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1 Université Paris-Sorbonne UFR de Musique et Musicologie Florence FORIN La création lyrique en France à l'aube du XXIe siècle L'exemple de la commande d’État Mémoire de Master 2 de recherche en Musicologie Directrice de recherche : Professeure Danièle PISTONE 2014 2 3 La création lyrique en France à l'aube du XXIe siècle L'exemple de la commande d’État 4 5 Université Paris-Sorbonne UFR de Musique et Musicologie Florence FORIN La création lyrique en France à l'aube du XXIe siècle L'exemple de la commande d’État Mémoire de Master 2 de recherche en Musicologie Directrice de recherche : Professeure Danièle PISTONE 2014 6 7 Introduction La création musicale en France au début du XXIe siècle s'inscrit dans un système progressivement mis en place par une politique volontariste de l’État, en particulier du ministère de la Culture 1 dès sa création en 1959. Des questionnements, voire des oppositions 2, ont régulièrement contraint ce dernier à se pencher sur sa propre organisation, permettant ainsi de la faire évoluer. Mais les bouleversements politiques et administratifs dus à la deuxième phase de la décentralisation en 2003 et la cristallisation des inquiétudes générales en matière économique, dès les années 1990, et plus récemment depuis 2008, semblent menacer l'équilibre de ce système. Parallèlement, les compositeurs doivent s'adapter aux évolutions d'un univers où l'efficacité prime, dans une rapidité consumériste extrême et qui suppose comme corollaire technique la disparition du temps, donc en ce qui les concerne, celui nécessaire pour écrire de la musique, et en particulier un opéra. Or, il se trouve qu'un nombre important de nouveaux opéras est composé chaque année, en France comme en Europe 3. Il me semble donc opportun d'interroger cette surprenante survivance, à un moment où l'opéra connaît un regain de 1 2 3 Le nom de ce ministère a souvent changé, il est dénommé actuellement ministère de la Culture et de la Communication. Dans ce mémoire, pour simplifier, j'utiliserai le nom de ministère de la Culture. Du point de vue de l'analyse politique, Maryvonne de Saint-Pulgent explore cette thématique dans Le syndrome de l'opéra (Paris, Robert Laffont, 1991) ; tandis Pierre-Michel Menger analyse le positionnement social des compositeurs, avec Le paradoxe du musicien. Le compositeur, le mélomane et l’État dans la société contemporaine (Paris, Flammarion, 1983). Ces deux textes restent des documents de référence pour une recherche sur la musique contemporaine et son rapport avec l’État. Pour la création à un niveau européen, l'Université Paris 8 met en ligne un catalogue de DMCE (Dramaturgie musicale contemporaine en Europe) qui a pour but de : « mettre à disposition des chercheurs toutes les informations permettant un travail sur ces œuvres (données de la création, collocation des esquisses de travail, des notes de mises en scène, des enregistrements, d’éventuel matériel inédit etc.) ; donner une chronologie des créations afin d’établir un cadre sur l’évolution dans l’histoire de la musique de la production scénique ; témoigner de la vitalité et de la diversité de la dramaturgie musicale aux XXe et XXIe siècles » (http://www2.univ-paris8.fr/DMCE/ consulté le 10 mars 2014). Pour la période entre le 1er janvier 2001 et le 1er janvier 2014, on dénombre 371 créations d'opéras en Europe, dont 179 en Allemagne et 38 en France. Cela reste incomplet et les chercheurs continuent de nourrir cette base donnée, mais cela donne une vision globale de la grande vitalité de la création en ce début de siècle. Pour ce qui est de la création lyrique en France, en annexe de sa thèse intitulée Aventures et nouvelles aventures de l'opéra depuis la Seconde Guerre mondiale : pour une poétique du livret. Thèse soutenue le 23 juin 2011 à l'Université Paris-Sorbonne, dans le cadre de l’École française de littératures françaises et comparées (Paris), Aude Ameille a tenté un recensement des opéras créés de 1945 à 2011. 8 faveur 4: en ce début de XXIe siècle, en effet, l'opéra développe son activité 5 et son public 6. Tout cela demande toutefois à être relativisé par rapport au reste de l’offre culturelle, et vu dans une autre perspective que celle d'un développement exponentiel, considérant la capacité d’accueil limitée des maisons lyriques et d'autres théâtres, tout comme les possibilités de productions de ces mêmes lieux, ainsi que le démontre la loi économique de Baumol, référence pour l'étude des théâtres 7. Malgré tout, les crises dont souffrent perpétuellement les maisons d'opéra n'ont pas encore directement atteint la France dans la première décennie du XXIe siècle, en dépit des alertes de plus en plus fortes concernant les niveaux de dépenses de production et de coût des personnels fixes 8, ce qu'évoque Maria Bonnafous-Boucher, dans un article de 2003 : « La production artistique a [...] subi de plein fouet la politique de rigueur amorcée par les communes en 1993. Le contexte général des finances publiques dans lequel évoluent les théâtres lyriques, apparaît ainsi très défavorable à l’expansion, voire même au simple maintien de leur activité, et laisse planer de lourdes menaces sur leur avenir 9». Dans cette lignée, ce qui mobilise depuis quelques années l'attention des pouvoirs publics est la difficulté de l'opéra contemporain à s'inscrire dans un circuit de représentations au-delà de 4 5 6 7 8 9 Il est rare de voir un compositeur en première page d'un magazine musical destiné au grand public, mais signe des temps, le mensuel Opéra Magazine dédie sa une à Philippe Boesmans en mars 2014, à l'occasion de sa dernière création, Au monde, à l'Opéra national de Paris, sur un livret et dans une mise en scène de Joël Pommerat. La publication annuelle du Ministère de la Culture et de la Communication, Chiffres clés 2014, Statistiques de la culture, annonce selon les chiffres des opéras adhérents à la ROF (Réunion des Opéras de France) : en 2011, 1000 représentations d'opéra, pour environ 1 million de spectateurs, soit une augmentation de 9 % par rapport à 2010. Les résultats d'une étude sur les publics datant de 2008 montrent que 4 % de la population a assisté en 2007 à une représentation d'opéra ou d'opérette. Laurent BABÉ, « Les publics de la musique classique, Exploitation de la base d’enquête du DEPS », Les pratiques culturelles des Français à l’ère du numérique Année 2008, Ministère de la Culture et de la Communication, Repères DGCA n°6/05, octobre 2012. Quelques éléments de cette étude datant des années 1960 sont développés dans le chapitre intitulé « La loi tragique de Baumol » du livre de Maryvonne de SAINT-PULGENT, Le syndrome de l'opéra, Paris, Robert Laffont, 1991, p. 43 – 61. L'analyse de Philippe AGID et Jean-Claude TARONDEAU, dans Le management des opéras, comparaisons internationales (Paris, Editions Descartes & cie, 2011) s'appuie encore sur cette loi. Le texte original est le suivant : W.J. BAUMOL, G. BOWEN, Performing Arts, the Economic Dilemma, MIT Press, New York, 1966. Voir pour cela les différents écrits de Philippe Agid et Jean-Claude Tarondeau, et notamment Le management des opéras, comparaisons internationales, Paris, Editions Descartes et Cie, 2011. Les débats portent désormais sur le personnel des maisons, sur le statut des artistes et des techniciens, stables ou intermittents, avec une tendance générale, de plus en plus clairement avouée par ses partisans de la diminution en nombre. Une telle idée s'avère difficile à assumer face aux personnels stables, davantage protégés, mais il est tout aussi complexe avec les personnels intermittents (exemples des grèves de 2003 et de 2014), et pose plusieurs questions : d'abord celle du statut de l'artiste dans la société française, ensuite celle du positionnement de l’État depuis la formation de ce même artiste jusqu'à son entrée dans la profession (selon un cycle bien rôdé, qui tend à se réduire lui aussi), ensuite des velléités des collectivités territoriales en matière de culture, enfin et pour clore le cercle, celle de l'intérêt effectif de la diminution en nombre, puisque la demande de spectacles lyriques de la part du public est bien là. Maria BONNAFOUS-BOUCHER et al., « Quel avenir pour les théâtres lyriques ? », Revue française de gestion, 2003/1 no 142, p. 172. 9 son lieu de création, et à entrer au répertoire des théâtres. De fait, les programmations d'opéras sont principalement fondées sur le répertoire historique de ce genre. Il s'agit d'une notion importante dans la compréhension des enjeux de la production lyrique : le répertoire n'existait pas aux XVIIe et XVIIIe siècles (sauf pour certaines œuvres à l'Opéra de Paris 10), puisqu'on rejouait rarement les opéras. Le développement du répertoire s'inscrit dans la lignée de la privatisation progressive de certains théâtres (en Italie notamment 11) de plus en plus dévolus à un public qui en a fait son lieu de sociabilité, et qui a eu envie de revoir et de réentendre des œuvres aimées. Née au XIXe siècle, alors que la création représentait toujours une part importante de la production, la notion de répertoire s'est donc progressivement imposée partout dans le monde. En conséquence, lorsqu'il s'agit de créer ou d'accueillir un nouvel opéra, les directeurs sont encore régulièrement confrontés à la difficulté de faire comprendre ce choix à leur public : pour une grande partie des spectateurs (voués aux gémonies par Adorno 12), le genre lyrique représente un cheminement historique dans lequel il convient de s'inscrire, selon l'idée communément acquise d'une continuité esthétique, bien que cette notion ait actuellement tendance à disparaître 13. Certains théâtres d'opéra semblent malgré tout plus ouverts à des expériences neuves et sont capables d'entraîner leurs publics de plus en plus préparés, vers des auditions neuves et des spectacles inouïs. Il faut dire que depuis de nombreuses années, l'opéra n'est plus du seul apanage des lieux dédiés au genre opératique 14, car même si la symbolique du théâtre à l'italienne perdure dans 10 11 12 13 14 Dans leur introduction aux études réunies par Michel Noiray et Solveig Serre dans l'ouvrage Le répertoire de l'opéra de Paris (1671 – 2009), analyse et interprétation (Paris, collection Études et rencontres, éditions de l’École des Chartes, 2010), expliquent que la notion de répertoire est inhérente, et ce depuis toujours, à la constitution des saisons de l'Opéra de Paris, p. 10 - 11. « Le chantier des études de répertoire reste donc ouvert, pour l'Opéra comme pour une foule d'autres théâtres lyriques, en France et partout ailleurs. La généralisation des « théâtres de répertoire » au XIXe siècle, en particulier, est un fait majeur dont l'histoire est encore à écrire, autant que possible de manière comparative, car les institutions ne prennent leur sens que les unes par rapport aux autres », Ibid. p. 23. Les auteurs invitent à se reporter aux écrits de John Rosselli sur la question. Theodor W. ADORNO, Introduction à la sociologie de la musique, Éditions Contrechamps, 2009. Cette notion sensible apparaît dans de nombreux textes, mais je citerai en particulier l'article de PierreAlbert CASTANET, « Regards sur la première décennie du XXIe siècle : pour une ''sonodoulie'' complexe aux allures décomplexées », p. 13 – 25, in Sophie STÉVANCE (sous la direction de), Composer au XXIe siècle ; pratiques, philosophies, langages et analyses, Paris, Vrin, 2010. Lire Aude AMEILLE, « L'opéra est mort ! Vive l'opéra ! La modernité d'un genre traditionnel », Comparatismes (Paris) février 2010, n°1, p. 221 – 235. Mais aussi l'article de Pierre JAMAR, « L’expérience lyrique : uniquement à l’opéra ? L’illusion d’unicité entre le genre musical opéra et la catégorie pratique art lyrique », Tracés, Revue de Sciences humaines [en ligne], octobre 2006, qui indique : « Notre état des lieux de l’offre lyrique en Provence met en évidence une diversité d’expériences lyriques : opéra, opérette, oratorio, cantates, passion, concert lyrique, récital, « apéro'péra », opéra pour enfants, opéra pour marionnettes, fantaisie lyrique, divertissement lyrique, duos et airs… Dans des lieux variés : maison d’opéras, château, cathédrale, chapelle, théâtre antique, théâtre municipal, zénith, carrière désaffectée, friche industrielle, centre social, salle polyvalente, parc public, rue… », p. 22. 10 les esprits, celle-ci tend à se réduire, du fait de l'ouverture vers des formes plus petites, inadaptées aux scènes à l'ancienne. Et inversement, si des expériences issues des réflexions menées par les compositeurs dès les années 1920 15 ont permis de déplacer les œuvres vers d'autres lieux de représentation, avec l'arrivée d'abord d'opéras de petite forme, puis du théâtre musical dans les années 1960, ces expérimentations ont très vite intéressé certains théâtres, voire les théâtres d'opéras eux-mêmes, malgré l'engagement politique clairement révolutionnaire qui sous-tendait ces démarches. Voué par certains à une disparition rapide (Brecht avait signifié sa mort dès les années 1920, Adorno lui-même avait prédit son autodestruction à la fin des années 1950, et Boulez voulait brûler ses lieux en 1967 16), l'opéra, art de la mutation par excellence, est donc encore soutenu par une structuration forte, ce qui présente un très grand avantage pour les compositeurs qui réussissent à intéresser le directeur d'un lieu 17. Et à l'heure où les expérimentations du théâtre musical ont tendance à se réduire 18, l'opéra réapparaît comme un genre à part entière aux yeux de nombreux compositeurs, longtemps rétifs à s'en emparer 19, malgré « la création au Palais-Garnier, en 1983, de Saint François d’Assise de Messiaen, le compositeur-patriarche, [qui] signe l’armistice 20» avec les représentants des avant-gardes. On trouve encore des résidus de ces oppositions dans les déclarations de compositeurs d'aujourd'hui, comme Bruno Mantovani, qui indique lors de la représentation de son premier opéra (L'autre côté, aidé par la commande d’État en 2004) : « je me suis mis en situation de mettre tout ce que je savais faire au service d’une dramaturgie : c’est la raison pour laquelle l’œuvre n’est pas innovante. L’opéra est un 15 16 17 18 19 20 Citons notamment les Opéras-minutes de Darius Milhaud, créés à Wiesbaden, en allemand, en 1928. Ces diverses condamnations sont reprises dans la plupart des écrits à ma connaissance consacrés à l'opéra du XXe siècle. La recherche de producteurs est très complexe dans le cas de l'opéra : il s'agit là du dépassement d'une première barrière essentielle pour les compositeurs, dont les détails sont difficiles à saisir. Il est difficile de connaître l'entité des liens qu'ils entretiennent avec les directeurs, leurs appuis politiques, tout un arrière-plan relationnel fondamental nécessaire pour écrire un opéra, genre qui permet de travailler avec des moyens plus importants qu’ailleurs, qu'ils soient techniques, artistiques ou financiers. Il est intéressant de voir que les « 1ères Assises sur le théâtre musical », organisées le 14 mai 2014 au Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris (en partenariat avec le Programme Leonardo da Vinci – Commission européenne, la SACD, le Bergen Nasjonale Opera, le Théâtre de Liège, les Théâtres de la Ville de Luxembourg, l'Operadagen Rotterdam, avec l’aide de l’Association Des Arts Sonnants) n'ont invité que trois compositeurs (Georges Aperghis, Louis Dunoyer et Pierre Sauvageot) au milieu d'un nombre bien plus important de metteurs en scène. Les compositeurs de l'après-guerre ont en effet longtemps méprisé l'opéra, réservé selon eux à des collègues non seulement attachés à une cause bourgeoise honnie, mais incapables d'innover. Ils ont donc laissé cette sphère depuis les années 1950 à des compositeurs comme Francis Poulenc en France, Benjamin Britten en Angleterre, Hans Werner Henze en Allemagne et en Italie, ou encore Gian Carlo Menotti en Italie et aux États-Unis. Pour une brève histoire de ce phénomène, lire l'article de Christian WASSELIN, « L'opéra ou les délices de la restauration », Le Débat, 2002/2 n° 119, p. 172-183. Christian WASSELIN, Ibid., p. 176. 11 lieu de synthèse et non d’innovation 21». Se mettre ''au service'' de la dramaturgie 22 empêcherait-il l'innovation ? C'est une question fondamentale, qui nécessitera un approfondissement. Derrière l'ensemble de ces réflexions, une double interrogation pointe : la première est d'ordre politique et social et concerne les moyens de fabrication de l’opéra, la deuxième est esthétique et interroge le contenu de l’œuvre et sa réception. Afin d'y répondre, et pour voir ce qu'il en est effectivement en ce début de XXIe siècle, j'ai choisi d'examiner un corpus de créations qui n'auraient pas de liens esthétiques directs entre elles, et surtout qui ne seraient pas issues d'un champ restreint, par exemple le même type de lieux de représentation. L'entrée la plus évidente pour cela, même si elle pourra apparaître limitée de prime abord, est celle des opéras pour lesquelles les compositeurs ont obtenu une aide directe de l’État, par le biais de la commande d’État. L'un des intérêts de cette clé d'entrée est de concerner peu d’œuvres (au total dix-huit sur la période allant de 2001 à 2013, ce qui est tout à fait significatif, puisqu'en moyenne quinze opéras sont composés tous les ans), ainsi que des compositeurs appartenant à des sphères esthétiques très différentes les unes des autres 23. De fait, ce corpus d’œuvres que je considère comme représentatives de la création lyrique en France au début du XXIe siècle laisse apparaître une cohérence d’ensemble : l'aspect politique contenu dans l'univers même du lyrique, et la question du positionnement de l’État dans la création contemporaine, se conjuguent aisément à travers le système de la commande d’État. La problématique consiste donc principalement à relier une étude fonctionnelle (historique, administrative et politique) à un examen analytique des œuvres créées dans des lieux variés 24, en interrogeant leurs différentes esthétiques. En effet, si le système de commande inclut l'appréciation des éléments esthétiques parmi les critères de sélection de sa commission, il n'en reste pas moins que le Ministère de la culture doit lui conserver une neutralité irréprochable, d'où une construction dans le temps dont il est intéressant de suivre les effets. J'examinerai les différents cycles de productions des opéras, depuis l'idée de la composition jusqu'à la réception par le public sur la période choisie. Puis, c'est par le biais de la 21 Christian MERLIN, « L’autre côté de Bruno Mantovani: l’opéra, lieu de synthèse », Germanica, n°41, 2007, p. 171-181. 22 Le sens du terme dramaturgie, complexe pour la multiplicité de ses horizons, sera vu tout au long de ce mémoire comme « l'organisation de l'action », selon les indication données par Joseph Danan, dans son petit texte fondamental intitulé Qu'est-ce que la dramaturgie ?, Arles, Actes Sud – Papiers, 2010. 23 Voir la liste des œuvres au corpus de ce mémoire à l'annexe I, ainsi que les quinze grilles d'analyse à l'annexe V. 24 Des maisons d'opéra bien entendu, mais aussi des espaces non spécialisés dans le lyrique, ainsi que des festivals. 12 sémantique, voire parfois de l’herméneutique quand elle apparaît, dans les discours des compositeurs et les écrits des journalistes et critiques musicaux, que j'ai voulu analyser les œuvres, en plus d’un examen des partitions et des captations vidéo ou audio, lorsque ces documents étaient accessibles. Il est important de noter que, par ce choix, je n'ai pas pu ouvrir ma réflexion aux autres genres liés au chant sur scène, comme la comédie musicale et autres spectacles musicaux, qui eux aussi connaissent depuis quelques années un véritable engouement, comme le constatent Xavier Dupuis et Bertrand Labarre dans un numéro de Culture Études du ministère de la Culture et de la Communication, publié en novembre 2013 25. Essentiellement liés au marché de la musique, ces genres ne sont pas représentés dans le cadre de la commission lyrique. Je n'ai pas non plus élargi mon sujet aux œuvres du théâtre musical (lui-même étant un secteur de la commission d'attribution, très différencié de l'opéra), même si les questionnements qu'il induit à tous points de vue (historique, musical et de production), occupent de fait une part importante de mon étude. En effet, le théâtre musical a la particularité d'avoir été un maillon essentiel de la créativité musicale scénique du dernier tiers du XXe siècle, ouvert à de nouvelles expérimentations, esthétiques et sociales. Dans une première partie, j'examinerai la position politique de la commande d’État au sein de la création musicale et lyrique en particulier. L'aide à la création par le biais de la commande d’État a régulièrement soulevé des questionnements importants en France, tant de la part de ceux qui délivrent ces moyens que de la part des récipiendaires. Une réflexion très fertile s'est développée dans le temps, souvent en décalage par rapport au terme de « commande », très connoté, afin de se pencher avant tout sur la question du sens profond d'une telle institution et du pourquoi de sa poursuite dans le temps 26. Je m'arrêterai sur l'aspect politique d'une telle organisation en France, en rappelant l'historique de la mise en place de la commande d’État musicale, notamment sur la partie lyrique, ainsi que ses évolutions depuis 2001. Enfin, je regarderai le fonctionnement du Fonds de création lyrique (FCL) mis en place par la SACD depuis 1990, qui représente un système dont les œuvres aidées constituent un contre-corpus intéressant aux opéras étudiés dans ce mémoire. La deuxième partie de mon étude se penchera spécifiquement sur l'aspect esthétique des œuvres. Il sera utile d'identifier ce qu'est un opéra : même si mes lectures et expériences ne 25 Xavier DUPUIS, Bertrand LABARRE, « Le renouveau du spectacle musical en France », DEPS, Culture Études, novembre 2013. 26 Dernier en date, Éric Tissier, d'abord avec un mémoire de maîtrise, puis une thèse, suivie de sa publication. 13 m'ont pas permis d'apporter de réponse définitive et qui soit en capacité de renfermer tous les éléments inscrits dans ce genre en perpétuel changement, il m'a paru nécessaire de faire cet exercice. Ensuite, l'analyse musicale 27 des œuvres sera l'occasion de comparer les éléments contenus dans les opéras du corpus constitué depuis 2001. Cette analyse rejoindra la question politique par de nombreux aspects, au-delà de la partition, grâce aux éléments ayant contribué à sa création et à la façon dont elle a été mise en scène et reçue par le public. L'état de la recherche dans le domaine de la commande d’État pour l'opéra contemporain permet de prendre appui sur des réflexions issues de champs d'origines très variées : l'étude de Pierre-Michel Menger dès 1983, Le paradoxe du musicien 28, est une étude sociologique complète sur les compositeurs contemporains ; il a été suivi quelques années plus tard par Éric Tissier, qui a rédigé un mémoire de maîtrise en 1999 intitulé Le compositeur aujourd'hui et la commande d’État, sorte de point d'étape suivant, qui précède de peu la période étudiée dans ce mémoire. Tissier a poursuivi ses réflexions dans le cadre d'une thèse soutenue en 2008 et publiée en 2009, dont l'un des chapitres aborde spécifiquement la commande d’État 29. Concernant la situation spécifique de l'opéra, il est nécessaire de citer la thèse d'Aude Ameille, Aventures et nouvelles aventures de l’opéra depuis la Seconde Guerre mondiale : pour une poétique du livret, qui concentre l’essentiel de son étude sur le lien entre les compositeurs et les livrets depuis 1945. La réflexion sur l'opéra contemporain suscite de très nombreuses publications, mais au final peu de recherches universitaires globales, mis à part celles citées ci-dessus. Je me contenterai donc, au-delà de cette recherche, de citer les ouvrages les plus importants, qui ont servi de base à ma réflexion. J'ai pu discerner deux principales étapes : les publications de la fin du XXe siècle et les publications plus récentes. Même s'il s'agit d'un ouvrage datant de 1991 et qui nécessiterait une mise à jour au moins dans sa première partie, Le syndrome de l'Opéra, de Maryvonne de Saint-Pulgent demeure un ouvrage de référence par ses réflexions extrêmement aiguës sur la situation de l'art lyrique à l'Opéra de Paris bien sûr, mais aussi ailleurs dans le monde, y compris dans le domaine de la création. De nombreux ouvrages posent des questions parfois inquiètes sur l’avenir, parfois sous forme de bilans. Certains pronostiquent la 27 Voir les dernières réflexions sur le sujet proposées par Jean-Jacques NATTIEZ, Analyses et interprétations de la musique, La mélodie du berger dans le Tristan et Isolde de Richard Wagner, Paris, Vrin, 2014. 28 Pierre-Michel MENGER, Le paradoxe du musicien, le compositeur, le mélomane et l’État dans la société contemporaine, Paris, Harmoniques, Flammarion, 1983. 29 Éric TISSIER, Être compositeur, être compositrice en France au XXIe siècle, Paris, L'Harmattan, 2009, publication issue de la thèse de doctorat intitulée Le champ de la musique contemporaine, sous la direction d'Anne-Marie GREEN, Université Paris-Sorbonne, 11 octobre 2008. 14 fin de quelque-chose (d'un point de vue philosophique), comme La création après la musique contemporaine, textes réunis par Danielle Cohen-Levinas 30, ou bien qui prédisent de grandes difficultés comme Les enjeux de l'opéra au XXIe siècle, actes issus d'un colloque tenu à Paris en 1997 31. La question économique est posée notamment dans « Quel avenir pour les théâtres lyriques ? » 32, un article de Marie Bonnafous-Boucher, paru en 2003 dans la Revue Française de Gestion, qui examine la nécessité pour les théâtres lyriques de tenir compte de l'impératif économique et s'interroge sur les alternatives possibles à la loi de Baumol. Une revue généraliste s'est intéressée au sujet : La Revue des Deux Mondes 33 de janvier 2001 faisait le point plus global de « À quoi sert la musique contemporaine ? ». Quant à Nicolas Darbon, dont j'ai déjà cité l'ouvrage, il constatait déjà les évolutions liées à la nouveauté du siècle dans son texte intitulé Pour une approche systémique de l'opéra contemporain. C’est à ma connaissance le seul à avoir commencé une analyse réelle sur l’esthétique et son rapport à la production, qui est indissociable de la compréhension globale de cet art. Depuis longtemps, Isabelle Moindrot s'intéresse à la perception des œuvres dans la lignée de Robert Francès 34, notamment dans son livre sur La représentation d'opéra 35. Parmi les publications récentes, se trouvent des ouvrages plus techniques, qui posent des jalons, comme Composer un opéra aujourd'hui 36, actes d'une journée d'études à l'Université de Saint-Étienne en mai 2003. Pour la partie économique, Philippe Agid et Jean-Claude Tarondeau engagent une réflexion sur Le management des opéras. Comparaisons internationales 37. La réflexion sur le phénomène de mondialisation de l'opéra durant le XXe siècle a donné lieu en 2007 à la publication de l'ouvrage de Hervé Lacombe, Géographie de l'opéra au XXe siècle 38. Les études sur l'opéra, depuis quelques années, sont davantage tournées vers un état de faits ou l'étude d'un seul aspect, par exemple l'optique d'une mise en valeur du nouvel univers lié au numérique : Opéra à l'écran : opéra pour tous ? : nouvelles 30 31 32 33 34 35 36 37 38 Danielle COHEN-LEVINAS (textes réunis par), La création après la musique contemporaine, Paris, L'Itinéraire et L'Harmattan, 1999. Les enjeux de l'opéra au XXIe siècle. Colloque à la Maison de la Chimie à Paris le 8 octobre 1997, Paris, Ministère de la Culture et de la communication, 1997. Marie BONNAFOUS-BOUCHER et al., « Quel avenir pour les théâtres lyriques ? », La revue française de gestion, 2003/1, n° 142, p. 169 – 188. Jean-Yves BOSSEUR, « Quelles musiques contemporaines ? », Revue des Deux Mondes, « A quoi sert la musique contemporaine ? », janvier 2001, p. 9-21. Robert FRANCÈS, La perception de la musique, Paris, Vrin, 1984, 2002. Isabelle MOINDROT, La représentation d'opéra, Paris, PUF Écriture, 1993. Composer un opéra aujourd'hui, Actes de la journée d'étude du 13 mai 2003, éd. Béatrice RamautChevassus, Saint-Étienne, publications de l'Université de Saint-Étienne, 2003. Philippe AGID et Jean-Claude TARONDEAU, Le management des opéras. Comparaisons internationales, Paris, Éditions Descartes et Cie, 2011. Hervé LACOMBE, Géographie de l'opéra au XXe siècle, Paris, Fayard, 2007. 15 offres et nouvelles pratiques culturelles, sous la direction de Jean-Pierre Saez et Gilles Demonet 39. Le ministère de la Culture, par ses différents secteurs (notamment l'inspection, ou le Département des études, de la prospective et des statistiques, le DEPS), réalise ou commande régulièrement des études sur des sujets très variés, toujours en rapport avec la sociologie. Actuellement, le constat est que très peu de documents existent sur la question de la création musicale contemporaine et de l'opéra en particulier. Cela est certainement lié au déficit de positionnement de l’État sur la question. Le dernier rapport qui rejoigne la thématique et qui s'interroge aussi sur la commande d’État date de novembre 2004 : il a été rédigé par Alain Surrans et s’intitule La politique du ministère de la Culture et de la Communication dans le domaine de la création musicale et de la musique contemporaine 40. Il fait le point de l'ensemble de la création musicale contemporaine et s'arrête aussi en partie sur la question de la commande d’État, en examinant son fonctionnement et ses effets, tout en faisant des propositions. L'opéra, genre aimé des tenants du pouvoir en France, est-il en fin de compte un objet permettant aux compositeurs de demeurer sur les cimes d'un Olympe immuable ? Ou bien assisterait-on, grâce à un véritable regain de vigueur, à une nouvelle mutation de cet art quadricentenaire ? Et peut-on imaginer que le système dans lequel il se développe perdure ? 39 Gilles DEMONET et Jean-Pierre SAEZ (sous la direction de), Opéra à l'écran : opéra pour tous ? : nouvelles offres et nouvelles pratiques culturelles, Paris, L'Harmattan, 2013. 40 Document accessible par internet et téléchargeable : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/rapports/surrans/rapport-surrans.pdf (lien vérifié le 1er avril 2014). 16 17 Éléments méthodologiques La première partie de mon mémoire est une réflexion historique sur la notion même de commande d’État dans son acception politique et dans sa prise en compte par les compositeurs. Elle se base principalement sur des publications existantes et cherche à cerner les évolutions les plus importantes, en particulier pour la période du début du XXI e siècle (2001 – 2013), en se focalisant particulièrement sur l'opéra. La deuxième partie se construit sur la question esthétique des opéras contemporains en général, par l'examen particulier des compositeurs aidés dans le cadre de la commande d’État, avec une analyse particulière de quinze des opéras recensés. Une méthodologie mêlant analyse politique et musicale a nécessité de mixer plusieurs systèmes. Le point de départ est la sémiologie, imaginée par Jean Molino et développée par Jean-Jacques Nattiez 41. Une partie de la conclusion du dernier ouvrage de Nattiez, consacré aux analyses et aux interprétations de la musique, explique : « La musicologie [est] l'étude interactive des diverses constructions fragmentaires que nous tentons de produire lorsque nous abordons une œuvre musicale sous l'angle du poïétique, de l'immanent et de l'esthésique. […] Elle nous rappelle avec obstination que la substance formelle des œuvres musicales a bien été un jour créée par quelqu'un, qu'elle a été et qu'elle sera interprétée, écoutée et analysée par d'autres, et qu'elle restera longtemps soumise à notre désir infini d'en comprendre « le sens », d'en pénétrer les subtilités esthétiques, et de jouir, avec terreur, ravissement ou fascination, des émotions qu'elle suscite en nous 42». La tripartition développée par la sémiologie : le poïétique (ou le processus de création), l'immanent (ici ce qui est aussi appelé niveau neutre, en général la partition) et l'esthésique (pour l'interprétation et la réception de l’œuvre), peut s'intéresser à tous les genres musicaux, mais il me semble particulièrement adapté à l'étude de l'opéra, pour la globalité qu'elle vise, car l’œuvre vit et se développe aussi en fonction de facteurs extérieurs à la seule écoute musicale, notamment par le biais de sa mise en scène. Nicolas Darbon, dans l'ouvrage Pour 41 Jean-Jacques NATTIEZ, Analyses et interprétations de la musique. La mélodie du berger dans le Tristan et Isolde de Richard Wagner, op. cit., p. 21 : la note 16 propose : Jean MOLINO, « Fait musical et sémiologie de la musique », Musique en jeu, n°17, 1975, p. 37-62 ; repris dans Jean MOLINO, Le singe musicien, Arles, Actes Sud / Paris, INA, 2009, p. 73-118. 42 Jean-Jacques NATTIEZ, op. cit., p. 374. 18 une approche systémique de l'opéra 43, élargit le champ d'étude de ce type d’œuvre à sa dimension politique. Il indique que l'approche systémique est fondée sur la notion de système, qui est une entité identifiable, contenue dans un environnement, possédant une finalité et un état stable, mais qui est toujours en évolution, système dont l'opéra là encore est très représentatif. À cette réflexion politique, s'ajoute l'ouvrage publié sous la direction de Sophie Stévance, Composer au XXIe siècle, pratiques, philosophies, langages et analyses 44, qui n'aborde pas seulement la question du lyrique, mais qui permet une réflexion sur la question globale de la musique contemporaine. Au sein des universités, des groupes d'étude naissent, qui considèrent comme central l'examen du lien entre analyse musicale et contexte politique. Dans un ouvrage récemment publié, Esteban Buch, Nicolas Drouin, Laurent Feneyrou constatent que les intuitions des années 1980 prennent forme 45: les rapprochements se font entre « deux mondes séparés 46», soit entre les musicologues se penchant exclusivement sur les musiques savantes, et les autres, ceux qui « scrutaient les mécanismes socio-politiques susceptibles d'expliquer les musiques ''autres'' – folklore, musiques savantes de cultures éloignées, jazz, rock, musique de variété, etc. ». Ils ajoutent que « l'extension des thèmes de recherche musicologique s'accompagne d'une réinvention de son caractère pluridisciplinaire 47». Un autre ouvrage contenant des analyses sur le politique en musique est L'institution musicale, publié en 2011, sous la direction de Jean-Michel Bardez, Jean-Marie Donegani, Damien Mahiet et Bruno Moysan 48. Il évoque notamment les relations souvent indirectes entre individuel et collectif, entre intime et public, dans l'organisation de la vie musicale du pays. Tous ces éléments sont les clés de mon approche de la commande d’État dans la première partie de mon mémoire. Le contre-corpus est constitué par les œuvres aidées par le Fonds de création lyrique (FCL) de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Les informations recueillies l'ont été d'abord par le site internet de la SACD (qui recense les œuvres aidées depuis 2007), puis par les données fournies par Agnès Princet, en charge du FCL depuis sa création en 1990, notamment pour ce qui concerne les œuvres aidées entre 2001 et 2006. Il m'a semblé 43 44 45 46 47 48 Nicolas DARBON, Pour une approche systémique de l'opéra contemporain, OMF, 2001. Sophie STÉVANCE (sous la direction de), Composer au XXIe siècle, pratiques, philosophies, langages et analyses, Paris, Vrin, 2010. Esteban BUCH, Nicolas DROUIN, Laurent FENEYROU (sous la direction de), Du politique en analyse musicale, Paris, Vrin, 2013. Ibid., p. 7. Ibid., p. 9. Jean-Michel BARDEZ, Jean-Marie DONEGANI, Damien MAHIET et Bruno MOYSAN (sous la direction de), L'institution musicale, Paris, Editions Delatour, 2011. 19 important d'inclure la liste complète des productions aidées par le FCL entre 2001 et 2013 ; cela constitue un matériau pouvant permettre d'autres recherches 49. Au-delà de ces listes, des informations plus fines m'ont été données, toujours par Agnès Princet : notamment les montants des aides données par le FCL aux lieux producteurs des opéras, tant pour les créations que pour les reprises. Pour la deuxième partie, la quantité de documents en annexe fait de cette étude d'abord un travail de recensement : en effet, il n'a pas été simple d'identifier les opéras composés par les auteurs soutenus par le biais de la commande d’État. Les titres ne sont indiqués nulle part et l'on n'apprend souvent l'existence de la commande d’État pour une œuvre que lors de sa création 50. De fait, plusieurs recoupements ont été nécessaires, y compris avec les listes du Fonds de création lyrique (FCL) de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Certaines indications m'ont été fournies par l'inspecteur en charge des commandes d’État à la Direction générale de la création artistique (DGCA) jusqu'au printemps 2014, Fernand Vandenbogaerde et par la responsable du traitement des dossiers à la DGCA, Brigitte Bigorgne. Le ministère de la Culture fait régulièrement des versements aux archives nationales et c'est au centre de Pierrefitte-sur-Seine que l'on trouve les détails des commissions de 1957 à 1991. D'autres versements sont faits à la Bibliothèque nationale de France, tant par le ministère de la Culture que par le Centre de Documentation de Musique Contemporaine (CDMC). Le dernier versement en date remonte à 2010. Globalement, le CDMC conserve les documents concernant les compositeurs vivants, tandis qu'à la BnF sont conservés les documents des compositeurs morts 51. Missionné par le ministère de la Culture sur le suivi des commissions de la commande d’État, le CDMC réactualise chaque année, sur son site, un lien assez complet, présentant notamment la manière dont doivent être constitués les dossiers (cf. annexe II du présent mémoire), il donne quelques statistiques des aides attribuées depuis 1999, ainsi que la composition des diverses commissions et les noms des compositeurs aidés par secteur. Ce document, essentiellement écrit par la DGCA, mériterait d'être organisé différemment, puisqu'on y trouve notamment les noms de compositeurs qui au 49 50 Voir annexe VIII, en page 165 de ce mémoire. Il est notable qu'on ne trouve presque aucune information au sujet de la commande d’État sur le site internet du Ministère de la Culture et de la Communication ; celui de la Direction générale de la création artistique (DGCA) indique très sobrement qu'elle « développe une politique d’achats et de commandes d’œuvres » (la musique n'est pas spécifiée). 51 Sur le site de la BnF, on trouve cette indication : « Depuis 1991, le département reçoit en dépôt du Centre de documentation de la musique contemporaine les dossiers et œuvres musicales des compositeurs disparus ». http://www.bnf.fr/fr/collections_et_services/dpts/a.departement_musique.html (consulté le 5 mai 2014) 20 final n'ont pas composé l’œuvre pour laquelle ils devaient recevoir une aide 52. Sur les dix-huit compositeurs qui ont obtenu la commande d'un opéra entre 2001 et 2013, seule la moitié d'entre eux a déposé des documents complets (articles, partitions, enregistrements) au CDMC. Un temps plus long aurait été nécessaire pour pouvoir obtenir des informations complémentaires des compositeurs eux-mêmes. J'ai choisi de me cantonner aux documents mis à disposition par les institutions citées. À ceux-ci, j'ai ajouté les articles journalistiques contenant des informations variées concernant le résultat musical, la mise en scène, parfois les motivations des compositeurs. Dans le corpus constitué de dix-huit œuvres 53, seules quinze ont pu être analysées plus particulièrement 54 et ont fait l'objet de grilles contenant des informations dont les contenus sont détaillés ci-après. Le contenu des grilles d'analyse provient de très nombreuses sources, principalement issues de la documentation du Centre de documentation de la musique contemporaine (CDMC), mais aussi des archives de Fernand Vandenbogaerde, ainsi que de nombreux articles de presse 55. Je n'ai pu avoir accès aux partitions que de huit des œuvres au corpus 56. Ces indications permettent de se rapprocher, hélas sans la résoudre, de la question fondamentale soulevée par Nicolas Darbon : « Nous échappent souvent les mois, les années d’incubation sans lesquelles il est difficile de détecter l’écart entre but et résultat, les influences réciproques 57». L'étude des articles et critiques journalistiques s'appuiera sur les théories psychologiques développées en 1958 par Robert Francès, dans La perception de la musique 58, qui a identifié les divers jugements permettant à l'auditeur de concevoir la musique, ce que Jean Molino et Jean-Jacques Nattiez nomment l'esthésique, et dont voici les éléments essentiels : 52 53 54 55 56 57 58 Dans le domaine de l'opéra, on peut citer Martin Matalon pour l'opéra jamais écrit Il ne faut pas boire son prochain. Voir l'annexe I en page 125 de ce mémoire la liste complète des opéras issus de la commande d’État entre 2001 et 2013. Le choix de 2001 est celui de l'ouverture officielle du nouveau siècle. L'année 2013 correspond à l'année de la création du dernier opéra qu'il a été possible d'étudier dans le cadre temporel de ce mémoire. Voir aussi l'annexe V en page 133, qui contient les quinze grilles. Les documents en ma possession, obtenus par le biais des institutions, ainsi que les articles de presse concernant les trois œuvres manquant à une analyse détaillées, sont trop peu nombreux : il s'agit des deux opéras d'Oscar Strasnoy, Midea (3) et Slutchaï. Il est particulièrement dommage que deux œuvres d'un même auteur (le seul à avoir obtenu deux fois l'aide à la commande d’État sur la période étudiée) ne puissent être vues plus en détail. C'est aussi le cas de Cosi fanciulli, de Nicolas Bacri, œuvre créée en mai 2014. Une des œuvres indiquées dans la liste du CDMC n'a pu être créée par le compositeur : il s'agit de Martin Matalon, avec l'opéra Il ne faut pas boire son prochain. Voir l'annexe VII, en page 161 de ce mémoire pour plus de détails. Voir l'annexe VI, en page 159 de ce mémoire les documents trouvés principalement au CDMC. Nicolas DARBON, op .cit., p. 64. Robert FRANCÈS, La perception de la musique, Paris, Vrin, 3/2002. 21 « 1/ Des jugements objectifs, ou à caractère technique, sur les propriétés du stimulus musical (timbre, tempo, vibrato), sur la forme musicale (genre historique, mouvement particulier de l’œuvre), sur le type d'écriture pratiquée. 2/ Des jugements normatifs (appréciations personnelles, jugements de goût, considérations esthétiques). 3/ Des affirmations d'ordre introspectif, relatives à l'effet psychologique ressenti par le sujet. 4/ Des jugements de signification, par lesquels le sujet attribue au stimulus un contenant renvoyant à un référant extra-musical 59». Ce sont les aspects essentiels de la capacité d'entendre d'un public mélomane, parfois musicien, qui selon moi s'adaptent parfaitement à l'ampleur d'un opéra et que l'on retrouve dans la plupart des analyses journalistiques. Cette question de la réception d'une œuvre musicale est fondamentale, et elle est traitée par ce biais dans cette étude. Voici ci-dessous le détail méthodologique de la constitution et de l'organisation des quinze fiches placées en annexe V : Sur la première ligne, la première case, qui détermine le classement, donne l’année d’obtention de la commande d’État. Le nom du compositeur est placé dans la case suivante, sur la même ligne (avec indication de ses lieu et date de naissance). Lorsque la commande est appliquée à plusieurs compositeurs la même année, les auteurs sont classés par ordre alphabétique. À côté du compositeur, se trouve le librettiste, que ce soit le compositeur luimême ou bien une voire plusieurs autres personnes. Comme pour les compositeurs, j’ai cherché la date et le lieu de naissance du librettiste, ainsi que son métier d’origine. Dans la même case, j’ai indiqué l’origine littéraire des œuvres s’il y a lieu. Ensuite, le titre de l’œuvre est indiqué en caractère gras. Dans la case suivante, se trouve l'indication de la nature de l’œuvre, ce que j'ai nommé globalement le genre, mais qui peut être aussi le sous-titre appliqué par le compositeur à son œuvre. Elle contient aussi le nombre d’actes et/ou de parties. La durée de l’œuvre est placée dans la dernière case. Sur la deuxième ligne, j’ai placé, en miroir de l’année d’obtention de la commande d’État, la date et le lieu de création. Cela permet de voir dans quel laps de temps s'est élaborée la production de l’œuvre. Autre élément de compréhension de la production, la case suivante indique les coproducteurs de l’œuvre, s’il y en a. Parmi les systèmes de soutien aux producteurs, on trouve le Fonds de création lyrique (FCL) qui, dans le cadre d’une création ou d’une reprise, est accordée aux structures qui en font la demande (et non aux compositeurs). Une première case indique si le FCL a été accordé pour la création (avec le montant). La case suivante indique les lieux de reprise de l’œuvre (et le FCL s'il a été accordé). La dernière case de cette ligne contient quelques informations complémentaires, plus ou moins disponibles 59 Jean-Jacques NATTIEZ, Analyses et perceptions de la musique, op. cit., p. 194 - 195. 22 selon les opéras, comme par exemple : langue(s) utilisée(s) pour le livret (indiquée pour chaque œuvre), éditeur, dédicace, prix et récompenses et phonographie. La troisième ligne est entièrement dédiée aux interprètes : les solistes (nom du personnage, tessiture vocale, et parfois le nom des artistes), l’orchestre (son effectif et ses particularités, notamment l'utilisation de l’électronique), le (ou les) chœur(s), le chef d’orchestre et le chef de chœur, enfin le metteur en scène et son équipe (décors, costumes, lumières). La quatrième ligne contient le synopsis de l’œuvre. Les trois lignes suivantes procèdent selon quelques principes de la sémiologie musicale dont il a été question plus haut. Les citations sont principalement issues des articles de six journaux quotidiens (Le Monde, Le Figaro, L'Humanité, La Croix, Les Échos et Libération) et de trois sites internet (resmusica, anaclase, forumopera). D’autres sources (livres, autres journaux quotidiens, hebdomadaires ou mensuels) ont été utilisées et indiquées directement suite aux citations. La première de ces trois lignes, intitulée « projet », concerne l’idée telle qu’elle a été conçue et réalisée par le compositeur, plus ou moins en lien avec le librettiste. C'est le niveau de la poïétique. Pour cela, les déclarations des musiciens sont précieuses. Ils indiquent parfois leurs influences extérieures, leurs inspirations esthétiques, l’objet de la commande (un opéra pour le jeune public par exemple). Avec ces indications, on entre dans le processus de création, tel qu’a bien voulu le raconter le compositeur, avec sa propre légende. Cela permet de saisir sa sensibilité et sa personnalité. Et la conscience de l’enjeu qui pèse dans l’attente des professionnels sur son opéra. La deuxième ligne concerne l’esthétique de l’œuvre, hors contexte de la représentation et les diverses influences. C'est un mélange entre l'analyse du niveau neutre et la poïétique. L'examen des documents fournis par le CDMC (notamment les partitions), ainsi que certaines indications dans les articles de presse cités permettent de voir le contenu de l'écriture, déjà abordés par les effectifs utilisés. La troisième ligne est intitulée « réception de l’œuvre ». Le contexte de la représentation entre en ligne de compte dans la perspective esthétique, c’est le niveau de l'esthésique. Cette analyse a lieu soit par la vision du spectacle lors d'une représentation, soit à l'examen des DVD disponibles, le plus souvent au CDMC, ou par les retransmissions par internet (par exemple Arte). Le premier public en capacité de s'exprimer sur une création est celui des critiques journalistiques. Les articles étudiés démontrent une analyse en profondeur, qui fait la 23 part des divers éléments trouvés sur scène. Ce public instruit donne une vision extrêmement intéressante de la réception de ces œuvres. Certains opéras reçoivent un traitement plus important que d'autres, en fonction de la quantité de documents à disposition. En tout, cette grille, appliquée aux quinze opéras est un outil permettant d'approcher l'univers lyrique de chacun des compositeurs. 24 25 1 / La commande d’État et la question politique de l'art lyrique au début de XXIe siècle Réfléchir au positionnement assumé par l’État en faveur des compositeurs dans la création musicale, et en particulier la création lyrique, permet d'aborder ensuite le fonctionnement de la commande d’État et ses évolutions, avec l'examen de la situation avant et après 2001. Un contre-corpus a été identifié : constitué principalement par les œuvres soutenues dans le cadre du Fonds de création lyrique de la SACD, son examen permet de conclure cette partie consacrée à la présentation globale des moyens de la création lyrique du début du XXIe siècle. 26 1.1/ L'état de la question sur le positionnement de l’État et des compositeurs dans la création, en particulier la création lyrique Issue d'une longue tradition française, née dès l'Ancien Régime, l'organisation étatique consistant à déployer des moyens en direction des artistes et des spectacles constitue sans aucun doute l'un des fondements de la vitalité culturelle du pays 60. En effet, la culture aidée par l’État est un des fondements de l'actuelle République 61. Cette organisation de plus en plus élaborée s'est heurtée dans le temps à des difficultés telles, que certains en ont dénoncé les effets pervers, comme Claude Patriat en 1998 62, dans son ouvrage La culture, un besoin d’État : pour lui, l'utilisation de la culture comme vecteur de pouvoir appartient en effet à la classe politique des vingt dernières années du XX e siècle, tous courants politiques confondus. Il affirme, concernant les années où la présidence de la République était incarnée par François Mitterrand : « Peu de domaines de la vie sociale sont aussi marqués que le champ culturel par l'incertitude de la frontière entre ce qui relève du contenu de la liberté et ce qui ressort des garanties de son exercice, entre ce qui appartient à l'initiative des individus et ce qui incombe à l’État 63». Cette notion est d'autant plus marquante au niveau culturel qu'avant cela, la musique et les musiciens sont longtemps restés sans soutien spécifique de la part de l’État. Dans un article intitulé « Musique et politique culturelle », Jacques Rigaud y fait référence et indique que cela n'a pas empêché à la création d'exister, voire de représenter au XIX e siècle « une des périodes les plus fécondes de la musique française 64». C'est cette vitalité qui semble avoir longtemps 60 61 62 63 64 Des réflexions fertiles ont donné lieu à des écrits plus ou moins polémiques sur ce sujet. Le plus célèbre d'entre eux reste l'ouvrage de Marc Fumaroli, L’État culturel. Essai sur une religion moderne (Paris, Éditions de Fallois, 1991). Cité en référence dans le préambule de la constitution de 1958, le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 définit les grands principes sur lesquels se base la démocratie et la République Française. Parmi eux : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ». Claude PATRIAT, La culture, un besoin d’État, Paris, Hachette, Collection Forum, 1998. Ibid., p. 24. Jacques RIGAUD, « Musique et politique culturelle », in Jean-Michel BARDEZ, Jean-Marie 27 été un frein à la reconnaissance des problématiques spécifiques de ce secteur. Cette même idée de la vitalité semble réapparaître aujourd'hui et tente de replacer la musique, et en particulier l'opéra, dans un contexte économique libéral, et ce en contradiction avec les objectifs du ministère de la Culture depuis 1959. C'est un phénomène général dont on peut voir les effets dans le monde lyrique et qui va jusqu'à se traduire par des fermetures pures et simples, notamment aux États-Unis 65. Mais un autre élément majeur a bousculé la stratégie mise en place par le ministère de la Culture : les changements politiques fondamentaux initiés depuis les lois de la seconde étape de la décentralisation en 2003 66 ont donné un rôle accru aux collectivités territoriales, qui même si la compétence culturelle reste entre les mains de l’État, ont la possibilité par la clause de compétence générale, de développer considérablement leurs actions et leurs politiques en matière de culture sur leurs territoires 67. Ce changement a de plus en plus occupé les esprits avec pour conséquence un positionnement territorial accru pour le ministère de la Culture, avec l'obligation de négocier les attendus de l’État dans le fonctionnement global des institutions culturelles, alors même qu'un retrait financier étatique déplaçait les responsabilités en direction des collectivités territoriales. La tentative de maintenir une unité de la politique culturelle nationale s'est heurtée très rapidement à l'augmentation des crédits d'intervention culturelle des collectivités territoriales et à leur volonté de mettre en place des politiques spécifiques dans ce domaine. De fait, des contrats multipartites sont le fruit de négociations souvent tendues, car la politique issue du jacobinisme défunt a un impact de plus en plus limité dans l'esprit des élus territoriaux, malgré les mandats nationaux de certains d'entre eux. Si une telle question n'est pas directement liée à la question de la commande d’État entièrement gérée par la DGCA à Paris, elle l'est forcément de biais, puisque les productions ainsi aidées sont pratiquement toutes réalisées et diffusées dans les régions. DONEGANI, Damien MAHIET et Bruno MOYSAN (sous la direction de), L’institution musicale, éditions Delatour France, 2011, p. 33. 65 Le New York City Opera a fermé définitivement ses portes en octobre 2013, l'Opéra de San Diego a fermé les siennes en mars 2014, et de grosses difficultés menacent régulièrement le Metropolitan Opera de New York. 66 À la fin des années 2010, les aides financières publiques concernent principalement les lieux dédiés à l'expression musicale et au spectacle, qu'elles viennent soit des collectivités territoriales (dans une proportion toujours plus importante ), soit du ministère de la Culture, majoritairement à travers les échelons déconcentrés (les DRAC), et dans une moindre proportion, directement de la DGCA (Direction générale de la création artistique) à Paris. Cet échelon est le reste d'une centralité de l'action de l’État désormais presque entièrement démantelée, suite aux deux phases de décentralisation (la première avec les lois de 1982-1983, la seconde datant donc de 2003). 67 Depuis 2013, les réflexions et les discussions concernant la future étape de la décentralisation en France reposent la question de l'ensemble de ces compétences. 28 C'est tout le sens de la conclusion de l'article de Sylvie Pébrier intitulé « La revendication de la différence dans le champ de la musique classique », qui en 2010 porte sa réflexion sur le positionnement de l’État : « La politique musicale souffre de la difficulté à revivifier le sens de ses interventions. En s'isolant, elle se rend du même coup incapable d'entrer dans le concert de réflexion des collectivités qui abordent le champ culturel de façon transversale. Aujourd'hui, alors qu'il serait plus que jamais nécessaire de sortir des camps retranchés, il y a fort à craindre que la tendance à la gestion qui a pris depuis longtemps le pas sur le questionnement politique se trouve prise dans un dérapage plus grave encore, vers une gestion négative, une gestion du désengagement 68». La lucidité de cette analyse contient effectivement les abandons du début du XXIe siècle, notamment dans la réflexion politique sur les enjeux culturels. En France, parmi tous les genres de spectacles existants, l'opéra est celui qui bénéficie de la meilleure structuration en termes d'équipements et de personnels, qu'ils soient artistiques, techniques ou administratifs. En effet, par cette structuration, le genre lyrique est encore le genre roi en France au début du XXIe siècle, puisque les villes qui ont construit et organisé un théâtre d'opéra y placent toujours une part conséquente, voire la majorité, des budgets dédiés à la culture. Ces maisons restent donc, pour nombre d'entre elles, liées à cette manne 69 et leur fonctionnement est de fait placé entre les mains des pouvoirs publics (État et / ou collectivités territoriales). L’État (si l'on met à part le fonctionnement de l'Opéra national de Paris, où se concentre l'essentiel de son aide dans le domaine musical) apporte un soutien à vingt-trois maisons lyriques en France, et en particulier à cinq d'entre elles, labellisées « nationales », en province : Rhin (Strasbourg / Colmar / Mulhouse), Bordeaux, Lyon, Montpellier et Lorraine (Nancy) 70. Globalement, l'opéra a encore la faveur des élus municipaux, même si ces derniers ne sont plus un public régulier de ces maisons, ce qui provoquera certainement des évolutions dans un futur proche. La distribution des subsides étatiques en direction des théâtres lyriques a longtemps transité 68 Sylvie PÉBRIER, « La revendication de la différence dans le champ de la musique classique », in JeanMichel BARDEZ, Jean-Marie DONEGANI, Damien MAHIET et Bruno MOYSAN (sous la direction de), L’institution musicale, éditions Delatour France, 2011, p. 42 - 43. 69 La thèse de Johanne Tremblay, Aux pieds du grand escalier. Ce que donne à voir l'attribution par le ministère de la culture et de la communication d'un label de « qualité » sur les opéras (nationaux) de région en France, novembre 2011, Université du Québec à Montréal et Université d'Avignon et des Pays du Vaucluse, permet de faire un point de la question du label national d’État donné à certaines maisons d'opéra. La Réunion des opéras de France (ROF) est une association permettant de réunir en réseau un très grand nombre d'opéras et de festivals pour une réflexion globale sur l'évolution de l'opéra en France. Enfin, « Opera Europa », association réunissant des maisons d'opéra européennes, est un lieu de confrontation des expériences, à travers des rencontres régulières sur certaines thématiques communes. 70 La question actuelle de la Modernisation de l'Action Publique au sein du Ministère de la culture permettra de faire un état des lieux des politiques publiques menées, qui donneront des éléments pour l'avenir. Un secteur a été réservé à l'étude de la question des maisons d'opéra, dont l'analyse donne des éléments chiffrés repris ici. 29 par la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux 71, premier réseau d'établissements publics d'opéra, et par ses successeurs. Dans les années 1980, l’État a repris la main sur la distribution et imposé un cahier des charges aux différents opéras, dans une tentative de renforcer son positionnement. En 2010, le chiffre de 27,8 millions d'euros est le montant distribué par l’État, par l'intermédiaire des Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), aux 13 maisons lyriques en province. Il s'agit d'un chiffre modeste, qui représente en moyenne seulement 15,5 % du financement de ces maisons. La modestie des moyens déployés par l’État en direction des opéras rend difficile son action par le biais des cahiers des charges, face aux plus larges moyens déployés par les villes dans ces mêmes lieux. À l'origine de cette volonté interventionniste de l’État, l'entrée en 1966 d'une véritable réflexion dans le domaine musical au Ministère de la culture avec l'arrivée de Marcel Landowski à la Direction de la Musique, et avec la mise en œuvre dans les années 1970 de son « plan décennal ». Cette structuration pyramidale peu détaillée a l'avantage, du fait du flou qui l'entoure, de s'adapter aux exigences de chaque territoire, en organisant partout en France un échelonnement cohérent avec une instauration progressive dans toutes les régions, « chacune devant avoir son conservatoire régional, son théâtre lyrique régional, son orchestre régional et son animation régionale 72». Ces dernières « visent à répondre à la crise professionnelle des musiciens d'orchestre touchés par le chômage 73». On s'aperçoit par là que le point de départ de l'action de l’État en faveur de la musique est l'analyse des difficultés financières des musiciens, dont Landowski explique l'origine : il s'agit d'une « crise dont les débuts remontent à près de trente ans et qui est due principalement à l'apparition des moyens de production sonore 74». Cette structuration sur tout le territoire national fonctionne encore de la même façon au début du XXIe siècle. Comme l'affirme Éric Tissier, en introduction de son mémoire de maîtrise en musicologie 75, un fait semble incontournable à partir de la fin des 71 72 73 74 75 L'existence de la RTLN a été ratifiée par la loi du 14 janvier 1939. Quelques années plus tard, les difficultés financières d'après-guerre ont nécessité la création de nouveaux réseaux. Notamment en 1964, avec la naissance d'un réseau de treize villes dans la RTLMF (Réunion des théâtres lyriques municipaux de France), qui est encore à peu près le même en 2014 (sauf pour Nice et Metz, qui ne reçoivent plus d'aides de l’État ; à leur place, on trouve Dijon et Lille). Informations données par le site de la Réunion des Opéras de France : http://www.rof.fr/index.php/fr/reunion-des-operas-de-france/historique (dernière visite de ce site en août 2014). Extrait du Plan de dix ans pour l'organisation des structures musicales françaises. Sylvie PÉBRIER, « La revendication de la différence dans le champ de la musique classique », in JeanMichel BARDEZ, Jean-Marie DONEGANI, Damien MAHIET et Bruno POYSAN (sous la direction de), L'institution musicale, éditions Delatour France, 2011, p. 37 – 43, ici p. 38. Plan de dix ans pour l'organisation des structures musicales françaises, cité par Sylvie PÉBRIER, op. cit. p. 39. Éric TISSIER, Le compositeur aujourd’hui et la commande d’État, Mémoire de maîtrise, Université de Paris Sorbonne, sous la direction d'Anne-Marie GREEN, septembre 1999. 