Découvrez la pédagogie de "Montessori"

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Découvrez la pédagogie de "Montessori"
pratique initiative
La pédagogie Montessori à la crèche
La pédagogie de Maria Montessori peut motiver le projet d’une crèche : procurer à
l’enfant les moyens de se construire par lui-même, guidé par l’ordre, le mouvement
et le libre choix : au sein du nido pour l’enfant de 3 mois à 18 mois, il découvre un
environnement adapté à ses compétences avant d’intégrer la communauté enfantine,
où le travail individuel prend tout son sens.
«L’
enfant est le constructeur
de l’homme », écrit Maria
Montessori ; la tâche de
l’enfant est bien de construire en lui toutes
les caractéristiques humaines (la station verticale et la préhension qui permettent l’activité ;
le langage ; la capacité à vivre en groupe ;
la capacité d’abstraction ; la conscience de
la conscience) afin de devenir un individu
adapté à son temps et son espace.
Soutenir l’enfant
dans sa propre construction
De la naissance à 3 ans, l’enfant va fonder sa
personnalité ; cet énorme “travail” aura lieu,
quel que soit l’environnement dans lequel il va
évoluer, grâce à ses propres forces intérieures
comme son “esprit absorbant”. Il s’agit de
sa capacité à faire sien tout environnement
et de s’en approprier les caractéristiques.
Ainsi, personne n’“apprend” à parler à l’enfant mais vers deux ans, l’enfant se met à
parler de plus en plus : c’est parce qu’il a pu
absorber sans condition le langage présent
dans son environnement qu’il a pu l’élaborer
en lui pour finalement le métaboliser en un
outil au service de son expression propre.
De 0 à 6 ans, l’enfant traverse des “périodes
sensibles” qui le poussent à se mettre en rapport avec certains aspects de l’environnement
humain et matériel de façon particulièrement
forte. Ceci va lui permettre de structurer chez
lui ordre, mouvement, langage, développement social, développement et raffinement
des perceptions sensorielles dont il a besoin
pour se construire en tant qu’être humain à
part entière.
Il est nécessaire de soutenir l’enfant dans
cette œuvre de construction en préparant un
environnement dans lequel il trouvera des
motifs d’activité adaptés afin que son potentiel – ces forces intérieures qui le guident dans
son développement – puisse trouver une voie
d’expression.
C’est pourquoi l’environnement à la crèche
correspondra à deux groupes d’âge afin de
répondre à l’évolution des besoins de l’enfant
entre 0 et 3 ans.
Le nido
En italien, nido signifie nid. Selon la conception de Maria Montessori, le nido accueille les
tout-petits de 3 mois à 15-18 mois. “Ordre”,
“mouvement”, “langage” sont certainement
des mots clés pour qualifier l’environnement
préparé du nido, pour qualifier l’intention, le
projet que forme l’adulte pour le petit enfant.
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le petit enfant, il acquiert cette confiance de
base en l’environnement dans lequel il peut
s’orienter et conduire ses propres expériences (fig. 1).
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l’adulte. Celui-ci s’efforcera de faire vivre à
l’enfant une constance et donc une fiabilité
dans sa façon de l’accompagner au quotidien, de s’adresser à lui, d’aller à sa rencontre. Alors, au nido, le professionnel prendra
le temps de s’adapter au rythme de chaque
bébé. Il s’agit de percevoir de façon différenciée cet être qui se vit comme l’étant à
peine. C’est un soutien nécessaire à l’œuvre
de construction qu’il a entrepris : construire
un individu adapté à son temps et son espace
est porteur de changements.
/őHQYLURQQHPHQWPDW«ULHOHVWOXLDXVVLLPSU«gné d’ordre, c’est-à-dire de régularité et
donc de fiabilité, de différenciation possible. Cela se traduit par la définition de
différentes aires : l’aire pour le mouvement
et le développement sensoriel (un matelas posé à même le sol où l’enfant perçoit
l’environnement sans être entravé et peut
se mouvoir sans obstacle), l’aire des repas
(par exemple, les biberons seront toujours
donnés dans un même fauteuil choisi par
les éducatrices), l’aire du sommeil, l’aire du
FKDQJH/DGLII«UHQFLDWLRQGHVHVSDFHVSHUmet à l’enfant de petit à petit différencier les
Fig. 1. J., 8 mois, au Nido/őHQIDQWH[SORUHOőDGXOWHOőDFFRPSDJQHGHVRQUHJDUG
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initiative
différents moments de sa vie à la crèche, de
les anticiper.
