproprier des mélodies simples d’essence populaires et plonger dans les racines culturelles d’un pays, la Suisse ; Orfeo et Euridice, le trentième et plus célèbre opéra de Christoph Willibad Gluck et une soirée consacrée aux musiques sacrées du XXe siècle sous l'égide de L'Orchestre des Pays de Savoie ; son chef, Nicolas Chalvin, retrouve Bernard Tétu et ses chœurs pour interpréter les répertoires de Benjamin Britten, Francis Poulenc et Gabriel Fauré. Finalement, il y aura un zeste de théâtre avec le Requiem de Salon organisé par Andrea Novicov, les 25 et 26 mars. Firouz-Elisabeth Pillet www.bonlieu-annecy.com «Secret», un spectacle de Johann Le Guillerm © Ph. Cibille a c t u a l i t é 67 s pec tac le les marionnettes de genève Chaperon Rouge Cartoon Le Théâtre des Marionnettes de Genève se fait un point d'honneur de faire des propositions de spectacles pour toutes tranches d'âge. Le très jeune public est convié à découvrir l'univers théâtral et marionnettique tout jeune. Ainsi, deux spectacles se partagent l’affiche en mars. tacle revisite un classique des contes pour enfants. Les marionnettes, réalisées par Pierre Monnerat, sont accompagnées par la musique d'Hélène Zambelli. Les costumes sont signés Ingrid Moberg, le tout baigné par la lumière d'Eric Carruzzo. Cette nouvelle version du célèbre conte mêle savoureusement comédie musicale, marionnettes à fils et dessin animé façon Tex Avery, un savoureux mélange de clins d'œils qui régaleront les plus jeunes et amuseront les adultes qui les accompagnent. Chaperon rouge cartoon confronte des personnages à leur rôle qu´ils ne veulent pas toujours tenir. Dérision, loufoquerie, pastiche, c´est l´humour à la sauce cartoon amplifié, voire décuplé. Le spectacle commence par un projet fou, celui concocté par un marionnettiste slave flanqué de son manager assistant. Tentés par l'univers hollywoodien, les deux compères scénarisent leur conte pour le grand écran, tel un blockbuster. Enfin, plus ou moins ... car les fils de l´histoire s’emmêlent. En même temps qu´ils concoctent leurs ressorts comiques et arrangent leurs effets, les marionnettistes comédiens suspendent le récit, pour mieux le faire dévier vers le burlesque et l´absurde. Entre comédie et loufoquerie, les images associent le noir-blanc des premiers dessins animés à des traces de rouge présentes sur tous les personnages. Un spectacle jubilatoire à partager entre générations ! Des représentations destinées aux personnes sourdes et malentendantes auront lieu mercredi 12 mars à 15h et mercredi 19 mars à 15h. Firouz-Elisabeth Pillet www.marionnettes.ch «Nota Bébés» © Cédric Vincensini Ainsi, le TMG propose, depuis le 17 février et jusqu'au 2 mars, Nota Bébés, un spectacle du directeur des lieux, Guy Jutard, interprété par Sandrine Girard qui manipule des marionnettes réalisées par Annemarie Roth-Baud. Dans cet univers onirique, peu de mots sont nécessaires puisque les marionnettes parlent d'elles-mêmes; la comédienne fait vibrer les cordes de son violon. Les cordes sont frottées, caressées, pincées au gré des personnages qui évoluent et s´agitent sur les fils, accompagnés par les ritournelles du violon. Tous les sens des tout-petits sont sollicités. Du 5 au 26 mars 2014, le TMG reprend une création de son répertoire, Chaperon Rouge Cartoon, un spectacle burlesque avec des marionnettes à fils longs. Dans un texte, une mise en scène et une scénographie signés Guy Jutard, interprété par Liviu Berehoï et Guy Jutard, avec de brillants et facétieux comédiens dirigés par Claude-Inga Barbey, ce spec- a c t «Chaperon rouge cartoon» © Cédric Vincensini u a l i t é e x p o s i t i o n s musée de l’élysée, lausanne Philippe Halsman Une technique impeccable au service d'un imaginaire époustouflant. « Je fais beaucoup de portraits et je les prends très au sérieux. Avec vérité et sans artifice je tâche de saisir l'essence-même du sujet. L'idéal serait de créer une image qui resterait dans l'histoire de façon que si la postérité se rappelle un grand homme, elle le verrait dans une image créée par mon appareil et ma vision. » Cette fois, c'est l'espace tout entier du musée de l'Elysée qui nous offre, pour notre plus grand bonheur, une sélection de 300 pièces de cet Américain d'origine lettone incontournable du 8ème art. Il n'en faut pas moins pour célébrer cette carrière exceptionnelle de quarante années, allant de la mode, des publicités, des commandes institutionnelles et privées aux fameux portraits. se pas moins de 101 couvertures pour Life, l'hebdomadaire d'actualités illustré par la photographie. Il remarque à ce propos : « (Cent couvertures, c'est) comme gagner cent fois une compétition de très haut niveau. J'ai dû réaliser quelque trois cents sujets pour ces couvertures.Une sur trois me semble être une moyenne plutôt bonne dans ma catégorie, mais certains échecs ont été des déchirements ». En 1943, à la tains de ses portraits sont devenus de véritables icônes. Albert Einstein, Winston Churchill (de dos), Marilyn Monroe, qu'il photographie à plusieurs reprises, captant son potentiel alors qu'elle n'est encore qu'une starlette. Son intention profonde, à chaque fois, est de saisir l'essence de la personne au-delà de son rôle social. En 1950, il crée la jumpology pour atteindre à des portraits spontanés et authentiques: au lieu de se concentrer sur leur image publique, les sujets pensent à leur saut, et les masques tombent. La réalisation reste simple techniquement : un Rolleiflex et un flash électronique. Mais il ne faut pas crever le plafond... Après avoir décliné l'offre en 1954, Marilyn se prend au jeu, exécutant en 1959 200 sauts pendant 3 heures pour atteindre le « saut parfait ». Jubilation Le lien avec d'autres artistes ne cesse de stimuler la créativité d'Halsman, voyez les épreuves chromographiques de la face d'Andy Warhol. Il réalise également des images promotionnelles pour Les Parfait cadrage L'exposition a été l'occasion Oiseaux d'Alfred Hitchcock et d'une première étude consacrée à Magnum Force avec Clint l'ensemble de son œuvre. Sont Eastwood. montrés des planches contacts, des Mais c'est avec Dali que les photomontages originaux, des tiradéfis créatifs touchent à la jubilages annotés, qui dévoilent pour tion : la salle du haut y est entièrenous les diverses expérimentations ment consacrée. « En trente années techniques et esthétiques que tente d’amitié, j’ai fait d’innombrables Halsman, pour qui la photographie photographies montrant le peintre est une expression à explorer éclaisurréaliste dans les plus improbarée par l'imagination. Ses écrits bles et incroyables situations. A montrent qu' il ne cesse de penser chaque fois que j’avais besoin sa pratique et ses images. d’un protagoniste marquant ou Dès 1930 à Paris, Halsman célèbre pour une de mes idées délirantes, Dalí acceptait généreusecollabore avec l'institut d'Elisabeth ment. A chaque fois que Dalí penArden, les revues Vogue, Vu et sait à une photographie si étrange Voilà, et expose à la galerie La qu’elle semblait impossible à proPléïade au cœur du Quartier latin, duire, j’essayais de trouver une où il est associé au mouvement de solution. «Pouvez-vous me faire la Nouvelle Vision. On remarque ressembler à Mona Lisa ?... immédiatement le cadrage de ses Philippe Halsman, Marilyn Monroe, 1959. Pouvez-vous faire un homme dont portraits concis et expressifs Musee de l’Elysee © 2013 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos une moitié ressemblerait à Dalí et (Malraux, Marc Chagall, Le Corbusier...), ainsi que ses études de têtes et faveur du portrait du candidat républicain à la l’autre moitié à Picasso ?» Je pouvais le faire et d'expressions sur des acteurs ou des clochards, présidence Wendell Willkie pour son livre One je le faisais. » World, il obtient que son nom soit mentionné admirablement éclairés. Catherine Graf En 1940, l'invasion allemande le contraint sur la couverture, inventant par là-même le créà émigrer à New York avec sa famille, qu'il peut dit photographique. Mais c'est bien par son impressionnante « Philippe Halsman, Etonnez-moi ! » au Musée de finalement rejoindre grâce à une lettre d'Albert Einstein à Eléanor Roosevelt. Très vite, la galerie de célébrités toutes catégories (indus- l'Elysée, Lausanne, du 29 janvier au 11 mai 2014 renommée de son studio s'étend. En trente ans, triels, scientifiques, écrivains, politiques, artisil travaille avec de nombreux journaux et réali- tes) qu'il reste dans les mémoires, puisque cer- a c t u a l i t é 69 expos ition fondation beyeler : odilon redon De l’ombre à la lumière Après l’exposition consacrée à l’artiste contemporain Thomas Schütte, pour laquelle le public ne s’est pas vraiment mobilisé, la fondation retourne à des valeurs plus sûres. Celles des pères fondateurs de l’art moderne, parmi lesquels Odilon Redon (1840-1916) occupe une place privilégiée. Pour la jeune génération, celle du groupe des Nabis, Pierre Bonnard, Edouard Vuillard, Maurice Denis, Redon a fonctionné comme un modèle. Ils voyaient en lui le père du symbolisme, donnant à son art une dimension spirituelle. Mais ce sera surtout sa conception de la couleur, à laquelle il confère une intensité et une autonomie toute particulière, qui lui vaudra l’admira- tion de la génération plus jeune. Une admiration partagée par Matisse, lui-même acquéreur de plusieurs pastels dont Fleur radieuse et La Mort de Bouddha. « Matisse raffole de Redon ; il en achète tant qu’il peut » remarquait Aristide Maillol, convaincu de son influence sur les jeunes artistes à qui « il a montré la voie ». En 2011, le Grand Palais à Paris rendait un bel et grand hommage à ce prince des rêves avec une rétrospective réunissant trois cents pièces. Dans la collection Beyeler, Odilon Redon est aux abonnés absents, ce qui n’a pas empêché Beyeler de croiser souvent cet artiste sur son chemin de marchand. Mais la raison essentielle pour justifier cette nouvelle exposition, c’est bien sûr le lien de Redon avec les artistes de la fondation. Ce que rappelle le commissaire de l’exposition Raphaël Bouvier. Une exposition « qui met l’accent sur les aspects pour ainsi dire avant-gardistes de l’art de Redon et, du même coup, sur l’éminente contribution qu’il a pu apporter simultanément à plusieurs des voies empruntées dans son développement par l’art du XX° siècle. Ces voies mènent à des artistes aussi différents que Pierre Bonnard, Henri Matisse, Pablo Picasso, Wassily Kandinsky, Piet Mondrian, Max Ernst, Barnett ou Ellsworth Kelly ». Des artistes qui constituent le noyau de la collection. Un monde onirique La présente exposition n’ambitionne pas d’être une rétrospective, ni même de respecter la chronologie. Il s’agit plus d’une présentation thématique qui tient compte des principales sphères d’intérêt de l’artiste et de ses innovations artistiques. Le parcours se construit de l’époque angoissée des Noirs, avec ses premiers fusains et lithographies, jusqu’à la profusion colorée, qui caractérise ses tableaux mythologiques mais aussi ses compositions florales, ses compositions sacrées, ou ses représentations de barques. On peut diviser l’œuvre de Redon en deux phases. Celle de 1870 à 1890, qui correspond à la période plus sombre, des travaux au fusain, les Noirs. Elle accueille le visiteur et les murs de couleur bleu nuit de la salle sur lesquels sont accrochés les sombres compositions de Redon viennent renforcer ce sentiment inquiétant et énigmatique. Redon est proche des milieux symbolistes, pour qui le rêve est le lieu de l’imagination artistique. Le monde, pour eux, ne saurait se réduire à sa seule connaissance rationnelle, il est un mystère à déchiffrer. Telle est la mission du poète ou du peintre, explorer les méandres de la pensée ésotérique, de l’âme humaine, empreinte des mécanismes du rêve. Dans son roman, A rebours (1884), livre culte du symbolisme, Joris-Karl Huysmans évoque l’artiste, le faisant ainsi découvrir à un public plus large. Etre artiste symboliste signifiait refuser l’imitation de la nature pratiquée par le réalis- 70 Odilon Redon, «La Mort de Bouddha», vers 1899. Pastel sur papier, 49 x 39.5 cm. Millicent Rogers Collection. Photo Davis A. Gaffga a c t u a l i t é me ou l’impressionnisme et chercher derrière le visible l’invisible. Dans cette période des Noirs, les motifs choisis par Odilon Redon sont les têtes coupées, les yeux isolés, les monstres hybrides, les phénomènes cosmiques circulaires. Dans l’étrange fusain Le Cube (1880), l’œil est enfermé dans un cube, qui plane dans le cosmos telle une planète stylisée sous forme de dé. Le Noyé (1884) célèbre les ténèbres solaires apocalyptiques. Dans ses Noirs, les formes hybrides correspondent à l’intérêt de Redon pour la théorie évolutionniste du darwinisme et la métamorphose des formes, dont L’Araignée souriante (1881) ou Fleur de marécage (1881) sont de beaux exemples. Que beaucoup de ses contemporains l’aient considéré comme « peintre des monstres » n’étonne donc guère. Il ne faut pas manquer non plus les onze planches lithographiques intitulé Dans le rêve (1879), qui témoigne de l’importance qu’avait pour Redon le monde onirique. Les Surréalistes ne s’y tromperont pas et afficheront leur filiation directe avec cet artiste. Exploration Après s’être consacré essentiellement au fusain et à la lithographie, Odilon Redon va explorer, dans les années 1990 d’autres techniques, l’huile et le pastel, prenant pour sujet les yeux clos et les scènes de nuits mystiques. Des techniques qui lui permettent d’introduire la couleur. Son œuvre Yeux clos (1894) annonce ce passage de l’ombre à la lumière. De même La Mort de Bouddha (1899) donne aux couleurs une intensité et une pureté uniques. Cette découverte de la force de la couleur trouve son point d’orgue avec les thèmes mythologiques tels que celui du Char d’Apollon dont sont présentées plusieurs versions. Dans son interprétation artistique du sujet, il rend hommage à son mentor Eugène Delacroix qui, un demi-siècle avant lui, avait traité le même sujet. Le char d’Apollon représente le triomphe de la lumière sur les ténèbres. Dans cette fête de la lumière, l’objet de la représentation se dissout peu à peu dans la couleur pure. Une salle regroupe le thème de la spiritualité et de la sacralité aussi bien chrétienne que bouddhiste. Que ce soit le Christ en croix (1895) d’où tout réalisme est absent et où le motif semble se dissoudre en pures surfaces chromatiques ou Le Bouddha (1905) dont il cherche à rendre l’instant précis de l’illumination, toutes ces peintures offrent par la délicate splendeur de la palette, une forme de sérénité méditative. Au contact du botaniste Armand Clavaud, a c t u Redon a observé la nature différemment de manière microscopique et précise mais en même temps, il a laissé libre cours à son imagination. Dans Papil-lons (1910), c’est une version poétique du botaniste qu’il nous est donné de voir, dans laquelle il exprime que l’origine de la vie terrestre est aquatique. Une toile tout en contraste Odilon Redon «Martyr» ou «Tête de martyr sur une coupe» avec le caractère ou «Saint Jean», 1877 pesant et sombre des Charbon sur papier, 36,6 x 36,3 cm. Musée Kröller-Müller, Otterlo Photo: Collection Musée Kröller-Müller, Otterlo rochers auquel s’oppose la douceur, la légèreté, les couleurs somptueuses des tent les harmonies chromatiques, qui exercent sur le spectateur « une force contemplative papillons. presque méditative », souligne le texte du comDans son œuvre tardive, Odilon Redon a missaire. découvert le champ d’expérimentation du genre Le Musée d’Orsay s’est montré particulièrede la nature morte de fleurs. Une salle a été ment généreux avec neuf œuvres prêtées dont réservée au centre du parcours, qui présente de plusieurs panneaux muraux décoratifs, réalisés somptueux bouquets. Peu importe à l’artiste la pour la salle à manger du château du Baron de précision botanique. Il y va plus de l’explosion Domecy en Bourgogne, et qui sont placés dans chromatique. « L’art est