30 années 1960 : « La création savante serait très probablement tombée dans l’indifférence générale si l’État n’avait pas accordé une aide de plus en plus importante à ce secteur culturel en créant les aides ponctuelles aux créateurs (bourse de recherche, concours de composition, commande), et les aides aux organismes (centres de recherche, associations, festival, théâtres musicaux, ensembles spécialisés et opéras) 76». L'instauration de cette organisation est issue de la réflexion selon laquelle les musiciens, de l'interprète au compositeur, appartiennent à un milieu dont la subsistance est directement menacée. Mais une question se pose, qui concerne la distance de plus en plus importante entre les compositeurs et le public. Pierre-Michel Menger, au début des années 1980, dans Le paradoxe du musicien, analyse les résultats d’un questionnaire auprès de 400 compositeurs ayant reçu une commande d’État jusqu’en 1982 : il met au jour que l'augmentation des soutiens d’État a paradoxalement contribué à l’isolement des compositeurs par rapport aux publics. C'est selon lui le résultat d'une politique impliquant peu de reprises, peu d’éditions musicales, peu de diffusions mécaniques radios ou disques, etc. En 1997, Anne Veitl 77 confirme cette idée et décrit le grand débat en cours sur la recherche en musique contemporaine et les centres édifiés à cette activité depuis les années 1970, IRCAM en tête, qui n'ont fait pour elle qu'accentuer la fracture entre les compositeurs et le public. Cela indiquerait donc un constat d'échec fondamental de cette construction étatique autour de la musique. Michèle Vessillier-Ressi, dans son ouvrage La condition d'artiste 78, datant de 1997, liste dans le premier chapitre les termes que les créateurs eux-mêmes utilisent pour se décrire : marginalité, mal-être, solitude, privilège, utilité sociale, professionnalisme, ambivalence. Ces termes englobent tous les secteurs artistiques. Pour décrire le secteur musical, elle cite Michèle Auzépy : « Les compositeurs sont de plus en plus brimés et privés de leurs droits [...]. Connaître son métier, avoir fait des études ne signifie plus rien aujourd'hui. N'importe qui peut s'intituler compositeur s'il possède un studio d'enregistrement ». L'idée même de la création a en effet largement évolué depuis quelques années. Les questions politiques concernant les aides à la création nécessitent d'aller plus loin. Xavier Greffe et Sylvie Pflieger par exemple posent deux jalons concrets : « Traiter de la création implique que l'on s'interroge sur la reconnaissance de celle-ci. (…) Un des problèmes que l'on rencontre d'ailleurs souvent est la nécessaire conciliation entre deux demandes des artistes : celle de disposer d'un environnement favorable à la création, mais en même temps, celle de ne 76 77 Ibid., p. 4. Anne VEITL, Politiques de la musique contemporaine, le compositeur, la « recherche musicale » et l’État en France de 1958 à 1991, Paris, L'Harmattan, 1997. 78 Michèle VESSILLIER-RESSI, La condition d'artiste, regard sur l'art, l'argent et la société, Paris, Maxima, 1997. 31 pas voir les dispositifs d'aide empiéter sur cette création 79». Une demande autant compréhensible que tout à fait contradictoire, que l’État cherche à traiter. Certains compositeurs ont réagi à ce propos, notamment Michaël Levinas, qui affirme une notion esthétique et politique précieuse sur la création lyrique : « Mais qu'est-il donc cet attachement à l'utopie créatrice ? De quel droit réclamons-nous le soutien financier des partenaires et l'oreille attentive de la société alors que nous déployons une liberté esthétique qui se veut affranchie de tout devoir de fonction et de tout service public ? Le compositeur d'aujourd'hui revendique un statut au moment même où le pouvoir politique révise lui aussi ce statut, mais dans un sens semble-t-il opposé aux revendications de corporations qui n'ont que très vaguement conscience des enjeux et des mutations 80». Il y a dans cette analyse une condamnation des compositeurs prétendant vivre loin de leur siècle. Cette tentation de l'éloignement issue de la deuxième guerre mondiale, à un moment où la musique savante devait se refaire une sorte de virginité, est désormais dépassée, pour Levinas. De plus, ce que la musique classique a de religieux, dans une différenciation affirmée, devient obsolète à partir du moment où le compositeur consacre son travail à son adéquation au monde. Ces réflexions rejoignent les éléments d'interprétation de Damien Mahiet 81, qui tente de définir les liens entretenus de tous temps entre musique et politique. En avouant son scepticisme à trouver une seule réponse, il ouvre un champ d'importance dans la réflexion, car il pose la question qui doit être selon moi le fondement de tout 82: « Conférer à la musique une place à part requiert une institution de la musique détachée des affaires civiles et de leur gouvernement : la musique importe-t-elle alors encore à la vie en commun ? [...] L'apolitisme de la musique, plutôt qu'une évidence, est un des paradoxes de son institution libérale ». Tout cela confirme qu'une réflexion politique sur la musique est devenue fondamentale, ce qui provoque parfois des réactions très dures. Ainsi, lors d'un colloque en 2009 pour le cinquantenaire du Ministère de la culture, le journaliste Philippe Meyer s'interroge-t-il : « En ce qui concerne l'argent public, la nature et les critères de certains choix faits en matière d'aide à la création restent très à l'abri du regard des moyens d'information alors qu'ils pourraient sans doute faire parfois l'objet d'une critique sévère 83». Les questionnements sont variés et les besoins largement exprimés : l’État doit faire un 79 80 81 82 83 Xavier GREFFE, Sylvie PFLIEGER, La politique culturelle de la France, Paris, La documentation française, 2009. Ibid., p. 17. Damien MAHIET, « De l'éducation musicale en démocratie libérale », Jean-Michel BARDEZ, JeanMarie DONEGANI, Damien MAHIET et Bruno MOYSAN (sous la direction de), L'institution musicale, éditions Delatour France, 2011, pp. 45-54. Ibid., p. 50. Colloque intitulé : « L'aide à la création : par qui ? Comment ? », textes rassemblés sous la direction de Élie BARNAVI et Maryvonne DE SAINT-PULGENT, Cinquante ans après, culture, politique et politiques culturelles, Paris, La Documentation Française, 2010, p. 105. 32 véritable travail d'éclaircissement global de sa politique sur le sujet de la musique contemporaine en France ; une réflexion qui doit aussi lui permettre de réinterroger son positionnement. Entre un investissement lourd dénoncé par le passé et un retrait systématique de l’État dans la création musicale contemporaine, un équilibre complexe peine à se mettre en place. Il apparaît nécessaire de poser la question du pouvoir de la musique sur la liberté, voire sa capacité à la subversion 84, qui n'a de cesse de provoquer des inquiétudes. Cela se traduit d'ailleurs par ce fait : la classe politique et globalement les classes dirigeantes de ce début de XXIe siècle ne considèrent plus la culture comme un élément fondamental de la vie sociale. Michel Beaulieu, dans son Histoire administrative du ministère de la Culture écrit encore en 1999 : « L’homme politique peut avoir un intérêt pour la culture dans une stratégie politique permettant de perfectionner son image : son goût pour la culture le place d’emblée parmi les hommes raffinés et sensibles ; l’intérêt pour la création en fait un homme ouvert aux préoccupations de son temps ». La situation quelques années plus tard a radicalement changé : l'intérêt des élus se tourne vers des actions principalement événementielles 85. Parallèlement, les tensions économiques montent et l’inquiétude gagne les milieux qui semblaient les plus protégés : grands orchestres, théâtres lyriques. Non seulement parce que les moyens financiers pour leur activité sont de plus en plus regardés à la loupe, avec une idée de rationalisation des dépenses tout à fait normale, mais qui semble annoncer le début d’une marchandisation de la culture dont il est nécessaire de se prémunir. Les raisons n’en sont pas que financières : la redistribution des moyens se fait désormais en tenant davantage compte d'autres genres musicaux. L’inquiétude qui jaillit au sein des institutions « classiques » est aussi celle de la remise en cause de la protection d’une caste privilégiée. Un corps de compositeurs (lui-même divisé en divers courants) existe bel et bien, et c'est un corps qui s'auto-congratule et sans doute s'autoproclame, dans un réflexe corporatiste naturel, voire nécessaire et revivifié, ainsi que le définit Jacques Capdevielle : « Corporatisme: le mot a mauvaise réputation, surtout en France. […]. Les crispations sur la défense des avantages acquis relèveraient-elles de ''l'exception française'' ? Les corporatismes les plus divers se 84 Pour cela, lire l'article de Jean-Michel BARDEZ, « Formation artistique ; questions sans cesse reconduites... », in Jean-Michel BARDEZ, Jean-Marie DONEGANI, Damien MAHIET et Bruno MOYSAN (sous la direction de), L'institution musicale, éditions Delatour France, 2011, pp. 55-58, ici p. 55. 85 Ils se tournent par exemple vers la notion de « festival permanent », développée notamment à Nantes : la ville développe tout au long de l'année des événements réunis sous le terme de festivals, qui de fait entretiennent une image de dynamisme propice à l'attrait global de la cité. 33 rejoignent dans un refus universel de la mondialisation libérale des échanges et bénéficient d’une légitimation nouvelle 86». Cela correspond à ce que d’aucuns considèrent comme une remise en cause d’une sacralité dont une reconversion semble pour le moins nécessaire. Mais peut-être que même cette sacralité n’appartient plus au monde dans lequel s’engage le XXIe siècle. De fait, de nouveaux questionnements apparaissent, liés à une anthropologie inspirée de Marcel Mauss 87, poursuivie par Jacques Rancière 88, et les questions abordées à l'EHESS (par le groupe TRAM - Transformations radicales des mondes contemporains) permettent d'aborder l'étude de l'ère actuelle de façon entièrement nouvelle : la certitude selon laquelle l’homme n’échapperait pas au sacré pourrait-elle être remise en cause ? Cela bouleverserait considérablement notre vision de la culture et de l'opéra. On le voit, l'aube du XXIe siècle s'inscrit donc encore dans l'organisation d'un accompagnement étatique de la culture, depuis la formation jusqu'à la production, contenant des améliorations régulières du système, tout au moins dans les premières années du siècle. Et la commande d’État se situe au milieu d'un ensemble très cohérent de soutien étatique à la création musicale, dont on commence à entrevoir les limites, notamment concernant l'opéra. Il est intéressant de voir à présent ce qu'est ce système spécifique et comment il a évolué depuis sa création. 86 Jacques CAPDEVIELLE, Modernité et corporatisme, Paris, Presses de Sciences Po., 2001. Michel Decoust a largement pointé ce phénomène lors de notre rencontre : il parlait de « clans ». La notion semble pourtant en passe de disparaître en ce début de XXIe siècle. C'est en tout cas ce qu'il a indiqué et cette notion est confirmée par Fernand Vandenbogaerde, dans le cadre de la commande d’État, dont « l'attention portée à la composition des commissions doit permettre de lutter contre ce phénomène corporatiste ». 87 Notamment son essai intitulé Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques, paru en 1923-1924 dans L’année sociologique et consultable en édition électronique réalisée par Jean-Marie TREMBLAY, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi, le 17 février 2002. 88 Notamment son essai intitulé Le spectateur émancipé, Paris, La fabrique éditions, 2008. 34 1.2/ Le système de la commande d’État et ses évolutions 1.2.1/ La mise en place du système avant 2001 La création d'un fonds de soutien aux compositeurs en France a lieu juste avant la deuxième guerre mondiale. Elle est une des réformes du gouvernement du Front Populaire activée en mai 1938 89 pour faire face aux difficultés rencontrées par les créateurs en période de crise économique 90. Yannick Simon détaille les récipiendaires de ces commandes distribuées directement par l’État : « En mai 1938, douze compositeurs, âgés de 31 à 71 ans, sont concernés (Elsa Barraine, Henry Barraud, Marcel Delannoy, Yvonne Desportes, Charles Kœchlin, Paul Ladmirault, Paul Le Flem, Jeanne Leleu, Georges Migot, Darius Milhaud, Jean Rivier, Germaine Tailleferre), parmi lesquels on relève les noms de quatre femmes. En 1939, l’opération est renouvelée, mais ne concerne plus que huit compositeurs (Claude Arrieu, Pascal Bastia, Eugène Bozza, Marguerite Canal, Claude Delvincourt, Michel-Maurice Lévy, Antoine Mariotte, Marcel Mirouze). Enfin, en 1940, avant la débâcle, seules deux commandes sont passées par l’État à des compositeurs français (Alfred Bachelet et Henri Hirschmann) 91». Dans le même paragraphe, il explique la situation à partir de 1941 : « Les commandes constituent un rouage essentiel de la politique musicale de l’État français. Leurs finalités relèvent autant de la diplomatie que de la politique intérieure. Selon le principal artisan de cette politique, Louis Hautecœur, la musique est un moyen de propagande pouvant ''montrer aux occupants combien était fausse la réputation dont jouissait en Allemagne la musique française''. Au plan interne, les commandes permettent d’entretenir le moral des troupes (''La France n’a pas été vaincue sur le terrain artistique'', affirme Hautecœur), mais aussi d’apporter du travail aux jeunes compositeurs, premières victimes artistiques des mauvaises conditions économiques […]. Parallèlement, il accroît les subventions destinées aux associations symphoniques et à l’Opéra tout en modifiant leurs cahiers des charges, de 89 À ce sujet, il faut lire Leslie A. SPROUT, « Les commandes de Vichy, aube d'une ère nouvelle », in Myriam CHIMÈNES, La vie musicale sous Vichy, Paris, Éditions Complexe, 1991, p. 157 – 178 ; Myriam CHIMÈNES, « La princesse de Polignac et la création musicale », in Hugues DUFOURT et Joël-Marie FAUQUET, La musique et le pouvoir, Aux amateurs de livres, 1987. 90 Dans le chapitre précédent, j'ai pu indiquer un élément fondamental : c'est la constatation des difficultés économiques des musiciens qui a justifié la mise en place du Plan Landowski trente ans plus tard. 91 Yannick SIMON, Composer sous Vichy, Paris, Symétrie, collection Perpetuum mobile, 2009, p. 165. Le paragraphe cité s’appuie très largement sur deux publications de Leslie A. Sprout consacrées à ce sujet : « Les commandes de Vichy, aube d’une ère nouvelle », op. cit., et Music for a ''New Era'': Composers and National Identity in France, 1936-1946, Berkeley (CA), University of California, 2000. 35 manière à leur imposer de donner, et surtout de redonner plus souvent, des œuvres nouvelles ». Cette dernière citation permet de bien comprendre le niveau souvent difficilement perceptible de la propagande, dans un système qui se sert de la culture pour valoriser ses actions et cacher ses vices. Cette histoire pèse certainement encore sur les compositeurs. Ils savent que leur musique peut être utilisée à des fins qu'ils n'approuvent pas. Ils se méfient d'une caution muette à un régime. Malgré tout, le système perdure donc après guerre, parce que l'on trouve qu'il n'est pas entièrement mauvais de faire vivre la culture, dans la tradition française d'Ancien Régime, et toujours pour des raisons sociales. Mais l'évolution montrera que d'une méfiance issue d'un système propagandiste, on passe progressivement à une autre méfiance, qui sera vue tout au long de ce chapitre, celle des compositeurs envers leurs pairs. Mais ce n'est pas encore le cas à la fin de la guerre, puisque les aides sont attribuées par l’État, sans le filtre d'une commission, qui apparaît bien plus tard. À la Libération donc, « une simple décision administrative 92» institue la mise en place d'aides aux compositeurs dans la poursuite du système existant. Dès lors, dans la chronologie de la progressive amélioration du système de la commande d’État, certaines dates sont des tournants, liées à des textes ou à des discours fondamentaux, avec notamment des mises au clair des critères d'attribution. La plupart des informations reproduites dans ce mémoire sont issues des recherches de Pierre-Michel Menger 93 et d'Eric Tissier 94, qui ont travaillé à 25 ans de distance sur les compositeurs contemporains et les systèmes de financements des œuvres. Les opéras sont une des catégories étudiées par eux, et ne sont pas traités différemment des autres genres. C'est en 1955 qu'une première commission régulière est mise en place, chargée de l'attribution des aides ; les choses changent à peine, car en effet « les premières commandes sont attribuées par la commission à des compositeurs qui n’en ont pas fait la demande 95». La commission est composée de compositeurs. Les attributions se font donc assez automatiquement en faveur de compositeurs déjà reconnus. C'est ce contre quoi les évolutions successives s'inscriront. Une première augmentation de la dotation est actée dès 1957. Parallèlement, et suite à 92 Extrait de la réponse à une question parlementaire sur la commande d’État publiée au Journal Officiel du 9 avril 2013. 93 Pierre-Michel MENGER, Le paradoxe du musicien, Paris, Flammarion, 1983. 94 Éric TISSIER, Le compositeur aujourd’hui et la commande d’État, op.cit. ; Eric TISSIER, Être compositeur, être compositrice en France au XXIe siècle, Paris, L'Harmattan, 2009, publication issue de la thèse de doctorat intitulée Le champ de la musique contemporaine, sous la direction d'Anne-Marie GREEN, Université Paris-Sorbonne, 11 octobre 2008. 95 Éric TISSIER, Le compositeur aujourd’hui et la commande d’État, op. cit., p. 6. 36 l'instauration de la Ve République en 1958, l'Article 1 du décret n°59-889 du 24 juillet 1959 portant création du ministère chargé de la Culture, définit comme mission première du ministère de « favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent ». Il s'agit là d'un pan fondamental de la mise en place de la culture d’État, dont la V e République est fortement porteuse. Il faut attendre 1966 et l'arrivée du compositeur Marcel Landowski à la direction de la musique (créée à ce moment-là), pour que quelques modifications aient lieu. C'est l'arrêté du 26 juillet 1966 qui institue officiellement la commission créée depuis 1955 96. Les membres de la commission sont toujours des compositeurs, qui sont aussi désormais accompagnés de critiques (automatiquement de formation musicale). Ils sont nommés pour trois ans et renouvelables par tiers. Le montant de la dotation augmente fortement, ainsi que le nombre de compositeurs aidés, entre 1967 et 1974. Comme l'indique Éric Tissier, « les demandes de commandes, toujours plus nombreuses, sont dorénavant formulées par le compositeur luimême ou par l’organisme de diffusion 97». Les problèmes qui se posent sont régulièrement réglés en cours de commission, comme par exemple la commission du 11 mars 1969, qui « décida que les compositeurs ne pourraient pas présenter de commandes deux années consécutives ». Jean Maheu remplace Marcel Landowski en 1974 à la direction de la Musique. Il engage le ministère de la Culture dans la création de centres de recherches en musique contemporaine dès 1975 (avec un budget d'un million de francs), ainsi que la mise en place de bourses à la création et d'années sabbatiques. Ainsi les commandes ne représentent plus qu’une petite part de la politique de l’État en faveur de la création musicale. Cette évolution politique de transférer les moyens vers des centres dédiés, et non plus directement vers des individus, devait en principe permettre l'extinction de la commande d’État. Mais la demande des compositeurs pour une aide à la création ne décroît pas. Les différentes commissions doivent donc s’y adapter. En terme d'organisation, à partir de 1975, les dossiers sont, trois jours durant, mis à disposition des membres de la commission pour consultation. L'arrêté du 20 juin 1977 permet aussi de réglementer officiellement la distribution de « bourses d'aide à la création ». Dès cette époque, le terme de commande d’État est donc écarté, mais son usage est tellement répandu qu'il subsiste. Cette même année, une nouvelle 96 Anne VEITL, Noémi DUCHEMIN, Maurice Fleuret : une politique démocratique de la musique, Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, Comité d'histoire du ministère de la Culture, 2000, p. 281. 97 Éric TISSIER, Ibid., p. 7. 37 augmentation de la dotation est actée. Tandis que le Décret du 10 mai 1982 donne pour mission au ministère de la Culture « de favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit et de leur donner la plus vaste audience », Maurice Fleuret, arrivé la même année à la direction de la musique du ministère, voit ses moyens augmenter considérablement. Considérée par lui comme « un domaine central en vue d'une transformation de la société 98», il décide de placer la liberté de création au centre de toute décision. Par le biais d'une division création / recherche, l'inspecteur général Michel Decoust 99, aidé de l'administratrice civile Dominique Dujols et de l'inspecteur principal Daniel Durney, organise son fonctionnement. Il en parle : « C'est en 1982 que Maurice Fleuret m'a confié les problématiques de la création. Je me suis occupé en particulier des ensembles (2E2M, Itinéraire, etc), des studios et de la recherche (SEMAMU, GRM, Studio Claude Lefèvre, Centres de recherche de Grenoble, de Nice, de Marseille, etc.) et ce jusqu'en 1987. De 1987 à 1991 (du temps de Michel Schneider), j'ai été en charge des orchestres et des opéras. Dès l'origine, je me suis occupé de la commission des commandes. Il fallait s'attaquer aux problèmes internes à la commission : par exemple, le vote à main levée a été aboli. C'était toujours les mêmes qui obtenaient quelque-chose. C'était le règne des petits copains. Certains étaient arrivés et étaient bien placés. Déjà en 1967, Landowski avait tenté de réagir : en faisant appliquer le principe (encore actuellement en vigueur) qu'une œuvre n'est aidée que si elle est susceptible d'être jouée. En effet, la fameuse Mademoiselle Moreau au 55 rue Saint Dominique accumulait les partitions ! ». Maurice Fleuret « annonce à la séance du 19 mars 1982 que les membres de la commission seront dorénavant renouvelés chaque année 100». Maurice Fleuret considère comme nécessaire le soutien individuel aux compositeurs. Il est tout à fait conscient que sans soutien de l’État, cette musique, non rentable économiquement, ne survivrait pas à l'économie de marché. Cette constatation est sous-tendue par cette pensée : « une civilisation qui ne crée pas décline et meurt 101». Maurice Fleuret définit aussi des critères d'attributions pour les commandes, dont l'enveloppe double entre 1980 et 1983 : en « introduisant notamment les notions nouvelles de lien social du compositeur, d’environnement de l’œuvre, de rapport avec les institutions locales 102 ». Maurice Fleuret a mis un point d'honneur à revoir le fonctionnement de la commission, en 1982 et en 1983. Cité par Anne Veitl, il dit : « Vous n’imaginez pas par exemple, la difficulté de la commission des commandes. J'y étais tout le temps, je sentais que c’était la magouille potentielle tout le temps : les compositeurs qui sont inféodés à telle esthétique, qui sont chez le même éditeur, qui par ailleurs ont des groupes d’interprétation. J’ai passé 98 99 100 101 102 Ibid., p. 279. Interview réalisée le 9 octobre 2013. Eric TISSIER, Le compositeur aujourd’hui et la commande d’État, op. cit., p. 10. Anne VEITL, Noémi DUCHEMIN, op. cit., p. 290. Ibid., p. 292. 38 mon temps à déceler ces prévisions, à mettre le holà, évidemment y compris avec mes inspecteurs. C’est un des domaines qui m’a donné le plus de soucis. Cela a été très dur, mais aussi très exaltant 103». Les querelles de chapelle perturbent les commissions. Un compositeur appartenant à un courant, à une mouvance déjà soutenue par ailleurs, est sûr d'être aidé. D'autant que le vote se fait longtemps à main levée, avec tout ce que cela comporte comme pression sur les votants. Malgré tout, pour Maurice Fleuret, l’État « se garde bien d'intervenir directement sur la création 104». Il conçoit comme un rempart le fait de nommer dans les commissions des compositeurs, qui seront chargés de faire le choix des projets. Il est intéressant de constater que les diverses lignes de sa réflexion se contredisent assez directement : ne pas faire en sorte qu'il y ait la création pour la création, et en même temps, participer à un élargissement de celle-ci notamment par l'augmentation de la dotation des commandes d’État. La nouveauté qui veut que les compositeurs soient impliqués dans la vie sociale, est développée, à travers davantage de résidences, de bourses et de centres de création musicale. Malgré tout, la politique de Maurice Fleuret a au final permis de consolider les conditions de la création. Ce positionnement a été revu dans les années 1990. En effet, Jack Lang se prononce très vite contre le nombre trop élevé de créations par rapport à une diffusion insuffisante des œuvres. Il implique aussi des évolutions dans l'attribution des aides, notamment en 1993 : la commission est divisée en deux commissions. La commission n°1 s'occupera dorénavant des aides concernant le grand orchestre, l'opéra, la musique de chambre ou à effectifs réduits, le théâtre musical et la musique électroacoustique. Tandis que la commission n°2 s'occupera des pratiques amateurs, de la pédagogie, du chant choral, du jazz et des musiques de spectacle. On trouvera bientôt le théâtre musical dans la commission n°2. En effet, les contenus évoluent, ce qui est le signe de la prise en compte des bouleversements esthétiques. De plus, un président est désormais nommé par le ministre pour diriger les débats. Ce dernier ne participe pas aux rapports introductifs, mais vote sur chaque dossier. Chaque commission est désormais composée de treize membres (six compositeurs, deux diffuseurs de spectacles vivants, deux interprètes, trois inspecteurs de la musique). C'est le début d'une véritable révolution, car apparaissent enfin les interprètes, qui jusqu'à présent étaient exclus de la commission. Certains de ses membres sont désignés et chargés d'examiner les dossiers en tant que rapporteurs devant la commission. Michel Decoust explique la façon dont se déroule le travail 103 Anne VEITL, Politiques de la musique contemporaine, le compositeur, la « recherche musicale » et l’État en France de 1958 à 1991, op. cit., p. 173. 104 Ibid. 39 du rapporteur : « Chaque membre de la commission reçoit un certain nombre de dossiers à étudier, dossiers répartis par genre et par ordre alphabétique. Chaque secteur de la commission fait appel à deux rapporteurs, qui vont quelques jours à la bibliothèque Mahler 105, lieu consacré à Paris pour examiner le matériel transmis par le compositeur. Il peut y avoir des enregistrements d’œuvres antérieures, une biographie, ainsi que le projet d'écriture. Si un compositeur n'a jamais composé un opéra, on lui demande des extraits d’œuvres écrites pour la voix. Pas la nouvelle œuvre, bien sûr, car ils ont quatre ans pour livrer la pièce. Grâce au regard de la commission, on évite un peu les œuvres médiocres. Les rapporteurs arrivent en commission en donnant leur avis, chacun à leur tour. Et ils choisissent ce qui peut être écouté en commission. Puis la commission décide si l'on doit en écouter davantage ou non. Le vote a lieu à la fin de chaque catégorie, à bulletin secret (oui, non, blanc). Environ treize personnes votent (y compris le président, qui est super partes). Actuellement, Fernand Vandenbogaerde, inspecteur, et Brigitte Bigorgne, chargée de mission, comptabilisent les votes. On ne sait pas immédiatement qui obtient ou pas une commande d’État. Sur les refusés ou les acceptés, tout dépend de la coloration de la commission, qui reste très orientée, et ce malgré l'attention de Fernand Vandenbogaerde 106». La qualité de la présentation en commission s'avère donc essentielle. Éric Tissier s'en inquiète : « On peut même considérer que la manière de défendre un dossier plutôt qu’un autre, par l’un des membres de la commission, engage la compétence propre de ce membre et que le vote ou non de ces dossiers par la commission peut être considéré comme une accréditation ou une sanction de cette compétence 107». À partir de 1993, le compositeur doit avoir un engagement formel d'une structure pour déposer un dossier. L’œuvre devra donc être jouée, et si possible s'inscrire dans un projet de diffusion et de pratique musicale. C'est aussi cette année-là que sont fixés d'autres critères d’attribution, qui prennent notamment en compte « la compétence et la qualité de la proposition musicale considérée. [Cela] renforce l’idée que seuls des spécialistes semblent habilités à porter de tels jugements et justifie par là même la présence de compositeurs au sein du comité 108». La critique régulièrement portée contre cette présence massive des compositeurs se porte à l'encontre de la tendance qu'ils auraient à privilégier les compositeurs appartenant à des sphères plus influentes que d'autres et qu'ils seraient aidés en cela par le vote à main levé 109. Cela pose non seulement la question de la distance esthétique, mais aussi des groupes d'influence. À cela s'ajoute qu'un compositeur qui ne fait pas de demande peut facilement faire partie de la commission et donc juger ses pairs. À l'usage, d'autres éléments de difficultés apparaissent : « les catégories très demandées seront automatiquement très sévèrement jugées alors que les demandes peu nombreuses dans 105 106 107 108 109 Il s'agit de la Médiathèque Musicale Mahler, située 11 bis rue de Vézelay, 75008 Paris. Interview réalisée le 9 octobre 2013. Éric TISSIER, Le compositeur aujourd’hui et la commande d’État, op. cit., p. 25. Ibid., p. 16. Comme indiqué par Michel Decoust, ce système a été abrogé dans les années 1980. 40 d’autres catégories seront relativement plus facilement acceptées 110». Parmi de nouveaux critères, le nombre de commandes passées aux compositeurs est pris en compte afin de privilégier l’aide à de nouveaux compositeurs, mais ce sans pour cela exclure la compétence des compositeurs confirmés. En 1997, il est acté (malgré une annonce en ce sens dès 1969, mais non suivie des faits) que l'aide à la commande d’État ne peut pas être attribuée deux années consécutives au même compositeur, sauf pour les commandes pédagogiques. Eric Tissier s'interroge, tout comme Pierre-Michel Menger dès 1983, sur le rôle déterminant du CNSM de Paris dans ces attributions, puisque la plupart des compositeurs soutenus à ce moment-là sont issus de cet enseignement. Il confirme aussi le déséquilibre entre Paris et la province. Il pose aussi la question de la recherche et de son artifice (l'IRCAM par exemple, avec l'utilisation des nouvelles technologies). Il indique aussi l'absence de personnes représentatives du public au sein des commissions : « le compositeur tient alors plus compte du jugement des commanditaires que de celui du public qui n’est à aucun moment impliqué dans ce circuit 111». Tous les membres de la commission interrogés défendent le sérieux de la commission, par exemple, le compositeur Michel Zbar 112: « J’ai participé plusieurs fois aux commissions de commande, je n’ai jamais entendu de directive esthétique. Jamais, aucun inspecteur de la musique ne se permet de donner la moindre indication quant à une politique esthétique de l’État ». Mais des critiques fortes et en même temps signes d'un esprit de débat, permettent notamment à Bernard Cavanna de dire qu'il « considère que l’État en soutenant le créateur, l’empêche de s’adapter rapidement aux exigences et aux attentes du public 113». Et ce bien qu'il soit luimême aidé. Ce type de réflexion est confirmé par l'analyse de Michaël Levinas dans son article intitulé « Le frisson de Mallarmé » 114: « À tort, le milieu français de la musique nouvelle se sent quelque peu exempté de la régulation du marché et des exigences de réciprocité sociale. Ce milieu se croit à l'abri par quelques institutions et les habitudes certes de plus en plus parcimonieuses de subventionnement. L’État et les DRAC maintiennent un système hérité des années soixante-dix mais pour combien de temps ? Le soutien de l’État à la création et à la recherche artistique semble une pratique de plus en plus isolée et paradoxale, dans une Europe à la fois libérale, pragmatique et quelque peu désespérée ». En règle générale, et par-delà les réflexions de ces deux compositeurs, une réelle inquiétude est ressentie par leurs collègues face à un désengagement de l’État dans ce domaine, d'autant 110 111 112 113 114 Ibid., p. 15. Eric TISSIER, Le compositeur aujourd’hui et la commande d’État, op. cit., p. 70. Ibid., p. 75. Ibid., p. 64. In Danielle COHEN-LEVINAS, La création après la musique contemporaine, Paris, L'Harmattan, 1999, p. 16. 41 plus facilité que le ministère de la Culture maintient une discrétion sans faille sur les montants distribués dans le détail. Une sorte d'amour-haine existe et semble s'inscrire dans le temps : en interrogeant vingt-six compositeurs, Éric Tissier fait ressortir que la commande d’État est mal vécue : le terme même de « commande » représente avant tout « une sorte de contrat de travail à durée déterminée (avec une date imposée qui est celle de la création) qu'il faut parfois solliciter pour avoir une chance de l'obtenir 115». Plusieurs contraintes apparaissent dans l'idée de commande : la date de rendu de l’œuvre, la formation instrumentale pour laquelle le compositeur doit écrire, la durée, etc. Ce type d'attentes, souvent contraignantes, obligent le compositeur à revenir sur l'idée désormais dépassée d'être un auteur entièrement indépendant, et entièrement responsable de sa propre création. Les compositeurs interrogés par Éric Tissier sont tous partisans de la commande, malgré des réticences déjà analysées par Pierre-Michel Menger (il parle de « cette relation paradoxale entre l'isolement social des créateurs et la consécration institutionnelle de l'innovation 116»). Et, continue Tissier, « alors que les compositeurs dont l’œuvre est déjà abondante ne citent que très peu leurs commandes d’État (sauf s’il s’agit d’opéra), les autres compositeurs les citent plus volontiers 117». Derrière les déclarations, apparaissent des omissions : la plupart des compositeurs qu'il a interrogés ont en réalité reçu une commande d’État et certains ont même été membres de la commission. À la toute fin du XXe siècle, le ministère de la Culture a réaffirmé un certain nombre de fondements, sur lesquels s'appuient encore actuellement les politiques en faveur du spectacle vivant et de la musique en particulier : la « Charte des missions de service public pour le spectacle », voulue par Catherine Trautmann, s'ouvre par une réaffirmation du rôle de l’État en faveur de la création : c'est le premier des six points pour lesquels le ministère indique qu'il « agit directement », c'est-à-dire « par l’aide à la création, sous forme de commandes musicales ou dramatiques à des artistes, ou bien de soutien aux projets de création artistique des compagnies dramatiques, chorégraphiques, des ensembles musicaux ou lyriques, après avoir recueilli l’avis de commissions ou de comités d’experts indépendants 118». 115 116 117 118 Eric TISSIER, Être compositeur, être compositrice en France au XXIe siècle, op. cit., p. 275. Pierre-Michel MENGER, Le paradoxe du musicien, op. cit., p. 12. Éric TISSIER, Le compositeur aujourd’hui et la commande d’État, op. cit., p. 66. Extrait. Cette charte a été établie suite à une large concertation nationale et a été transmise officiellement par décret aux préfets le 22 octobre 1998. 42 1.2.2/ Analyse du système de la commande d’État et de la question lyrique depuis 2001 Prenant appui sur un rééquilibrage globale des politiques en faveur de la culture, notamment dans une prise de conscience aiguë du ministère de la Culture et consignée dans la « Charte des missions de service public pour le spectacle », et dans la seconde loi sur la décentralisation de 2003, le début du XXIe siècle engage diversement l’État dans la poursuite de sa politique en faveur de la création. Mais la création lyrique en France dépend-elle de la commande d’État ? Dans quelle mesure la commande d’État influe-t-elle sur la volonté des compositeurs de se lancer dans la création d'un ouvrage lyrique ? À ces deux questions, il faut répondre par la négative. Dans l'annexe IV du présent mémoire 119, j'ai indiqué le nombre de demandes ayant reçu un refus de la part de la commission : sur un nombre global de trente-sept demandes, seules dixhuit ont reçu une aide. Ce nombre correspond à la moitié des demandes. Certaines années, comme en 2007 et en 2008, la commission n'a examiné aucune demande pour l'opéra. Le nombre très faible des demandes de compositeurs pour une aide de création lyrique s'explique par plusieurs facteurs : la commande d'opéra vient bien souvent d'une institution lyrique dont c'est une des missions 120, ce qui revient à penser que le compositeur a déjà reçu une aide suffisante. Seulement, tous les lieux de création lyrique n'ont pas cette injonction ministérielle (citée dans le cahier des charges, selon la circulaire parue le 31 août 2010, elle ne concerne que les six opéras nationaux). Pour ces derniers, un soutien direct aux compositeurs peut être un complément important à la production d'un nouvel opéra. Mais cela reste mystérieusement un lieu quelque peu oublié par les compositeurs et par les directeurs des maisons de production, tout au moins pour la période étudiée. Par contre, on peut s'étonner que les « autres lieux » ne poussent pas les compositeurs d'opéras à faire cette démarche. 119 L'annexe IV du présent mémoire concerne les demandes d'aide à la commande d’État pour l'opéra et la proportion de refusés. 120 Les différentes missions confiées à la direction d'un lieu labellisé sont définies et inscrites dans le cadre de cahiers des charges précis, notamment dans les circulaires thématiques du 31 août 2010. 43 En quinze ans, Fernand Vandenbogaerde constate une hausse des demandes concernant les ensembles de moins de huit instrumentistes et une chute des commandes concernant les ensembles de plus de huit musiciens (orchestre et opéra notamment) : « Plus personne ne donne de pièces de vingt-cinq musiciens. L'ensemble Itinéraire, parfois, mais le plus souvent, il joue des œuvres à deux musiciens 121». La baisse est en dents de scie pour l'opéra : on trouve les années fastes, avec six demandes, ce qui n'est pas non plus considérable, et les années avec zéro demande. Toujours selon les études menées par Fernand Vandenbogaerde, « on est passé de 121 dossiers dans la commission A (où se trouve l'opéra) à 90 dossiers entre 1997 122 et 2013. La commission B examinait 90 dossiers, à présent 60. Les demandes pour la pédagogie restent stables ». Peu de réflexions sont organisées au sein du ministère de la Culture depuis la fin des années 1990, mis à part un rapport sur le positionnement de l’État en faveur de la création musicale contemporaine dans sa globalité. Il s'agit d'un rapport écrit par Alain Surrans en 2004, intitulé Rapport d'inspection sur la création musicale en France 123. Il y fait la réflexion suivante : « La politique du ministère de la Culture et de la Communication en faveur de la création musicale et de la musique contemporaine a été jalonnée, depuis trente ans, de périodes fastes (ou du moins considérées comme telles aujourd'hui), entrecoupées de phases de stagnation, pour ne pas dire de régression 124». Le rapport fait globalement le bilan des différentes filières de la musique contemporaine, en mettant en évidence les concaténations automatiques des aides les unes par rapport aux autres. Parfois apparaissent des éléments de questionnements, sur l'intérêt qu'il y a à soutenir la création, et il cite les propos extrêmes du directeur du festival Musica (Strasbourg), JeanDominique Marco : « il manque à la création musicale d'aujourd'hui l'état de crise qui lui permettrait d'aller plus loin 125». Au-delà de cette thématique, il ressort de ce rapport que l’État, par son aide financière au compositeur dans son acte de création, ne permet qu'une partie de la subsistance de ce dernier, au regard du temps passé à l'écriture, mais qu'elle permet certainement de compléter une action engagée par les institutions musicales intéressées par l’œuvre. Indiqué dans le même rapport, le budget global des aides en 2003 s’élève à 840 000 €. Les chiffres-clés (dont la liste entre 2001 et 2012 se trouve en annexe III du présent mémoire), plus précis, indiquent 121 122 123 Interview faite à Fernand Vandenbogaerde les 12 et 13 septembre 2013. 1997 est l'année à partir de laquelle Fernand Vandenbogaerde s'est occupé de la commande d’État. Document accessible par internet (dernier accès le 15 avril 2014) : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/rapports/surrans/rapport-surrans.pdf. 124 Alain SURRANS, op. cit., p. 4. 125 Ibid., p. 7. 44 855 000 €, légèrement moins qu'en 2004 (858 000 €). Il faut savoir qu'en 2003, l'aide pour l'écriture d'un opéra de grand format était de 31 000 €. Le rapport (de 2004) ne préconise pas une augmentation du montant individuel des aides. En effet, elle « pourrait ainsi entraîner un recours systématique, par les commanditaires réels des œuvres, à la commande d’État 126». Or, le montant a été réévalué entre-temps et en 2013, le montant peut atteindre 38 500 € pour un opéra de grand format 127. Par contre, si les années 2003 et 2004 représentent un record, dès 2005, le montant global des aides redescend à 653 000 €, pour atteindre 455 000 € en 2008 et effectuer une régulière remontée jusqu'à 558 000 € en 2012 128. On s'aperçoit donc que les années où le plus grand nombre d'opéras a reçu une aide ne correspondent pas aux meilleurs niveaux de financement. Les choix faits ne sont donc pas liés aux disponibilités financières, même si comme déjà indiqué il n'est pas possible d'avoir le détail des montants distribués. Dans ses conclusions, le rapport Surrans indique notamment : « La composition de la commission et son fonctionnement – avec un rapport oral pour chaque projet – permettent de garantir une approche avant tout professionnelle des dossiers déposés, et l’on peut remarquer que les esthétiques les plus diverses sont représentées parmi les projets retenus sans qu’il soit trop besoin de veiller à équilibrer leur représentation au sein de la commission 129». L'idée selon laquelle il ne serait pas nécessaire de veiller à équilibrer les membres au sein des commissions s'oppose aux réflexions développées dans le chapitre précédent. En effet, une sur-représentation des compositeurs au sein de la commission provoque un phénomène de corporatisme en opposition avec le principe d'ouverture aux différents courants stylistiques. Mais le rapport en pointe les difficultés : « L’ouverture de la commission à des programmateurs (par opposition aux musiciens de métier) met en position de rapporteurs des professionnels qui ne sont pas forcément des techniciens (ne sachant pas, notamment, lire des partitions) ». Si cette affirmation n'est pas dénuée de bon sens, elle n'est pas entièrement valable : de nombreux programmateurs, non musiciens, ont de par leur activité une excellente connaissance de la musique, liée principalement à l'écoute. Sachant qu'une part des documents mis à disposition sont des enregistrements, le fait que l'un des rapporteurs ne sache pas lire la musique ne devrait pas être considéré comme un problème. Il serait d'ailleurs tout à fait opportun d'ouvrir aussi cette commission à des représentants du public, comme proposé par 126 127 Alain SURRANS, op. cit., p. 17. Ainsi qu'il est communiqué dans le document mis en ligne sur le site du CDMC, les opéras sont soutenus pour les petites formes (de 30 minutes à 2h30) entre 13 500 € et 28 500 €, et pour les grandes formes (de 30 minutes à 2h30) entre 17 000 € et 38 500 €. Tandis que le théâtre musical (toujours dans les mêmes durées) est aidé entre 9 000 € et 17 000 €. 128 Voir le tableau des dotations globales en annexe III page 130 du présent mémoire. 129 Alain SURRANS, op. cit., p. 17 - 18. Les citations suivantes sont tirées de ces deux pages. 45 Éric Tissier. Le rapport relève d'autres difficultés, plus complexes : « Le contexte et les conditions de la création ne sont guère pris en compte : il est demandé un simple engagement écrit du commanditaire réel de l’œuvre, dont le projet n’est pas automatiquement examiné, en amont, au regard de ses obligations (cahier des charges ou convention) envers la musique contemporaine ». L'idée selon laquelle un compositeur reçoit commande d'une maison d'opéra dont le cahier des charges contient l'obligation de création contemporaine pourrait être un argument pour ne pas soutenir un compositeur avec une aide à la commande d’État. Or, il apparaît aussi que certaines maisons n'ont pas une constance appropriée en faveur de la création lyrique. La question n'est pas anodine, surtout à un moment où on assiste au rabotage progressif des marges artistiques de ces maisons (aucune augmentation depuis des années, voire la diminution des financements publics). Le rapport Surrans, je le rappelle, s'intéresse à l'ensemble de la filière de la création contemporaine, ce qui l'amène à faire indirectement des propositions qui établissent un lien avec la commande d’État 130: il propose de renouveler la procédure pour « en améliorer la transparence et l’efficacité, et à mieux l’articuler avec le développement de la création pris en charge par les structures que soutient, par ailleurs, le ministère de la Culture et de la Communication ». Le rapport propose « une enquête plus approfondie auprès des «commanditaires réels », ainsi qu'une « consultation des DRAC et une instruction préalable par la DMDTS 131». Elles sont désormais mises en application. Lors d'une rencontre nationale à Strasbourg le 23 septembre 2005, sous le thème « Étendre le territoire de la musique : sept priorités d’action », vingt-trois fiches ont été écrites et publiées suite à des réflexions conduites au sein du ministère 132. La fiche n°5 s'intitule : « Reconsidérer la procédure des commandes d’État », elle analyse son fonctionnement et son impact, notamment pour les grandes formes, et en redonne le cadre juridique : « Les commandes d’État [...] constituent en fait des aides financières n'emportant pas cession de droits, et visent à favoriser tant l'écriture que la diffusion et l'exploitation de l'œuvre […]. Ce dispositif doit notamment favoriser la vitalité et la diversité de la création musicale, en soutenant, par exemple, des compositeurs engagés dans des processus d'écriture longs (opéras) ou dans des démarches esthétiques innovantes, intégrant une part de risque artistique et économique. Une attention particulière est apportée à la diversité des esthétiques comme au renouvellement des bénéficiaires des aides. [...] Un premier bilan, 130 131 Ibid., p. 51-52. Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, la DMDTS s'est agrandie de la direction des arts plastiques et est devenue la Direction générale de la création artistique, la DGCA. 132 Document accessible sur le site du ministère de la Culture et de la Communication : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/conferen/donnedieu/DP-strasbourg-musique.html (dernière consultation le 23 mai 2014. 46 réalisé sur une période rétroactive de cinq ans (2000-2004), met en évidence la forte représentation des aides aux petites formes musicales (œuvres pour ensembles et petits effectifs : 45% des aides allouées), [...] ; en revanche, peu de dossiers sont déposés pour l'écriture de grandes formes (opéras, œuvres symphoniques), d'œuvres électroacoustiques, d'œuvres musicales traditionnelles, d'œuvres issues du répertoire du jazz ou de la chanson. » Suite à ces éléments, depuis 2007, trois critères sont clairement indiqués aux membres des commissions de la commande d’État et sont indiqués dans les documents mis à la disposition des compositeurs dans le site du CDMC : la technicité et le métier du compositeur ; l'intérêt artistique du projet ; la vie de l’œuvre : qualité des interprètes, montage de la production et des reprises. De telles indications ont le mérite de confirmer la recevabilité du critère esthétique pour les membres de la commission (surtout à travers le critère de « l'intérêt artistique de l’œuvre »), bien que ces termes ne renferment pas de définitions extrêmement précises des attendus. C'est en réalité la difficulté majeure de l'exercice. Les inspecteurs du ministère de la Culture faisant partie des commissions ne doivent pas donner leur avis en la matière. Cela rejoint d'autres systèmes mis en place par le même ministère notamment dans l'attribution d'aides financières pour des projets développés par des compagnies et des ensembles sur le territoire 133 . La neutralité affichée par le ministère de la Culture face aux choix esthétiques exprimés par les membres de ces commissions est le résultat d'une volonté forte de ne pas influencer la création, afin de ne pas être accusé d'effectuer des choix étatiques pouvant être facilement remis en cause 134. Bien entendu, l'influence corporatiste apparaît, celle des groupes de pressions et des courants esthétiques les plus puissants, dont Pierre-Michel Menger décrit le déclin dans un article sur « le public de la musique contemporaine » : « La valeur d'une œuvre est graduellement avérée à mesure que s'élargit le cercle de ceux qui s'en portent garants ou qui ratifient l'estimation initiale. Mais les procédures selon lesquelles peut être construite l'évaluation ne sont pas sans influence sur la formation ou la révélation des estimations individuelles. La procédure qui s'est imposée à partir du XIXe siècle est la détermination des valeurs par les marchés artistiques, même si le poids croissant des administrations et des institutions culturelles publiques et politiques de soutien de l'offre artistique ont introduit nombre de mécanismes correcteurs 135». 133 Les trois circulaires mettant en œuvre ce travail dans l'ensemble des DRAC concernent le théâtre, la musique et la danse : des experts issus du milieu professionnel mais aussi de l'enseignement et du public, sont nommés au sein de commissions validées par un arrêté préfectoral, et sont chargés de donner un avis sur l'opportunité de distribuer ou non des subsides aux projets présentés par les ensembles de musique et les compagnies de théâtre et de danse présentes sur un territoire. 134 Un véritable malaise se noue à cet endroit, puisque les compétences demandées aux inspecteursconseillers du Ministère de la Culture et de la Communication (les ICCEAAC) sont forcément liées à cette notion, placée sous le terme générique d'expertise artistique. 135 Pierre-Michel MENGER, « Le public de la musique contemporaine », in Jean-Jacques NATTIEZ, Musiques, une encyclopédie pour le XXIe siècle, Actes Sud / Cité de la musique, 2003, p. 1170. 47 Ces mécanismes correcteurs sont tout à fait visibles dans l'organisation progressive de la commande d’État. Depuis quelques années, les questionnements spécifiques à la commande d’État sont globalement peu regardés par le ministère de la Culture. Une inquiétude perce, car une véritable menace pèse sur ces fonds, scrutés à intervalles réguliers par le ministère des Finances. Plusieurs difficultés se conjuguent contre le système de la commande d’État : l'une est liée aux injonctions de Bercy, l'autre aux réglementations européennes. Depuis 2013, l'appellation d'aide à l'écriture d’œuvres musicales originales nouvelles s'est substituée au terme de commande d’État, désormais trop problématique, car il évoque, d'un point de vue juridique, l'idée d'un appel d'offre et donc immédiatement celle d'un marché public (avec obligation de mise en concurrence). Un décret est en cours de publication pour acter ce changement de forme (à l'étude à Bercy). Une question parlementaire sur la commande d’État posée en novembre 2012, a été l'occasion d'une réponse en avril 2013 136, permettant de faire le point de la situation. Fernand Vandenbogaerde, lors de notre rencontre en septembre 2013, a particulièrement insisté sur les difficultés qu'il a dû affronter régulièrement, car il semble « impossible pour le ministère des Finances de comprendre que l'on réserve de l'argent pendant quatre ans pour permettre à des auteurs d'écrire une œuvre ». L'engagement se fait trois ou quatre ans à l'avance. L'argent reste donc bloqué sur un nom de personne, et non sur une structure, et que cet argent doit être considéré comme un bénéfice non commercial, ce dont il était déjà question dans la fiche sur la commande d’État en 2005. 136 Rédigée par l'inspection et publiée au Journal Officiel le 9 avril 2013, p. 3840 : « Un projet de décret est actuellement en cours de préparation au sein des services du ministère de la culture et de la communication, afin de reconduire ce dispositif d'aides individuelles destiné à soutenir et développer l'activité créatrice des compositeurs d’œuvres musicales nouvelles originales. En effet, eu égard à sa composition et aux avis qu'elle rend, elle garantit une pluralité des appréciations et une approche de compétence irremplaçable, donnant ainsi aux décisions de l'administration les caractéristiques indispensables de transparence et d'impartialité exigées par la procédure. Associée étroitement au maintien de la politique de l'État en faveur de la création contemporaine et à la place qu'occupent, dans ce cadre, les compositeurs vivants, la commission prend une part essentielle dans la vitalité créative du secteur, dans le renouvellement des genres et des esthétiques et en cela, dans le rayonnement de l'ensemble de la vie musicale. Elle ne représente par ailleurs qu'une faible charge financière pour son organisation (6 500 €), alors que le travail qu'elle réalise, à travers l'instruction et l'examen des dossiers, allège d'autant la tâche de l'administration qui ne dispose, pour le traitement de cette politique, que d'un seul agent et d'un inspecteur de la musique à temps partiel. Au-delà du cas particulier faisant l'objet de la présente question, il convient de souligner que le Gouvernement souhaite réformer les pratiques de consultation préalable à la prise de décision et mettre un terme à l'inflation du nombre de commissions consultatives. Le comité interministériel de la modernisation de l'action publique du 18 décembre 2012 a ainsi fixé les orientations d'une nouvelle politique de la consultation. Conformément à ces orientations, chaque ministère dressera une cartographie faisant apparaître sa stratégie de consultation et examinera les possibilités de fusion ou de réorganisation des instances consultatives permettant d'en réduire le nombre et de renouveler les pratiques en privilégiant les modes de concertation ouverts ou informels. La présente réponse ne préjuge pas des décisions qui seront prises dans ce cadre ». 48 De plus, il faut toujours préciser que l’État ne commande pas d’œuvre musicale pour mettre en valeur un processus créateur porté par lui jusqu'à la production de l’œuvre sur une scène. Une récente injonction de la Commission Européenne concernant la diminution du nombre d'instances consultatives met en cause elle aussi très directement les commissions pour l'aide à l'écriture d’œuvres musicales originales nouvelles. Un dernier sujet, source de questionnements, est celui des commandes directes. Éric Tissier l'évoque dans son mémoire de maîtrise : « Depuis 1970, le ministre a coutume de passer chaque année - hors commission - quelques commandes (trois en moyenne) souvent destinées aux membres de la commission, lorsque celle-ci n’était pas renouvelée tous les ans. Cette reconnaissance particulière de l’État, bien que moins nécessaire, puisque les membres de la commission sont régulièrement renouvelés, n’en connaît pas moins une augmentation significative : 6 commandes en 1995 (total 200 000 FF), 47 commandes en 96 (1 200 000 FF), 49 commandes en 97 (1 570 000 FF). Cette catégorie […] permettrait à certains compositeurs de cumuler des commandes plusieurs années de suite [...]. Nous n’avons pas pu obtenir de renseignement nous permettant d’approfondir le rôle de cette catégorie. Aussi nous nous abstiendrons d’émettre des hypothèses sur ce qui représente malgré tout un quart du budget des commandes en 1995 et en 1996 137». Interrogé en 2014 pour savoir si, dans cette catégorie toujours en vigueur, on trouvait des opéras depuis 2001, Fernand Vandenbogarde a répondu par la négative. Le rapport Surrans s'est intéressé à ce sujet en faisant la proposition suivante : « Les demandes qui, du fait d’un caractère exceptionnel de la création projetée (originalité de la démarche, du cadre, de l’audience) ou d’une adéquation particulière aux nouvelles orientations du Ministère de la Culture et de la Communication, seront proposées pour des ''commandes du ministre'' sans que la commission ait à se prononcer 138». Rien n'a été clairement énoncé depuis lors. Mais il est certain que cette possibilité renforce les questionnements sur le flou qui semble encore entourer le système de la commande d’État, malgré toutes les évolutions constatées. La demande d'aide à la commande d’État (qui devient un complément) intervient seulement après le long travail de la construction de la production en lien avec le directeur d'un lieu producteur. Cela devrait a priori éviter la question de l'artiste officiel, même s'il l'est de fait, puisque les structures qui l'emploient sont aidées par des fonds publics. Mais la différence est forte dans les esprits entre des subsides attribués directement ou indirectement. 137 138 Éric TISSIER, Le compositeur aujourd’hui et la commande d’État, op. cit., p. 16. Alain SURRANS, op. cit., p. 51. 49 1.3/ Le Fonds pour la Création Lyrique de la SACD J'ai déjà évoqué l'aide directe des théâtres lyriques aux compositeurs, qui ont pour certains l'obligation de consacrer une part de leur budget à la création de nouveaux ouvrages. Au-delà de ces aides de la part des lieux de production, il existe aussi divers types de soutiens pour les compositeurs, donnés de façon indirecte par le ministère de la Culture : une institution comme l'IRCAM est de ceux-ci, ainsi que les six centres nationaux de création musicale (CNCM), même s'ils sont très peu à l'origine d'une création lyrique. À cela s'ajoutent des bourses comme celles de la Villa Médicis 139 et de la Casa Velázquez. Il faut citer aussi depuis 2000, des résidences de composition pour l'opéra à l'ARCAL, compagnie nationale de théâtre lyrique et musical existant depuis 1983. Des ensembles de musique contemporaine, tels que l'Ensemble Itinéraire, l'Ensemble 2e2m, l'ensemble TM+, sont parfois à l'origine de commandes d'opéras à des compositeurs. Mais le fonds d'aide le plus important dans le domaine de l'opéra est le Fonds de création lyrique (FCL), à destination des producteurs d'opéras. Il est porté par la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) et est ainsi décrit sur son site internet : « Initié par la SACD, le Fonds de création lyrique, créé en 1990, réunit quatre partenaires : le ministère de la Culture et de la Communication, l’ADAMI 140, le Fonds de création musicale et la SACD qui en assure la gestion. Sa mission est de soutenir la production d’œuvres contemporaines pour l’opéra, le théâtre musical ou la comédie musicale ». Les subventions importantes accordées par le Fonds de création lyrique permettent, chaque année, à de nombreux ouvrages d’être produits et repris dans la plupart des grands théâtres lyriques français, comme dans de plus petites structures. Le rapport Surrans se penche sur la question du FCL : « Depuis 1990, la création (ou la reprise) de plus de 200 œuvres lyriques – opéra et théâtre musical – a pu être aidée à travers ce fonds qui dispose chaque année d'une dotation d'environ 600 000 €. L'étude des dossiers est menée avec un grand sérieux, chaque projet étant examiné non seulement sous l'angle de son 139 La disparition du Prix de Rome en 1968 n'empêche pas la Villa Médicis à Rome d'accueillir des artistes en résidence (parmi eux, les compositeurs peuvent déposer un dossier). 