5 La prise de pouvoir du marketing sur la musique populaire

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5 La prise de pouvoir du marketing sur la musique populaire
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La prise de pouvoir du marketing
sur la musique populaire
« Lorsqu’on voit avec quelle rapidité les gens venus en masse
du marketing ont sinistré le métier du disque bien plus efficacement
que le téléchargement, je n’ose imaginer vers quoi nous nous dirigeons
dans l’univers de la télé 1. »
Alain de GREEF
DANS L’INDUSTRIE DU DISQUE
La toute puissance des directeurs marketing est une chose
assez récente dans les entreprises, et en particulier dans les
maisons de disques. Le marketing est une forme moderne et
passionnante de sociologie qui joue un rôle important pour
la croissance économique. Mais elle est aussi l’ennemi de la
consommation lorsqu’elle exploite cyniquement l’énergie
libidinale jusqu’à l’écœurement. Le marketing des produits
culturels dérivés ne se contente plus d’étudier les comportements d’achat pour prévoir le succès ou d’optimiser la distribution par la mise en valeur des produits, mais tente aussi
de provoquer artificiellement l’acte d’achat impulsif. Se pose
alors la question de la sincérité des produits culturels, qui
seule est capable de régénérer le désir d’achat.
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Les hommes ont toujours souhaité pouvoir lire dans l’avenir et prévoir les succès et les échecs afin de limiter les risques. Le problème ici est que le marketing est au service de
l’avenir de l’industrie et pas de l’avenir de la musique. Ceci,
à partir de l’étude de comportements d’achat antérieurs sans
tenir compte du désir provoqué par l’innovation et, donc, la
créativité. D’où une sclérose de la production et surtout, un
risque majeur de dérives de conditionnement du public. « La
piraterie, via Internet, qui n’est effectivement pas sans effet,
est un peu l’arbre qui cache la forêt. Si les disques se vendent
moins, c’est aussi qu’ils sont trop chers et d’un niveau culturel en baisse. [...] Les passionnés de musique à la tête de ces
entreprises ont laissé la place à des financiers dont la préoccupation principale consiste à rechercher la rentabilité à court
terme » peut-on ainsi lire sur le site de la CFDT, relayant les
propos de ses délégués chez EMI-Virgin et Universal. Et
encore : « La concurrence a conduit à dépenser des millions
d’euros en spots télé ou en radio pour le lancement d’un disque. Un matraquage onéreux qui implique, en période de
vaches maigres, de réduire la voilure2. »
À quoi ressemble aujourd’hui une réunion de marque dans
une maison de disques ? Dans les années 1980 encore, un
directeur artistique aurait pris la parole pour expliquer
pourquoi il avait « craqué » sur un artiste, pourquoi il fallait lui accorder les moyens de son expression. Aujourd’hui,
le directeur marketing présente son plan média sur des transparents, expliquant quels produits seront mis en avant sur
les télés et les radios et à quelle heure (à la minute près). Il
explique combien de disques ont été fabriqués en fonction
du plan média sur les programmes segmentés des radios et
télés et d’après les ventes réalisées par un produit antérieur
ciblé sur le même segment. Les palettes de CD sont déjà
dans les entrepôts de Carrefour et Auchan, prêtes à être placées en têtes de gondole, négociées par un acheteur de la centrale d’achat de la chaîne nationale d’hypermarchés qui a
exigé en échange de ce privilège des « PP » (participations
publicitaires, soit un gros chèque) et le retour éventuel des
invendus. En effet, il est interdit par la loi de payer pour
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obtenir une tête de gondole dans une grande surface. Pour
contourner cette législation, les grandes surfaces demandent
aux fournisseurs une participation à la création de leurs
prospectus d’annonce des promotions, ce qui revient strictement au même.