une fleur qui s’épale foyer pour accueillir le visiteur. Même si des nouit librement, hors de toute règle », écrit l’aréléments de la nature sont reconnaissables, tiste. Le sujet peu sembler mièvre mais ces boucomme des troncs d’arbre, des feuilles, des bourquets dont beaucoup proviennent de collections geons de fleurs, Redon dépasse le narratif orneprivées (Bouquet sur fond noir (1905), Fleurs mental et ouvre la voie vers une première forme (1909), Le grand vase turquoise (1910)) sont à d’abstraction. C’est aussi dans cette expression voir comme un hommage à la couleur pure. que s’inscrit la modernité de l’artiste. Harmonies chromatiques Les portraits que réalisent Redon après 1900 sont généralement des œuvres de commande. Il ne s’agissait pas seulement pour lui de rendre l’aspect extérieur du modèle mais surtout l’essence de cet être humain. Trois portraits ont été réunis sur un mur : Mademoiselle de Gonet (1907), Portrait de Mademoiselle Chaine (1903) et Femme au corsage fleuri (1912) dans lesquels il recourt au motif des fleurs, évoquant ainsi une interaction de l’être humain et de l’univers floral. On sait combien l’eau a inspiré les impressionnistes. Odilon Redon traite le même sujet, se servant du motif de la barque, qui dérive sur une mer calme, en route vers une destination inconnue. Aussi ni le lieu, ni le temps, ni les personnages n’ont d’importance. Seules comp- a l i t Que le visiteur ne boude pas son plaisir, puisque c’est à une belle promenade dans l’œuvre d’Odilon Redon, qu’il est convié. Mais après avoir lu l’introduction du catalogue, qui analyse les influences de Redon sur les Nabis, Matisse, Yves Klein, Picasso, Kandinsky, Mondrian, Kelly, Duchamp, on peut se demander s’il n’eût pas été plus intéressant de composer le parcours de l’exposition en intégrant les œuvres de tous ces artistes, qui doivent tant à Odilon Redon. L’exposition aurait alors gagné en substance, en originalité et en nouveauté. Régine Kopp Jusqu’au 18 mai 2014 www.fondationbeyeler.ch é 71 expos itions en FRANCE Grenoble Annemasse Villa du Parc : La République - medio l tutissimus ibis. Jusqu’au 22 mars. Annecy La Turbine-CCSTI : Les doigts dans l le cerveau. Jusqu’au 30 mars. Baux-de-Provence Carrières de lumières : Klimt et l Vienne. Un siècle d’or et de couleurs. Jusqu’au 4 janvier 2015 Biot Musée national Fernand Léger : Fernand Léger, reconstruire le réel. 1924-1946. Jusqu’au 2 juin l Carcassone Musée des Beaux-Arts de l Carcassonne : Corot dans la lumière du Nord. Jusqu’au 21 mai. 72 Evian Palais Lumière : Joseph Vitta l Passion de collection. Jusqu’au 1er juin. l Bibliothèque d’étude et d’infor- mation : Paroles de palette. Diodore Rahoult (1819-1874). Jusqu’au 1er avril l Magasin-Centre national d’art contemporain : Ericka Beckman Works 1978-2013 / Philippe Decrauzat - «Notes, Tones, Stone» / Blair Thurman. Jusqu’au 4 mai. l Musée de l’Ancien Évêché : Paroles de palette. Diodore Rahoult (1819-1874). Jusqu’au 1er avril. Le Havre Musée d’Art moderne André l Malraux : Le siècle d’or de la peinture danoise : une collection française. Jusqu’au 11 mai. Lens Le Louvre : Les Etrusques et la l Méditerranée. La cité de Cerveteri. Jusqu’au 10 mars. Voir le Sacré. Jusqu’au 21 avril. Lille Musée d’Art moderne : Meret l Oppenheim. Rétrospective. Jusqu’au 1er juin. franc e Lodève Musée de Lodève : Bonnard, l Renoir, Vuillard / la Collection Arkas. Juqu’au 30 mars Lyon Musée des beaux-arts : Tony l Garnier et l’Exposition internationale de 1914. Jusqu’à fin mars. Marseille Centre de la Vieille Charité : l Visages, Picasso, Magritte, Warhol. Jusqu’au 22 juin. l MuCEM : Splendeurs de Volubilis Bronzes antiques du Maroc et de Méditerranée. Du 12 mars au 25 août. Des artistes dans la cité. Du 15 mars au 8 septembre. Le Monde à l’envers Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée. Du 26 mars au 25 août. Metz Centre Pompidou-Metz : Paparazzi ! Photographes, stars et artistes. Jusqu’au 9 juin. l Montéliard Musée du château des ducs de Wurtemberg : Jules-Emile Zingg à Perros-Guirec. Voyage japonisant d’un peintre montbéliardais en Bretagne (1914-1930). Jusqu’au 23 mars. Montpellier Musée Fabre : François-André l Vincent, 1746-1816, un peintre entre Fragonard et David. Jusqu’au 11 mai. St.Paul de Vence Fondation Maeght : « Djamel l Tatah » - Monographie. Jusqu’au 16 mars Sèvres Musée de la Céramique : l Picasso céramiste et la Méditerranée. Jusqu’au 19 mai Strasbourg Musée d’Art Moderne et l Contemporain : Doré & Friends. Jusqu’au 25 mai. Valenciennes Musée des Beaux-Arts : l Constant Moyaux (1835-1911). Jusqu’au 23 mars. l Centre Pompidou-Metz Paparazzi ! Le Centre Pompidou-Metz consacre une exposition pluridisciplinaire sans précédent au phénomène et à l’esthétique de la photographie paparazzi à travers plus de 600 œuvres (photographies, peintures, vidéos, sculptures, installations…). Parcourant un demi-siècle de photographies de stars, l’exposition se penche sur le métier de chasseur d’images, en abordant les rapports tout aussi complexes que passionnants qui s’établissent entre le photographe et la célébrité, jusqu’à révéler l’influence du « phénomène paparazzi » sur la photographie de mode. En associant les grands noms de la discipline, tels Tazio Secchiaroli, Ron Galella, Rostain et Mouron, à des oeuvres de Richard Avedon, Raymond Depardon, William Klein, Gerhard Richter, Cindy Sherman ou encore Andy Warhol, qui se sont interrogés sur ce mythe moderne, l’exposition «Paparazzi ! Photographes, stars et artistes» a pour ambition de définir les caractéristiques d’une esthétique paparazzi. Le métier de paparazzi est plus complexe qu’il n’y paraît. Les paparazzi se doivent d’être ingénieux. Chacun d’entre eux possède ses trucs et ses anecdotes, autant d’éléments fondateurs du grand récit du « paparazzisme ». Les cibles sont majoritairement des incarnations de la féminité : Brigitte Bardot, Jackie Kennedy-Onassis, Liz Taylor, Stéphanie et Caroline de Monaco,… Toutefois, ces stars ne sont pas toujours les victimes passives des paparazzi... elles peuvent également entrer dans le jeu du photographe en se montrant réceptives, voire complices. L’esthétique paparazzi (la prise de vue au téléobjectif, le grain de l’agrandissement, le coup de flash, etc.) a inspiré quantité d’œuvres à des artistes contemporains, tels Viktoria Binschtok, Malachi Farrell, Kathrin Günter, Alison Jackson, ou encore Armin Linke. . A voir jusqu’au 9 juin Martin Xavier «Jack Nicholson en bateau, Saint-Tropez», juillet 1976 © Martin Xavier a g e n d a expos itions en europe Albertina, Vienne De Dürer à Napoléon Pour son exposition de printemps, l’Albertina propose de se pencher sur les origines du musée, sous le thème « De Dürer à Napoléon » et, pour la première fois, accroche à ses cimaises environ 200 chefs-d’œuvre sortis de sa collection et liés à l’histoire de ses fondateurs, le Prince Albert de Saxony, le Duc de Teschen et l’Archiduchesse Marie Christine. Cette présentation à grande échelle réunit les points culminants de la collection, de Michelangelo à Rembrandt et de Rubens à Caspar David Friedrich. Elle s'étend plus précisément de 1738 à 1822 : du Baroque sous Maria Theresia au Siècle des Lumières sous Joseph II, pendant la période prémoderne et les années des révolutions en Amérique, et en Europe à la période Biedermeier du Vormärz (les années menant jusqu'aux révolutions de 1848 en Allemagne) après le Congrès de Vienne. Albrecht Durer, «Lievre», 1502 © Albertina, Vienne La pièce maîtresse de l'Albertina, le célèbre «Jeune Lièvre» de Dürer, sera à nouveau accessible au public dans le contexte de cette exposition. Les incursions dans la vie des fondateurs de la collection présentent les principaux centres d'art et de politique et fournissent un aperçu des réseaux des marchands d'art, de la vie féodale de l'aristocratie européenne, aussi bien que la réorientation politique et intellectuelle sous les auspices du Siècle des Lumières. . A voir du 14 mars au 29 juin 2014 AILLEURS Bologne Palazzo Fava : «La Jeune fille à la l perle». L’Age d’or de la peinture hollandaise. Jusqu’au 25 mai. Bruxelles Palais des Beaux-Arts : Zurbarán. l Maître de l’âge d’or espagnol. Jusqu’au 25 mai. Michaël Borremans. Jusqu’au 3 août Ferrare Palazzo dei Diamanti : Matisse. La l silhouette. La force de la ligne, l’émotion des couleurs. Jusqu’au 15 juin Florence CCC Strozzina : Contexte familial. l Portaits et expériences de familles d’aujourd'hui. Du 20 mars au 20 juillet l Galleria del Costume : Le chapeau entre art et extravagance. Jusqu’au 18 mai. l Palazzo Strozzi : Pontormo et Rosso. Les divers chemins du Maniérisme. Du 8 mars au 20 juillet. l Villa Bardini : Photographies de 1975 à 2013. Jusqu’au 16 mars. a g Forli Musée San Domenico : Liberty. l Un style pour l’Italie moderne. Jusqu’au 15 juin. 73 Rembrandt Harmensz. von Rijn, «Un elephant», 1637. Albertina, Vienne Tate Modern : Paul Klee - Making Visible. Jusqu’au 9 mars. l Victoria & Albert Museum : L’art perdu de l’écriture. Jusqu’au 30 juin. Dessins britanniques - De 1600 à nos jours. Jusqu’au 13 avril l Francfort Städelmuseum : Emil Nolde, Madrid Fondation Mapfre : Pontormo, l rétrospective. Du 5 mars au 15 juin Londres British Museum : V IKINGS - vie et légende. Du 6 mars au 22 juin. Au-delà de l’Eldorado. Pouvoir et or dans l’ancienne Colombie. Jusqu’au 23 mars. Hommes sages de l'est. Les traditions zoroastriennes en Perse et au-delà. Jusqu’au 27 avril. l Courtauld Gallery : Un dialogue avec la nature. Paysages romantiques de Grande-Bretagne et d’Allemagne. Jusqu’au 27 avril. l Estorick Collection of Modern Italian Art : Giorgio de Chirico Mythe and Mystère. Jusqu’au 11 mai l National Gallery : Etrange beauté - maîtres de la Renaissance allemande. Jusqu’au 11 mai l Queen’s Gallery, Buckingham Palace : Castiglione, génie perdu. Jusqu’au 16 mars. l Royal Academy : Frar. Jusqu’au l e n l dessins. Jusqu’au 11 mai. l Musée du Prado : Les Furies. De Titien à Ribera. Jusqu’au 4 mai. Rubens - Le Triomphe de l'Eucharistie. Du 25 mars au 29 juin l Musée Thyssen-Bornemisza : Cézanne. Jusqu’au 18 avril. Darío de Regoyos (1857-1913). Jusqu’au 1er juin Milan Galleria Gruppo Credito Valtellinese : Franco Grignani. Jusqu’au 15 mars l Escher. Paradoxes graphiques entre arts et géométrie. Jusqu’au 23 mars. Rome Galerie d’art contemporain : À tral vers Rodin. La sculpture italienne de la première moitié du XXe siècle. Jusqu’au 18 mai. l Museo di Roma : Dessins d’architecture du XVIIIe. Jusqu’au 31 mars. l Palazzo Cipolla : Modigliani, Soutine et les artistes maudits. La collection Netter. Jusqu’au 6 avril. Rovigo Palazzo Roverella : L’obsession norl dique. Böcklin, Klimt, Munch et la peinture italienne. Jusqu’au 21 juin. Venise Peggy Guggenheim Collection: l Themes & Variations. The Empire of Light. Jusqu’au 14 avril. Ravenne Vienne Musée d’art de la Ville : Le charme Albertina Museum (Albertinapl.) l l de la fresque. Chefs-d’œuvres détachés de Pompeï à Giotto et de Corrège à Tiepolo. Jusqu’au 15 juin. DE DÜRER À NAPOLÉON. Du 14 mars au 29 juin. l Belvedere : VIENNA - BERLIN. L’Art de deux villes. Jusqu’au 15 juin. Rita Vitorelli. Du 13 mars au 6 avril Reggio Emilia Palazzo Magnani : L’énigme l d a expos itions Genève Art & Public (Bains 37) Franz l 74 West. Du 20 mars au 11 avril. l Bibliothèque d’art et d’archéologie (Promenade du Pin) Les livres de photographes - Un musée de papier pour l’image. Jusqu’au 31 mai. l Blancpain Art Contemporain (Maraîchers 63) Jérôme Leuba, Yves Mettler. Jusqu’au 15 mars. Sarah Burger / Pascal Danz. Du 20 mars au 2 mai. l Blondeau & Cie (Muse 5) Adel Abdessemed. Du 20 mars au 3 mai l Cabinet d’Arts graphiques (Promenade du Pin 5) Not Vital. Jusqu’au 13 avril. l Centre d'Art Contemporain (Vieux-Grenadiers 10) Robert Overby & Nicole Miller. Jusqu’au 27 avril. l Centre de la Photographie (Bains 28) Max Regenberg & Emmanuelle Bayart. Jusqu’au 23 mars. l Ferme de la Chapelle, GrandLancy (39, rte de la Chapelle) Francisco Sepulveda et Serge Cantero / L’envers du miroir. Du 1er au 30 mars. l Fondation Bodmer (Cologny) Wagner ou l’opéra hors de soi. Jusqu’au 23 février l Gagosian Gallery (Longemalle 19) Rachel Whiteread. Jusqu’au 22 mars. l Galerie Bärtschi (rte des Jeunes 43) Cornelia Parker. Jusqu’au 21 mars. Fabian Marti. Du 25 mars au 16 mai. l Galerie S. Bertrand (Simplon 16) Sam Kaprielov. Jusqu’au 5 avril. l Galerie Patrick Cramer (VieuxBillard 2) Kira Weber. Jusqu’au 1er mars. Antonio Saura. Du 20 mars au 17 mai. l Galerie Anton Meier (Athénée 2) Roger Chappellu. Jusqu’au 26 avril l Galerie Skopia (Vieux-Grenadiers 9) Thomas Huber. Du 20 mars au 10 mai. l Maison Tavel (Puits-St-Pierre 6) Qu’as-tu appris à l’école ? La Criée a 25 ans. Jusqu’au 16 mars. l Mamco (Vieux-Granadiers 10) Cycle Des Histoires sans fin, séquence printemps 2014. Jusqu’au 18 mai. l Milkshake Agency (24, Montbrillant) Simone Holliger. Jusqu’au 25 mars. l Musée Ariana (Av. Paix 10) Terres d’Islam - L’Ariana sort de ses réverves II. Jusqu’au 31 août l Musée d’art et d’histoire (Ch.Galland 2) Corps et Esprits. Regards croisés sur la Méditerranée antique. Jusqu’au 27 avril. en Musée Barbier-Mueller (J.-Calvin 10) Découvrez les Baga. Jusqu’au 30 mars. l Musée Rath (pl. Neuve) Héros antiques. La tapisserie flamande face à l’archéologie. Jusqu’au 2 mars. l Musée de la Réforme (Maison Mallet) Enfer ou paradis, aux sources de la caricature. Jusqu’au 16 février. l Saint-Gervais Genève (r. Temple) La porte du non-retour, une exposition de Philippe Ducros. Jusqu’au 9 mars l Villa Bernasconi (8, rte Gd-Lancy) Un temps sur mesure / Esther Ferrer, La Ribot, Olga de Soto, Olga Mesa & Francisco Ruiz de Infante. Jusqu’au 23 mars. l Lausanne Collection de l’Art brut (Bergières l 11) Véhicules. Jusqu’au 27 avril l Fondation de l’Hermitage (2, rte Signal) Le goût de Diderot. Greuze, Chardin, Falconet, David.... Jusqu’au 1er juin l Mudac (pl. Cathédrale 6) Le verre s uis s e vivant. Acquisitions récentes de la collection d'art verrier. Jusqu’au 16 novembre. l Musée cantonal des beaux-arts (pl. Riponne) Giacometti, Marini, Richier. La figure tourmentée. Jusqu’au 27 avril. l Musée de l’Elysée (Elysée 18) Philippe Halsman, Etonnez-moi ! Jusqu’au 11 mai. Chaux/Fonds Musée des beaux-arts : L’art l belge entre rêves et réalités. Chefs-d’œuvre du Musée d’Ixelles. Du 9 mars au 1er juin Fribourg Espace Jean Tinguely-Niki de l Saint Phalle : Corps en jeu / la collection du MAHF. Jusqu’au 24 août. Lens / Crans Fondation Pierre Arnaud l : Divisionnisme. Jusqu’au 22 avril. Martigny Fondation Pierre Gianadda : La l Beauté du corps dans l'Antiquité grecque. Jusqu’au 9 juin. l Fondation Louis Moret (Barrières 33) Jean Scheurer - Zone grise. Jusqu’au 24 mars. l Le Manoir de la Ville : Show Showed Shown. Du 6 mars au 13 avril Neuchâtel Centre Dürrenmatt (Pertuis du Saut l 74) Balades avec le Minotaure. Jusqu’au 9 mars. l Laténium (Hauterive) Fleurs des Pharaons. Jusqu’au 2 mars 2014. l Musée d'art et d'histoire (espl. Léopold-Robert 1) Argent - Jeux Enjeux. Jusqu’au 31 août. Romont VitroMusée : Le monde sous l verre de Fride WirtlWalser. Jusqu’au 20 avril. Musée Jenisch, Vevey Manon Bellet La prochaine exposition du musée Jenisch se penche sur l’œuvre d’une artiste née à Vevey en 1979, mais vivant et travaillant à Berlin. Manon Bellet a reçu carte blanche pour organiser, sous l’intitulé «L’onde d’une ombre», sa première exposition dans un musée suisse, une exposition qui bénéficie de la collaboration du Kunstmuseum Solothurn. Dans ses installations monumentales, ses œuvres en série ou ses vidéos, Manon Bellet témoigne d’une affection particulière pour le papier. Opaque ou transparente, froissée ou déchirée, lentement disloquée au contact du feu ou frémissant au contact de l’air, la page se meut et se Manon Bellet, «Imageries du hasard», 2010, papier fax insolé, transforme sous l’impulMusée Jenisch Vevey, don de la Fondation Lélo Fiaux sion de l’artiste qui explore, ainsi, ses nouvelles vies possibles. Légers