Atelier de sœur Madeleine Cadour, Fille de la Sagesse Marie

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Atelier de sœur Madeleine Cadour, Fille de la Sagesse Marie
Rencontre Internationale Saint-Laurent-sur-Sèvre 2004
« MARIE-LOUISE DE JÉSUS ET LES PAUVRES »
Atelier de sœur Madeleine Cadour, Fille de la Sagesse
Marie-Louise Trichet
Contexte de pauvreté à l’époque de Marie-Louise.
Marie-Louise et les pauvres.
Marie-Louise, pauvre.
Qu’a-t-elle à nous dire aujourd’hui ?
Marie-Louise Trichet
Une femme, française du 18ème siècle, née en 1684 dans la ville bourgeoise de Poitiers,
morte en 1759 dans une bourgade de Vendée, Saint-Laurent-sur-Sèvre (43 ans après
Montfort, même jour et même heure). Une femme qui, la première s’est laissée guidée par la
spiritualité de Louis-Marie de Montfort et qui sera sa collaboratrice dans la fondation de la
Congrégation des Filles de la Sagesse.
Que peut-elle avoir à nous dire en 2004 ?
Son message peut-il être reçu et transformé en énergie spirituelle pour faire face aux
innombrables défis de notre 21ème siècle, à notre société technologique et informatisée ?
Quel message peut-elle nous laisser à travers sa vie de pauvreté et sa relation aux pauvres ?
Découvrons d’abord, ou redécouvrons qui est cette femme.
Marie-Louise est née dans une famille simple, dont le père, Julien, est procureur au siège
présidial de la ville. La famille comptera 8 enfants et Marie-Louise en est la 4ème. On vit très
modestement dans la famille. Mais la paix, celle qui dépasse les compromissions, qui méprise
les ruses et les astuces de la médiocrité, règne dans ce foyer.
Très vite, l’enfance de Marie-Louise sera marquée par la souffrance. Elle n’a que 7 ans
quand son petit frère Claude meurt à l’âge de 18 mois.
Deux ans plus tard, elle va connaître le grand vide de l’absence. Thérèse sa sœur dont elle
était proche meurt à l’âge de 8 ans. Quelques mois plus tard, Jeanne, l’aînée, est atteinte d’une
grave maladie et reste paralysée. Jeanne sera guérie miraculeusement lors d’un pèlerinage à
N.D.des Ardilliers.
Vers 13 ans, Marie-Louise quitte l’école et tout en partageant le travail de la maison, va,
dans les limites permises à une jeune fille, s’aventurer au delà des sentiers battus vers les eaux
marécageuses de la misère qui afflige alors douloureusement le royaume de France. A
Poitiers, il y a des pauvres et elle en fait ses amis.
Elle a 17 ans en 1701, lorsque Louis-Marie de Montfort est nommé aumônier à l’hôpital
général de Poitiers. Il prêche parfois en ville et Elisabeth Trichet, sa sœur, assiste un jour à
son sermon. Elle est touchée par cette parole si extraordinairement évangélique. Rentrée à la
maison, elle déclare à Marie-Louise : « Si vous saviez le beau sermon que je viens
d’entendre ! Le prédicateur est un saint ! » « Qui est-ce ? » demande-t-elle. « C’est un prêtre
qui est depuis quelques temps aumônier à l’hôpital ». Marie-Louise décide de le rencontrer et
se rend au confessionnal à l’église St Porchaire. Avant de l’entendre, le confesseur lui
demande : « Qui vous a adressée à moi »? C’est ma sœur, dit-elle. Il lui répond : « Non, non,
ce n’est pas votre sœur, c’est la Sainte Vierge qui vous envoie ».
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C’est ici, que la vie de Marie-Louise prend une orientation décisive.
Elle se met sous la conduite de ce prêtre, celui qu’on appelait « ce fou de Montfort » et
dont la parole enflammée et hardie ne plaît pas particulièrement aux chrétiens tranquilles. Ce
qui a fait déclarer à sa mère : « Tu deviendras folle comme lui ! »
Elle lui fait part de son désir d’être religieuse et il lui répond évasivement : « Consolezvous, vous serez religieuse. »
Avant de continuer, regardons le contexte de la pauvreté à Poitiers à cette époque et
quels pouvaient être les occupants de l’hôpital général.
Il n’y a bien sûr aucune comparaison entre l’hôpital général et nos hôpitaux ou cliniques
actuelles.