140 ADAMI : société civile pour l'Administration des droits des artistes et musiciens interprètes. 50 intérêt artistique, mais aussi du professionnalisme de sa mise en œuvre : les conditions de rémunération des créateurs et des interprètes font l'objet d'une attention toute particulière. Des aides sélectives sont apportées à des porteurs de projets divers, favorisant l'éclosion de nouvelles formes d'opéra de chambre, de théâtre musical et d'opéras pour (et avec) les enfants. Ces aides ont indéniablement contribué à la professionnalisation de ce secteur de production 141». Certains éléments ne correspondent plus à la réalité de 2014 : par exemple, le montant du fonds, revu chaque année, montre que la moyenne de 600 000 € n'est plus à l'ordre du jour (il ne l'était pas non plus en 2001, puisque la moitié de cette somme était disponible), mais peu d'évolutions notoires ont marqué le fonctionnement de ce fonds. Parmi les évolutions en matière de critères de sélections, on peut néanmoins indiquer que longtemps les livrets en langue étrangère étaient exclus automatiquement. Ce n'est plus le cas. Les aides concernent les œuvres dont les compositeurs sont inscrits à la SACD. La commission divise son travail entre un guichet A (composé de théâtres et de festivals qui ont, jusqu'à une date récente, adhéré au « contrat orange ») et un guichet B (tous les autres, y compris un guichet B junior, pour le soutien aux jeunes compositeurs). Le guichet A est généralement mieux doté que le guichet B. Parmi les chiffres donnés par Agnès Princet, responsable du FCL à la SACD depuis sa création et rencontrée le 15 septembre 2013, on a pu passer en 2001 d'une dotation globale de 397 892 € (dont 213 430 € guichet A), à des années fastes comme 2002 (634 444 €, dont 362 040 € au guichet A et 272 404 € au guichet B), 2003 (659 100 €, dont 463 000 € au guichet A et 196 100 € au guichet B) ou 2006 (697 156 €, dont 446 656 € guichet A / 240 500 € guichet B). En 2008, seuls 90 000 € sont dédiés au guichet A. Cette année difficile a été suivie d'une remontée dès 2009. La composition de la commission est toujours la même 142 : deux représentants du ministère de la Culture, deux représentants de l'ADAMI, un représentant de la SACD (pour le FCL), et deux compositeurs (sociétaires à la SACD). La présence de l'ADAMI dans la commission implique une attention soutenue concernant la présence de musiciens professionnels dans les spectacles : il faut qu'il y ait au moins trois chanteurs lyriques professionnels dans les opéras examinés pour une attribution au guichet A, tandis que deux chanteurs au minimum sont attendus pour les attributions au guichet B. Aucun critère spécifiquement esthétique n'est avancé, mais la participation d'un inspecteur de la DGCA aux commissions du FCL permet un point de vue de la qualité artistique (en plus des deux compositeurs membres). Les sociétaires 141 142 Rapport Surrans, op. cit., p. 42. Exemple de composition de la commission du 27 juin 2007 : Présidée par Philippe Hersant, la commission était composée de : Catherine Forest et Jean-Marie Gouëlou (pour le Ministère de la culture), Françoise Petro et Sonia Nigoghossian (pour l’Adami), François Chesnais (pour le Fonds de la Création Musicale - SACD), Bernard Cavanna et Philippe Hersant (pour la SACD). 51 de la SACD, présents à la commission, comptabilisent davantage de voix que les autres. Et contrairement aux changements annuels des membres de la commission de la commande d’État, pour le FCL, ce sont toujours les mêmes personnalités qui y siègent : Philippe Hersant, Bernard Cavanna, Dominique Probst et Louis Dunoyer de Segonzac, qui sont renouvelées automatiquement par auto-nomination interne. Pour les théâtres appartenant au guichet A, et qui sont généralement des opéras nationaux ou les opéras les plus importants implantés en région, il y a peu de débats. Le dossier constitué est assez simple. Il n'est pas demandé de document musical, ni d'enregistrement au compositeur. L'automatisme de l'attribution vient de l'appartenance des théâtres du guichet A (représentant 70 % des dotations au total) au traité orange. Il est ainsi décrit dans le rapport Surrans : « Mais l'évolution la plus spectaculaire a pu être remarquée du côté des maisons d'opéra permanentes qui, payant à la SACD les droits inhérents au domaine public lyrique, bénéficient d'aides automatiques : un montant de 60 000 € par projet, auquel peuvent venir s'ajouter jusqu'à 47 000 € d'aide supplémentaire. Cette automaticité a eu un puissant effet incitateur. Rares sont les maisons d'opéra qui n'ont pas, dans les dernières années, émargé au Fonds de Création Lyrique 143». Le traité orange a été récemment remplacé par un nouveau contrat avec les théâtres lyriques : plusieurs relances concernant les évolutions récentes de ce contrat n'ont jamais eu de réponse de la part de la personne en charge de ce dossier à la SACD. Ce changement devrait, selon Agnès Princet, qui ne le suit pas directement, permettre aux théâtres s'étant retirés du système d'y souscrire à nouveau. Une véritable évolution a donc eu lieu par rapport à ce qu'indique Alain Surrans en 2004 : « Les maisons d'opéra, de leur côté, acceptent parfois d'apporter au compositeur un complément, lui aussi puisé dans leurs fonds propres, à la commande d’État – ceux qui ne le font pas risquent de voir accueilli moins favorablement par le Fonds de création lyrique le dossier qu'ils lui présenteront pour obtenir un soutien à la création ». Parmi les nombreuses œuvres soutenues à la création (et à la reprise) lors des deux commissions annuelles, sur les dix-huit œuvres recensées dans l'aide à commande d’État pour la période de 2001 à 2013, seules dix (représentant neuf titres différents) ont reçu aussi l'aide à la création et / ou à la reprise du FCL. Un système géré entièrement sur la base des recettes des théâtres appartenant au guichet A et ayant contracté le « traité orange » (ou ce qui l'a remplacé) pose question dans la redistribution des aides. Étant donné les différences de montants d'une année à l'autre, le nombre de structures aidées est très variable. On compte dix-sept structures aidées en 2007 ; 143 Rapport Surrans, op. cit., p. 42. 52 vingt-quatre en 2008 et en 2009 ; douze en 2010 ; vingt en 2011 (dont dix sont un report de décembre 2010) et vingt-trois en 2012. Les conditions d'attribution de l'aide du FCL aux institutions qui en font la demande sont bien différentes de celles de la commande d’État, dont elles peuvent compléter les effets. Malgré tout, on constate (voir l'annexe VIII du présent mémoire) que le nombre d'opéras concernés par la commande d’État et par le FCL (ils sont indiqués en gras dans la liste du FCL) est en nombre extrêmement réduit par rapport au nombre d’œuvres total aidé par le FCL, tant sur la création que sur la reprise. Les théâtres, qui sont souvent les premiers à pousser les compositeurs à déposer un dossier auprès de la DGCA pour obtenir une aide à la commande d’État dans le domaine lyrique (on l'a dit pour une somme maximale de 38 500 €), ont plus intérêt financièrement à obtenir une aide de la SACD, qui peut aller jusqu'à 100 000 € pour une création, bien que toutes ces aides soient cumulables, comme je l'ai déjà indiqué. Un examen des titres des œuvres soutenues par le FCL montre que, contrairement à ce qui se passe pour la commande d’État, le soutien s'applique aussi à des productions commerciales, des opérettes et du théâtre musical (ou ce qu'on pourrait plutôt appeler de la musique de scène améliorée). Il s'agit donc d'une ouverture très large du spectre de l'identité du spectacle scénique identifié comme lyrique. 53 Conclusion de la première partie La procédure des commandes musicales constitue pour l’État l’un des moyens de soutenir la création et surtout d’apporter une aide directe aux compositeurs. Elle a pour effet de susciter des œuvres nouvelles, d’améliorer les conditions de travail du compositeur et de favoriser la rencontre entre les différents acteurs de la création musicale. Elle conduit également à apporter aux compositeurs une reconnaissance de leur métier et de leur travail et soutient par là l’effort accompli par les structures de création, de production et de diffusion. L'action de l’État directement en faveur de la création musicale a toujours suscité des oppositions non exemptes de réalisme de la part de l'ensemble des professionnels impliqués dans la chaîne de la création musicale, mais son absence traduirait semble-t-il un réel malaise. La commande d’État pour l'art lyrique n'apparaît pas fondamentale d'un point de vue financier pour les compositeurs qui ont la possibilité d'être contractualisés dès l'origine d'un projet par les lieux qui produisent leur opéra. Certains théâtres sont bien entendu plus à même de participer à ces financements, mais il y a pour les lieux qui travaillent pour le développement de la création lyrique un sentiment d'obligation en terme de reconnaissance de la part de la commission de la commande d’État. On a assisté pendant toute la première décennie du XXIe siècle à une baisse constante de la demande pour des ensembles de grande dimension et de demandes pour la commande d’État en matière lyrique, ce qui conduit à penser que finalement, même la reconnaissance étatique sur la création d'opéra ne représente pas symboliquement un intérêt pour les compositeurs et pour les maisons. En examinant les opéras aidés, dans la deuxième partie, je tenterai de dégager les grandes lignes de production et d'esthétiques, qui semblent prédominer dans cette première décennie du XXIe siècle. 54 55 2/ Les œuvres soutenues par la commande d’État de 2001 à 2013 La question esthétique, bien qu'essentielle, n'est que depuis très récemment abordée dans les études concernant le fonctionnement des institutions culturelles. Considérer la totalité du parcours d'une production nécessite pour cette deuxième partie un premier chapitre sur l'examen du terreau de la créativité lyrique dans sa globalité au début du XXIe siècle. Ensuite, je m'attacherai à étudier certains des opéras aidés par la commande d’État et créés entre 2001 et 2013 et à en faire une analyse comparative, à partir des fiches réalisées sur chacune d'elles (en annexe V du présent mémoire), tout en les incluant dans une réflexion plus globale. 56 2.1/ L'état de la question sur l'esthétique de la création lyrique au début du XXIe siècle Bien que ce texte date de 1958, Theodor W. Adorno, dans l’introduction de sa Philosophie de la nouvelle musique, dénonce les problématiques de nos sociétés, envahies par la consommation de masse : « Puisque l'industrie culturelle a dressé ses victimes à éviter tout effort pendant les heures de loisir qui leur sont octroyées pour la consommation des biens spirituels, les gens s'accrochent avec un entêtement accru à l'apparence qui les sépare de l'essence 144». Il pourfend l'idée selon laquelle la musique contemporaine serait intellectuelle et s'indigne que l'homme rejette la véritable conscience (concept hégélien). Il affirme malgré tout l'impossibilité pour la « nouvelle musique » de sortir de la culpabilité générée par la deuxième guerre mondiale. Depuis lors, le public s'est en effet majoritairement détourné de la musique savante de son époque. Pierre-Michel Menger 145, qui a étudié le phénomène en 1983, indique quant à lui qu'une véritable coupure est apparue entre les créateurs désireux de « s'affranchir de la tradition tonale », avec une grande partie de la population : les musiciens exécutants, les amateurs, les compositeurs de « musique non sérieuse » et pour finir avec le marché. Il met en exergue les polémiques qui ont régulièrement troublé la musique contemporaine 146. Seulement, comme je l'indiquais en introduction, les choses sont différentes avec l'opéra, qui 144 Theodor W. ADORNO, Philosophie de la nouvelle musique, Paris, Gallimard, 1962 ; traduit de Philosophie der neuen Musik, Köln & Frankfurt am Main, 1958, p. 20. 145 Pierre-Michel MENGER, Le paradoxe du musicien, op. cit. 146 Je ne m'attarderai pas au-delà de cette note sur la problématique née au Collège de France, alors que Karol Beffa y était chargé de cours pour l'année 2011/2012, et qui a soulevé un vent de protestation en décembre 2012. Il a invité Jérôme Ducros à s'exprimer et ce dernier, dans sa présentation, a pourfendu toutes les révolutions musicales du XXe siècle. Ce qui est assez amusant, c'est qu'il a surtout parlé à la gloire de Karol Beffa. Une telle attitude tente pour le moins maladroitement de ranimer de vieux démons : il est d'ailleurs intéressant de constater que les réactions les plus fortes sont venues de compositeurs qui utilisent la tonalité dans leurs compositions (Dusapin, Manoury). Mais de fait, on assiste plutôt là à un débordement de personnes se sentant victimes, face à des clans tout-puissants. La question n'est donc pas exclusivement musicale mais politique. 57 n'était pas parmi les genres prisés par l'avant-garde. Aussi, développer un paragraphe sur le genre paraît fondamental. En effet, personne ne réussit à définir clairement ce que l'on appelle l'opéra. La définition essentiellement historique de Pierre Saby dans son ouvrage Le vocabulaire de l'opéra 147 ne donne qu'une partie des éléments. Récemment encore, Aude Ameille, dans sa thèse en 2011, a dédié un chapitre entier à la définition de l'opéra, et choisit d'axer naturellement sa définition sur les livrets : « Œuvre qui mêle musique, texte et scène, qui ne vise pas seulement au divertissement, dans laquelle la musique joue un rôle important et où le livret est dramatique, fait sens et possède une certaine narrativité 148». Il est intéressant de constater qu'elle évacue entièrement le concept de la voix chantée, qu'elle soit naturelle ou travaillée, et surtout qu'elle ne prend pas du tout en compte les actuelles contaminations de l'opéra par le théâtre musical. La majeure partie de sa réflexion est une construction de la définition en opposition au théâtre musical 149, rapport refusé avec raison à mon sens par Nicolas Darbon, dans son texte intitulé Pour une approche systémique de l'opéra contemporain 150, qui réfute une telle division qu'il estime trop classique. Le même Nicolas Darbon, dans son article intitulé « L’opéra postmoderne la quête de l’Unitas multiplex 151», en 2001, va plus loin dès l'introduction en décrivant la situation suivante : « Il semblerait qu’en premier lieu, à côté du modèle traditionnel, ce qui doive être pris en considération, c’est la diversité des formes lyriques : théâtre musical, opéra pour enfant, spectacle multimédia, etc. De plus, l’opéra est confronté à la tendance postmoderne du mélange des genres en raison de la multiplicité des lieux qui « font du lyrique », des publics visés, des compagnies concernées et des interférences entre formes, techniques, esthétiques, styles (savant et populaire), etc. ». Mais comment ces évolutions se manifestent-elles ? Dans l'introduction au premier volume de son encyclopédie, Jean-Jacques Nattiez concentre en quelques pages les diverses tendances créatrices du XXe siècle, en insistant sur ce fait : « Il est évident que les moments d’invention, de révolution ou de rupture, si caractéristiques du 147 148 Pierre SABY, Vocabulaire de l'opéra, Paris, Minerve, 1999, p. 138 - 140. Aude AMEILLE, Aventures et nouvelles aventures de l'opéra depuis la Seconde Guerre mondiale : pour une poétique du livret, op. cit., p. 34 ; elle cite aussi quelques définitions, dont celle du Guide de l'opéra : « De façon générique, groupe les divers types d’expression unissant le théâtre à la musique, comportant un texte en partie ou totalement chanté, faisant appel à des instrumentistes, des chanteurs, parfois des danseurs, des acteurs, etc. Il peut se diviser en de très nombreuses catégories correspondant à une vocation particulière de l’œuvre (opera seria, Grand opéra, opera buffa, Singspiel, tragédie lyrique, drame musical, etc) », in Harold ROSENTHAL / John WARRACK, (dir), Guide de l’opéra, édition française réalisée par Roland MANCINI et Jean-Jacques ROUVEROUX, Paris, Fayard, 1995, 596 p. 149 Jean-Yves BOSSEUR s'est essayé à une définition du théâtre musical dans son Vocabulaire de la musique contemporaine . Il y décrit en fait avant tout le moyen pour cette nouvelle forme de se distinguer de l'opéra. Pour lui aussi donc, et à travers toutes les citations employées, le théâtre musical se construit en opposition plus qu'en proposition. 150 Nicolas DARBON, Pour une approche systémique de l'opéra contemporain, Paris, OMF, 2001. 151 In Labyrinthe, octobre 2001, Thèmes (n° 10), mis en ligne le 04 avril 2006, consulté le 22 mars 2014. URL : http://labyrinthe.revues.org/1198. 58 XXe siècle, voisinent ou alternent avec des phases de prolongation ou de retour à des styles du passé, avec des périodes d’attention renouvelée aux capacités perceptives des auditeurs 152». L'ouvrage de Hervé Lacombe sur la Géographie de l'opéra au XXe siècle parle de l'opéra au début du siècle comme d'un genre confronté à trois sortes de « défis », celui de l'aprèsWagner, le défi socio-politique, et le défi de la représentation, en opposition au XIX e siècle, « dans le renversement vertigineux d'une croyance absolue en la représentation lyrique en un doute systématique porté sur toutes ses composantes, ses présupposés et ses implications, son rôle et son but, sa place dans la société, sa raison d'être esthétique autant qu'éthique, sa signification politique ou idéologique 153». Une des raisons est certainement le mouvement de balancier continu auquel est confronté généralement l'opéra (alternativement positivement populaire ou taxé d'esthétique passéiste destinée aux seuls bourgeois), qui fait que le balancier est pour le moment du côté le plus ouvert du mouvement, l'opéra est aussi devenu le lieu où les coûts de production, même si revus depuis quelques temps à la baisse et dans un constant regard sur la dépense publique, n'en reste pas moins le lieu où l'on peut produire et faire des créations visibles dans la presse. Jean-Jacques Nattiez, en 2003, s'interroge sur la contenu de la musique post-moderne, courant dont la plupart des compositeurs sont héritiers, qu'ils le revendiquent ou pas : « Le post-moderne [...] n'a plus confiance en l'avenir. Il crée pour l'auditeur d'aujourd'hui, attentif à ce qu'il pense être les stratégies perceptives des auditeurs. Le post-moderne privilégie la recherche du plaisir. Il ne craint pas l'impureté du mélange des styles du passé et à multiplier les citations. Il tend à penser que les styles de toutes les époques et de toutes les cultures s’équivalent, à partir du moment où les créations musicales rencontrent le goût des auditeurs. En conséquence, il n'existe plus a priori aucune barrière ni censure qui interdise d'avoir recours à tel ou tel style, à telle ou telle écriture 154». Jean-Yves Bosseur s'interroge quant à lui dans les mêmes années sur la lenteur des évolutions esthétiques 155: « Depuis une dizaine d'années, le paysage de la musique contemporaine ne semble évoluer que très sensiblement [...] ; moins de radicalisme dans les idées, de confiance en l'instauration d'un système de pensée susceptible de faire école [...]. Dans certains cas, on constatera toutefois une tentative de fusion des idées, de syncrétisme, rendue possible par une attitude plus souple vis-à-vis d'options théoriques qui avaient provoqué tant d'affrontements au cours des dernières décennies. Tout se passe aujourd'hui comme s'il convenait avant tout de prendre une distance critique par rapport à des attitudes ressenties comme extrémistes afin de tirer parti de leurs enseignements tout en en relativisant les effets 156». Jean-Jacques NATTIEZ, « Comment raconter le XXe siècle – Présentation du premier volume », in Musiques, une encyclopédie pour le XXIe siècle, Volume 1 : Musiques du XXe siècle, Actes Sud / Cité de la musique, 2003, p. 39 – 67, ici p. 41 - 42. 153 Hervé LACOMBE, Géographie de l'opéra au XXe siècle, Paris, Fayard, coll. Les chemins de la musique, 2007, p. 31. 154 Jean-Jacques NATTIEZ, op. cit., p. 47. 155 Jean-Yves BOSSEUR, « Quelles musiques contemporaines ? », Revue des Deux Mondes, « À quoi sert la musique contemporaine ? », janvier 2001, p. 9-21. 156 Ibid., p. 10-11. 152 59 De nombreux articles posent la question des définitions. En voici une, qui aborde la question de la dramaturgie, citée par Éric Denut, et tirée d'un article du Frankfurter Allgemeine Zeitung du 16 mars 1998 : « Un théâtre en musique ne se compose pas seulement d'un récit dramatisé et vocalisé, ainsi que d'une musique instrumentale, mais aussi d'une articulation de l'espace et de processus temporels. [...] Les expériences actuelles d'un « nouveau » théâtre en musique témoignent d'une nouvelle radicalité, qui peut conduire à des opéras sans ''dramatis persons'', écrits simplement pour orchestre et scénographie 157». L'opéra, considéré comme un art bourgeois pour le bourgeois était, je l'ai dit, le combat porté par le théâtre musical 158. L'opposition politique n'a duré qu'un temps, et les inventions issues de ces recherches souvent passionnantes, ont finalement contaminé l'opéra, tout comme la grande forme lyrique a eu des effets tentateurs sur les tenants de l'éclatement de la structure et de la dramaturgie. Dans son analyse sur le théâtre musical dès la fin des années 1980, Michel Rostain 159 avait anticipé cela en parlant d’un « conglomérat parfaitement hétéroclite de styles d’écritures musicales très différentes les unes des autres, un agrégat d’idéologies dramaturgiques, d’esthétiques et mise en scène ». Tandis que l'article L'opéra est mort ! Vive l'opéra ! Modernité d'un genre traditionnel, d'Aude Ameille 160 met en exergue la vitalité très forte du genre opératique qu'on donnait pour mort lors des heures de plus grande gloire du théâtre musical, dans les années 1970. En effet, dès cette époque, les indications de ce genre nouveau sont de casser les divisions entre public et spectacle (notamment le rapport frontal entre le public et la scène), ce qui signifiait aussi l'organisation de spectacles « hors des lieux qui ne sont pas dévolus à l'origine à l'art lyrique 161» et donc logiquement son expansion vers de nouveaux publics à conquérir. Autre indication, concernant cette fois la forme, la musique seule devient l'objet de la mise en scène, en opposition à la dramaturgie traditionnelle. Mais surtout, une plus grande place est faite à l'improvisation. Le théâtre musical entre dans le cadre d'un positionnement politique particulier des années 1970, où il était indispensable de réinventer le monde, notamment face à la forme bourgeoise représentée par l'opéra (dénoncée aussi par Adorno). Mais dès le milieu des années 1980, Danielle Cohen-Levinas constate une « perte réelle de vitesse » pour ce 157 Citée par Éric DENUT dans « Orphée ressuscité? Un panorama de l’opéra contemporain en Europe », Circuit : musiques contemporaines, vol. 12, n° 2, 2002, p. 9-20, ici p. 11. 158 L'un des compositeurs les plus investis dans ce domaine, Georges Aperghis, indique que « le théâtre musical équivaudrait pour (lui) à l'envahissement du temple théâtral par le pouvoir abstrait du pouvoir musical », Le corps musical, Arles, Actes sud, 1990, p. 61-62. 159 Michel ROSTAIN, « À bas le théâtre musical », in Danièle PISTONE (dir.), Le théâtre lyrique français : 1945-1985, Paris, Honoré Champion, 1987, p. 172. 160 In Corporatismes n°1, Université Paris Sorbonne, février 2010. 161 Jean-Yves BOSSEUR, op. cit.., p. 227. 60 genre […] au profit très net de l'opéra 162». C'est sans doute aussi la focalisation des moyens à destination des metteurs en scène, qui a de nouveau attiré l'attention des publics et des compositeurs en faveur de cette forme d'art. C'est en citant une interview faite de Bruno Mantovani, à l'occasion de la création de L'autre côté, à Strasbourg en 2007, qu'Aude Ameille l'entend dire à propos de la grande forme lyrique : « la volonté d’œuvre totale est forcément très attirante pour un compositeur d'aujourd'hui 163». La première décennie du XXIe siècle n'est donc pas représentative de ce que fut le théâtre musical. Malgré tout, j'ai pu constater que le nombre de projets indiqués sous le genre de théâtre musical et présentés à la commission de commande d’État, reste important et reçoit souvent un soutien (confer l'annexe IV du présent mémoire). Certaines œuvres comme très récemment Thanks to my eyes d'Oscar Bianchi, ou Les Boulingrin de Georges Aperghis, pourraient tout aussi bien entrer dans la catégorie opéra. Cela interroge bien entendu, comme pour l'opéra, sur la définition de ce genre récent 164 et sur la manière dont les compositeurs eux-mêmes qualifient leurs œuvres. Ainsi, il est sans doute nécessaire d'admettre que le genre opéra n'est pas définissable et qu'il ne s'agit pas de le limiter dans une tradition ou une esthétique plutôt que dans une autre. La création musicale tend actuellement à rompre les digues, à ouvrir les champs, et n'est plus tout à fait ce qui fut intitulé « post-modernisme , dont il était question plus haut : en effet, il est fréquent dorénavant de lui substituer le terme « hybride 165». Cette ultime notion, contrairement au post-modernisme qui s'est construit sur les ruines d'un passé récent et traumatisant, permet un positionnement bien plus optimiste, en ce qu'il est représentatif de l'essence même de la musique depuis des siècles : en effet, « depuis fort longtemps, les compositeurs ont travaillé avec des éléments sonores hétérogènes 166». Et le XXe siècle a permis des ouvertures encore plus franches vers des expériences neuves : 162 Ibid., p. 228, in Le théâtre lyrique français 1945 – 1985, textes réunis et présentés par Danièle Pistone, Paris, Champion, 1987, p. 155. 163 Aude AMEILLE, Aventures et nouvelles aventures de l'opéra depuis la Seconde Guerre mondiale : pour une poétique du livret, op. cit., p. 231. 164 C'est dans son ouvrage Vocabulaire de l'opéra, op. cit., que Pierre SABY donne en 1999 la définition la plus détaillée de ce genre lui aussi complexe et varié, p. 211 – 215, tandis que dans son ouvrage Vocabulaire de la musique contemporaine, op. cit., Jean-Yves BOSSEUR, en 2013, met en garde contre les effets négatifs d'une qualification en théâtre musical de certaines œuvres : « En affichant une dénomination apparemment neuve, encore faudrait-il faire correspondre des œuvres qui ne soient ni des musiques de scène gonflées, ni des mini-opéras inavoués », p. 188. 165 Ariane COUTURE, « Réflexion sur la notion d'hybride dans Express de Jean Piché », in Sophie STÉVANCE (sous la direction de), Composer au XXIe siècle : pratiques, philosophies, langages et analyses, Paris Vrin, 2010, p. 137-152. 166 Ibid., p. 144. 61 « L'objet hybride en musique peut être considéré selon trois axes [...] : 1) la juxtaposition des éléments constitutifs, 2) la perméabilité des modes d'expression, et 3) la plurivocité qui se caractérise par l'élargissement du matériau formel afin d'exprimer des expériences culturelles et idéologiques hétérogènes 167». L'entrée dans le XXIe siècle s'annonce de fait largement plus ouverte, dans une sorte de modestie des discours et des œuvres expérimentales (il n'est qu'à citer l'exemple de Simon Steen-Andersen, en résidence à l'ensemble 2e2m, qui inscrit son travail de compositeur dans ce qu'il appelle lui-même « une musique visuelle 168»). C’est ce qui apparaît dans l’article de Pierre-Albert Castanet 169, c'est l'arrivée en force des contaminations, qui mettent en agitation certains compositeurs. Il cite en particulier Thierry Escaich 170, dont le souhait est qu'une réflexion globale sur le concept de modernité soit posée, pour repositionner une création qui « lorsqu’elle devient une ''posture'' à laquelle on se raccroche, artificiellement, pour se valoriser, ou un ''processus'' qui nous échappe, et sans autre finalité que lui-même, risque fort de servir à masquer un certain vide ». Il s'agit sans doute d'une crainte correspondant à l'évolution de celles exprimées par Adorno en en-tête de ce chapitre. Et l'on constate bien souvent que les expériences du théâtre musical ont tendance à glisser vers des visions utilitaristes de la musique de scène, sans la moindre originalité, tout au moins d'un point de vue musical. Globalement, nous sommes à un moment de réelle reprise en compte de l'opéra comme forme intéressante : elle s'inspire de tous les éléments de recherche et de toutes les tentatives des années de l'après-guerre, y compris celles issues du théâtre musical, dont les compositeurs les plus fervents comme Georges Aperghis, cherchent une nouvelle voie. Les compositeurs des années d'or de l'expérimentation, où l'on pouvait passer des mois sur une problématique, un accord, une phrase, cherchent à se rapprocher des maisons d'opéra aussi selon le principe de réalité de l'argent (au-delà de l'esthétique). Le vieil opéra a donc une nouvelle fois réussi une mue qui fait de lui un genre pour le moment incontournable. Mais il est intéressant de constater aussi que l'institution de l'opéra a toujours eu tendance à absorber et à digérer à sa manière, voire en les détournant, les éléments issus des réflexions extérieures à son champ. Ainsi que le définit Philippe Albèra en parlant du Zeitoper : 167 168 Ibid. Rasmus HOLBOE, « Avez-vous vu la musique ? », in Simon Steen-Andersen, Musique transitive, A la ligne, Collection éditée par l'Ensemble 2e2m, janvier 2014, p. 9 - 26. 169 Pierre-Albert CASTANET, « Regards sur la première décennie du XXIe siècle : pour une ''sonodoulie'' complexe aux allures décomplexées », in Sophie STÉVANCE (sous la direction de), Composer au XXIe siècle : pratiques, philosophies, langages et analyses, Paris Vrin, 2010, p. 13-25. 170 Thierry ESCAICH, « Quelques réflexions sur le paysage musical actuel », Nunc, novembre 2007, n°14, p. 60. 62 « L'opéra de quat' sous et Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, régulièrement représentés dans les grandes maisons d'opéra, à l'exclusion des autres œuvres de Weill, ont été absorbées par l'institution qui a détourné leur signification profonde. Plus généralement, la forme critique du Zeitoper n'a pas résisté à la puissance du modèle qu'elle repoussait 171 ». Cela semble correspondre à une tendance générale. Giordano Ferrari, dans un article intitulé « La recherche sur l’opéra contemporain 172», fait le constat généralement partagé de la difficulté à appréhender dans leur globalité toutes les nouveautés et les diversités de l'opéra contemporain, ce qui nécessite selon lui une appellation autre. Il s'appuie sur le terme de « dramaturgie musicale », « où le mot ''dramaturgie'' implique l'idée d'une construction dramatique ou tout simplement théâtrale, et ''musicale'' celle d'un rôle incontournable attribué à la musique dans la construction de l’œuvre ». Cela me semble limiter les apports au genre par l'absence de toute dramaturgie au sens classique du terme. Les débats sur le classement d'une œuvre dans un genre ou un autre sont le fondement de la créativité du XX e siècle, et par conséquent du début du XXIe siècle, qui en est encore totalement imprégné, mais qui tend à devenir dépassé. Selon Philippe Albèra 173, la question majeure se situe dans la manière dont est utilisé le texte : soit un texte servant une dramaturgie, soit un texte non dramaturgique. Dans le magazine mensuel Diapason de février 2009, Emmanuel Reibel s'essaie à des définitions des esthétiques dans son article « L’opéra est mort, vive l’opéra ! » (titre accrocheur, utilisé par Aude Ameille en 2010), correspondant à l'évolution constatée ces dernières années. Il s'attache à définir les diverses esthétiques : postrépétitive, postsérielle, postspectrale et post-moderne 174. Il y a dans cette tentative (sans doute pas unique) le besoin 171 Philippe ALBÈRA, « L'opéra », in Jean-Jacques NATTIEZ (sous la direction de), Musiques, une encyclopédie pour le XXIe siècle, Volume I, Musiques du XXe siècle, Actes Sud, Cité de la musique, 2003, p. 396. 172 Fabula / Les colloques, Littérature et musique, URL : http://www.fabula.org/colloques/document1243.php, Page consultée le 03 août 2013. 173 Philippe ALBÈRA, « L'opéra », op. cit., p. 377-440. 174 « Postrépétitive : essentiellement illustrée par les américains : de Nixon in China à Doctor Atomic, John Adams a fondu les structures répétitives héritées de Steve Reich dans une esthétique néo-romantique rétablissant de l’événementiel au sein des formes-processus de ses devanciers. Il y a là une façon subtile de jouer de l’opposition entre statique et dynamique – un des ressorts de la dramaturgie d’opéra – qui ne compense pas toujours la faiblesse du geste théâtral : alliées à un langage tonal, les structures répétitives peuvent générer beaucoup de monotonie dans la fosse. Corollaire : c’est une vocalité généralement néolyrique qui domine. Postsérielle : on travaille à partir d’un matériau identifiable et prédéfini – réservoir harmonique (Michèle Reverdy), motifs organique générateurs (York Höller, Thomas Adès), pédales et strates rythmiques (Mantovani), systèmes de tressages (Dusapin), etc. – exploités selon les cas avec systématisme ou avec souplesse. Ces constructeurs tirent de leur matériau les systèmes d’opposition et de développement propres au genre et inventent une dramaturgie musicale apte à répondre au défi de chaque opéra dans sa singularité. La densité du propos (parfois jusqu’à saturation) corrobore sa richesse, mais il arrive que la fosse prenne le pas sur les chanteurs – les lignes de chant étant souvent déduites du matériau instrumental. On trouve en général un débit vocal s’approchant de la langue parlée, avec mille nuances : de nombreux modes de diction sont exploitées, parmi lesquelles le lyrisme n’est qu’un possible parmi d’autres. Corollaire : les aficionados de bel canto peuvent se sentir frustrés. 63 de classifier, de comprendre, d'analyser, qui ouvre deux voies : celle de rendre accessible (malgré un vocabulaire nécessitant une connaissance préalable) une matière dont le grand public tarde à s'emparer, et celle bien entendu de rendre lisible à tous, et en particulier aux analystes de la période actuelle, les esthétiques en présence. En amont de cette division extrêmement contemporaine (qui pourrait tout à fait être remise en cause par des courants opposés), il s'avère nécessaire de voir comment les compositeurs se sont positionnés, durant le XXe siècle. C'est Hervé Lacombe qui propose les trois tendances qui ont globalement marqué l'opéra au XXe siècle : la tendance conservatrice, la tendance moderniste et la tendance cumulative 175. Pour lui, « le plus souvent, ces trois tendances se combinent 176», Wozzeck représentant le parfait modèle pour cela. Il sera tout à fait utile de se référer à son analyse pour évaluer le discours opératique actuel à travers les œuvres au corpus. Bien entendu, les œuvres aidées par la commande d’État sont une partie seulement de ce qui existe. Mais il est extrêmement intéressant de situer ainsi ces œuvres dans le temps non fini auquel elles appartiennent, en les combinant à l'approche systémique définie par Nicolas Darbon, et au sein de la sémiologie développée par Jean-Jacques Nattiez. Une telle vision permettra de dégager si la commission de la commande d’État, comme tente de le mettre en place le ministère de la Culture depuis quelques décennies, réussit à rejoindre par ses choix un champ esthétique ouvert ou pas. Postspectrale : travaillant sur les qualités acoustiques du son plus que sur la dynamique de la forme, la musique spectacle des années 1970 semblait a priori aussi peu compatible avec le genre de l’opéra que le minimalisme américain : les compositeurs actuels marqués de près ou de loin par ce courant (Saariaho, Haas, Eötvös, entre autres) durent marier techniques spectrales et préoccupations dramaturgiques. Si les instruments sont invités à travailler sur des micro-variations de structures sonores (Sciarrino, Da gelo a gelo), les dispositifs électroacoustiques sont souvent de la partie, pour diffuser subtilement le son dans l’espace, modifier légèrement les voix en temps réel, etc Le raffinement de la texture, la coloration de l’instrumentation favorisent l’onirisme (Saariaho, L’amour de loin) ; il en résulte souvent un équilibre fosseplateau et une plastique d’ensemble appelant les mises en scène esthétisées. Corollaire : une distanciation parfois gênante par rapport aux sujets, un statisme rémanent, de longues plages harmoniques favorisant le registre contemplatif plus que le registre dramatique. Postmoderne : certains trouvent dans l’éclectisme stylistique les principaux ressorts dramaturgiques et les contrastes réclamés par le genre lyrique : ils naviguent librement dans l’héritage musical, selon une posture propre à l’écoute et à la mémoire globalisantes de notre époque. La pratique de la citation est une technique privilégiée, dramatiquement efficace pour caractériser les personnages, camper les espaces et les situations (Faust de Fénelon) ; elle se double d’un souci d’intégration de toutes les musiques, des grands styles du passé aux musiques du monde en passant par le rock et la pop (Schnittke, Tan Dun, Glass). Si la variété est parfois bien intégrée (Le conte d’hiver de Boesmans), des mondes peuvent se rencontrer aussi de façon a priori improbable (Welcome to the voice, créé cet automne au théâtre du Châtelet, rapproche du monde lyrique une légende du rock, Sting). […] éphémères produits de consommation, ou des œuvres interrogeant la réalité de notre société multiculturelle ? ». 175 Hervé LACOMBE, Géographie de l'opéra au XXe siècle, op. cit., p. 65 – 81. 176 Ibid., p. 65. 64 65 2.2/ L'examen des opéras du corpus et analyse comparative 2.2.1/ Première rencontre avec les œuvres Pour la période 2001 / 2013, le nombre global des créations lyriques et des œuvres de théâtre musical aidées par la commande d’État, se monte à soixante-quinze titres : qui comprend dixhuit opéras et cinquante-sept pièces de théâtre musical 177. Dans la liste des refusés au titre de l'opéra 178, j'ai indiqué les proportions de compositeurs n'ayant pas reçu d'aide. Parmi les aidés, j'ai placé les œuvres de théâtre musical qui ont semblé le plus se rapprocher du genre opératique, après analyse avec Fernand Vandenbogaerde. Certains compositeurs passent d'une catégorie à l'autre selon les années : aidés depuis 2001 pour une commande d'opéra, ils ont souvent reçu commande une autre année (il n'y a pas de cumul possible des commandes ni de possibilité de demande deux années consécutives) dans la catégorie du théâtre musical, notamment Georges Aperghis, Graciane Finzi, Michaël Levinas, Martin Matalon, Marc Monnet et Oscar Strasnoy. Sur dix-neuf œuvres lyriques ''commandées'' entre 2001 et 2013, une seule n'a pas vu le jour. Il serait intéressant de savoir jusqu'où Martin Matalon est arrivé dans sa conception, en prenant en considération son parcours, quelles œuvres il a créées avant et après, le pourquoi de sa volonté de travailler sur un texte aussi particulier que la pièce de Roland Dubillard Il ne faut pas boire son prochain, cette « fantaisie monstrueuse en quatre tableaux, sur une idée d'André Voisin » de 1946, perdue, puis retrouvée à la fin du XX e siècle, la part de responsabilité des uns et des autres dans ce désengagement, le fait que l’œuvre aurait dû être interprétée par l'orchestre Les Siècles (dirigé par François-Xavier Roth) avec lequel le compositeur travaille régulièrement, et enfin dans quelle mesure son abandon a été douloureux pour le compositeur. Le fait qu'une œuvre puisse ne pas voir le jour est la 177 178 Voir l'annexe IV de ce mémoire. Liste établie grâce à l'aide de Fernand Vandenbogaerde, toujours en annexe IV de ce mémoire. 66 condition même de la création, imprégnée de hasards, de refus, de violences parfois, même si les productions lyriques sont construites généralement avec sérieux, à cause du nombre d'artistes investis et des montants financiers impliqués. Elle a tout de même eu une existence, certes avortée, mais intéressante, par le fait même qu'elle ne soit pas arrivée au terme de son élaboration. Si la moitié des demandes n'a pas été accordée, comme on peut le voir en annexe IV, la plupart de ces œuvres refusées dans ce cadre ont dû être produites, mais tout cela nécessiterait une analyse complémentaire, avec une recherche des titres et des lieux de production, comme pour les œuvres au corpus de ce mémoire. À l'inverse, le fait que dix-huit œuvres sur dix-neuf aient pu voir le jour permet de constater que les œuvres choisies dans le cadre de la commande d’État sont solides. Mais bien entendu, leur nombre limité réduit de beaucoup ma capacité d'analyse de la situation globale. Parmi les projets approuvés, certaines œuvres auraient tout aussi bien pu être considérées comme inabouties, comme par exemple Il canto della pelle de Claudio Ambrosini, puisqu'il n'a pas pu respecter le projet dans son ensemble : il y a manqué la mise en scène. Seulement, les difficultés traversées par le compositeur ont nécessité une forme d'adaptabilité pour l'inspection, qui n'a pas voulu éreinter une production déjà très fragilisée, dans un CNCM lui aussi fragile. Cette prise en compte des difficultés intrinsèques d'une production est sans conteste une forme appréciable d'intérêt et de respect des risques pris par certains producteurs. Généralement, la production d'un opéra attend rarement la commande d’État pour se faire. Plus une maison d'opéra est importante, moins elle devrait compter sur l'apport « complémentaire » constitué par la commande d’État (même si celui-ci est donné au compositeur). Mais les choses sont bien différentes pour les petites structures. Les grilles construites en fonction des informations sur chacune des œuvres sont le support qui reprend l'ensemble des données en les confrontant et auxquelles s'ajoutent des analyses liées aux études de partitions et de vidéos de spectacles. Cela permet de dégager les grandes lignes de la création lyrique contemporaine, vue par le biais de la commande d’État, et de tenter d'examiner si une évolution est sensible depuis 2001. Au premier regard, l’ensemble des compositeurs ayant obtenu une aide pour la composition de leur opéra depuis 2001 semble représenter un groupe homogène conscient des attendus de l’État. Or à y regarder de plus près, outre la difficulté incroyable qu’il y a à trouver des informations d’abord sur les titres des ouvrages finalement créés, on s’aperçoit que ces ouvrages recouvrent des réalités extrêmement variées (comme par exemple la création de 67 Claudio Ambrosini citée ci-dessus). De plus, de grandes différences de traitement existent entre les compositeurs, notamment dans la manière dont la presse s'empare de leur opéra : en effet, une publicité massive est réservée à certains (Fénelon, Aperghis, Mantovani, Rivas), pour des raisons d'ailleurs différentes, tandis que d’autres sont traités de façon plus modeste (Giraud), voire très peu (Monnet, Bon). Les détails de cette recherche sur la presse sont accessibles dans l'annexe VII de ce mémoire 179 : j'ai reporté les indications de textes, entre les critiques de la presse imprimée quotidienne et internet, avec le nombre de publications sur les opéras examinés par titre de presse, et ensuite le nombre d'articles paru sur chacun des opéras. La première liste permet de voir quels sont les titres de presse les plus investis sur la publication de critiques sur l'opéra contemporain. Premier de la liste, Le Monde a publié un total de quatorze articles sur les opéras au corpus. Ensuite, La Croix en a publié treize, le site internet resmusica.com en a publié onze, et Le Figaro, neuf. Constater que deux titres de la presse écrite quotidienne se placent en tête a de quoi surprendre, puisque l'espace réservé aux articles sur la culture dans les journaux quotidiens ont beaucoup diminué durant la décennie. Cela signifie que l'opéra échappe globalement à cette diminution. C'est en examinant la deuxième liste que l'on peut voir quels ont été les opéras les plus suivis par la presse à leur sortie et (si elle a lieu) au moment de leur reprise. Il faut dire tout de suite que le fait que le compositeur ait reçu une aide par le biais de la commande d’État n'entre pas en ligne de compte dans le choix d'écrire ou non sur un artiste. En effet, aucun article ne la mentionne. Les auteurs qui ont le plus écrit, et parfois plusieurs fois pour une même production, sous la forme de critiques pour la création, de portraits de compositeur ou de critiques pour la reprise, sont : Pierre Gervasoni (Le Monde, 12 articles), Bruno Serrou (La Croix, 8 articles), Christian Merlin (Le Figaro, 8 articles), Michel Ulrich (L'Humanité, 8 articles), Michel Parouty (Les Échos, 7 articles) et Michèle Tosi (resmusica, 7 articles). C'est à travers ces écrits que l'on peut suivre leur propre goût pour telle ou telle esthétique. La collecte des articles de la presse traditionnelle s'est faite en partie par l'intermédiaire des dossiers documentaires réalisés par le CDMC (qui comprennent des articles de revues spécialisées et des articles d'hebdomadaires), mais surtout par le site europresse.com. Le choix de quelques sites internet s'est fait à l'usage : resmusica.com est le site qui est apparu le plus vite lors de recherches simples par le biais de mots-clés, puis forumopera.com et enfin, anaclase.com. Ces sites repérés, la collecte des critiques s'est faite sans aucune difficulté par 179 Située en page 161. 68 l'intermédiaire des liens d'archives de ces mêmes sites. À travers l'étude de la presse, il est intéressant de voir ce que les critiques traditionnels (ou moins) des journaux quotidiens français les plus lus (Le Monde, avec Pierre Gervasoni et Marie-Aude Roux, Le Figaro, avec Christian Merlun, Les Échos avec Michel Parouty, La Croix avec Jean-Luc Macia et Bruno Serrou, L'Humanité avec Maurice Ulrich et Libération), ainsi que les critiques de quelques sites internet que sont resmusica.com (avec Michèle Tosi notamment) et forumopera.com (avec Pierre-Emmanuel Lephay) et anaclase.com (avec Laurent Bergnach), pensent de la création lyrique contemporaine, en confrontant leurs critiques, leurs visions, à travers les critères des analyses sémiologiques et systémiques, ainsi que les critères de perception musicale définies par Robert Francès. L'analyse des discours de presse nécessite un petit à-propos permettant de situer la presse écrite et la presse internet, et de délimiter les contours de la pensée des auteurs. La question de la diminution de la lecture de la presse papier a été analysée notamment par Olivier Donnat, dans un texte sur les pratiques culturelles des Français en 2008 180. Concernant la presse internet, un article de 2011, de Claire Winiecky, intitulé « Les webzines musicaux indépendants 181», permet une réflexion intéressante sur le développement de ces sites, nés pour certains à la toute fin du XXe siècle, et pour la plupart en plein développement dans les premières années du XXIe siècle. Mais l'analyse selon laquelle les journalistes online sont recrutés souvent sans profil journalistique ou spécialisation particulière ne semble pas tout à fait adaptée à la critique d'opéra. Bien entendu, les signatures de la musicologue Michèle Tosi, dans resmusica.com, et plus récemment du critique de La Croix, Bruno Serrou, dans anaclase.com, en sont les exemples les plus visibles, mais on sent une spécialisation toujours plus affirmée, ainsi qu'une recherche de qualité, que l'on trouve par exemple dans les articles de Laurent Bergnach sur le site anaclase.com. La construction des articles n'est pas la même entre la presse écrite et la presse en ligne. Pour la presse écrite, le développement de l'article se concentre principalement sur le compositeur et le metteur en scène, sur l'histoire, tandis que la conclusion donne des informations concernant les interprètes. Au contraire, bien souvent dans la presse en ligne, l'essentiel du développement se concentre sur l'interprétation, avec des éléments d'explication globale du lien entre compositeur et interprètes tout au long de l'écrit. Globalement, ce qui apparaît à la lecture de ces textes est la grande capacité d'analyse du discours dramatique et musical de la plupart des auteurs, qu'ils soient issus de la presse écrite 180 181 http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/08synthese.pdf Article paru dans Recherches sur la presse musicale française, Paris, OMF, 2011 p. 79-90. 69 quotidienne ou de la presse internet spécialisée en musique classique. Ce sont des plumes phares de leur journal, parfois des éditorialistes (comme Maurice Ulrich à L'Humanité), parfois des rédacteurs en chef (comme Jean-Luc Macia pour La Croix). Les journalistes en charge de ces compte-rendus sont des spécialistes de musique 182, qui connaissent l’œuvre des compositeurs dont ils parlent. Bien sûr, s'adressant à un large public (chacun pour une portion de société, en fonction des choix politiques des lecteurs), ils adoptent tous un langage accessible, même s'il reste particulièrement riche. Si quelques auteurs forcent parfois le trait de leurs connaissances en matière musicale (on le ressent plus dans les articles issus d'internet, dont les auteurs ont sans aucun doute besoin de s'affirmer), les journalistes les plus prolixes comme Pierre Gervasoni et Christian Merlin restent souvent dans une description rapide d'ensemble. Bien entendu, la plupart des critiques sont construites selon les principes d'un discours épidictique (louange / blâme), mais pas seulement. Elles sont rarement entièrement négatives, sauf celles de Francis Carlin, pour le Financial Times, qui dit par exemple n'être « pas convaincu » par Avis de tempête de Georges Aperghis 183, et qui déclare ne pas aimer L'autre côté de Bruno Mantovani 184. Au total, j'ai examiné plus d'une centaine de textes journalistiques (dont quatre-vingt dix articles de presse quotidienne et internet) pour ces quinze opéras (en réalité quatorze, car je n'ai trouvé pour l'opéra de Claudio Ambrosini, Il canto della pelle, que le livre que lui consacre Sylvie Mamy 185), ce qui laisse apparaître que la création lyrique réussit encore bien à capter l'intérêt de la presse quotidienne. Les raisons en sont sans doute variées, mais la culture personnelle des critiques, liée au fait qu'ils voient derrière la création plus qu'un événement mondain, mais bien un événement intellectuel majeur, apparaît souvent. La question se pose toujours de la création à Paris et hors de Paris. Alors que Michaël Levinas est un compositeur généralement reconnu par la presse, la création de La Métamorphose à Lille a sans aucun doute contribué au relatif désintérêt de la presse quotidienne nationale. C'est sans doute ce qui a fait défaut au Faust de Philippe Fénelon, créé à Toulouse, où seuls trois titres de la presse écrite nationale ont publié une critique : est-ce qu'ils se sont déplacés et n'ont pas eu la possibilité de publier leur critique ? Cela nécessiterait une étude plus approfondie, mais les difficultés financières des quotidiens laissent tout à fait présager qu'un 182 183 184 185 Confer les éléments biographiques de certains d'entre eux dans l'annexe VII. Article daté du 24 novembre 2004 (sans titre). Article daté du 26 septembre 2006 (sans titre). Sylvie MAMY, Claudio Ambrosini. Un compositeur vénitien du XXIe siècle. Entretien, Paris, L’Harmattan, 2013. 70 déplacement est rentabilisé par la parution d'un article. On constate d'ailleurs que les journalistes se déplacent (et font des recensions) lors des reprises de ces œuvres dans la capitale. Bien sûr, le festival Musica (Strasbourg) est depuis des années l'un des rendez-vous incontournables de la presse, qui sait qu'elle trouvera les incontournables de la création musicale contemporaine française, dont quelques opéras, en quelques jours. La prise de risque est moindre pour un journal. Mais l'échec relatif du Re Orso de Marco Stroppa, à l'Opéra Comique à Paris, n'est relevé que par un titre de la presse nationale (La Croix 186). Il est certain que les journalistes s'y sont déplacés, mais qu'ils ont décidé de ne pas écrire à son propos. C'est là qu'apparaissent ensemble les trois sites internet repérés, qui ont fait une large place à l'événement. Il y a plusieurs raisons à cela : « S’il n’y a pas de limite dans la longueur des articles, il n’y en a pas non plus dans le nombre. Il est alors possible d’aborder des thèmes moins essentiels ou plus originaux 187». Mais nous voyons que leurs auteurs sont eux aussi soucieux d'apparaître dans le concert du système parisien. D'autant que, comme l'indique Claire Winiecky : « Les webzines indépendants ont imposé une légitimité non négligeable au cours des années 2000. Ils sont présents dans les plus hauts lieux de la musique savante [...]. Les articles issus de la presse musicale par internet sont par ailleurs largement cités par les artistes sur leurs sites officiels, aux côtés des grandes signatures de la presse papier. Internet apparaît enfin comme un support intéressant pour les futurs journalistes désireux de se former dans le métier 188». Certains opéras ont reçu une couverture médiatique plus importante que d'autres. Avis de tempête de Georges Aperghis et L'autre côté de Bruno Mantovani ont eu chacun douze critiques parmi les titres de presse recensés (ce qui laisse à penser qu'ils en ont sans doute eu davantage). C'est sans doute la notoriété des deux compositeurs qui en est à l'origine : le premier pour son implication désormais historique dans le mouvement du théâtre musical, ce dont la plupart des journalistes ont été les témoins, directs ou indirects, le second principalement pour sa jeunesse (et peut-être aussi, comme le souligne quelque peu perfidement Francis Carlin, du Financial Time, pour être un « protégé 189» de Pierre Boulez, dont l'influence est toujours forte). La presse a aussi beaucoup écrit autour de l'opéra Le vase de parfum de Suzanne Giraud, sans doute attirée par la plume et par la personnalité d'Olivier Py (auteur du livret et de la mise en scène). Considéré a priori comme une valeur sûre (c'est ce qui transparaît en tout cas des divers articles), l'opéra La nuit de Gutenberg, de Philippe 186 187 188 189 Article daté du 19 mai 2012, intitulé « Un ''Roi Ours'' à l'Opéra-comique ». Op. cit., p. 88. Op. cit., p. 89. Article daté du 26 septembre 2006 (sans titre). 71 Manoury a reçu une attention particulière. Il semble à première vue assez surprenant que Sebastian Rivas, dont Aliados est le premier opéra (son deuxième en réalité, puisqu'il avait auparavant composé un opéra radiophonique), réunisse autant d'articles : salué par tous comme une véritable réussite, il est un des grands succès de ces dernières années auprès de la presse. La couverture médiatique se fait donc en fonction de la notoriété des trois personnalités que sont le compositeur, le librettiste et le metteur en scène, qui se retrouvent souvent liées dans un opéra a priori attendu. Ce phénomène de l'attente apparaît très clairement dans les compte-rendus : les journalistes/critiques sont alors encore chargés d'un reste de griserie face à la naissance d'une nouvelle œuvre. Ce type d'attente existe aussi lors d'une ''création'' d'un opéra traditionnel, bien qu'elle se situe autour de l'événement constitué par la mise en scène, ou bien par les interprètes. Un autre signal de couverture médiatique est la notoriété du lieu où se passe la création. En effet, si le festival Musica réunit pendant quinze jours à Strasbourg les journalistes parisiens, qui écrivent presque systématiquement sur les événements lyriques qu'ils vont y voir, les autres lieux sont souvent laissés pour compte, et sont couverts par un nombre moins important de titres. 2.2.2/ Les quinze fiches. Analyse et comparaisons Les quinze fiches situées à l'annexe V de ce mémoire, et dont j'ai détaillé le contenu dans le chapitre consacré aux Éléments méthodologiques, sont ici l'objet d'une analyse en plusieurs parties : une première s'intéresse aux questions de production (année, lieu, aides financières du FCL), la deuxième s'intéresse elle aux carrières des compositeurs aidés, la troisième partie est axée sur les librettistes et les livrets des opéras au corpus, la quatrième se concentre sur tous les aspects musicaux (utilisation des instruments, de l'électronique et de la voix), enfin la cinquième s'intéresse aux mises en scène. Cette division est le résultat d'un choix effectué en amont : l'univers global de la production, ainsi que les lieux de création et de reprise, sont extrêmement liés. L'examen tout particulier des compositeurs, vus en fonction des analyses de Pierre-Michel Menger et d'Eric Tissier, permet de voir quelques évolutions. La question la plus largement posée dans la définition du genre opéra concerne sa dramaturgie ; c'est pourquoi il m'a paru fondamental de m'y arrêter 72 particulièrement, d'abord par l'examen des livrets puis des mises en scène et de leur rapport à la musique, dont l'examen permet d'analyser les éléments esthétiques soulevés au début de ce mémoire. Les compositeurs ayant la possibilité de composer jusqu'à quatre ans après l'attribution de l'aide, mon étude s'arrête aux quinze opéras ayant été effectivement créés en aval des commandes attribuées depuis cette date, et ce jusqu'en 2013. 2.2.2.1/ Les problématiques de production Dans la liste des compositeurs ayant obtenu la commande d’État, publiée sur le site du CDMC, deux ont été l'objet d'une problématique : la première concerne l’œuvre d'Oscar Strasnoy intitulée Midea (3), dont je n'ai retrouvée aucune trace, ni dans les documents publiés par le compositeur dans son propre site internet, ni par le biais des documents déposés au CDMC190. Brigitte Bigorgne 191 m'a confirmé que le compositeur a déposé une partition écrite, qui lui a permis de recevoir la subvention prévue. Fernand Vandenbogaerde avait pour seule trace le Festival de Marseille comme producteur de l’œuvre, mais il n'a pas pu être plus précis. De plus, rien n'apparaît, ni même dans le site internet très à jour du compositeur 192 . L'autre problématique concerne Martin Matalon, qui apparaît pour la commande d’État de l'année 2009 et dont il a été question en ouverture de ce chapitre. L'écriture de l'opéra n'a pas pu être faite, ni bien entendu sa création. L'auteur n'a donc pas reçu d'aide pour cette œuvre 193. Il est intéressant de constater que le versement d'une avance, qui était parmi les propositions du rapport Surrans, aurait été compliquée à suivre (il s'agissait d'une proposition non mise en pratique, issue du rapport Surrans). Plus le temps est court entre la date de la commande et la date de la création, plus cela devrait signifier que le compositeur et son producteur n'ont pas attendu après les résultats de la commission de commande d’État pour décider de la mise en place effective du projet. En 190 Midea a connu plusieurs versions. Les Midea suivis de numéros ont été des extraits, des versions moins abouties, avec des effectifs variés dont on trouve certaines partitions au CDMC. Ces différentes versions ont été présentées dans des lieux très divers et pas forcément des théâtres lyriques, en Italie et en France (sauf pour la création de l'opéra en 1999 au Teatro Caio Melisso de Spoleto, puis à l'Opéra de Rome). 191 En charge des dossiers et de l'organisation des commissions de la commande d’État à la Direction Générale de la Création Artistique du Ministère de la Culture et de la Communication. 192 http://www.oscarstrasnoy.info/works/ 193 Information fournie par Brigitte Bigorgne. 