ou opalescents, les papiers thématisent la fragilité de l’existence, la mémoire et la ruine. à l’occasion de son exposition, une monographie paraît aux éditions The Greenbox, Berlin. . A voir du 21 mars au 1er juin 2014 Visite guidée : Jeudi 27 mars à 18h30 - Avec Julie Enckell Julliard, commissaire de l’exposition, et Manon Bellet a g e n d a expos itions en PhotoforumPasqu’Art : Beat Schweizer & Thomas Kneubühler. Jusqu’au 20 avril. l Kunstmuseum, Winterthur Gerhard Richter Le Kunstmuseum de Winterthur propose actuellement une double exposition consacrée à Gerhard Richter. Un artiste qui, rappelons-le, aura bientôt son propre musée au Japon. La première, intitulée «Rubans et verre», est consacrée aux nouveaux moyens d’expression que l’artiste a développés au cours des dernières années; les œuvres qui en résultent - peintures à la laque sur verre, sculptures de verre de grandes dimensions... - sont exposées pour la première fois dans un musée, et c’est Gerhard Richter lui-même qui en a conçu la présentation. . A voir jusqu’au 21 avril 2014 Gerhard Richter «Flow (933-3)», 2013. Laque sur verre, monté sur Alu-Dibond, 100 x 200 cm © Gerhard Richter, Köln 2013 En parallèle, le musée présente sa collection d’œuvres sur papier de Gerhard Richter, un ensemble extraordinaire aujourd'hui. Cette collection comprend des dessins des années 1960 jusqu'à 1999, des aquarelles et des peintures dans des couleurs à l'huile sur le papier ou sur des photos. Elle est complétée avec les cycles l'Elbe et novembre, un travail de jeunesse et un ouvrage tardif qui se correspondent de manière surprenante. . A voir jusqu’au 27 juillet 2014 Gerhard Richter «10.11.1995», 1995 Couleurs à l’huile sur papier, 41.8 x 29.7 cm. Kunstmuseum Winterthur Vevey Alimentarium : Délices d’artisl tes. L’Imaginaire dévoilé des natures mortes. Jusqu’au 30 avril. l Musée Jenisch : Manon Bellet / L’onde d’une ombre. Du 21 mars au 1er juin l Musée suisse de l’Appareil photographique (Grand Place) Bernard Dubuis, Tant et temps de passages. Du 21 mars au 30 août. OUTRE SARINE Aarau Aargauer Kunsthaus : Veronika l Spierenburg - Prix Culturel Manor 2013 & Matthias Wyss. Jusqu’au 21 avril Bâle Antikenmuseum l Basel (St. Alban-Graben 5) Comment être un homme? Le sexe fort dans l'antiquité. Jusqu’au 30 mars. a g Cartoon Museum (St. AlbanVorstadt 28) Le monde selon Plonk & Replonk. Du 22 mars au 22 juin. l Fondation Beyeler (Riehen) Odilon Redon. Jusqu’au 18 mai. l Kunsthalle : Ross Birrell et David Harding – Winter Line. Jusqu’au 23 mars. Rita Ponce de León – Endless openness produces circles. Jusqu’au 30 mars. l Kunstmuseum (St. Alban-Graben 16) Les masques intriguées - James Ensor. Du musée royal d'Anvers et dans les collections suisses. Jusqu’au 25 mai. Kasimir Malewitsch - Le monde comme nonfiguration. Jusqu’au 22 juin l Museum für Gegenwartskunst (St. Alban-Rheinweg 60) Le Corbeau et le Renard. Révolte de la langue avec Marcel Broodthaers. Du 22 mars au 17 août. l Cartoonmuseum (St. AlbanVorstadt 28) Les Aventures de la Ligne claire. L'affaire Herr G. & Co. Jusqu’au 9 mars. l HMB - Museum für Musik / Im Lohnhof (Im Lohnhof 9) pop@bâle. l e n s uis s e La musique pop et rock depuis les années 1950. Jusqu’au 29 juin. l Musée Tinguely (Paul SacherAnlage 1) Objets ludiques. L'Art des possibilités. Jusqu’au 11 mai. l Spielzeug Welten Museum : Marilyn privée: l'être humain derrière le concept Monroe. Jusqu’au 6 avril. Berne Centre Paul Klee (Monument im l Fruchtland 3) Hanna Bekker vom Rath, promotrice de l'art moderne. Jusqu’au 23 mars. Paul Klee – Vie et Œuvre. Jusqu’au 30 mars. l Musée des Beaux-Arts (Hodlerstr. 8-12) Rétrospective Germaine Richier. Jusqu’au 6 avril. Hieronymus Grimm (1733-1794), illustrateur et caricaturiste. Jusqu’au 21 avril. Markus Raetz. Estampes et sculptures. Jusqu’au 18 mai. Bienne CentrePasqu’Art (fbg Lac 71-75) l Barbara Probst & Telling Tales. Jusqu’au 6 avril. d a Warth Kunstmuseum Thurgau : Joseph l Kosuth. L’existence et le monde. Jusqu’au 24 août. Weil / Rhein Vitra Design Museum : Konstantin l Grcic - Panorama. Du 22 mars au 14 septembre. Winterthur Fotomuseum (Grüzenstr. 44) l Surfaces. Nouvelle photographie de la Suisse. Du 8 mars au 24 août. Deposit, projet de Yann Mingard. Du 8 mars au 25 mai. l Fotostiftung Schweiz (Grüzenstr. 45) Iren Stehli - Si près, si loin. Du 8 mars au 25 mai. l Kunstmuseum (Museumstr. 52) Gerhard Richter - Lignes et verre. Jusqu’au 20 avril. Gerhard Richter Travaux sur papier de la collection. Jusqu’au 27 juillet. l Museum Oskar Reinhart (Stadthausstr. 6) Les peintres de Winterthur à travers les siècles. Jusqu’au 1er juin. l Villa Flora (Tösstalstr. 44) Chefsd’œuvre de la collection Hahnloser / Jaeggli : Bonnard, Van Gogh, Vallotton.... Jusqu’au 27 avril. Zurich Haus Konstruktiv l : Victor Vasarely – La redécouverte du peintre. Jusqu’au 18 mai. l Kunsthalle : Tobias Madison. Jusqu’au 24 mars. Ed Atkins Slaves et Tatares. Jusqu’au 11 mai. l Kunsthaus (Heimpl.1) De Matisse au Cavalier bleu - l’expressionnisme en Allemagne et en France. Jusqu’au 11 mai. Alberto Giacometti. Jusqu’au 25 mai. l Landesmuseum : Contes, magie et Trudi Gerster. Jusqu’au 11 mai. l Museum Bellerive (Augustinergasse 9) Henry van de Velde – Intérieurs. Jusqu’au 1er juin. l Museum für Gestaltung (Austellungsstr. 60) Galerie : Vintage – Design with a History. Jusqu’au 6 avril. Halle : Affiches d'artistes japonais - Fleurs de cerisier et ascétisme. Jusqu’au 25 mai. l Museum Rietberg (Gablerstr. 15) Art de la Côte d’Ivoire. Jusqu’au 1er juin. Baldaquins pour la déesse. Art textile en Inde. Jusqu’au 13 avril. Un jardin secret - Peinture indienne de la collection Porret. Du 18 mars au 29 juin. 75 expos ition musée des beaux-arts de lausanne : la figure tourmentée Giacometti, Marini, Richier Quelles belles têtes d’affiche le mcb-a de Lausanne offre au public ! L’idée de regrouper ces trois artistes majeurs, nés pratiquement la même année soit en 1901 et 1902, est particulièrement judicieuse car ils se sont en effet croisés à plusieurs moments clés de leur carrière. L’exposition montre comment chacun, souvent à rebours des mouvements d’avant-gardes, propose une nouvelle image de l’homme. 76 Les questions de la perception du corps, de l’expression de l’échelle, de la traduction du mouvement, ou encore du rapport entre les figures et l’espace constituent un intérêt partagé par les trois plasticiens. Mais il existe un autre dénominateur commun ; ils ont tous été sous l’influence du sculpteur français Antoine Bourdelle, élève et héritier spirituel de Rodin. Albert Giacometti suit les cours de Bourdelle à l’Académie de la Grande Chaumière, de 1922 jusqu’en 1925. Germaine Richier y arrive dès 1926 et devient son élève particulière, puis en 1929, année de la mort de Bourdelle, elle épouse son principal collaborateur, le sculpteur zurichois Otto Charles Banninger. Marino Marini quant à lui ne suit pas l’enseignement de Bourdelle, mais durant la guerre il s’exile en Suisse et fréquente Giacometti (qui a quitté Paris pour Genève dès décembre 1941), Otto Charles Banninger et Germaine Richier, avec laquelle d’ailleurs il expose au Kunstmuseum de Bâle en 1944, puis l’année suivante à la Kunsthalle de Berne. Au-delà des liens d’amitié qui ont pu se tisser entre eux durant ces temps de conflit et d’exil, se forge également une communauté d’esprit guidant leurs recherches respectives dans la réinterprétation de la figure humaine. Une matière tourmentée Alberto Giacometti, «Homme qui chavire» [Taumelnder Mann], 1950, Bronze, 60 × 22 × 36 cm. Paris, Musee d’Orsay, Depot im Musee Granet/Aix-en-Provence, Schenkung Philippe Meyer, 2000. Guss 3/6. © Succession Alberto Giacometti / 2013, ProLitteris, Zurich Photo : RMN-Grand Palais / Michele Bellot a c t u a A travers un parcours réunissant quelque septante sculptures et œuvres graphiques, disposées dans des espaces neutres et dégagés, propres à la contemplation optimale des œuvres, et surtout sans aucune scénographie branchée venant surcharger le propos, l’exposition présente sobrement les réponses que les trois artistes offrent à la postérité, dans un contexte dominé par l’abstraction lyrique ou géométrique. Qu’elles soient modelées dans la terre, le plâtre ou coulées dans le bronze, les sculptures de Giacometti, Richier et Marini tourmentent la matière dans une sorte de confrontation aussi physique que métaphysique avec la tradition naturaliste. Aussi leurs têtes, bustes, figures en pied ou portraits équestres puisent-ils à la fois aux sources de la statuaire antique comme à celles de l’imaginaire populaire, mais avec l’idée de créer un univers formel qui soit en mesure de combiner les canons classiques avec la nouvelle esthétique de la fragmentation issue des recherches cubistes et constructivistes. Après son exclusion du groupe surréaliste en 1935, Giacometti retourne à la figuration et s’engage sur une voie qui l’amène à explorer la vision proche et éloignée, une perception qui se l i t é expos ition Germaine Richier, «La Mante», 1946, bronze, 158 × 56 × 78 cm. Geneve, Galerie Jacques de la Beraudiere. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Droits reserves bronze 1959) de Marino Marini, en passant par l’Orage (bronze, 1947-48) ou La Mante (bronze, 1949) de Germaine Richier, la mise en perspective des trois artistes illustre un momentum de l’histoire de la sculpture moderne. Ajoutons que la présence en contrepoint d’œuvres de Degas, Maillol, Dubuffet, Fautrier, Vieira da Silva, contribuent à alimenter la réflexion sur les enjeux stylistiques et esthétiques de l’époque, soumis à l’épreuve de l’abstraction. Enfin, l’imposante Tête d’Apollon, réalisée par Antoine Bourdelle en 1900, complète ce riche corpus ; une pièce commencée alors qu’il était encore actif dans l’atelier de Rodin et qui annonce déjà la rupture avec les tourments romantiques de son mentor. La synthèse formelle et constructive opérée par Bourdelle sera au cœur de son enseignement : « Quand une sculpture est faite comme je vous le dis, ce n’est pas la ressemblance que vous obtenez, c’est de la présence », tel est le message qu’il délivrait à ses élèves (cité dans le catalogue de l’exposition: Giacometti, Marini, Richier. La figure tourmentée, mcb-a Lausanne, Ed. 5 Continent, p. 100). Françoise-Hélène Brou Giacometti, Marini, Richier. La figure tourmentée. Jusqu’au 27 avril 2014, Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne, Palais de Rumine Place de la Riponne 6. fige sur les détails et qu’il conjugue à une extrême réduction formelle. Chez Richier la fragmentation opère par mutilation et hybridation, procédé qui aboutit à une sorte de naturalisme baroque où les forces élémentaires, organiques et animales, s’opposent et se superposent à la rationalité géométrique. L’approche de Marini reflète son intérêt pour la statuaire de l’Antiquité et de la Renaissance, mais avec lui la simplification des formes, la tension des masses et des lignes en arêtes, expriment la vision dramatique d’une humanité en voie de disparition, un sentiment qui ressort dans son travail sur le bronze, après la fonte, par lequel il obtient des effets saisissants de fossilisation. De l’Homme qui chavire (bronze, 1950) d’Alberto Giacometti au Cavaliere (Cavalier, Marino Marini, «Il Grido» [Le Cri], 1962, bronze, 76,8 × 125,3 × 66,5 cm. Pistoia, Fondazione Marino Marini © 2013, ProLitteris, Zurich. Photo : Mauro Magliani a c t u a l i t é 77 p a r i s fondation henri cartier-bresson Veramente Guido Guidi Du 16 janvier au 27 avril 2014, la Fondation Henri Cartier-Bresson présente une importante exposition de Guido Guidi, figure majeure de la photographie contemporaine italienne. Pour la première fois en France, les quarante ans de carrière du photographe, pionnier du renouveau de la photographie de territoire, sont retracés. Sur deux étages, les expérimentations en noir et blanc des années soixante-dix côtoient les séries emblématiques couleur telles que In between cities, A New map of Italy ou Preganziol. «Puente la Reina, Espagne», 08.1995 © GuidoGuidi Ombre et lumière Architecte de formation, il considère son travail photographique comme une documentation sur la vie italienne à travers ses espaces « périphériques » et leur transformation, ce qui est contraire à la tradition photographique « culturelle » traditionnelle documentant les lieux et monuments classiques. Son travail du début, en noir et blanc, est déjà plus qu’un simple « répertoriage » : c’est une mise en image magnifique des différents plans d’ombre et de lumière. On retrouve cette même démarche dans son travail ultérieur en couleur. Il réalise ainsi ses premières enquêtes photographiques personnelles en Émilie-Romagne, à Ravenne, à Porto Marghera. Afin de documenter l’expansion de l’Union Européenne et les nouveaux territoires urbains, il n’hésite pas à s’éloigner. En 1993, il entre-prend avec l’architecte Marco Venturi un périple en Europe. Lors de trois voyages de deux semaines, ils suivent le maillage routier qui relie Saint- Pétersbourg à Finisterra (Espagne). Dans ces photographies, que l’on retrouve en partie au premier étage de l’exposition, Guidi s’intéresse aux espaces indéfinis entre les villes européennes, territoires en mouvement, sans cesse transformés par l’homme. Dans ces lieux, quelconques à première vue, qu’il nous dépeint avec un magnifique sens de la construction, figure toujours une présence humaine : enfants, adultes en groupes ou isolés, voitures garées, voire traces de passages récents tel un gant de caoutchouc oublié sur une route déserte. Il se dit avoir été dans ses débuts moins inspiré par la photographie que par la vision des réalisateurs italiens des années 50-60 dits « nouveaux réalistes », en particulier dans ses prises de vue de la périphérie urbaine. Pour lui, c’est là que peut se voir le passage entre le passé et le futur par les modifications qui s’y opèrent, mais toujours en la présence d’objets et de détails contemporains. Christine Pictet Jusqu’au 27 avril 2014 «Fosso Ghiaia, Italie», 1971 © Guido Guidi a c t u a l i t é 79 p a r i s opéra Fanciulla sans western La Fanciulla del West fait une entrée fracassante à la Bastille, dans une production particulièrement remarquable. Son originalité semble choquer les habitudes d’une portion du public, dérangée dans son confort, mais les bravos, en cadence, finissent par l’emporter. Succès mérité ! 