Une des plus grandes plaies de ces temps était le vagabondage et sa triste sœur, la
mendicité. Des asiles s’ouvrent, destinés à renfermer les pauvres. Un édit royal imposait, en
effet, aux villes l’obligation d’établir un refuge pour les pauvres valides. On y recevait, outre
les victimes du chômage, tous les indigents incapables de gagner leur vie, qu’ils fussent
jeunes ou vieux, débiles de corps ou d’esprit. Et l’autorité civile usait souvent de contrainte
envers ceux qui se dérobaient à cette assistance régulière, préférant leur liberté.
« Une pauvre Babylone », c’est le terme dont se servit M. de Montfort pour caractériser l’état
dans lequel se trouvait l’hôpital général à son arrivée, en 1701.
En avril 1702, Montfort peut commencer à faire travailler Marie-Louise à l’hôpital: lectures
aux pauvres, soins à quelques malades, catéchisme.
C’est alors qu’il a l’idée d’une de ses folies qui le caractérisent et qui rappelle la parabole
des invités déclinant l’invitation au festin. Comme le serviteur qui fait entrer dans la salle de
noces les mendiants et les estropiés, il choisit dans la population hospitalisée une douzaine de
pauvres filles. Il les prend parmi les plus déshéritées : boiteuses, aveugles… Ce seront, d’une
certaine manière, les premières Filles de la Sagesse. A la tête de cette singulière communauté,
Montfort établit une aveugle. Le Fondateur réunit ses filles dans une salle où il place la Croix
de Poitiers. Un écriteau est cloué au-dessus de la porte : « La Sagesse ».
En 1702, Montfort part en voyage à Paris. Marie-Louise fera des tentatives pour entrer
dans d’autres Congrégations. En octobre, Montfort est de retour. Elle lui pose de nouveau la
question de sa vocation et c’est alors qu’il répond : « Eh bien, allez demeurer à l’hôpital ! »
Cette parole laisse la jeune fille songeuse. « Pourquoi pas » ! Sa décision est prise. Elle
revient trouver son confesseur et lui dit : « J’ai réfléchi à ce que vous m’avez dit, et je veux
demeurer avec les pauvres. »
Avec l’audace de la petite Thérèse s’adressant au Pape, Marie-Louise se rend au palais de
l’évêque et l’attend à la sortie de la chapelle. Dès qu’il paraît, elle s’agenouille, lui fait sa
requête et insiste pour entrer à l’hôpital. Lorsqu’elle reçoit sa réponse, qu’il n’y a pas de place
disponible et qu’elle est trop jeune, son humilité lui inspire ce que Montfort lui-même n’aurait
osé lui suggérer : « Monseigneur, ces messieurs ne veulent pas me recevoir en qualité de
gouvernante, peut-être ne refuseront-ils pas de m’admettre en qualité de pauvre… » Et elle
sollicite la recommandation de l’évêque. Le cœur de Mgr de la Poype fut touché par ce
singulier désir, et Marie-Louise reçut la lettre demandée.
Comme servante des pauvres, elle passera du « service » des pauvres au « vivre avec » ; elle
passe du côté des pauvres. Son menu sera bien souvent : le pain noir et les restes que
rapportent les hommes de la quête quotidienne.
La petite communauté constitue autour de Marie-Louise, une atmosphère formatrice : rien n’y
manque pour discipliner la nature : milieu humble à souhait, confort absent ; la nourriture est
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une mortification continuelle pour le bon appétit d’une fille jeune et robuste, occupée à des
fonctions pénibles ; elle est rebutante pour une demoiselle délicatement élevée et qui sait l’art
d’une bonne cuisine de famille, simple et soignée.
Son interrogation demeure : quand sera-t-elle religieuse ? Car enfin, elle n’appartient encore à
aucun couvent.
En mars 1703, la communauté de « La Sagesse » est dissoute par l’administration, et vers
Pâques, Montfort doit quitter Poitiers. Son zèle, l’audace de ses réformes pour améliorer les
conditions de vie des pauvres, ne sont pas du goût de tout le monde. Et Marie-Louise se
retrouve seule ! Quand elle sera seule à l’hôpital dans son vêtement déclassé elle vivra une
pauvreté de solitude, et elle doit rester, durer, demeurer.
Quelques temps avant son départ, Montfort lui avait encore réaffirmé : « Vous serez
religieuse » et il lui laisse pour tout espoir cette seule parole, pas très claire : « Ma fille, ne
sortez point de ce hôpital de dix ans. Quand l’établissement des Filles de la Sagesse ne se
ferait qu’au bout de ce terme, Dieu serait satisfait et ses desseins accomplis ».