73 effet, chaque production est le résultat de discussions spécifiques avec un producteur (ou plusieurs, même s'il y a toujours un chef de projet dans les coproductions). Le fait que dans les attendus, pour examiner un projet d'un compositeur, il doive y avoir un document attestant de la réalité d'une exploitation scénique de l’œuvre, oblige à des accords préalables, dans une construction temporelle élaborée de manière à ce que le compositeur puisse obtenir d'abord les garanties du producteur avant même d'imaginer d'obtenir une aide de l’État pour l'écriture d'une œuvre. J'ai indiqué combien cette première phase de la vie d'une œuvre pouvait être complexe et ne concerner au final que peu de compositeurs repérés par des directeurs imposant en quelque sorte un goût, bien plus important que celui décidé dans le cadre de la commande d’État. La date de création des opéras est variable dans le cours d'une année et il n'est pas possible de tirer une conclusion sur la période de l'année ou le mois qui apparaîtraient les plus propices pour la présentation publique de ce type d’œuvres. Et il y a de grosses différences temporelles entre le moment de la commande et sa création, d'une production à l'autre, quelle que soit sa dimension. En effet, sur les quinze productions étudiées, trois ont été montées moins d'un an après la commande, cinq entre un et deux ans, trois entre deux et trois ans, et quatre entre trois et quatre ans (dont une a nécessité quatre ans et demi, celle de Tihanyi à l'Opéra national de Bordeaux). En réalité, chaque production a sa propre histoire : à partir de ces seules données, il n'est donc pas possible d'identifier un seul principe de production. Les opéras aidés qui ont été créés depuis 2001, l'ont été dans des lieux variables, mais bien souvent subventionnés par l'argent public, en partie par l’État, dans des proportions parfois nettement majoritaires. On trouve dans la liste une majorité de théâtres lyriques. Parmi eux, il y a ceux qui sont particulièrement reconnus par l’État, en ce qu'ils ont reçu un label national, basé sur un cahier des charges, objet de la circulaire du 31 août 2010 : parmi les opéras nationaux installés hors de Paris, l'Opéra national de Bordeaux a accueilli par deux fois un opéra aidé par la commande d’État (en 2007 avec Génitrix de Laszlo Tihnanyi, pour une commande passée en 2003, et en 2012 avec Slutchaï d'Oscar Strasnoy, pour une commande passée la même année), et l'Opéra national de Lorraine (Nancy) a accueilli une création aidée (en 2008 avec Giorgio Battistelli pour Divorzio all'italiana, une commande passée en 2005). À Paris, l'Opéra Comique (opéra national, subventionné majoritairement par le Ministère de la culture) a programmé en 2012 l'opéra de Marco Stroppa, Re Orso, commandée en 2010. Le cas du Festival Musica de Strasbourg est particulier, car la production est le plus souvent 74 portée par l'Opéra national du Rhin. Parmi les œuvres qui y sont créées, on trouve les trois commandes d’État suivantes : L'autre côté, premier opéra de Bruno Mantovani (commande 2005, création 2006), Pan, de Marc Monnet (commande et création 2005), ainsi que La nuit de Gutenberg, de Philippe Manoury (commande 2011, création 2012). Il s'agit d'un nombre conséquent. On s'aperçoit que l'année 2005, la commande d’État a concerné quatre opéras, dont deux ont été créés dans un opéra national (l'Opéra du Rhin), un à l'Opéra de Nancy (sur le point de devenir opéra national) et un dans une scène nationale. C'est l'année où le nombre est le plus important, et dépasse la moyenne, puisque six compositeurs avaient fait la demande. On a vu que lorsque le ministère de la Culture finance en partie ou entièrement les opéras nationaux, une aide complémentaire par la commande d’État (qui de toute façon est destinée aux compositeurs) est tout à fait envisageable, puisque la commission examine avant tout si la production aura bien lieu. Par contre, les compositeurs qui ont écrit pour l'Opéra national de Paris, qui pratique une politique irrégulière de commandes, n'ont reçu, par l'intermédiaire de la commande d’État, aucune aide supplémentaire pour les huit opéras créés depuis 2001, de K de Philippe Manoury, jusqu'à Akhmatova de Bruno Mantovani 194. En effet, aucun des compositeurs n'a déposé de demande. Les autres théâtres d'opéras dans lesquels sont créées des œuvres aidées par la commande d’État sont d'abord l'Opéra de Lille, avec Avis de tempête de Georges Aperghis (commande 2003, création 2004, reprise à l'Opéra national de Lorraine, qui en était coproducteur) et pour La métamorphose de Michaël Levinas (commande 2009, création 2011). Angers-Nantes Opéra porte la création de Suzanne Giraud, Le vase de parfum (commande 2002, création 2004). Le théâtre du Capitole de Toulouse commande Faust à Philippe Fénelon (commande 2004, création 2007). L'opéra-théâtre de Metz-Métropole commande Iq et Ox, un opéra pour et avec enfants, à André Bon (commande 2006, création 2009). Ces trois théâtres reçoivent une part de financements de l’État (sauf Metz, qui n'est plus aidé depuis 2007). Ensuite, nous trouvons, pour une part minime, un Centre dramatique national (label d’État pour le théâtre, lieu de production et de diffusion) à Gennevilliers et une Scène nationale 194 Liste des huit opéras créés à l'Opéra national de Paris entre 2001 et 2013 : 2001 : K… de Philippe Manoury (livret du compositeur, André Engel, et Bernard Pautrat) ; 2002 : Medea de Rolf Liebermann (création de la seconde version d'un opéra non créé à l'Opéra de Paris) ; 2003 : Perelà, l’homme de fumée de Pascal Dusapin (livret du compositeur) ; 2004 : L’espace dernier de Thomas Pintscher (livret du compositeur et de Hans-Petr Jahn) ; 2006 : Adriana Mater de Kaija Saariaho (livret d’Amin Maalouf) ; 2008 : Melancholia de Georg Firedrich Haas (livret de Jon Fosse) ; 2009 : Yvonne, princesse de Bourgogne de Philippe Boesmans (livret de Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger) ; 2011 : Akhmatova de Bruno Mantovani (livret de Christophe Ghristi). 75 (label d’État confirmant un lieu pluridisciplinaire, principalement de diffusion). La salle du Grand Bleu à Lille est aidée par l’État, mais n'a pas de label spécifique. Elle s'intéresse principalement au jeune public, ce qui explique son soutien à la création d'un opéra pour adolescents, Là-bas peut-être de Graciane Finzi (commande 2002, création 2003). L'Opéra national de Lyon est cité pour une création de Claudio Ambrosini, Il canto della pelle, par la seule mise à disposition de l'auditorium pour la biennale « Musiques en scène » de Grame, qui est un Centre National de Création Musicale (label d’État), producteur de l'opéra. Il existe actuellement six CNCM en France, qui font un travail de création important, malgré leur manque de moyens. Grame est aussi un centre de recherche universitaire, ce qui en fait la particularité. Il apparaît aussi que quatre productions sont soutenues dès leur origine par l'Ircam, la plupart du temps en coproduction avec les théâtres où sont créés les opéras. Il s'agit de : Avis de tempête, Pan, La métamorphose et Aliados. Même si les opéras du corpus sont souvent créées par des orchestres indépendants qui passent par ailleurs des commandes, la plupart d'entre eux n'ont pas déposé de demande pour un opéra, sauf pour Aliados, de Sebastian Rivas, où l'ensemble T&M s'est lancé dans l'aventure, en coproduction avec l'Ircam et le réseau Varèse. Il s'agit d'une exception. Pour ces productions en particulier, les reprises sont indispensables, et nécessitent une action énergique pour que l'achat du spectacle puisse se faire. Le réseau Varèse 195 y contribue sans l'assurer entièrement. La question des reprises est importante : diverses reprises ont lieu, soit organisées dans le cadre de la tournée de création, en lien avec les différents coproducteurs (on compte onze représentations de l'opéra Le vase de parfum, par exemple, ce qui est fortement relevé par la presse), soit décalées dans le temps par un achat et donc un véritable travail de reprise (Làbas peut-être par exemple a été repris quatre ans après sa création à Montpellier, puis à La Rochelle et à Paris), parfois avec des chanteurs différents de ceux ayant assuré la création. Certains opéras ont une véritable existence sur la durée, mais ils sont peu nombreux. En effet, en examinant tout ensemble les coproductions, les créations et les reprises, ainsi que les aides du FCL, on s'aperçoit du nombre important d'opéras créés dans des théâtres d'opéra, parfois 195 Le réseau Varèse, « créé en 1999, mène une action unique en Europe de promotion et de diffusion de la création musicale. Le rayonnement de cette action, soutenue par le Programme Culture 2000 de la Commission Européenne, passe par le professionnalisme de l’organisation de ses structures membres, durablement implantés dans la vie musicale et artistique de leurs pays, et dont les équipes tant du point de vue de l’accueil des artistes que dans leur relation au public permettent une vraie rencontre. En mutualisant des ressources à l’échelle du continent, en privilégiant les collaborations transnationales, le Réseau Varèse invente un véritable répertoire européen » (citation issue du site http://www.reseau-varese.com). 76 aidés aussi par les FCL (l'Opéra national du Rhin l'est à chaque fois), qui n'ont pas encore été repris dans leur version mise en scène. Il s'agit de huit opéras sur les quinze qui sont examinés ici, soit plus de la moitié de cet ensemble. Trois d'entre eux Il canto della pelle, Génitrix et Re Orso ont été créés dans des lieux qui n'ont reçu aucune aide du FCL : le Grame à Lyon, l'Opéra national de Bodeaux et l'Opéra Comique. Trois autres ont été créés dans le cadre du festival Musica de Strasbourg (à l'Opéra national du Rhin, qui en est coproducteur et qui a reçu pour chacun les aides du FCL) : Pan, créé en septembre 2005 (FCL de 50 000 €) ; L'autre côté, créé en septembre 2006 (FCL de 50 000 €) et La nuit de Gutenberg, créé en septembre 2011 (FCL de 80 000 €). Enfin, Iq et Ox, créé en mars 2003 par l'Opéra théâtre de Metz Métropole sans coproduction (et qui a reçu une aide du FCL de 35 000 €), ainsi que La métamorphose, créé à l'Opéra de Lille en coproduction avec l'Ircam (et qui a reçu une aide du FCL de 30 000 €). On s'aperçoit que pour les opéras étudiés ici, le FCL n'a pas été attribué aussi souvent que l'on pouvait l'imaginer : l'Opéra de Lille a obtenu une aide pour Avis de tempête en 2006, ainsi qu'en 2010 pour la création en 2011 de La métamorphose, le Théâtre du Capitole de Toulouse, en 2006, pour la création de Faust en 2007, le FCL a été aussi attribué à l'Opéra national de Paris pour la reprise du même opéra en 2010, l'Opéra national du Rhin, en 2005 pour la création de Pan, ainsi qu'en 2006 pour la création de L'autre côté, et en 2011 pour la création de La nuit de Gutenberg, l'Opéra-théâtre de Metz-Métropole, en 2009, pour la création de Iq et Ox, l'ensemble T&M pour la création de Aliados au CDN de Gennevilliers. L'aide a été donnée huit fois pour des créations et une fois (à l'Opéra national de Paris) pour la reprise d'un opéra, et ce pour cinq structures différentes seulement (trois fois pour le seul Opéra national du Rhin). Le lien n'est évidemment pas direct, puisque les critères d'attribution sont différents, et que cela permet à d'autres producteurs de recevoir une aide, mais cela interroge beaucoup sur le déséquilibre qui existe entre les œuvres, en fonction de qui la produit. Le montant va ici de 15 000 € (pour T&M) à 100 000 € au théâtre du Capitole pour la création. La reprise de cette dernière œuvre à l'Opéra national de Paris a été assortie d'une aide d'un montant de 90 000 €. On s'étonne de l'absence totale d'aides du FCL sur des titres comme Le vase de parfum de Suzanne Giraud, qui a bien tourné, ou des productions plus 77 fragiles, qui elles ont fait un vrai travail en amont pour organiser les coproductions, les tournées et les cessions. Le sujet est sérieux puisqu'il touche une organisation globalement verrouillée, sauf exception. L'édition des partitions est aussi en forte diminution. Fernand Vandenbogaerde en a parlé comme d'une problématique notoire, qui rend d'autant plus difficile la reprise d'une œuvre, et en particulier d'un opéra. Parmi les opéras au corpus, et parmi ceux dont j'ai pu examiner les partitions, seules quelques-unes ont été éditées par un véritable éditeur et non à compte d'auteur : Olivier Jeannot éditeur (pour Là-bas peut-être), les éditions Jobert, avec un livret paru aux éditions Actes Sud (pour Le vase de parfum), Ricordi (pour Divorzio all'italiana), et Henri Lemoine (pour L'autre côté et pour La métamorphose). Pour les opéras les plus récents, le CDMC n'a peut-être pas encore reçu le conducteur. Parallèlement, et pour conclure ce chapitre concernant la production, l'enregistrement audio et vidéo des œuvres est considéré comme importante dans l'accès d'un public conquis mais plus encore à conquérir. En ceci, Pierre-Michel Menger indiquait dès 2001 un élément fondamental : « Jamais en effet les œuvres musicales savantes n'ont trouvé une audience aussi vaste, et jamais le passé n'a été omniprésent comme aujourd'hui dans cette consommation musicale sans précédent 196». Certains des opéras étudiés dans ce contexte ont été enregistrés, notamment sur CD, par exemple La métamorphose de Michaël Levinas et Avis de tempête de Geroges Aperghis. L'accès aux enregistrements en live de ces opéras est de plus en plus facilitée, par le biais d'internet. La qualité des enregistrements diffère d'un opéra à l'autre. L'exemple de l'enregistrement d'Aliados est très réussi, d'excellente qualité, puisqu'il est supervisé par Arte. Le fait que cela soit un opéra de petit format, voire un opéra de chambre, aide certainement à la lecture et à la compréhension de l’œuvre dans un format enregistré, chose plus difficile avec les grands formats, dont il est infiniment plus complexe de rendre l'atmosphère, à moins d'avoir des moyens conséquents. 2.2.2.2/ Les compositeurs L'origine des compositeurs est très variée, puisque la commande d’État en France a comme principe d'aider tous les compositeurs, pourvu que l'une des représentations au moins ait lieu 196 Pierre-Michel MENGER, « Le public de la musique contemporaine », in Jean-Jacques NATTIEZ (sous la direction de), Musiques, Une encyclopédie pour le XXIe siècle, op. cit., p. 1174. 78 en France. En effet, nombre des compositeurs ne sont pas Français : Oscar Strasnoy est Franco-Argentin, de même que Sebastian Rivas ; Georges Aperghis est Grec même s'il vit en France depuis 1963 ; Claudio Ambrosini, Giorgio Battistelli et Marco Stroppa sont Italiens ; Laszlo Tihanyi est Hongrois. Cette ouverture, tout à fait bénéfique pour la création, est porteuse de nouveauté et de regards universaux. Quelques-uns conservent un attachement affectif pour leur pays d'origine, qui rejoint parfois des questions politiques (avec l'Argentine pour Sebastian Rivas notamment). Naturellement, on ne peut que déplorer le nombre très faible de femmes dans cet ensemble : seules Suzanne Giraud et Graciane Finzi sont présentes. Malgré une forte évolution des mentalités et l'apparition de nombreuses femmes compositrices 197, on voit ici que pour l'opéra, l'ancien modèle majoritairement masculin résiste. C'est la même chose si l'on regarde la liste complète des opéras soutenus dans le cadre du FCL (en annexe VIII), où la proportion est même bien supérieure en faveur des compositeurs hommes. L'éducation des différents compositeurs est très variée. Les informations qui suivent sont issues des biographies consacrées aux compositeurs au CDMC et à l'IRCAM. Pour certains, non recensés, j'ai dû faire appel à leur propre site internet. Pour avoir un élément de comparaison, il faut se souvenir que Pierre-Michel Menger, dans Le paradoxe du musicien, a évalué que sur 400 compositeurs ayant bénéficié de la commande d’État, en 1982, ¾ d'entre eux sont issus du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (CNSM) et vivent à Paris ou en région parisienne. Pour les trois compositeurs italiens, les informations sont variées. Claudio Ambrosini a étudié au conservatoire de Venise, et Giorgio Battistelli au conservatoire de L’Aquila. En complément de cette formation, ce dernier a suivi en 1975, à Cologne, les séminaires de composition de Karlheinz Stockhausen et de Mauricio Kagel, et « en 1978 et 1979, à Paris, Gaston Sylvestre et Jean-Pierre Drouet l’initient à la technique et à l’interprétation du théâtre musical, genre qu’il approfondit ensuite avec Sylvano Bussotti 198». Marco Stroppa fait ses « études en Italie avec Azio Corghi en composition et Alvise Vidoline en musique électronique, […] puis au Centro di sonologia computazionale de l’université de Padoue (1980-1984), au Massachusetts Institute of Technology (1980-1984) et à l'IRCAM où il est 197 Certaines d'entre elles sont même extrêmement reconnues : dans le domaine lyrique, il faut citer notamment Kaija Saariaho. 198 Source CDMC consultée le 17 août 2013 : http://www.cdmc.asso.fr/fr/ressources/compositeurs/biographies/battistelli-giorgio-1953 79 compositeur-chercheur (1982), puis responsable de la recherche musicale (1987-1990) 199». La variété de leur parcours est signe qu'il n'existerait pas de filière spécifique pour les Italiens. Une telle affirmation nécessiterait bien entendu un approfondissement. Concernant les autres compositeurs d'origine étrangère : Georges Aperghis, « découvre la musique essentiellement en autodidacte. En 1963 à Paris, il s'initie au sérialisme, à la musique concrète et s'intéresse aux recherches de Iannis Xenakis 200». Laszlo Tihanyi étudie à l'académie Franz Liszt de Budapest (indiqué dans son site internet). Sebastian Rivas est de ceux qui ont un parcours inhabituel : « [Il] se consacre tout d’abord au jazz et au rock, à l’improvisation, avant de plonger dans la composition. En 1997 il émigre en France, son pays d’origine pour étudier avec Sergio Ortega, puis Ivan Fedele. Il participe à plusieurs stages et masterclass à l'IRCAM, au Centre Acanthes, chez Ictus et à la Fondation Royaumont, avec des compositeurs comme Klaus Huber, Brian Ferneyhough, Jonathan Harvey, Michael Jarrell et François Paris. En 2004, il participe au Cursus de composition et d’informatique musicale de l'IRCAM lorsque Philippe Leroux en est le compositeur associé 201». Nous sommes là encore dans la même configuration que les Italiens. Malgré tout, on s'aperçoit que Sebastian Rivas et Marco Stroppa sont tous les deux passés par l'Ircam. Graciane Finzi, issue du « conservatoire de Casablanca, (...) entre à dix ans au Conservatoire de Paris 202». Suzanne Giraud, quant à elle, étudie au « Conservatoire de Strasbourg avant de poursuivre à 19 ans ses études musicales au Conservatoire de Paris. Elle étudie la composition avec Claude Ballif, l’écriture spectrale avec Hugues Dufourt et Tristan Murail, l’informatique musicale au GRM et à l’Ircam 203». L'institution du Conservatoire de Paris apparaît avec ces deux compositrices. Philippe Fénelon est un « pianiste formé au Conservatoire d’Orléans, (il) s'initie au bulgare à partir de 1971, suit des cours de littérature comparée et de linguistique à l'École des langues orientales et entre parallèlement au Conservatoire de Paris. En 1977, il obtient un prix de composition dans la classe d’Olivier Messiaen 204». Il est intéressant de constater que dans son site, Philippe Fénelon n'indique aucunement les lieux où il a étudié la musique, et fait en sorte 199 Source CDMC consultée le 17 août 2013 : http://www.cdmc.asso.fr/fr/ressources/compositeurs/biographies/stroppa-marco-1959 200 Source CDMC consultée le 17 août 2013 : http://www.cdmc.asso.fr/fr/ressources/compositeurs/biographies/aperghis-georges-1945 201 Sources CDMC et IRCAM. 202 Source CDMC consultée le 17 août 2013 : http://www.cdmc.asso.fr/fr/ressources/compositeurs/biographies/finzi-graciane-1945 203 Source CDMC consultée le 17 août 2013 http://www.cdmc.asso.fr/fr/ressources/compositeurs/biographies/giraud-suzanne-1958 204 Source CDMC consultée le 17 août 2013 : http://www.cdmc.asso.fr/fr/ressources/compositeurs/biographies/fenelon-philippe-1952 80 de construire sa propre légende 205: « Le style libre de Fénelon est ouvert à la fois à l'invention et à l'histoire. Privilégiant les rapports entre littérature, peinture et musique, son écriture n'hésite pas à repenser les genres hérités du passé (concerto, quatuor à cordes, madrigal). Sa réflexion sur la fonction de la dramaturgie mène sa recherche vers une approche singulière de l'art lyrique ». Bernard Cavanna est « principalement autodidacte en matière de composition, (il) est encouragé dans cette voie par Henri Dutilleux, Paul Méfano et Georges Aperghis 206 ». On sent un parcours particulier et hors des sentiers battus. Les informations concernant Bruno Mantovani sont les suivantes : « Après des études de piano, percussion et jazz au Conservatoire de Perpignan, [il] entre au Conservatoire de Paris (1993) où il est l'élève notamment de Guy Reibel, Laurent Cuniot et Alain Louvier 207», tandis que « Marc Monnet étudie la musique au Conservatoire de Paris et suit l’enseignement de Mauricio Kagel à la Musikhochschule de Cologne 208». André Bon quant à lui « effectue ses études musicales au Conservatoire de Paris, notamment dans la classe de composition d’Olivier Messiaen, lequel exerce, au même titre que le Groupe de Recherches Musicales, une influence importante sur sa formation 209». C'est un cursus similaire que suit Michaël Levinas, celui du « Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il a comme maître Vlado Perlumuter, Yvonne Lefébure et Yvonne Loriod, ainsi qu'Olivier Messiaen pour la composition 210». Avec Philippe Manoury, on trouve à nouveau une histoire singulière : « Compositeur autodidacte, il s’engage définitivement dans la composition sur les conseils de Gérard Condé qui l’introduit auprès de Max Deutsch à l’École normale de musique de Paris. Élève de Michel Philippot et Ivo Malec au CNSM de Paris, il étudie la composition assistée par ordinateur avec Pierre Barbaud 211». Parmi les quinze compositeurs étudiés, trois d'entre eux sont abordé la musique en autodidactes, avant de se mettre à l'étude de la composition : Georges Aperghis, Bernard Cavanna et Philippe Manoury, même si ce dernier est tout de même par la suite entré au Conservatoire de Paris. À ces trois compositeurs, j'ajouterais aussi Sebastian Rivas, qui « se consacre tout d’abord au jazz et au rock, à l’improvisation ». Mais on ne peut que constater 205 206 207 http://www.philippefenelon.net/ Sources CDMC et IRCAM. Source CDMC consultée le 17 août 2013 : http://www.cdmc.asso.fr/fr/ressources/compositeurs/biographies/mantovani-bruno-1974 208 Source CDMC. 209 Source CDMC consultée le 17 août 2013 : http://www.cdmc.asso.fr/fr/ressources/compositeurs/biographies/bon-andre-1946 210 Sources CDMC et IRCAM. 211 Source Dossier pédagogique réalisé par l'Opéra National du Rhin pour la création de La nuit de Gutenberg. 81 l'influence extrêmement importante du CNSMDP dans la formation des compositeurs français, à laquelle désormais on peut adjoindre les résidences à l'IRCAM, qui est ouvert aussi aux compositeurs étrangers. Proportionnellement, les chiffres sont donc les mêmes qu'en 1982, mais il est difficile d'en faire une généralité étant donné que mon étude se base sur un petit nombre de compositeurs, qui ont abordé l'art lyrique. Mais cela a l'intérêt de faire voir que la formation musicale (entière ou en partie) au Conservatoire de Paris reste fondamentale dans le parcours des compositeurs d'opéras. Dans l'étude faite par Pierre-Michel Menger dans Le paradoxe du musicien, le chapitre consacré à la formation pour devenir compositeur aborde aussi l'origine sociale des compositeurs. Avant d'en examiner les détails, il semble assez important de voir que nous avons affaire ici à plusieurs générations de compositeurs. Les plus âgés sont Georges Aperghis et Graciane Finzi, nés en 1945, suivis de près par André Bon, né en 1946 et Marc Monnet né en 1947. Michaël Levinas est de 1949, Ambrosini et Cavanna sont de 1951. Fénelon de 1952, Battistelli de 1953, Tihanyi de 1956, Stroppa est de 1959, Giraud de 1958 et le plus jeune Sebastian Rivas, né en 1975. Bruno Mantovani est de 1974. C'est surtout l'examen de leur âge au moment de la commande qui est intéressant : 60 ans pour Bon et pour Lévinas, qui sont les aînés. Suivent de près Manoury (59 ans), Monnet et Aperghis (58 ans), et Finzi (57 ans). Cavanna a 54 ans pour sa commande, tandis que Fénelon, Ambrosini et Battistelli ont 52 ans, et Stroppa a 51 ans. À l'exception de Sebastian Rivas et de Bruno Mantovani, qui ont obtenu une commande l'un à 34, l'autre à 31 ans (il s'agissait pour ce dernier d'une première commande d'opéra), seule Suzanne Giraud a obtenu sa première commande lyrique à l'âge de 44 ans et Tihanyi à l'âge de 47 ans. Les autres compositeurs aidés dans la décennie 2001 – 2013 avaient tous entre 50 et 60 ans. Il y a quarante ans, selon l'étude de Pierre-Michel Menger, l'origine bourgeoise de ces musiciens est flagrante. Le piano est leur instrument de prédilection, avec un pouvoir d'attraction favorisé par la mère. Menger parle malgré tout dès cette époque d'un début de déclin de cette culture bourgeoise des classes sociales les plus aisées. Parmi les quinze compositeurs étudiés, toujours selon des indications trouvées dans leurs biographies, on trouve par exemple que Graciane Finzi est la fille de professeurs de musique du conservatoire de Casablanca, que Suzanne Giraud est quant à elle « imprégnée dans son milieu familial de littérature française et allemande, de peinture et de la musique de Haydn et Mozart » (sans aucune autre indication) et que Georges Aperghis a eu des parents artistes (père sculpteur et 82 mère peintre). Je n'ai trouvé aucune information de cette nature sur Claudio Ambrosini, Laszlo Tihanyi, Philippe Fénelon et Giorgio Battistelli (ces deux derniers ayant tout de même étudié le piano). Seul compositeur de ma liste à apparaître déjà dans la liste de Pierre-Michel Menger, Michaël Levinas est très sobrement indiqué comme étant le « fils d'un professeur de philosophie de la Sorbonne ». Pour ce qui est de leur métier, la plupart ont des carrières dans l'enseignement ou la direction de conservatoires. Vivre de la seule composition est très rare. Bernard Cavanna dirige le conservatoire de Gennevilliers. Bruno Mantovani dirige le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, où Graciane Finzi est professeur de formation musicale pour chanteurs depuis 1979 et Michaël Lévinas professeur d'analyse. André Bon, originaire du Nord, a été nommé professeur de composition au Conservatoire Américain de Fontainebleau en 1999, puis au Conservatoire d’Argenteuil. Sebastian Rivas enseigne la composition électroacoustique au CRR de Nice et au CRI de Châtenay-Malabry. Philippe Manoury a longtemps enseigné au CNSMD Lyon et à l'université de San Diego, avant de s'installer à Strasbourg et devenir professeur de composition au conservatoire. Le seul parmi eux à avoir eu un Prix de Rome (et sans l'un des derniers à l'avoir obtenu) est André Bon, qui n'appartient pas au réseau CNSMDP ni à celui de l'IRCAM. Au total, si le déterminisme social existe encore, il semble effectivement de moins en moins conventionnel. Parmi tous ces compositeurs, la plupart avaient déjà reçu au moins une aide pour la commande d’État. Pour la plupart d'entre eux, il ne s'agissait pas d'une première commande d'opéra. Cinq compositeurs sur les quinze étudiés en sont, avec cette commande d’État lyrique, à leurs premières armes avec l'opéra : Suzanne Giraud, Bruno Mantovani (qui en a composé d'autres par la suite), Marco Stroppa, Laszlo Tihanyi (pour le moment, son unique opéra) et Marc Monnet. Pour ce dernier, c'est le premier spécifiquement intitulé de la sorte, malgré Fragments en 1993, qui est une plus petite forme proche du théâtre musical (avec l'ensemble Ars Nova). Cela représente une proportion élevée, alors même que l'opéra est toujours présenté comme étant le genre de la maturité. Pour les autres compositeurs, qui ont déjà composé au moins un opéra par le passé, on peut citer Michaël Lévinas, dont La métamorphose est le troisième opéra, après Go-gol et Les nègres. La nuit de Gutenberg est le quatrième opéra de Philippe Manoury, qui a composé 60e parallèle (1996, créé au Théâtre du Châtelet), K… (2001, commande de l'Opéra national de Paris), l'opéra de chambre La frontière (2003). Il s'agit aussi de la quatrième composition 83 d'ensemble pour la voix pour André Bon. Graciane Finzi a composé son premier opéra en 1992 (Pauvre assassin) et son deuxième en 1998 (Le dernier jour de Socrate, qui a reçu l'aide à la commande d’État). Le premier opéra (déclaré comme tel) de Georges Aperghis date de 1978 et il est intitulé Je vous dis que je suis mort. Bernard Cavanna, Giorgio Battistelli et Philippe Fénelon avaient eux aussi composé d'autres opéras avant. Pour ce dernier : « son premier opéra, Le chevalier imaginaire, d'après Cervantès et une nouvelle de Kafka, a été créé au théâtre du Châtelet en 1992. Il compose ensuite Les rois, d'après Cortàzar, donné en création à l'Opéra national de Bordeaux en mai 1994. Son troisième opéra, Salammbô, d'après le roman de Flaubert, a été créé à l'Opéra national de Paris (Bastille) en 1998 (reprise en 2000) 212». Enfin, Sebastian Rivas a déjà composé un opéra radiophonique en 2012, intitulé La nuit hallucinée. 2.2.2.3/ Les livrets La récente thèse d'Aude Ameille, intitulée Aventures et nouvelles aventures de l'opéra depuis la Seconde Guerre mondiale : pour une poétique du livret 213, permet de dégager quelques constantes, que l'on retrouve à l'examen des opéras dont il est question dans ce mémoire. Elle s'interroge sur le fait que les livrets d'opéras de la seconde moitié du XX e siècle (contrairement à la première) soient si peu étudiés. En particulier, « les opéras d’après 1980, pourtant si nombreux, ne sont presque jamais analysés 214». Les quinze œuvres vues ici se placent en ligne directe avec les esthétiques qui se sont forgées au cours de cette deuxième partie du siècle dernier. Aucune véritable rupture avec les éléments considérés. Elle l'affirme dès son introduction : « nous ne croyons pas qu’il existe encore de date marquante pour l’histoire de l’opéra au XXIe siècle 215». Pierre Saby est celui qui donne finalement la définition la plus simple de cet état de fait : « Le librettiste du XXe siècle ne semble finalement relever d'aucune typologie particulière, et surtout n'obéir à aucun type de fonctionnement institutionnalisé. On peut signaler la tendance croissante des compositeurs à écrire leur propre livret, à utiliser des textes déjà existants, ou à collaborer avec des auteurs de renom et de grande qualité 216». La grande opposition que l'on ressent selon Aude Ameille est celle entre l'esthétique 212 213 214 215 216 Extrait du programme de salle de Faust, Théâtre du Capitole de Toulouse. Aude AMEILLE, op. cit. Aude AMEILLE, op. cit., p. 18. Ibid., p. 23. Pierre SABY, Vocabulaire de l'opéra, Paris, Minerve, Musique ouverte, 1999, p. 102-103. 84 développée par les tenants du théâtre musical, soit une disparition de la dramaturgie, face aux tenants de l'inverse : une histoire dramaturgiquement claire racontée sur scène. Sur quinze opéras examinés, six voient la participation active du compositeur à l'écriture du livret. Certains revendiquent fortement ce travail, comme Philippe Fénelon, qui affirme même souhaiter tout contrôler. Il y a de cette notion dans toute volonté de se rapprocher du texte, de se sentir suffisamment à l'aise avec lui pour écrire une musique à partir de lui. Il s'appuie dans le cas de Faust sur le texte de Nikolaus Lenau. Les autres compositeurs sont Claudio Ambrosini, qui n'est a priori pas fermé à un travail avec un librettiste, puisque son opéra suivant, Il killer de parole (coproduction Teatro La Fenice de Venise et Opéra national de Lorraine à Nancy en 2010) est basé sur un livret de Daniel Pennac. Giorgio Battistelli quant à lui s'appuie pour le réécrire lui-même sur le scénario du film de Pietro Germi, Divorzio all'italiana. Michaël Levinas est parmi les auteurs du livret sur La métamorphose de Kafka (avec Emmanuel Moses, Benoît Meudic et prologue de Valère Novarina). Marc Monnet a fait lui le choix du hasard en s'arrêtant en librairie sur un livre de Nikolas Tarkos : il en choisit des extraits. Enfin, Laszlo Tihanyi a travaillé avec Alain Surrans sur le court roman Génitrix de François Mauriac, natif de Bordeaux, pour son opéra homonyme. Esteban Buch s'est inspiré du fait-divers qu'il raconte dans Aliados et des réflexions des personnages politiques que sont Margaret Thatcher et Augusto Pinochet. Concernant les neuf autres opéras, divers types de textes sont écrits, correspondant à diverses origines des librettistes, dont ce n'est pas le métier. Emmanuelle Marie (pour Là-bas peut-être) est un écrivain, qui a fourni un livret complet à Graciane Finzi, qui n'y a semble-t-il rien changé. De même Olivier Py, librettiste et metteur en scène pour Le vase de parfum, a travaillé assez indépendamment de Suzanne Giraud dans son écriture, même s'il « avait pour consigne d'éviter les mots de plus de trois syllabes 217». Par contre Bruno Mantovani et François Regnault ont décidé très vite de travailler ensemble pour élaborer le livret de L'autre côté. Ils s'appuient sur un texte d'Alfred Kubin. Dans la lignée du genre de la ''Literaturoper'', l'origine littéraire des textes est une véritable constante dans les opéras étudiés : notamment La métamorphose de Kafka pour l'opéra de Michaël Levinas, Génitrix de François Mauriac pour l'opéra de Laszlo Tihanyi. Peter Szendy, pour Avis de tempête de Georges Aperghis, a travaillé notamment d'après Melville et Shakespeare. Michel Rostain pour l'opéra de Bernard Cavanna, s'est inspiré d'un fait divers et du Zaïde de 217 Laurent BERGNACH, article du 27 octobre 2004, sur le site anaclase.com : http://www.anaclase.com/chroniques/le-vase-de-parfums 85 Mozart et de Voltaire. Catherine Ailloud-Nicolas et Giordano Ferrari ont écrit le Re Orso de Marco Stroppa d’après la fable en vers d'Arrigo Boito (1842 / 1918). Parmi ceux qui ont entièrement imaginé la dramaturgie de leur livret, on trouve Jean-Claude Grumberg, pour Iq et Ox d'André Bon (même si elle s'inspire directement du Roméo et Juliette de Shakespeare...), et Jean-Pierre Milovanoff pour La nuit de Gutenberg de Philippe Manoury. Les sujets sont donc principalement littéraires. Un seul opéra a un sujet clairement religieux. Il s'agit de Le vase de parfum de Olivier Py et Suzanne Giraud, qui évoque les derniers instants de la vie de Marie-Madeleine. Parmi les grands sujets sociaux, l'immigration est le sujet de l'opéra pour adolescents Là-bas peut-être, et l'acceptation de l'autre, celui de Iq et Ox d'André Bon. Ces deux opéras pour enfants ou adolescents sont donc axés sur des thèmes moraux, dans un but éducatif 218. Theresa Schmitz, à ce sujet, indique : « Ce côté pédagogique est surtout provoqué par son aspect de visite scolaire ou de première rencontre en sortie familiale avec le genre de l’opéra, et pas nécessairement par un contenu ou une écriture musicale particulièrement pédagogique 219». Le manque de légitimité du genre est réel, car il y a un risque pour les compositeurs d'apparaître comme des musiciens de seconde zone. La question est d'importance, puisque les producteurs de spectacles eux-mêmes ont souvent demandé des œuvres « faciles » aux compositeurs. « Mais, affirme Theresa Schmitz, le manque de sérieux dans la réalisation artistique n’échappe pas aux yeux des jeunes 220». Le fait que deux des opéras au corpus soient destinés à un public jeune signifie l'importance qu'a acquis le genre en France, aux yeux des producteurs, du public et surtout des compositeurs. Autre sujet social : la place de la femme dans la société contemporaine est traité par Bernard Cavanna dans Zaïde actualités, qui se base sur un fait-divers sur la mort d'une femme lapidée par son mari. Un autre fait-divers, celui de la chute des hommes politiques, sous forme d'une critique de l'histoire, est entrepris par Sebastian Rivas dans Aliados (qui raconte une rencontre entre Pinochet et Thatcher, alors qu'ils sont vieux, loin des affaires et qu'ils sont touchés par la maladie d'Alzheimer). Des thèmes globaux sont traités dans certains opéras, comme le sexe dans Il canto della pelle, et les tempêtes, dans Avis de tempête. Les relations familiales sont aussi traitées, notamment les relations psychologiques entre une mère et son fils dans Génitrix, et le « crépuscule de la famille » dans Divorzio all'italiana. Les cauchemars 218 Sur la thématique des opéras pour enfants, lire l'article de Theresa SCHMITZ, « L'opéra pour enfants. Le vaillant petit tailleur de Wolfgang Mitterer : à la découverte d'un genre méconnu », Sociétés, 2009/2, n°104, p. 83 – 91. 219 Ibid., p. 84. 220 Ibid., p. 86. 86 religieux de Faust, et ceux métaphysiques de Gregor (dans La métamorphose) et de Kubin (dans L'autre côté) sont repris par des librettistes et des compositeurs rêvant sans aucun doute de laisser leur empreinte dans l'imaginaire du public semble-t-il toujours fasciné par ces personnages. L'origine des librettistes étudiés est variée : écrivain (Milovanoff, Grumberg, Marie), professeurs d'université (philosophes comme Peter Szendy et François Regnault et musicologues comme, Giordano Ferrari et Esteban Buch), metteurs en scène (Michel Rostain, Olivier Py). Aucun d'eux n'exerce le métier de librettiste, désormais tombé en désuétude, mais aucun n'est un véritable dramaturge (même si François Regnault est celui qui s'en rapproche le plus). Il est intéressant de suivre certains parcours, notamment celui de François Regnault, lui qui « affirmait au tout début des années 1980 : ''Tout le monde aime les opéras, nul ne peut plus en écrire aucun'', rédige en 2006 le livret de l’opéra de Bruno Mantovani, L’autre côté créé à l’Opéra de Strasbourg 221». La question de se laisser saisir par la dramaturgie qui deviendrait difficile à dépasser pour écrire un opéra, question posée par le même Bruno Mantovani en introduction, trouve donc parmi les quinze opéras des réponses contrastées : se faire submerger par un sujet est un problème, surtout quand on affronte directement comme il l'a fait un grand opéra, mais des personnalités comme Georges Aperghis vont directement au cœur du sujet : aujourd'hui, un livret « ça raconte des histoires autour d'un thème. Il n'y a pas de héros – on n'est pas dans une période héroïque – donc il n'y a pas de personnages 222». Les compositeurs examinés ici rencontrent l'univers de la scène principalement par l'intermédiaire de metteurs en scène, dont on sait qu'ils ont été les personnalités les plus en vue des opéras à partir des années 1980, chargées de redonner vie au genre. Le seul parmi eux à avoir cherché à travailler avec un dramaturge a été Michaël Levinas : mais le rapport avec Valère Novarina dans La métamorphose s'est traduit finalement par une introduction à l'opéra (Je, tu, il...) entièrement écrite par Novarina, qui utilise la rythmique des mots avec quatre chanteurs qui chantent ensuite dans l'opéra, alors même qu'il n'y a au final aucun lien entre les deux pièces. Pour son opéra, Levinas a travaillé avec l'écrivain Emmanuel Moses et l'informaticien de l'Ircam Benoît Meudic, dans un travail en commun voulu par le compositeur. Suzanne Giraud indique très simplement comment elle a travaillé le texte d'Olivier Py 223: 221 Aude AMEILLE, op. cit., p. 99, qui inclut une citation tirée de Marie-Noëlle RIO et Michel ROSTAIN, L’opéra mort ou vif, Paris, Recherches, 1982, p. 22. 222 In Théâtre et Musique n°6 / 11, T&M, janvier 2001, p. 47. 223 Interview de Jean-Guillaume Lebrun, Musica Falsa, automne 2004, p. 94 – 97. 87 « Ce texte est beau et il aurait été de mauvais parti de le forcer à entrer dans des cases. Je suis néanmoins arrivée à faire gouverner la structure par un chiffre : le chiffre 14, symbole de la passion. Comme le livret comportait treize scènes, j’ai ajouté un prologue instrumental. Tout l’opéra est parcouru par une basse continue de 14 fondamentaux (7 et leurs récurrents) toujours dans les bases des modes utilisés avant JS Bach. Les 14 scènes sont chaque fois découpées en 14 zones (j’ai compté les lignes de texte de chaque scène et je les ai divisées par 14, quel que soit leur sens). Mais c’est la seule chose que j’aie pu infliger à ce texte de mon propre fait. Pour le reste, je n’ai fait que transformer un texte d’homme de théâtre en texte chanté ». Il est extrêmement intéressant de voir que ce texte est le seul à se baser sur une histoire religieuse. La pensée de Pierre Jamar est tout à fait lumineuse à cet endroit : « L’art lyrique relève-t-il de la musique sacrée ou profane ? Les spécialistes, musicologues et historiens en particulier, se montrent très prudents et se gardent bien de trancher définitivement en faveur de l’exclusion de l’art lyrique du champ du sacré, ou de son rattachement exclusif à la sphère profane. Car ils savent que les constructions théoriques qu’ils proposent se nourrissent avant tout du terrain pratique, à observer continuellement 224». Les livrets sont écrits indifféremment en français, anglais, espagnol, italien ou allemand. Et parfois, comme c'est le cas de l'opéra de Georges Aperghis, le livret est écrit dans un sabir étrange, mélange de diverses influences. Certains racontent spécifiquement une histoire. C'est ce que l'on constate pour la plupart des opéras. Sauf pour Il canto della pelle, pour Avis de tempête et pour Pan. Mais on peut aussi considérer que Il canto della pelle cherche à avancer dans une réflexion sur les sens en progressant par strates. De même, Avis de tempête amène à avancer au milieu des éléments déchaînés. Seul Pan pourrait sembler entièrement porté par le hasard, puisque c'est le hasard lui-même qui a porté le compositeur à prendre des extraits d'un livre trouvé dans une librairie. Le contenu de ce livre n'est pas pris en ligne de compte. Donc, seuls trois opéras sur les quinze étudiés n'ont pas d'histoire au sens classique du terme. Pour les douze autres opéras, les dramaturgies développées par les uns et les autres sont toutes très différentes. Cela confirme l'ouverture du genre opéra à ce qui a longtemps été l'apanage du théâtre musical, c'est-à-dire l'absence même de dramaturgie. Cité par Aude Ameille dans sa thèse 225, Antoine Gindt, dans Le corps musical, écrit à propos de Georges Aperghis, indique : « En dehors des opéras, qui font l’objet d’un livret intelligible porteur de sens et de la dramaturgie, les œuvres de théâtre musical […] contiennent un texte non signifiant, fait de phonèmes et de ''mélodies parlées'' ». Ces propos apparaissent désormais dépassés : ainsi toutes les œuvres classées dans le genre du théâtre musical ne sont pas privées de sens (on peut citer l'exemple de Les Boulingrin du même Aperghis, mais aussi plus récemment de Thanks to my eyes d'Oscar Bianchi, tous deux 224 Pierre JAMAR, « L’expérience lyrique : uniquement à l’opéra ? L’illusion d’unicité entre le genre musical opéra et la catégorie pratique art lyrique », Tracés. Revue de Sciences humaines [en ligne], 10 | 2006, mis en ligne le 11 février 2008. 225 Aude AMEILLE, op. cit. p. 83. 88 aidés par la commande d’État, dans la catégorie du théâtre musical), et inversement. Autre élément important, la construction du livret. Aude Ameille en parle : « L’opéra est un genre complexe en lui-même puisqu’il mêle trois niveaux sémiotiques, celui du texte, de la musique et du geste [...]. Dans l’idéal le spectateur devrait pouvoir le saisir à la première (et parfois la seule) représentation. Il n’en percevra assurément par toutes les richesses, mais il doit être capable de prendre en compte les trois niveaux sémiotiques. Pour cela, il est nécessaire de ne pas trop compliquer chacun des niveaux 226». C'est ce que l'on peut retrouver dans les opéras destinés au jeune public. Le texte d'Emmanuelle Marie, mis en musique par Graciane Finzi dans Là-bas peut-être, montre même une grande fragilité, où les mots utilisés pour donner un « aspect jeune », chargés de s'adresser aux adolescents, sont singulièrement dépourvus de force (le mot « meuf », pour femme, pourrait devenir rapidement vieillot voire incompréhensible). C'est une question extrêmement importante à l'heure où l'on peut constater 227 que le nombre des opéras pour enfants est en réelle augmentation, non pas pour leur lecture dans l'avenir, mais pour que leur réception actuelle soit de qualité. Les titres choisis sont aussi intéressants à analyser : les opéras prenant appui sur des œuvres littéraires connues n'ont pas changé le titre original (La métamorphose, Génitrix, L'Autre côté, Faust, Re Orso), de même que celui de Battistelli, reprenant le titre du film de Pietro Germi, Divorzio all'italiana. En général, les titres sont courts et percutants, avec un ou deux noms, sans compter les articles et les pronoms. Ils sont aussi un peu mystérieux : comme Il canto della pelle ou Là-bas peut-être. Le seul titre qui promettait d'être long, puisque basé sur la pièce sous-titrée « fantaisie monstrueuse » de Roland Dubillard, aurait pu être l'étrange commandement Il ne faut pas boire son prochain, de Martin Matalon. Marc Monnet, avec Pan, a fait le titre le plus court du corpus, un titre qui ne correspond à rien, comme le contenu de son opéra, et qui a été détournée par le metteur en scène, avec la vision de deux paons blancs perpétuellement sur scène... Pour conclure, il est intéressant de citer Antoine Gindt, qui balaye vertement la question des livrets contemporains : « L’opéra – son répertoire et bien souvent ses créations – nous habitue à une littérature de seconde main : livrets tirés de chefs-d’œuvre du patrimoine, de mythes revisités, adaptation cautionnant a priori l’entreprise du compositeur et facilitant à vrai dire le travail du metteur en scène, voire la réception du public. On se repérera d’autant plus facilement dans les méandres de l’action scénique que celle-ci est supposée connue de tous. Bien sûr, on pourra assurer que le poids d’un ouvrage / de ses personnages est inversement proportionnel à leur trivialité, mais le risque est là de cantonner les œuvres d’aujourd’hui 226 227 Ibid., p. 87. Il suffit pour cela de se reporter aux publications annuelles donnant les programmations lyriques dans le monde, par exemple le hors série d'Opéra magazine, publié chaque automne et qui permet de constater ces évolutions programmatiques. 89 dans un exercice cultivé absent de relation véritable aux enjeux contemporains, sinon celui – et cela n’est pas négligeable – de contribuer à la survie d’un art européen spécifique 228». Il pose la question de ce qu'est le contemporain. Mais il semblerait bien que cela ne soit plus la question non plus, puisque nous ne sommes plus dans une écriture d'avant-garde, l'avantgarde ayant été résolument absorbée dans la création d'aujourd'hui. Il manque un aspect à cette partie, celle liée à la question politique posée par l'opéra : la compréhension des mots en est l'enjeu, et selon Mitchell Cohen l'enjeu d'origine, puisque c'est le fondement même de la Dafné de Peri et Rinuccini en 1598 : « Leur but n’était pas d’écrire une belle musique agréable pour animer, compléter ou épicer une bagatelle à l’intrigue surchargée, mais de compénétrer mots et musique pour en faire un ensemble signifiant. C’est précisément ce que l’opéra politique, ou plutôt, le bon opéra politique, doit faire 229». La façon d'étudier un opéra politique se fait en terme de « concordance et de tension entre un medium artistique et le message politique qu'il charrie ». C'est une des particularités très fortes de l'opéra Aliados, de Sebastian Rivas, et même une affirmation : le livret doit être politique, il doit exposer les tensions de l'Amérique latine dans un huis-clos entre deux anciens dirigeants politiques, loin des affaires et surtout malades. Le livret d'Esteban Buch est d'une grande richesse sémantique et transmet parfaitement le cynisme absurde de la situation. En cela, la musique est un réflecteur fondamental, liée à une mise en scène raffinée, ce en quoi Pierre Gervasoni (Le Monde) a affirmé qu'il représentait une forme aboutie d’œuvre d'art totale (''Gesamtkunstwerk'') : « Une heure et quart d'art total, sans le moindre raté 230». J'ai déjà pu examiner les questions esthétiques au milieu desquelles se débat le genre opéra en ce début de XXIe siècle. Pour aller plus loin encore, il faut à nouveau citer Aude Ameille : elle va jusqu'à affirmer qu'« à partir des années 1980, où l’opéra est revenu sur le devant de la scène, appeler son œuvre « opéra » est le seul moyen de recevoir une commande et de se faire jouer dans une des grandes maisons d’opéra 231». Ce qui induit, parfois de façon caricaturale, que certains pourraient ne pas recouvrir le genre opéra et affirme par ailleurs « pour qu’une œuvre puisse être qualifiée d’opéra, son livret doit être porteur de sens et avoir un contenu narratif 232». J'ai pu déjà écrire que ce n'est plus si vrai, et qu'il ne s'agit plus du tout de monter les tenants du théâtre musical contre les tenants de l'opéra. Le dépassement de cette polémique est dorénavant acquis, même si la dilution des tensions s'est faite (et se fait encore) 228 229 Antoine GINDT, T&M n°7/12, septembre 2012, p. 5 - 6. Mitchell COHEN, « ''On ne fait pas un pâté de lièvre en faisant rôtir un chat'' / Pensées sur l'opéra politique », Raisons politiques, 2004/2, n°14, p. 43. 230 Article daté du 18 juin 2013, intitulé « Sur scène, Thatcher et Pinochet chantent à la perfection ». 231 Aude AMEILLE, op. cit., p. 78. 232 Aude AMEILLE, op. cit., p. 83. 90 progressivement. Dans la case intitulé « genre », j'ai mis ce qu'inscrit le compositeur en incipit de son œuvre. La plupart des compositeurs se contentent d'indiquer qu'il s'agit d'un opéra, et d'en dénombrer les actes ou les tableaux, et parfois les interprètes dans leurs grandes masses. Les Italiens sont les plus imaginatifs. Par exemple, Claudio Ambrosini écrit un « Melodramma giocoso in due parti e un labirinto » ou « Ludodramma », Giorgio Battistelli écrit lui une « Action musicale en vingt-trois parties pour le crépuscule de la famille », tandis que Marco Stroppa écrit une « Favola in suono / Légende musicale pour quatre chanteurs, quatre acteurs, ensemble, voix et sons imaginaires, spatialisation et totem acoustique ». Georges Aperghis ne cherche pas à définir son travail par une indication quelconque. C'est Bruno Mantovani qui fait par son sous-titre une claire référence à sa recherche d'un genre attaché au XIX e siècle : en effet, il écrit un « Opéra fantastique ». 2.2.2.4/ Les réalisations instrumentales et vocales C'est bien souvent dans les articles de journaux que l'on peut lire les motivations des compositeurs à composer leur œuvre. Il faut bien sûr avoir un certain recul par rapport à des déclarations souvent intervenues après coup, qui recolorent le passé. Ainsi que je l'ai transcrit dans les grilles à la case « Projet », certains compositeurs sont plus prolixes que d'autres, certains écrivent même de longs textes descriptifs et analytiques de leur propre œuvre, comme par exemple Philippe Fénelon, ce qui fait apparaître sa volonté de maîtriser l'ensemble du processus de création de son œuvre, voire jusqu'à sa réception par le public. D'autres provoquent l'écriture de très longues analyses, souvent sous la forme d'interviews, comme par exemple Bruno Mantovani par Christian Merlin 233. Il y a des compositeurs très discrets, comme Bernard Cavanna, ou André Bon, qui décrivent de façon très simple leur manière de composer, voire de se proposer de suivre les indications d'un librettiste ou de se conformer à une formation d'orchestre. Les personnalités complexes des compositeurs apparaissent dans ce qu'ils disent ou dans ce qu'ils ne disent pas de leur œuvre. Aucun des quinze compositeurs ne tente de théoriser. C'est intéressant de constater l'extrême modestie de la plupart d'entre eux sur ce point très particulier. Certains compositeurs portent leur projet avec plus de force et d'implication que d'autres. La différence est grande entre Claudio Ambrosini, empêtré dans 233 Christian MERLIN, « L’autre côté de Bruno Mantovani: l’opéra, lieu de synthèse », Germanica, n°41, 2007, p. 171-181 91 des problèmes de production complexes, et Bruno Mantovani, qui a toute latitude pour penser et écrire son projet artistique. Après avoir vu depuis le début de mémoire les éléments de contours des opéras aidés depuis 2001 dans le cadre de la commande d’État, il est nécessaire d'en approcher le contenu musical. Les opéras de grande et moyenne formes composent la majorité des opéras aidés. Les opéras de plus grande forme (utilisant des orchestres de plus de cinquante instrumentistes) sont : Génitrix, de Laszlo Tihanyi, Faust de Fénelon, L'autre Côté de Mantovani, La nuit de Gutenberg de Manoury, Divorzio all'italiana de Battistelli et Re Orso de Marco Stroppa. Le vase de parfum, Pan, Iq et Ox, Là-bas peut-être, Avis de tempête, Zaïde actualités, La métamorphose et Il canto della pelle, soit huit opéras, utilisent des orchestres entre dix et vingt-et-un instrumentistes. Aliados est l'opéra au plus petit effectif avec sept instrumentistes. Pour les opéras de grande forme et certains opéras de forme moyenne, ce sont les masses artistiques (chœurs et orchestres) des théâtres d'opéra producteurs qui sont utilisées, certains dans leur totalité (notamment les cinq opéras de grande forme cités ci-dessus). À part des orchestres des opéras qui accueillent les productions (Toulouse, Strasbourg, Mulhouse, Bordeaux, Nancy), un certain nombre d'ensembles réalisent ces productions. L'ensemble Ictus participe directement à la création de deux opéras : Avis de tempête, de Georges Aperghis, et La métamorphose de Michaël Levinas. Pour la création d'Iq et Ox, c'est l'Ensemble instrumental de Moselle qui est dans la fosse de l'opéra de Metz. L'Orchestre national de Lille est dans la fosse pour Là-bas peut-être, les ensembles 2E2M et A sei voci créent Le vase de parfum. L’Ensemble orchestral de Basse-Normandie crée Zaïde actualités. L'ensemble Multilatérale crée Aliados. Enfin, l'Ensemble Intercontemporain crée Re Orso. On a vu dans la description du genre, que la plupart des compositeurs indiquent simplement le nombre d'actes ou de scènes qui composent leur ouvrage. De ce côté-là en effet, on ne trouve pas de constructions innovantes. Les instruments utilisés sont bien souvent ceux de l'orchestration classique en usage durant tout le XXe siècle pour les opéras. L'utilisation de grandes sections de percussions devient aussi un usage courant. Outre les orchestres utilisant surtout des instruments classiques (avec quelques ajouts comme des guitares électriques et des sections de percussions très développées), l'électronique est l’élément le plus présent dans les recherches sonores des compositeurs. Avant de l'aborder, il me semble intéressant de regarder de plus près quelques œuvres dans leur manière d'utiliser l'orchestre et la manière dont celle-ci est retranscrite par les journalistes 92 et critiques. Certains compositeurs sont amenés à travailler sur l'effectif (et l'esthétique) d'un modèle du XVIIIe siècle. Suzanne Giraud, pour Le vase de parfum, au contexte religieux, l'effectif du Messie de Haendel est clairement convoqué, avec un ajout de percussions. Bernard Cavanna est aussi amené à utiliser l'effectif du Zaïde de Mozart, pour la « musique bouleversante » (selon Bruno Serrou) de son Zaïde actualités. Si l'on regarde les écritures, on ressent chez la plupart des compositeurs une écriture très classique, avec une claire volonté de se faire comprendre. Nombre d'entre elles se réfèrent au passé (ancien, avec Monteverdi et Mozart, notamment, mais aussi plus récent, surtout avec Berg), voire empruntent à des œuvres populaires (le rock, les « Clash » par exemple, dans le cas d'Aliados). Suzanne Giraud décrit de façon très détaillée sa nomenclature, notamment pour les instruments à percussions. Elle détaille aussi un certain nombre d'éléments, comme : « La partition est écrite en sons réels. Contrebasson et Contrebasse sonnent une octave au-dessous. Celesta sonne une octave au dessus... ». Cela donne l'idée d'une écriture solide. Elle laisse quand même une part d’improvisation aux instruments sur certains modules (« de temps en temps », « répétez librement », « de temps en temps ensemble », « répétez en espaçant »), toutes indications qui doivent être laissées libres par le chef d’orchestre (avec des retours ensemble à intervalles très marqués). Il n'y a pas d’altérations à la clé et elle utilise un 6/4. Elle s'appuie sur un fond d’orchestre constitué par les violoncelles et les contrebasses. D'autres indications sont sur la partition, comme les déplacements d’instrumentistes : « les deux hautbois et le basson se déplacent ensemble vers un autre point de la salle », idem pour les violons I (mes. 3 et 4) et pour les Altos I et II (mes. 21). Les déplacements d’autres instruments sont indiqués à partir de la mesure 33, puis 54, etc. La presse est plutôt unanime pour dire de Laszlo Tihnanyi qu'il utilise pour Génitrix une « écriture monochrome » (Bruno Serrou, La Croix). Les soixante-dix-neuf musiciens d'orchestre du Faust de Philippe Fénelon sont ceux d'un orchestre classique, avec un ajout conséquent de percussions (deux enclumes, grosse caisse, cymbales suspendues, castagnettes, claves, etc.). Fénelon va très loin dans l'évocation dix-neuvièmiste avec notamment l'utilisation d'un orchestre de scène, qui emploie un orgue (Marc Monnet aussi utilise un orgue dans Pan), une clarinette et un cornet en si bémol, un accordéon et deux violons. Parmi eux, se trouve le seul instrument populaire emblématique du XX e siècle : l'accordéon. Graciane Finzi pour Là-bas peut-être utilise elle aussi l'accordéon, bien que son histoire se déroule 93 entre banlieue française et l'Afrique, d'où une grande quantité de percussions, et l'ailleurs est représenté par l'Amérique latine, empruntant aux mélodies et rythmiques liées au tango. Elle travaille sur une accumulation de références musicales, de Leonard Bernstein à Michel Legrand. Pour en revenir à Fénelon, le compositeur revendique très facilement les influences du XXe siècle. Pierre Rigaudière (Diapason) est parmi ceux qui voient des « références évidentes à Berg », où « les textures lorgnent Hindemith 234». Dans l'ensemble, les commentateurs reconnaissent qu'il sait écrire mais certains le trouvent excessif, dont Bertrand Bolognesi (anaclase), qui parle d'une « texture d'orchestre assez épaisse 235». Un autre compositeur qui s'est lancé dans un grand opéra, Bruno Mantovani, compose avec L'autre côté, « un maelström sonore d'une exceptionnelle puissance », selon Maurice Ulrich 236. Pour cette œuvre, Berg est convoqué, de même que Honegger, mais aussi Mozart, Meyerbeer, et même Eötvos ! Les journalistes sont très prolixes pour décrire cet opéra. Michèle Tosi parle aussi de « dérèglements sonores très ligétiens ». Et le compositeur lui-même parle de l'influence qu'a eus sur lui Do I do de Stevie Wonder et le jazz. C'est chez les compositeurs les plus jeunes que l'on trouve les influences les plus clairement exprimées sur les musiques qui ont bercé leur adolescence : Sebastian Rivas cite London Calling des Clash dans Aliados. Leur rapport à la musique commerciale des années 1970 / 1980 est de fait totalement décomplexé. L'utilisation de la guitare électrique que fait Michaël Levinas n'est pas du tout de même nature. Et lorsque le guitariste Marc Ducret improvise sur scène dans Pan de Marc Monnet, il ne cite pas des éléments contextualisés, il transcende en quelque sorte les références de son instruments. Et chez Georges Aperghis, toute la partie de guitare électrique est écrite, et s'insère parmi les musiciens dans la fosse. C'est chez lui qu'on trouve une utilisation ouverte des instruments : avec une utilisation du souffle, très importante, pour rester dans le thème de la tempête. La mise en œuvre de l'informatique est actionnée par une pédale (action demandée à la clarinette basse) et s'inscrit dès le début dans l'écriture, avec une impression très forte de passage d'une onde radiophonique à une autre. L'écriture de l'électronique est symbolisée par la ligne supérieure de la partition, où ne sont indiquées que des durées sur des hauteurs de note bien définies. Les craquements sont matérialisés par tous les instruments, non seulement par l'électronique et la guitare électrique. Si Michaël Levinas semble s'éloigner des origines de l'opéra par son utilisation de 234 235 236 Article publié dans le mensuel de juillet / août 2007, intitulé « À feu et à sang ». Article publié le 27 mai 2007 (sans titre). L'Humanité, article du 29 septembre 2006, intitulé « Maëlstrom à Musica ». 