Ř/őHQIDQWSHXWFRPSWHUVXUOőHQYLURQQHPHQW
humain et matériel, il peut donc s’appuyer
sur cette sécurité pour mener ses propres
explorations. Elles seront visuelles, tactiles,
motrices, sociales, langagières, etc. Ainsi un
petit grelot suspendu à un ruban au-dessus
de l’aire du mouvement est une invitation
faite à l’enfant à construire en lui la capacité
de diriger sa main vers un objet, d’attraper
celui-ci et de le lâcher. Pour lâcher un objet
intentionnellement, il lui faudra encore plusieurs mois et beaucoup d’occasions de
pratiquer. Du côté de la motricité globale,
le grand travail est celui de l’acquisition de
ODPDUFKH/DSUHPLªUHDLGHDXG«YHORSSHment de la marche est de ne pas entraver
le mouvement chez l’enfant que ce soit
dans la disposition de l’espace ou dans
les vêtements qu’il porte. Une barre fixée
au mur, un pouf lourd, lui permettent de
trouver l’appui nécessaire pour se hisser
et commencer à se déplacer debout. De la
même façon, un pont de bois lui permet de
se déplacer avec appui, de gravir et descendre des marches au fil de l’évolution de
ses possibilités.
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au développement du langage, pour cela
l’adulte doit s’adresser à l’enfant dans un
langage riche, précis et avec attention. Dès
l’âge de 9 mois environ, l’enfant nous sollicite d’ailleurs d’une façon particulière sur le
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chose en pointant son doigt, il demande à
l’adulte de lui nommer ce qui a retenu son
attention. Ce dernier s’appuiera ensuite sur
cet intérêt naturel pour présenter de petites
séries d’objets réels comme des fruits, des
légumes puis des représentations en trois
dimensions le plus fidèle possible à la réalité.
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du monde, aux éducateurs de l’accompagner de façon bienveillante et claire.
/RUVTXőLOVőDSSU¬WH¢TXLWWHUOHnido, l’enfant
peut saisir et transporter des objets, il marche, il commence à parler.
pratique
ronnement. Il sait qu’il peut faire des choses et compte bien utiliser ce qu’il a acquis
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toujours son caractère d’ordre afin que l’enIDQWFRQWLQXH¢VőRULHQWHUDLV«PHQW/őHQIDQW
devient alors un collaborateur dans l’environnement. Il a besoin d’être engagé avec
l’adulte dans des activités lui permettant
d’éprouver son corps, de faire de grands
efforts, de sentir que l’on reconnaît ses
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soi s’ancrent dans la possibilité d’agir par et
pour soi-même avec le soutien approprié.
/DU«SRQVHFRQFUªWH¢FHEHVRLQHVWOőLQWURduction des activités de vie quotidienne que
l’enfant peut s’approprier et répéter aussi
souvent qu’il le souhaite. Par exemple, il a à
sa disposition l’activité “se laver les mains”
qu’il effectuera parce qu’elle va susciter son
intérêt et répondre à ses besoins de développement (fig. 2 et 3). Qu’est-ce qui va l’attirer ?
La communauté enfantine
C’est donc en marchant, en manipulant,
en parlant que l’enfant arrive à la communauté enfantine, âgé de 15 à 18 mois. Non
seulement il marche, mais il transporte des
choses en utilisant ses deux mains. C’est
le signe qu’il peut agir dans et sur son envi-
Christine Schuhl
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L’ambiance montessorienne a cette particularité d’être structurée, pensée à travers la place des objets, le
rangement, la logique et la graduation des petits exercices proposés aux enfants. Rentrer dans un lieu montessorien de vie enfantine semble hors du temps, ou plutôt inscrit dans un temps réel, où les jeux respectent
la réalité quotidienne, les échelles de grandeur, et les tâches ordinaires, comme faire la vaisselle, pour les
plus grands ou laver des vitres.
C’est une toute autre perception de l’apprentissage. L’ambiance peut y sembler feutrée, l’organisation
rigide… Et pourtant dans cette construction, l’enfant vit à son rythme. Tout ce qui est possible est à sa
disposition, même le petit vase en verre, rempli de vraies fleurs coupées et les plantations saisonnières
qu’il pourra arroser chaque matin.
Tout est conçu pour l’enfant, dans le respect de ses compétences et d’un véritable libre choix. Le professionnel n’intervient pas tout le temps, il observe beaucoup et parle peu lorsqu’il montre à l’enfant comment
utiliser le matériel. C’est ce qui rend cette ambiance si particulière, parce que dans un lieu de vie Montessori,
l’enfant a le choix de faire tout seul, à son rythme. Le matériel pédagogique évolue au rythme des enfants, et
c’est pour les plus petits comme pour les plus grands, tout un matériel laissé à leur disposition. C’est sans
aucun doute pour cette raison que l’ambiance y est souvent très calme, car l’enfant n’a pas à demander
à l’adulte un jeu, il a tout à sa portée, l’adulte lui fait confiance et il le sait.
