L`empreinte de 15 siècles de vie monastique au cœur de l`histoire
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L`empreinte de 15 siècles de vie monastique au cœur de l`histoire
L’empreinte de 15 siècles de vie monastique au cœur de l’histoire bretonne Vers la fin du Ve siècle, saint Guénolé, un moine breton entouré de onze frères, serait venu s’installer au détour de l’Aulne, dans une clairière ouverte au soleil levant… Saint Guénolé La vie de saint Guénolé nous est connue grâce aux écrits de son biographe, le moine Clément et à son abbé Gurdisten, tous deux moines de l’abbaye de Landévennec. Ecrite au IXe siècle, la vie « édifiante » du saint est riche de miracles et visions qui guidèrent la vie de Guénolé, fêté le 3 mars (mort du saint) et le 28 avril date du transfert de ses reliques de la « petite église » à la grande église. Issu d’immigrés bretons dont les parents étaient installés dans les Côtes d’Armor, Guénolé est très tôt appelé à sa vocation et son père l’envoie étudier sous la direction du maître Budoc sur l’île de Lavret. Guérissant les malades et rendant la vue aux aveugles, Guénolé est l’objet d’une grande vénération et souhaite suivre les pas de saint Patrick en Irlande. C’est alors que celui-ci lui apparut en songe et lui affirma qu’il trouverait tout ce qu’il recherche sur sa propre terre. Un monastère aux origines de la Bretagne Nulle histoire de la Bretagne ne peut s’écrire sans référence à l’abbaye de Landévennec. Ses pierres nous dévoilent peu à peu ce que son précieux cartulaire et autres archives ne nous ont pas révélé. Au tournant du VIe siècle, saint Guénolé et onze de ses compagnons s’installent à Landévennec pour y fonder un premier monastère. La communauté suit alors une règle monastique de tradition orientale, dite « scotique » car transmise par les Irlandais. Au VIe siècle, ces moines celtes vivent dans de petites cabanes bâties en matériaux périssables. Au fil du temps, ces huttes font place à de nouveaux bâtiments conventuels maçonnés. Certaines fondations datant du VIIe siècle, ont été mises au jour par les archéologues. Au tournant du IX e siècle, l’abbaye se modernise. Une nouvelle église, au chevet tripartite, sort de terre. Déjà, l’abbaye de Landévennec surpasse en grandeur ses sœurs contemporaines bretonnes. Daté de 818 et signé de la main de l’empereur Louis Le Pieux, un diplôme impérial « ordonne » à l’abbé Matmonoc d’adopter la règle de saint Benoît, seule règle tolérée dans l’Empire carolingien. Figure de proue de la réforme bénédictine en Bretagne, Landévennec en avait déjà absorbé les chapitres les plus significatifs, abandonnant progressivement une règle « scotique » devenue trop exigeante pour les organismes. L’âge carolingien, l’apogée de l’abbaye Le développement de l’abbaye, entre les années 820 et 880, coïncide avec une extraordinaire réussite politique en Bretagne. Au cours de ces décennies, les Bretons s’affranchissent de la tutelle carolingienne. Sous les règnes de leurs « rois » Erispoë et Salomon, ils gagnent en indépendance. Durant cette période, la noblesse bretonne s’affirme ; les seigneurs de Châteaulin dotent largement en terre l’abbaye de Landévennec. Forts de cette puissance économique, les moines de Landévennec font reconstruire leur abbaye. Comme ont pu le constater les archéologues, cette nouvelle campagne de construction s’est faite en un seul jet, preuve de la richesse acquise par l’abbaye à cette époque. Le cloître carolingien, ouvrage de pierre réalisé au cours de cette campagne, témoigne également de cette époque fastueuse. L’abbaye médiévale L’abbaye de Landévennec continue de prospérer jusqu’à ce jour de 913 où « le monastère de saint Guénolé est détruit par les Normands »1. Contraints à l’exil, les moines abandonnent l’abbaye de Landévennec et gagnent le nord de la Francia. Ils y demeureront jusqu’aux environs de 950. A la fin du Xe siècle, les moines sont de retour à Landévennec. Grâce aux largesses d’Alain Barbetorte, rétabli duc de Bretagne, et aux donations de la noblesse cornouaillaise, au XIe siècle les moines de Landévennec étendent leur domaine temporel bien audelà de la Presqu’île de Crozon et du Poher, jusqu’à Batz, en Guérande. Ces terres, ils les font fructifier. Elles financeront la construction de la nouvelle église abbatiale au cours du XIe siècle. Jusqu’au XIIIe siècle, l’abbaye connaît plusieurs restaurations. Assiégée et pillée à plusieurs reprises par les Anglais au cours des XIIIe et XIVe siècles, l’abbaye de Landévennec devait toujours renaître de ses cendres. Au XIIIe siècle, face à la menace anglaise, les moines font ériger une nouvelle muraille dont les vestiges ont été récemment mis au jour. Du monument classique à la ruine… La mise en commende de l’abbaye au XVIe siècle entraîne sa ruine. Reprise en main par la Congrégation de saint Maur au XVIIe siècle, ses bâtiments sont reconstruits dans le goût classique. Mais cette renaissance n’est que de courte durée. Un siècle plus tard, à la Révolution, l’abbaye est déclarée Bien National, elle est alors vendue et morcelée en plusieurs lots pour être revendus aux entrepreneurs de la région. En quelques années, la belle abbaye classique se transforme en carrière, puis en champ de ruines. Un procès verbal de 1825 n’évoque plus que son emplacement avec les ruines du couvent et de l’église. En 1875, séduit par ce champ de ruines, le comte Louis de Chalus achète les restes de l’ancienne abbaye de Landévennec. Selon le goût de l’époque, il transforme le lieu en un jardin exotique, en y introduisant des plantes tropicales et des palmiers. En 1950, après un hiatus de 150 ans, des moines bénédictins reviennent à Landévennec pour y fonder une nouvelle abbaye à quelques encablures du site historique. 1 Eodem anno destructum est monasterium S. Winwaloei a Normannis : mention laissée face à la date de 913, dans les marges du Calendrier de l’abbaye, aujourd’hui à la Bibliothèque royale de Copenhague.