Vers la fin de l’année 1713, Montfort vient passer 24 h. à Poitiers. Il était ravi de retrouver
Marie-Louise fidèle à l’habit, à la Règle et à la récitation de la prière pour demander la
Sagesse qu’il avait composée. C’est alors qu’il demande à Catherine Brunet de partager la vie
de Marie-Louise. Celle-ci ne sera plus seule.
Montfort est parti pour La Rochelle où il s’intéresse aux petites écoles. Assurer l’éducation
des pauvres a toujours été sa préoccupation. Et les écoles charitables, soutenues par la seule
charité privée n’existaient pas encore à La Rochelle. Pour les écoles de filles, il pense
naturellement aux deux Filles de la Sagesse qu’il a laissées à Poitiers. Il leur écrit : « Venez
me rejoindre à La Rochelle. Vous faites de grands biens dans votre pays, mais vous en ferez
de bien plus grands dans un pays étranger. Depuis Abraham jusqu’à Jésus Christ, et jusqu’à
nous, Dieu a tiré de leur pays ses plus grands serviteurs. Je sais que vous aurez de grandes
difficultés à vaincre, mais si on ne hasarde quelque chose pour Dieu, on ne fait rien de grand
pour lui ».
Marie-Louise entend cet appel au détachement, mais la rupture est fortement ressentie.
Passer de soignante, d’économe d’hôpital à maîtresse d’école, la question de compétence
ne se posait pas et comme à l’hôpital, Marie-Louise va se former par la pratique. Au-delà de
la diversité des tâches, ce qui unit ces deux situations, c’est le service des pauvres. Là, les
pauvres de l’hôpital, ici, les petites filles pauvres.
Elles reçoivent bientôt une lettre de Montfort leur donnant pour la première fois des
indications précises quant à la future fondation de l’Institut : « Nommez-vous la Communauté
de la Sagesse pour l’instruction des enfants et le soin des pauvres. »
La petite communauté vit dans la pauvreté, une pauvreté qui les met parfois à la veille de
manquer du strict nécessaire
En 1716, Montfort, épuisé par les missions, malade, meurt à St. Laurent.
Cette fois, Marie-Louise est seule, avec un projet à peine ébauché, et l’Institut qui comprend
deux religieuses et trois novices. Mais elle a le souvenir de ce que Montfort avait voulu.
En 1720, elle fait des démarches pour établir la communauté à St. Laurent où se trouve le
tombeau du P. de Montfort. Les sœurs y arrivent et s’installent dans un bâtiment appelé « la
maison longue », dans un grand dénuement : il arrive à certains soirs, qu’elles aient un œuf
pour 4 ! La pauvreté, à la maison-mère fut une épreuve presque continuelle .
Le 28 avril 1759, 43 ans après Montfort, Marie-Louise meurt à St. Laurent, au même lieu
et à la même date que Montfort. Elle a 75 ans. A ce moment il y a 122 sœurs et 35
communautés.
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Son amour pour les pauvres.
Suivre le Christ pauvre conduit à désirer toujours davantage conformer sa vie à la sienne,
pour livrer sa vie au service des plus démunis. « La Sagesse crie par les rues et les places où
fourmillent les pauvres ». Marie-Louise entend leurs appels, heureuse d’apporter sa pierre au
combat contre la misère et le malheur.
Son neveu, prêtre, parle de son tendre amour pour les pauvres, à qui elle a donné toute sa
vie des preuves éclatantes. Dès l’âge de sept ans, elle donnait déjà des preuves de sa tendresse
pour les membres souffrants de Jésus Christ.
C’est cet amour pour les pauvres, qui, à l’âge de 19 ans, lui fit demander à Mr. de
Montfort d’aller se consacrer à leur service dans l’hôpital ; qui la porta à soulager les malades
dans un temps de maladie contagieuse, tandis que personne ne voulait en approcher dans la
crainte de contracter le mal.
C’est cet amour pour les pauvres qui lui a fait baiser les plaies que l’infection rendaient
insupportable à tout le monde, afin de vaincre une répugnance qui était en elle.
C’est cet amour pour les pauvres qui la fit plusieurs fois aller comme servante à la rivière
laver les linges qui avaient servi à bander et essuyer leur plaies ; qui l’engagea à entreprendre
de pénibles voyages pour leur procurer du secours dans des maisons charitables destinées à
leur servir d’asile ; à inspirer à ses filles un si grand respect pour eux, leur apprenant à
considérer Jésus Christ lui-même dans leur personne ; souhaitant, si cela eut pu se faire sans
inconvénient, qu’elles se fussent mises à genoux devant eux dans les hôpitaux (cf : Jésus et le
lavement des pieds ) ; et tout ce qu’on aurait pu lui reprocher à elle-même ce serait, d’avoir
porté les choses trop loin dans ses pratiques humiliantes.