94 l'informatique, il n'en est pas moins capable d'être dépositaire de la tradition, par exemple dans son découpage en cinq parties qu'il intitule « madrigaux ». Les références au passé ne sont donc pas uniquement liées aux noms des grands compositeurs mais à l'héritage global des formes. Sebastian Rivas affirme avoir travaillé son opéra : « En gardant toujours à portée de main deux partitions de Mozart, Cosi fan tutte et Don Giovanni. La première pour les glissements harmonique d'une forme à l'autre, de duo en quatuor, de quintette en trio. La seconde pour le personnage du Commandeur 237». De plus, Rivas cite explicitement L'histoire du soldat de Stravinsky dans son opéra. Marco Stroppa n'échappe pas non plus aux influences du tango et du Don Giovanni de Mozart, allusions qui selon Michèle Tosi « foisonnent » dans son Re Orso, qui cite aussi La Traviata et Die Zauberflöte. Mais l'effet en est excessif, et pour La nuit de Gutenberg, de Philippe Manoury, opéra lui aussi rempli de référence, Laurent Bergnach s'insurge contre un « pamphlet fourre-tout 238» ! Giorgio Battistelli s'attache quant à lui, dans le Divorzio all'italiana, à décrire une succession d'atmosphères sonores et à ne faire référence à aucune autre œuvre, préoccupé sans doute de s'éloigner entièrement de la musique du film composée par Claudio Rustichelli (il est amusant de constater qu'un tel éloignement aux références s'évanouit dans son plus récent opéra, Il medico dei pazzi, qui cite avec beaucoup d'humour certains passages de La Traviata, d'Otello et de Falstaff). Michel Parouty (Les Échos) décrit pour Divorzio all'italiana : « Une musique richement et diversement instrumentée, souvent rapide, pour suivre le rythme d'une conversation à laquelle les instruments apportent un commentaire ironique et souvent grinçant, une musique qui ne ressemble à aucune autre et ne relève d'aucune école, et qui, si elle se développe rarement […] sait éviter la monotonie du récitatif 239». Il y a clairement une ambition à ne pas faire « couleur locale », de la part du compositeur italien contemporain. Pour en venir à ce qui est le contenu le plus récurrent des opéras des années entre 2001 et 2013, l'utilisation de l'électronique par divers biais, je trouve extrêmement intéressant le commentaire qu'en fait Michaël Levinas pour La métamorphose. Il s'interroge sur l'obsolescence de l'informatique, qui devient pour lui de fait « une musique non conditionnée pour la reprise, délivrée de l'angoisse de la disparition, [et qui] est actuelle au sens plein du terme 240». Son interrogation toujours raffinée sur le sens de la musique et de la création musicale, permet une distance très bénéfique face aux effets de mode que pourrait représenter 237 238 239 240 Interview donnée à l'hebdomadaire Télérama et publiée le 28 septembre 2013. Dans www.anaclase.com, le 24 septembre 2011. Article du 6 octobre 2008, intitulé « La femme à abattre ». Cité par Marie-Aude ROUX, « Le numérique, passeport de l'oubli », Le Monde, le 30 mai 2013. 95 un recours non réfléchi à l'informatique, et sur le fait qu'un enregistrement n'est qu'un succédané de ce qui existe sur scène à un moment donné. Marie-Aude Roux s'inquiète elle du fait que « les œuvres liées au numérique portent en elles-mêmes leur propre destruction, tributaires des antidotes de la duplication et de la migration 241». Il y a différentes sortes d'utilisation des sons et de l'électroacoustique dans les opéras au corpus. Certains d'entre eux utilisent simplement des sons enregistrés, comme Laszlo Tihanyi avec le son d'un train, juxtaposé à la musique interprétée, pour renforcer l'effet désiré. Graciane Finzi aussi utilise des « sons fixés », qui sont simplement lancés au moment voulu. C'est avec Claudio Ambrosini, Georges Aperghis, Marc Monnet, Michaël Levinas, Sebastian Rivas, Marco Stroppa et Philippe Manoury (soit près de la moitié des compositeurs étudiés) que les opéras s'emparent effectivement de l'électronique, notamment grâce à un travail réalisé principalement avec des ingénieurs de l'Ircam, et pour Claudio Ambrosini, avec les chercheurs de Grame 242. Longtemps éloigné de l'opéra, l'Ircam fait depuis quelques années une entrée remarquée dans la création lyrique. Pierre Gervasoni explique dans Le Monde 243 le positionnement de l'Ircam, désormais ouvert à ces expérimentations, favorisé par le fait que Frank Madlener en a pris la direction en 2006. Pierre Gervasoni date le début de ces expérimentations avec La métamorphose de Michaël Levinas. Ce n'est pas le cas, puisque déjà Avis de tempête (en 2004) et Pan (en 2005) utilisent ces technologies. L'étude d'un cas emblématique de cette utilisation permet de voir l'intérêt de ce travail : La métamorphose, de Michaël Levinas. Pierre Gervasoni, dans le même article, en parle : « Les transformations de la voix de Gregor Samsa (l'homme qui se mue en insecte) font sensation. Levinas aurait-il pu traduire cette émergence de l'animalité sans le secours de l'Ircam ? « Franchement non », convient le compositeur [...]. Le timbre de Gregor a été traité « comme un jeu d'orgue avec des harmoniques liés à la prononciation de Fabrice Di Falco, qui interprétera ce rôle ». Quant à la sœur de Gregor, incarnée par Magali Léger, elle va se retrouver au beau milieu d'une ''scène tournante'' ». Dans la partition de cet opéra, aucune mention n'est faite de l'électronique. La partition se contente de dédoubler la ligne de la voix de Gregor, mais sans indication particulière. Le compositeur compte sans doute sur les enregistrements d'ensemble, mais il implique plutôt le fait qu'on pourrait tout aussi bien (ainsi que le démontrent ses déclarations), malgré tout son intérêt, ne pas avoir recours aux techniques de l'Ircam pour exécuter son œuvre. Georges Aperghis écrit l'emplacement de l'électronique dans sa partition. Il indique que des séquences 241 242 Ibidem. Créé en 1979, Grame est un des six Centres nationaux de Création musicale en France. Il est installé à Lyon. 243 Pierre GERVASONI, « L'Ircam s'aventure en terre d'Opéra », Le Monde, 7 mars 2011. 96 sont écrites indépendamment. Mais elles sont intégrées de façon entièrement contrôlée. Les compositeurs restent donc très attachés, malgré une ouverture d'esprit très forte, à l'utilisation classique des instruments, par le biais d'une écriture lisible. Suzanne Giraud (pour Le vase de parfum), Philippe Fénelon (pour Faust), Bruno Mantovani (pour L'autre côté), quant à eux, n'utilisent pas du tout les techniques informatiques. Giorgio Battistelli n'utilise pas non plus de sons enregistrés dans son Divorzio all'italiana, mais il fait un clin d’œil amusé aux techniques actuelles pour raconter les maladroites tentatives d'enregistrement de son personnage principal, Fefè, pour espionner sa femme et l'amant de celle-ci, en demandant à l'orchestre d'imiter des sons avec toutes sortes de manières d'utiliser leurs instruments, alors même que le chanteur fait des bruits de bouche variés pendant qu'il chante. Cette distanciation sonore extrêmement amusante tire, comme souvent chez Battistelli, son origine de nombreuses références, qui vont de Rossini à Offenbach, jusqu'aux recherches contemporaines les plus avancées. La transition est parfaite pour passer à l'examen du traitement de la voix et des chœurs dans ces opéras. Les indications de Michaël Levinas au début de sa partition indiquent la manière dont les chanteurs doivent se comporter : « Pour la sœur tournante : ''la chanteuse devra supprimer tout vibrato de la voix (technique baroque) pour permettre à l’électronique de traiter la voix''. Pour Grégor : ''La voix de Grégor suggère et ne suggère pas une forme d’animalité. Le haut de contre qui peut aussi devenir baryton exprime UNE ambiguïté entre l’enfant, l’homme et l’animalité DE CETTE MÉTAMORPHOSE ANGOISSANTE DE GREGOR SAMSA. La métrique générale de cet opéra ne doit pas se réduire à un dogmatisme des chiffres et des durées. S’inspirer des découpes et des structures agogiques baroques pour diriger cette partition'' 244». C'est le contre-ténor Fabrice di Falco qui interprète Grégor. Il a dû s'appliquer à travailler en lien avec les sons électroniques pour arriver à retranscrire ce que demande le compositeur. Les autres indications du début pour les chanteurs sont les suivantes : « Dans la « métamorphose » il est indiquer des modes de prononciation de la langue française qui sont aussi essentiels que le respect des hauteurs et du rythme ; Il faut ben respecter la séparation entre les consonnes et les voyelles, ainsi que certaines techniques de prononciations qui ne correspondent pas aux usages courants de la langue française dans la vie moderne ou bien encore au théâtre français ». Suivent tout au long de la partition des notes similaires, écrites rapidement, non corrigées (estce voulu ? Dans quelle mesure Michaël Levinas a-t-il voulu laisser cela, alors qu'en général les partitions sont le résultat d'une grande attention aux détails ?) et c'est parfois incompréhensible, comme ici. Au-delà de cette interrogation, La métamorphose est un exemple de la recherche particulière et réussie faite autour de la voix. Il n'est pas rare de lire 244 J'ai dans cette transcription des inscriptions de la partition, ainsi quand dans les citations suivantes, respecté entièrement les choix typographiques de l'édition. 97 dans les articles pour d'autres opéras, que le traitement de la voix n'est pas intéressant. Si l'on regarde de plus chacun d'eux, on trouve que le parlé et le chanté est par exemple utilisé, à la manière d'un opéra-comique, dans Là-bas peut-être de Graciane Finzi. Elle travaille avec deux sopranos, deux ténors et un baryton-basse. Aucune allusion à la manière d'écrire dans les compte-rendus. L'examen de la partition et la vision d'une vidéo de l'opéra montre que le chant est extrêmement audible : l'idée est de faire comprendre tout le texte aux adolescents sensés composer la majorité du public. L'utilisation d'une sorte de ''slam'' est parfois en contrepoint d'une ligne mélodique portée par un des personnages (notamment à l'acte I). Le chant se rapproche bien souvent de la technique de la chanson (des citations de Jean Ferrat à certains moments appuient ce parti-pris). Le ténor joue aussi de l'harmonica, qui est appliqué à son personnage et devient sa caractérisation. Pour l'opéra de Suzanne Giraud, les journalistes s'appliquent à décrire sa manière d'utiliser les voix, qui semble très influencée par le ''recitar cantando'' monteverdien. Dans une interview, la compositrice explique comment elle a distribué les voix pour les rôles : « Le personnage principal c’est Marie-Madeleine, que je vois en mezzo : c’est une femme qui porte une lumière grave. (…) La mourant a une voix de soprano aigu, qui peut se casser, s’ébrécher en phase d’agonie. Ensuite il y a l’Ange. Là j’ai été plus conformiste et lui ai donné une voix de contre-ténor aigu, presque sopraniste. Son exacte réplique est le diable, auquel j’ai donné la voix de ténor. Mais il ne s’agit pas du tout d’un diable bouffe comme chez Gounod. (…) A un moment donné, ce diable, qui essaie d’ébranler la foi de Marie, lui amène un mendiant qu’il a payé pour chanter, ce qui est la honte de sa condition. Il me fallait une voix de basse. Il représente la seule chose éternelle de cet opéra : la misère. Un dernier personnage est l’esprit. Or, l’esprit pour moi, c’est le personnage de l’évangile le plus difficile à envisager ; on le représente par une colombe, par des langues de feu – des images très naïves. Je ne savais pas trop comment l’incarner, vocalement parlant. Finalement, je me suis dit qu’il représentait pour moi, à lui seul, la Trinité. Je le fais donc chanter par les 3 voix d’homme ensemble, en homosyllabes 245». Les personnages utilisent une caractérisation particulière, notamment l'ange, qui a surtout une ligne mélismatique, très liée à l'histoire de la voix de contre-ténor, qu'elle choisit pour lui. Elle et Michaël Levinas ont décidé d'utiliser une voix de contre-ténor, l'une pour le personnage de l'Ange, l'autre pour Grégor Samsa, l'homme qui se transforme peu à peu en cancrelat. Il est intéressant de voir que deux compositeurs utilisent une voix étrange pour caractériser des personnages de l'étrange. Levinas choisit de l'accompagner des grésillements de l'électronique. Chez Suzanne Giraud, pour sa première intervention, l'Ange fait une répétition syllabique de la. Puis interviennent quelques intervalles de seconde et de tierce. Au fur et à mesure, la ligne mélodique et rythmique tend à s’enrichir et à abandonner le la d’origine. Marie-Madeleine (mezzosoprano), elle, a un chant très sobre, puis, en réponse à l'Ange, elle fait de nombreuses secondes et tierces majeures ou mineures, donnant l’idée d’un chant 245 Entretien avec Jean-Guillaume Lebrun, dans Musica Falsa, automne 2004, p. 94 – 97. 98 d’oiseau. Le verbe aimer est utilisé très souvent, ce qui est l'occasion d'intervalles plus grands : une sixte (mes. 53), qui renforcent l'importance du mot. Par la suite, certains mots sont mis en valeur par un chant mélismatique : « monde » (plusieurs fois), « amour » (par l’Ange), « l’Homme » et « libre » (par Marie), etc. En général, Marie-Madelaine reste dans le registre médian. Tandis que la mourante monte vers les aigus (notamment dans le trio de la scène 3). La scène 4 est dramatisée par le duo entre la mourante, très agitée, et une MarieMadeleine dans les graves, et par la répétition lancinante de « Je n’entends pas » de la mourante (si 3 – do dièse 4 – mi 4). Celle-ci terminera l'épilogue, selon les indications, « en parlé-chanté, d’une voix rauque et surnaturelle ». Christian Merlin (Le Figaro) affirme sans détour ne pas aimer la monotonie de la déclamation : « cela me rappelle le théâtre musical des années 70 246». L'attaque est particulièrement coriace, tant pour Suzanne Giraud que pour le genre en question. Le preuve, chez Georges Aperghis, l'utilisation de la voix est entièrement différente, souvent ludique, et comme souvent, c'est son interprète fétiche, Donatienne Michel-Dansac, qui met en valeur son écriture, ainsi que l'excellent Lionel Peintre (qui s'attaque aussi quelques années plus tard au rôle de Augusto Pinochet dans Aliados de Sebastian Rivas). Une actrice débite des textes, où se mélangent allègrement des mots et des bouts de phrases en français et en anglais. Les chanteurs doivent utiliser aussi le recitar cantando. Les voix sont aussi modifiées par l'électronique, dans une impression de succession très rapide d'éléments divers, pourtant reliés par une unité stylistique. Le chant, quand il apparaît, c'est par le biais d'un des chanteurs barytons, et cela semble soudain une imitation, à la manière de Berg. On trouve aussi quelques citations de chant grégorien, elles-mêmes suivies d'un monologue de type commentaire sportif radiophonique, ponctué de répétitions mécaniques du mot ''well'', suivi à son tour par un commentaire de guerre, qui finit exténué. Le chef d'orchestre intervient pour dire, seul : ''Calme : pas de vent, la fumée s'élève verticalement'', intervention qui est suivie de beaucoup d'autres pour indiquer le début de la tempête. Le chef d'orchestre doit aussi interpréter des onomatopées rythmées. Il n'y a aucune augmentation de l'intensité sonore, ni un déploiement des instruments. Tout est maîtrisé. Voire extrêmement piano, et pianissimo, lors de l'évocation de la tempête. Les chanteurs utilisent aussi des sons au milieu de leur chant. Le traitement de la voix dans le Faust de Philippe Fénelon provoque cette constatation dans 246 Article du 12 octobre 2004, intitulé « Sentencieux ». 99 l'article de Michel Parouty (Les Échos) : « Comme c'est souvent le cas des partitions lyriques d'aujourd'hui, l'écriture vocale, qui se défend d'être mélodique, se balade abruptement entre des intervalles chaotiques que l'auditeur a depuis longtemps dans l'oreille 247». Le travail sur la voix par des compositeurs qui travaillent principalement l'instrumentation peut s'avérer complexe. Seuls les sites internet creusent le sujet, pour Faust, en indiquant que le traitement vocal est « volontiers musclé qui s’inscrit dans une certaine tradition dix-neuviémiste du chant français 248». Pour la reprise de Faust à l'Opéra national de Paris, Francesca Guerrasio décrit : « une bonne maîtrise vocale du parlé-chanté […]. La sensualité et le désir trouvent [...] une correspondance exemplaire dans les mouvements de la musique qui monte vertigineusement dans le registre aigu. Ses nombreux glissandos, notes en staccato et suraigus très proches du cri sont l’expression profonde du drame amoureux, éphémère moment de volupté auquel Faust ne sait pas renoncer 249». Mais celui qui parle sans doute avec le plus de conviction de son opéra est le compositeur lui-même : « La force de la voix, c’est qu’elle nous transporte non pas dans un monde inconnu, mais dans un monde que nous reconnaissons… Elle m’a fasciné très tôt. Je travaillais déjà le chant au conservatoire d’Orléans et j’ai eu la révélation totale lors de mon premier voyage à Bayreuth – j’avais alors 17 ans. Mais j’ai fait mes études à un époque où l’opéra était un genre complètement ignoré ». C'est lui qui, parmi tous les compositeurs du corpus, s'approprie avec le plus de sincérité l'opéra dans ses aspects les plus traditionnels, surtout du point de vue vocal. Pierre Rigaudière le confirme : « Lignes amples, déclamations extraverties, mais aussi virtuosité, performance physique et tension expressive : ingrédients habituels du compositeur 250». L'une des particularités de Giorgio Batistelli est d'avoir utilisé un casting entièrement masculin pour son Divorzio all'italiana. Sauf pour le personnage d'Angelina. S'éloignant avec force de la couleur locale aussi pour les voix, Battistelli ne travaille pas du tout la mélodie, mais il réalise une ligne chantée proche du récitatif, avec de nombreuses inventions, tout en restant tout à fait dans la tradition sicilienne du « cantastorie », comme il l'indique lui-même dans le programme de salle, sorte de parlé-chanté populaire d'une grande force expressive. Pour Zaïde actualités, Bernard Cavanna a travaillé le chant directement avec ses interprètes, à la manière des compositeurs des XVIIIe et XIXe siècles. Suite à l'avant-première, il indique même : « Il y a toujours un aspect virtuose dans la voix. Tous ces chanteurs, que j'ai appris à 247 248 249 250 Article du 25 mai 2007, intitulé « Faust 2007 ». Bertrand BOLOGNESI, anaclase.com, 25 mai 2007 (sans titre). resmusica.com, 20 mars 2010, intitulé « Faust de Philippe Fénelon : la Terre est un pays de nostalgie ». Pierre RIGAUDIÈRE, Diapason, juillet/août 2007, intitulé « À feu et à sang ». 100 connaître, ont des qualités exceptionnelles, et je vais en fait retravailler 251». C'est ce que le journaliste de La Tribune retient : « On retrouve ici le premier objectif des ''Singspiele'', équivalent allemand de nos opéras-comiques, alternant le parlé et le chanté : créer un genre d'opéra populaire, accessible à tous 252», alors que Michèle Tosi, pas convaincue par l'écriture instrumentale, conclut : « Comme dans sa Messe pour un jour ordinaire, Bernard Cavanna est à l’aise avec la langue française qu’il fait chanter avec beaucoup de naturel à travers une vocalité souple et parfois mélismatique, stylisée certes mais sans maniérisme, restituant toute la force du discours 253». Dans l'opéra de Bruno Mantovani, L'autre côté, les descriptions pleuvent quant à l'orchestration. Seul Michel Parouty décrit l'aspect vocal de l'opéra : « Malgré un souci très net de diversification (linéaire et souvent syllabique pour les hommes, plus souple et ornée pour les femmes), l'écriture vocale, qui surgit du langage parlé et, à la fin, s'efface devant lui, trébuche, pourtant, sur l'écueil qui menace en permanence l'art lyrique contemporain : la monotonie. Comme si la peur de la mélodie et des conventions de l'air avaient un effet paralysant. Celle des chœurs, en revanche, est directement émouvante. Et l'orchestre, très chargé, riche en percussions, est magnifique. On ne peut qu'être bluffé par cette incessante transformation du matériau sonore, qui assure la ductilité du discours, ces métamorphoses, ces variations de textures, de couleurs, de dynamique, et cette intensité qui, comme dans la cantate, maintient l'auditeur en alerte. Comme si la peur de la mélodie et des conventions de l'air avaient un effet paralysant. Celle des chœurs, en revanche, est directement émouvante 254». Marc Monnet, dans Pan, demande à ses chanteurs surtout de chercher les aigus. André Bon, décrit comme « un élection libre dans le monde de la musique » par Bruno Serrou, a écrit une musique séduisante, et surtout il a écrit des rôles interprétés par des enfants. C'est le seul dans ce cas pour les quinze titres étudiés. Pour Aliados de Sebastian Rivas, Christian Merlin indique : « L'écriture vocale extrêmement variée épouse la personnalité de chacun, la partition électronique créée par l'Ircam prolonge et sert l'écriture orchestrale virtuose sans jamais la parasiter 255». Le début de l'opéra initie dans un souffle, puis dans un verbiage incompréhensible avant de trouver les mots en espagnols, le tout se prolonge dans une sorte de cantilène, puis par un parlé-chanté très calibré, jamais posé, mais dont on sent qu'il est entièrement écrit. Pinochet répète toujours les mêmes mots, et la musique devient obsédante (ré4, si3b, la3, do4#, sol3). Les « superbes ensembles vocaux 256» de Marco Stroppa ne sont pas dénaturés par l'informatique musicale, pourtant bien présente. Dans La nuit de Gutenberg, pour Christian Merlin, à côté d'une écriture musicale riche, « à deux beaux ensembles près, 251 252 253 Interview de Delphine TANGUY, Le Télégramme, 26 novembre 2005. La Tribune, 6 octobre 2006, intitulé « Zaïde : épilogue ». resmusica.com, 1er février 2007, intitulé « Tournée de Zaïde(s) : dialogue musical entre Mozart et Bernard Cavanna ». 254 Article dans Les Échos, du 28 septembre 2006, intitulé « Les dangers du rêve ». 255 Article publié dans Le Figaro, le 25 juin 2013, intitulé « Mauvais patchwork et bon cocktail ». 256 Michèle TOSI, resmusica.com, 23 mai 2012. 101 l'écriture vocale est monotone et syllabique 257». Il semble intéressant de noter que cette monotonie s'applique souvent aux opéras de grande forme, et pas du tout sur les moyennes et petites formes. Les chœurs, éléments traditionnels de l'opéra, apparaissent dans neuf des quinze ouvrages. Il s'agit des chœurs des maisons qui accueillent les œuvres, ou bien comme dans le cas de l'opéra de Suzanne Giraud, Le vase de parfum, de l'ensemble A Sei Voci. Chez elle, leur utilisation est intéressante, quasi solistique : l’Esprit est représenté par 3 voix d’homme, et n’apparaît qu’à la scène 10. Ils chantent des suites d'accords réguliers. Dans le même opéra, les instrumentistes sont amenés à chanter, ils font véritablement office de chœur antique, à partir de la mesure 16 de la scène 10. Les grands chœurs de l'opéra national de Bordeaux, et un chœur d'enfants sont convoqués pour Génitrix. Pour les deux critiques, Bruno Serrou (La Croix) et Michel Parouty (Les Échos), c'est une déception, et surtout très ennuyeux. Véritable protagoniste, « le chœur dont les parties sont d’une qualité et d’une séduction irrésistibles, avec une richesse harmonique où l’hommage à Bach et Messiaen échappe au piège du pastiche 258» est particulièrement bien traité par Fénelon dans son Faust. Les chœurs du Divorzio all'italiana de Giorgio Battistelli soulignent les récitatifs amusants des protagonistes. André Bon, dans Iq et Ox, utilise des voix d'enfants solistes mais aussi une maîtrise sur scène et un grand travail a été réalisé pour intégrer des enfants sourds sur le plateau. Les autres compositeurs qui utilisent une maîtrise sont Laszlo Tihanyi et Philippe Manoury, dans le cadre de leur opéra de grand format. 2.2.2.5 / Les mises en scène Certains compositeurs ont travaillé avec leur metteur en scène sur des aspects particuliers de leur composition. Avec plus ou moins de réussite : on voit notamment une citation de danses urbaines dans Là-bas peut-être, de Graciane Finzi, une évocation pour le moins timide, qui ne décrit pas la force de ce type de danse, mais sert plutôt d'habillage pour une évocation de la banlieue. Par contre, dans le même opéra, la présence des percussions sur scène est particulièrement réussie, avec une mise en valeur de la qualité de l'écriture musicale de ces parties, notamment lors du final entièrement percussif. Certains metteurs en scène ont fait un travail plus raffiné avec le compositeur. Un exemple : Margareth Thatcher attend de 257 258 Article publié le 27 septembre 2011 (sans titre). Maurice SALLES, forumopera.com, 25 mai 2007 (sans titre). 102 rencontrer Augusto Pinochet, sa bague cogne contre le siège, et cela devient un élément musical, tout comme le son aléatoire de la machine à écrire. Pierre Gervasoni (Le Monde), à propos d'Avis de tempête, parle d'un univers à la Matrix 259, tandis que Maurice Ulrich (L'Humanité) reconnaît malgré tout que « l'opéra de Georges Aperghis est bien d'aujourd'hui. Il est de la fin des idéologies, peut-être des illusions. Il est de la fin des désenchantements et de l'après-11 septembre. Quelle musique écrire au XXI e siècle si l'on refuse le néoclassisisme qui s'impose un peu partout, comme un avatar inavoué du néoconservatisme ambiant, de Bush à Sarkozy 260 ?». C'est l'occasion pour les critiques d'avancer dans une description qui leur permet généralement d'exprimer une idée politique. La mise en scène est l'élément final et l'aboutissement de toutes ces constructions musicales. On s'en rapproche par les dernières allusions de Gervasoni et d'Ulrich. L'opéra intéresse certains parmi les plus célèbres des metteurs en scène de théâtre (Olivier Py, Stanislas Nordey, Emmanuel Demarcy-Mota, Richard Brunel), mais on trouve aussi les metteurs en scène « traditionnels » qui ne travaillent que dans les maisons d'opéra, comme le roumain Pet Halmen à Toulouse. Parmi les metteurs en scène, seul Serge Bagdassarian est à l'origine un acteur (sociétaire de la Comédie française). Il a travaillé sur Là-bas peut-être, l'opéra de Graciane Finzi. Pour regarder de plus près les éléments indiqués dans les textes journalistiques à propos de la mise en scène, j'ai voulu regarder deux opéras de plus près : Le vase de parfum, et L'autre côté, qui ont reçu tous deux de nombreuses critiques. Bien plus d'ailleurs que le Divorzio all'italiana, mis en scène à Nancy par David Pountney. Pour Olivier Py (et Le vase de parfum), les commentaires sont peu fournis. Laurent Bergnach dans anaclase parle juste d'une mise en scène « efficace 261». Michèle Tosi dans resmusica est plus attachée à parler du librettiste que du metteur en scène. Mais c'est lors de la reprise de l'opéra à Lausanne, en janvier 2005, toujours dans resmusica, que le journaliste Jacques Schmitt donne plus d'éléments : « Le public romand, genevois en particulier, voit la venue d’Olivier Py avec une certaine circonspection depuis ses tapageuses mises en scène des Contes d’Hoffmann en 2001 et de La damnation de Faust en 2003. [...] L’idée d’un opéra ayant pour sujet Marie-Madeleine, l’un des personnages bibliques parmi les plus sulfureux des Écritures, pouvait laisser penser que le metteur en scène français s’abandonnerait aux pires facéties. Les amateurs de scandale auront été déçus. D’abord le livret d’Olivier Py est immensément respectueux des livres dont il s’est inspiré et sa mise en scène, incroyablement dépouillée, donne la juste mesure au sérieux du sujet. Alors? Olivier Py se serait-il rangé ? Serait-il devenu un metteur en scène « comme les autres » ? ». 259 260 261 Article du 6 juin 2005, intitulé « Avis de tempête : opéra de la génération Matrix ». Article du 30 novembre 2004, intitulé « Coup de balai pour réécrire ». Article daté du 27 octobre 2004, sans titre. 103 L'opéra permettrait-il de se racheter, dans le sens religieux qu'affectionne Py ? À part cette incise sur la mise en scène, l'interview de Julian Sykes dans Le Temps laisse apparaître principalement le travail de librettiste d'Olivier Py qui y dit : « Marie-Madeleine, c'est moi 262», à la manière de Flaubert pour Madame Bovary. Pierre Gervasoni (Le Monde) parle lui d'une « direction d'acteurs très posée ». Celle-ci, selon Jean-Luc Macia (La Croix), est « irréprochable ». Nous sommes donc dans une sorte de consensus positif, malgré les retenues de Christian Merlin (Le Figaro), qui dit s'être ennuyé. Chacun désigne mollement si le spectacle a plu ou non, avec une sorte de dépit suite à une attente exprimée clairement notamment par Michel Parouty (Les Échos) à propos du travail d'Olivier Py, à l'époque directeur du CDN d'Orléans. Eric Dahan (Libération) dit une seule phrase sur la mise en scène, peu amène en vérité : « Conjuguant la tôle ondulée, le blanc du drap et le rouge du sang, le spectacle d'Olivier Py n'est pas exactement un divertissement 263». Seul hebdomadaire généraliste recensé sur ce spectacle, L'Express ne parle absolument pas de la mise en scène, et se lance dans une exégèse de la figure de Marie-Madeleine, par le biais d'un spécialiste. Parmi la garde montante de la mise en scène française du début des années 2000, on trouve Emmanuel Demarcy-Mota, pour L'autre côté. Contrairement à Olivier Py, qui attire l'intérêt des journalistes, bien que ceux-ci n'expriment que peu de jugements sur la mise en scène et bien plus sur le livret, c'est le nom de Bruno Mantovani qui attire. Pierre-Emmanuel Lephay (anaclase) parle dès l'introduction de son papier d'une « mise en scène extrêmement prenante et imaginative 264». On apprend par lui qu'il s'agit de la première mise en scène d'opéra de Demarcy-Mota. L'article est dithyrambique pour l'ensemble du spectacle. Le ton est plus compassé chez Maurice Ulrich (L'Humanité), qui dit que la mise en scène « sombre et expressionniste est parfaitement tenue […]. Un peu trop peut-être 265». Presque aucune allusion de la part de Bruno Serrou (La Croix), sauf pour lancer un peu perfidement que Demarcy-Mota « s'avère pour ses débuts à l'opéra un vrai directeur d'acteurs 266 ». Là aussi Christian Merlin (Le Figaro) ne tire pas grand plaisir à la mise en scène : « Emmanuel Demarcy-Mota opte pour la suggestion et la stylisation, mais quelle frustration quand on pense au foisonnement d'imagination visuelle de la source ! 267». Pierre Gervasoni (Le Monde) parle de l'efficacité (mot extrêmement utilisé pour la mise en scène) : « Dans un décor 262 263 264 265 266 267 Article daté du 27 janvier 2005, et intitulé « L'amour de Marie-Madeleine pour le Christ est sexué ». Article daté du 28 octobre 2004, et intitulé « Un ''Vase'' où la verve se fait chair ». Article non daté et intitulé « L'autre côté ». Article du 29 septembre 2006, intitulé « Maëlstrom à Musica ». Article du 26 septembre 2006, intitulé « Festival. Coup d'essai, coup de maître au festival Musica ». Article du 26 septembre 2006, intitulé « Musique de notre temps à Strasbourg ». 104 carcéral et métallique, Emmanuel Demarcy-Mota met efficacement en scène le gel des cerveaux et la rébellion des corps 268». L'essentiel des textes va à la description musicale de l’œuvre. Michel Parouty (Les Échos) est le plus disert, mais indique peu de détails autres que sa propre impression : « La mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota, claire, fluide, créatrice d'atmosphère, est pour beaucoup dans cette réussite. Exploitant avec naturel la dramaturgie perpétuellement tendue du livret de François Regnault et de la musique, elle met l'auditeur en condition et ne le lâche plus 269». Seul Georges Aperghis s'est occupé de la mise en scène de son opéra. Tous les autres ont fait appel à des metteurs en scène de métier. Certains ont une implantation géographique précise, notamment Christine Dormoy, avec la compagnie Le Grain, véritable ambassadrice du théâtre musical, qui a été chargée des mises en scène de Génitrix, de Slutchaï (commande d’État de 2012) mais aussi de Vertiges de Jean-Pierre Drouet, issu d'une commande d’État attribuée en 2000, tous trois créés à Bordeaux. Certains metteurs en scènes étrangers ont été invités à travailler sur des créations : David Pountney, pour Divorzio all'italiana, qui est un grand habitué des scènes lyriques européennes et notamment de Londres et de Bregenz ; et le japonais Yoshi Oida, mais installé en France, pour La nuit de Gutenberg. Pet Halmen s'occupe non seulement de la mise en scène, mais aussi des décors, des costumes et de la lumière. Les autres s'entourent d'une équipe de personnes souvent rappelés d'une production à l'autre, pour les décors, les costumes, la lumière et parfois d'autres spécificités. Pour ce qui est des metteurs en scène français, Olivier Py et Michel Rostain (Zaïde actualités) sont en même temps metteurs en scène et librettistes des opéras qu'ils créent. Cela signifie une implication très particulière dans la dramaturgie. Pour eux, le terme de dramaturgie retrouve la double signification décrite par Joseph Danan : « Si l'allemand distingue Dramatiker (l'auteur dramatique) et Dramaturg (le ''dramaturge'', celui qui n'est pas l'auteur de l’œuvre), la même langue n'a qu'un mot pour dramaturgie. […] Derrière le Dramaturg [se trouve] le metteur en scène 270». Pour Pan, Marc Monnet, dans un esprit germanique, a travaillé avec un dramaturge, Pascal Rambert (qui a signé aussi les costumes), longtemps directeur du CDN de Gennevilliers. Pour l'opéra pour enfants Iq et Ox, c'est une scénographe (longtemps associée de Yannis Kokkos et Guy Coutance), Christine Marest Blanc Bernard qui s'occupe de l'ensemble du spectacle. Elle fait appel à un chorégraphe, Hugo Guffanti, pour les mouvements dansés. 268 269 270 Article du 26 septembre 2006, intitulé « Le phénomène Mantovani ». Article du 28 septembre 2006, intitulé « Les dangers du rêve ». Joseph DANAN, op. cit., p. 6. 105 Certains metteurs en scène s'attachent à des fidélités : notamment Michaël Levinas, qui pour La métamorphose, travaille de nouveau avec Stanislas Nordey avec qui il avait créé Les nègres, son précédent opéra. Marie-Aude Roux (Le Monde) parle des références plastiques de Stanislas Nordey, qui, pour évoquer les grandes pattes de la scénographie, « ne cache pas qu’il y a du Louise Bourgeois là-dessous 271». En règle générale, les grands moyens sont donnés par les lieux pour la création d'un opéra. La renommée des metteurs en scène est un critère de succès pour une nouvelle œuvre. Rares pourtant sont les journalistes qui vont plus loin qu'une simple description de ce qui se passe sur scène, leur analyse étant principalement concentrée sur la musique. Mais là encore, chaque opéra a sa propre destinée dramaturgique. Aucun opéra ne ressemble à un autre, avec le travail de ces différents metteurs en scène. Mais ce qui apparaît, c'est que le rôle du metteur en scène sert davantage d'habillage à la musique qu'elle ne permet sa propre mise en valeur. La création lyrique replace le metteur en scène dans une position mineure, par rapport à son statut extrêmement valorisé depuis les années 1980 dans la reprise des œuvres du répertoire. La question de l'avenir de la mise en scène est abordée dans un numéro du magazine belge Alternatives théâtrales 272, consacré à ce thème. Bernard Foccroulle, directeur du Festival d'Aix-en-Provence depuis 2007, s'exprime notamment à propos d'une académie qui selon lui, « constitue un axe essentiel de son développement en direction des jeunes 273 ». Son idée majeure est celle d'une implantation en profondeur dans le tissu local : « ce qui me semble important dans le domaine culturel, c'est de pouvoir travailler dans la durée. On peut alors emmener le public à la découverte d'horizons inconnus ». Il se place dans une recherche principalement dirigée vers la mise en scène, dont il cite les réalisations et où la création est abordée en pointillés : « Nous avons mis en place, dans le cadre de l'Académie à Aix, un atelier destiné à accompagner et conseiller les jeunes créateurs, rassembler des équipes, et préparer des compositeurs, les écrivains, les metteurs en scène à parler un langage commun. Ce fut le cas pour la préparation de Thanks to my eyes274, d'Oscar Bianchi et Joël Pommerat en 2011 275». La particularité du travail de Joël Pommerat implique que le travail de groupe et l'acceptation de ses propres indications sont les conditions sine qua non pour travailler avec lui et entrer 271 272 Article du du 11 mars 2011, intitulé « Kafka mis en sons ». Alternatives théâtrales n°113 – 114, spécial Festival d'Aix-en-Provence, intitulé « Le théâtre à l'opéra, la voix au théâtre », dossier coordonné par Isabelle MOINDROT et Alain PERROUX, juin 2012. 273 « L'opéra, miroir du monde », entretien avec Bernard FOCCROULLE réalisé par Bernard DEBROUX, ibid., p. 66 – 79. 274 J'ai eu l'occasion d'indiquer que cet ouvrage a reçu une aide à la commande d’État dans le domaine du théâtre musical, alors même que selon moi, une telle œuvre est un opéra. 275 « L'opéra, miroir du monde », op. cit., p. 70 – 71. 106 dans son univers, ce qui rend difficile sa réalisation. L'intérêt suscité par son travail et sa créativité en font un phénomène unique et peut-être passager dans le milieu lyrique. Au-delà de lui, il s'agit bien de reposer la question de l'équilibre sur scène, entre une prééminence de la mise en scène ou sa maîtrise au sein d'une œuvre d'art totale. 107 Conclusion L'examen de l'état de la création lyrique en France au tout début du XXI e siècle prend un tour très particulier à travers l'étude d'un groupe d'œuvres aidées par le biais de la commande d’État. Ce système suscitant de la suspicion (concernant la notion d'artiste officiel) m'a obligée à regarder de près la manière dont il s'organise, ainsi que son histoire et ses évolutions. J'ai aussi examiné un autre système de soutien, dédié aux lieux celui-ci, mais qui s'avère complémentaire à la commande d’État dans le champ de l'opéra : le FCL (Fonds de création lyrique) de la SACD. Globalement, entre 2001 et 2013, la politique culturelle a beaucoup évolué, notamment à partir de 2003, en parallèle à la mise en place de la seconde phase de la décentralisation, confirmant des transferts de responsabilités aux collectivités territoriales, elles-mêmes de plus en plus enclines à s'emparer des affaires culturelles 276. On assiste aussi pour la première fois à des diminutions de financements de l’État dans le domaine de la culture, domaine qui reste encore de sa compétence. Cela ne change en principe pas grand-chose dans les opéras, qui en France sont financés majoritairement par les villes, même si ces théâtres s'inscrivent naturellement dans le système largement organisé par l’État, pour certains par le biais d'une politique de labels donnant agrément sur un cahier des charges détaillé dans la circulaire du 31 août 2010. Mais l'opéra n'étant plus un genre uniquement créé et diffusé dans des maisons dédiées, c'est l'ensemble de la construction culturelle du pays, dans le domaine du spectacle vivant, qui est concerné. C'est cette diversité qui oblige à considérer les aspects de la production lyrique dans leur globalité. Il apparaît qu'une fragilité s'installe dans les faits comme dans les esprits. Historiquement, la construction de la politique culturelle de l’État dans le domaine de la musique, née de la constatation de difficultés de survie des musiciens dès les années 1930, confirmée dans les années 1960, demeure en effet la justification qui rend encore essentielle 276 Lire pour cela les détails de l'analyse chiffrée réalisée par Jean-Cédric DELVAINQUIÈRE, François TUGORES, Nicolas LAROCHE et Benoît JOURDAN, Les dépenses culturelles des collectivités territoriales en 2010 : 7,6 milliards d'euros pour la culture, Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, Culture chiffres, mars 2014. 108 l’existence d'un système d’État qui prenne en charge une partie de leurs besoins, surtout dans une période où la musique classique et ses métiers constituent de moins en moins, et ce pour la majorité de la population, une activité reconnue 277. Environnée de musiques, avec un accès facilité par un internet devenu omniprésent et dont il est difficile de mesurer tous les effets, la société actuelle a une méconnaissance du métier de compositeur, avec une tendance à croire que quiconque peut s'improviser créateur dans ce domaine 278. La commande d’État n'est qu'un élément du système musical globalement mis en place depuis la fin des années 1960, d'autant plus visible qu'il consiste en une aide directe de l’État aux compositeurs. Ceux-ci malgré tous leurs doutes la trouvent indispensable, comme l'a étudié Éric Tissier. Ils reçoivent en outre des subsides par le biais d'institutions elles-mêmes subventionnées par l’État, et de plus en plus par les collectivités territoriales, sans que cela provoque autant de questionnements. Le ministère de la Culture a donc tenté d'améliorer ce système au fur et à mesure des années, malgré ses propres doutes sur son bien-fondé et son utilité. Sa disparition programmée durant les années 1970, au profit de structures redistributrices, d'autres type de lieux de création, a provoqué on l'a vu une augmentation des demandes d'aides individuelles. Il apparaît que très peu de compositeurs font une demande pour l'opéra. En effet, avant toute demande (et c'est l'un des trois critères considérés par les commissions), ils doivent pouvoir prouver que leur œuvre sera effectivement créée. La présélection est faite en amont par les directeurs des lieux qui recevront le nouvel opéra. Franchir cette étape représente la difficulté 277 Olivier DONNAT, sociologue au Département des Études et de la Prospective et des Statistiques (DEPS) du ministère de la Culture et de la Communication, fait un travail de longue haleine concernant les publics, et examine régulièrement leurs pratiques et les évolutions les conduisant à reconnaître tel artiste plutôt qu'un autre dans son panthéon personnel. Une étude récente examine Les connaissances artistiques des Français ; éléments de comparaison 1988 – 2008, publiée par le DEPS en 2012. Le résumé annonce : « Les noms de trente artistes couvrant la plupart des formes artistiques, des plus populaires aux plus légitimes, ont été proposés dans le cadre de l’enquête Pratiques culturelles des Français en 1988 et en 2008, afin de disposer, au-delà des pratiques, d’une mesure des connaissances artistiques des Français. […] La comparaison des résultats à vingt ans d’écart montre que la proportion de Français déclarant spontanément connaître les artistes de la liste ne serait-ce que de nom a progressé en vingt ans dans la grande majorité des cas, mais que la véritable connaissance, en revanche, mesurée par la capacité à préciser le domaine d’activité de l’artiste, est restée stable. Cette stabilité masque une double dynamique générationnelle : la connaissance des artistes a progressé parmi les générations nées avant la moitié des années 1960 mais recule parmi les jeunes générations âgées de moins de 45 ans. Cette érosion générationnelle concerne tous les noms de la liste relevant de la culture scolaire ou classique, à l’exception des grands noms du patrimoine artistique – Molière, Mozart et Van Gogh – dont la notoriété a progressé : ainsi Flaubert, Nerval mais aussi Mahler ou Boulez sont non seulement moins connus des jeunes générations mais également moins appréciés, signe d’un effacement relatif de la légitimité de la culture scolaire ou cultivée ». 278 Des logiciels de plus en plus sophistiqués donnent les moyens à des novices en matière musicale d'écrire de la musique sans avoir une connaissance approfondie du solfège et de nombreux musiciens sont désormais impliqués dans des expériences musicales, notamment d’improvisation, sans avoir étudié de manière classique leur instrument. 109 la plus consistante pour le compositeur. Il apparaît aussi que les directeurs sont plus ou moins investis dans la recherche de moyens complémentaires par rapport aux financements de fonctionnement qui leur sont attribués (au FCL) et semblent plus ou moins prompts à pousser les compositeurs à faire une demande d'aide à la commande d’État. Trente-sept dossiers lyriques seulement ont été examinés par la commission pendant la période allant de 2001 à 2013, et le montant des aides aux compositions de plus grand format, bien que réévaluées dans le temps 279, ne dépasse pas 38 500 € par production. Et sur la même période, le nombre des demandes annuelles a plafonné à six en 2004, et est tombé à zéro pendant deux années (2007 et 2008). Les compositeurs d'opéra ne procèdent pas spontanément à une demande d'aide par ce biais, qu'il s'agisse ou non de productions fragiles (reste à savoir quelle est la limite de cette fragilité). Défaut d'information ou satisfaction par rapport au revenu donné par les lieux qui passent commande, l'aide au compositeur par ce biais est un complément, malgré la diminution progressive de la marge artistique de certaines maisons. L'inspecteur en charge de la commande d’État, Fernand Vandenbogaerde, constate un déclin global du nombre de dossiers sur les grands formats tout au long de la période. Signe de la fragilité des propositions de l’État dans le domaine culturel, la réponse portée par l'édition d'une fiche sur la commande d’État en 2005, issue des « sept priorités d'action » du ministère de la Culture, cherchant à favoriser les grands formats et consistant en une simple proposition, n'a pas donné de résultats 280. Si le système de la commande d’État (dorénavant aide à l'écriture d’œuvres nouvelles originales) perdure, certaines propositions faites, déjà indiquées dans le rapport Surrans, pourraient être mises en place, au-delà de la poursuite de l'amélioration du fonctionnement des commissions (par l'institution de rapports écrits de la part de ses membres, notamment, mais aussi par une veille constante face aux pressions exercées par certains groupes esthétiques) : notamment améliorer la connaissance du système, et le suivi des commissions par une communication appropriée à propos des réalisations effectives des commandes. Cela pourrait se faire soit par l'intermédiaire du CDMC, avec une mise à jour plus complète des œuvres effectivement créées suite à ces attributions, soit directement. Bien entendu, le manque de communication autour des œuvres soutenues par le biais de la commande d’État s'explique par la nécessité pour l’État de maintenir une neutralité au-delà de tous soupçons.Il 279 280 En 2004, elle est de 31 000 €. Ministère de la Culture, « Revisiter notre politique de soutien à la création », Étendre le territoire de la musique : sept priorités d’action, dossier de presse, 23 septembre 2005. 110 serait sans doute temps d'en interroger les limites. Une autre problématique concerne bien entendu les personnels disponibles pour ce type de travail. Si le système de la commande d’État devait s'arrêter, il serait absolument nécessaire de trouver les moyens de compléter les besoins en production des lieux, qu'ils soient des opéras dédiés ou non. Par l'examen spécifique de quinze des dix-huit œuvres aidées sur cette période, j'ai abordé tant les aspects liés à la production que ceux liés à l'esthétique. L'étude des articles de presse (écrite et sur internet) a été l'un des principaux biais de cette étude. La différence de traitement entre un compositeur et un autre de la part des quotidiens nationaux est particulièrement forte parmi les opéras étudiés. Et si Paris reste le centre de l'activité culturelle française, cela n'entre pas dans les critères de sélection des opéras de la commande d’État, puisqu'un seul d'entre eux y a été créé spécifiquement (Re Orso de Marco Stroppa, à l'Opéra Comique). On s'aperçoit au total, que le traitement de la presse quotidienne nationale sur les créations d'opéras reste étonnamment important, considérant ses difficultés et la diminution de la place dédiée à la culture dans ses pages. La décennie qui ouvre le XXIe siècle apparaît comme un moment où l'opéra, sorti vainqueur des diatribes ouvertes contre lui au XX e siècle, non seulement se réapproprie ses traditions mais s'ouvre de plus en plus à de nouvelles expérimentations esthétiques. En effet, une véritable contamination relie désormais les deux genres de l'opéra et du théâtre musical. Dans la liste des compositeurs ayant bénéficié de l'aide à la commande d’État sur l'opéra, on trouve en effet Georges Aperghis et Marc Monnet, longtemps hérauts d'une opposition farouche au genre opéra par le biais du théâtre musical. Dans ce dernier domaine, l'examen des projets d'œuvres de très petite forme (toujours pour la période entre 2001 et 2013, en lien avec Fernand Vandenbogaerde pour la demande d'aide à la commande d’État) font montre d'une extrême variété. À tel point que ce secteur nécessiterait une analyse particulière, car de nombreuses œuvres n'ont parfois pas grand-chose à voir avec le théâtre musical, notamment dans leur absence de mise en scène 281. Suite à quoi, une réflexion pourrait être posée sur l'opportunité ou non de fusionner les secteurs opéra et théâtre musical. La diffusion des créations lyriques reste très limitée, qu'il s'agisse d’œuvres de petit comme de grand format. L'observation des opéras au corpus, montre que certaines productions, plutôt de 281 Et ce pour se démarquer aussi de ce que Pierre Boulez a violemment qualifié d'« opéra du pauvre » en 1992, ainsi que le cite Aude Ameille, Aventures et nouvelles aventures de l'opéra depuis la Seconde Guerre mondiale : pour une poétique du livret, op. cit., p. 72. 111 petite dimension, ont eu une existence hors des lieux de création, notamment par le biais du réseau Varèse 282, dont Avis de tempête, de Georges Aperghis et Aliados, de Sebastian Rivas. Autre œuvre de dimension moyenne ayant bénéficié de diverses reprises, sans le réseau Varèse, sans l'aide du FCL : Là-bas peut-être créé à Lille a été repris quatre ans après à l'Opéra national de Montpellier, à La Rochelle et à la Maison des Métallos à Paris. Un autre opéra ayant particulièrement bien tourné sans l'aide du FCL est Le vase de parfum, de Suzanne Giraud. Deux œuvres de grand format ont bénéficié d'une reprise quelques années après la première création : il s'agit du Faust de Fénelon, créé à Toulouse et repris quatre ans plus tard à l'Opéra national de Paris (avec l'aide du FCL) et de Divorzio all'italiana de Battistelli, créé à Nancy et repris cinq ans plus tard à l'Opéra de Bologne (sans aide). Les réseaux des directeurs comme des compositeurs sont essentiels dans cette vitalité, qui reste malgré tout très limitée pour les opéras de grand format. Le compositeur d'opéra doit toujours démontrer un métier particulier, et doit, même après des chemins détournés, voire un passé d'autodidacte, passer par une formation structurée et reconnue, qui n'est plus seulement le CNSMDP, qui reste quand même pour nombre des compositeurs un sésame important. Parmi les opéras aidés à la commande d’État, il apparaît un questionnement concernant la dramaturgie inexistante (ou bien plutôt différente) de certaines œuvres. L'opéra, genre hybride par excellence, intègre des éléments issus d'une tradition de quatre siècles, tradition ellemême soumise à des variations, mais constamment liées à la scène. Contrairement à la définition d'Aude Ameille, qui indique qu'une des composantes de l'opéra est d'avoir une dramaturgie très construite, il apparaît que l'opéra du XXIe siècle peut aussi ne pas en avoir ou bien qu'elle soit différente. Comme j'ai pu l'indiquer tout au long de ce mémoire, cette progressive disparition (ou transformation) n'est pas seulement le fait des trois opéras cités (Il canto della pelle, Avis de tempête et Pan) mais bien d'une nouvelle façon de raconter les histoires qui, en ce début de XXIe siècle, est considérée davantage comme le développement d'une thématique. La fin de la dramaturgie traditionnelle s'est manifestée en parallèle à l'arrivée d'un cinéma français moins construit de ce point de vue-là (les films d’Éric Rohmer en sont des exemples, poursuivis jusqu'à maintenant et dont on trouve des éléments chez des cinéastes tels que Sofia Coppola), avec des fils dramaturgiques extrêmement succincts, de 282 Le réseau Varèse s'est constitué en 1999, autour de l'ensemble T&M, avec pour objet de réunir des lieux de musique contemporaine en Europe et de faire circuler certins projets. En 2014, le président est Antoine Gindt (directeur de T&M), un des vice-présidents Jean-Dominique Marco (directeur du festival Musica). 112 même qu'au théâtre, où les dramaturges axent leurs textes autour d'une idée plus que d'une histoire traditionnellement constituée d'un début, d'un milieu, d'une fin et de développements parallèles. On s'interroge aussi au théâtre sur la fin de la dramaturgie traditionnelle, et l'adresse au public par le monologue, institué en clé de lecture principale, devient progressivement la norme. De fait, pourquoi l'opéra devrait-il avoir une évolution différente et loin de son siècle ? La disparition ou le détournement de la dramaturgie vont vers une réalisation scénique mixte : les spectacles des chorégraphes belges comme C. de la B., Peeping Tom, Sidi Larbi Cherkaoui, ou Jan Lauwers, sont l'exemple de ces mélanges, extrêmement attractifs pour un public aimant les changements rapides dans la manière de dire le texte, entre dialogues théâtraux et adresses directes au public, avec une accélération des mouvements scéniques. Ils sont issus aussi des recherches d'un théâtre allemand dont par exemple Falk Richter est un représentant, et du théâtre postdramatique, notamment avec la notion de textes dédramatisés, avec Hans-Thies Lehman 283. C'est une marque du début du XXIe siècle dont il sera intéressant de suivre les effets. Car le besoin d'une histoire, loin d'être la marque d'un spectacle dépassé, voire simpliste, est le fondement des sociétés occidentales, marquées par le ferment des mythologies et des tragédies, aux larges vertus cathartiques. Mais ce refus entre peut-être dans les questionnements sur la fin du sacré, recherche dont s'emparent certains universitaires. L'aspect scénique des opéras s'en trouve fortement modifié, suspendu aux effets sonores mis en place par la mise en scène de la musique et de l'électronique, dans une sorte d'envahissement de l'espace. Les questions d'ordre esthétique abordées dans ce mémoire ont mis en avant diverses caractéristiques de la création. Si l'on met en rapport ces idées avec l'analyse globale en trois dimensions qu'en fait Hervé Lacombe 284, on se rend compte que le XX e siècle est largement dépassé. L'avant-gardisme, qui a longtemps été le moteur musical du XXe siècle, est semble-til entré en sommeil. Dorénavant, les compositions mélangent allègrement passé, présent et futur, savant et populaire, et on trouve tout cela dans la plupart des opéras étudiés dans le cadre de cette recherche. Christian Wasselin l'exprime avec enthousiasme : « L’opéra participe du copier-coller phénoménal qui est la marque de notre temps. [...] Il y a une ivresse éternelle de l’opéra, celle qui procède de l’éternel conflit du son et du sens, du désir de raison joint au besoin de s’abandonner 285». Malgré tout, on peut voir que les opéras de grand format que sont Faust, Génitrix et L'autre 283 284 285 Didier PLASSARD (textes réunis par), Mises en scène d'Allemagne(s), CNRS Éditions, 2013. Hervé LACOMBE, Géographie de l'opéra au XXe siècle, op. cit. Christian WASSELIN, « L'opéra ou les délices de la restauration », Le Débat, 2002/2 n° 119, p. 182. 113 côté, conservent un fort aspect traditionnel, par rapport aux opéra de plus petit format, dû sans doute à l'utilisation des masses artistiques des maisons qui les produisent, mais surtout au manque de prises de risque dans ce domaine. Les directeurs de lieux sont certainement inquiets de confier une création de grande forme à un compositeur qui n'aurait pas démontré sa capacité à l'affronter selon des codes pré-établis : ce n'est sans doute pas une bonne raison, mais le constat est celui-là. Exemple de la liberté acquise par les opéras de plus petit format : l'utilisation de l'électronique y est très développée. Alors qu'elle tend à rester extrêmement faible, voire totalement inexistante dans les grandes formes. Et l'idée selon laquelle la dramaturgie ne permettrait pas de sortir de la tradition est totalement contredite par certains opéras de petite forme : La métamorphose et Le vase de parfum par exemple. Toutefois, il s'agit d'une dramaturgie nouvelle, peu développée dans l'action, mais qui implique de faire une sorte de photographie d'une situation : l'exemple pour Le vase de parfum raconte la mort de la sœur de Marie-Madeleine, occasion de l'expression de sentiments, de l'évocation de souvenirs, et de réflexions philosophiques et religieuses. C'est ce que l'on trouve dans les opéras basés sur des faits-divers, qu'ils soient d'une réalité crue (la mort d'une femme battue par son mari dans Zaïde actualités) ou issus d'un fait politique détaché de l'actualité (la rencontre entre Margaret Thatcher et Augusto Pinochet a bien eu lieu, mais on ne connaît pas le contenu de leurs conversation dans Aliados). Nous sommes donc là dans un temps bref, non entièrement dénué d'une dramaturgie classique, mais développée différemment. La métamorphose elle-même est une réflexion avant d'être le récit de la transformation de Gregor Samsa en cloporte. De fait, la durée totale des opéras en est réduite. Les grandes formes restent autour des deux heures, tandis que les formes plus petites ont une durée d'environ une heure. Cela pourrait signifier que la grande forme opératique doive opérer une mue radicale ces prochaines années, ou bien elle sera amenée à disparaître. C'est un vrai défi artistique, qui pourrait tout à fait représenter la vision du futur pour ce genre, qui démontre actuellement un besoin de se régénérer par un retour à des formes plus petites. Il est tout à fait intéressant de voir que le directeur d'un festival international, Bernard Foccroulle, à Aix-en-Provence, indique très clairement : « Je conseille souvent aux jeunes compositeurs (et aussi aux moins jeunes!) d'écrire un opéra pour quelques chanteurs et un orchestre de chambre, car cela augmente à la fois les chances de réussite artistique et facilite l'implication du public 286». 286 « L'opéra, miroir du monde », entretien avec Bernard Foccroulle réalisé par Bernard Debroux, in Alternatives théâtrales n°113 – 114, spécial Festival d'Aix-en-Provence, intitulé « Le théâtre à l'opéra, la 114 Il confirme ainsi que les petites et moyennes formes seraient l'avenir (voire déjà le présent) de l'opéra. Dans quelle mesure les compositeurs eux-mêmes sont-ils trop timorés pour affronter ce type d’œuvres ? Pour ne citer qu'un exemple hors commande d’État, le compositeur Thierry Escaich s'est attaqué à une grande forme pour l'Opéra national de Lyon, avec Claude, en mars 2013, sur un livret de Robert Badinter (à partir de Victor Hugo). L'utilisation des masses y est riche. Le sujet est sensible, puisqu'il s'intéresse à l'emprisonnement. Mais les chanteurs solistes reçoivent une écriture trop plate, qui correspond tout à fait à ce qui est dit des grands opéras inscrits au corpus : à un orchestre et un chœur extrêmement raffinés se confrontent des solistes dont la ligne mélodique ennuie, ce qui est très dommage. Marie-Aude Roux (Le Monde) écrit à son sujet : « La musique de Thierry Escaich évoque [...] une sorte de surpeuplement carcéral, qui utilise les couleurs de l'orchestre avec une impétuosité proche des rutilances d'un plein jeu d'orgue. C'est d'ailleurs cette luxuriance qui rend parfois difficile la marche du parcours vocal, notamment celle du faible contre-ténor Albin 287». Les difficultés rencontrées par les directeurs de grandes maisons d'opéras, avec orchestre et chœur stables, à faire vivre leur lieu, combinées aux difficultés qu'ils ont de faire travailler des compositeurs sur des grandes formes qui seraient l'expression de leur époque, représente un risque important pour l'avenir. L'opéra qui se réduirait à des petits formats met clairement en danger l'existence même des maisons d'opéra traditionnelles et des masses artistiques et techniques stables. La muséification qui semble être le mauvais pli de notre société au sein des institutions classiques risque de s'amplifier jusqu'à l'étouffement d'une partie d'entre elles, à moins d'une régénération des grandes formes, encore trop peu nombreuses et qui doivent de fait être soutenues. L'examen de dix-huit œuvres n'a pu être qu'une approche très parcellaire d'un ensemble bien plus vaste nécessitant notamment des interviews avec les compositeurs et les librettistes, ainsi qu'avec les producteurs. C'est certainement l'intérêt qu'il y aurait à continuer ce thème dans le cadre d'une étude plus large, dont le sujet dépasserait la seule question de la commande d’État. Il a permis malgré tout de poser les questions de l'avancée et de la recherche musicales, intrinsèques d'un genre par définition en perpétuelle évolution, au sein d'un système clairement politique. Les principes de sélection des œuvres dans les systèmes actuels sont appelés eux aussi à évoluer et c'est bien ce qui caractérise la commande d’État, attachée 287 voix au théâtre », dossier coordonné par Isabelle Moindrot et Alain Perroux, juin 2012, p. 66 – 79, ici p. 70. Article daté du 28 mars 2013, intitulé « ''Claude'', un chant qui monte de l'enfer des prisons ». 