80 A la Bastille : «La Fanciulla del West», vue d'ensemble avec Alexandre Duhamel (Jack Wallace) en blanc au-dessus de la scène. Crédit : Opéra national de Paris/ Charles Duprat L’opéra, l’un des derniers de Puccini, est peu fréquent sur les scènes lyriques. Sort injuste. Désormais réparé, avec un certain panache. L’opéra souffre apparemment de son sujet, campé dans l’Ouest des chercheurs d’or, avec ses cow-boys, son shérif, ses bandits mexicains, son héroïne amoureuse et tenancière de tripot : un western ! Ce pittoresque trop connotée a dû par la suite nuire à l’œuvre. Si ce n’est qu’en 1910, année de sa création au Met de New York, le western n’était pas encore né. Reste une des grandes ambitions de Puccini, une musique savante pour l’orchestre, un traitement original (avec sa fin heureuse, qui contredit les schémas du vérisme), achevés en grand envol lyrique qui préfigure le prochain Turandot. Pour le metteur en scène, c’est aussi un piège : éviter le chromo (du western précisément, et qui porterait facilement à la dérision), tout en gardant le climat. Nikolaus Lehnoff y parvient pleinement. Mais par des chemins détournés. Le premier acte s’ouvre par une sorte de réunion de motards gainés de cuir, ou une vision de l’Amérique sauvage ; le deuxième fait place, pour la rencontre des amants, à une cro- a quignolette roulotte ouverte sur le devant, toute de rose capitonnée, plantée sur un sol enneigé que gardent deux bambis en peluche sortis de Walt Disney (une autre Amérique) ; alors qu’au troisième acte, un cimetière de voitures (des limousines américaines, bien évidemment) découvre pour l’apothéose finale un grand escalier à la manière des revues de Broadway, que descend l’héroïne grimée en Rita Hayworth, sur fond projeté du lion rugissant de la Goldwyn Mayer. Tout un catalogue de l’imaginaire étatsunien. Et une vision renouvelée des références que l’œuvre appelle. Mais dans une précision de jeu scénique de chaque instant, aussi bien du côté des solistes que des masses (nombreuses et constantes). Une conception à la fois large (étant donnée la vaste Bastille) et juste, qui ne peut au bout du compte que ravir. Presque un exploit, au regard des risques de l’ouvrage. Musicalement, le plaisir est aussi au rendez-vous. Nina Stemme plante la fragile Minnie, mais qui ne l’est pas vocalement, avec l’ardeur et les notes brillamment lancées qu’on lui connaît. Marco Berti possède les capacités et le timbre de ténor clair qui conviennent à Johnson, l’amoureux transi. Claudio Sgura est un Jack (le méchant de l’histoire) noir à souhait, quand Roman Sadnik figure un Nick de bonne prestance. L’orchestre, qui a la part belle, comme le chœur, exclusivement masculin et qui n’est pas non plus en reste, resplendissent sous la battue sûre et fouillée de Carlo Rizzi (qui essuie inexplicablement quelques huées finales, de la part de la portion de public susmentionnée, emportée apparemment par son élan contestataire). Lucrèce et Kaiser Le Viol de Lucrèce revient à l’Athénée, dans la production où il fut présenté en 2007. C’est toujours les voix de l’Atelier lyrique de A l’Athénée : «Le Viol de Lucrèce» © Mirco Magliocca c t u a l i t é p a r i s patriotisme, donne lieu à un jeu pétillant des cinq acteurs-chanteurs, vêtus comme de nos jours, sur une scène sans autre décor que le petit groupe d’instrumentistes. Côté chant, l’efficacité est pareillement de mise pour les ensembles, bien que Pieter Hendriks, Wendy Roobol et Mijke Sekhuis livrent le meilleur des parties solistes. L’Ensemble BarokOpera, venu d’Amsterdam comme toute la production, s’attache à une partie instrumentale servie bravement sous la direction de Frédérique Chauvet. Boris toulousain A l’Athénée : «Der Kaiser von Atlantis» © Nathaniel Baruch l’Opéra de Paris qui sont à la fête de l’un des tous premiers opéras de Britten, mais renouvelées depuis ce temps. Oleksiy Palchykov remporte la palme du beau chant. Cependant qu’Agata Schmidt défend vaillamment et joliment le rôle-titre. Maxime Pascal dirige son orchestre le Balcon avec précision et élan. La mise en scène de Stephen Taylor reste toujours aussi aboutie, avec on plateau tournant et ses situations bien tournées. Dans ce même Théâtre de l’Athénée, succède un autre opéra, presque contemporain de celui de Britten, mais qui a connu un autre destin : Der Kaiser von Atlantis. On sait qu’il fut écrit dans les camps par Viktor Ullmann, magnifique geste de résistance, pour ne ressortir que depuis les années 90. Juste retour d’un splendide ouvrage expressionniste, avec sa caricature grinçante de la guerre et son lyrisme poignant. C’est ici Louise Moaty qui l’a conçu, dans une absence d’imagerie, si ce n’est trois toiles en forme de parachutes (des vrais !), tendues par des filins, qui se déploient et se resserrent autour d’une sorte d’échafaudage métallique. Il faut donc un peu d’imagination pour reconstituer les déboires de cet empereur fou (Hitler ?) et de sa cour sanguinaire. Dirigés par Philippe Nahon, les musiciens de l’ensemble Ars Nova sont toutefois adaptés, comme la distribution vocale (à une exception près), et en particulier Pierre-Yves Pruvost, l’Empereur, et Wassyl Slipak, la Mort. Les deux rôles-clefs. ment. En l’espèce celle écrite par Purcell (d’une durée d’une heure et demie) pour illustrer en 1684 la pièce théâtrale de Dryden (elle, longue de quatre heures). Ce n’est donc pas un opéra, comme l’annonce fièrement le programme de salle. Mais notre époque l’a voulu ainsi, depuis les travaux musicologiques des années 90 et la reconstitution de la partition. Et c’est de cette façon que l’ouvrage se présente à l’Athénée par les soins de Sybrand van der Werf. Le texte parlé a été resserré de façon drastique, réduit à quelques répliques partagées entre l’anglais original et des traductions en français. C’est mieux ainsi ! et on ne voit pas trop comment faire autrement. Ce conflit entre Bretons (tels que se désignent les anciens habitants de l’île britannique) et Saxons, sur fond d’allégories et de L’orchestre du Capitole vient à Pleyel au grand complet, avec l’appoint de l’Orfeón Donostiarra et d’un plateau international de premier choix. Il s’agit d’une version de concert de Boris Godounov ; choix judicieux, puisque Tugan Sokhiev est à la baguette, le chef titulaire de la phalange toulousaine et, depuis janvier, directeur musical du Bolchoï. De fait, on aura rarement connu le chef ossète aussi investi : galvanisant ses troupes dans une battue nerveuse de chaque instant. Pour cette version originale de l’opéra de Moussorgski (celle de 1869), plus austère et plus forte, est rassemblé le meilleur plateau actuel. Ferruccio Furlanetto est le Boris du moment, rôle que la basse italienne a porté sur toutes les planches, dont le Mariinski de SaintPétersbourg et le Bolchoï de Moscou. Et il ne faillit pas. Anastia Kalagina, Ain Anger, Vasily Efimov, Stanislas Mostovoi, John Graham-Hall, Garry Magee ou Hélène Delalande, complètent un plateau rêvé. Le chœur venu de SaintSébastien dispense l’ardeur et la subtilité qui ont fait sa juste réputation. Arthur hollandais L’Athénée ne cesse pas ! C’est ainsi que succède King Arthur, un mask. Qu’est-ce qu’un mask ? Une musique de scène, tout simple- a c t u «Kibg Arthur» © DR a l i t é 81 p a r i Sons latins 82 La foule se presse, venue parfois avec deux bonnes heures d’avance, allongeant des files d’attente sans fin dans la pluie et le froid, pour entendre le Requiem de Berlioz sous la direction de Gustavo Dudamel à Notre-Dame de Paris. L’événement annoncé ne déçoit pas. L’orchestre, constitué du Philharmonique de Radio France au complet et du fameux Orchestre symphonique Simón Bolívar (formé de tout jeunes gens, souvent issus de milieux défavorisés du Venezuela), soit 220 instrumentistes, sonne comme un seul homme. Et le chœur, paradoxalement moins nombreux que les instrumentistes (180 choristes, réunissant le Chœur de Radio France et la Maîtrise NotreDame), s’avère un alliage parfait. Salle bondée pareillement au Châtelet, pour le concert “ ¡Viva las Américas! ” de l’Orchestre Pasdeloup rassemblant des musiques latino-américaines. Les pièces pour orchestre des Argentins Carlos López Buchardo et Carlos Guastavino, des Mexicains Manuel Ponce et Arturo Márquez, du Cubain Ernesto Lecuona, ou de Louis Moreau Gottschalk, compositeur originaire des États-Unis mieux connu sous nos cieux (mais pas tant que cela), constitue autant de premières françaises et de découvertes passionnantes. Grâce à une transmission qui resplendit sous la direction de Pierre Dumoussaud, tout jeune chef de 23 ans, et les doigts d’Olivier Besnard au piano. Frimas nordiques Autre climat à Pleyel avec l’Orchestre Paris qui rend hommage au toujours jeune pianiste Menahem Pressler, pour ses 90 ans, et à Sibelius. On reste ébahi devant la virtuosité et la musicalité du soliste pour le Concerto n°23 de Mozart, alors que les Sixième et Septième symphonies enchaînées du compositeur finlandais révèlent les magnifiques qualités de la grande formation parisienne depuis sa prise en main par Paavo Järvi. (À noter le tout récent disqueanniversaire de Pressler, paru chez la Dolce Volta, “ une soirée viennoise ”, avec Schubert, Mozart et Beethoven au programme.) Au Temple du Luxembourg, c’est la musique russe qui est invitée avec des pages pour piano ou des mélodies de Prokofiev, Rachmaninov, Chostakovitch et Tchaïkovski, par le doigté expert de Thomas Macfarlane et la voix chaude du baryton L’Oiseleur des Longchamps. Ce dernier est aussi le diseur captivant d’extraits de la nouvelle de Tolstoï, a s Histoire du cheval pie. Puisqu’il s’agit de la première soirée du festival Victor Hugo et Égaux, dédié pour cette édition à Tolstoï. Et aussi une façon de marquer la nouvelle année chinoise du cheval ! Pierre-René Serna Deux reprises de prestige Werther L'opéra de Massenet n'a pas fait grande carrière à l'Opéra de Paris jusqu'ici, car on jugeait que l'ouvrage convenait mieux au cadre plus intimiste de l'Opéra-comique. Pourtant, lorsqu'il s'est agi de présenter Rolando Villazon ou Jonas Kaufmann aux Parisiens, c'est bien dans le grand vaisseau impersonnel de la Bastille qu'on a transplanté le drame du jeune poète allemand désespérément amoureux d'une inaccessible beauté.... Pour cette nouvelle reprise, destinée à donner enfin l'occasion aux amateurs de la capitale d'entendre le ténor italo-français Roberto Alagna dans un de ses rôles de prédilection, la direction de l'Opéra a décidé de reprendre une production du Covent Garden de Londres qui a déjà servi de cadre à la série de représentations confiées à Jonas Kaufmann en janvier 2010, - spectacle qui a d'ailleurs fait l'objet d'une captation télévisée parue en DVD il y a quelques mois. Il serait tentant, mais finalement vain, de comparer l'art du ténor munichois à celui, plus solaire et méditerranéen, de Roberto Alagna. Cet artiste a en effet su faire sien un rôle qui semble avoir été écrit pour son timbre, même s'il reste évident que sa conception du personnage est aux antipodes de ce qu'Edouard Blau, le librettiste du drame lyrique, et Goethe, l'auteur du roman épistolaire original, ont souhaité. Peut-on alors parler de trahison ? Certainement pas, car une œuvre lyrique tirée d'un roman ou d'une pièce de théâtre procède déjà à des aménagements qui font grincer des dents aux puristes. En représentation, un opéra appartient d'abord à ses interprètes, et si ceux-ci parviennent à convaincre leur public, personne ne songe à se plaindre. Dans le cas particulier, le succès a été au rendez-vous, même si les spectateurs ne sont pas accourus aussi nombreux qu'on eût pu le souhaiter.. Le contraste entre l'art des deux ténors qui ont abordé le rôle titre dans cette production sur la scène parisienne est saisissant. Là ou l'artiste allemand creusait la ligne de chant jusqu'à atteindre à des sommets de nostalgie morbide, le chanteur français préfère tirer cet emploi vers la lumière. La pâte sonore de sa voix s'y prête, et l'interprète ne recule pas devant divers effets appuyés pour souligner la tristesse, ici plutôt démonstrative, de son personnage torturé. Ce Werther aussi chaleureux qu'un amoureux sous un ciel napolitain aurait à vrai mérité un autre cadre scénique que la production minimaliste de Benoît Jacquot qui semble embrouillardée à l'excès devant tant de chaleur vocale. Abandonné à lui-même, le ténor ne paraissait pas très à l'aise dans ce cadre scénique plutôt spartiate au point de se sentir enclin à "surjouer". Il est pourtant difficile de bouder son plaisir quand ce timbre d'exception se coule avec autant de facilité dans une musique dont les relents nostalgiques sont décryptés avec un plaisir ostentatoire aussi évident. Le reste de la distribution est d'un excellent A la Bastille : «Werther» avec Karine Deshayes (Charlotte) et Roberto Alagna (Werther) Crédits : Opéra national de Paris/ Julien Benhamou c t u a l i t é p niveau. Karine Deshayes prête à Charlotte son timbre chaleureux, un peu mince dans le grave, mais d'un beau métal dans le haut de la tessiture. Le jeu reste sobre, comme il se doit, mais rend sensible la progression du trouble qui monte en elle jusqu'au baiser final et passionné qu'elle accorde tardivement à son amant malheureux qui vient de se tirer une balle dans la poitrine. Hélène Guilmette en Sophie séduit par la légèreté de ses accents comme par l'exquise finesse d'une émission vocale d'une imparable précision. Jean-François Lapointe est un Albert plus convenu scéniquement; si le personnage peine à exister sur le plateau, l'interprétation musicale fascine par la richesse d'un timbre flamboyant aux les nuances d'un extrême raffinement. Les autres personnages épisodiques s'intègrent sans rupture de ton dans ce spectacle dirigé de main de maître par un Michel Plasson qui semble avoir trouvé la potion de l'éternelle jeunesse à en juger par sa direction nerveuse, riche en tensions et parfaitement apte à donner à entendre ce que la mise en scène se refuse, elle, à montrer. Le cinéaste français Benoît Jacquot signe là un spectacle qui a en effet plutôt mal vieilli; dans le décor minimaliste et sans grande atmosphère de Charles Edwards, il se contente d'esquisser vaguement les situations dramatiques sans chercher à en explorer les prolongements éventuels qui pourraient passionner le spectateur d'aujourd'hui. Purement illustrative, une version aussi vide de sens semble malheureusement taillée pour rester de longues années au répertoire car elle ne doit pas nécessiter d'importants travaux de reconstruction à chaque nouvelle reprise... (5 février) Retour d'Alcina Alcina de Haendel, montée par Robert Carsen, est une tout autre histoire. Cette production a été une des réussites majeures de la période où Hugues Gall fut le directeur de l'institution parisienne et a été inlassablement reprise, à juste titre! L'actuelle série de représentations était en effet la quatrième depuis 1999, et elle n'a pas pris une ride. Dans sa rigueur classique, elle s'impose comme une des grandes recréations modernes des fastes de l'univers broque sans jamais tomber dans le travers de la reconstitution luxueuse. L'action se joue dans une antichambre, qui fait penser à ce lieu indéterminé où se jouent toutes les grandes tragédies classiques d'un Racine ou d'un Corneille. Lorsqu'une porte s'ouvre sur une enfilade de pièces de même nature a c t u a r i s A Garnier : «Alcina» avec Anna Goryachova (Ruggiero) et Myrto Papatanasiu (Alcina) Crédit : Opéra national de Paris/ J.M Lisse ou sur un paysage bucolique noyé de lumière, la musique semble soudain prendre une profondeur encore plus dramatique et retrouve une fraîcheur d'inspiration que l'ascèse de la gestuelle et des mouvements aurait pu menacer de détruire. La sensualité n'est jamais absente de ce spectacle car le metteur en scène a veillé à montrer chaque nouvelle rencontre comme un moment privilégié unique où les personnages exécutent avec élégance des déplacements chorégraphiés au millimètre qui restent en parfait accord avec la musique. A chaque instant, ce spectacle s'impose ainsi comme le prolongement visuel légitime de ce que le compositeur donne à entendre. La distribution séduit d'abord par la parfaite adéquation des voix et des physiques aux rôles interprétés, même si elle ne comporte pas de noms de stars, comme ce fut le cas lors de la première où Nathalie Dessay et Renée Fleming se partageaient la vedette. Pourtant, le public n'a pas eu à s'en plaindre, car ces jeunes interprètes ont su trouver une unité de ton que l'on chercherait en vain dans le document phonographique édité au lendemain de la prestigieuse première... Mirto Papatanassiu ne révèle pas tout de suite sa véritable grandeur de la personnalité complexe d'Alcina. D'abord monocolore, le chant prend progressivement de l'ampleur et séduit alors autant par l'intensité de l'émotion que par le fini de pianissimi éthérés qui remplissent sans peine le vaste auditorium du Palais Garnier. Anna Goryachova en Ruggiero reste aussi sur la réserve au début, comme si l'artiste était effrayée par la difficulté d'écriture d'un rôle parmi les plus complexes du répertoire. Mais a l i t l'interprète se lâche bien vite et habite le personnage avec un brio et une virtuosité technique éblouissants. Sandrine Piau en Morgana fait étalage de dons de comédiennes hors pair; le soprano est plutôt petit et étroit, mais l'artiste en tire le meilleur parti en exploitant au maximum un art sans limite de l'éloquence musicale dans n'importe quelle situation. Quant à Patricia Bardon, elle