C’est cet amour pour les pauvres qui l’a réduite souvent avec ses Filles, à manquer ellemême du nécessaire plutôt que de voir souffrir des malheureux dont les misères lui étaient
plus sensibles que les siennes propres.
C’est cet amour pour les pauvres, qui dans un temps de disette, lui fit distribuer à ceux de
St. Laurent et des paroisses voisines cinq cent cinquante boisseaux de froment, jusqu’à ce que
n’ayant plus rien à donner, elle alla à Châtillon se présenter au subdélégué de l’Intendant de
Poitiers qui avait obtenu du roi des secours pour les pauvres et qui lui faisait dire, une année
que le froid était extrême et qu’elle en voyait un grand nombre mal vêtus et peu couverts :
« Si j’étais étoffe, je me donnerais aux pauvres ».
Non seulement elle les chérit toute sa vie ; elle les aima jusqu’à sa mort, ayant paru oublier
tout ce qu’elle souffrait dans sa dernière maladie pour ne s’occuper que de ses chers pauvres.
Peu de temps avant d’expirer, elle fit venir une demoiselle de St Laurent pour lui demander
plusieurs fois si une famille qu’elle lui nomma ne manquait pas de pain, la priant d’y veiller et
de s’adonner plus que jamais à prendre soin des pauvres de la paroisse. « Prenez bien soin
des pauvres » Enfin on peut dire, qu’on ne vit jamais un cœur plus tendre et plus généreux
que le sien envers les pauvres.
Le cœur, l’esprit, les bras, les pieds de Marie-Louise sont livrés aux miséreux, à Poitiers
comme à Niort, à La Rochelle comme à Oléron. Sa tendre compassion pour les malades et les
mourants lui vaudra le beau nom de « Bonne Mère Jésus ».
Sa pauvreté.
Marie-Louise fit toujours de la pauvreté l’objet de ses complaisances et de ses délices. Dès
qu’elle eut une fois obtenu de ses parents la permission de sortir de leur maison pour aller
soulager les pauvres, elle ne voulut plus rien recevoir d’eux pour son entretien et pour ses
autres besoins. Elle renonça même à leur succession et jamais depuis elle n’a voulu recevoir
un denier de sa famille.
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Quand elle sortit de Poitiers la première fois pour aller à La Rochelle, elle fut obligée de
demeurer à la charge d’une personne de la ville qui la reçut par charité dans sa maison en
considération de Mr de Montfort. Elle mena dans cette ville une vie si pauvre qu’elle manqua
souvent de pain et d’argent pour en acheter.
Elle commença l’Etablissement de St Laurent avec six francs, s’appuyant uniquement sur
les fonds de la Providence. On a vu dans quelle extrême pauvreté elle fut souvent réduite avec
ses premières Filles. Elle prenait plaisir à raconter cela à la communauté, et regrettait ces jours
d’épreuves et d’indigence, parce que, disait-elle, elles n’avaient jamais été si contentes, ni si
ferventes. Elle avouait que plus elle se voyait abandonnée des créatures, plus alors Dieu se
plaisait à répandre dans son cœur une abondance de paix et de consolations. Elle n’en parlait
que les larmes aux yeux. Il est vrai, qu’elle était la plus pauvre de toutes ses Filles. Tout ce
qu’on apercevait dans sa personne et dans sa manière de vivre annonçait la pauvreté la plus
austère. Sa chambre était très pauvre : quelques chaises, une table toute nue, sur laquelle il y
avait une croix, une statue de la Sainte Vierge et une image de Mr de Montfort, un petit
guéridon qui lui servait de bureau pour écrire ses lettres.
C’était par le même esprit de pauvreté qu’elle ne voulait être nourrie que comme les
pauvres, et qu’elle ne pouvait souffrir au réfectoire la moindre marque de distinction d’avec
ses Filles.
Quelquefois, elle se mettait à genoux devant la novice qui servait, lui demandant la portion
comme par aumône, et remerciant la communauté de ce qu’elle voulait bien lui donner un
morceau de pain par charité.
Sa délicatesse sur la pauvreté allait jusqu’à vouloir qu’on ne fit aucun agrandissement dans
sa maison, à moins qu’il ne fut nécessaire, craignant que Dieu lui retirât ses bénédictions si
elle devenait riche. Elle ne pouvait souffrir que l’on regardât dans la réception des novices si
elles apportaient une grosse dot ou non. Elle disait que l’esprit de Mr de Montfort était qu’on
reçut celles qui avaient la vocation et les talents propres de l’état des Filles de la Sagesse.