115 au fil des années à ne pas coincer l'identité musicale des œuvres, et ici des opéras, dans une seule esthétique. Une réflexion globale permettrait de réinterroger les besoins et les exigences. Il reste aux compositeurs à être plus clairement responsables de leurs avancées et à déposer des demandes d'aides permettant un partage d'avis plus subtil que ce qu'il n'est actuellement où le choix se fait en définitive par défaut. Par le prisme de la commande d’État, il est intéressant de constater que les choix effectués par les commissions renouvelées annuellement sont, sans que les diverses commissions puissent en être réellement conscientes, l'expression de la société qui les entoure. Les influences de certains groupes sont limitées par le travail super partes de l'inspection et du renouvellement annuel des membres de la commission. Il n'en demeure pas moins qu'une part de subjectivité persiste à s'exprimer, malgré toute l'attention portée à ne pas privilégier un courant au dépend d'un autre. Ce type de limitations a été longtemps le fruit d'oppositions esthétiques vives dont les dernières années semblent davantage exemptes, malgré quelques restes anachroniques de l'opposition entre écriture tonale et atonale. Il me semble que pour qualifier l'intérêt éthique constitué par le système de la commande d’État, cette réflexion de Joëlle Sask soit des plus indiquées : « Le droit d'avoir un avis et de le donner n'est pas plus accessoire que celui de créer des œuvres. En art comme ailleurs, la liberté d'opinion conditionne sa formation. [...] Participer n'est pas jouir de l'absence de contrôle mais agir, influer concrètement sur le cadre, les conditions, les formes de sa propre existence ; avoir un mot à dire concernant la vie commune et l'opportunité en terme d'écoute, de lieu, de compétence linguistique, d'individualité, de le dire effectivement, et de manière à ce qu'il soit entendu […]. Kant l'avait déjà indiqué : la formation du jugement de goût individuel est conditionnée par la formation d'une communauté de goût. Il représente l'antichambre de la démocratie parce qu'il est indissolublement personnel et commun : je considère comme belle une œuvre en raison de l'état d'intensité et de plaisir dans lequel elle me plonge tout en ''prétendant'' (c'est l'expression qu'emploie Kant) à l'assentiment d'autrui 288». Pour conclure, il me paraît intéressant d'élargir mon propos vers une rapide observation des créations qui ont eu lieu à l'Opéra national de Paris depuis 1900 (liste établie par Aude Ameille en annexe de sa thèse). Le nombre de créations est bien plus important avant qu’après la deuxième guerre mondiale, jusqu’à quatre par an (en 1934 par exemple), mais plus aucune d'entre elles n'est jouée à présent, à la notable exception de Perséphone d'Igor Stravinsky, qui est une « musique de scène en forme de mélodrame en trois tableaux ». Ce qui est qualifié de crise de l’opéra ''contemporain'' ne date donc pas de la fin de la deuxième guerre mondiale. Elle était déjà là avant-guerre et n'a fait que se poursuivre et s'amplifier. 288 In L'observatoire / La revue des politiques culturelles n°41 / Hiver 2012 - Art, culture et philosophie : matière à penser, dossier coordonné par Lisa Pignot et Jean-Pierre Saez / Question n°9 : « Art et démocratie sont-ils antinomiques ? » p. 51 à 56, article de Joëlle Sask, enseignant-chercheur, maître de conférence HDR – université de Provence (p. 56). 116 D'où un questionnement nécessaire : s'agit-il vraiment d'une crise, ou bien du cours normal de la création ? Et si cela fait partie du cours normal de la création, n'est-il pas du devoir d'une institution comme l'Opéra de Paris d'en être un fervent défenseur ? 117 Bibliographie 1 / Sources Documents et rencontre d'agents du ministère de la Culture et de la Communication : en particulier Fernand VANDENBOGAERDE (Inspecteur DGCA jusqu'au 20 avril 2014, en charge de la commande d’État), Brigitte BIGORGNE (DGCA), Sylvie PÉBRIER (Inspectrice DGCA), Catherine FOREST (DGCA jusqu'au 31 décembre 2013), Catherine LEPHAYMERLIN (DGCA), Michel DECOUST (compositeur, ancien inspecteur au ministère de la culture). Ministère de la culture, Plan de dix ans pour l'organisation des structures musicales françaises, du 22 juillet 1969. Ministère de la culture, Charte des missions de service public pour le spectacle, circulaire du 22 octobre 1998. 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Année d'attribution 2001 2002 Auteur Titre Année et lieu de création Oscar Strasnoy Claudio Ambrosini Midea (3) Il canto della pelle (Sex unlimited) 2002 2002 2003 Là-bas peut-être Le vase de parfum Avis de tempête 2005 Graciane Finzi Suzanne Giraud Georges Aperghis Laszlo Tihanyi Philippe Fénelon Giorgio Battistelli Bernard Cavanna Bruno Mantovani Marc Monnet Aucune information 2006 - Festival Musiques en scène, à l'auditorium de l'Opéra national de Lyon 2003 - Le Grand Bleu, Lille 2004 - Angers-Nantes Opéra 2004 - Opéra National de Lille 2006 André Bon Iq et Ox 2009 2009 Michaël Levinas Martin Matalon La métamorphose Il ne faut pas boire son prochain 2009 Sebastian Rivas Aliados 2010 2011 Marco Stroppa Philippe Manoury Oscar Strasnoy Nicolas Bacri Re Orso La nuit de Gutenberg 2003 2004 2005 2005 2005 2012 2013 Genitrix Faust Divorzio all'italiana Zaïde actualité L'autre côté Pan Slutchaï Cosi fanciulli 2007 - Opéra National de Bordeaux 2007 - Théâtre du Capitole, Toulouse 2008 - Opéra National de Lorraine, Nancy 2005 – Scène nationale de Quimper 2006 – Opéra national du Rhin / Festival Musica, Strasbourg 2005 – Opéra national du Rhin / Festival Musica, Strasbourg 2009 - Opéra-théâtre de Metz Métropole 2011 - Opéra National de Lille Prévu pour être créé en 2010 (Grand théâtre de Provence, Aix-enProvence). N'a pas pu être composé. En conséquence, e compositeur n'a pas reçu l'aide à la commande d’État. 2013 - Centre Dramatique National de Gennevilliers 2012 - Opéra Comique, Paris 2012 – Opéra national du Rhin / Festival Musica, Strasbourg 2012 - Opéra National de Bordeaux 2014 - Scène nationale de SaintQuentin en Yvelines 124 Annexe II LA COMMUNICATION DE LA COMMANDE D'ÉTAT AUX COMPOSITEURS Informations mises à disposition des compositeurs dans le site du CDMC jusqu'en 2013 (à partir de cette date, seul le nom change : la commande d’État devient l'Aide à l'écriture musicale d’œuvres nouvelles originales). À ces informations, s'ajoutent pour chaque année, les noms des membres des commissions, et les noms des compositeurs retenus dans chaque secteur. Commandes d’État Pour toute demande d'information concernant les commandes d’État, contacter la Direction générale de la création artistique (DGCA) au ministère de la Culture et de la Communication, au 01 40 15 89 35. • • • • • Principes généraux Historique La commission Conditions d'accès et critères Constitution du dossier (...) Principes généraux La procédure des commandes musicales constitue pour l’État l'un des principaux moyens de soutenir la création et d'apporter une aide directe aux compositeurs. Elle a pour effet de susciter des œuvres nouvelles, d'améliorer les conditions de travail du compositeur et de favoriser la rencontre entre les différents acteurs de la création musicale. Elle conduit également à apporter aux compositeurs une reconnaissance par l’État de leur métier et de leur travail et soutient l'effort accompli par les structures de création, de production et de diffusion présentant au public les œuvres commandées ; de plus, elle favorise une répartition équilibrée sur le territoire des projets aidés. Les commandes musicales contribuent à l'existence d'une création musicale contemporaine, car sans un soutien financier direct ou indirect, celle-ci ne trouve que rarement les conditions économiques de son existence. Tout compositeur peut solliciter une commande musicale auprès des services de la DGCA (Direction générale de la création artistique). Il n'existe ni limite d'âge, ni âge minimum, ni condition relative à la nationalité dès lors que l'œuvre faisant l'objet de la demande est interprétée par un orchestre ou un ensemble français et/ou est créée en France. Il n'est pas nécessaire de faire valoir un diplôme musical, ni une éventuelle notoriété. Aucune information relative au style du compositeur n'est non plus discriminatoire pour la recevabilité des candidatures. Historique Dans les archives de la DGCA, les premiers documents relatifs aux commandes passées à des compositeurs datent de la Libération. Au cours des années 50, les commandes étaient 125 attribuées sur simple décision administrative et sans consultation d'experts extérieurs à l'administration. C'est à partir des années 60 que cette procédure s'institutionnalise, avec un nombre croissant et régulier de commandes octroyées chaque année, et la mise en place d'une commission composée de professionnels. En 1990, cette procédure s'ouvre à un plus grand nombre de genres musicaux, en particulier : jazz, musiques traditionnelles, spectacles pluridisciplinaires (chorégraphique, cinématographique et dramatique), aussi bien que des musiques à destination des amateurs, du chant choral, de la pédagogie et plus récemment de la chanson et des installations sonores. La procédure des commandes d’État est bien reçue dans son principe et dans son fonctionnement par une très grande majorité des acteurs de ce secteur. Elle a subi un certain nombre de transformations au cours des années et a été révisée dans ses modalités à l'issue de réflexions entreprises avec les professionnels en 1992 et en 2006. Elle n'a jamais été remise en cause dans son principe et demeure du ressort d'une commission nationale organisée par la Direction générale de la création artistique. La commission Pour autoriser de vrais débats, les membres de la commission des commandes sont à la fois peu nombreux et représentatifs de l'ensemble de la profession. Les treize membres, outre le président, se répartissent en six compositeurs, deux diffuseurs, deux interprètes et trois inspecteurs de la musique. Ils sont choisis pour leur capacité à apprécier, dans des conditions de temps contraintes, des demandes présentées sur la base de documents écrits (partitions) ou sonores (CD, DAT). En raison de la spécificité de certains dossiers (jazz, musiques de spectacles chorégraphiques, dramatiques, cinématographiques, musique traditionnelle…), la composition de la commission est partiellement modifiée selon les demandes étudiées, de façon à pouvoir y adjoindre les compétences particulières requises. Chaque membre est rapporteur d'un certain nombre de dossiers. La présentation de chaque projet repose sur une étude préalable de chacune des demandes de commande ; elle est suivie par des échanges fondés, la lecture des partitions et l'audition des documents sonores. Le président de la Commission dirige les débats et veille à leur bon déroulement. Il ne participe pas aux rapports introductifs, mais prend part à la discussion et au vote sur chaque dossier. Les membres sont renouvelés chaque année et leur nom tenu secret jusqu'à la commission ; le vote se déroule à bulletin secret. Les éléments attendus du rapport portent sur les points suivants : - le trajet personnel et professionnel du compositeur. - les circonstances de l'exécution de l'œuvre : organisme créateur, interprètes, lieu, date, reprises prévues ; objectifs de travail (en particulier dans le cas de commandes pédagogiques). - l'indication des partitions ou des extraits de documents sonores importants à faire connaître à la commission. Les principales consignes données aux membres de la commission, outre la confidentialité des débats, sont les suivantes : Pour permettre un examen approfondi des dossiers et éviter un vote couperet, chaque membre de la commission a, pour chacun des dossiers, à se prononcer indépendamment sur trois 126 critères : - 1/ technicité et métier du compositeur - 2/ intérêt artistique et originalité du projet musical - 3/ intérêt de la production et perspective pour la vie de l'œuvre. Une information sur le nombre de commandes obtenues précédemment par le compositeur porteur du projet est donnée. La commission se réunit une fois par an, elle est constituée de deux collèges. Premier collège • • • • • Opéra Œuvres symphoniques Ensembles instrumentaux et/ou vocaux Petits effectifs ou solos ou groupe constitués jusqu'à 8 instruments Musique électroacoustique sur support Deuxième collège • Spectacles Musicaux : Théâtre musical, spectacles chorégraphiques, dramatiques, cinématographiques • Installations sonores • Œuvres d'intérêt pédagogique • Œuvres pour la pratiques des amateurs, Chorales, Harmonies et fanfares • Musiques traditionnelles • Jazz • Spectacles de chansons. Cette répartition vise à permettre l'application de barèmes propres à chacune de ces catégories. Elle n'est là cependant qu'à titre indicatif, un certain nombre de pièces pouvant ressortir de plusieurs d'entre elles ou, à l'inverse, n'entrer « stricto sensu » dans aucune. Le cas échéant, la commission peut donc se réserver le droit de reclasser une demande de commande, qui lui paraîtrait improprement distribuée, dans une autre catégorie. Conditions d'accès et critères Pour qu'une candidature soit examinée par la commission, il faut que le projet remplisse les conditions suivantes : - obligation de diffusion : engagement écrit d'une structure à diffuser au moins une fois l'œuvre en public - un compositeur ne peut présenter plus d'un dossier par commission. Par ailleurs, il ne peut pas obtenir de commande deux années consécutives, à l'exception des commandes relatives à la pédagogie et à la pratique des amateurs, l'objectif étant de favoriser la production d'œuvres nouvelles dans ces domaines précis. Constitution du dossier Les dossiers de demandes de commandes musicales doivent être demandés par courrier entre le 1er octobre et le 30 novembre ; la commission se tient généralement le printemps qui suit. Ils doivent être retournés, accompagnés des pièces complémentaires (liste jointe), par courrier postal ou remis à la DGCA (délégation à la Musique) avant le 1er décembre de 127 l'année qui précède l'année de la commission, délai de rigueur, le cachet de la poste faisant foi. Les projets examinés ne devront pas avoir été représentés en public (tout ou partie) avant le 31 mars de l'année où se tient la commission qui examine la demande. Dans l'intérêt du compositeur et afin de faciliter le travail de la commission, il est particulièrement important d'adresser un dossier complet comprenant la fiche de renseignements scrupuleusement remplie et l'ensemble des documents demandés. Tout dossier incomplet ne sera pas présenté à la commission. Les dossiers de demandes de commandes musicales, accompagnés des complémentaires devront être remis ou adressés par courrier postal à l'attention de : pièces Madame Brigitte Bigorgne DGCA Délégation Musique 62, rue Beaubourg 75003 PARIS DOCUMENTS A JOINDRE au dossier de COMMANDE MUSICALE - Lettre du compositeur sollicitant une commande d’État pour l'œuvre qu'il s'engage à écrire. - Lettre rédigée à l'attention du Directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (sic) et signée par le responsable de l'organisme créateur s'engageant à faire interpréter l'œuvre commandée au compositeur. - Lettre rédigée à l'attention du Directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (sic) et signée par le directeur du lieu de diffusion de l'œuvre si cette structure est différente de celle qui interprète l'œuvre. - Curriculum vitae du compositeur et catalogue des œuvres. - Partitions (au maximum 3) et enregistrements (disque compact ou DAT) d'œuvres déjà composées, les plus représentatives de la démarche du compositeur et du projet présenté. Il est demandé aux compositeurs de ne pas joindre de cassettes audio. - Les partitions ou maquettes d'enregistrement de l'œuvre faisant l'objet de la demande de commande ne devront pas être jointes au dossier. - Les compositeurs devront expressément indiquer, parmi les éléments envoyés, les plages des morceaux qu'ils souhaitent que les membres de la commission entendent. - Pour les musiques de spectacle (opéra, spectacle dramatique, chorégraphique et cinématographique) : livret, synopsis ou argument de l'œuvre. - Pour les spectacles musicaux (opéra, théâtre musical, spectacles dramatiques, chorégraphiques, cinématographiques) : descriptif mettant notamment en évidence le lien entre la partie musicale et l'argument. - Pour les œuvres d'intérêt pédagogique : joindre un projet détaillé (mode de travail envisagé avec les élèves/étudiants…). - Relevé d'identité bancaire ou postal du compositeur. Pour les paiements à l'étranger : attestation officielle de la banque où le compositeur détient un compte. 128 Annexe III LES CHIFFRES CLÉS Nombre de compositeurs aidés / Montant global de l'aide / Nombre d'opéras aidés. Janine CARDONA et Chantal LACROIX, Chiffres clés de l'année 2013, La documentation française, Ministère de la culture et de la communication, Direction de l'administration générale, Département des études et de la prospective de 2001 à 2013. Année Nombre de Montant total Nombre 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 compositeurs aidés 90 64 97 83 66 61 58 47 50 51 43 57 669 000 663 000 855 000 858 000 653 000 610 000 -455 000 469 000 496 000 517 000 558 000 d'opéras aidés 1 3 2 1 4 1 0 0 3 1 1 1 En 2007 : montant non connu, malgré une réunion de la commission. 129 Annexe IV LES REFUSÉS – PROPORTIONS ENTRE 2001 ET 2013 À partir des listes consultées à la DGCA (source : Fernand Vandenbogaerde). Sur 37 demandes pour l'opéra, 18 aides sont accordées, soit la moitié des demandes. Sur 162 demandes pour le théâtre musical, 59 aides sont accordées, soit un peu plus du tiers des demandes. 2001 Opéras : 1 / 4 Oscar Strasnoy Refusés : Coralie Fayolle, Karlheinz Stockhausen, Patrick Lama Théâtre musical: 3 / 10, dont Iassen Vodenitcharov (L'arbre qui parle) 2002 Opéras : 3 / 6 Graciane Finzi, Suzanne Giraud, Claudio Ambrosini Refusés : Vincent Bouchot, Carlo Carcano, Gérard Garcin Théâtre musical : 4 / 15, dont Benjamin Hertz (Merci Douglas, bonsoir) 2003 Opéras : 2 / 5 Georges Aperghis, Laszlo Tihanyi Refusés : Gérard Garcin, Olivier Dejours, Robert Pascal Théâtre musical : 6 / 10, dont Didier Puntos (L'enfant dans l'ombre), Susumu Yoshida (La rivière Sumida) 2004 Opéras : 1 / 1 Philippe Fénelon Théâtre musical : 4 / 17 2005 Opéras : 4 / 6 Giorgio Battistelli, Bernard Cavanna, Bruno Mantovani, Marc Monnet Refusés : Charles Chaynes, Laurent Petitgirard Théâtre musical : 3 / 7 2006 Opéras : 1 / 1 André Bon Théâtre musical : 9 / 16, dont Alexandros Markeas (Outsider), TON THAT Tiet (L'arbalète magique) 130 2007 Opéras : 0 Théâtre musical : 8 / 17, dont Michaël Jarrell (Passage), Martin Matalon (Le dragon bleu et le dragon jaune), Thierry Pécou (Les sacrifiés) 2008 Opéras : 0 Théâtre musical : 3 / 11, dont Bruno Mantovani (L'enterrement de Mozart) 2009 Opéras : 3 / 5 Sebastian Rivas, Martin Matalon, Michaël Levinas Refusés : Michel Musseau, Jean-Luc Trulles Théâtre musical : 3 / 8, dont Georges Aperghis (Les Boulingrins) 2010 Opéras : 1 / 3 Marco Stroppa Refusés : Anthony Girard, Pierre Thilloy Théâtre musical : 4 / 8, dont Thierry Machuel (Les lessiveuses), Oscar Strasnoy (Cachafaz) 2011 Opéras : 1 / 2 Philippe Manoury Refusé : Jean-Claude Petit Théâtre musical : 5 / 22 2012 Opéras : 1 / 4 Oscar Strasnoy Refusé : Patrick Burgan, Graciane Finzi, Gérard Garcin Théâtre musical : 7 / 11 131 Annexe V LES GRILLES. 1/ Il canto della pelle (Sex unlimited), de Claudio Ambrosini 2/ Là-bas peut-être, de Graciane Finzi 3/ Le vase de parfum, de Suzanne Giraud 4/ Avis de tempête, de Georges Aperghis 5/ Génitrix, de Laszlo Tihanyi 6/ Faust, de Philippe Fénelon 7/ Divorce à l'italienne, de Giorgio Battistelli 8/ Zaïde actualités, de Bernard Cavanna 9/ L'autre côté, de Bruno Mantovani 10/ Pan, de Marc Monnet 11/ Iq et Ox, d'André Bon 12/ La métamorphose, de Michaël Levinas 13/ Aliados, de Sebastian Rivas 14/ Re Orso, de Marco Stroppa 15/ La nuit de Gutenberg, de Philippe Manoury Tous les opéras depuis 2001 n'ont pas reçu le même traitement. Sur les 18 œuvres créées, je n'ai pu travailler que sur 15 d'entre elles, parce que je n'ai trouvé aucune information concernant notamment Midea (3) et trop peu sur Slutchaï, du même compositeur, Oscar Strasnoy, ce qui ne constitue aucunement un refus de travailler sur son œuvre mais bien un problème d'accès aux sources d'information. Et le dernier compositeur aidé, Nicolas Bacri, a vu la création de son œuvre seulement en mai 2014. J'ai voulu examiner les opéras qui ont été créés jusqu'en 2013. 132 1/ Il canto della pelle (sex unlimited), de Claudio Ambrosini Année attribution commande d’État Nom du compositeur Librettiste (et origine du texte littéraire) Titre 2002 Claudio Ambrosini (né à Milan, Italie, en 1950) Claudio Ambrosini Il canto della pelle (Sex unlimited) Melodramma giocoso in due parti e un Non connu labirinto (appelé aussi Ludodramma) Date et lieu de création Producteur et éventuels coproducteurs Attribution FCL sur la création Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Informations complémentaires Non Repris au Teatro di San Carlo de Naples, sous forme d'une suite (commande spécifique) Aide de la Fondation Beaumarchais pour le livret / Soutien du Centre de la Voix, des Percussions et Claviers de Lyon et de la Commission Européenne pour la culture / Prix « Music Theater Now » Berlin 2008 / chanté en italien Mars 2006, Auditorium de l'Opéra national de Lyon (Dans le cadre du festival Musique en scènes) GRAME (Lyon) Genre Durée Interprètes à la création 4 voix, 1 actrice, 1 danseur, 10 instruments et électronique : chœurs et solistes de la compagnie de Bernard Tétu, de la Pocket Opera Company de Nuremberg et de Fabrica, Synopsis « La première scène concerne le sexe dans la Nature, où tout est beau, candide, gai, coloré, fantaisiste, comique ; par exemple sur l'accouplement des baleines. La deuxième scène (ou seconde face) est la Culture. C'est un autre ton ! La troisième face est la Tradition. Là aussi on change. Puis vient la Religion, et les choses se font toujours plus délicates et compliquées […]. Ensuite on remonte ''vers la lumière'' en passant par la Mythologie, de là au Spectacle, et on a un pas de Danse à deux. On arrive enfin à l'Art, où l'on retrouve la joie, la fantaisie, la positivité, la liberté de la Nature, tout comme dans la première scène de l'opéra. » (tiré de Sylvie Mamy, Claudio Ambrosini : un compositeur vénitien du XXIe s., Paris, L'Harmattan, 2012, p. 107) Projet Dans le livre de Sylvie Mamy cité ci-dessus, une partie est consacrée à l'évocation de cet opéra (op. cit., p. 106 – 111). Claudio Ambrosini explique : « la peau est ce qui se voit ; elle est l'expression de notre vie intérieure » (op. cit., p. 106) ; « ce sujet était si complexe à traiter que j'étais désemparé. Le texte est entièrement écrit par moi ; j'ai intégré quelques citations presque méconnaissables […]. Puis j'ai envisagé ce sujet comme un prisme, ou un totem à plusieurs faces » (op. cit., p. 106). Le projet est une déambulation, dans une sorte de parcours initiatique. Esthétique Pas d'histoire, ni de dramaturgie. Claudio Ambrosini (op. cit., p. 108) : « Dans le Canto della Pelle, il y a quatre voix qui interprètent vingt à vingt-cinq personnages différents. Habituellement dans mes œuvres il n'y a pas de personnages fixes ou constants. Je crois en ce genre de spectacle, tel le cirque, où chaque numéro est différent du suivant ». Aucune indication concernant l'esthétique musicale. Commentaires Fernand Vandenbogaerde (le 13 septembre 2013) explique : « Les difficultés financières pour le montage de cet opéra ont été toutes prises en charge par le Grame. Mais cette production était trop lourde pour une petite institution de musique contemporaine. Le commanditaire était l'Ensemble Orchestral contemporain pour une création prévue en mars 2003. Mais l'opéra de Nuremberg s'est retiré de la production. La déambulation prévue a dû être annulée pour des questions de sécurité. Donc la réalisation dans l'amphithéâtre s'est faite sans mise en scène ». 133 2/ Là-bas peut-être, de Graciane Finzi Année attribution commande d’État Nom du compositeur Librettiste Titre Genre Durée 2002 Graciane Finzi (née à Casablanca en 1945) Emmanuelle Marie (1965 / 2007) Là-bas peut-être opéra en 3 actes 1 heure Date et lieu de création Production Attribution FCL sur la création Reprises 17 janvier 2003 / Le Grand Bleu, à Lille / Dix représentations pour la création : six au Grand Bleu, une au Nouveau siècle, à Lille, une à Calais Théâtre municipal, une au Vivat d’Armentières, et une au Théâtre municipal de Boulogne sur Mer « Grand bleu » Lille Non Informations complémentaires Opéra national de Montpellier en mars 2006 puis à La Opéra pour adolescents / Grand Prix Rochelle (en plein air SACEM, 2001. Éditée par Hapax, Olivier avec une nouvelle mise Jeannot éditeur. Chanté principalement en en scène adoptée par français Graciane Finzi) et en 2008 à Paris (Maison des Métallos) Interprètes Pour la création : 7 chanteurs : Sandrine Tome : Harmonie (soprano) Anne Constantin : la mère (soprano) Sébastien Droy : Raphaël (ténor) Olivier Montmory : Nathan (ténor), Josselin Michalon : Harmattan, baryton basse, 4 à 8 danseurs / Orchestre national de Lille, dirigé par Fayçal Karoui : cor anglais, clarinette, basson, trompette, trombone, percussions, 3 violons, 2 altos, 2 violoncelles, contrebasse, accordéon et sons fixés, soit 21 instruments / Mise en scène : Serge Bagdassarian. Scénographie et costumes : Philippe Hollevout. Chorégraphie : Cyril Viallon. Lumières : Emmanuel Robert / Pour la reprise à Montpellier : seul changement de casting, Leïf Aruhn-Solén, Raphaël ; Orchestre national de Montpellier, direction : Jérôme Pillement. Synopsis Extrait du livret pédagogique (Lille) : « Harmonie, adolescente d’aujourd’hui, vit dans une cité. Elle confie à Raphaël, son petit ami, que la nuit un étrange personnage, Harmattan, vient hanter ses rêves. Il lui souffle d’étranges secrets venus d’Afrique. Troublée, elle sait qu’il est temps pour elle de partir en quête de ses racines. Adoptée depuis son plus jeune âge par un couple français, l’Afrique, son pays d’origine, l’appelle aujourd’hui. Une nuit, elle quitte la maison familiale et trouve un bateau qui embarque à l’aube. Elle débarque sur la terre de ses ancêtres. Dans la nuit du désert, elle pense à Raphaël, lui dit qu’elle ne reviendra peut être pas. Elle erre dans une grande métropole, découvrant la misère des quartiers pauvres. Au matin, on lui vole ses bagages. Alors qu’elle est sur le point de tout abandonner, un Africain, ancien musicien de jazz, s’approche d’elle. Il ressemble étrangement à l’Harmattan de ses rêves et la conduit au village de sa naissance. Harmonie découvre enfin le ciel qui l’a vue naître et la maison de ses ancêtres. Elle fait alors un rêve initiatique qui l’emmène au pays des morts, à la rencontre de sa mère africaine et sur l’ancien continent où sa mère européenne l’attend. Elle est heureuse de sentir battre le cœur de ses racines. Mais le souvenir de Raphaël ne peut s’effacer… Rentrera-t-elle en Europe ? » Projet Graciane Finzi définit le projet comme celui d'« un compositeur qui aimerait faire rêver des ados à travers cette belle histoire en forme de spectacle qui serait ni vraiment un opéra, ni tout à fait un ballet. » Esthétique Mélange de quelques influences : musiques urbaines (hip hop), traditionnelles (tango), américaine classiques/jazz (Bernstein, Gershwin), et de Michel Legrand : écriture simple, avec le développement très pédagogique de la musique. Utilisation du parlé/chanté tout au long de l’œuvre (comme dans un opéra-comique). Le livret a été écrit avant la musique. La compositrice ne remet pas un seul instant en cause l'écriture : Graciane Finzi s'est entièrement adaptée au style de sa librettiste, dont c'était le premier livret d'opéra. Commentaires De nombreux articles régionaux du Nord annoncent la création de l'opéra. On y met en avant le travail effectué par la compositrice avec six classes. Aucun article ne paraît suite à la création dans la presse nationale. Juste une annonce ainsi libellée dans Les Echos (20 janvier 2003) : « Ni vraiment un opéra, ni tout à fait un ballet », dit la compositrice de ces trois actes très courts, mais de quoi faire rêver des ados en les menant d'un continent à l'autre ». C'est le site internet Res Musica (Nicolas Pierchon, 15 mars 2006) qui se charge d'en parler lors de la reprise à Montpellier en 2006 : “Graciane Finzi a souhaité écrire un opéra pour adolescents. Il serait pourtant difficile de faire tenir ce spectacle dans une catégorie précise avec ses parties de ballet, ses dialogues parlés et des chants parfois proches de la comédie musicale. Certains sons et bruitages sont préenregistrés – et réussis ! – et s’inscrivent dans une esthétique d’ensemble de collages, comme un grand puzzle où un ballet urbain, de belles projections, l’orchestre et les bruitages en question se combineraient pour former ce spectacle difficilement définissable”. Au final, il indique : “La partition fait la part belle aux percussions – Afrique oblige et puis Graciane Finzi aime écrire pour elles – et l’on ne peut qu’être sensible à l’émouvant leitmotiv de l’accordéon (Jean-Marc Fabiano) qui revient à chaque fois qu’Harmonie pense à Raphaël. L’écriture reste toujours simple – et sans doute à dessein, au vu du public visé – sans permettre il est vrai de mesurer l’étendue du talent de la compositrice comme dans ses œuvres symphoniques par exemple”. 134 3/ Le vase de parfum, de Suzanne Giraud Année attribution commande d’État 2002 Date et lieu de création Nom du compositeur Librettiste Suzanne Giraud (née Olivier Py (né à Grasse à Metz en 1958) en 1965) Production 6 octobre 2004 Nantes théâtre Angers-Nantes opéra Graslin Attribution FCL sur la création Non Titre Genre Durée Le vase de parfum opéra en 12 scènes et un épilogue 1h30 Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Informations complémentaires Angers (16 et 17 octobre), Paris, Théâtre Deuxième opéra de Suzanne Giraud, dont le de la Ville (27 et 28 premier est resté inédit. Partition aux Éditions octobre 2004), Caen (5 Jobert. Livret paru aux éditions Actes Sud novembre), Lausanne Papiers. Chanté en français. (28 janvier 2005) Interprètes Mary Saint-Palais (la mourante), Stephan Imboden (le mendiant / l'Esprit), Sébastien Lagrave (l'Homme du siècle), Jean-Pierre Bonnevalle (contre-ténor ; l'Ange), Sandrine Sutter (Marie-Madeleine) / Ensemble orchestral comtemporain (2e2m / 20 instruments), dirigé par Daniel Kawka. Ensemble A Sei Voci (dirigé par Bernard Fabre Garrus) / Mise en scène : Olivier Py / Décors de bois noir : Pierre-André Wietz Synopsis « La nuit du vendredi saint, une mourante agonise ; à ses côtés, sa sœur, Marie-Madeleine, le treizième apôtre pour certains exégètes, la femme libre pour Py, celle qui lava, avec ses cheveux, les pieds du Christ (et qui peut-être l'aima charnellement), qui fut pardonnée parce qu'elle avait aimé, porteuse d'un message qui, via l'amour et la beauté, peut sembler une lueur d'espoir » (extrait de l'article de Michel Parouty, Les Échos, 12 octobre 2004). Jean-Luc Macia (La Croix, 11 octobre 2004) explique : « Le texte de Py décrit cet affrontement entre foi et doute, oppose la misère du monde (symbolisée par un mendiant) aux certitudes vacillantes. Jusqu'à la résurrection de Marthe qui proclame la victoire de la Miséricorde et de l'Incarnation ». Laurent Bergnach ( anaclase) indique : « Durant une heure et demie, nous vivrons l’espoir et les refus d’une femme, semblable en cela aux grandes héroïnes de théâtre, mais avec la certitude cette fois, pour elle et pour nous, que la récompense est au bout de l’épreuve ». Projet Eric Dahan (Libération, 28 octobre 2004) explique que Suzanne Giraud et Olivier Py ont travaillé ensemble : « les deux ont choisi d'inventer une forme lyrique personnelle, qui ne doit plus grand-chose aux conventions du XIX e siècle mais qui est loin d'être en rupture totale avec la tradition ». Michèle Tosi ( Res Musica, 11 octobre 2004) précise qu'ils sont «nourris tous deux de spiritualité chrétienne”. Michel Parouty précise : « Suzanne Giraud invente inlassablement de nouvelles méthodes de transposition en musique, aidée en cela par son insatiable curiosité, par son constant éveil aux tendances actuelles tout en sachant les pondérer et par une évidente agilité technique et intellectuelle ». Suzanne Giraud se réfère à Haendel (effectif orchestral du Messie, percussions en plus) et Monteverdi. Au début et à la fin du spectacle, les musiciens sont disséminés dans la salle, puis se répartissent sur des tribunes étagées en fond de scène. Interrogé par Julian Sykes (Le Temps, 27 janvier 2005), Olivier Py admet : « Marie Madeleine, c'est moi : j'ai utilisé ce personnage pour parler de mes rapports intimes avec celui qui n'est pas là, mais qui vient; celui qui est là par son absence, que je dois apprendre à connaître et à aimer dans son absence ». Il ajoute plus loin sa participation à l'écriture : « Comme il s'agit de musique contemporaine, je voulais que les musiciens soient sur scène, pour que la partition soit visible ». Laurent Bergnach (anaclase) indique qu'il s'agit d'un “travail de quatorze mois”. Il ajoute que “Py livre un texte sec et concis, idéal pour la mise en musique – d’autant qu’il avait pour consigne d’éviter les mots de plus de trois syllabes”. 135 3/ Le vase de parfum (suite) Esthétique Instrumentistes disposés au fond de la scène sur 3 étages, avec un effet Van Eyck « saisissant » pour Jean-Luc Macia. Marie Madeleine parle à l'Ange : « Très mélismatique, le chant qui les rapproche mélange tournures grégoriennes et inflexions orientalisantes avant de se stabiliser sur une échelle modale » (Pierre Gervasoni, Le Monde, 2 novembre 2004). Jean-Luc Macia (La Croix, 11 octobre 2004) s'extasie : « une musique subtile et raffinée, à l'harmonie insaisissable, faite de micro-intervalles et de quarts de ton, défendue par un orchestre aux couleurs changeantes qu'irise une imposante panoplie de percussions. Sur cette tapisserie scintillante, le chant, aux lignes ondoyantes, est d'une grande clarté expressive et d'un lyrisme contenu mais souvent poignant ». Michel Parouty parle d'un « univers sonore décanté, raréfié ». Michèle Tosi conclut : «Le Vase de Parfums met le chant au premier plan, n’accordant que très peu de répit à La Femme du siècle qui va tenir la scène durant les quelques 90 minutes de l’ouvrage”. Elle ajoute : “Imprégnée de l’esprit du « recitar cantando » monteverdien, l’écriture vocale chez Suzanne Giraud s’inscrit souplement dans une ligne fluide collant au plus près de la vérité dramatique sans exclure les détours ornementaux qui laissent subitement s’épanouir la phrase en une efflorescence vocalistique du plus bel effet”. Elle regrette de ne pas entendre suffisamment l'orchestre, ce qui : “ prive […] d’une entrée plus en profondeur dans des textures finement ciselées dont on aimerait davantage goûter les saveurs”. Pierre Gervasoni (Le Monde 2 novembre 2004) indique dès le début de son article que la salle pour la reprise à Paris est comble. L'échelle joue un rôle centrale dans la scénographie. « Paradoxalement, c'est le théâtre du verbe qui l'emporte dans cet opéra censé célébrer la sublimation de la chair ». Il ajoute que la musique « peine à exister hors du registre caressant. La densité est forcée, et la dramaturgie, naïve. Il en résulte une sorte de musique de scène à la fois respectable, alors que le sujet invite à l'audace, et prosaïque, alors que le livret verse dans la stylisation dimension maniériste ». Mais le texte est intelligible et la direction d'acteurs est bonne. Christian Merlin ( Le Figaro, 12 octobre 2004) dit s'être ennuyé. Il s'en prend à Olivier Py, qu'il considère comme l'un des meilleurs dramaturges de sa génération mais « sentencieux et ampoulé, son texte préfère la redondance à la tension dramatique ». Il applaudit la compositrice jusqu'à un certain point : « Ses échappées lyriques, comme le quatuor de la scène 3 ou le très beau duo féminin à la scène 4, sont les points culminants de la partition, avec les superbes interventions d'un contre-ténor dans le rôle de l'ange. Ailleurs, la déclamation tombe dans la monotonie ». La verve critique passe en une phrase : « Cela Commentaires rappelle le théâtre musical des années 70 ». Il finit en parlant de « l'impression d'émiettement » de la musique. Tous saluent les bons interprètes. Michel Parouty parle des « onze représentations : le fait est rare pour une création mondiale ». Claire Chartier dans L'Express (20 décembre 2004), fait part d'un fait de société intéressant : MarieMadeleine apparaît beaucoup en 2004 (titre de son article : « Marie-Madeleine superstar »), notamment au cinéma, dans le Da Vinci Code et La passion du Christ. Elle conclut en citant Suzanne Giraud: « ''Il faut écouter les femmes, car, dès qu'on les censure, on verse dans le déséquilibre et la violence'', renchérit la musicienne Suzanne Giraud. Dans son opéra Le Vase de parfum, l'artiste a doté Marie de Magdala d'une voix de mezzo «savoureuse». La voix d'une sainte de chair, un peu énigmatique. Marie Madeleine, patronne des filles repenties et des parfumeurs, tient sa revanche ». Enfin, Eric Dahan (Libération, 28 octobre 2004) écrit : « Si une telle œuvre peut légitimement dérouter, voire irriter, par sa facture unique, à la fois décantée et incandescente, son écriture vocale renouant avec le récitatif monteverdien pour dire la misère et le doute, elle constitue néanmoins une porte d'accès à l'univers riche et puissant d'une compositrice érudite et virtuose ». 136 4/ Avis de tempête, de Georges Aperghis Année attribution commande d’État Nom du compositeur Librettiste Titre Genre Durée 2003 Georges Aperghis (né à Athènes en 1945) Peter Szendy (né à Paris en 1966) et Georges Aperghis : d'après des textes originaux de Melville, Shakespeare, etc. Avis de tempête pas d'indication 1h30 Date et lieu de création Production Attribution FCL sur la création Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Co-production de l'opéra de Lille 17 novembre 2004 / (Lille 2004), de Opéra de Lille Opéra de Nancy et de Lorraine et de l'IRCAM Informations complémentaires Dédié à Fausto Romitelli. Grand Prix Opéra inscrit dans le réseau de la critique en 2005. Enregistrement Varèse. Nancy (Opéra) 28 live en novembre 2004 CD Cypres et 29/5/2005, Paris, IRCAM Opéra de Lille en 2003 (durée 59:07). Chant composé (festival Agora) 2 et (90 000 €) de groupes de mots, de mots et 3/6/2005, et Strasbourg onomatopées inspirés du grec, du latin (Festival Musica) 23/9 et et de langues modernes comme 9/10/2005 l'anglais ou le français. Interprètes Soprano : Donatienne Michel-Dansac / Baryton I : Lionel Peintre / Baryton II : Romain Bischoff / Actrice : Johanne Saunier / Ensemble Ictus (16 instrumentistes, 24 choristes) / direction : Georges-Elie Octors / Mise en scène : Georges Aperghis / Créations images et vidéo : Kurt D'Haeseleer, Filmfabrik / Scénographie : Peter Missossen, Filmfabrik / Assistant musical : Sébastien Roux, IRCAM / Régie son : Alex Fostier / assistante mise en scène : Emilie Morin Synopsis Il n'y a pas d'histoire. Le thème est la tempête, déclinée sous différentes formes. Jean-Luc Macia ( La Croix, 22 novembre 2004) : « le livret est une évocation de toutes les tempêtes possibles, celles qui révolutionnent nos perceptions et détruisent l'ordre établi, de la tempête sous un crâne, la plus prégnante ici, au typhon ». Maurice Ulrich (L'Humanité, 30 novembre 2004) indique qu'il s'agit pour Aperghis de : « tempêtes d'aujourd'hui, de celles où les repères se perdent dans le tourbillon incessant de l'information ». Projet Esthétique Dans le livret du CD, on trouve quelques indications de la construction de l'opéra : « Avant d'écrire une seule note de son opéra Avis de Tempête, Georges Aperghis en avait attribué le mot d'ordre à ses collaborateurs – librettiste, vidéastes, chanteurs, informaticien, chef d'orchestre, scénographe, musiciens : ''un opéra qui soit une tempête'' ». Suit un texte d'Aperghis : « … tempêtes... Construire-raconter. Puis perturber-effacer. Tempête dans les esprits, dans les textes, dans les musiques. Les instruments, les voix, les sons électroniques écrivent, effacent, écrivent, effacent, à tour de rôle, comme une vaste respiration. Comme une histoire sans cesse recommencée. Le corps du spectacle mis à mal par des perturbations internes. Moby Dick, Le Roi Lear, L'Homme au paratonnerre : allégories de la tempête mentale qui déchire le texte et le spectacle de l'intérieur. Tempêtes immobiles aussi. Sorte de nouveauté de notre siècle. Tempêtes verticales – presque calmes – bien plus effrayantes que les tonnerres de campagne ». Georges Aperghis dit ailleurs (in Théâtres et musiques, n°6/11 T&M janvier 2011, p. 47) : « C’était volontaire de dire : pour moi, l’opéra aujourd’hui c’est ça. Ça raconte des histoires autour d’un thème. Il n’y a pas de héros – on n’est pas dans une période héroïque – donc, il n’y a pas de personnages. On est en même temps dans le théâtre musical parce que ce qu’on y voit vient de la musique, les déplacements des chanteurs, de la danseuse, etc. ça fait partie de l’écriture ». Maurice Ulrich ( L'Humanité, 30 novembre 2004) cite le compositeur : « Comme des images virtuelles, […] les chanteurs-acteurs effectueront des ellipses autour de cette tour centrale, comme les planètes autour du soleil, captées par instants par les caméras cachées ». Christian Merlin (Le Figaro, 4 juin 2005), pour la reprise à Paris, parle lui du livret collage écrit « pour créer une météorologie poétique où le récit des éléments déchaînés soulève surtout un orage intérieur ». On est face à un gros dispositif électronique miroirs et projections : extrait sur http://www.aperghis.com/audio.html / travail sur la rythmique de la voix, récitation : Christian Merlin ( Le Figaro 4/6/2005) : « le verbe n'est qu'un paramètre parmi d'autres d'une synthèse où vidéo, musique instrumentale, musique électronique, une danseuse et trois chanteurs également requis comme acteurs nous mènent à travers ce dédale audiovisuel ». Dans L'Humanité, Maurice Ulrich (le 30 novembre 2004) décrit : « C'est parfois une saturation sonore, grincements et stridences des instruments, de la bande magnétique, saturation des voix dans les dérèglements du langage et les monologues pressés, agités, de la soprano Donatienne Michel-Dansac, fidèle toujours à la musique contemporaine et particulièrement au compositeur Georges Aperghis ». Pierre Gervasoni (Le Monde, 4 juin 2005) décrit le dispositif vidéo : « Au centre du plateau, juché sur une tour étroite, le responsable des traitements informatiques (Sébastien Roux) procède à la diffusion de vidéos sur sept écrans suspendus comme d'énigmatiques ailes blanchâtres figées en plein vol ». Ircam : pour la reprise parisienne, Eric Dahan (Libération, 4/6/2005) s'y arrête : « le festival Agora est l'occasion de mesurer tous les ans le degré croissant d'implication de la recherche électronique et musicale dans le théâtre, la danse, le cinéma et les arts plastiques », prenant la défense d'une maison « stigmatisée à tort depuis sa création comme la forteresse d'une pensée musicale unique ». Il décrit l'ensemble : « Tandis que voix et timbres acoustiques, transformés par synthèse granulaire, filtrage, squelettisation, criblent la salle de «carrousels», «verticales», «nuées» pour employer le vocabulaire d'Aperghis et font surgir, d'un raz de marée scintillant d'une heure dix, syllabes arrachées à Kafka, phonèmes échantillonnés chez Melville, mots hantés de Shakespeare. D'une belle vitalité rythmique et d'un grand raffinement, l'exercice est impressionnant tant du point de vue technique que poétique, avec sa conclusion limpide, en forme de nouveau départ ». 137 4/ Avis de tempête (suite) Commentaires Pour Francis Carlin (Financial Times, 24 novembre 2004), le résultat est terrible : « This is an exposition of ideas for the elite who have made it to the top of music's ivory tower » (Il s'agit d'une exposition d'idées pour l'élite qui l'a faite pour le haut de sa tour d'ivoire). Il regrette donc l'impossible ouverture vers un public qu'il imagine complètement perdu. Jean-Luc Macia (La Croix, 22 novembre 2004) parle d'un « spectacle ludique mais agressif », et d'un « livret en forme de collage, sorte de débit quasi ininterrompu au cœur d'un fatras de bruits, d'évocations sonores et d'instruments déformés par les micros et l'ordinateur ». Il parle d'une « sorte d'archétype ludique de la modernité musicale ». Les interprètes sont loués. Ils fournissent une sorte d'exploit. Il conclut : « le livret, très travaillé, est incompréhensible sauf en de rares moments de calme où le texte est récité, les instruments sont traités dans leurs registres les plus agressifs et sont déformés à la limite de l'insupportable (le violoncelle, la flûte), et quelques tics (les aigus de la soprano) finissent par agacer. Reste la performance technique et musicale qui vaut un triomphe public à Avis de Tempête ». Maurice Ulrich(L'Humanité, 31 mai 2005) se pose la question de la fin d'une esthétique et de la perte de repères de la génération des expérimentateurs du théâtre musical : « Le dispositif scénique illustre précisément cela. Au centre de la scène, une sorte de tour de contrôle, hérissée d'antennes de toutes sortes, ne contrôle plus rien au sein de ce flux permanent d'images et de sons ». Maurice Ulrich en conclut : « Mais l'opéra de Georges Aperghis est bien d'aujourd'hui. Il est de la fin des idéologies, peutêtre des illusions. Il est de la fin des désenchantements et de l'après - 11 septembre. Quelle musique écrire au XXI e siècle si l'on refuse le néoclassisisme qui s'impose un peu partout, comme un avatar inavoué du néoconservatisme ambiant, de Bush à Sarkozy ». Pour Christian Merlin (Le Figaro, 4 juin 2005), « elle fascine par la maîtrise absolue des moyens mis en place ». Il applaudit la maîtrise technique. Pierre Gervasoni ( Le Monde, 6 juin 2005) parle de « lyrisme cybernétique. Un opéra de la génération Matrix en quelque sorte », qui « impressionne par sa précision et son raffinement sonore » Deux ans plus tard, en 2006, la sortie du CD est relatée dans un article non signé du Monde : « Paradoxalement, l'écoute du CD (de préférence au casque) réussit mieux à transmettre la sensation de tempête sous un crâne recherchée par cet opéra hétéroclite que ne l'avait fait sa représentation scénique ». 138 5/ Génitrix, de Laszlo Tihanyi Année attribution commande d’État Nom du compositeur Librettiste Titre Genre Durée 2003 Laszlo Tihanyi (né en Hongrie en 1956) Laszlo Tihanyi et Alain Surrans, d'après François Mauriac (né à Bordeaux 1885 / 1970) Génitrix Opéra en 2 actes 2h20 Date et lieu de création Producteur (et éventuel coproducteur) Attribution FCL sur la création Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Informations complémentaires 25 novembre 2007 / Opéra National de Bordeaux Opéra National de Bordeaux Non Non connu Premier et pour le moment seul opéra de Laszlo Tihanyi. Chanté en français Interprètes Mathilde (soprano lyrique) : Sevan Manoukian / Félicité (contralto) : Hanna Schaer / Fernand (basse) : JeanManuel Candenot / Duluc (ténor lyrique) : Christophe Berry / Marie (actrice) : Denise Laborde / Félicité enfant (enfant) : Pauline Martos et Judit Pilet Serra / Fernand enfant : Tomy Jardi / Raymond : Vincent Martos ou Martin Pinon / Orchestre National de Bordeaux Aquitaine et effets sonores pré-enregistrés / Chœur de l'Opéra National de Bordeaux / Chœur d'enfants de la Jeu ne académie vocale d'Aquitaine Polifonia Eliane Lavail / Direction musicale de Laszlo Tihanyi / Mise en scène, Christine Dormoy (compagnie Le Grain) ; Philippe Marioge, scénographe ; Éric Angels, artiste video live ; Cidalia da Costa, costumière ; Paul Beaureilles, lumières Synopsis Livret basé sur le roman court de François Mauriac racontant les rapports étouffants entre une mère veuve et dominatrice, et son fils Fernand. Michel Parouty (Les Échos, 29/11/2007) décrit : « Affrontement terrible entre Félicité la mal-nommée, Mathilde, l'institutrice qui a épousé Fernand, et ce vieux garçon mesquin écartelé entre les deux, le roman appelle le théâtre, et le livret qu'en ont tiré le compositeur et Alain Surrans est efficace, jouant des atouts d'une chronologie éclatée ». Description de Pierre Gervasoni ( Le Monde, 27 novembre 2007) : « Au lever de rideau, Mathilde mime le funeste accouchement puis suffoque sur fond de battements de cœur et de bruits de train à vapeur. Image choc et sonorisation soft. Ce principe, qui régit la première scène, sera valable pour toutes les autres, huit dans chaque acte. Quelques variations de décor (ouverture modulée de persiennes géantes), quelques projections de vidéo (cage d'escalier, ferronnerie, pluie), et voilà pour la scénographie, qui s'incline devant la direction d'acteurs ». Projet Le projet est né très tôt dans la tête du compositeur, qui indique avoir déjà, pour son prix de composition au conservatoire de Budapest, eu envie de composer une musique à partir de ce texte. Il s'agit d'une véritable passion pour le livre de François Mauriac. Il semble que le compositeur n'ait plus écrit d'autre opéra depuis, ce qui ne semblerait pas incohérent par rapport à ses déclarations. Esthétique Opéra grand format, créé pour une grande maison. Comprenant de nombreux interprètes. Pour une seule exécution, un tel barnum est un investissement important. D'aucuns y trouvent les influences de Bartok et Stravinsky (selon Bruno Serrou, La Croix, 29/11/2007). Les sons enregistrés (bruit du train par exemple) sont décrits comme étant anecdotiques. Commentaires Pour Michel Parouty (Les Échos, 29 novembre 2007) : « La musique, malheureusement, se révèle moins convaincante, tant elle semble datée, et donne une fâcheuse impression de déjà-entendu ». Il poursuit : « Comme c'est souvent le cas des partitions lyriques d'aujourd'hui, l'écriture vocale, qui se défend d'être mélodique, se balade abruptement entre des intervalles chaotiques que l'auditeur a depuis longtemps dans l'oreille ». Il parle aussi d'une mise en scène et de décors très sobres. Bruno Serrou (La Croix, 29 novembre 2007) se plaint que le compositeur ait choisi « d'opter continuellement pour une écriture monochrome, qui rend le récit final interminable ». Pierre Gervasoni (Le Monde, 27 novembre 2007) parle directement de « frilosité artistique » globale et clôt son article : « cet opéra statique (action au point mort pendant deux heures) et atone (voix constamment en berne) produit frustration et déception, en dépit de l'investissement des chanteurs ». 139 Synopsis Projet C'est un opéra sur le mythe de Faust. Maurice Ulrich ( L'Humanité, 2 juin 2007) le décrit : « Un Faust qui vend aussi son âme au diable mais davantage sans doute dans une quête de soi, que pour retrouver comme le personnage de Goethe, « la force de haïr et le désir d'aimer ». S'il y a dans le Faust de Goethe une dimension prométhéenne en même temps, dans la volonté de posséder les clés de la connaissance, celui de Lenau est d'un pessimisme radical, en rupture avec la foi et dont la liberté ne débouche que sur la désespérance. Là aussi, il aurait pu s'agir d'une méditation quasiment janséniste, mais Philippe Fénelon a choisi de jouer à fond la carte de l'opéra au sens traditionnel du terme quand bien même il s'agit d'une musique d'aujourd'hui ». Fénelon décrit luimême son livret inspiré de Lenau : « Le poète allemand a une manière très particulière de traiter cette légende. Son Faust a un comportement tragique en quête de la vérité. À travers tout ce que la vie lui apporte, la famille, la religion, l'art, il ne trouve aucune satisfaction. Au personnage habituel de Méphisto, Lenau ajoute une sorte de narrateur, Görg (que j'ai rebaptisé l'Homme), qui est un peu la bonne conscience de Faust, et c'est lui qui va lui apporter la clé de ses dilemmes : la vérité est en chacun de nous, il est absurde de la chercher ailleurs. Faust est détruit par cette révélation. Tout ce qu'il a entrepris n'a donc servi à rien et il se suicide... » Philippe Fénelon est un compositeur prolixe en discours sur sa propre musique. Il écrit dans le programme de salle (p. 21) : « D’abord, comme souvent dans mon travail, je désirais travailler sur un thème important, disons même un mythe fondateur de notre civilisation. Et mon souhait était de créer une variation sur ce personnage de Faust mais en m’écartant de celui de Goethe, qui a inspiré la plupart des compositeurs jusqu’ici. La version de Lenau m’a immédiatement séduit – la fragmentation, les 24 chapitres… L’œuvre offre un matériau abondant et j’y ai tout de suite vu la possibilité d’articuler une dramaturgie et de reconstruire la mienne propre. J’ai pu ainsi me livrer à l’un de mes exercices favoris : élaguer, découper, reconstruire. Le texte est a priori propice à un opéra : il est long et recourt à un langage difficile, qui évoque pour moi la langue des Elégies de Duino de Rilke, une œuvre bien plus tardive. Mais il est d’une grande force et ses enjeux sont magistralement éclairés par Lenau. Dans sa forme il suit le cheminement du mythe et revient sans cesse à cette quête essentielle de la vérité et du sens de l’existence. Ni la science, ni la religion n’apportent de connaissance absolue...». Dans le « Dossier opéra » de la revue L’éducation musicale, on trouve une interview de Fénelon par Sylviane Falcinelli (n°564 janvier-février 2010), où il dit p. 28 : « Si dans ma musique apparaissent quelques éléments venant d’autres auteurs, je le revendique ; en fait tous les auteurs sont concernés, mais certains exégètes repèrent des citations qui ne nous viennent même pas à l’esprit, qui sont plus de l’ordre de l’évocation ». Il poursuit : « Il était de toute manière impossible de reprendre ce découpage en 24 tableaux. Il a donc fallu condenser. Cela a été simple sur certains points : par exemple, des trois tempêtes qu’il y a dans le texte, je n’en ai fait qu’une, qui se passe dans la chambre de Faust. Et évidemment la construction en deux actes exigeait de construire deux grands arcs, qui sans doute viennent estomper cette fragmentation. » Il poursuit : « Et je souhaitais disposer de part et d’autre de l’œuvre ces deux grands piliers que sont le prologue et l’épilogue, signe de l’éternelle répétition mais aussi du perpétuel recommencement. Dans ce dernier, tous les personnages sauf Faust, ainsi que le chœur, chantent sur des accords très simples un grandiose Lacrimosa ». Il indique qu’il a beaucoup travaillé les transitions, de manière à faire glisser progressivement Faust « toujours plus bas […]. Ce que j'ai voulu montrer, explique le compositeur, c'est que pour tout être humain il est difficile de ne pas se laisser influencer, manœuvrer par tout ce qui nous entoure. Revenu de tout, désabusé, allant d'échec en échec, mon Faust n'a plus d'espoir, plus d'avenir. J'ai ajouté une scène finale, un Lacrimosa, qui tente de le rendre plus humain. Mais après sa mort, Görg va prendre sa place : la quête de la vérité est éternelle pour l'être humain. » 140 6/ Faust (suite) Esthétique On se trouve dans la lignée du grand opéra français du XIXe s., avec une débauche de moyens, y compris dans la mise en scène. Bertrand Bolognesi (anaclase) confirme : « Constante de l’écriture de Fénelon, on retrouve un traitement vocal volontiers musclé qui s’inscrit dans une certaine tradition dix-neuviémiste du chant français, et une texture d’orchestre assez épaisse.” L'article de Michel Parouty raconte aussi le parcours esthétique du compositeur. Mais de nouveau, Philippe Fénelon explique tout dans le programme de salle : « Dès que je lis un texte littéraire sur lequel je souhaite travailler, j’imagine tout de suite un orchestration et la manière de faire chanter telle ou telle phrase. C’est-à-dire que j’entends le texte en le lisant. Sans doute, ce Faust est l’aboutissement véritable de ce que je désirais faire avec l’opéra. Un premier cheminement m’avait mené jusqu’au Chevalier imaginaire, mon premier opéra. Le héros en est le Don Quichotte de Cervantès revu par Kafka. J’ai composé ensuite Les Rois, d’après Cortazàr, mais à l’époque je n’avais pas entendu le chevalier sur scène. Et lorsque j’ai composé Salammbô pour l’Opéra de Paris, cette fois encore je n’avais pas entendu Les Rois ; mais lorsque j’ai composé Faust, je les avais entendu tous les trois déployés sur l’espace de la scène et dans l’orchestre, ce qui change tout à présent je sais à la fois comment et pourquoi je veux traiter ainsi la voix, je sais comment atteindre à certaines couleurs de l’orchestre. Je sais mieux comment en clarifier les textures et simplifier les battues. Et je crois que Faust révèle une couleur qui est absolument la mienne. … Elle s’impose ici avec évidence. Il est toujours intéressant de faire des bilans et, bien entendu, après trente-cinq ans d’écriture, j’ai acquis du métier. C’est évidemment une chose essentielle : je sais comment j’écris, je sais quels sont mes réflexes d’écriture – que ce soit pour les suivre ou m’en détourner. J’ai toujours été un grand lecteur de musique et je sais aussi comment les autres compositeurs travaillent (…). La composition d’un opéra a toujours une dimension artisanale : l’œuvre pour son exécution, requiert beaucoup de monde. Et maîtriser cela dès le moment de l’écriture est une chose qui s’apprend. » Question du journaliste : « Comment définiriez-vous justement cette couleur ? ». Réponse de Philippe Fénelon : C’est évidemment presque impossible… J’entends comme un nimbe qui entourerait la voix. C’est elle sans doute qui est l’essentiel. Il est difficile sans elle d’exprimer quelque chose de sensible sur un temps aussi long. (…) La force de la voix, c’est qu’elle nous transporte non pas dans un monde inconnu, mais dans un monde que nous reconnaissons… Elle m’a fasciné très tôt. Je travaillais déjà le chant au conservatoire d’Orléans et j’ai eu la révélation totale lors de mon premier voyage à Bayreuth – j’avais alors 17 ans. Mais j’ai fait mes études à un époque où l’opéra était un genre complètement ignoré. Au conservatoire de Paris, dans la classe d’Olivier Messiaen, l’opéra était une chose non pas méprisée, mais simplement inconnue. A part moi, presque personne n’allait à l’opéra et prendre de l’intérêt à Puccini était inconcevable. » Commentaires Pierre Rigaudière, dans Diapason en juillet/août 2007, écrit un article intitulé "A feu et à sang" : « Au début il y avait le chant. On ne s’étonnera guère que Philippe Fénelon passionné d’art lyrique en ait fait la base de son édifice. Lignes amples, déclamations extraverties, mais aussi virtuosité, performance physique et tension expressive : ingrédients habituels du compositeur (…) Puis vient l’orchestre outre les références évidentes à Berg, les textures lorgnent Hindemith ». Il parle d'un Faust sortant « exténué du combat ». Il fait référence à un Lacrymosa « au bord du kitsch » et se plaint d'une « saturation acoustique généralisée». François Lafon, dans Le Monde de la musique (juillet août 2007) dit : Faust « donne lieu à une suite d’exercices de style parsemée de citations et de « à la manière de » où l’on retrouve Berg, Strauss et d’autres encore. » Il parle d'une « musique fluide et agitée ». Pour Le Monde, Pierre Gervasoni (30 mai 2007) : « c’est un Faust sans modernité que Fénelon déploie très professionnellement pendant plus de deux heures ». « Il en résulte une expression érudite mais impersonnelle ». Maurice Ulrich (L'Humanité, 2 juin 2007) loue la musique et s'interroge sur la mise en scène : «Une partition donc, avec des effets sonores appuyés, de grandes montées de l'orchestre, des voix puissantes, et très belles, dans les grandes registres lyriques. La mise en scène est de la même veine, avec des effets là aussi très appuyés mais dont la cohérence échappe parfois, au risque du maniérisme et parfois de l'excès ». Jean-Luc Macia (La Croix, 2/8/2006) s'interroge sur le fait que Faust inspire tant (récemment Pascal Dusapin). Pierre Gervasoni (Le Monde, 30/5/2007) parle de la mise en scène : « Moins timide, le travail scénique de Pet Almen s'inscrit dans une homogénéité cinématographique, entre Le Docteur Mabuse et Matrix, à partir du symbole passe-partout d'un crâne géant, tour à tour montagne magique, autel de messe noire ou capsule de décompression spatiale. Une fantasmagorie plus kitsch que baroque ». Bertrand Bolognesi ( anaclase) conclut : « Etait-il nécessaire de surenchérir ? Car c’est bien ce que fait la mise en scène de Pet Halmen, appuyant chaque évocation par sa transposition dans un monde personnel déjà croisé ici et là, un monde fermé sur lui-même dont le personnage central – soit Halmen en personne – ne parvient pas même à transmettre les dilemmes, émois et expériences. Fatras de calvaires, de flammes, de crânes, de sang, de dépouilles et d’anges, cette éprouvante lecture en culotte de peau a simplement oublié de regarder la partition ». Kontarsky est comme d'habitude : pas bon, selon Bolognesi. 