convainc pleinement dans le rôle moins gratifiant de l'amoureuse délaissée grâce à son chant souple et chaleureux rendant inhabituellement crédible le travesti qu'elle ne quitte qu'en fin de représentation. Les hommes n'ont pas le beau rôle dans cet ouvrage; pourtant le ténor français Cyril Dubois donne tout son poids dramatique à Oronte, l'amoureux transi toujours prêt aux compromissions pour parvenir à ses fins. Enfin, le jeune baryton-basse Michal Partyka donne à Melisso le poids dramatique nécessaire sans forcer le trait, comme c'est trop souvent le cas. A la tête de son ensemble Les Talens lyriques, bien connu des amateurs lyriques de l'Opéra lausannois, Christian Rousset propose une version fort personnelle de la musique de Haendel; tantôt précipitée, tantôt étirée à l'excès, son approche souffle le chaud et le froid au risque, parfois, de freiner dangereusement le flux dramatique du spectacle. Si les chanteurs semblaient s'accommoder facilement de sa relecture hautement idiosyncrasique, certains spectateurs, eux, ne l'entendaient pas de cette oreille et manifestèrent bruyamment leur déplaisir en fin de spectacle. (7 février) Eric Pousaz é 83 p a r i s Il faut croire que ce passage du célébrissime roman de Joyce inspire actuellement le théâtre, si l’on se fie au spectacle présenté récemment au Théâtre Kléber-Méleau (voir Scènes Magazine de février). spectacle-lecture Monologue de Molly Bloom Ici c’est Natalie Dessay qui a tout conçu, aidée toutefois du montage de Sylvie Ballul et des lumières d’Alain Dutain. La petite scène de la Maison de la Poésie est vide, seulement peuplée d’un canapé, sur lequel l’héroïne s’étend et rêve à bouche déployée, et d’un écritoire, où elle finit par échoir et achever sa méditation. Car il s’agit d’une méditation intérieure à haute voix, d’un monologue certes, mais qui prend des allures d’appel (au public dans ce cas). Natalie Dessay varie les plaisirs. La cantatrice, célèbre pour ses grands rôles à l’opéra, s’attaque désormais aussi au théâtre parlé. Ainsi de ce Monologue de Molly Bloom, reprenant les pages finales d’Ulysse de James Joyce, qu’elle a créé en septembre 2012 et qu’elle transporte sur différentes scènes. Comme à la Maison de la Poésie. Le texte est dru et cru, on le sait, qui n’évite pas le trivial, la précision sexuelle, comme une certaine critique d’une société surannée. Molly Bloom, alias Dessay, réfléchit sur sa condition de femme, alors que son amant vient juste de partir et que son mari vient de rentrer. Et tout un monde surgit. 84 Dessay joue le jeu, et joue à la scène comme dans la vie. Voix caressante ou clamée, la langue si particulière de Joyce prend alors tournure, se fait brise ou tempête. On ne peut s’empêcher de songer que l’actrice (la liseuse ? la chanteuse de mots ?) s’incarne elle-même, tant une vérité émane de ses dires. De la lecture, prétendue et telle qu’annoncée, reste un cahier que Dessay feuillette négligemment. Mais le son coule et le phrasé se fait impeccable, spontané, quasi improvisé. On reconnaît l’excellente élocution de la cantatrice aguerrie, qui à l’occasion pousse aussi la note comme seule elle sait le faire (et comme le texte s’y prête), mais aussi la comédienne qu’elle n’a jamais cessée d’être, sur toutes les planches. Dessay ou l’artiste aux visages multiples. Pierre-René Serna Natalie Dessay © Simon Fowler a c t u a l i t é p a r i s au gémeaux, scène nationale de sceaux au théâtre du rond-point Les Gémeaux accueillaient, du 30 janvier au 1er février, le Ballet du Grand théâtre de Genève pour un programme rassemblant Lux de Ken Ossola et Glory d’Andonis Foniadakis. C’était l’occasion de découvrir le travail de ces deux danseurs chorégraphes, relativement méconnus en France. Créée en 2003, Erection est la première pièce conçue et interprétée par Pierre Rigal. Depuis, l’ancien athlète a acquis une belle notoriété dans le paysage chorégraphique français et est pressenti pour créer une pièce pour la saison prochaine du Ballet de l’Opéra de Paris. Le Théâtre du Rond-point nous offrait l’occasion, du 9 janvier au 1er février, de voir ou revoir cette pièce. Lux et Glory Erection 85 «Glory», photo Vincent Lepresle «Erection», photo P. Rigal La lumière de Lux, c’est celle des ténèbres. Le rideau qui se lève découvre, dans une ambiance crépusculaire, les danseurs allongés sur le sol. Gestuelle contemporaine, fluide, la chorégraphie faite de scènes de groupes, de solos et de pas de deux, est en parfaite harmonie avec la musique, extraite du Requiem de Gabriel Fauré. Les broderies scintillantes des justaucorps de tulle font penser aux écorchés d’anatomie. Lux serait-il un ballet de fantômes, de morts vivants ? L’ensemble est assez envoûtant même si le rythme parfois s’essouffle et capte difficilement l’attention sur toute la durée. Tempo différent avec Glory. Sauts, extension, les pas de deux dynamiques s’enchaînent dès les premières notes. Le ballet est une succession de tableaux sur une alternance d’extraits d’œuvres d’Haendel et de morceaux électroniques. Les tableaux ont une recherche esthétique intéressante, que ce soit avec le jeu des lumières – scène avec les danseurs en ombre chinoise – ou les costumes très recherchés et un brin futuristes de Tassos Sofroniou. On retrouve dans la chorégraphie l’influence de Béjart avec qui Andonis Foniadakis a travaillé. Glory apparaît comme un hommage à Haendel et à sa glorieuse musique. Pour Erection, Pierre Rigal a travaillé avec le metteur en scène Aurélien Bory qui a connu également depuis une réelle reconnaissance internationale. Erection met en scène un homme couché sur le sol, inscrit dans un rectangle lumineux. Pendant trois quart d’heure, il va essayer de se lever. Résumée ainsi, l’intrigue paraît bien mince. Pourtant, la chorégraphie et la présence scénique de Pierre Rigal arrive à créer un certain suspens, une certaine tension. On vit, en le regardant, le poids de l’attraction terrestre, l’effort que chaque muscle humain fournit pour se tenir debout sur deux jambes. Ces efforts, nous les faisons inconsciemment, nous les ressentons parfois quand la fatigue s’installe mais notre corps les a intégrés, ce qui nous distingue des animaux. Pierre Rigal nous donne à voir le corps qui s’éveille, la recherche de l’équilibre stable. La scène est éclairée par des néons blancs ou verts et modulée par des projections vidéos de type hologramme. Erection est une curiosité chorégraphique où le corps humain est particulièrement mis à l’honneur. Stéphanie Nègre Stéphanie Nègre La danse en mars Le mois de mars démarre par un gala autour de Manuel Legris les 1er et 2 mars au Palais des congès. Le directeur de Ballet de Vienne rassemble autour de lui, entre autres, Aurélie Dupont, Ludmila Pagliero, Matias Heymann, Maria Shirinkina et Vladimir Schlyarov du Ballet du Mariinski. Le Théâtre de Chaillot accueille, du 5 au 7 mars, Alban Richard et sa compagnie L’Abrupt pour Et mon cœur a vu à foison. Alban Richard est l’auteur de Pléiades, vu la saison passée (voir numéro 251 de a c t u a l Scènes Magazine). Tero Saarinen prend la suite avec sa compagnie, du 13 au 15 mars, pour la reprise de Borrowed Light crée en 2004. Emanuel Gat est de retour au Théâtre de la ville avec The Goldlanbergs, un ballet inspiré par les variations Goldberg par Glenn Gould. L’Opéra de Massy offre l’occasion de voir ou revoir, le 15 mars, Anastylose, pas de trois de Julien Lestel créé il y a quelques années au Théâtre des Champs Elysées. Stéphanie Nègre i t é p a r i s Chronique musicale de mars 2014 86 wagnérienne. Les 26 et 27, l'Orchestre de Paris dirigé par Giovanni Sur la scène de la Bastille, Robert Carsen encore et toujours, cette fois Antonini avec Sol Gabetta et les chanteurs Camilla Tilling, Kate Lindsey, chez Mozart avec une nouvelle production de Die Zauberflöte présentée Rainer Trost et Havard Stensvold seront réunis pour un concert où alterdu 11 mars au 15 avril : dans la fosse Philippe Jordan et sur le plateau neront les œuvres de Joseph Martin Kraus, Haydn et Mozart (Concerto Pavol Brelsik, Eleonore Marguerre, Franz Josef Selig, François Piolino, pour basson et Messe de l'orphelinat). Le 28, l'Orchestre Philharmonique Julia Kleiter et Sabine Devieilhe. Toujours à la Bastille, reprise de La de Radio France retrouvera Myung-Whun Chung et Ludovic Tézier dans Bohème de Puccini mise en scène par Jonathan Miller et dirigée par un programme Duparc (Mélodies pour baryton et orchestre) et Beethoven Daniel Oren avec, en alternance, Maria Agresta, Angela Gheorghiu et (Symphonie n° 7). Brigitta Kele (Mimi), Anita Hartig et Elena Tsallagova (Musetta), Stefano A l'Opéra-Comique version concert de Castor et Pollux de Rameau Secco, Massimo Giordano et Piotr Beczala (Rodolfo), Ludovic Tézier et le 21, avec Bernard Richter (Castor), Florina Sempey (Pollux), Judith van Lionel Lhote (Marcello) du 15 mars au 11 avril. Sur la scène du Palais Wanroij (Télaïre) et Michèle Lozier (Phébé), l'Ensemble Pygmalion diriGarnier à partir du 31 mars, dernière le 23 avril, reprise de L'Italiana in gé par Raphäel Pichon. Du 20 au 30 mars, Platée de Rameau toujours diriAlgeri de Rossini, version Andrei Serban dirigée par Riccardo Frizza : gé par William Christie et mise en scène par Robert Carsen réunira Marcel pour ce nouveau cast, Ildebrando d'Arcangelo, Jaël Azzaretti, Anna Beekam dans le rôle titre, Simone Kermes (La Folie), Virginie Thomas Pennisis, Nahuel di Pierro, Varduhi Abrahmayan et Tassis Christoyannis. (Thalie) et Cyril Auvity (Mercure, Thepsis). Poursuite du cycle Convergence avec L'Histoire du soldat de Stravinsky A Versailles le 8 mars, exécution de l'oratorio Herculanum de les 5 et 6 mars (Jacques Bonaffé et l'EIC dirigé par Marius Stieghorst). Félicien David par Hervé Niquet et le Brussels Philharmonic avec Au TCE, le 2 mars, Vladimir Jurowski dirigera la 9ème Symphonie Véronique Gens (Lilia), Karine Deshayes (Olympia), Edgaras Montvidas de Beethoven avec le London Philharmonic Orchestra et les solistes (Hélios), Nicolas Courjal (Nicanor, Satan) et Julien Véronèse (Magnus). Emma Bell, Anna Stephany, John Daszak et Gerald Finley. Le 11 mars, Le 9 mars Sir John Eliot Gardiner dirigera l'English Baroque Soloists et place aux Fêtes de l'hymen et de l'amour de Jean-Philippe Rameau pla- les solistes Silvia Frigato, Emanuela Galli, Nicholas Mulroy et Krystian cées sous la direction de Hervé Niquet et du Concert Spirituel avec Adam dans Les Vêpres pour la Vierge de Monteverdi. Les 19, 21 et 23 Chantal Santon-Jeffery (Orthésie, Orie), Carolyn Sampson (L’Amour, Artaserse de Vinci, dans une mise en scène signée Silviu Purcarete avec Memphis), Blandine Staskiewicz (L’Hymen, une Egyptienne), Jennifer Max Emanuel Cencic (Mandane), Franco Fagioli (Arbace), Vince Yi Borghi (Mirrine), Reinoud Van Mechelen (Un berger égyptien, Osiris), (Artaserse), Juan Sancho (Artabano), Valer Sabadus (Semira) et Yuriy Mathias Vidal (Un Plaisir, Agéris, Aruéris), Tassis Christoyannis Mynenko (Megabise), Diego Fasolis dirigeant le Concerto Köln. Le 28 (Canope), Alain Buet (Le Grand Prêtre, un Egyptien). Le 13 aura lieu le mars enfin La Resurrezione de Haendel par René Jacobs et Le Cercle de 80ème anniversaire de l'Orchestre National de France dirigé par Riccardo l’Harmonie avec Sophie Karthäuser (Maria Maddalena), Sunhae Im Muti en compagnie de Bernarda Fink : au programme Rossini, Chausson (Angelo), Jeremy Ovenden (San Giovanni Evangelista), Sonia Prina et Scriabine. Le 18 version concertante du Chevalier à la rose de Richard (Maria Cleofa) et Johannes Weisser (Lucifero). Strauss dirigé par Kirill Petrenko à la tête de l'Orchestre de l’Opéra de Concert exceptionnel de la soprano Soile Isokoski le 20 mars au Munich : Soile Isokoski (La Maréchale), Sophie Koch (Octavian), Mojca Musée d'Orsay : au programme des œuvres de Schumann, Strauss, Wolf et Erdmann (Sophie), Peter Rose Sallinen accompagnées au piano (Ochs) et Martin Gantner (Faninal) par Ilkka Paananen. feront partie de la distribution. La Salle Gaveau propose en L'Orchestre de chambre de Paris, création mondiale L'échange dirigé par Joseph Swensen, jouera d'Antoine d’Ormesson auteur du Chausson et Schumann avec la livret et de la musique, spectacle mezzo Ann Hallenberg le 19. réalisé par Brigitte de La La Salle Pleyel accueille les Chauvinière et dirigé par Sébastien 12 et 13 l'Orchestre de Paris dirigé Billard, avecYété Queiroz par Marek Janowski et la soprano (Marthe), Ksenija Skacan, (Echy Anja Harteros dans un programElbernon), Rémy Poulakis (Louis me consacré à Richard Strauss Laine), Jean-Louis Serre (Thomas (Mort et Transfiguration, Lieder Pollock Nageoire), Orchestre de «La Fanciulla del West» avec Nina Stemme (Minnie) et Marco Berti (Dick orchestrés, Métamorphoses et solistes HI.14, les 3, 4 et 5 mars. Johnson). Crédit : Opéra national de Paris/ Charles Duprat Scène finale de Capriccio). Le 14, l'Orchestre Philharmonique de Radio France sera placé sous la direction Ailleurs en France : A Marseille, création mondiale de Colomba de de Esa-Pekka Salonen pour interpréter les Gurre-Lieder de Schönberg Jean-Claude Petit du 9 au 16 mars, avec Marie-Ange Todorovitch dans le avec Katarina Dalayman (Tove), Michelle DeYoung (Waldtaube), Robert rôle-titre, héroïne haute en couleur imaginée par Prosper Mérimée. Dans Dean Smith (Waldemar), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Klaus-Narr), la fosse Claire Gibault et la régie Charles Roubaud. Gábor Bretz (Le paysan) et Barbara Sukowa (récitante). Le 19, la Passion Vu et entendu : Nina Stemme s'impose comme la Minnie de sa généselon saint Jean de Bach sera dirigée par Masaaki Suzuki à la tête du ration dans la Fanciulla del West de Puccini, qui fait enfin son entrée au Bach Collegium Japan avec Joanne Lunn, Damien Guillon, Gerd Türk et répertoire de l'Opéra Bastille. A ses côtés Claudio Sgura et Marco Berti, Peter Kooij. Emmanuel Krivine et l'Orchestre du Conservatoire de Paris dirigés de mains de maître par Carlo Rizzi (4 février). François Lesueur accompagneront le 22 la soprano Brigitte Pinter dans une sélection a c t u a l i t é p chronique des concerts Ombres et couleurs Une fois n'est pas coutume, il faut passer le périphérique et prendre la direction du château de Versailles pour aller entendre un des concerts-événement de ce début d'année : l'interprétation du 6e livre de Madrigaux de Monteverdi par l'ensemble des Arts Florissants sous la direction de Paul Agnew. a r i s violoniste Gil Shaham dans un concerto à la mémoire d'un ange d'Alban Berg qui, sans vraiment convaincre par les reliefs et la caractérisation des interventions solistes, aura au moins les qualités orchestrales digne d'un des plus grands ensembles actuels. La 6e Symphonie «Pathétique» de Tchaikovski sonne sous la baguette de Jansons avec une liberté inouïe, débarrassée de tout pathos superflu. Les cuivres sont soutenus par des pupitres de cordes à la sonorité très effilée, presque latine par endroits. Le chef letton ménage son effectif dans les moments de tension extrême, jouant avec maestria de l'art du ritardando dans la valse avant d'ouvrir les grandes eaux furibondes du finale. Impossible d'oublier le passage des Wiener Philharmoniker tant la simple annonce de leur passage suffit à créer Avec ce concert se poursuit l'intél'événement. Nouvellement nommé grale du chef-d'œuvre de la musique directeur musical du Teatro alla Scala, madrigaliste italienne du XVIe, magnifiRiccardo Chailly dirige les Viennois quement servie dans l'écrin du Salon dans un programme Sibelius-Bruckner d'Hercule avec Véronèse en compagnon de toute beauté. Après une Finlandia à d'écoute. Construit en deux grandes secla fragilité palpable, c'est au tour de tions symétriques qui le divisent naturelChristian Tetzlaff d'entrer en scène pour lement en deux parties, ce livre se prête interpréter le célébrissime concerto pour admirablement au concert, d’autant qu’il violon du compositeur finlandais. Avec enchaîne une multitude de contrastes, beaucoup