Une démarche pédagogique qui, malgré le temps, reste encore innovante aujourd’hui.
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L’ambiance montessorienne
Fig. 2 et 3. Se laver les mains à la
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enfantine, E. 21 mois.
Fig. 6. Faire la vaisselle à la communauté
enfantine, E. 22 mois.
Transporter encore et encore de l’eau ? Avoir
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Peu importe, l’essentiel est qu’il ait l’opportunité d’effectuer une activité qui a un but,
de la répéter, de s’exercer et de maîtriser de
mieux en mieux ses mouvements, d’éprouver ses capacités et la joie de faire par luimême. Évidemment, aux sanitaires, l’enfant
se lavera aussi les mains mais le but alors
sera différent. En invitant l’enfant à aller se
laver les mains avant de passer à table par
exemple, c’est la question de l’hygiène qui
nous guide et l’enfant doit petit à petit développer la capacité à prendre ainsi soin de sa
personne. Cela sera d’autant plus facile si par
ailleurs il peut exercer ses gestes et assouvir
son intérêt pour se laver les mains, au-delà
de la question d’hygiène. Ainsi, nous offrons
à l’enfant l’opportunité d’effectuer réellement
des activités issues de notre environnement
FXOWXUHO/HVREMHWVVRQWGRQFU«HOVPDLVGRLvent être adaptés à la taille et à la force des
enfants. De même, il est important pour le
professionnel d’impliquer le plus possible les
enfants dans l’accomplissement des tâches
liées à la vie quotidienne du groupe : la préparation des fruits pour la collation, dresser la
table, arroser les plantes, faire du pain chaque
jour (fig. 4 à 6).
Pour arriver à cela, il est nécessaire de petit
à petit décentrer l’activité de l’adulte pour
pouvoir la centrer sur le besoin d’agir des
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d’organiser une activité centralisée et collective mais de partir de chacun des enfants, de
l’observation de ses besoins pour penser aux
activités qui lui seront présentées parce qu’elOHVVHURQWXWLOHVSRXUVRQG«YHORSSHPHQW/H
travail de différenciation, commencé au Nido,
doit se poursuivre au sein de la communauté
enfantine.
؂ODFRPPXQDXW«HQIDQWLQHOőHQIDQWVőH[prime par ses actions, que ce soit avec les
activités de vie quotidienne, le dessin, la
peinture, etc., mais il vit aussi une véritable
“explosion du langage”. Soudainement, il
parle beaucoup et de même qu’il semble
jubiler de pouvoir se déplacer, d’agir, de maîtriser ses mouvements, il semble éprouver
autant de joie à parler, à entendre le nom
des choses, à le répéter. Vers deux ans et
demi-trois ans, l’enfant peut se présenter au
monde en disant « moi, je » ; il a toujours cette
capacité à absorber ce qui se trouve dans
son environnement, mais il va désormais
appréhender son environnement de façon
plus consciente.
De nouveaux “possibles”
Maria Montessori nous dit que l’environnement suffisamment bien préparé permet à
l’enfant de se révéler et il est vrai que les
enfants nous apparaissent sous un jour
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et découvrent de nouveaux “possibles”. Ce
qui leur semble important, c’est de créer
une dynamique de réflexion autour de chaque enfant, et de s’ouvrir à une véritable
démarche pédagogique. Isabelle Séchaud
Institut Supérieur Maria Montessori, Paris
[email protected]
Bibliographie
Quattrocchi Montanaro S. Understanding the
Human Being. Nienhuis Montessori, 1991.
Montessori M. La formation de l’homme. Desclée
de Brouwer, 1996.
Montessori M. L’éducation et la paix. Desclée de
Brouwer, 1996.
Montessori M. L’esprit absorbant de l’enfant.
Desclée de Brouwer, 2003.
Montessori M. Pédagogie scientifique. Desclée de
%URXZHU
Montessori M. L’enfant. Desclée de Brouwer, 2006.
Montessori M. L’enfant dans la famille. Desclée de
Brouwer, 2007.
Montessori M. Les étapes de l’éducation., Desclée
de Brouwer, 2007.
3RON/LOODUG3/LOODUG-HVVHQ/ Montessori from the
Start. Schocken Books, New York, 2008.
Spinelli S. Montessori, un autre regard sur l’enfant.
De la naissance à 6 ans. Desclée de Brouwer,
2009 (à paraître).
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