141 7/ Divorzio all'italiana, de Giorgio Battistelli Année attribution commande d’État Nom du compositeur 2005 Giorgio Battistelli (né à Albano Laziale, Italie, en 1953) Date et lieu de création Production Attribution FCL sur la création Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Informations complémentaires 30 septembre 2008 / Opéra National de Lorraine Opéra National de Lorraine Non Opéra de Bologne (juin 2013) Chanté en italien Librettiste Titre Giorgio Battistelli (librement adapté du film de Pietro Divorzio all'italiana Germi (1961), (Divorce à l'italienne) Alfredo Giannetti et Ennio De Concini) Genre Durée Action musicale en 23 parties pour le crépuscule de la famille 1h30 Interprètes Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Don Sandrino Ferraù dit Fefè ; Bruno Pratico', Donna Rosalia, son épouse ; Jean Segani, Don Gaetano, son père ; Peter Edelmann, Donna Matilde, sa mère ; Olivier Grand, Don Calogero Giacalone, oncle de Sandrino ; Pascal Desaux, Donna Fifidda, épouse de Calogero ; Theodora Gheorghiu, Angela, fille de Calogero ; Bernhard Landauer, Carmelo Patanè, peintre ; Xavier Szymczak, Immacolata Patanè, épouse de Carmelo ; Benjamin Colin, Felicetto, le barbier ; Wenwei Zhang, le Docteur Talamone ; Julien Veronese, Don Ciccio / Chœur de l'Opéra National de Lorraine, Orchestre symphonique et lyrique de Nancy : 57 instrumentistes : 2 (II anche ott), 2 (II anche cl b), 2 (II anche cfg) / 4.2.2.1/ timp, perc (1 esec.), pf/tast, archi (12.10.8.6.4), direction Daniel Kawka. Mise en scène : David Pountney / décors et costumes Richard Hudson. Synopsis Michel Parouty (Les Échos, 6/10/2006) parle de Battistelli : « son amour pour le cinéma l'avait déjà poussé à s'inspirer de Teorema de Pier Paolo Pasolini, de Prova d'orchestra de Federico Fellini et de Miracle à Milan de Vittorio De Sica ». Tiré du film éponyme de Pietro Germi, le livret raconte un fait divers se déroulant en Sicile avant que le divorce soit arrivé en Italie. Il raconte la chronique de l'assassinat d'une femme par son mari, qui réussit à faire passer ce meurtre pour un crime passionnel, lui permettant ainsi (après un temps très réduit en prison) de vivre un nouvel amour avec sa jeune et belle cousine. Ce qui promet de nouvelles passions fatales. Projet Esthétique Dans le programme de salle (Opéra National de Lorraine), Giorgio Battistelli dit qu'avec cette œuvre, il veut « rester dans un cadre opératique traditionnel et (…) réitérer le sens que Wagner donne à cette expression ». Il poursuit : « Je reste attaché à la présence d'un fil conducteur et d'une structure narrative claire, à des personnages pris dans les contradictions de la vie quotidienne ». Il veut parler de « la désagrégation du noyau familial », dans une vision très traditionaliste du foyer. Il déplace le lieu de la comédie vers le monde. Pour lui, « les femmes sont en réalité celles qui soutiennent la famille, les véritables hommes ce sont elles. D'où l’idée de marquer cette caractéristique sociale et culturelle en distribuant à des voix d'hommes les rôles féminins à l'exception de celui de la jeune Angela ». Il ajoute : « le film est là et sert de cadre général à l’œuvre » ; tout « rend compte d'une écriture cinématographique ». orchestre « de taille moyenne ». « les didascalies que j'ai voulues fournies et très précises, sont intégrées à la partition et peuvent être considérées comme partie intégrante de la structure compositionnelle ». Au final, l'orchestre se mêle aux convives du mariage. Il n' a « pas voulu exagérer la difficulté technique des parties vocales », « convaincu que l'expressivité, tout comme l'ironie d'ailleurs, doivent prévaloir sur l'aspect technique ». Le chœur est d'abord une simple assemblée villageoise puis évolue vers le commentaire philosophique. Battistelli dit s'inscrire dans la tradition sicilienne du ''cantastorie''. Pascal Thomé (resmusica, 2/10/2008) décrit : “la partition très travaillée de Giorgio Battistelli propose une succession d’atmosphères sonores, évoquant les lieux ou les situations dramatiques. Faisant la part belle aux cordes, aux longues tenues transparentes et aux glissandi expressifs, l’écriture musicale est ponctuée de cellules sonores rythmiques aux bois, aux vents ou aux percussions, contemporaine sans systématisme, dissonante sans agressivité. En héritier de la grande tradition du chant italien, le traitement des voix est remarquable en qualité de la prosodie comme en tenue et plasticité de la ligne vocale, toujours à visée expressive. L’émission vocale est enrichie sans excès de parlando, de chant syllabique, d’onomatopées et de bruits buccaux. Giorgio Battistelli ménage même, dans le flux musical continu, des moments de suspension de pur lyrisme, quasiment de grand airs à l’ancienne. Bref, une musique de notre temps parfaitement «audible», même pour des oreilles non exercées, cependant un peu lisse ou, du moins, à laquelle manquent quelques éclairs véritablement de génie pour durablement marquer les esprits”. Michel Parouty : “Dans une forme dramatique très construite (vingt-trois tableaux qui s'enchaînent en quatre-vingt-dix minutes sans entracte), Battistelli coule une musique richement et diversement instrumentée, souvent rapide, pour suivre le rythme d'une conversation à laquelle les instruments apportent un commentaire ironique et souvent grinçant, une musique qui ne ressemble à aucune autre et ne relève d'aucune école, et qui, si elle ne se développe que rarement, comme dans les monologues de Féfé ou celui d'Angelina, ce dernier très mélodique, sait éviter la monotonie du récitatif”. 142 7/ Divorzio all'italiana (suite) Commentaires Pascal Thomé (Res Musica, 2/10/2008) indique : « Le metteur en scène David Pountney en joue en virtuose, dans le beau décor unique de Richard Hudson qui campe une placette du sud italien, hommage à Giorgio de Chirico, avec son escalier central qui monte vers l’église du village et ses deux arcades latérales, violemment éclairé par les lumières très colorées de Fabrice Kebour. L’avant-scène est dévolue à l’univers domestique, avec ses éléments signifiants et triviaux (canapé, gazinière, table, cuvette de WC). David Pountney parvient à rendre l’action clairement intelligible, sans temps mort, avec une parfaite fluidité des changements de scène à vue. Quelques projections vidéo apportent un contrepoint bienvenu en nous révélant les rêves ou les non-dits des personnages. La direction d’acteurs tire le plus souvent l’œuvre du côté de la farce – le public rit souvent de bon cœur – mais, ce faisant, occulte quelque peu l’aspect critique et satyrique du film. On éprouve quelques difficultés à y retrouver les intentions du compositeur, qui parle dans le programme de salle de ''désagrégation du noyau familial qui dévoile toute la fragilité humaine'' ». Conclusion de Pascal Thomé : «Reçu chaleureusement par un public fourni (pour une œuvre contemporaine inconnue), ce Divorce à l’Italienne est apparu plutôt réussi. Cette série de représentations nancéiennes restera-t-elle unique ou l’œuvre sera-t-elle reprise comme d’autres compositions de Giorgio Battistelli, il est trop tôt pour en juger. Saluons cependant le courage de l’Opéra de Nancy qui, en commandant et en montant un ouvrage lyrique à un grand compositeur contemporain, a parfaitement rempli sa mission de service public et tenu son rang d’opéra national ». 143 8/ Zaïde actualités, de Bernard Cavanna Année attribution commande d’État 2005 Lieu de création Nom du compositeur Librettiste Bernard Cavanna (né à Michel Rostain (d'après un Nogent-sur-Marne en fait divers et l'opéra inachevé 1951) principalement de Mozart, Zaïde, inspiré de autodidacte en matière Voltaire) de composition Producteur Septembre 2006 / Théâtre de Théâtre de Cornouaille, Cornouaille scène nationale de (scène nationale Quimper de Quimper) Attribution FCL sur la création Non Titre Genre Durée Zaïde actualité Opéra en cinq mouvements 50 minutes Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Informations complémentaires Théâtre Athénor de Saint-Nazaire / L'avant-première a eu lieu en novembre Maison de la 2005 à Caen et à Quimper, en version de Musique de concert. Chanté en français et en allemand Nanterre (janvier mixés. 2007) Interprètes 4 voix (Elise GABELE soprano / Philippe DO ténor /Alain BUET baryton / Jacques CALATAYUD baryton) et orchestre de 17 musiciens (1 fl (+ piccolo + fl G), 1 hb (+ c.a.), 1 cl (+cl. basse), 1 basson (+ basse et contrebasse), 1 cor, 4 premiers violons, 3 seconds violons, 2 altos, 2 violoncelles, 1 contrebasse) par l'Ensemble orchestral de BasseNormandie dirigé par Michel Debard ; metteur en scène Michel Rostain. Synopsis C'est l'histoire de Zaïde, lapidée par son mari parce qu'elle a commis l'adultère, à travers le récit d'un journaliste. Question de la violence conjugale. La Tribune ( 6/10/2006) écrit : « Dès l'ouverture, on apprend le fin mot de l'histoire : Zaïde est morte, lapidée sur le parking d'un supermarché de banlieue, par un mari violent et jaloux. L'histoire des amants est ensuite racontée par l'opéra de Mozart, sous forme de flash-back, avant d'enchaîner sur le final contemporain ». Projet de composition Michèle Tosi (Res Musica, 1er février 2007) explique : “Au départ du projet, la volonté de la part de Cavanna de terminer Zaïde à sa façon, en projetant dans l’actualité la mort de l’héroïne, victime de la violence de son conjoint Slimane (alias Soliman), un anti-héros à la Wozzeck – bien campé par le ténor Rémi Garin – exhibant ses gants de boxe et s’acharnant dès le lever de rideau sur son punching ball”. Dans la critique de Bruno Serrou (La Croix, 24/10/2006), Michel Rostain indique qu'il a demandé à Bernard Cavanna de « composer sur son texte, en guise d'épilogue, une musique originale avec pour seule contrainte les mêmes effectifs instrumentaux et vocaux que la partition de Mozart ». Article du Télégramme (Delphine Tanguy, 26 novembre 2005), lors d'une avant-première, Bernard Cavanna indique : « Au départ je ne me sentais pas capable de le faire. Ce qui m'a motivé, après avoir lu le livret de Michel Rostain, c'est que je déteste ce sentiment qu'on nomme ''la jalousie'', l'idée de la possession du corps de l'autre. C'est aussi, surtout, de travailler avec des voix lyriques ». Il ajoute plus loin dans le même article : « L'opéra est un genre en perdition. J'en suis très triste, mais c'est aussi la situation de la musique classique en général ». Il poursuit : « Je voulais qu'il y ait une permanence de Mozart autour d'harmonies closes, fermées. L'air de Zaïde, que j'ai appelé Trente-six mesures pour Zaïde, ne comporte que trois accords qui se répètent tout le temps ». La journaliste précise : « Chaque partie de la pièce utilise aussi un fragment, une mesure, un accord empruntés à Mozart, tout en s'en distinguant par son écriture très contemporaine ». Enfin, Cavanna conclut : « Il y a toujours un aspect virtuose dans la voix. Tous ces chanteurs, que j'ai appris à connaître, ont des qualités exceptionnelles, et je vais en fait retravailler ». Esthétique "Esthétiquement, l’œuvre de Bernard Cavanna se distingue par une liberté singulière face aux dogmes et par une invention perpétuelle. L’éclectisme qui en résulte conduit le compositeur à faire siennes les rencontres les plus imprévues, de la veine populaire au legs romantique, en passant par les traditions modernes savantes." Œuvre emblématique Messe pour un jour ordinaire (1994) et l'opéra La confession impudique (1987 / 92) d'après le roman de Junichiro Tanizaki. La Tribune : « On retrouve ici le premier objectif des Singspiele, équivalent allemand de nos opéras-comiques, alternant le parlé et le chanté : créer un genre d'opéra populaire, accessible à tous ». Bruno Serrou : « Les cinquante minutes des cinq scènes de l'oeuvre de Cavanna, homme de théâtre et d'images expérimenté, encadrent les soixante-dix minutes de celle de Mozart qui forme ici un ample flash-back. Mais le fondu enchaîné entre les deux éléments instille une impression d'images usées de vieux technicolor qui émerge soudain après avoir été introduit par un film d'aujourd'hui ». L'orchestre est placé au centre du plateau nu, au milieu d'un décor fait de punching-balls. La vidéo est souvent sollicitée. Michèle Tosi parle d'une « musique volontairement frustre et terriblement efficace, […] qu’il sait rendre vibrante – sans aucun pathos cependant – dans un temps presque figé exprimant l’effroyable matérialité des faits dont nous sommes les témoins silencieux. Comme dans sa Messe pour un jour ordinaire, Bernard Cavanna est à l’aise avec la langue française qu’il fait chanter avec beaucoup de naturel à travers une vocalité souple et parfois mélismatique, stylisée certes mais sans maniérisme, restituant toute la force du discours ». Commentaires Conclusion de La Tribune : « Cet objectif est ici indéniablement atteint. Au prix de certaines redondances, toutefois assumées par Michel Rostain, qui a fait le choix de l'économie de mots, sans cesse répétés. Une belle trouvaille : l'orchestre - douze cordes et un quintette à vent - joue sur scène, et accompagne, à la manière d'un chœur antique, chaque personnage de sa bienveillance ». Bruno Serrou : « la mise en scène de Michel Rostain touche par sa crudité et par l'émotion qui en émane, en concordance avec la musique bouleversante de Cavanna, mais convainc moins dans Mozart, en raison d'une direction d'acteurs que les chanteurs ne semblent pas avoir assimilée ». 144 9/ L'autre côté, de Bruno Mantovani Année attribution commande d’État 2005 Date et lieu de création Nom du compositeur Librettiste François Regnault (philosophe, psychanaliste,dramaturge occasionnel de Patrice Bruno Mantovani Chéreau, né en 1938) (avec la (né à Châtillon collaboration de Bruno dans les Hauts de Mantovani) Le livret a été tiré de Seine en 1974) L'Autre côté d'Alfred Kubin, traduction française de Robert Valençay revue par Christian Hubin (José Corti, 2000) Production Attribution FCL sur la création 23/09/2006 à Festival Musica et l'Opéra national En 2006 : Opéra National du Rhin Opéra National du du Rhin (50 000 €) Rhin(Strasbourg) (Strasbourg) Titre Genre Durée L'autre côté Opéra fantastique en un prologue et deux actes, d'après le roman d'Alfred Kubin, Die andere Seite 2h15 Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Informations complémentaires Non connu Premier opéra du compositeur (éditions Henri Lemoine). Chanté en français Interprètes Kubin : Fabrice Dalis / Madame Kubin : Maryline Fallot / Gautsch, Teretatian, l’huissier, l’Américain : Lionel Peintre / Le coiffeur : Avi Klemberg / L’éditeur : Sylvia Vadimova / Le médecin Lampenbogen : Robert Expert / Son Excellence, Patéra : Jean-Loup Pagésy / Une religieuse : Violeta Poleksic / Rôles parlés : Un crieur de journaux : Michel Lecomte / Un Général : Young Min Suk / Un journaliste ; Christian Lorentz / Chœurs de l'Opéra national du Rhin / Direction des Chœurs : Michel Capperon / Orchestre philharmonique de Strasbourg / Les Percussions de Strasbourg Direction musicale : Bernhard Kontarsky / Mise en scène : Emmanuel Demarcy-Mota / Dramaturgie : François Regnault / Scénographie et lumières : Yves Collet / Costumes : Corinne Baudelot. Synopsis « Le peintre Alfred Kubin est invité par un vieil ami, Claus Patera, à venir résider dans le « royaume » qu’il a créé dans un coin perdu de Chine Centrale : L’Empire du Rêve. Mais l’Empire en question s’avère être sombre, étouffant, inquiétant et ne constitue finalement qu’une dictature terrifiante d’un homme fou que seul un Américain providentiel réussit à renverser... à moins que Patera et l’Américain ne soient que les deux facettes d’une même personnalité... C’est là toute l’ambiguïté fascinante de ce livret, construit par François Regnault d’après le fantastique roman d’Alfred Kubin, artiste autrichien de la fin du XIXe s. et du début du XXe., obsédé par des visions oniriques tourmentées qu’il transcrivit essentiellement dans d’extraordinaires dessins en noir et blanc et son unique roman, L’Autre côté ». (Pierre-Emmanuel Lephay, Forum Opera, septembre 2006). Michel Parouty (Les Echos, 26 septembre 2006)parle du texte comme d'un « chef-d’œuvre du fantastique, (qui) conte la grandeur puis la destruction de l'Empire des rêves. Patera, chef de cet univers qui voit dans le refus du progrès la source du bonheur, n'est qu'un dictateur ; il sera défait par l'Américain Hercule Bell, mais celui-ci n'apportera que le Chaos. Témoin de ce pourrissement, le narrateur, Kubin lui-même ». 145 9/ L'autre côté (suite 1) Projet « Le sujet [...] est emprunté au roman qu’écrivit en 1908 le plasticien Alfred Kubin, compagnon de route des expressionnistes, correspondant de Kafka et Ernst Jünger, correspondant au goût de Mantovani pour l’univers germanique. Cette source fut suggérée au compositeur par le dramaturge et traducteur François Regnault, qui se chargea de le transformer en livret. Le musicien et le librettiste ont délibérément joué le jeu du grand opéra avec chœurs, marqué par un climat fantastique mais ouvrant des perspectives politiques. La grandeur et décadence de l’Empire du rêve, utopie négative proche de H.G. Wells, réalisée par un illuminé vite dépassé par sa propre création, était à même de fournir à Mantovani et Regnault la dramaturgie musicale escomptée. Il a fallu pour cela condenser et simplifier une action complexe, regrouper plusieurs personnages en un seul ou en supprimer, synthétiser les lieux de l’action pour éviter d’impossibles changements de décor, et laisser la musique traduire tout ce qui reste inexprimé dans le texte. (Christian Merlin, « L’Autre côté de Bruno Mantovani: l’opéra, lieu de synthèse », Germanica, 41 | 2007, 171-181) /// Maurice Ulrich (L'Humanité, 29 septembre 2006) : « De fait, dès les premières mesures, il entraîne le spectateur auditeur dans une sorte de maelström sonore d'une exceptionnelle puissance. Il avait ouvertement souhaité une forme de démesure ». Christian Merlin dans le même texte que ci-dessus le cite : « Je savais ce que je ne voulais pas faire : je ne voulais pas d’opéra conceptuel, je ne voulais pas non plus d’opéra comique. Je voulais assumer le grand opéra, avec des chœurs, tout en sachant que depuis Meyerbeer, la présence de la collectivité sur la scène d’opéra implique une signification politique, que j’étais prêt à revendiquer. Je voulais une esthétique proche de l’expressionnisme allemand : autrement dit Lulu, pas Pelléas. Je voulais du fantastique, mais sans ses écueils : la science-fiction ne passe pas sur scène car elle est liée à la description. Et je ne voulais pas de sujet d’actualité ». Il conclut : « Je me suis mis en situation de mettre tout ce que je savais faire au service d’une dramaturgie : c’est la raison pour laquelle l’œuvre n’est pas innovante. L’opéra est un lieu de synthèse et non d’innovation ». Bruno Mantovani lui-même, dans une interview à Bertrand Bolognesi ( anaclase) indique : « Je crois avoir beaucoup plus inventé dans les Six pièces pour orchestre que dans L’autre côté. L’objet opéra n’étant pas uniquement musical, indépendamment de la jubilation occasionnée par certaines exigences de la dramaturgie, la créativité ne s’y déploie pas librement ». Il raconte encore (toujours dans la même interview) : « L’autre côté occupe environ deux heures et demie, ce qui est rare. Cela me plaît beaucoup de jouer également la carte du Grand opéra à la française, si je puis dire. J’entends : assumer le genre opéra qui exige non seulement un sujet, mais aussi une histoire, un argument, une intrigue (on appelle cela comme on veut) tout en essayant, à notre échelle, de le renouveler par le langage musical. Depuis Wozzeck, la musique a changé, n’est-ce pas ? Or, après la grande purge des années soixante, on ne s’est guère posé la question de ce que l’évolution du langage musical pouvait transcender ou non dans l’opéra. Lorsque je parle de Grand opéra à la française, j’exprime n’avoir aucun mépris pour les Rossini français, pour Meyerbeer, etc. La musique de Meyerbeer n’est pas la plus excitante qui soit, mais théâtralement, elle fonctionne. Si l’on ne veut pas s’embêter avec les contraintes de la scène, il ne faut pas accepter une commande d’opéra. Pour être plus précis, je trouverais malhonnête de l’accepter et de livrer une cantate ». 146 9/ L'autre côté (suite Bruno Serrou 2) (La Croix, 26 septembre 2006) : « Se fondant vaillamment dans le grand opéra, avec chœur et orchestre Esthétique Commentaires abondants, Mantovani en tire un parti personnel qui exclut toute référence historique, réussissant la gageure de l'originalité constante ». Pierre-Emmanuel Lephay (Forum opera) : “L’accord entre le compositeur et son sujet est parfait. Mantovani nous gratifie d’une partition éblouissante notamment au niveau de l’orchestration d’une richesse inouïe, avec une dense et omniprésente percussion qui vient se placer ainsi - chose rare - à l’égal des cordes et des vents. Musique atonale usant magnifiquement des quarts de tons (superbes soli des bois), très explosive, souvent paroxystique, faisant parfois penser à Alban Berg (tant au niveau de l’orchestre que de l’écriture vocale, très tendue mais lyrique), usant régulièrement d’ostinati permettant une certaine « fixation » de l’écoute - indispensable dans une œuvre de grande envergure -”. “Superbes interludes orchestraux, comme ce voyage en train imitant les bruits d’une locomotive” (on pense à Pacific 231 d’Honegger). “Le climat de basculement vers le cauchemar de la première partie, l’ambiance orgiaque et décadente de la seconde sont ainsi parfaitement distingués et élaborés. Distillant des images fortes (entrée dans l’Empire du Rêve, finale du premier acte, orgie du second, lynchage du coiffeur, lutte entre l’Américain et Patera etc.) et un sentiment d’oppression en parfaite empathie avec le sujet et la musique, la force de ce travail est irrépressible : on ressort du spectacle étouffé, oppressé presque angoissé comme l’est Kubin tout au long de l’ouvrage”. Michèle Tosi (Res musica) décrit l'implantation du spectacle et le “monde d’étrangeté, tendu et inquiétant du premier acte : une musique “d’attente” telle que la définit le compositeur où les personnages parlent plus qu’ils ne chantent tandis que l’angoisse monte, créée au sein de l’orchestre par des dérèglements rythmiques très ligetiens mettant l’écoute “sous pression” jusqu’à la scène étonnante de “l’Horloge enchantée”, pur instant d’onirisme aux sonorités diaphanes que l’intervention du chœur colore d’une touche de mysticisme”. Elle poursuit : “Le déluge sonore de l’acte II, « l’autre côté » du premier acte, énorme déferlante s’abattant sur « l’Empire du Rêve » qui bascule alors dans le délire et l’orgie met en action le roulement continu des quatre caisses claires spatialisées provoquant une décharge d’énergie phénoménale”. Christian Merlin ( Le Figaro, 26 septembre 2006) : “Ostinato et accellerando font monter la tension, et au sein d'une orchestration riche, la première écoute détache le rôle moteur des clarinettes. Incisive, l'écriture atonale ne refuse pas l'ancrage harmonique, mais l'intelligibilité des mots est prioritaire : encore un bon point pour un opéra qui revendique sans pudeur le droit de raconter une histoire”. Michel Parouty (Les Echos) : “Malgré un souci très net de diversification (linéaire et souvent syllabique pour les hommes, plus souple et ornée pour les femmes), l'écriture vocale, qui surgit du langage parlé et, à la fin, s'efface devant lui, trébuche, pourtant, sur l'écueil qui menace en permanence l'art lyrique contemporain : la monotonie. Comme si la peur de la mélodie et des conventions de l'air avaient un effet paralysant. Celle des choeurs, en revanche, est directement émouvante. Et l'orchestre, très chargé, riche en percussions, est magnifique. On ne peut qu'être bluffé par cette incessante transformation du matériau sonore, qui assure la ductilité du discours, ces métamorphoses, ces variations de textures, de couleurs, de dynamique, et cette intensité qui, comme dans la cantate, maintient l'auditeur en alerte”. Voix :” le compositeur français se réfère à la pratique de la Renaissance dans sa relation au mot” ( Le Soir, Serge Martin, 2 octobre 2006). Influence : “Do I Do de Stevie Wonder, qu'il place «très haut»” (Eric Dahan, Libération, 8 septembre 2006). “Il n'est pas le seul de sa génération à démentir les clichés associés aux compositeurs de musique savante”. Autres influences : “Parmi ses modèles, outre Boulez - « son exigence, sa rigueur sont exemplaires pour des genstotalement engagés dans cette musique dite contemporaine sans compromission au »retour «, à la facilité ou à un genre plus vendeur » -, Mantovani cite Mozart, pour son sens de la psychologie et sa capacité à donner du sens à la musique par le texte, Meyerbeer, pour la solidité de la construction dramatique, Eötvös, pour son sens de la synthèse et de l'actualité, et le jazz”.(Bruno Serrou, La Croix, 18/9/ 2006). Il ajoute plus loin des détails sur le chant : « cet opéra met en scène dix rôles masculins et un seul rôle féminin qui, d’ailleurs, meurt vite : il était indispensable d’élargir au maximum les tessitures afin de rendre tout ce monde identifiable. On y rencontrera tous les registres, depuis la basse profonde jusqu’au contre-ténor, avec un doublon – deux ténors (Kubin et le Coiffeur) – , plus un rôle travesti, celui de l’Éditeur, confié à un mezzo-soprano. Cela dit, la caractérisation, dépassant de loin le seul souci de la tessiture, s’inscrit avant tout dans l’écriture et la prosodie de chaque personnage. Sans doute ai-je voulu faire un opéra pour essayer de rendre la prosodie signifiante sur le plan dramaturgique. En allant vite, je dirai que dans L’autre côté l’expression des bons procède du conjoint et du mélismatique, tandis que celle des méchants opère dans le monosyllabique et le disjoint. Le paroxysme des premiers étant Madame Kubin et le Dictateur celui des seconds, leurs styles vont logiquement fusionner dans les personnages que cette classification rapide mettrait entre eux deux, créant une Opéra) palette intermédiaire le traitement du ce français”. Pierre Emmanuel Lephay (Forum : « un coup dedans foudre absolu pour qui pourrait bien devenir un ouvrage lyrique marquant de ce début de siècle ». La reprise en forme de concert à Paris le 9 mars 2008 est recensée par Michèle Tosi (Resmusica) : elle décrit une réussite (avec l'ONDIF dirigé par Pascal Rophé). Francis Carlin ( Financial Times, 26/9/2006) décrit un demi-échex : « The result is a monotonous landscape starved of its full dramatic progression », et il met en cause un livret maladroit. Il ne croit pas beaucoup en la musique de Mantovani et conclut : « L'autre côté is a symphonic poem with interference from voices. If this is the future for modern opera, then it really is time to turn off the life support machine ». Christian Merlin ( Le Figaro, 26 septembre 2006) : L'écriture vocale a voulu échapper au syndrome Pelléas qui sévit depuis un siècle dès que l'on met en musique un texte en français, mais l'alternance entre parlé, parlé-chanté et chanté, censée dynamiser le discours, devient systématique et lassante, à mesure que la tension musicale commence à faire du sur-place. La monotonie guette, et avec elle une certaine lourdeur qui envahit la deuxième partie ». Pierre Gervasoni est très élogieux : « Chaleureusement accueilli, cet opéra d'une profonde intelligence s'impose sur trois niveaux. Celui, local, d'un conditionnement renouvelé de l'oreille. Celui, global, d'une exploitation symbolique de gestes récurrents (boucles répétitives pour signifier le confinement). Et celui, supérieur, de l'identité d'un compositeur adepte de la synthèse réfléchie plutôt que de l'innovation systématique ». Il conclut : « il fait irrésistiblement penser à Mozart ». Pour Michel Parouty : « La mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota, claire, fluide, créatrice d'atmosphère, est pour beaucoup dans cette réussite. Exploitant avec naturel la dramaturgie perpétuellement tendue du livret de François Regnault et de la musique, elle met l'auditeur en condition et ne le lâche plus. Lorsqu'arrive l'entracte, on a hâte de connaître la suite. Les décors sombres et sobres et intemporels et les éclairages d'Yves Collet autant que les costumes de Corinne Baudelot renforcent l'impression de malaise ». « Sentiment de lassitude » (Le Soir). Dans l'interview faite par Eric Dahan (Libération), le compositeur s'exprime : « Je déteste la nostalgie, tout ce merdier passéiste et religieux, beurk ! Cette crainte de la nouveauté qui pousse à accepter ses propres limites ». 147 10/ Pan, de Marc Monnet Année attribution commande d’État 2005 Nom du compositeur Librettiste À partir des textes de Marc Monnet (né à Christophe Tarkos (1964 Paris en 1947) / 2004) Titre Genre Durée Pan opéra, pour voix, acteurs, chœur, orchestre et électronique 1h15 Date et lieu de création Producteur Attribution FCL sur la création Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Informations complémentaires 29 septembre 2005 / Festival Musica / Opéra du Rhin, Strasbourg Opéra national du Rhin (en coproduction avec l'IRCAM) Aide 2005 Opéra national du Rhin (50 000 €) Non connu Mots et bouts de phrases en français. Éditions Salabert Interprètes Sopranos - Malia Bendi Merad - Nicole Tibbels / Ténor - Michael Bennett / Acteurs performeurs de la compagnie "side one posthume théâtre / pascal rambert" : Clémentine Baert, David Bobee, Gilles Groppo, Grégory Guilbert, Antonin Ménard, Kate Moran, Cécile Musitelli, Sophie Sire, Vincent Thomasset, Virginie Vaillant / Guitare - Marc Ducret / Piano - Takayuki Ezawa / Claviers - Vérène Rimlinger, Marie-Christine Goueffon, Yolande Uytter / Informatique musicale réalisée dans les studios de l'Ircam / Réalisation informatique musicale - Eric Daubresse / Ingénieur du son - Jérémie Henrot (plusieurs pupitres par 4 + peu de cordes) Choeurs de l'Opéra national du Rhin / Direction des Choeurs : Michel Capperon / Orchestre symphonique de Mulhouse / Direction musicale - Pierre-André Valade / Installation, mise en scène et costumes - Pascal Rambert / Lumières - Pierre Leblanc. Synopsis Dans l'article de Bergnach (anaclase) : « Tous sont en vêtements de ville. Un des acteurs-danseursperformeurs (et même gesticulateurs, selon Monnet) avance face au public, puis fait demi-tour. PAN, lit-on sur son tee-shirt tendu sur des épaules musculeuses qu'il va aussitôt dénuder. Au même instant, un partenaire cambré se laisse tomber bruyamment sur le dos, donnant le coup d'envoi à Pierre-André Valade, en fosse avec l'Orchestre Symphonique de Mulhouse. Durant une heure et quart, les artistes occupent l'espace avec leur corps en mouvement, frôlant leurs visages, simulant des orgies ou des meurtres, installant un écran de projection et des silhouettes blanches découpées (en partie en direct) dans du polystyrène. Elles sont ombres portées quand ces mêmes corps s'immobilisent, mais aussi arbres, barrières, buissons, tireurs, cheval, ou encore mots – JE VOIS, IMAGINAIRE, etc. TOUT ÉGAL PAN nous ramène inévitablement au Tout est Dada inventé un siècle plus tôt, signalant notre présence dans un univers parallèle, à la Lewis Carroll. À une partition en plusieurs strates volontairement brève pour être efficace, soucieux de densité et d'articulation, Marc Monnet a voulu associer une certaine souplesse – telles ces improvisations du guitariste Marc Ducret. Le piano est percussif (Takayuki Ezawa), les cuivres tempétueux, auxquels succèdent parfois une boîte à musique, un orgue, ou la voix off du compositeur.(...) Que la musique illustre platement les allusions mécaniques du texte (moteur, train, etc.) d'un mouvement perpétuel est une chose. Qu'on ne comprenne rien de ce qui est chanté en est une autre. Sans surtitrage, impossible de saisir ce que racontent les excellentes Malia Bendi Merad et Nicole Tibbels – soprani à la frontière du colorature et de l'hystérie – ou le chœur survolté qui aurait pu aussi bien débiter des onomatopées, vu le tempo choisi. Au final, la perplexité conduit à la consternation. Un théâtre nous met en garde contre certains débordements du texte et on sourit de ces « bourre-lui le cul » bien innocents. Un metteur en scène se vante de détester la surcharge, et nous voilà étouffés par le pire fatras d'un Ruy Blas d'avant-guerre. Enfin, un compositeur dont on connaît le goût pour les pied-de-nez de langage – Patatras, Bibilolo, Wa-wa... – s'offre le jeu de mots qui tue avec deux paons – blancs, ma chère ! – à l'avantscène. Le satyre peint au plafond de la salle pense-t-il comme nous ? Pan : beaucoup de bruit pour un pétard mouillé ». Pierre Gervasoni (Le Monde) : « Extrait significatif du style de Tarkos et de celui de Monnet : « Je prends les exemples où je veux, ce n'est pas parce que je ne te vois pas que je ne te vois pas venir, je ne te vois pas, ce n'est pas parce que je ne te vois pas que je ne t'associe pas. » La musique de Pan produit donc la curieuse impression d'un zapping permanent qui ne souffre pas de discontinuité. » 148 10/ Pan (suite) Projet Article de Laurent Bergnach, pour le site anaclase.com, composé après 3 ans de travail, il s'agit d'un opéra « où on ne trouve ''pas d'histoire mais beaucoup d'histoires'', avec une forme neuve, libérée de la narration. Dans cette logique de rupture – qui n'est pas nouvelle, puisqu'il y a vingt ans déjà, Monnet voyait l'opéra contemporain comme un leurre –, une demande de livret à un écrivain aurait été saugrenue. C'est donc dans un texte de Christophe Tarkos (1964-2004), trouvé par hasard en librairie, qu'il est venu piocher ces mots qui reviennent sous différentes formes durant tout le spectacle. De même, dans sa fuite du sens unique, Monnet a fait appel à Pascal Rambert, metteur en scène qui – comme il l'avouait au cours d'une conférence de presse, à la veille de cette première – trouve « assommant de créer de la représentation au kilomètre » et préfère «accorder à celui qui regarde le maximum de place ». Annoncé comme un non-opéra : « la forme est antitraditionnelle : pas de personnages, pas d'histoire, pas de véritable livret, pas de tableaux, pas d'évolution dramaturgique etc. Mais alors qu'y a-t-il ? Un orchestre dans la fosse, un chœur et des solistes sur scène (ce n'est donc pas tout à fait un "non opéra"), des figurants/danseurs évoluant dans un décor s'adaptant au fur et à mesure des différents épisodes musicaux car c'est bien la musique qui est l'élément conducteur de l'ensemble » (Forum opéra, PEL) Esthétique Pierre-Emmanuel Lephay : “Des climats changeants, des textures variées, une écriture riche : la partition est souvent séduisante, notamment au niveau de l'orchestration, remarquable (l'ensemble est très cuivré, on note ainsi la présence de 3 tubas, ce qui donne une couleur mordorée et incisive bien particulière). L'écriture vocale est elle aussi imaginative et ne ménage pas les chanteurs en sollicitant notamment leur registre aigu (les vocalises extrêmement rapides et suraiguës de l'une des sopranos font penser à celles entendues l'an dernier ici même dans The tempest, de Thomas Adès)”. Le compositeur refuse le terme de livret pour son texte. Bruno Serrrou (La Croix 11 octobre 2005) rappelle : “Monnet dénonce pourtant depuis vingt ans les conventions de l'opéra, ce qui l'a même incité à créer en 1986 sa propre compagnie, Caput mortuum, afin de repenser l'opéra, avec pour premier fruit À corps et à cris, oeuvre scénique sans récit, a contrario des réalisations de son maître Mauricio Kagel”. Il ajoute : “Tandis que dans la fosse l'orchestre gronde (avec un piano en continuo, les instruments graves dominant, avec quatre trombones et autant de tubas), la partition s'ouvre sur un glas choral, instrumental et électronique, avant de s'enliser dans une musique de film hollywoodien débouchant sur un minimalisme à la John Adams lancinant”. Christian Merlin (Le Figaro, 4 octobre 2005) : “la musique de Monnet opte pour un minimalisme assez pauvre, qui fait paraître surdimensionné l'appareil orchestral convoqué”. Laurent Bergnach (anaclase) indique : “À une partition en plusieurs strates volontairement brève pour être efficace, soucieux de densité et d'articulation, Marc Monnet a voulu associer une certaine souplesse – telles ces improvisations du guitariste Marc Ducret. Le piano est percussif (Takayuki Ezawa), les cuivres tempétueux, auxquels succèdent parfois une boîte à musique, un orgue, ou la voix off du compositeur”. Commentaires Pierre Emmanuel Lephay (Forum Opéra) : « il ne faut pas chercher un sens à ces mouvements. Mais alors (et c'est le risque de ce genre d'entreprises), toute cette agitation paraît vaine, un peu "fourre-tout" et parfois plutôt primaire comme cette déclinaison du mot "pan" à toutes les sauces : pan comme le bruit du pistolet, pan comme l'oiseau (présence de deux paons sur le devant de la scène durant toute l'oeuvre), pan de panneau avec ces grandes lettres transportées par les performeurs et formant des pans de phrases, mais aussi Pan le Dieu antique dont l'allusion est cependant très furtive, etc. » et pour finir : «On ressort ainsi du spectacle interloqué, interdit et peu convaincu. On est par contre curieux d'entendre d'autres oeuvres de Marc Monnet, notamment pour orchestre, tant la couleur et l'écriture du compositeur ont retenu l'oreille”. Pierre Gervasoni ( Le Monde, 3 octobre 2005) : “Et l'on entend des spectateurs s'interroger, le 30 septembre, avant même que ne commence la représentation : “Quels sont ces volatiles blancs qui arpentent la scène ?” Des paons pour Pan...” Il conclut : “Efficace, grâce au métier de Marc Monnet et de Pascal Rambert, dans une innovation propre à notre époque, Pan est la création qu'il fallait à l'opéra pour rejoindre la danse et le théâtre dans l'audace”. Christian Merlin (Le Figaro, 4 octobre 2005) a trouvé l'oeuvre “un peu vaine” et vieillotte. Il poursuit : “Une fois de plus, on a affaire à une installation plus qu'à une mise en scène, syndrome bien actuel quant à lui”. 149 11/ Iq et Ox, d'André Bon Année attribution commande d’État 2006 Nom du compositeur Librettiste Jean-Claude André Bon (né à Lille Grumberg (né à Paris en 1946) en 1939) Date et lieu de création Producteur 18 mars 2009 à l'opéra-théâtre de Metz (pour 4 représentations) Opéra théâtre de Metz Métropole Titre Genre Durée Iq et Ox Opéra pour 3 chanteurs adultes, 6 chanteurs enfants, et chœur d’enfants Non connu Attribution FCL sur la Reprises (y compris création aides FCL) Aide 2009 Opérathéâtre de Metz Métropole (35 000 €) Non connu Informations complémentaires Grand Prix Musique de la SACD en 2009 pour cet opéra (en réalité salue sa carrière). Éditions Musicales de la Salamandre. Chanté en français Interprètes L’Oiseau/L’Éléphanteau : Julie Robard-Gendre - Le Grand Prêtre Iq/L'Arbre : Paul Berthelmot - Le Grand Prêtre Ox/Le Propriétaire : Bruno Guiteny - Le Conteur-interprète en langue des signes : François Lesens Maîtrise d’enfants de la Cathédrale Saint-Etienne de Metz, sous la direction de Christophe Bergossi - Classe de CM2 de l'École Les Pépinières de Metz, sous la direction de Cäcilia Boyer - Institut des Jeunes Sourds de Metz, sous la direction de François Lesens / Orchestre imaginaire – Ensemble instrumental de Moselle / 1 fl, 1 ht, 1 cl, 2 cors, 1 trbn, 1 clavier, 1 perc, 1 vl, 1 alto, 1 vlc, 1 cb / Direction musicale Fabrice Kastel / Mise en scène et scénographie Christine Marest / Chorégraphie Hugo Guffanti / Costumes Isabelle Huchet / Lumières Patrice Willaume / Chef de choeur Aurélie Bègue. Synopsis Tandis que la bataille fait rage entre les IQs, adorateurs du soleil, et les Ox, qui vénèrent le fleuve sacré, Petite Ox porte secours à Petit IQ. Fuyant la colère des grands prêtres, les deux enfants partent en quête d’un lieu où vivre ensemble et fonder un peuple nouveau, celui des Iquéox. Au cours de leurs pérégrinations, ils rencontreront un arbre vénérable et un oiseau volubile, un homme aveuglé par la cupidité, des rapaces nocturnes, et un éléphant serein qui profite de son bain de lune… Bruno Serrou : « Prenez deux peuples, confie André Bon, l'un voué au dieu Soleil, l'autre à la déesse Eau. En période de sécheresse, le premier a besoin de l'eau que le second lui refuse. Si bien que, lorsqu'une fillette Ox en donne à un garçonnet Iq, la guerre devient inévitable ». Il s'agit d'une « féerie morale et musicale qui s’adresse aux enfants aussi bien qu’aux adultes, qui revisite le mythe de Roméo et Juliette », selon Bruno Serrou ( La Croix, 17/3/2009). André Bon précise (dans le même article) : « J'écris un opéra tous les dix ans. Je préfère la musique pure. Et pourtant, je ne peux m'empêcher de mettre des paroles en musique... C'est précisément cette contradiction qui nourrit mes opéras. Ce qui Projet de composition m'importe, ce n'est pas le sens, mais l'action ». (après Le Rapt de Perséphone / 1989 et La Jeune fille au livre / 1999). Il poursuit : « Cette fois, explique le compositeur, j'ai voulu écrire pour mes enfants. Mais, entre l'idée et la réalisation, le temps a passé et ils ont grandi ! » Bruno Serrou conclut : « Jean-Claude Grumberg a introduit dans ce conte de nombreux symboles : le pommier d'Eden, les épreuves des amants de La Flûte enchantée ou la sagesse orientale incarnée par un éléphant... » Esthétique La voix occupe une place de choix dans l'œuvre d'André Bon, qui explique (cité par Bruno Serrou) : « Je suis resté à la marge de ce mouvement (musique spectrale, NDR). Je pense qu'il s'agit non pas d'un dogme mais d'une technique d'écriture. Quand Schönberg a inventé le dodécaphonisme, il a tenté d'en faire un système qui assure la suprématie de la musique allemande pendant un demi-siècle. À mes yeux, seuls ces inventeurs sont intéressants. » Commentaires André Bon parle de sa carrière (cité par Bruno Serrou) : « J'ai eu du mal à me faire une place au soleil, reconnaît-il : pour les uns j'écris une musique trop moderne, pour les autres pas assez ! Je ne fais pas de concessions, je n'ai ni structure ni réseau à ma disposition ». 150 12/ La métamorphose, de Michaël Levinas Année attribution commande d’État 2009 Date et lieu de création 9 mars 2011 / Opéra de Lille Nom du compositeur Librettiste Titre Adaptation du texte Die Verwandlung de Franz Kafka Michaël Lévinas (1915) par Emmanuel Moses, (né à Paris en La métamorphose Michaël Levinas et Benoît 1949) Meudic. Prologue de Valère Novarina Production Coproduction Opéra de Lille et Ircam-Centre Pompidou. Attribution FCL sur la création Aide 2010 Opéra de Lille (30 000 €) Genre Durée Opéra en un acte d’après la nouvelle de Franz Kafka, précédé d’un prologue « Je, Tu, Il » sur un texte de Valère 1h10 (pour la Novarina commande, prévision de Pour 8 chanteurs, 1h45) ensemble instrumental de 15 musiciens et électronique en temps réel Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Information complémentaires Non connu Prologue "Je, Tu, Il" de Valère Novarina. Mise en scène de Stanislas Nordey. Avec Magali Léger, Anne Mason, Julie Pasturaud et André Heyboer. Reprise bientôt sans mise en scène par Ictus / Michaël Levinas en résidence de création à l’Ircam / L’ensemble Ictus est en résidence à l’Opéra de Lille / C'est le 4e ouvrage lyrique de Levinas. Chanté en français, anglais et autre. Dédié à ElieEmmanuel Lévinas. Interprètes Je, tu, il (Magali Léger, Anne Mason, Julie Pasturaud et André Heyboer) / La Métamorphose (Grégor, Fabrice di Falco ; La Sœur de Grégor, Magali Léger ; Le Père, André Heyboer ; La Mère, Anne Mason ; Le Fondé de pouvoir, Simon Bailey ; La Femme de peine, Julie Pasturaud ; Les Trois Locataires, Simon Bailey, Laurent Laberdesque, Arnaud Guillou) / Ensemble Ictus (George Van Dam violon, Aurélie Entringer alto, François Deppe violoncelle, Géry Cambier, Elise Christiaens contrebasses, Michael Schmid flûte, Bruce Richards cor, Philippe Ranallo trompette, Alain Pire trombone, Jean-Luc Fafchamps, Jean-Luc Plouvier claviers Midi, Tom Pauwels guitare électrique, Gerrit Nulens, Miquel Bernat percussions, Annie Lavoisier harpe) / Chef de Chant, Christophe Manien / Réalisation musicale informatique, Ircam, Benoît Meudic / Avec la collaboration de Carlo Laurenzi / Ingénieur du son Ircam, Sylvain Cadars / Mise en scène : Stanislas Nordey / Direction musicale, Georges-Elie Octors Synopsis Au sortir d’un rêve agité, Grégor Samsa s’éveille pour vivre un véritable cauchemar, celui de sa transformation en énorme cancrelat. Tout le monde connaît cette nouvelle de Kafka ; elle appartient désormais à nos mythologies contemporaines. L’idée d’en faire un opéra est tellement excitante qu’on en serait presque à se demander pourquoi une telle adaptation n’a encore jamais été tentée. Peut-être parce que la perspective donne le vertige et que l’histoire elle-même semble veiller à sa propre irreprésentabilité ? Michèle Tosi : « il n’y a pas, dans la nouvelle de Kafka, d’action à proprement parler mais une lente agonie, ce calvaire vécu par Gregor métamorphosé en l’espace d’une nuit en cancrelat et qui, du jour au lendemain, est rejeté voire exclu de sa famille » Projet Michaël Levinas explique : « Ce qui provoque chez moi les idées musicales est toujours lié à l’ordre de la plainte. Il faut qu’il y ait des larmes dans le son, qu’il soit habité d’un “sanglot long” ! » 151 12/ La métamorphose (suite) Esthétique Michèle Tosi (Res musica 11 mars 2011) : “Dans la fosse, un dispositif orchestral relativement léger : une quinzaine de musiciens, ceux de l’Esemble Ictus dirigé par son chef Georges-Elie Octors, assistés et relayés par la technique Ircam et ses déploiements électroniques (contrôlés par des claviers midi) qui s’avèrent ici omniprésents, voire envahissants, au détriment peut-être d’une écriture instrumentale bien souvent neutralisée. Au cours des 70 minutes (auxquelles il faut ajouter le Prologue) d’une trame dramatique très resserrée – cinq scènes ou madrigaux rythmés par des ritournelles – rares sont les moments musicaux où sonne véritablement l’orchestre hormis quelques fulgurances solistes, ici du cymbalum, là des claviers ou de la harpe”. Elle poursuit : “La voix litanique (le sanglot long dont part Levinas) de Gregor – celle de Fabrice Di Falco balayant tous les registres, de la basse profonde au falsetto – est constamment démultipliée (traitée comme un jeu d’orgue) par les artifices de l’électronique (Levinas en résidence à l’Ircam y a travaillé durant de longues semaines) ; un parti pris qui assume, certes, la part animale et monstrueuse du personnage mais n’évite pas une certaine lassitude ; au point, là aussi, d’absorber une bonne partie de l’espace scénique sans contrepartie véritable des autres personnages /// Bernard Schreuders (Forum Opera) “Maître ès hybridation et chimères sonores, le compositeur démultiplie l’étonnante voix de Fabrice di Falco qui chante, comme Diouf dans Les Nègres, aussi bien en baryton qu’en alto, ricane, déforme et nasalise son timbre sur des enregistrements de sa voix savamment retravaillés à l’Ircam auxquels peuvent aussi se mêler des claviers électroniques ou des percussions. Comment mieux traduire l’ambiguïté de cette créature, dont la conscience humaine se trouve piégée dans le corps d’un cancrelat ? Tournoyante et irréelle, la voix de la Sœur (Magali Léger) trahit la position non moins singulière du personnage, la seule qui ose vraiment approcher son frère, et confirme l’inventivité du langage de Levinas, sa plasticité et son pouvoir de suggestion. La spatialisation achève d’envoûter l’auditeur grisé par le foisonnement des timbres, des couleurs, des frottements et résonances en tout genre, au gré d’une expérience sensorielle, sinon sensuelle, qui trouble ses repères et le confronte, lui aussi, à l’inconnu » / « recouvrements de plans sonores, de chuintements et crissements comme dans des interstices, d'altérations du son et de la voix, entraînant le spectateur auditeur dans l'enfermement progressif de Gregor » (L'Humanité), Merlin (Le Figaro) : “Voix, instruments et sons artificiels glissent et tournoient pour créer un vertige”.Il poursuit : « Certains procédés sont bien un peu répétitifs (cet intervalle descendant directement importé de L'Enfant et les Sortilèges de Ravel...), la tension n'est pas toujours continue, mais un climat est là, celui d'un poème cauchemardesque et ironique”. Marie-Aude Roux (Le Monde, 11 mars 2011) : “La musique de Michaël Levinas, un hybride entre live et électronique, prend la voix au piège de la technique de synthèse. Un chant progressivement enrayé, puis brouillé, est barbouillé jusqu'à l'extinction finale, grésillement d'insecte dans une toile d'araignée. Mais il y a des trucages d'enfant, un côté farces et attrapes dans cette machine à sons qui emprunte les accents lancinants d'orgues malades, le grotesque des onomatopées et des cris d'animaux”. Question de l'obsolescence de l'informatique par MarieAude Roux (Le Monde, 30 mai 2013). Elle cite Levinas : “« Acceptons les hasards de la mort, les destins inégaux! Ne sommes-nous pas tous programmés pour l'obsolescence? Une musique, non conditionnée pour la reprise, délivrée de l'angoisse de la disparition, est actuelle au sens plein du terme! », s'exalte, non sans une pointe de provocation, le compositeur des Nègres ou de La Métamorphose, pour qui « l'avènement du numérique a été vital ». Trop de manifestations sonores pour Michèle Tosi, qui font que les « dernières minutes vécues dans un presque silence atteignent le plus fort de l’émotion ». Mise en scène bien réglée dans un décor adapté. Christian Merlin : « Homme de culture et amoureux des mots, Michael Levinas est un des musiciens qui posent aujourd'hui avec le plus d'acuité la question du rapport entre texte et musique à l'Opéra. Dans le courant de la musique spectrale, qu'il contribua à fonder, et qui explore la substance même du son, la voix fut longtemps taboue : on lui préférait l'artifice de l'électronique. Levinas n'a pas peur du côté physique, voire animal des cordes vocales, qu'il prolonge grâce aux hybridations rendues possibles par l'électronique de l'Ircam ». Marie-Aude Roux : «Levinas a récusé l'humour surréaliste et l'ironie de Kafka (dont on dit qu'il éclatait de rire en lisant La Métamorphose) pour lui substituer le rire de la tragédie. Mais trop, c'est trop. » Bruno Serrou (cette fois il écrit pour anaclase) : Les huit chanteurs (contre-ténor, soprano, trois barytons, deux mezzosopranos, basse) et l’ensemble de quatorze instrumentistes (violon, alto, violoncelle, deux contrebasses, flûte, cor, trompette, trombone, claviers Midi/piano, guitare électrique, deux percussionnistes, harpe) sont enrichis d’une partie électronique foisonnante et particulièrement raffinée réalisée à l’Ircam par Benoît Meudic en collaboration avec Carlo Laurenzi. Il est regrettable que la partition abuse du glissando descendant, au point de distiller en son centre un prégnant Commentaires désœuvrement chez l’auditeur, après une première partie qui ménage d’heureuses surprises et avant un dernier quart d’heure particulièrement intense. [...] Divisé en cinq madrigaux séparés par deux ritournelles, une psalmodie, deux chants d’amour, un chant de mort, une musique « du mille-pattes », un préambule et conclu sur un postlude, ce grand nocturne découle de la même préoccupation de Levinas dans son premier opéra, La Conférence des Oiseaux, la dimension animale du monde instrumental. Quant à la voix, celle du personnage central victime de la métamorphose, le représentant de commerce Gregor Samsa, elle se veut ni totalement humaine ni parfaitement animale, grâce à l’appoint de l’électronique sur la voix de sopraniste, « un accord par note, chaque accord étant arpégé, et chaque note de l’arpège sculptée selon sa courbe propre. Ombres et retards, vie intérieure de la voix comme polyphonie» (Levinas) ». Il conclut : « Dirigé avec habileté et précision par Georges-Elie Octors, l’ensemble bruxellois Ictus, en résidence à l’Opéra de Lille depuis 2004, est remarquable, bruissant, grondant, respirant comme un personnage à part entière, tel un millepattes, enrichi d’un impressionnant matériau informatique en temps réel qui démultiplie aussi les voix, particulièrement celle de Gregor, associée à des claviers électroniques, des effets doppler et des chutes de percussion, tandis que la voix de la Sœur est prise dans un tourbillon, tournant sur elle-même à la façon d’un astre ». 152 13/ Aliados, de Sebastian Rivas Année attribution commande d’État 2009 Date et lieu de création Nom du compositeur Librettiste Esteban Buch (né à Sebastian Rivas (né Buenos Aires en 1963), en France en 1975) livret en espagnol et en anglais Production Titre Genre Durée Aliados « un opéra du temps réel » 1h10 Reprise (avec indication Attribution FCL sur la du FCL si attribué sur la création reprise) Opéra dans le réseau Varèse. Festival Musica 14 juin 2013 Théâtre de Coproduction T&Mle 4 octobre 2013 Gennevilliers (CDN de Aide 2012 à l'ensemble Paris, Ircam-Centre (théâtre de Hautepierre) création T&M (15 000 €) Pompidou / Opéra national de contemporaine) Lorraine (Nancy) en mars 2015 Informations complémentaires Chanté en castillan et en anglais Interprètes Nora Petročenko : Lady Margaret Thatcher (mezzosoprano), Lionel Peintre : Général Augusto Pinochet (baryton), Richard Dubelski : Le Conscrit (acteur), Mélanie Boisvert : L’infirmière (soprano), Thill Mantero : L’aide de camp (baryton), Ensemble Multilatérale : Antoine Maisonhaute : violon, Giani Aserotto : guitare, Alain Billard : clarinette basse, Etienne Lamatelle : trombone, Lise Baudouin : piano, Hélène Colombotti : percussion, Léo Warynski : direction musicale, Antoine Gindt (directeur de T&M) : mise en scène, Philippe Béziat : réalisation live, Elodie Brémaud : collaboration artistique et assistante à la mise en scène, Elise Capdenat : scénographie, Daniel Lévy : lumière, Fanny Brouste : costumes / réalisation informatique musicale IRCAM, Robin Meier. Synopsis “A partir de la relation d’une brève ‘rencontre de courtoisie’, deux des principaux protagonistes de l’histoire politique et idéologique des années 80 sont confrontés à la fois à leur mémoire défaillante et aux faits avérés tels qu’ils ont été relatés et commentés, tels que nous les redécouvrons aujourd’hui avec le recul. Cette distorsion crée la tension nécessaire à un argument dramatique fort, relayé par les moyens musicaux, scéniques et technologiques, qui font eux-mêmes appel à une interprétation” (Antoine Gindt, sur le site du théâtre de Gennevilliers, consulté le 30 mars 2014. Maurice Ulrich (L'Humanité) : “Un corps couvert d'un linceul apparaît sur la scène nue. Un cameraman le filme comme seront filmés et retransmis sur écran en même temps que le jeu réel des acteurs chanteurs, tous les moments de l'opéra de Sebastian Rivas, Aliados (alliés), dont la première a eu lieu vendredi dernier au Théâtre de Gennevilliers. Au coeur de l'oeuvre, la rencontre, à Londres en 1999, de Margaret Thatcher et Augusto Pinochet. La veille, la Chambre des lords a refusé de lui accorder l'immunité judiciaire, Mme Thatcher vient lui apporter son soutien. Elle le remercie pour son aide pendant la guerre des Malouines et lui dit aussi : “Vous avez amené la démocratie au Chili”. Le corps sous le linceul est celui d'un marin du croiseur argentin General-Belgrano, coulé par un sous-marin britannique, faisant 323 morts”. Projet Esthétique Marie-Aude Roux s'interroge le 30 mai 2013 (Le Monde) : “Documents d'époque, souvenirs lacunaires, faits historiques, interprétations médiatiques posent avec acuité le problème de la mémoire. « En témoignant de notre temps, l'oeuvre d'art a peut-être un rôle à jouer, affirme Esteban Buch, à condition qu'elle soit le lieu d'une mise en scène en quête du sens de l'Histoire - ici la dénonciation de tout totalitarisme. »” Dans une interview à Térérama (n° 3324 du 28 septembre 2013, Gilles Macassar) : “J'ai composé Aliados en gardant toujours à portée de main deux partitions de Mozart, Così fan tutte et Don Giovanni, confie Sebastian Rivas. La première, pour le glissement harmonieux d'une forme à l'autre, de duo en quatuor, de quintette en trio. La seconde, pour le personnage du Commandeur, qui vient après sa mort demander des comptes, refuser l'impunité et réclamer justice, comme le soldat péri avec trois cents autres conscrits dans le naufrage d'un bâtiment de guerre argentin. » Antoine Gindt, qui met en scène, dit : “. Il s'agit d'un événement récent, encore frais dans l'esprit des gens. Surtout, il s'agit de figures publiques au déclin de leur vie et de leurs idées, dont la mémoire défaillante - comme lorsque Maggie salue Pinochet en lui disant : « Vous avez amené la démocratie au Chili » - vient se heurter de plein fouet à notre mémoire collective. Ce décalage crée une connivence avec le public, et un tissu émotionnel propice au déploiement lyrique”. C'est une musique à la fois neuve (effectif inédit, électronique en direct) et référencée (citations, parodies) : London Calling et L'histoire du soldat. Christian Merlin (Le Figaro, 25 juin 2013) : “Mais la ressemblance s'arrête là car ces éléments sont bel et bien intégrés, unifiés par un langage musical personnel autant que par une dramaturgie serrée, grâce aussi au livret habile d'Esteban Buch. Le cocktail est bien dosé”. Il poursuit : “L'écriture vocale extrêmement variée épouse la personnalité de chacun, la partition électronique créée par l'IRCAM prolonge et sert l'écriture orchestrale virtuose sans jamais la parasiter”. 153 13/ Aliados (suite) Commentaires Il s'agit d'une « stupéfiante réussite d'art total » selon Le Monde (Pierre Gervasoni), extrêmement liée à la vie même du compositeur. Télérama en parle avec le même enthousiasme : « rarement un opéra d'aujourd'hui a scellé avec un tel bonheur l'alliance et l'alliage de l'actualité politique et de la musique contemporaine ». Maurice Ulrich (L'Humanité) : « La musique de Sebastian Rivas, tantôt sourde, tantôt stridente et explosive, semble souvent peuplée de fantômes, tissée des rumeurs venant de ce passé qui ne passe pas ». Pierre Gervasoni (Le Monde, 18 juin 2013) parle d'une œuvre parfaite : « Une heure et quart d'art total, sans le moindre raté ». Christian Merlin (Le Figaro) en est aussi convaincu : « Faire dialoguer les formes artistiques les plus diverses est un vieux rêve souvent déçu : la plupart du temps en résulte un effet de juxtaposition plaquée. Raison de plus pour se réjouir quand quelqu'un parvient à intégrer les éléments ! » 154 14/ Re Orso, de Marco Stroppa Année attribution commande d’État Nom du compositeur Librettiste Titre Genre Durée Favola in suono / Légende musicale pour quatre chanteurs, quatre acteurs, ensemble, voix et sons imaginaires, spatialisation et totem acoustique 1h20 Marco Stroppa (né Vérone, Italie, en 1959) Catherine AilloudNicolas et Giordano Ferrari d’après la fable en vers d'Arrigo Boito (1842 / 1918) Re Orso Date et lieu de création Production Attribution FCL sur la création Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Informations complémentaires 19 mai 2012 Opéra Comique Opéra Comique Non Non connu Chanté en italien 2010 Interprètes Synopsis Projet Esthétique Commentaires Rodrigo Ferreira, Re Orso, un homme de pouvoir ; Monica Bacelli, le Ver, une femme du peuple ; Marisol Montalvo, Oliba, une courtisane ; Alexander Kravets, Troubadour, un courtisan ; Geoffrey Carey, Papiol, bouffon ; Piera Formenti, une courtisane ; Daniel Carraz, Cyril Anrep, deux courtisans ; Anthony Millet, accordéon parlant ; Ensemble Intercontemporain ; réalisation informatique musical Ircam : Carlo Laurenzi ; direction : Susanna Mälkki (fûte / hautbois / clarinette / tp trb cor accordéon vl alto vlc ctb). Mise en scène : Richard Brunel. Décors et costumes : Bruno de Lavenère. Laurent Bergnach (anaclase) explique : «cette fable symbolique raconte la vie et la mort du Roi Ours qui fait régner la terreur à la cour de Crète, avant l’an mil. Les meurtres gratuits s’enchaînent, les viols et les orgies, jusqu’à ce que le tyran, hanté par le Ver (sursaut de sa conscience incarné par une femme du peuple, libre de tout esprit courtisan), s’effondre sans obtenir une rédemption pourtant chèrement monnayée”. L'histoire « s’articule en deux parties, racontant, sur un ton « frais et ironique », l’histoire d’un tyran sanguinaire hanté par une voix mystérieuse, le Ver, qui ronge sa conscience ; le Ver est occis par ce dément furieux qui ordonne du même coup de supprimer le Troubadour trop entreprenant et Oliba, celle qu’il a forcée à devenir son épouse (fin de la première partie) ; dans la seconde partie, le Ver renaît, avec tous les morts, mais il incarne cette fois La Voix du peuple. Tous s’unissent pour traquer le tyran jusqu’à ce qu’il meure. ». La deuxième partie est entièrement électronique. Michèle Tosi indique dans Res Musica (23 mai 2012) : « Synthétisant quelques trente années de recherche sur l’outil informatique, Marco Stroppa engage, avec son collaborateur IRCAM Carlo Laurenzi, d’énormes moyens technologiques (création de sons de synthèse, spatialisation, suivi de partition…) pour inclure l’électronique dans la dramaturgie.: « j’ai voulu faire passer les enjeux du théâtre avant mes spéculations abstraites » précise le compositeur. Toutes les sources sonores sont amplifiées et sous contrôle de l’ordinateur qui permet d’agir en temps réel : perversion des timbres vocaux (le Ver), sons virtuels sortant de la fosse, création de voix de synthèse (celle du disclavier), contrepoints de chuchotements au sein de superbes ensembles vocaux ». Pour Michèle Tosi toujours dans Res Musica, « Re Orso reste avant tout un opéra pour la voix (chantée ou parlée), dans la grande tradition des chefs d’œuvre lyriques – les allusions à Don Giovanni foisonnent – que Stroppa pointe parfois avec humour ici ou là; les voix amplifiées (et parfois altérées) n’en révèlent pas moins l’excellence du plateau ». De plus, « Marco Stroppa attribue des rythmes de danse à chaque personnage et c’est le tango, largement dominant, qui confère l’aura sonore au Re Orso. Dans un espace-temps tout autre, l’électronique assume la dramaturgie de la seconde partie jusqu’au cri de mort inouï du héros : un très long glissando de trois minutes qui part de sa note ré et se métamorphose à mesure en un glas évoquant la grande cloche de Westminster ! l’apparition du Totem acoustique, sorte d’icône sonore chère au compositeur, qui synthétise ici toutes les voix invisibles en une spirale sonore, introduit la dernière scène, un duo intimiste et poétique entre La voix du peuple, celle qui ne meurt jamais, et un « accordéon parlant ».Cité par Bruno Serrou (La Croix, 19 mai 2012), Stroppa indique : « La partition, explique-t-il, se fonde sur les rythmes de l'italien et sur les nouvelles technologies adaptées au chant. Litanies, confessions, orgies, solos de bravoure stylisant la danse... ». Laurent Bergnach (anaclase) explique : « Chacun des solistes se voit assigné une danse (tango, sarabande, etc.) et un instrument (basson, alto, etc.), si bien que timbres et rythmes récurrents structurent une partition orchestrale aérée – où dominent aussi la trompette, la contrebasse jazz et l’accordéon – qui prend en compte la présence redoublée de la voix (amplification et transformation, notamment lors des premières interventions mystérieuses de Ver et du lent glissando de la note finale du rôle-titre vers les graves, au moment d’expirer) ». Premier ouvrage scénique de Marco Stroppa. Considéré comme un « prototype de l'opéra du XXIe siècle », par Michèle Tosi. Elle poursuit : « le compositeur perpétue en effet le genre inauguré par Monteverdi », en parlant d'une « énorme aventure technologique ». Laurent Bergnach conclut : « beaucoup de paramètres font que l’on n’adhère pas entièrement au spectacle : un livret qui propose une caricature de tyran sadique et une morale simpliste, une mise en scène qui ressace les tics du moment (ORSO en lettres électriques, rideau en côte de mailles, comédiens quasi figurants), un humour qui s’évente vite (fausses sonneries de portable dans l’Exorde initial, clins d’œil à Traviata et Zauberflöte), etc. ». 