de liberté dans les tempi et les tant au niveau des effectifs (chant attaques, le violoniste allemand se fraie accompagné ou a cappella, chant soliste un chemin vers un finale très lumineux ou partie chorale), que des sentiments et sans compromis. Dans la sixième exprimés (lamentation, passion…). Les symphonie d'Anton Bruckner, le chef ne explications de Paul Agnew nous guicherche pas à dissimuler les maladresses dent dans ce corpus foisonnant avec dans l'instrumentation et l'écriture, partiPaul Agnew beaucoup d'à-propos et de précision. culièrement dans le dernier mouvement. Mention spéciale au second lamento (la Sans jamais céder à la tentation de faire Sestina), articulé autour de mots-clés qui sont repris alternativement par voler en éclats les intervalles dynamiques, Chailly propose une vision quasichaque pupitre de soliste et tressés avec une magnificence harmonique à chambriste, rendue très séduisante par l'équilibre des pupitres entre eux. couper le souffle. Débuts brucknériens remarqués pour Daniele Gatti à la tête de son Mitsuko Uchida est une pianiste qui sait se lancer des défis à la hauteur National de France au Théâtre des Champs-Élysées. L'orchestre relève le de son immense talent. Ils sont rares les pianistes qui auraient choisi en predéfi d'une Quatrième Symphonie «Romantique» d'une difficulté et d'une mière partie de récital la sonate D.668 de Schubert pour se préparer à plonampleur dynamique peu communes. Le chef milanais ne transige pas avec ger par la suite dans les méandres redoutables des Variations Diabelli de Beethoven. Le toucher est très orides aspérités expressives qui mainginal, à mille lieues des broyeurs tiennent le discours dans un serioso d'ivoire qui affrontent généralement de bon aloi. Comme il l'avait ce genre de monument. On frémit démontré avec son intégrale au début à l'idée qu'elle puisse venir Mahler, Gatti est le chef qu'il fallait à bout d'une pareille entreprise mais pour ouvrir à l'orchestre des perbientôt l'assurance gagne l'auditoire spectives esthétiques ambitieuses, et dès la mi-parcours, on sait que loin des sentiers battus. l'inspiration ira crescendo. Les variations les plus virtuoses font Le TCE accueillait l'espace davantage penser à l'agilité d'un d'un week-end deux formations Mozart plutôt qu'à celle de prestigieuses, l'Orchestre de la Beethoven mais lorsque réapparaît Radio Bavaroise et le Philharle thème qu'on croyait disparu après monique de Vienne – le premier tant de déferlantes de notes, le cliplacé sous la baguette de Mariss mat redevient apaisé et le public se Jansons et le second sous celle de lève pour une ovation bien méritée. Riccardo Chailly. La première soiMitsuko Uchida David Verdier rée donnait l'occasion d'entendre le a c t u a l i t é 87 p 88 a r ANTOINE (01.43.38.74.62) u Fabrice Luchini lit Céline : Voyage au bout de la nuit - jusqu’au 12 mars u Love Letters de A. R. Gurney m.e.s. Benoît Lavigne - du 6 au 30 mars ATELIER (loc. 01.46.06.49.24) u Savannah Bay / Le Square / Marguerite et le Président de M. Duras - m.e.s. Didier Bezace - jusqu’au 9 mars u Femme non-rééducable de Stefano Massini - Mémorandum théâtral sur Anna Politkovskaïa - m.e.s. Arnaud Meunier - du 13 mars au 28 mai BOUFFES DU NORD (loc. 01.46.07.34.50) u Te craindre en ton absence de Marie NDiaye - m.e.s. Georges Lavaudant - du 4 au 8 mars CHAILLOT (01.53.65.30.00) ACCUEIL DE STUDIO 7 (spectacles en russe surtitré) u Le Songe d’une nuit d’été d’après William Shakespeare - m.e.s. Kirill Serebrennikov - du 14 au 9 mars u Metamorphosis d’après «Les Métamorphoses» d’Ovide - m.e.s. David Bobée - du 21 au 28 mars COLLINE (rés. 01.44.62.52.52) u Liliom de Ferenc Molnár - m.e.s. Galin Stoev - du 6 mars au 4 avril i s u Une femme de Philippe Minyana m.e.s. Marcial Di Fonzo Bo - du 20 mars au 17 avril COMÉDIE DES CHAMPS-ÉLYSÉES (01.53.23.99.19) u Ensemble et séparément de Françoise Dorin - m.e.s. Stéphane Hillel - avec Jean Piat et Marthe Villalonga - jusqu’au 13 avril COMÉDIE FRANÇAISE SALLE RICHELIEU (01.44.58.15.15) u Antigone de Jean Anouilh - m.e.s. Marc Paquien - jusqu’au 2 mars u Psyché de Molière - m.e.s. Véronique Vella - jusqu’au 4 mars u Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare - m.e.s. Muriel MayetteHoltz - jusqu’au 15 juin u Un chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche - m.e.s. Giorgio Barberio Corsetti - jusqu’au 13 avril u Andromaque de Jean Racine m.e.s. Muriel Mayette-Holtz - jusqu’au 31 mai STUDIO-THÉÂTRE (01.44.58.98.98) u L’île des esclaves de Marivaux m.e.s. Benjamin Jungers - du 6 mars au 13 avril VIEUX-COLOMBIER (01.44.39.87.00) u La visite de la vieille dame de Dürrenmatt - m.e.s. Christophe Lidon - jusqu’au 30 mars GAÎTÉ-MONTPARNASSE (01.43.22.16.18) u Des journées entières dans les arbres de Marguerite Duras - m.e.s. Thierry Klifa - avec Fanny Ardant jusqu’au 30 mars GUICHET MONTPARNASSE (01.43.27.88.61) u Lettre d'une inconnue de Stefan Zweig - m.e.s. William Malatrat - jusqu’au 5 avril HÉBERTOT (01.43.87.23.23) u Des fleurs pour Algernon de Daniel Jeyes, Gérard Sibleyras - m.e.s. Anne Kessler - jusqu’au 30 mars u Le Roi se meurt d’Eugène Ionesco m.e.s. Georges Werler - avec Michel Bouquet, Juliette Carré - jusqu’au 30 mars. ODÉON EUROPE (01.44.85.40.40) u Les Fausses Confidences de Marivaux, avec Isabelle Huppert m.e.s. Luc Bondy - jusqu’au 23 mars. ATELIERS BERTIER u Tartuffe de Molire - m.e.s. Luc Bondy - du 26 mars au 6 juin PORTE SAINT-MARTIN (01.42.08.00.32) u Roméo et Juliette de William Shakespeare - m.e.s. Nicolas Briançon - jusqu’au 9 mars RANELAGH (loc. 01.42.88.64.44) u Comtesse de Ségur née Rostopchine de Joëlle Fossier - m.e.s. Pascal Vitiello - avec Bérengère Dautun - jusqu’au 30 mars. RIVE GAUCHE (01.43.35.32.31) u La trahison d'Einstein de ÉricEmmanuel Schmitt - m.e.s. Steve Suissa - avec Francis Huster et JeanClaude Dreyfus - jusqu’au 30 mars ROND-POINT (0.892.701.603) u Occident de Rémi De Vos - m.e.s. Dag Jeanneret - du 5 mars au 6 avril u Love and Money - de Dennis Kelly m.e.s. Blandine Savetier - du 6 mars au 6 avril u Paroles gelées d’après Rabelais m.e.s. Jean Bellorini - du 7 mars au 4 avril THÉÂTRE LABORATOIRE (01.43.40.79.53) u L’Adieu à l’automne d’après Jon Fosse - m.e.s. Elizabeth Czerczuk création musicale Matthieu Vonin jusqu’au 16 mars. THÉÂTRE DE PARIS (01.42.80.01.81) u La contrebasse de Patrick Süskind - m.e.s. Daniel Benoin - avec Clovis Cornillac - jusqu’au 8 mars Théâtre du Vieux Colombier La visite de la vieille Dame Après des décennies d’absence, Claire Zahanassian revient à Güllen, la petite ville de son enfance, pour y fêter ses noces avec un huitième mari. Toute la communauté espère que la richissime vieille dame relancera l’activité de la ville plongée depuis longtemps dans la misère. Mais si elle accepte de céder des sommes colossales, c’est à une seule condition : que l’on tue Alfred Ill, son amour de jeunesse qui l’a reniée après l’avoir mise enceinte. Bannie par une morale hypocrite, elle a vécu hantée par son désir de vengeance, qu’elle est aujourd’hui décidée à accomplir. Tout au long de cette épopée, l’amoralité de la vieille dame va contaminer la ville entière. Comme dans un conte moderne, suivant sa propre idée de la justice, elle va déclencher une véritable chasse à l’homme. C’est le metteur en scène Christophe Lidon qui s’attelle à la mise en forme de cette critique sociale élaborée par Friedrich Dürrenmatt; il est aidé en cela par plusieurs acteurs de la Comédie-Française, dont Danièle Lebrun, Christian Gonon, Samuel Labarthe et Didier Sandre, qu’il retrouve pour cette création. . Jusqu’au 30 mars 2014 «La Visite de la vieille dame» © Cosimo Mirco Magliocca a c t Location : 01 44 39 87 00/01 u a l i t é b e a u x - a r t s Musée Maillol Le Trésor de Naples Pour sa première sortie hors d’Italie, le trésor de San Gennaro sera l’hôte du musée Maillol à Paris ! Cette collection de joaillerie figure parmi les plus importantes du monde, comparable par sa valeur aux Joyaux de la couronne de France ou d’Angleterre mais, contrairement à ces derniers, cette collection appartient au peuple de Naples. Un peu d’histoire : San Gennaro, grand patron de la ville de Naples, est mort en martyr lors des persécutions de Dioclétien; son sang, recueilli dans deux ampoules, se liquéfie trois fois par an, aux mêmes dates depuis des siècles, un phénomène que, même aujourd’hui, la science ne peut expliquer. Le 13 janvier 1527 un contrat insolite est établi devant notaire entre le peuple de Naples et le Saint, mort depuis plus de mille deux cents ans. En échange de sa protection contre les éruptions du Vésuve et la peste, les Napolitains s’engagent à constituer et à garder un trésor dans la chapelle qu’ils lui ont construite et dédiée dans la cathédrale. Aujourd’hui ce culte n’a rien perdu de sa vigueur. Ce sont les chefs-d’œuvre les plus importants du Trésor de San Gennaro, réalisés et accumulés au cours des siècles, qui seront montrés lors de l’exposition du musée Maillol. Parmi ceux-ci, le «collier de San Gennaro», spectaculaire assemblage de bijoux réalisé entre le XVIIe et le XIXe s., rassemble les dons d’illustres souverains comme Charles V de Bourbon, Joseph Bonaparte, Marie-Caroline de Habsbourg, sœur de Marie-Antoinette, ou encore la reine Marie-Amélie de Saxe, auxquels ont été ajoutés ceux de Napolitains anonymes, mettant ainsi à égalité peuple et souverains. Michele Dato «Collier de San Gennaro», 1679 (ajouts jusqu’en 1879) Or, argent et pierres precieuses. H.60 ; L.50 cm Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro © Matteo D’Eletto Atelier Grognard Rueil Malmaison l LES PEINTRES DU PAYSAGE PROVENÇAL – jusqu’au 17 mars. Bibliothèque Nationale l VERDI, WAGNER ET L’OPÉRA DE PARIS – jusqu’au 16 mars. Centre culturel suisse l OLIVIER MOSSET – jusqu’au 30 mars. l AUGUSTIN REBETEZ – Du 28 février au 30 mars. Centre Pompidou l LE SURRÉALISME ET L’OBJET – jusqu’au 3 mars l CLAUDE SIMON, photographe – jusqu’au 10 mars. l DONATION FLORENCE ET DANIEL GUERLAN, œuvres sur papier – jusqu’au 31 mars. Cité du cinéma, St.Denis l STAR WARS IDENTITIES – du 15 février au 30 juin. Ecole sup. des beaux-arts l LE PAYSAGE À ROME ENTRE 1600 ET 1650 – jusqu’au 2 mai. Fondation Cartier pour l’art contemporain l AMÉRICA LATINA 1960-2013, photographies – jusqu’au 6 avril Grand Palais l BILL VIOLA – du 5 mars au 21 juillet l MOI, AUGUSTE, EMPEREUR DE ROME a g . A voir du 19 mars au 20 juillet 2014 – du 19 mars au 13 juillet l ROBERT MAPPLETHORPE – du 26 mars au 13 juillet. Hôtel de Ville l BRASSAÏ, pour l’amour de Paris – jusqu’au 8 mars. Institut du Monde arabe l « VOUÉS À ISHTAR. SYRIE, JANVIER 1934, ANDRÉ PARROT DÉCOUVRE MARI » – jusqu’au 4 mai Jeu de Paume l ROBERT ADAM - L’endroit où nous vivons – jusqu’au 18 mai l MATHIEU PERNOT - La Traversée – jusqu’au 18 mai La Maison Rouge l IL ME FAUT TOUT OUBLIER - Berlinde de Bruyckere et Philippe Vandenberg – jusqu’au 11 mai l L’ASILE DES PHOTOGRAPHIES Mathieu Pernot et Philippe Artières – jusqu’au 11 mai Musée des arts décoratifs l DANS LA LIGNE DE MIRE, SCÈNES DU BIJOU CONTEMPORAIN EN FRANCE – jusqu’au 2 mars l SECRETS DE LA LAQUE FRANÇAISE : LE VERNIS MARTIN – jusqu’au 8 juin. Musée Carnavalet l ROMAN D’UNE GARDE-ROBE, de la Belle Époque aux années 30 – jusqu’au 16 mars Musée Cernuschi l OBJECTIF VIETNAM - Photos de e n l’Ecole française d’ExtrêmeOrient – du 14 mars au 29 juin Musée Cognacq-Jay l FEUILLES D'HISTOIRES, vie quotidienne et grands événements à travers l'éventail en France (XVIIIe s) – jusqu’au 9 mars Musée Dapper l INITIÉS, BASSIN DU CONGO & MASQUES DE ROMUALD HAZOUMÈ – jusqu’au 6 juillet Musée Eugène Delacroix l DELACROIX EN HÉRITAGE. Coll. Étienne Moreau-Nélaton – jusqu’au 17 mars. Musée Jacquemart-André l DE WATTEAU À FRAGONARD, LES FÊTES GALANTES – du 14 mars au 21 juillet Musée du Louvre l LE FONDS PHOTOGRAPHIQUE DES ANTIQUAIRE GEORGES JOSEPH DEMOTTE ET LUCIEN DEMOTTE – jusqu’au 25 mars. l NEW FRONTIER III - Portraits anglo-américains à l’heure de la Révolution – jusqu’au 28 avril l LE CIEL EST PAR-DESSOUS LE TOIT… Dessins pour les plafonds parisiens du Grand Siècle – jusqu’au 19 mai Musée du Luxembourg l JOSÉPHINE – du 12 mars au 29 d a juin Musée Maillol l LE TRÉSOR DE SAN GENNARO – du 19 mars au 20 juillet Musée Marmottan-Monet l LES IMPRESSIONNISTES EN PRIVE. 100 chefs-d’œuvre de collectionneurs – jusqu’au 6 juillet Musée de l’Orangerie l LES ARCHIVES DU RÊVE, DESSINS DU MUSÉE D'ORSAY : CARTE BLANCHE À WERNER SPIES – du 26 mars au 30 juin Musée d’Orsay l GUSTAVE DORÉ (1832-1883). L’imaginaire au pouvoir – jusqu’au 11 mai Musée Zadkine l VOYAGE DANS L'ANCIENNE RUSSIE – jusqu’au 13 avril Petit Palais l CARL LARSSON - L’imagier de la Suède – du 7 mars au 7 juin Petit de Tokyo l L’ÉTAT DU CIEL [partie 1] – jusqu’au 7 septembre. Pinacothèque l GOYA ET LA MODERNITÉ – jusqu’au 16 mars l LA DYNASTIE BRUEGHEL – jusqu’au 16 mars l CHU TEH-CHUN, LES CHEMINS DE L'ABSTRACTION – jusqu’au 16 mars 89 m é m e n t o GENEVE concerts 90 u mardi 4.3. : Jazz Classics. JOSHUA REDMAN QUARTET «BALLADS». Victoria Hall à 20h30 (loc. 0900.800.800 / Ticketcorner, Fnac, Manor..) u 5.3. : Série Prélude. OSR, dir. Philippe Béran (Vivaldi, Honegger, Mendelssohn). Victoria Hall à 20h (Tél. 022/807.00.00 / [email protected]) u 6.3. : Concert klezmer de l'ENSEMBLE HOTEGEZUGT avec MICHEL BORZYKOWSKI. Théâtre Alchimic (rés. 022/301.68.38) u 8.3. : Concert Fondation Patiño avec les solistes de l’Académie Menuhin. MAXIM VENGEROV, direction et violon. OLEG KASKIV, violon ( Bach, Vivaldi, Piazzolla, Tchaïkovsky, SaintSaëns et Fauré. Victoria Hall à 20h30 (Concert gratuit sur invitation (à retirer chez Globus)) u 9.3. : Musique sur Rhône. ENSEMBLE DE MUSIQUE DE CHAMBRE DE L’OSR (Fauré, Mozart, Brahms). BFM, salle Théodore Turettini à 11h (Tél. 022/807.00.00 / [email protected]) u 9.3. : AUTOUR DE HEINZ HOLLIGER. Stefan Wirth, piano. Julien Dieudegard, violon. Olivier Marron, violoncelle (Holliger, Schumann). Espace Fusterie à 11h (billets 45 min. avant le concert / ou rés. sur : www.contrechamps.ch/reserver) u 10.3. : Concert Sauvage no. 2. UN VIOLONCELLE FOU (Machaut, Catherin, Monteverdi, Castello, Feldman, Merula). Comédie de Genève à 19h30 (sur place 1 h avant / rés. [email protected]) u 12.3. : Série Symphonie. OSR, dir. Neeme Järvi, VADIM REPIN, violon, TRULS MØRK, violoncelle (Tchaïkovski, Brahms, Chostakovitch). Victoria Hall à 20h (Tél. 022/807.00.00 / [email protected]) u 13.3. : Concert de chants judéoespagnols. KEREN ESTHER (chant), PACO CHAMBI (guitare), SYLVAIN FOURNIER (percussion). Théâtre Alchimic (rés. 022/301.68.38) u 13.3. : Migros-pour-cent-culturelclassics. ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL, dir. KENT NAGANO, MARCANDRÉ HAMELIN, piano (Wagner, Hefti, Liszt, Berlioz). Victoria Hall à 20h (loc. SCM 022/319.61.11) u 14.3. : Série Répertoire. OSR, dir. Neeme Järvi, VADIM REPIN, violon, TRULS MØRK, violoncelle (Tchaïkovski, Brahms, Prokofiev). Victoria Hall à 20h (Tél. 022/807.00.00 / [email protected]) u 14 et 16.3. : INTÉGRALE DES CONCERTOS BRANDENBOURGEOIS de Bach, par le Geneva Camerata. Isabelle Burkhalter, présentation. Musée d’Art et d’Histoire, le 14 à 19h, le 16 à 16h (sur place 1 h avant le concert / rés. [email protected]) u 15.3. : Concert en Famille n°3. LE MONDE DE MOZART, dir. David Greilsammer. Salle Frank Martin à 11h (sur place 1 h avant / rés. [email protected]) u 16.3. : ORCHESTRE DE LA HAUTE ÉCOLE DE MUSIQUE DE GENÈVE, dir. Karl Anton Rickenbacher (R. Strauss, Messiaen, Mahler). Victoria Hall à 11h (rens. 0800.418.418, billets : Alhambra, Grütli) u 17.3. : Temps & Musique. QUATUOR BRENTANO (Mozart, Chostakovitch, Beethoven). Conservatoire de Genève à 20h (billetterie : Service culturel Migros, Migros Nyon-La Combe, Stand Info Balexert) u 18.3. : Classiques Alternances. SILVIA CHIESA, violoncelle & MAURIZIO BAGLINI, piano (Brahms, Schubert, Cilea, Rachmaninoff). Victoria Hall à 20h (Billetterie : points de vente Ville de Genève & Service cult. Migros) u 20.3. : AU CŒUR DU PRINTEMPS. Geneva Camerata, dir. David Greilsammer (Vivaldi, Piazzolla). Salle Frank Martin (sur place 1 h avant le concert / rés. [email protected]) u 20.3. : SAN FRANCISCO SYMPHONY ORCHESTRA, CHŒUR DE FEMMES DE L’ORCHESTRE DE PARIS, MAÎTRISE DE PARIS, dir. Michael Tilson Thomas. SASHA COOKE, mezzo-soprano (Mahler). Victoria Hall à 20h (loc. Service culturel Migros Genève, Stand Info Balexert) u 21.3. : CHRONOS & THANATOS. Ensemble Contrechamps, dir. Michael Wendeberg, Mélody Loulédjian, soprano (Grisey, Ferneyhough). Maison Communale de Plainpalais à 20h / 19h : présentation de Marc Texier (billetterie ouverte 45 min. avant le concert / ou rés. sur : www.contrechamps.ch) u 21.3. : ORCHESTRE DES NATIONS UNIES, dir. Antoine Marguier. ELISSO BOLKVADZE, piano (Rossini, SaintSaëns, Dvorak). Victoria Hall à 20h (loc. Espace Ville de Genève, Grütli, Genève Tourisme, Cité Seniors, Centrale Billetterie T 0800 418 418) u 24.3. : Les Grands Interprètes. MENAHEM PRESSLER, piano; dir. Romain Mayor (Schubert, Kurtag). Victoria Hall à 20h (tél. 022/322.22.40 ou : [email protected]) a g u 26.3. : Hors-Série. LE CHANT SACRÉ GENÈVE. L’OCG, dir. Romain Mayor. CLÉMENCE TILQUIN soprano, DIEGO INNOCENZI orgue (Mendelssohn, Farkas, Villard). Victoria Hall à 20h30 (loc. Service culturel Migros) u vendredi 28.3. : Jazz Classics. HIROMI. Victoria Hall à 20h30 (loc. 0900.800.800 / Ticketcorner) u Dimanche 30.3. : Amarcordes. TRÉSORS DE LA MUSIQUE FRANÇAISE DU 18E SIÈCLE. Ensemble Fratres (Couperin, Rameau, Le Roux). Château de Dardagny 18h (réservation sur http://www.amarcordes.ch/) u 30.3. : ORCHESTRE NATIONAL DE LYON, dir. Eivind Gullberg Jensen, EMMANUELLE RÉVILLE, flûte, ELÉONORE EULER-CABANTOUS, harpe, KUMIKO SHUTO, biwa, KIFU MITSUHASHI, shakuhachi (Debussy, Takemitsu). Victoria Hall à 11h (rens. 0800.418.418, billets : Alhambra, Grütli) u 30.3. : QUATUOR SCHUMANN (ensemble invité). CHRISTIAN FAVRE, piano; FRÉDÉRIC ANGLERAUX, violon; CHRISTOPH SCHILLER, alto; FRANÇOIS GUYE, violoncelle (Mozart, Fauré). Musée d’Art et d’Histoire, salle des Armures, à 11h (billets sur place 1 heure avant le concert ou préloc. points de vente Ville de Genève) LE CABARET LATINO - à 21h30 Les Ateliers d’ethnomusicologie à La Parfumerie (infos : www.adem.ch) u 7.3. : CLUBE DO CHORO (Brésil) IVONNE GONZALEZ (Cuba) u 8.3. : MICHELE MILLNER (Chili) PALENQUE LA PAPAYERA (Colombie) u 14.3. : LIEN Y REY (Cuba) - NARCISO SAUL QUINTETO (Argentine) u 15.3. : ORISHA OKO (Cuba) MICHELANGELO4TET (Brésil) u 21.3. : EL VINAL (Argentine) - LUNA LUNA (Chili) u 22.3. : ROLY BERRIO (Cuba) - BARRIO OSCURO (Argentine/Espagne) théâtre u Jusqu’au 2.3. : BOURLINGUER de Blaise Cendrars, m.e.s. Darius Peyamiras. Le Poche-Genève, sam à 19h, dim à 17h (loc. 022/310.37.59) u Jusqu’au 2.3. : NOTA BÉBÉS de et m.e.s. Guy Jutard, de 1 à 3 ans. Théâtre des Marionnettes, nombreuses séances de 20 min. (rés. 022/807.31.07) u Jusqu’au 2.3. : PORTRAIT JENS VAN Théâtre du Crève-Cœur Faisons un rêve La Compagnie Anthéa Sogno est accueillie à Cologny pour y présenter «Faisons un rêve» de Sacha Guitry, une pièce dans laquelle l’auteur se révèle, selon les dires de la metteuse en scène « irrésistible de séduction et d’intelligence. Il est brillant, drôle, fin, plein de tendresse, bon, généreux, enfantin, très inspiré, amoureux, vivant, jouant, aimant, rêvant…» «Faisons un rêve» avec Christophe de Mareuil (lui) et Anthéa Sogno (elle) Comment séduire la femme d’un ami avec la complicité bien involontaire du mari ?Tel est le thème de cette pièce, l’une des plus célèbres de Sacha Guitry. C’est une exploration de la mécanique du désir, bouleversant les corps et les âmes en une folle journée. Les dialogues sont brillants, les acteurs vifs, virevoltants et précis,… et le public jubile. . Jusqu’au 9 mars 2014 du mercredi au samedi 20h30; dimanche 17h00 (relâche lundi et mardi) Réservations : +41 22 786 86 00 e n d a m DAELE. Danse et musique avec Jens Van Daele et l’Ensemble Batida. Le Galpon (rés. au 022/321.21.76 au plus tard 2 heures avant le début de l’événement - mail: [email protected]) u Jusqu’au 2.3. LE COMBAT ORDINAIRE de Manu Larcenet, Compagnie L'outil de la ressemblance, m.e.s. Robert Sandoz. Théâtre du Loup, sam à 19h, dim à 17h (rés. 022/301.31.00) u Jusqu’au 5.3. : GUERRE ET PAIX de Léon Tolstoi, m.e.s. Piotr Fomenko. Théâtre de Carouge, Salle FrançoisSimon, à 19h tous les soirs (billetterie : 022/343.43.43 - [email protected]) u Jusqu’au 8.3. : MADEMOISELLE ELSE par tg STAN - Ingmar Bergmann. Théâtre Saint-Gervais, Salle Marieluise Fleisser, mar-jeu-sam à 19h, mer-ven à 20h30 (loc. 022/908.20.20 ou www.saint-gervais.ch) u Jusqu’au 8.3. : APRÈS LA RÉPÉTITION par tg STAN - Ingmar Bergmann. Théâtre Saint-Gervais, Salle Marieluise Fleisser, mar-jeu-sam à 19h, mer-ven à 20h30 (loc. 022/908.20.20 ou www.saint-gervais.ch) u Jusqu’au 8.3. : SCÈNE DE LA VIE CONJUGALE par tg STAN - Ingmar Bergmann. Théâtre Saint-Gervais, Salle Marieluise Fleisser, mar-jeusam à 19h, mer-ven à 20h30 (loc. 022/908.20.20 ou www.saint-gervais.ch) u Jusqu’au 9.3. : LES POÈTES MAUDITS - BAUDELAIRE, VERLAINE ET RIMBAUD. Conception, m.e.s. et jeu : Alain Carré. Théâtre du Crève-Cœur, Cologny (rés. 022/786.86.00) u Jusqu’au 15.3. : ANDROMAQUE 10 43 d'après Jean Racine, m.e.s. Kristian Frédric. Le Grütli, Grande salle (sous-sol), mar-jeu-sam à 19h, mer-ven à 20h, dim à 18h. Relâche lun ([email protected] / 022/888.44.88) u Jusqu’au 23.3. : LE BRUIT DU MONDE par la Paradoxe Compagnie, m.e.s. Yves Pinguely, création. Théâtre des Amis (rens. 022/342.28.74) u 4, 8, 9, 12, 14, 15, 16.3. : LOLA FOLDING de Marc Jeanneret, musique Simon Aeschimann, création, dès 8 ans. Théâtre Am Stram Gram,mar + ven à 19h, sam + dim 17h, merà 15h (Loc. 022/735.79.24 et Service Culturel Migros) u Du 4 au 6.3. : LES FONDATEURS S'INSTALLENT par Julien Basler et Zoé Cadotsch. Théâtre de l’Usine (rés. 022/328.08.18 ou www.theatredelusine.ch) u Du 4 au 23.3. : LE CHAT DU RABBIN a g d'après Joann Sfar, m.e.s. Sarah Marcuse. Théâtre Alchimic, mar et ven à 20h30; mer, jeu, sam et dim à 19h (rés. 022/301.68.38 / www.alchimic.ch - loc. Service culturel Migros) u Du 4 au 22.3. : OH LES BEAUX JOURS de Samuel Beckett, m.e.s. Anne Bisang. La Comédie de Genève, relâche lun et dim 9.3., mar-ven 20h, mer-jeu-sam 19h, dim 17h (loc. : 022/320.50.01 / [email protected]) u Du 4 au 23.3. : LES LARMES DES HOMMES de Mia Couto, d’après Le Fil des missangas, m.e.s. Patrick Mohr. Théâtre de La Parfumerie, ma-mer-je à 20h, ve-sa à 19h, di à 17h (rés. 022/341.21.21) u Du 5 au 23.3. : Carrefours transalpins. Les 5 et 6 à 20h : QUARTETT LE RELAZIONI PERICOLOSE de Heiner Müller, pièce jouée en italien, m.e.s. Valter Malosti. Production Fondazione del Teatro Stabile di Torino. Avec Laura Marinoni et Valter Malosti. / Les 8 à 20h et 9 à 18h : MERCI DE NE PAS DONNER À MANGER AUX ANIMAUX de Florent Otello, par la Coe La Galerie. / Les 15 et 16: VIENTO MUCHO VIENTO. Par La cabra compagnie; chor., textes et dir. Valeria Alonso / Du 17 au 21 : Atelier de création, La cabra cia / Les 18 et 19 : LINE d’Israël Horovitz, par le Teatro Due Parma, m.e.s. Walter Le Moli, pièce jouée en italien. / Les 22 et 23 : PESO PIUMA / POIDS PLUME. Conception, m.e.s. et interprétation Michela Lucenti. Le Galpon (rés. au 022/321.21.76 au plus tard 2 heures avant le début de l’événement - mail : [email protected]) u Du 5 au 26.3. : CHAPERON ROUGE CARTOON de et m.e.s. Guy Jutard, dès 5 ans. Théâtre des Marionnettes, mer à 15h, sam à 17h, dim à 11h et 17h (réservations 022/807.31.07) u Du 11 au 29.3. : LAS VANITAS par la Compagnie Chris Cadillac et Marion Duval. Théâtre Saint-Gervais, Salle Isidore Isou, 7ème étage - L’Atelier, mar-jeu-sam à 20h30, mer-ven à 19h (loc. 022/908.20.20 ou www.saintgervais.ch) u 12, 13 et 14.3. : Midi Théâtre! TRIPES STORY, conception Latifa Djerbi. Espaces "bar" de la Petite et de la Grande salle à 12h (rés. sur www.grutli.ch) u Du 18 au 23.3. EASTWARD d'Arnaud Gonnet et Martin Roehrich. Théâtre de l’Usine (rés. 022/328.08.18 ou www.theatredelusine.ch) u Du 18.3. au 6.4. : BIENTÔT VIENDRA e n é m e de Line Knutzon, m.e.s. Sophie Kandaouroff. Le Grütli, Petite Salle (2ème étage), à 20h, dim à 18h. Relâche lun (billetterie : [email protected] / 022/888.44.88) u du 19.3. au 13.4. : FAISONS UN RÊVE de S. Guitry, m.e.s. Anthéa Sogno. Théâtre du Crève-Cœur, Cologny (rés. 022/786.86.00) u 21, 22, 23, 25.3. : LE RÊVE D'ANNA d'Eddy Pallaro, m.e.s. Bérangère Vantusso, dès 7 ans. Théâtre Am Stram Gram, ven + mar à 19h, sam + dim à 17h (Loc. 022/735.79.24 et Service Culturel Migros) u Du 21.3. au 6.4. : LA DOUBLE INCONSTANCE de Marivaux, m.e.s. Philippe Mentha. Théâtre de Carouge, Salle François-Simon, mar, mer, jeu et sam à 19h / ven à 20h / dim à 17h (billetterie : 022/343.43.43 - [email protected]) u Du 24.3. au 13.4. : IRRÉSISTIBLE de Fabrice Roger-Lacan, m.e.s. Claude Vuillemin. Le Poche-Genève, lun et ven à 20h30, mer-jeu-sam à 19h, dim à 17h, mardi relâche (rens./rés. /loc. 022/310.37.59) u 25.3. : Les Théâtrales. COMME S’IL EN PLEUVAIT de Sébastien Thiéry, m.e.s. de Bernard Murat. Avec Pierre Arditi, Évelyne Buyle, Christophe Vandevelde, Véronique Boulanger. BFM à 20h30 (Rés. 022/364.30.30 ou points de vente Fnac) u Du 25.3. au 6.4. : CABARET LEVIN #3 de Hanokh Lein, m.e.s. Hervé Loichemol et Nalini Menamkat. La Comédie de Genève, relâche lun, mar-ven 20h, mer-jeu-sam 19h, dim 17h (loc. : 022/320.50.01 / [email protected]) u Du 27.3. au 16.4. : L’ANNIVERSAIRE de Harold Pinter, m.e.s. Jean-Gabriel Chobaz. Théâtre Alchimic, mar et ven à 20h30; mer, jeu, sam et dim à 19h (rés. 022/301.68.38 / www.alchimic.ch - loc. Service culturel Migros) u Du 29.3. au 13.4. : VOYAGE EN POLYGONIE de et m.e.s. François Parmentier, dès 3 ans. Théâtre des Marionnettes, mer à 15h, sam à 17h, dim à 11h et 17h (réservations 022/807.31.07) LE TEMPS opéra u 1, 2, 4, 6, 7, 8, 10.3. : NABUCCO de Giuseppe Verdi, OSR, dir. John Fiore, m.e.s. Roland Aeschlimann. Grand Théâtre à 19h30, dim à 15h (billetterie : 022/322.50.50 et www.geneveopera.com/) u 21, 22.3. : SIEGFRIED OU QUI DEVIENDRA… de Peter Larsen, musique de d a n t o Richard Wagner, avec les solistes en résidence au Grand Théâtre de Genève. Grand Théâtre, le 21 à 19h30, le 22 à 15h et 19h30 (loc. 022/322.50.50 et www.geneveopera.com/) u 28, 29.3. : DELUSION OF THE FURY de Harry Partch, Ensemble Musikfabrik, m.e.s. Heiner Goebbels. Bâtiment des Forces Motrices à 19h30 (billetterie : 022/322.50.50 et www.geneveopera.com/) u 30.3. : JONAS KAUFMANN, ténor, HELMUT DEUTSCH, piano. Grand Théâtre à 19h30 (loc. 022/322.50.50 et www.geneveopera.com/) danse u Du 5 au 16.3. : ADC. UTÉRUS, PIÈCE D'INTÉRIEUR de Foofwa d'Imobilité. Salle des Eaux-Vives, 82-84 r. EauxVives, à 20h30 (billets : Service culturel Migros, Stand Info Balexert, Migros Nyon La Combe) u 27 et 28.3. : ADC. THE STAGES OF STAGING de Alexandra Bachzestis. Salle des Eaux-Vives, 82-84 r. EauxVives, à 20h30 (billets : Service culturel Migros, Stand Info Balexert, Migros Nyon La Combe) divers u 6.3. : ANGÉLIQUE KIDJO. Théâtre du Léman à 20h30 (loc. www.theatreduleman.com) u 7.3. : CARLA BRUNI. Théâtre du Léman à 20h00 (loc. www.theatreduleman.com) u 8.3. : CELTIC LEGENDS, nouveau spectacle. Théâtre du Léman à 20h (loc. www.theatreduleman.com) u 9, 16, 23, 30.3. et 6.4. : Laboratoire spontané. LA BRIOCHE DES MIOCHES de Sandra Korol, m.e.s. Jean Liermier, dès 5 ans. Théâtre Am Stram Gram à 10h (Loc. 022/735.79.24 et Service Culturel Migros) u 15 et 16.3. : MUMMENSCHAZ 4families. Bâtiment des Forces motrices (billets : TicketCorner 0900.800.800) u 18 et 19.3. : JAMAIS 2 SANS 3, avec Liane Foly. Théâtre du Léman, 20h30 (loc. www.theatreduleman.com) u 20.3. : GORAN BREGOVIC & HIS WEDDING & FUNERAL BAND. Théâtre du Léman à 20h30 (loc. www.theatreduleman.com) u 28.3. : Laboratoire spontané. RENCONTRE AVEC YVES BONNEFOY, dès 10 ans. Théâtre Am Stram Gram à 19h (Loc. 022/735.79.24 et Service Culturel Migros) 91 m é m LAUSANNE concerts 92 u 3 et 4.3. : O.C.L., dir. et violon FRANK PETER ZIMMERMANN (Mozart). Salle Métropole à 20h (Billetterie : 021/345.00.25) u 4.3. : Les Entractes du mardi. DELIA BUGARIN, ANNA VASILYEVA, ALEXANDER GRYTSAYENKO et EDOUARD JACCOTTET, violon, JANKA SZOMORMEKIS et KARL WINGERTER, alto, PHILIPPE SCHILTKNECHT et LIONEL COTTET, violoncelle (R. Strauss, Mendelssohn Bartholdy). Salle Métropole à 12h30 (Billetterie de l’OCL: Tél. 021/345.00.25) u 9.3. : Les Concerts du dimanche. OCL, dir. Bertrand De Billy, DAVIDE BANDIERI, clarinette, CURZIO PETRAGLIO, cor de basset (Mendelssohn Bartholdy, Cherubini). Salle Métropole à 11h15 (Billetterie : 021/345.00.25) u 13.3. : OSR, dir. Neeme Järvi, VADIM REPIN, violon, TRULS MØRK, violoncelle (Tchaïkovski, Brahms, Prokofiev). Théâtre de Beaulieu à 20h15 (Tél. 022/807.00.00 / [email protected] ou chez Passion Musique) u 23.3. : Les Concerts J.S. Bach de Lutry. LES CANTATES DU JEUNE J.S. BACH. Orfeo Vokalensemble avec Orfeo Barokorchester Salzbourg, dir. Michi Gaigg. Temple de Lutry à 17h (Billets : Hug Musique, GrandPont 4, ou à l'entrée du Temple dès 16h le jour du concert / rés. Point I, Quai Gustave Doret, 1095 Lutry, Tél. 021 791 47 65) u 30.3. : Les Concerts du dimanche. ORCHESTRE DE LA HAUTE ÉCOLE DE MUSIQUE DE LAUSANNE, dir. Benjamin Levy, Solistes des classes de chant de l’Hemu (Ravel). Salle Métropole à 11h15 (Billetterie : 021/345.00.25) théâtre u Jusqu’au 2.3. : L’ANNIVERSAIRE d’Harold Pinter, m.e.s. Jean-Gabriel Chobaz. Pour les 30 ans du Théâtre du Projecteur. Pulloff théâtres, sam à 19h, dim à 18h (rés. 021/311.44.22 ou www.pulloff.ch) u Jusqu’au 8.3. : YVONNE, PRINCESSE BOURGOGNE de Witold DE Gombrowicz, m.e.s. Genevière Guhl. La Grange de Dorigny, ma-je-sa à 19h / me-ve à 20h30 / di à 17h (rés. 021/692.21.24) e n t u Du 4 au 14.3. : RICHARD III de William Shakespeare, m.e.s. Laurent Fréchuret. Vidy-Lausanne, salle Charles Apothéloz, mar-mer-jeu-sam à 19h, ven à 20h30, dim à 17h30 (rés. 021/619.45.45 - www.billetterievidy.ch) u du 4 au 16.3. : LA DOUBLE INCONSTANCE de Marivaux, mise en scène : Philippe Mentha – Production Théâtre Kléber-Méleau. Théâtre Kléber-Méleau, ma/me/je/sa à 19h, ve à 20h30, di 17h30 (rés. 021/625.84.29) u Du 5 au 23.3. : BOURLINGUER de Blaise Cendrars, m.e.s. Darius Peyamiras, avec Jean-Quentin Châtelain. Vidy-Lausanne, La Passerelle, à 20h, dim à 18h, relâche lun (loc. 021/619.45.45) u 6, 7 et 9.3. : AYITI. Prod. La Charge du Rhinocéros, m.e.s. Philippe Laurent. Espace culturel des Terreaux, jeu à 19h, ven à 20h, dim à 17h (loc. www.terreaux.org/) u Du 11 au 16.3. : MERCEDES-BENZ W12 de et m.e.s. Marie Fourquet, création. L’Arsenic, ma, je, sa 19h / me, ve 20h30 / di 18h ([email protected] / 021/625.11.36) u Du 11 au 22.3. : JOURNAL DE MA NOUVELLE OREILLE de et avec Isabelle Fruchart, adapt. et m.e.s. Zabou Breitman. Chapiteau Vidy-L, à 20h30, ven à 19h, dim à 17h, lun relâche (loc. 021/619.45.45) u Du 11 au 30.3. : MISTERIOSO-119 de Koffi Kwahulé, m.e.s. Cédric Dorier. Vidy-Lausanne, salle Rene Gonzalez, à 19h30, dim à 18h30, lun relâche (loc. 021/619.45.45) u Du 12 au 30.3. : LE PETIT PRINCE ÉCARLATE de Marcel Cremer, m.e.s. Sylvie Kleiber, création, dès 7 ans. Le petit théâtre, me et di à 17h / ve à 19h / sa à 14h et 17h (rés. www.lepetittheatre.ch) u Du 13 au 16.3. : COUVRE-FEUX de Didier-Georges Gabily, m.e.s. Ludovic Chazaud. La Grange de Dorigny, ma-je-sa à 19h / me-ve à 20h30 / di à 17h (rés. 021/692.21.24) u Du 18 au 23.3. : SEULE LA MER d’Amos Oz, m.e.s. Denis Maillefer. Vidy-Lausanne, salle Charles Apothéloz, mar-mer-jeu-sam à 19h, ven à 20h30, dim à 17h30 (rés. 021/619.45.45 - www.billetterievidy.ch) u Du 18 au 23.3. : LABORATOIRE D’ORACLES 2 - TOUT IRA BIEN par Malika Khatir, Stéphane Blok et Fiamma Camesi, création. L’Arsenic , ma, je, sa 19h / me, ve 20h30 / di 18h ([email protected] / 021/625.11.36) a g o u Du 18.3. au 6.4. : OCCUPÉ-BESETZT de Catherine Favre. Pulloff théâtres, mer + ven à 