Enfin, toutes les fois qu’elle parlait de la pauvreté, c’était avec des sentiments et des termes
qui marquaient combien elle s’estimait heureuse d’avoir pris en partage la pauvreté de Jésus
Christ.
Comment Marie-Louise peut-elle être une référence pour aujourd’hui ?
A notre époque, se pose aussi la question d’une relation aux pauvres de plus en plus vraie,
donc de plus en plus proche. Certains vont jusqu’à un partage radical de leur condition, à la
suite de l’Abbé Pierre, de Mère Térésa, par exemple. Nous ne sommes sans doute pas tous
appelés à aller aussi loin, mais une attitude comme celle de Marie-Louise nous interpelle
comme chrétiens. Car il y a une grande différence entre le service des pauvres que nous
accomplissons du haut de notre savoir, de notre autorité et de notre sécurité, et le service des
pauvres qui nous fait proches des personnes ou des cultures dites pauvres, avec la conviction
que nous avons quelque chose à entendre, à apprendre et à recevoir d’eux. Il y a et il y aura
toujours des pauvres parmi nous,(Jésus l’a dit) même s’il ont changé de place ou d’aspect.
Mais la proximité du cœur, l’attitude du « être avec », si elle ne s’exprime pas toujours en
partage de vie dans sa forme radicale, permet d’inventer des gestes de respect, de tendresse et
de considération de la personne du pauvre, qui sont de la même veine que les gestes de MarieLouise.
Lors de ses fondations, Marie-Louise envoya ses sœurs dans des situations assez exposées
selon les normes du temps, là où il y avait des misères à soulager, et à travers des actes
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simples, une proximité des pauvres et des faibles qui constituait l’assise de la Bonne Nouvelle
à annoncer.
Quelle audace pour une femme de son temps ! Réaliste et courageuse, elle entreprit des
chantiers inédits : l’éducation et l’instruction des fillettes pauvres, gratuitement, le soin des
vieillards et des pauvres dans des maisons qu’elle fondait un peu partout et appelées « La
Providence » parce qu’elles étaient sans ressources et qu’on y vivait au jour le jour.
Marie-Louise, à travers ces actes-là, nous apparaît comme en rupture avec ce qui se faisait
de son temps. Elle avait une sensibilité très fine aux besoins qui faisait de cette femme
pondérée, une apôtre audacieuse et entreprenante, passionnée par l’annonce de l’Evangile et
bien convaincue que l’Evangélisation des pauvres est le signe majeur de la venue du
Royaume. Dans le langage d’aujourd’hui, on dirait qu’elle a travaillé à la promotion intégrale
de la personne humaine. N’est-ce pas un signe recevable pour nous , où que nous soyons,
comme chrétiens, et quels que soient les appels qui nous sont lancés ? Nous savons bien
qu’aujourd’hui comme toujours, l’Eglise n’a que faire de chrétiens frileux, qui n’osent pas,
qui ne risquent pas.
Nous devons rester attentives aux œuvres de miséricorde, aux besoins fondamentaux des
pauvres : l’alimentation (affamé), la reconnaissance sociale (étranger, nu) , la santé
(malade), la liberté (prisonnier) . Ces grandes détresses nous disent bien que les petits, ce
sont les pauvres, ceux qui ont besoin d’aide et de présence (Cf : Mt 25).
Dans notre monde, il nous faut chercher aujourd’hui les lieux de dés appropriation, des
lieux signifiants et des domaines d’activités , comme la défense de la vie, de l’environnement.
Il nous faut établir un nouveau rapport à l’argent, au temps, à la création ; trouver un juste
équilibre entre travail salarié pour gagner sa vie, comme les pauvres et travail gratuit à leur
service.
Dans nos sociétés de consommation, il nous revient d’effectuer un changement de
mentalité pour passer de la consommation au partage, à la solidarité, à la communion. Les
biens nous sont seulement confiés, il s’agit de bien les gérer en vue d’un partage.
Travailler à bâtir un nouveau modèle alternatif de société inspiré par l’Evangile.
Suivre le Christ pauvre, c’est toujours mettre nos pas dans ses pas, au jour le jour ; c’est
conformer notre vie à la sienne ; c’est se livrer, offrir toutes nos énergies au Christ pour que
vienne le Royaume et qu’éclate la Bonne Nouvelle. La pauvreté évangélique vise à la
transformation du monde pour qu’il soit ajusté à Dieu.
D’après :
-
Folie ou Sagesse . . ? de J.F. Dervaux
-
Un témoin pour notre temps de Sœur Lucienne Favre
-
Les vertus de Marie-Louise de Jésus d’après le Père Besnard.
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