155 15/ La nuit de Gutenberg, de Philippe Manoury Année attribution commande d’État Nom du compositeur Librettiste Titre Genre Durée 2011 Philippe Manoury (né à Tulle en 1952) Jean-Pierre Milovanoff La nuit de Gutenberg opéra en un prologue et douze tableaux 70 minutes Date et lieu de création Production Attribution FCL sur la création Reprise (avec indication du FCL si attribué sur la reprise) Informations complémentaires 24 septembre 2011 / Opéra national du Rhin Opéra du Rhin et le Festival Musica Opéra national du Rhin en 2011 (80 000 €) non connu Editions Durand. Nommé « Compositeur de l'année » aux Victoires de la musique 2012 pour cette œuvre. Interprètes 3 chanteurs : Nicolas Cavallier, Gutenberg (baryton) ; Eve-Maud Hubeaux, Folia (contralto) / Mélanie Boisvert, L'hôtesse (sorano colorature) / 4 scribes, un juge, un notable, interprétés par les solistes du choeur / ensemble vocal de 7 chanteurs / choeur d'enfants / choerus de l'Opéra national du Rhin / dispositif vidéo / orchestre par 3 / Mise en scène : Yoshi Oida (décors, Tom Schenk / costumes, Richard Hudson / lumières, Pascal Mérat) Réalisation Informatique musicale de l'IRCAM : Serge Lemouton / Choeur de l’Opéra National du Rhin; direction Michel Capperon / Maîtrise de l’Opéra National du Rhin; direction, Philippe Utard / Orchestre philharmonique de Strasbourg / Direction musicale : Daniel Klajner. Synopsis « Un personnage surgit au XXI e siècle et prétend s’appeler Gutenberg ; il pénètre violemment dans le monde de la communication d’aujourd’hui, dont Internet est le roi » Manoury indique : « Cet opéra, comme son titre l’indique, se passe en une nuit mais fait intervenir d’autres époques, comme le prélude cité précédemment, ainsi que l’évocation des procès que Gutenberg a dû subir au XV e siècle. Par la diversité des époques, mais aussi à cause de la confrontation de ces deux mondes que symbolisent Gutenberg et l’Internet, je tente de donner à ces scènes – qui seront parfois très courtes – des caractères très différents et contrastés tout en conservant, je l’espère, l’unité qui se doit de relier les parties au tout ». « Un dispositif vidéo et un autre diffusant de la musique électronique en temps réel auront une large place aux côtés de l’orchestre se trouvant dans la fosse. On ne peut pas traiter de l’Internet sans montrer d’images ni faire entendre des sons électroniques. Une scène, en particulier, sera comme un film dans le cadre de cet opéra, sans chanteurs ni orchestre, uniquement des sons électroniques et des images vidéos : celles où seront montrés des documents retraçant les autodafés ». Fernand Vandenbogaerde avait imaginé un opéra d'un tout autre contenu que la réalisation finale. Tous les signes musicaux sont une reproduction à l'infini de l'écriture jusqu'à l'internet / fétichisme. Lyrisme fragile. Il y a là un problème de dramaturgie : aucune action. Michèle Tosi raconte : « cette fiction raconte l’arrivée, « par enchantement… », d’un personnage qui se prend pour Gutenberg dans une ville – Strasbourg peut-être – qu’il ne reconnaît pas, et sa rencontre, dans un Cybercafé – le carrefour des vérités sans lendemain – avec une Hôtesse plutôt accueillante: « Venez, venez! Vous verrez qu’ici tout est mouvement, lueur, passage, transition, idolâtrie, vagabondage ». Cerné par des êtres – le chœur Polyglotte – avec qui il ne peut communiquer, il fait la connaissance de Folia, jeune femme nourrie de littérature qui ranime le rêve qui l’a fait vivre. « Elle a autant besoin des livres que des images, du réel que du virtuel: Folia, c’est moi », nous confie Manoury ». Maurice Ulrich ( L'Humanité, 30 septembre 2011) : « dans la Nuit de Gutenberg, alors que défilent à un moment sur un écran des images vidéo colorisées de guerre et de bombardements que des enfants regardent comme des jeux vidéo, elles agissent en même temps sur la musique, qui y puise en quelque sorte sa force dramatique » Projet Manoury dit (La Croix, Bruno Serrou, 4/6/2012) : “« Chacune de mes oeuvres part toujours de la précédente sur le plan technologique. Jupiter (1987), Pluton (1988), Partition du ciel et de l'enfer (1989), Neptune (1991), En écho (2001)... partagent des éléments communs auxquels j'ajoute à chaque fois du Nouveau ». Manoury explique (cité dans Les Echos, Philippe Venturini, 16 septembre 2011) : “La vie de Gutenberg n'a d'ailleurs pas un grand intérêt dramatique. A travers son personnage, j'ai voulu aborder le thème de l'écriture et de son implication dans l'histoire des civilisations”. Michèle Tosi (Res Musica, 27 septembre 2011) : “Compositeur/chercheur investi depuis fort longtemps dans les processus d’application des logiciels électroniques à l’écriture instrumentale, Manoury conçoit son nouvel opus scénique avec l’assistance de la technique IRCAM – comme il l’avait fait pour les deux précédents - en intégrant ici le support vidéo”. Philippe Manoury indique : « L’idée de prendre le personnage de Gutenberg comme rôle principal de cet opéra m’a été suggérée par Marc Clémeur, le Directeur de l’Opéra national du Rhin à Strasbourg, parce que ses premiers travaux menant à l’invention de l’imprimerie en Occident (les Chinois connaissaient déjà le système des caractères mobiles dès le XIe siècle) ont eu lieu dans cette ville en 1434. On sait les bouleversements que cette invention a provoqué dans la culture humaine, la plus grande probablement après l’invention de l’écriture ellemême. Il m’a semblé alors judicieux de la mettre en rapport avec un autre bouleversement auquel nous sommes tous confrontés aujourd’hui : l’Internet. La puissance de cet outil est étudiée, commentée, vantée et redoutée tous azimuts, et ce n’est pas le rôle d’une oeuvre d’art que de faire de la sociologie ou de l’analyse comportementale. L’art, quand il le peut, doit susciter des émotions, provoquer une réflexion, une pensée et, surtout, utiliser ses seuls moyens pour y parvenir. » 156 15/ La nuit de Gutenberg (suite) Esthétique Il est parmi les pionniers de l'informatique musicale, entrant à l'Ircam dès le début des années 1980, dans l'objectif (cité par Gervasoni) : « de créer une écriture informatique qui soit aussi solide que l'écriture traditionnelle ». Toujours cité par Gervasoni : « On vit une phase embryonnaire, et il peut en sortir un jour quelque chose de bouleversant, une œuvre artistique qui prendrait en considération ces moyens-là et en tirerait quelque chose de susceptible de faire date. Peut-être y parviendrai-je... ». Commentaires Michèle Tosi : “Le metteur en scène japonais Yoshi Oida conçoit à cet effet un dispositif unique et amovible ainsi qu’une « forêt » d’écrans bleus stylisant l’intérieur du Café Internet: une mise en scène minimale que vient rehausser la vidéo avec des jeux de captation en direct et des projections filmées de scènes d’autodafés – scène 5 – accompagnées de musique électronique”. L'orchestre “assume avec brio la complexité d’une partition à laquelle l’électronique donne son envergure spatiale et sa luxuriance sonore”. Christian Merlin ( Le Figaro, 27 septembre 2011) n'a pas apprécié : il ouvre sa critique par un lapidaire : “Les grands compositeurs d'opéra avaient le sens du théâtre et savaient s'entourer de librettistes efficaces. Deux conditions rarement réunies aujourd'hui, comme on a encore pu s'en apercevoir à l'ouverture du Festival Musica de Strasbourg”. Il poursuit : “L'orchestration est de premier ordre, la musique captivante. À deux beaux ensembles près, l'écriture vocale est monotone et syllabique (...). Le livret de Jean-Pierre Milovanoff accumule clichés et poncifs avec un didactisme si scolaire que l'on s'en désintéresse vite”. Venturini conclut en citant Manoury : “Mais il regrette que les créations semblent interdites de reprises. « Trois ans de travail pour seulement quatre représentations, c'est terrible ! » A l'heure de l'Europe, il aimerait qu'opéras et orchestres envisagent des coproductions. « Cela leur coûterait moins cher et prolongerait la vie des oeuvres. » Pierre Gervasoni le cite aussi en début d'article : “Sur la page d'accueil de son site Internet, Philippe Manoury a affiché une citation de Samuel Beckett : “Avec toute cette obscurité autour de moi, je me sens moins seul. » Posture ou mélancolie ? Le musicien répond solitude. Celle que lui et ses collègues éprouvent dans un monde où la plupart des gens (y compris les plus cultivés) expriment « une totale méconnaissance de ce qui se passe en musique contemporaine ». Pierre Gervasoni s'enthousiasme : “La plus grande force de ce spectacle très réussi provient néanmoins de la partition époustouflante de Philippe Manoury. Orchestre (magnifiquement dirigé par Daniel Klajner), électronique (réalisée à l’Ircam selon une double orientation, subtile et spectaculaire) et voix (solistes ou madrigalesques) bénéficient d’un traitement magistral”. Laurent Bergnach (anaclase) : “Malheureusement, une partition morose s’appuie sur le livret geignard de Jean-Pierre Milovanoff – qui se définit lui-même comme pessimiste et mélancolique –, pétri de constats convenus et d’analyses superficielles qui gâtent un sujet superbe”. Il définit le tout comme un “pamphlet fourre-tout”. 157 Annexe VI LES DOCUMENTS ACCESSIBLES AU CDMC. La plupart des documents sont déposés par les compositeurs eux-mêmes ; des dossiers documentaires sont réalisés par le CDMC Documents CDMC et documents mis à disposition par d'autres biais. Compositeur Titre de l'opéra Année de la commande (et de la création) 2001 (inconnu) Partitions Articles + autres publications et documents audio Oscar Strasnoy Midea (3) Donnée par le compositeur à la DGCA, mais inaccessible. Dossier documentaire : DD10384P : Document Radio France pour l'émission « Découvertes » du 5 juin 1999 + articles de Pierre Gervasoni (Le Monde, juin 1999 puis janvier 2012) La stratification de la mémoire, A la ligne, collection éditée par l’ensemble 2e2m, juillet 2009 + 1 CD des Bloc-notes de Midea (différentes formes), qualité audio médiocre (CD STRAS 003) - Claudio Ambrosini Graciane Finzi Il canto della pelle Là-bas peut-être (ou l'Africaine) 2002 (2006) - 2002 (2003) - Suzanne Giraud Le vase de parfum 2002 (2004) Georges Aperghis Avis de tempête 2003 (2004) Laszlo Tihanyi Philippe Fénelon Génitrix 2004 (2007) Conducteur en 2 volumes (éditions Jobert (2004) (PAR 12695 P) Conducteur accessible sur le site du compositeur - Faust 2004 Giorgio Battistelli Divorzio all'italiana 2005 Bernard Zaïde actualité 2005 Conducteur (non édité) (PAR 13985 P) Conducteur en 1 volume (édité par Ricordi en 2008) (PAR 14749 M) Conducteur Dossier documentaire numérisé (DD CDMC 12429.pdf) + K7 VHS et DVD Dossier documentaire : Série de critiques octobre 2004 (Classica, Le Monde, La lettre du musicien) + interview in Musica Falsa Document sur Avis de tempête (+ Fragments, journal d'un opéra : DD 04678 P + CAS 04678) + CD mis à disposition par Laurent Spielmann Programme de salle mis à disposition par la ROF 2 CD de l'opéra + dossier documentaire en pdf (CDMC 13985.pdf) CD (radio france CD RF 855) + dossier documentaire (DD 14749) + DVD mis à disposition par Laurent Spielmann (archives de l'Opéra national de Lorraine) Dossier documentaire en pdf (DD 158 Compositeur Titre de l'opéra Année de la commande (et de la création) Partitions Cavanna Bruno Mantovani L'autre côté 2005 Marc Monnet Pan 2005 André Bon Iq et Ox 2006 - Michaël Lévinas La métamorphose 2009 Sebastian Rivas Aliados 2009 (2013) Conducteur (édité par Henry Lemoine en 2010) (PAR 16083 P) - Marco Stroppa Philippe Manoury Oscar Strasnoy Re Orso 2010 - La nuit de Gutenberg Slutchaï 2011 - 2012 (2013) - (PAR 14180 P) Conducteur (édité par Henri Lemoine 2005) (PAR 13541 P) Conducteur (édité par Cerise music en 2002 (sic) (PAR 13620 P) Articles + autres publications et documents audio CDMC 13180.pdf) CD (CD RF 684) + dossier documentaire numérisé (DD CDMC 13541.pdf) Dossier documentaire numérisé (DD CDMC 13620.pdf) Version complète de l'opéra sur internet (en ligne en février 2014) : http://youtu.be/KaQuZDfajoc Site du compositeur + Extraits en ligne de l'opéra : https://www.youtube.com/watch? v=G8tEBGYcxZI CD (Aeon 2012 – CD LEVIN 008) + dossier documentaire (DD 16083) Audio numérisé (AUDNUM RF CDMC017285 01.mp3) + (Strasbourg, Musica/Rivas/Aliados, Ens.Multilatérale) + opéra complet sur Arte vision La aventura de la opera, de Marisa Manchado Article de Pierre Gervasoni (Le Monde janvier 2012 pour le festival Présences) La plus grande difficulté du CDMC est de rester en phase avec l'actualité. Les ressources sont intégrées peu à peu. Depuis quelques années, une politique volontariste de numérisation a rendu de nombreux documents accessibles, y compris par internet. Sur les dix-sept œuvres écrites dans le cadre de la commande d’État entre 2001 et 2013, j'ai eu accès par le CDMC à sept partitions d'orchestre et une par le biais du site d'un compositeur (Georges Aperghis). 159 Annexe VII LA PRESSE. Examen global. Travail à partir d'articles publiés sur les quatorze opéras suivants (lors de leur création et/ou de leur reprise) : Là-bas peut-être de Graciane Finzi, Le vase de parfum de Suzanne Giraud, Avis de tempête de Georges Aperghis, Génitrix de Laszlo Tihanyi, Faust de Philippe Fénelon, Divorzio all'italiana de Giorgio Battistelli, Zaïde actualités de Bernard Cavanna, L'autre côté de Bruno Mantovani, Pan de Marc Monnet, Iq et Ox d'André Bon, La métamorphose de Michaël Levinas, Aliados de Sebastian Rivas, Re Orso de Marco Stroppa, La nuit de Gutenberg de Philippe Manoury. Les opéras cités ont reçu au moins une critique d'un quotidien imprimé (Le Monde, La Croix, Le Figaro, Les Échos, L'Humanité, Libération, Le Soir, The Financial Times, Le Temps, la Tribune) ou au moins une d'un des sites internet anaclase, forumopera ou resmusica. Un seul article provient d'un hebdomadaire de presse généraliste : L'Express. L'objectif est de voir quelle résonance nationale a une création lyrique. L'examen de la presse régionale nécessiterait d'être vue, pour examiner les répercussions sur le territoire où est créée une œuvre. Un examen de la presse mensuelle spécialisée mériterait d'être fait dans le cadre d'une étude plus importante. Les listes sont classées par ordre décroissant du nombre d'articles écrits. 1/ Liste des titres de presse écrite quotidienne (total de 66), accompagnée de brèves biographies des principaux auteurs (trouvées sur différents sites internet) : Le Monde : 14 publications dont neuf articles critiques, deux articles généralistes sur le numérique et l'Ircam et trois portraits de compositeur. Pierre Gervasoni : né en 1959, agrégé de musicologie et diplômé du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, il mène une double activité d’enseignant et de critique musical pour le quotidien Le Monde et pour le mensuel Art Press. Il écrit sur les opéras de Giraud, Aperghis (deux fois, dont un portrait), Tihanyi, Fénelon, Mantovani, Monnet, ainsi qu'un article sur l'IRCAM au moment de la création de Levinas, Rivas (deux fois, dont un portrait) et Manoury (deux fois, dont un portrait). Marie-Aude Roux, quant à elle écrit sur l'opéra de Levinas ainsi qu'un article global sur le numérique et l'IRCAM au moment de la création de l'opéra de Rivas. La Croix : 13 publications dont onze articles critiques et deux portraits de compositeurs. Jean-Luc Macia : diplômé du Centre de formation des journalistes de Paris, il a été rédacteur en chef et critique musical de La Croix jusqu'en 2012. Il collabore à la revue Diapason et assure la critique de disque de La Revue des Deux Mondes. Il écrit sur les opéras de Giraud, Aperghis, Tihanyi, Fénelon et Cavanna. 160 Bruno Serrou : journaliste culture spécialisé musique classique, il collabore au quotidien La Croix et au mensuel Scherzo (Espagne), après avoir écrit pour anaclase.com, resmusica.com, Harmonie, Opéra International, Compact Disc Magazine, collaboré à Radio Notre-Dame et Radio France, et dirigé le service dramaturgie du Théâtre Musical de Paris/Châtelet. Il écrit sur les opéras d'Aperghis, Mantovani (deux fois, dont un portrait), Monnet, Bon, Stroppa et Manoury (deux fois, dont un portrait). Le Figaro : 9 articles critiques dont une portant sur une reprise (Rivas). Christian Merlin : né en 1964, agrégé d'allemand, docteur ès lettres, musicologue et maître de conférences, critique musical au Figaro et à la revue Diapason, il participe aux émissions de France Musique. Il est aussi l'auteur ou le directeur de publication de plusieurs numéros de L'Avant-Scène Opéra et l'auteur d'un ouvrage consacré à l'orchestre symphonique. Il écrit sur les opéras de Giraud, Aperghis, Mantovani, Monnet, Levinas, Rivas (deux fois, une fois pour la création et une fois pour la reprise à Musica) et Manoury. Thierry Hilleriteau écrit sur l'opéra de Rivas. Les Échos : 8 articles critiques. Michel Parouty : né en 1945, diplômé d'études supérieures de philosophie, licencié ès lettres, diplômé de musicologie, il commence sa carrière de journaliste en 1979. Collaborateur de la revue Diapason depuis 1986, il participe à la rubrique culturelle des Échos depuis 1997. Il écrit sur les opéras de Finzi, Giraud, Tihanyi, Fénelon, Battistelli, Mantovani et Monnet. Philippe Venturini écrit sur Manoury. L'Humanité : 8 articles critiques dont deux reprises (Aperghis et Rivas). Maurice Ulrich : éditorialiste et critique musical de l'Humanité. Il écrit sur Aperghis (deux fois, une fois pour la création et une fois pour la reprise), Fénelon, Mantovani, Levinas, Rivas (deux fois, une fois pour la création et une fois pour la reprise) et Manoury. Libération : 4 articles critiques. Eric Dahan : formé à la philosophie à la Sorbonne, au Collège International de Philosophie et aux séminaires de Jacques Derrida à l’École Normale Supérieure, il entre en 1990 à Libération où il est très vite en charge de la musique classique et contemporaine. Il écrit sur les opéras de Giraud, Aperghis et Mantovani. Jean-Baptiste Marongiu écrit sur Aperghis. Le Soir : 4 articles critiques. Xavier Flament et Michel Debrocq écrivent sur l'opéra d'Aperghis. Serge Martin écrit sur l'opéra de Mantovani, ainsi qu'une très courte critique sur celui de Levinas. The Financial Times : 3 articles critiques. Francis Carlin écrit sur les opéras d'Aperghis, Battistelli et Mantovani. Le Temps : Julian Sykes écrit sur l'opéra de Giraud. L'Express : Claire Chartier écrit sur l'opéra de Giraud. La Tribune : un article non signé est écrit sur l'opéra de Cavanna. 161 2/ Liste des sites internet les plus consultés (24) : resmusica.com : 11 articles (dont une reprise). Site existant depuis 1999. Michèle Tosi : professeure d’analyse, d’histoire de la musique et de culture musicale, agrégée de musique, premier prix d’analyse dans la classe de Claude Ballif au CNSM de Paris, docteure d’université. Elle écrit sur les opéras de Giraud, Cavanna, Mantovani, Levinas, Rivas, Stroppa et Manoury, soit un total de sept articles. Jacques Schmitt écrit lui aussi sur l'opéra de Giraud. Nicolas Pierchon écrit sur celui de Finzi. Michel Thomé écrit sur celui de Battistelli. Francesca Guerrasio écrit sur celui de Fénelon. anaclase.com : 7 articles. Site existant depuis 2003. Bruno Serrou écrit sur l'opéra de Levinas. Laurent Bergnach (rédacteur en chef du site) écrit sur les opéras de Giraud, Monnet, Stroppa et Manoury. Bertrand Bolognesi écrit sur les opéras de Fénelon et Mantovani. forumopera.com : 6 articles. Site existant depuis 2008. Pierre-Emmanuel Lephay écrit sur les opéras de Mantovani et Monnet. Maurice Salles écrit sur l'opéra de Fénelon. Bernard Schreuders écrit sur les opéras de Levinas et Stroppa. Yonel Buldrini écrit sur l'opéra de Battistelli. 3/ Nombre d'articles publiés pour chaque opéra : Compositeur / Opéra Graciane Finzi, L'Africaine Suzanne Giraud, Le vase de Parfum Georges Aperghis, Avis de tempête Laszlo Tihanyi, Génitrix Philippe Fénelon, Faust Giorgio Battistelli, Divorzio all'italiana Bernard Cavanna, Zaïde actualités Bruno Mantovani, L'Autre côté Article Les échos / resmusica Total 2 Le Monde / Le Figaro / La Croix / Le Temps / L'Express / Libération / Les Échos / anaclase / resmusica (x 2) The Financial Times / La Croix (x 2) / Le Monde (x2 = portrait + critique) / L'Humanité (x 2 = création + reprise) / Le Figaro / Le Soir (x 2) / Libération (x 2 = critique + reprise) Les Échos / La Croix / Le Monde L'Humanité / La Croix / Le Monde / Les Échos / anaclase / forumopera / resmusica The Financial Times / Les Échos / resmusica / forumopera 10 La Tribune / La Croix / resmusica 3 The Financial Times / L'Humanité / La Croix (x 2) / Le Figaro / Le Monde / Les Échos / Le Soir / Libération / anaclase (portrait) / forumopera / resmusica 12 12 3 7 4 162 Compositeur / Opéra Marc Monnet, Pan André Bon, Iq et Ox Michaël Levinas, La métamorphose Sebastian Rivas, Aliados Marco Stroppa, Re Orso Philippe Manoury, La nuit de Gutenberg Article Le Monde / La Croix / Le Figaro / Les Échos / anaclase / forumopera La Croix L'Humanité / Le Figaro / Le Monde (x 2, dont 1 sur l'IRCAM) / Le Soir / anaclase / resmusica / forumopera L'Humanité (x 2 présentation festival IRCAM + création) / Le Figaro (x 3 = présentation + création + reprise Musica) / Le Monde (x 3 = création + reprise + article annexe IRCAM) / resmusica La Croix / anaclase / forumopera / resmusica Le Figaro / L'Humanité / Les Échos / La Croix (portrait Manoury + petite critique Musica) / Le Monde (x 2 = portrait + critique) / anaclase / resmusica Total 6 1 8 9 4 9 163 Annexe VIII LA CHRONOLOGIE DES RÉSULTATS DU FONDS DE CRÉATION LYRIQUE (FCL) POUR LES AIDES ATTRIBUÉES ENTRE 2001 ET 2013. De 2001 à 2006, seules les créations sont citées. À partir de 2007, les reprises sont aussi indiquées, et parfois les guichets d'origine. Les documents utilisés proviennent du site internet de la SACD et des archives d'Agnès Princet, responsable du FCL à la SACD depuis sa création. C'est pourquoi les différences d'informations sont importantes d'une année sur l'autre. L'année de l'attribution ne correspond pas toujours à l'année de création ou de reprise. 2001 (créations) - Impressions d'Afrique, de Giorgio Battistelli, produit par l'Opéra national du Rhin. - Marianne, de Edouard Lacamp et Ivan A. Alexandre, produit par l'Esplanade de SaintÉtienne. - Merci Douglas, bonsoir, de B. Herz et J. Rebotier, produit par le Grand Théâtre de Reims. - Qui est fou ? de F. Ribac, H. Le Tellier, E. Schwabe et MC Pausier, produit par le Grand Théâtre de Reims. - Ubu roi, de V. Bouchot, produit par la Péniche Opéra (Paris). 2002 (créations) - Comme des bêtes, de Alexander Grandé, produit par l'Opéra-comique (Paris). - Marianne, de Edouard Lacamp, produit par l'Esplanade de Saint-Étienne. - Opérette, de Oscar Strasnoy et Witold Gombrovicz, produit par le Grand Théâtre de Reims. - Accents en Alsace, de Marc-Olivier Dupin, Danièle Mémoire et Élisabeth Lennard, produit par le Festival Musica (Strasbourg). - Alice au pays des merveilles, de François Bou et Eric Herbette, produit par le Centre Culturel Gérard Philipe de Champigny. - L'amazone, d'Eugénie Alecian et JJ Varoujean, produit par la Péniche Opéra (Paris). - Concha Bonita, de Nicola Piovani, Alfredo Arias et René de Ceccaty, produit par le Théâtre de Chaillot (Paris). 164 - L'enfant dans l'ombre, de Didier Puntos et A. Fornier, produit par le Théâtre de Villefranche. - La fille du Cid, de Franck T'Hezan et Jean-Christophe Keck, produit par l'espace Saint Cyprien de Toulouse. - La frontière, de Philippe Manoury et Daniela Langer, produit par la scène nationale d'Orléans. - Gilgamesh, il n'est pas mort, de Kudsi Erguner, Hussein Barghouti, Catherine Lagarde, produit par la Maison de la Musique de Nanterre. - Houles et ressacs, de Gualtiero Dazzi, produit par la Ville de Brest. - Kyrielle du sentiment des choses, de François Sarhan et Jacques Roubaud, produit par le Festival d'Aix-en-Provence. - Lady Godiva, opéra pour un flipper, de Coralie Fayolle et Nathalie Fillion, produit par l'Espace culturel du Parc de Drancy. - Médée de Sergio Ortega, produit par le Théâtre Berthelot de Montreuil. - Oliver Twist, de Philippe Mion, Kasper Toeplitz et M. Lauras, produit par le Théâtre Edwige Feuillère (Vesoul). - Le rêveur, de Jacques H. Blumen, produit par l'Espace Rachi de Paris. - Sarnavo, de Sylvain Kassap, produit par la Scène nationale de Poitiers. - Le sourire au pied de l'échelle, de François Raulin et Claude Tabet, produit par l'Opéra national de Paris. 2003 (créations) - Avis de tempête, de Georges Aperghis, produit par l'Opéra de Lille. - Espace dernier, de Yhomas Pintscher, produit par l'Opéra national de Paris. - Les nègres, de Michaël Levinas, produit par l'Opéra national de Lyon. - Les rois, de Philippe Fénelon, produit par l'Opéra national de Bordeaux. - Créatures, de L. Maddeford et A. Bonstein, produit par Nouvelle Scène. - La fille du diable, de Jean-Marie Machado, produit par Cantabile. - Libertad, de Didier Lockwood, produit par Opéra Junior. - Petit traité pop du jardin botanique, de François Ribac, produit par Musiques en scène. - Plus belle que toi, de J. Lemonnier et C. Roumanoff, produit par Sita Productions. - Premier conte sur le pouvoir, de Raoul Lay, produit par l'Ensemble Télémaque. - Souvenirs envolés, de Véronique Rischard et Olivier Dejours, produit par l'Opéra de Nancy. 165 - Le trésor, de E. Touchard et H. Humeau, produit par Opérasud. 2004 (créations) - Bataille navale, de Denis Chouillet et Jean-Michel Ribes, produit par La Péniche Opéra (Paris). - Cantates de bistrot, de Vincent Bouchot et Jean-Marie Gouriot, produit par la Péniche Opéra (Paris). - Hakim le généreux, de Régis Campo et Sugeeta Fribourg, produit par l'Opéra-théâtre de Besançon. - Têtes pansues, de Jonathan Pontier et Eugène Durif, produit par le Grand théâtre de Reims. - Le vase de parfum, de Suzanne Giraud et Olivier Py, produit par Angers-Nantes Opéra. - Bacchantes, de P. E. Gabarra, G. Petrotey et J. Y. Penafiel, produit par MAEVE Production. - Cuore – Opéra, par C. Gautier et C. Carcano, produit par Artis diffusion. - L'épopée de Gilgamesh, de Michel Musseau et Farid Paya, produit par le Théâtre du Lierre (Paris). - Hop et rats, de Thierry Pécou et David Martins, produit par l'Ensemble Zellig. - Mambo mistico, de Aldo Brizzi, Alfredo Arias, Gonzalo Demaria, René de Ceccaty, produit par le Groupe Tse. - Maraina, de Jean-Luc Thalès et Emmanuel Genvrin, produit par la compagnie Théâtre Vollard. - Marco Polo et la princesse, de Isabelle Aboulker- Rosenfeld et Christian Eymery, produit par la Maîtrise des Hauts de Seine. - Medea, de Guillaume Connesson et Jean Vauthier, produit par le Théâtre de l’Événement - Philomena, de James Dillon, produit par T&M. - Va donner aux poissons une idée de ce qu'est l'eau, de B. Louette et J. Cottereau, produit par la Compagnie Off. 2005 - Adriana Mater, de Kaija Saariaho et Amin Maalouf, produit par l'Opéra national de Paris. - Cantatrix sopranica, d'Arnaud Petit et Georges Pérec, produit par le Grand théâtre de Tours - Homo Xérox, de Claude Lenners, produit par le Grand Théâtre de Tours. - Pan, de Marc Monnet et Christophe Tarkos, produit par l'Opéra national du Rhin. 166 - Faustus the last night, de Pascal Dusapin, produit par l'Opéra national de Lyon. 2006 (créations et reprises) - Cantatrix Sopranica L. (reprise), de A. Petit et G. Pérec, produit par le Grand Théâtre de Reims. - Cuore (reprise), de C. Carcano et C. Gautier, produit par Artis Diffusion. - Homo Xérox, de Claude Lenners, produit par le Grand Théâtre de Tours. - Hop et Rats, de Thierry Pécou et David Martins, produit par IPE. - Jeu de Paume, jeu de Paul, de François Narboni et Sugeeta Fribourg, produit par La chouette en liesse. - L ou la mémoire retrouvée, d'Alexandre Lévy et Yves Nilly, produit par La Grande Ourse. - Le retour de Jean-Baptiste, de Wim de Wilde et Wayne Traub, produit pas Sciaropode. - Set pour 7 femmes, de François Sahran et François Raffinot, produit par le SNARC. - La voix et ses avatars, d'Alexandros Markeas et Christian Gangneron, produit par l'ARCAL. - L'autre côté, de Bruno Mantovani et François Regnault, produit par l'Opéra national du Rhin. - Les aveugles, de Xavier Dayer, produit par l'Atelier lyrique de l'Opéra national de Paris. - Écritures, pour un théâtre chanté, de J-P Néel, A. Sylvestre, J-Y Bosseur, J-L Annaix, produit par Théâtre Nuit. - Le grand dépaysement d'Alexandre le Grand, de Jean-Christophe Marti, produit par Musicatreize. - Krapp ou la dernière bande, de Marcel Mihalovici, produit par Ostinato. - Les liaisons dangereuses, de Claude Prey, produit par l'Opéra-Théâtre de Metz. - Medea, de Pascal Dusapin, produit par T&M. - Olvidados, de Alvaro Bello Bodenhofer et Valérie Alane, produit par le CREA. - L'opéra thérapeutique, de Isabelle Aboulker et Pierre Letessier, produit par 1200 tours/min. - Peter Pan, de Patrick Burgan, produit par le Théâtre du Châtelet (Paris). - Revue de presse, de Jean-Marie Adrien et Christian Bonneton, produit par Zig-Zag créations. - Sans famille, de Jean-Claude Petit et Pierre Grosz, produit par l'Opéra de Nice. - Secret défense, de Thierry Boulanger, Jean-Paul Farré et Christian Giudicelli, produit par la Cie des Claviers. 167 Résultats de la commission du 19 janvier 2007 (report de la commission de décembre 2006) Guichet A - Delhin Poulopeau (reprise), de Serge Gandolfi et Colette Lhoste, créé à l’Opéra national du Rhin (Mulhouse) le 16 mars 2007. - Faust (création), de Philippe Fénelon et Nikolaus Lenau, créé au Théâtre du Capitole le 25 mai 2007. - Mi Amor (création), de Charles Chaynes et Eduardo Manet, créé à l’Opéra-Théâtre de Metz le 23 mars 2007. - Rimbaud, la parole libérée (création), de Marco-Antonio Perez-Ramirez et Christophe Donner, créé à l’Opéra national de Montpellier le 27 mars 2007. Guichet B et B junior - Le Chant quotidien (création), d’Alexandros Markeas et Ghérasim Luca, créé à La Péniche Opéra (Paris) le 12 mars 2007. - Ni l'un ni l'autre (création), de Matthew Lima, Yann Robin, Gilles Schumacher et Christian Gangneron, créé au Théâtre de Langres le 16 décembre 2006. - Panique à Bord (création), de Patrick Laviosa et Stéphane Laporte, créé au Vingtième Théâtre (Paris) le 5 septembre 2007. - Vertiges II (reprise), de Jean-Pierre Drouet, Patrick Kermann et Christine Dormoy, créé au Grand Théâtre de Reims le16 mars 2007. Résultats de la commission du 27 juin 2007 - Marius et Fanny (création), de Vladimir Cosma, Michel Lengliney, Jean-Pierre Lang, Michel Rivgauche, Antoine Chalamel, Michel Arbatz, écrit par Vladimir Cosma, produit et créé à l’Opéra de Marseille le 4 septembre 2007. - Romeo et Juliette (reprise), de Pascal Dusapin et Olivier Cadiot, produit et repris au Théâtre National de l’ Opéra Comique le 28 avril 2008. - Hypocondriad Ier, roi de Neurasthénie (création), de Louis Dunoyer de Segonzac et JeanMarie Lecoq, produit par la Cie Clin d’oeil, créé à La Passerelle (Fleury les Aubrais) le 7 mars 2008. - Jeremy Fisher (création), d'Isabelle Aboulker et Mohamed Rouabhi, produit par la Biennale 168 du Théâtre jeune public de Lyon, créé au Théâtre Nouvelle Génération de Lyon le 8 juin 2007. - La vie secrète de Marioline Serin (création), de Coralie Fayolle, Michel Edelin, Isabelle Aboulker, Marc-Olivier Dupin, Louis Dunoyer, Thierry Lalo, Didier Goret, Alvaro Bello, écrit par Laura Scozzi, créé à L’Espace Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois le 5 octobre 2007. - Les enfants terribles (création en France), de Philip Glass, sur un texte de Jean Cocteau, créé à la Maison de la Culture de Bourges le 20 mars 2007. - Pierre-la-Tignasse ou l'étrange famille du Docteur Hoffmann (création), de Bruno Bianchi et René Fix, produit par Théâtre de la Vallée, créé au Théâtre de Chartres en novembre 2007 - Silences (reprise), de Valérie Joly, Michel Thion et André Velter, produit par Nomad, créé au Théâtre du Lierre le 10 octobre 2007. - Un Tango pour Monsieur Lautrec (reprise), de Jorge Zulueta, Jacobo Romano et Jean-Louis Bachelier, produit par l’Atelier Lyrique de Haute Normandie, créé au Théâtre l’Éclat (PontAudemer) le 23 octobre 2007. Résultats de la commission de décembre 2007 Guichet A - En attendant le vote des bêtes sauvages, d’ Alain Huteau, Sugeeta Fribourg et Ahmadou Kourouma, au Grand Théâtre de Reims du 25 février au 28 mars 2008. - Au Bois Lacté, de François Narboni, Dylan Thomas et Antoine Juliens/ à l’Opéra Théâtre de Metz les 18 et 20 janvier 2008. - Les aveugles, de Xavier Dayer et Marc Paquien d’après l’oeuvre de Maeterlinck / à l’atelier lyrique de l'Opéra national de Paris 27 et 29 juin 2008. - Scènes de chasse, de René Koering, Heinrich von Kleist et Georges Lavaudant à l’Opéra national de Montpellier. Guichet B et B junior (*) - Le pont des ombres*, d’Olivier Dejours, d’après Leo Perutz et Michel Deutsch à l’Opéra National du Rhin, du 29 février au 4 avril 2008. - Cantatrix Sopranica (reprise), d’Arnaud Petit et Christine Dormoy d’après l’œuvre de Georges Perec, au centre Olivier Messiaen à Champigny, du 19 février au 27 mai 2008. - Le roi se meurt, d’ Olivier Kaspar d’après Eugène Ionesco, à l’Atelier Théâtre de la cité à 169 Saint-Maur-des-Fossés, les 15 et 17 avril 2008. - Les sacrifiés, de Thierry Pécou, Laurent Gaudé, Christian Gangneron, à la Maison de la Musique de Nanterre, du 11 janvier au 27 mars 2008. Résultats des commissions de juin et décembre 2008 Guichet A - Les orages désirés, de Gérard Condé et Christian Wasselin, mise en scène de Sugeeta Fribourg, production du Grand Théâtre de Reims. - Outsider, d’Alexandros Markeas et May Bouhada, mise en scène de Mireille Larroche, production de la Péniche Opéra (Paris). - Les Shadoks, de Denis Chouillet et Jacques Rouxel, mise en scène de Mireille Larroche, production de la Péniche Opéra (Paris). Guichet B et B junior - Bonnie & Clyde, de Raphaël Bancou et Antoine Lelandais, mise en scène d’Antoine Lelandais, production de Lard’enfer. - La Cantatrice Chauve, de Jean Philippe Calvin, d’après l’œuvre d’ Eugène Ionesco, mise en scène de François Berreur, production de l’Orchestre Lamoureux. - Damya, de Benjamin Hamon, mise en scène de Benjamin Hamon, production de Pocket Lyrique, en partenariat avec la Fondation Orange. - L’Enterrement de Mozart, de Bruno Mantovani et Hubert Nyssen, mise en scène de Jeanne Roth, production de Musicatreize. - La Fée aux larmes roses, de Marie et Jean-Claude Bramly, mise en scène de Pierre Barayre, production de la Boitazik. - Jusqu’aux dents, de Thierry Boulanger, Emmanuel Lenormand et Alyssa Landry, mise en scène d’Emmanuel Lenormand, production d’Olly Productions. - Maraina, de Jean-Luc Trules et Emanuel Genvrin, mise en scène d’Emanuel Genvrin, production du Théâtre Vollard. - Marco Polo et la Princesse de Chine, d’ Isabelle Aboulker et Christian Eymery, production du CREA. - Oups !, de Pierre Thilloy et Véronique Rischard, mise en scène de Véronique Rischard. - Quand on pleure il faut savoir pourquoi, de Serge Korjanevski, mise en scène de Renaud 170 Borderie, production de Chant libre. - Les 4 jumelles, de Régis Campo d’après l’œuvre de Copi, mise en scène de JeanChristophe Saïs, production de l’Arcal. - La tragique histoire du nécromancien Hieronimo et de son miroir, de Georges Aperghis, mise en scène de Françoise Rivalland, production de l’Ensemble SIC. - Les trois jours de la queue du dragon, de Jacques Rebotier, mise en scène de Jacques Rebotier, production Voque. - Vertiges II, de Jean-Pierre Drouet, Christine Dormoy et Patrick Kermann, mise en scène de Christine Dormoy, production de la Cie Le Grain. Résultats de la commission de juin et décembre 2009 (commission de décembre reportée en février 2010) Guichet A - La Cantatrice Chauve, de Gérard Calvi et Eugène Ionesco, mise en scène de Ruxandra Hagiu, production de l’Opéra National de Montpellier, création en décembre 2009. - Les Boulingrin, de Georges Aperghis et Jérôme Deschamps, d’après l’œuvre de Courteline, mise en scène de Jérôme Deschamps, production de l’Opéra Comique, création en mai 2010. - Iq et Ox, d’André Bon et Jean-Claude Grumberg, mise en scène de Christine Marest, production de l’Opéra-Théâtre de Metz, création en mars 2009. - La chambre d’Ange, de Christian Sebille et Nieke Swennen, mise en scène de Nieke Swennen, production de l’Opéra Théâtre de Limoges, création en septembre 2009. - Yvonne, princesse de Bourgogne, de Philippe Boesmans, Luc Bondy et Marie Bischofberger, mise en scène de Luc Bondy, production de l’Opéra National de Paris, création en janvier 2010. - Radeaux, de Xavier Rousselle et Christian Simeon, mise en scène de Jean-Marie Lejude, production du Grand Théâtre de Reims, création en novembre 2009. - Le Concile d’amour, de Michel Musseau, Frédéric Reverand et Jean-Pierre Larroche, d’après Oscar Panizza, mise en scène de Jean-Pierre Larroche, production d’Angers Nantes Opéra, création en novembre 2009. - My Way to Hell, de Matteo Franceschini et Volodia Serre, mise en scène de Volodia Serre, production du Grand Théâtre de Reims en coproduction avec l’Arcal, création au Grand Théâtre de Reims en mars 2010. 171 Guichet B - Richard III, de Giorgio Battistelli (musique) et Ian Burton (livret), mise en scène de Robert Carsen, production de l’Opéra national du Rhin, création en septembre 2009. - J’existe (Foutez-moi la paix), de Pierre Notte (musique, livret et mise en scène), production Les Déchargeurs Le Pôle, création dans une nouvelle production en octobre 2010. - Mademoiselle Souris, musique de Stéphane Barrière, mise en scène de Laurent Prévot, livret d’Aude Biren, production Matthieu Gallou Entertainment, création en juillet 2009. - Le dernier jour, de Samuel Sene (musique, livret et mise en scène) d’après l’œuvre de Victor Hugo, production de Matthieu Gallou Entertainment, création en juillet 2009. - Dieu à la maison, de Pierre Henry (musique, livret et mise en scène) production du Festival Paris Quartier d’Été, création dans une nouvelle production en juillet 2009. - La Lacune & Leçons de français aux étudiants américains, d’Isabelle Aboulker (musique), et Eugène Ionesco (livret), mise en scène d’Aimée-Sara Bernard, production de Thesaurus A.A., création dans une nouvelle production en mai 2010. Projet soutenu en partenariat avec la Fondation Orange. - La langue dans le crâne de Benjamin de la Fuente, Benjamin Dupe et Samuel Sighicelli, (musique) et Bernard Reynaud (livret), mise en scène de Thierry Poquet, production Eolie Songe, création en novembre 2009. - Sans crier gare, de Philippe Mion, Etienne Roche, Alfred Spirli et Olivier Urbano (livret et Claude Tabet (livret), mise en scène de Charlotte Nessi, production Ensemble Justiniana, création en septembre 2009. Projet soutenu en partenariat avec la Fondation Orange. - Les Shadocks pompent à rebours, de Denis Chouillet (musique), d’après l’oeuvre de Jacques Rouxel, mise en scène de Anne-Marie Gros, production de la Péniche Opéra, création à la Péniche Opéra en janvier 2010. - Amnesia, de Jean-Claude et Marie Bramly (musique et livret), mise en scène de Pierre Barayre, production de la Boitazik, reprise au Studio des Champs Elysées en décembre 2009 et janvier 2010. - Un retour, d’Oscar Strasnoy (musique) et Alberto Manguel (livret), production du Festival d’Aix-en-Provence, mise en scène de Thierry Thieu Niang, création au Grand Saint Jean (Aix- en-Provence) en juillet 2010. - Gala, musique d’André Bon, livret de Marie-Flore Asseman et Dorothée Goll, mise en 172 scène de Marie-Flore Asseman, production de l’association Poursuite, création au Théâtre Municipal de Sens en mars 2010. - Médée, de William Mahder (musique) et Jean Gillibert (livret), mise en scène de Farid Paya, production du Théâtre du Lierre, création en mars 2010 au Théâtre du Lierre (Paris). - Panama Al Brown, de Roland Auzet (musique et livret), Agathe Bioules (livret), d’après l’oeuvre d’Eduardo Arroyo, mise en scène de Roland Auzet, production de l’Association Act Opus / Opéra de Dijon / Espace des Arts de Chalon-sur-Saône, création en mars 2010 à l’Auditorium du CRR de Chalon-sur-Saône. - Non, je ne danse pas, de Thierry Boulanger et Patrick Laviosa (musique), Lydie Agaesse (livret), mise en scène de Jean-Luc Revol, production du Théâtre La Pépinière Opéra, Spectacles Pierre Jacquemont, création en janvier 2010 à la Pépinière Opéra. - Kiou-Cou et Kiou-Coclet, de Benjamin Hamon (musique et livret) d’après l’oeuvre d’ Henri Carnoy, mise en scène de Benjamin Hamon et Véronique Samakh, production Pocket Lyrique, création en mai 2010 à l’Espace Culturel de Longjumeau. Résultats de la commission de juin 2010 - La Marquise d’O, de René Koering (musique) et Grabriele Hoffmann (livret), Daniel Benouin (mise en scène), production de l’Opéra de Monte Carlo, création le 22 avril 2011. - Love and other demons, de Peter Eötvös (musique), Kornél Hamvai (livret), Silviu Purcarete (mise en scène), production de l’Opéra National du Rhin, création le 25 septembre 2010. - Faust, de Philippe Fénelon (musique et livret), Pet Halmen (mise en scène), production de l’Opéra National de Paris ; les représentations ont eu lieu en mars 2010. - Chat perché, opéra rural, de Jean-Marc Singier (musique), Caroline Gautier (livret et mise en scène), production d’Artis Diffusion, création le 10 mars 2011 à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille (Paris). - La chèvre de Monsieur S., d’Étienne Roche (musique), Claude Tabet (livret), Charlotte Nessi (mise en scène), production de l’Ensemble Justiniana, création le 14 août 2010 à Mignovillard. - La nuit des brutes, de Roland Auzet (musique et mise en scène), Fabrice Melquiot (livret), production de l’Espace des Arts, création le 6 octobre 2010 au Théâtre des Célestins (Lyon). - Cachafaz, d’Oscar Strasnoy (musique), Copi (livret), Benjamin Lazar (mise en scène), production du Théâtre de Cornouaille/SN de Quimper, création le 5 novembre 2010. 173 - Hypocondriac 1er, roi de Neurasthénie, de Louis Dunoyer de Segonzac (musique), JeanMarie Lecoq (livret), Gérard Audax et Jacques Hadjaje (mise en scène), production de la Cie Clin d’oeil, représentations dans le cadre du Festival Off d’Avignon en juillet 2010 (Théâtre du Petit Chien). - La nuit d’Elliot Fall, de Thierry Boulanger (musique), Vincent Daenen (livret), Jean-Luc Revol (mise en scène), production du Théâtre du Caramel Fou, création le 3 novembre 2010 au XXe Théâtre. - Lundi Monsieur, vous serez riche, d’Antoine Duhamel (musique), Remo Forlani (livret), Vincent Vittoz (mise en scène), production ARTLYPT, création le 25 février 2011 à l’Opéra de Metz. - Antti Puuhaara, de Tapio Tuomela (musique et livret), Erik Soderblom (livret), Aurélie Hubeau (mise en scène), production Musicatreize Mosaïques, création le 4 novembre 2011 au Théâtre du Gymnase (Marseille). - La métamorphose, de Michaël Lévinas (musique), Emmanuel Moses (adaptation de l’œuvre de Kafka), Valère Novarina (livret du Prélude), Stanislas Nordey (mise en scène), production Opéra de Lille, création le 7 mars 2011. Résultats de la commission du 11 janvier 2011 (report de la commission de décembre 2010) - The Second Woman, musique de Frédéric Verrières sur un livret de Bastien Gallet, mise en scène de Guillaume Vincent, production de l’Opéra de Reims, création le 26 avril 2011 au Théâtre des Bouffes du Nord. - L’Aire du Dire, musique de Pierre Jodlowski sur un livret de Christophe Tarkos, mise en scène de Christophe Bergon, production du Théâtre du Capitole, création le 5 février 2011. - La Nuit de Gutenberg, musique de Philippe Manoury, sur un livret de Jean-Pierre Milovanoff, mise en scène de Yoshi Oïda, production de l’Opéra National du Rhin, création le 24 septembre 2011. - En attendant le Messie, musique de Denis Chouillet sur un livret de Hanock Levin, mise en scène de Jean-Philippe Saliéro, production de Tutti Arti, création en août 2011 à Saint-Benoîtdu-Sault. - L’homme qui s’efface, musique de Pascal Charpentier sur un livret de Frédéric Roels, mise en scène de Frédéric Roels, production de l’Opéra de Rouen, création le 29 mars 2011. 174 - Les Grandes Gueules chantent les Shadoks, musique de Bruno Lecossois sur un livret de Jacques Rouxel, mise en scène de Éric fauveau et Myriam Hervé-Gil, production de la Cie Absolut Vocal, création le 29 janvier 2011 à l’Espace Jacques Prévert de Rethel. - Des pétales dans la bouche, musique de Laurent Cuniot sur un livret de Maryline Desbiolles, mise en scène de Philippe Mercier, production de TM+, création le 29 avril 2011 à la Maison de la Musique de Nanterre. - Thanks to my eyes, musique d’Oscar Bianchi sur un livret de Joël Pommerat, mise en scène de Joël Pommerat, production du Festival d’Aix en Provence, création le 5 juillet 2011 au Théâtre du Jeu de Paume. - Mille Orphelins, musique de Roland Auzet sur un livret de Laurent Gaudé, mise en scène de Roland Auzet, production d’Act Opus, création le 28 avril 2011 au Théâtre de Nanterre-Les Amandiers. - Lady Godiva, musique de Coralie Fayolle sur un livret de Nathalie Fillon, mise en scène de François Berdeaux, production du CREA, reprise le 24 avril 2011 à la Ferme de Villefavard. Résultats de la commission du 17 juin 2011 - Akhamatova, musique de Bruno Mantovani, sur un livret de Christophe Gristi, mise en scène de Nicolas Joël, production de l’Opéra national de Paris. - Le jour des meurtres, musique de Pierre Thilloy sur un livret de Bernard Marie Koltès, mise en scène de Jean de Pange, production de l’Opéra-Théâtre de Metz. - La petite marchande d’allumettes, musique de Thomas Nguyen sur un livret de Brigitte Macadré, mise en scène de Christine Berg, production de l’Opéra de Reims. - Les Shadoks et l’aéronautique, musique d’Albert Marcoeur sur un livret de Jacques Rouxel, mise en scène de Mireille Larroche, production de La Péniche Opéra (Paris). - Le bonheur est dans le chant, musique d’Antoine Rosset sur un livret d’Eugène Durif, mise en scène d’Etienne Grebot, production de l’association Les Grooms. - Fantasmes de Demoiselle, musique de Lionel Privat sur un livret de René de Obaldia, mise en scène de Pierre Jacquemont, production de FKPR Productions. - Jekyll, musique de Raoul Lay sur un livret de François Flahault, mise en scène de Catherien Marnas, production de l’Ensemble Télémaque. - La maison qui chante, musique de Betsy Jolas sur un livret de Leigh Sauerwein, mise en scène de Véronique Samakh, production d’Ars Nova. 175 - René l’Énervé, musique de Reinhardt Wagner sur un livret de Jean-Michel Ribes, mise en scène de Jean-Michel Ribes, production du Théâtre du Rond-Point (Paris). - Terre et Cendres, musique de Jérôme Combier sur un livret d’Atiq Rahimi, mise en scène de Yoshi Oida, production de l’Opéra de Lyon. Résultats de la commission du 10 février 2012 - L'Opéra de la lune, musique de Brice Pauset, sur un livret de Jacques Prévert, mise en scène de Damien Caille-Perret, production de l’Opéra de Dijon. - La Cerisaie, musique de Philippe Fenelon, sur un livret d’Alexei Parine, mise en scène de Georges Lavaudant, production de l’Opéra national de Paris. - Elle est pas belle la vie ?, musique de Vincent Bouchot, sur un livret de Jean-Marie Gourio et Vincent Bouchot, mise en scène d’Alain Patiès, production La Péniche Opéra (Paris). - The second woman, musique de Frédéric Verrières, sur un livret de Bastien Gallet, mise en scène de Guillaume Vincent, production CICT/Théâtre des Bouffes du Nord (Paris). - Les rêveries, musique de Philippe Hersant, sur un livret de Friedrich Hölderlin, mise en scène de Jean Lacornerie, production Les Chœurs et solistes de Lyon - Bernard Tétu. - Espèces d'Espaces, musique de Philippe Hurel, sur un livret de Georges Perec, mise en scène d’Alexis Forestier, production Ensemble 2e2m. - Libre-Echange, musique et livret de Benjamin Hamon, mise en scène de Cyril Desclés et Benjamin Hamon, production Pocket Lyrique. - CHIN (opéra), musique de Jean-Luc Trulès, sur un livret et une mise en scène d’Emmanuel Genvrin, production Théâtre Vollard. - Macbeth, musique de Philippe Forget, sur un livret et une mise en scène d’André Fornier, production Compagnie l'Opéra Théâtre. - Ma Mère Musicienne, musique de Vincent Manac'h, sur un livret et une mise en scène de Benjamin Lazar, production Théâtre de Cornouaille. - Pinocchio, musique de Christian Eymery, sur un livret de Thierry Lalo, production Créa. Résultats des commissions du 22 juin et du 21 décembre 2012 - Aliados, musique de Sébastian Rivas, sur un livret d’Esteban Buch, mise en scène d’Antoine Gindt, production de T&M, création en juin 2013 au Théâtre de Gennevilliers dans le cadre du Festival ManiFeste de l’IRCAM. 176 - Cachafaz, musique d’Oscar Strasnoy sur un livret de Copi, mise en scène de Benjamin Lazare, production du Théâtre de Cornouailles, reprise en mars 2013 au Théâtre 71 de Malakoff. - Le Cabriolet, musique d’Hervé Devolder sur un livret de Camille Saféris, mise en scène d’Hervé Devolder, production de la Comédie Bastille, création en septembre 2012 à la Comédie Bastille (Paris). - Chat Perché, opéra rural, musique de Jean-Marc Singier, sur un livret de Caroline Gautier, mise en scène de Caroline Gautier, production d’Artis Diffusion, reprise pour une tournée à partir de décembre 2012. - Claude, musique de Thierry Escaich sur un livret de Robert Badinter, mise en scène d’Olivier Py, production de l’Opéra National de Lyon, création en mars 2013 à l’Opéra national de Lyon. - El Cachafaz, musique d’Alain Aubin sur un livret de Copi, mise en scène de Catherine Marnas, production de la Cie Dramatique Parnas, création en octobre 2013 à la Friche Belle de Mai (Marseille). - Limbus, Limbo, musique de Stefano Gervasoni, sur un livret de Patrick Hahn, mise en scène d’Ingrid Von Wantoch Rekowski, production des Percussions de Strasbourg, création en septembre 2012 dans le cadre du Festival Musica (Strasbourg). - Lolo Ferrari, musique de Michel Fourgon, sur un livret de Frédéric Roels, mise en scène de Michael Delaunoy, production de l’Opéra de Rouen, création en mars 2013 à l’Opéra de Rouen. - Mets l’Ancolie sur tes yeux, musique de Benjamin Hertz, livret d’Eugène Durif, mise en scène de Ruth Orthmann, production Ode et Lyre, création en février 2014 au Théâtre aux mains nues (Paris). - Orimita, musique de Claire Renard, livret de Janine Matillon, mise en scène de Gustavo Frigerio, production de l’Opéra de Reims, création en mars 2013 à l’Opéra de Reims. - Renaissance, musique de Michele Tadini, livret de Frédéric Lenoir, mise en scène de Chrtistophe Luthringer, production Artistes en Mouvement, création en octobre 2013 au Vingtième Théâtre (Paris). - The Second Woman, musique de Frédéric Verrières, livret de Sébastien Gallet, mise en scène de Guillaume Vincent, production du Théâtre des Bouffes du Nord, reprise en décembre 2012 au Théâtre des Bouffes du Nord (Paris). 177 Résultats des commissions de 2013 25 Septembre 2013 - Bouche à bouche, musique et livret de Vincent Bouchot d’après un texte de Louis Wolfson, mise en scène de Christophe Crapez ; musique de Nicolas Ducloux d’après un texte d’un auteur anonyme, mise en scène de Paul-Alexandre Dubois ; musique et livret de ClaireMélanie Sinnhuber d’après une séquence du film Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Bunuel, mise en scène de Mireille Larroche ; production de La Péniche Opéra, première représentation le 14 janvier 2013 à La Péniche Opéra (Paris). - Christophe Colomb - La grande aventure, musique de Gérôme Gallo sur un livret de Gérôme Gallo et Gérald Dellorta, mise en scène de Gérald Dellorta, production de la Grande aventure, première représentation le 29 septembre dernier au Vingtième Théâtre (Paris). - El Tigre, musique de Bruno Coulais sur un livret d’Alfredo Arias, mise en scène d’Alfredo Arias, production du Groupe TSE, première représentation le 14 décembre 2013 au Théâtre du Rond-Point (Paris). - Jules ou la Mécanique des souvenirs, musique de Catherine Verhelst sur un livret d’Hervé Tourgeron d'après les souvenirs d'enfance et de jeunesse de Jules Verne, mise en scène d’Hervé Tourgeron, production de Skene productions, première représentation le 5 mars 2012 à l’Espace culturel de l’Université d’Angers, reprise le 4 octobre 2013 au Théâtre Ryutopia à Nigata (Japon). - La Verbena de la paloma ou Un Rêve de carnaval, musique de Thierry Pecou sur un livret de Christine Mananzar, mise en scène de Christine Mananzar, production de l’Opéra de Reims, première représentation le 7 décembre 2013 à l’Opéra de Reims. - Les Enfants du levant, musique d’Isabelle Aboulker sur un livret de Christian Eymery, mise en scène de Vincent Vittoz, production du CREA (centre d'éveil artistique), première représentation le 4 octobre 2013 au Théâtre Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois. - Les Pigeons d’argile, musique de Philippe Hurel sur un livret de Tanguy Viel, mise en scène de Marianne Clément, production du Théâtre du Capitole (Toulouse), première représentation le 15 avril 2014 au Théâtre du Capitole. 178 - Mangeurs de fer, musique d’Eryck Abecassis sur un livret d’Olivia Rosenthal, mise en scène d’Eryck Abecassis, production de Césaré, centre national de création musicale, première représentation le 30 novembre 2013 à l’Atelier de la Comédie à Reims. - Showtime, a musical, musique de Mathieu Grenier et Mark Tompkins sur un livret de Mark Tompkins, mise en scène de Mark Tompkins, production de l’Association I.D.A, première représentation le 8 octobre 2013 à La Filature – Scène nationale de Mulhouse. - 80 000 000 de vues, musique d’Alexandros Markeas sur un livret d’Eli Commins, mise en scène d’Eli Commins, production de Pianoandco, première représentation le 5 novembre 2013 à Marseille au Festival des Arts Multiples, Villa Méditerranée. 13 décembre 2013 - Le Balcon, musique de Peter Eötvös sur un livret de Françoise Morvan, mise en scène de Damien Bigourdan, production Le Balcon, première représentation le 20 mai 2014 au Théâtre de l'Athénée (Paris). - Chantier Woyzeck, musique d’Aurélien Dumont sur un livret de Dorian Astor, mise en scène de Mireille Larroche, production de La Péniche Opéra, première représentation le 16 mai 2014 au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine. - Courte longue vie au Grand Petit Roi, musique d’Alexandros Markéas sur un livret de Philippe Dorin, mise en scène de Neville Tranter, production d’Ars Nova, première représentation le 12 novembre 2014 au TAP Poitiers. - Daral Shaga, musique de Chris Defoort sur un livret de Laurent Gaudé, mise en scène de Philippe De Coen et Fabrice Murgia, production de l’Opéra-Théâtre de Limoges, première représentation le 25 septembre 2014 à l’Opéra-Théâtre de Limoges. - Mitsou, Histoire d'un chat, musique de Claire-Mélanie Sinnhuber sur un livret de JeanCharles Fitoussi, mise en scène de Jean-Charles Fitoussi, production ATEM, première représentation le 26 septembre 2014 au Festival Musica à Strasbourg. Mots bruts, musique d’Alexandros Markéas sur des textes collectés par Michel Thévoz, mise en scène de Paul-Alexandre Dubois, production de La Péniche Opéra, première représentation le 14 mars 2014 à La Péniche Opéra (Paris). - Quai Ouest, musique de Régis Campo sur un livret de Florence Doublet, mise en scène de 179 Kristian Frédric, production de l’Opéra national du Rhin, première représentation le 27 septembre 2014 à l’Opéra national du Rhin (Strasbourg). - Robert le cochon et les kidnappeurs, musique de Marc-Olivier Dupin sur un livret de Ivan Grinberg, mise en scène de Ivan Grinberg, production de l’Opéra-Comique, première représentation le 13 juin 2014 à l’Opéra-Comique (Paris). - Steve Five (king different), musique de Roland Auzet sur un livret de Fabrice Melquiot, mise en scène de Roland Auzet, production de l’Opéra national de Lyon, première représentation le 14 mars 2014 au Théâtre de la Renaissance d’Oullins. 180 181 Table des matières Introduction 7 Éléments méthodologiques 17 1/ La commande d’État et la question politique de l'art lyrique au début du XXIe siècle 25 1.1/ L'état de la question sur le positionnement de l’État et des compositeurs dans la création, en particulier la création lyrique 26 1.2/ Le système de la commande d’État et ses évolutions 34 1.2.1/ La mise en place du système avant 2001 34 1.2.2/ Les évolutions et la question lyrique depuis 2001 42 1.3/ Le Fonds pour la création lyrique de la SACD 49 Conclusion de la première partie 53 2/ Les œuvres soutenues par la commande d’État de 2001 à 2013 55 2.1/ L'état de la question sur l'esthétique dans la création lyrique au début du XXIe siècle 56 2.2/ L'examen des opéras au corpus et analyse comparative 65 – 2.2.1/ Première rencontre avec les œuvres 65 – 2.2.2/ Les quinze fiches. Analyse et comparaisons 71 - 2.2.2.1/ Les problématiques de production 72 - 2.2.2.2/ Les compositeurs 77 182 - 2.2.2.3/ Les livrets 83 - 2.2.2.4/ Les réalisations musicales et vocales 90 - 2.2.2.5/ Les mises en scène 101 Conclusion 106 Bibliographie 117 – Sources 117 – Publications 118 – Articles 121 – Mémoires et thèses 122 Annexes Annexe I : Le corpus (liste des opéras étudiés) 123 Annexe II : La communication de la commande d’État aux compositeurs 124 Annexe III : Les chiffres clés 128 Annexe IV : Les refusés – Proportions depuis 2001 129 Annexe V : Les quinze grilles d'opéras analysés 131 – 1/ Il canto della pelle 132 – 2/ Là-bas, peut-être 133 – 3/ Le vase de parfum 134 – 4/ Avis de tempête 136 – 5/ Génitrix 138 – 6/ Faust 139 – 7/ Divorzio all'italiana 141 – 8/ Zaïde actualités 143 – 9/ L'autre côté 144 – 10/ Pan 147 – 11/ Iq et Ox 149 – 12/ La métamorphose 150 – 13/ Aliados 152 183 – 14/ Re Orso 154 – 15/ La nuit de Gutenberg 155 Annexe VI : Les documents accessibles au CDMC 157 Annexe VII : La presse 159 Annexe VIII : La liste des créations et reprises aidées par le FCL 163 Table des matières 181 Résumé et mots-clés 184 184 Résumé et mots-clés La création lyrique au début du XXIe siècle en France semble bien se porter. Pour analyser sa multiplicité (tant en matière de production que d'univers esthétique), il a été nécessaire de réduire le nombre d’œuvres examinées à travers une clé d'entrée cohérente. Bien qu'elle soulève la question du positionnement des pouvoirs publics dans la création, la commande d’État s'est imposée : elle permet d'examiner dix-huit opéras représentatifs de divers courants esthétiques, qui donnent quelques éléments de compréhension pour la période de 2001 à 2013. Liste des mots-clés : création lyrique, compositeur, opéra contemporain, commande d’État, ministère de la Culture, XXIe siècle.