20h, mar, jeu + sam à 19h, dim à 18h (réservations 021/311.44.22 ou www.pulloff.ch) u Du 20 au 22.3. : JOUE-MOI QUELQUE CHOSE de John Berger, m.e.s. Michele Millner. La Grange de Dorigny, ma-je-sa à 19h / me-ve à 20h30 / di à 17h (rés. 021/692.21.24) u Du 27 au 29.3. : FOUCAULT 71 par le Collectif F71. La Grange de Dorigny, ma-je-sa à 19h / me-ve à 20h30 / di à 17h (rés. 021/692.21.24) divers u 22.3. : SÉRIE OPÉRA 2/3 - OTHELLO. Performance. Concept et musique Christian Garcia - B000M CIE (CH), Création. L’Arsenic, le foyer, à 21h ([email protected] / 021/625.11.36) danse u Du 5 au 9.3. : LES ANIMAUX, chor. Young Soon Cho Jaquet, création. L’Arsenic, me, ve 20h30 / je, sa 19h / di 18h ([email protected] / 021/625.11.36) u 20.3. : MUTANT SLAPPERS & THE PLANET BANG par Kylie Walters, Joseph Trefeli et KMA. L’Arsenic à 22h ([email protected] / 021/625.11.36) u Du 28 au 30.3. : TARAB, chor. Laurence Yadi et Nicolas Cantillon. L’Arsenic ([email protected] / 021/625.11.36) opéra u 9.3. : CARTE BLANCHE À CÉDRIC PESCIA, Cédric Pescia, piano, Sebastian Geyer, baryton (Schubert). Opéra de Lausanne (Billetterie : 021/315.40.20, lun-ven de 12h à 18h / en ligne et infos : www.opera-lausanne.ch) u 11.3. : Conférence Forum Opéra. LUISA MILLER, par Georges Reymond u 13.3. : Conférence Université. LUISA MILLER. Conférencière: Mila de Santis. Lieu annoncé ultérieurement (www.unil.ch/lettres) u 21, 23, 26, 28, 30.3. : LUISA MILLER, dir. Roberto Rizzi Brignoli, Orchestre de Chambre de Lausanne, m.e.s. Giancarlo del Monaco. Opéra de Lausanne (loc. : 021/315.40.20, lunven de 12h à 18h / en ligne et infos : www.opera-lausanne.ch) e n AILLEURS annecy BONLIEU SCÈNE NATIONALE aux Haras d’Annecy, sauf mention contraire (rens./rés. 04.50.33.44.11 / [email protected]) u Du 19.3. au 13.4. : MONSTRATION de Johann Le Guillerm, installation, création u Du 18 au 30.3. : SECRET de et m.e.s. Johann Le Guillerm, Cirque u 21.3. Eglise Sainte-Bernadette : MUSIQUE SACRÉE DU XXE SIÈCLE par l'Orchestre des Pays de Savoir, dir. Nicolas Chavin, Chœurs et solistes de Lyon, dir. Bernard Tétu (Britten, Poulenc, Fauré) u 21.3. MC2 Grenoble : ORFEO ED EURIDICE par Christoph Willibad Gluck, musique u 25 et 26.3. : REQUIEM DE SALON de et m.e.s. Andrea Novicov u 27.3. Cathédrale St-Pierre : ALPBAROCK, Musique u Du 28.3. au 25.5. : ESCARGOPOLIS par la Compagnie 2 rien merci, Cirque, Installation u Du 28 au 30.3. : MAZUT de et avec Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias, Cirque u Du 28 au 30.3. : POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE par le Cirque Aïtal, conception et interprétation Kati Pikkarainen et Victor Cathala annemasse RELAIS CHÂTEAU-ROUGE à 20h30 sauf mention contraire (loc. +33/450.43.24.24) u 21.3. : LOÏC LANTOINE et YOANNA, Chanson française u 22.3. : LES REVENANTS d’après Henrik Ibsen, m.e.s. Thomas Ostermeier u 26 et 27.3. : HHHH de Laurent Binet, m.e.s. Laurent Hatat u 29.3. : MUSIQUE SACRÉE DU 20E SIÈCLE, Chœurs et solistes de Lyon, Bernard Tétu et l'Orchestre des Pays de Savoie fribourg THÉÂTRE EQUILIBRE à 20h (billetterie : Fribourg Tourisme 026/350.11.00 / [email protected]) u 4.3. à 19h30 : GALA EN HOMMAGE À NIJINSKY, par les étoiles du ballet russse. u 9.3. à 11h : LE GRAND POURQUOI d'après Wolf Erlbruch, m.e.s. Muriel d a m é m e Hommage à Nijinsky Une soirée de gala aura lieu au théâtre Equilibre dans le cadre des festivités du bicentenaire des relations diplomatiques entre la Russie et la Suisse. Pour célébrer le début de ces festivités, l’Ambassade de Russie et les étoiles du ballet russe participeront à une cérémonie officielle devant des personnalités de ces deux pays, ainsi que pour un hommage à Nijinsky, qui sera interprété par les plus prestigieux danseurs du ballet russe, membres du Bolchoï, du Théâtre Mariinsky, du Théâtre impérial Mikhailovsky, du théâtre académique du ballet Leonid Yakobson et du Boris Eifman Ballet St Petersburg, notamment : Anastasiya Stashkevich, Denis Rodkin, Vyacheslav Lopatin, Evgeny Ivanchenko et Nina Zmievets. Quelques places réservées au public sont mises en vente. . mardi 4 mars 2014 à 19h30 THÉÂTRE DES OSSES (rés. 026/469.70.00) u Jusqu’au 23.3. : RIDEAU! de et m.e.s. Gisèle Sallin la chaux-fds ARC EN SCÈNES. CENTRE NEUCHÂTELOIS DES ARTS VIVANTS sauf mention contraire (loc. 032/967.60.50 ou www.arcenscenes.ch/) u 6 et 7.3. TPR : TU TIENS SUR TOUS LES FRONTS de Christophe Tarkos, m.e.s. Roland Auzet u 14.3. : STEFANO DI BATTISTA / SYLVAIN LUC, Jazz u 14.3. : Série Parallèles. MARC PANTILLON, piano, ANNE-LAURE PANTILLON, flûte (Widor, Bonis, Poulenc, Debussy, Sancan, Jolivet). Salle Faller à 20h15 u 19.3. : LOLA FOLDING de Marc Jeanneret, m.e.s. Brico Jardin u 25 et 26.3. TPR : ENCORE, de et chor. Eugénie Rebetez a g THÉÂTRE DU PASSAGE. A 20h, di à 17h (loc. 032/717.79.07) u 1er, 4 et 7.3. : TOSCA de Puccini, dir. Facundo Agudin, Choeur Lyrica u Du 13 au 15.3. : SWEET POTATOES de Philippe Sabres, Cie Sugar Cane u 18, 19, 21, 22, 23.3. : LAURENT NICOLET : J’AI TROP D’AMIS !, m.e.s. Jean-Alexandre Blanchet u 20 et 21.3. : BRITANNICUS de Jean Racine, m.e.s. Jean-Louis Martinelli u 28.3. : EMIGRANT, chants du Friûl de Nadia Fabrizio Anastasiya Stashkevich et Viacheslav Lopatin Photo de Damir Yusupov / Bolshoi u 27.3. : Série Parallèles. ASHOT KHACHATOURIAN, piano (Beethoven, Chopin, Prolofiev). Salle Faller du Conservatoire à 20h15 martigny u Du 27 au 29.3. : SWEET POTATOES de Philippe Sabres, m.e.s. Frédéric Mairy. Cie Sugar Cane, Neuchâtel. Théâtre Alambic, Hôtel-de-Ville 4, à 19h30, sa : suppl. éventuelle à 19h (rés./loc. 027/722.94.22) meyrin THÉÂTRE FORUM MEYRIN à 20h30 sauf mention contraire (loc. 022/989.34.34) u 4 et 5.3. : LA DIVINE COMÉDIE - DE L’ENFER AU PARADIS de D. Alighieri, par Emiliano Pellisari Studio u 10 et 11.3. : SEULE LA MER d'Amos Oz, m.e.s. Denis Maillefer, par le Théâtre en Flammes u 13.3. à 19h : CONCERTO, VOUS AVEZ DIT CONCERTO?, Orchestre de Chambre de Genève, dir. Philippe Béran. Dès 6 ans u 20.3. : VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT de Céline, par Jean-François Balmer u 22.3. à 15h30 : PLEASE, CONTINUE (HAMLET), Cie Yan Duyvendak u 26.3. à 19h : J'AVANCE ET J'EFFACE d'Alexis Armengol, par le Théâtre à cru. Dès 8 ans. Théâtre musical u 29.3. ou 11.4. à 18h30 : HorsScène / Balades poétiques. LES PETITES FUGUES, proposé par Dorian Rossel et la Cie STT u 1.4. : A L’ENVERS par Scopène e o neuchâtel Réservations : Fribourg Tourisme et Région, au 026/350.11.00 givisiez t u 28.3. : L'APPRENTI MAGICIEN de et avec Sébastien Mossière u 30.3. : INCIDENCE CHORÉGRAPHIQUE avec les danseurs de l'Opéra de Paris, dir. Bruno Bouché Théâtre Equilibre, Fribourg Imbach. Au Nouveau Monde / Chocolat Show u 11.3. : ORCHESTRE DE CHAMBRE FRIBOURGEOIS, Concert 3, dir. Laurent Gendre, OLIVER SCHNYDER, piano (Gershwin, Dvorák) u 13.3. : VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT d'après Céline, m.e.s. Fr. Petit u 15.3. : TOSCA de Puccini, dir. Bernard Colomb, Lyrica u 19.3. : SUIVRONT MILLE ANS DE CALME, chor. Angelin Preljocaj, Ballet Preljocaj, danse u 24.3. : COMME S'IL EN PLEUVAIT de Sébastien Thiéry, m.e.s. Bernard Murat n n monthey THÉÂTRE DU CROCHETAN à 20h (loc. 024/471.62.67) u 14 et 15.3. : 120 MINUTES PRÉSENTE: LA SUISSE de Vincent Kucholl et Vincent Veillon u 16.3. : Concert quatuor à cordes et piano par le QUATUOR DE GENÈVE (Mozart, Janacek, Dvorak) u 20.3. : COLORS OF TIME, Thierry Lang, piano u 27.3. : CORPS DE WALK par la Compagnie Carte Blanche, chor. Sharon Eyal, Danse u 29.3. : LES LARMES DES HOMMES de Mia Couto, m.e.s. Patrick Mohr morges THÉÂTRE DE BEAUSOBRE à 20h (loc. 024/471.62.67) u 6.3. : THOMAS FERSEN u 5.3. : PIERRE RICHARD III de et avec Pierre Richard, m.e.s. Christophe Duthuron u 11.3. : RIDEAU! Théâtre des Osses, m.e.s. G. Sallin, chor. Tane Soutter u 13.3. : 120 SECONDES PRÉSENTE : LA SUISSE de et avec Vincent Veillon et Vincent Kucholl, m.e.s. Denis Maillefer et Antonio Troilo u 14.3. : JAËL MALLI, ELÉONORE ET BILLIE BIRD u 22 et 23.3. : LA TRILOGIE DES ÎLES par la Compagnie Irina Brook, m.e.s. Irina Brook u 18.3. : JONATHAN LAMBERT, Humour u 20.3. : MARC DONNET-MONAY, Humour u 26.3. : COMME S'IL PLEUVAIT de Sébastien Thiéry, m.e.s. B. Murat d a THÉÂTRE DU POMMIER (tél. 032/725.05.05) u 22 et 23.3. à 17h : LE GRAND POURQUOI d'après Wolf Erlbruch, m.e.s. Muriel Imbach u Du 27 au 29.3. / je 20h, ve-sa 20h30 : L’INTERROGATOIRE de Jacques Chessex par la Cie l’Oranger, m.e.s. Laurent Gachoud nyon USINE À GAZ sauf mention contraire (loc. 022/361.44.04) u 5.3. à 15h : LE GRAND POURQUOI d'après Wolf Erlbruch, m.e.s. Muriel Imbach. Cie La Bocca della Luna u 16.3. : Les Matinales. QUATUOR BRENTANO (Mozart, Beethoven). Grande salle de la Colombière à 11h15 (billetterie : Service culturel Migros, Migros Nyon-La Combe, Stand Info Balexert) u 19.3. : LA LÉGENDE DU PONT DU DIABLE d'après Alexandre Dumas et Meinrad Lienert, m.e.s. Julien Mégroz et Cyrill Greter, conte musical et sculptural dès 6 ans u 20.3. : ITALIE BRÉSIL 3 À 2 par la Compagnie Tandaim, Théâtre u 27 et 28.3. : Z. FORFAIT ILLIMITÉ par la Compagnie Extrapol, Théâtre onex SPECTACLES ONÉSIENS, salle communale à 20h30 (loc. 022/879.59.99 ou SCM 022/319.61.11) u 6 et 7.3. : FRÉDÉRIC RECROSIO, One man show u 9 et 12.3. : Récrés-spectacle. A L'AIDE!, Marionnettes & ombres chinoises, dès 4 ans u 27 et 28.3. : LES FRÈRES TALOCHE 93 m é m e n t o En tournée Doute «Doute» © David Marchon La pièce de John Patrick Shanley mise en scène par Robert Bouvier en 2012 - et qui a a valu à ce dernier de nombreux éloges lors de sa création, tant pour sa mise en scène que pour son jeu d’acteur - part en tournée en Suisse romande. Sur scène : Quatre personnages pris dans la tourmente d’une rumeur. La directrice d'une école catholique, sœur Aloysius (Josiane Stoléru), reproche à la jeune sœur James sa façon trop enthousiaste et spontanée de donner ses cours. Elle voit aussi d'un mauvais œil la complicité qui unit le père Flynn (Robert Bouvier) et un jeune élève noir. Elle va alors lancer une rumeur ... Cette pièce percutante ébranle nos certitudes. Shanley traque les affres que connaissent des personnages confrontés à un soupçon qui vient bouleverser leur vie. . Le 12 mars, Sion – Théâtre de Valère (location 027/323.45.61) . Le 13 mars, Yverdon – Théâtre Benno Besson (location 024/423.65.84) . Le 14 mars, Avenches – Théâtre du Château (location 026/676.99.22) . Le 15 mars, Romont – Bicubic (location sur : www.bicubic.ch) 94 plan/ouates sion ESPACE VÉLODROME, sauf avis contraire (loc. 022/888.64.60) u 6 et 7.3. La Julienne : LA COMPAGNIE DES SPECTRES par Zabou Breitman, Théâtre u 21.3. La Julienne : MEDUOTERAN, les Balkans sublimés, Concert pully L’OCTOGONE, à 20h30 sauf mention contraire (loc. 021/721.36.20) u 11.3. Pour l'Art et le Lutrin : CYCLE 1 – QUATUOR MEREL avec RUTH ZIESAK, soprano (Mozart, Schubert, Schoenberg) u 15.3. : COLORS OF TIME, Thierry Lang, piano, et l'Orchestre de chambre fribourgeois et les vocalistes de l'Accroche-cœur, Musique u 18.3. : VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT d’après Céline, m.e.s. Fr. Petit u 22.3. hors saison : Amdathtra musiques du monde – TURQUIE u 27.3. : COMME S'IL EN PLEUVAIT de Sébastien Thiéry, m.e.s. Bernard Murat, Théâtre sierre LES HALLES à 19h30 (rés./loc. 027/722.94.22) u 1.3. : SEULE LA MER, de Amos Oz par le Théâtre en Flammes, m.e.s. Denis Maillefer. Création en résidence u 15 et 16.3. à 17h : LE GRAND POURQUOI d'après Wolf Erlbruch, m.e.s. Muriel Imbach THÉÂTRE DE VALÈRE à 20h15, sauf mention contraire (loc. 027/323.45.61) u 12.3. : DOUTE de John Patrick Shanley, m.e.s. Robert Bouvier u 21.3. : L'ETOURDI d'après Molière et Philippe Cohen, m.e.s. François Marin u 25.3. : UNE SOCIÉTÉ DE SERVICES de et m.e.s. Françoise Bloch thonon-évian MAISON DES ARTS, ESPACE MAURICE NOVARINA à 20h30, sauf mention contraire (loc. 04.50.71.39.47 ou en ligne : billetterie.mal-thonon.org) u 18.3. / Espace des Ursules à 14h30 et 20h : L’ILIADE de Homère par la Cie Claude Brozzoni u 20 et 21.3. / Théâtre du Casino, Evian : LÉTÉE de Stéphanie Jaubertie, m.e.s. Maud Hufnagel u 21 et 22.3. / Espace des Ursules : JEUX À TROIS MAINS de et m.e.s. Dario Moretti (Bartók). Horaire : ven 21 à 9h30 et 15h / sam 22 à 10h u 25.3. / Espace Tully à 20h : LES LARMES DES HOMMES d’après «Le Fil des Missangas» de Mia Couto, m.e.s. Patrick Mohr u 27 et 28.3. /Théâtre du Casino à 20h, Evian : DOM JUAN de Molière, m.e.s. René Loyon u 29.3. / Grange au Lac à 20h, Evian : ORCHESTRE DES PAYS DE SAVOIE, dir. Bernard Tétu, CHŒURS ET SOLISTES DE LYON-BERNARD TÉTU (Britten, Poulenc, Fauré) a g vevey THÉÂTRE. À 19h30, dim à 17h sauf mention contraire (rés. 021/925.94.94 ou L@billetterie) u 6 et 7.3. : TOUT MON AMOUR de Laurent Mauvignier, dès 14 ans u 9.3. : Oriental-Vevey. CH.AU FAIT SES BRUNCHS. Concert-brunch par la Cie CH.AU. Conservatoire de Musique (rés. au 021 923 74 50) u 11.3. : TOSCA de Puccini, dir. Facundo Agudin, m.e.s. Robert Bouvier, dès 14 ans u 13.3. : FRÉDÉRIC RECROSIO / Je suis vieux (pas beaucoup mais déjà), Humour, dès 16 ans u 15.3. : Midi, Théâtre! / MENU DU JOUR: CARTE BLANCHE par la Compagnie Les Faiseurs de rêve u 18.3. : Arts & Lettres. QUATUOR ZEHETMAIR (Janácek - Schubert Debussy) u 21.3. : LES ENCOMBRANTS FONT LEUR CIRQUE de et m.e.s. Claire Dancoisne u 23.3. : SCHERZO À TROIS MAINS par le Teatro All'Improviso, m.e.s. Dario Moretti, dès 3 ans u 30.3. : RIDEAU! de et m.e.s. Gisèle Sallin, dès 14 ans villars s/glâne ESPACE NUITHONIE, Salle Mummenschanz à 20h (loc. Fribourg Tourisme 026/350.11.00 / [email protected]) Nuithonie: 026 407 51 51 u Du 12 au 22.3. : QUAND LES TRAINS PASSENT, m.e.s. Isabelle-Loyse Gremaud e n u 14.3. : I BI NÜT VO HIE / JE NE SUIS PAS D'ICI de Carlos Henriquez, humour u 23.3. : PÉPITO, musique Jacques Offenbach, m.e.s. Isabelle Renaut, Compagnie Cantamisù u 27 et 28.3. : SEULE LA MER d'Amos Oz, m.e.s. Denis Maillefer yverdon THÉÂTRE BENNO BESSON sauf mention contraire (loc. 024/423.65.84) u 6 et 7.3. : PIERRE AUCAIGNE EN PLEINE CRISE, m.e.s. Jean-Luc Barbezat u 13.3. : DOUTE de John Patrick Shanley, m.e.s. Robert Bouvier u 19.3. : L'ETUDIANTE ET MONSIEUR HENRI d'Ivan Calbérac, m.e.s. José Paul u 26.3. : RIDEAU! Par le Théâtre des Osses, m.e.s. Gisèle Sallin THÉÂTRE DE L’ECHANDOLE (loc. 024/423.65.84 ou 024/423.65.89 une heure avant le spectacle) u 8 et 9.3. : JÉRÉMY FISHER par la Cie De Facto, m.e.s. Nathalie Sandoz u 13 et 14.3. : HAUTE-AUTRICHE, Cie des Ombres, m.e.s. Jérôme Richer u 19.3. : HAY BABIES, chanson u 21.3. : CARNETS DE ROUTE : BAMAKOYVERDON-MANAGUA, de et m.e.s. Thierry Crozat u 22.3. : BLUE TIRED HEROES par Massimo Furlan u Du 27 au 29.3. : FESTIVAL RÉGION(S) EN SCÈNE(S) 2014 d a Théâtre Théâtre Danse Seule la mer +¢BWBODFFUK¢FĴBDF Sfumato Amos Oz – Denis Maillefer Théâtre à cru Rachid Ouramdane – L’A 10 et 11 mars à 20h30 26 mars à 19h 8 et 9 avr. à 20h30 Musique Cirque Concerto, vous avez dit concerto ? À l’envers Philippe Béran – L’OCG Scorpène 13 mars à 19h 1er avr. à 20h30 Une expérience de magie mentale forum-meyrin.ch5I¨¡USF'PSVN.FZSJO1MBDFEFT$JOR$POUJOFOUTļļĽļł.FZSJO #JMMFUUFSJFĿļĽĽńŃńľĿľĿEVMVBVWFEFļĿIļŃI 4FSWJDFDVMUVSFM.JHSPT(FO§WF4UBOE*OGP#BMFYFSU.JHSPT/ZPO-B$PNCF IRRÉSISTIBLE DE FABRICE ROGER-LACAN MISE EN SCÈNE CLAUDE VUILLEMIN ÉQUIPE ARTISTIQUE FRANÇOIS NADIN MADELEINE PIGUET RAYKOV ÉLÉONORE CASSAIGNEAU DAVIDE CORNIL, CHARLOTTE FERNANDEZ PIETRO MUSILLO, KATRINE ZINGG PRODUCTION LE POCHE GENÈVE THÉÂTRE LE POCHE (C o m é d i e s a rca s t i q u e ) www.lepoche.ch / 022 310 37 59 / location Service culturel Migros 24 MARS > 13 AVRIL 2014 CRÉATION VISUELLE JEAN-MARC HUMM, LA FONDERIE / PHOTOGRAPHIE AUGUSTIN REBETEZ LE POCHE GENÈVE EST SUBVENTIONNÉ PAR LA VILLE DE GENÈVE (DÉPARTEMENT DE LA CULTURE) LA RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE. IL EST GÉRÉ PAR LA FONDATION D’ART DRAMATIQUE (FAD) PARTENAIRES MEDIAS : LEPROGRAMME.CH & NOUVELLES Madeleine Piguet Raykov, comédienne François Nadin, comédien