Quand on leur parle de ces dérives, ces industriels nous
répondent que c’est cela ou alors la musique d’État comme
au temps de Staline ! D’une musique de propagande d’État,
nous voici de plain-pied dans une époque de musique de
propagande marketing, et nous devrions nous réjouir de
l’une pour ne pas redouter le retour de l’autre ? ! La musique
marketing, fait-on également valoir, a toujours existé et
c’est elle qui finance la qualité. En effet, elle a toujours
existé mais nous verrons qu’elle n’a jamais existé dans de
telles proportions que ces dernières années et avec autant de
moyens. En outre, la théorie qui consiste à produire de la
faible qualité ultramédiatisée et à lui attribuer tous les
moyens de promotion afin de financer de la qualité qui restera confidentielle, est une théorie tout à fait contestable
d’un point de vue économique. Enfin, même si, comme le
rappelle Hubert Mansion, juriste spécialiste des contrats de
maisons de disques, c’est le colonel Parker qui a inventé les
techniques marketing les plus extrêmes appliquées à la
musique populaire au début des années 1960 avec Elvis
Presley, ce n’est pas parce que le choléra a toujours existé
qu’il ne faut pas le combattre. « En 1954, un ami lui présente un chanteur qui électrise déjà ses spectatrices : Elvis
Presley. Le colonel a enfin trouvé son attraction. Il ne lui
reste plus qu’à monter un cirque. [...] le colonel Parker a fait
un dieu du sexe et une icône de la brillantine. Interdisant
toute communication directe entre la presse et son protégé,
il impose des conditions sévères à sa maison de disques
(RCA) et aux promoteurs de spectacles [...]. Produit dérivé
de lui-même, obligé de jouer l’acteur-chantant pour satisfaire ses fans, Elvis perd peu à peu ses admirateurs, sa crédibilité et ses recettes [...]. Pour rembourser ses dettes de jeu
s’élevant à 8 millions $, Parker exploite la bête de cirque
jusqu’à la tuer3. »
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Les combines, dans le disque, ce n’est pas nouveau. Mais
jamais elles ne furent pensées à un tel niveau d’efficacité
scientifique et jamais avec de tels moyens convergents
déployés de manière aussi préméditée que ces dernières
années, jamais. Tous les restaurateurs savent qu’une terrasse
pleine attire le client alors qu’une terrasse vide le fait fuir...
Dans les endroits les plus concurrentiels, certains demandent
même à leurs amis ou à la famille de venir dîner gratuitement les premiers jours pour assurer l’effet de levier. C’est un
principe de base du commerce. Toute l’économie de l’industrie du disque est fondée sur ce principe simple. Hubert
Mansion parle du « make believe », le « faire croire » : « Pour
que cela marche, il s’agit de faire croire que cela marche
déjà » explique-t-il. Créer le succès par le succès, c’est-à-dire
par la mode. Et il est hors de question de laisser le consommateur créer la mode, c’est trop risqué, à cause de la gestion
des stocks, de la logique d’économies d’échelle. D’ailleurs,
dans le monde de la couture où l’on emploie généralement ce
terme de « mode », ce sont bien les directeurs de collection,
non le public, qui imposent de nouveaux styles.
La mission du patron de maison de disques est de créer la
mode à grande échelle avec de gros moyens. Par le conditionnement s’il le faut. C’est ce que l’on appelle le star système. Le star système, comment ça marche ? C’est un procédé
marketing qui consiste à valoriser un citoyen à un statut
supérieur de gloire, de médiatisation et d’aisance financière,
y compris par des moyens artificiels, dans l’espoir que les
consommateurs s’identifient à lui au point d’acheter les
objets culturels dérivés vendus à son effigie. Ce phénomène
d’identification se fait grâce à deux leviers psychologiques,
l’un altruiste, l’autre égoïste. Le levier altruiste est celui de
la fraternité, la propension naturelle de l’être humain à se
réjouir de la réussite d’un autre. Le levier égoïste, c’est le
syndrome du Loto national, le consommateur adhère car il
espère qu’un jour il sera lui-même riche et célèbre. Ce
levier-là est tellement puissant qu’il a permis à l’injustice
flagrante des régimes monarchiques de subsister si longtemps. Car tout le monde rêve d’être le roi ou la reine !
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L’artiste est donc un roi de droit divin, c’est dieu qui l’a élu
directement en lui donnant un don, et surtout, un manager.
Cela fonctionne d’autant plus facilement que la personne a
du talent, mais l’on sait depuis quelques années que cela
marche aussi avec des stars que l’on fabrique en amorçant le
phénomène d’identification simplement par des passages
répétés à la télévision.
Le star système n’a strictement rien à voir avec la valeur
artistique. L’acte d’achat de CD, par exemple, on le sait
aujourd’hui dans les services marketing de l’entertainement,
n’est pas majoritairement un acte de mélomane mais un acte
pur de consommation d’objet symbolique, que l’on appelle
d’ailleurs dans le jargon de la grande distribution : achat
d’impulsion. C’est ainsi que Bernard Stiegler nous explique
que, contrairement à ce qu’ils affirment, le travail des services marketing n’est pas de fournir au consommateur ce qu’il
désire mais de créer des foules artificielles en agissant sur nos
pulsions, pour imposer des marchandises, citant Freud au
passage : « On a l’impression que, si l’individu isolé dans la
foule abandonne sa singularité et se laisse suggestionner par
les autres, il le fait parce que le besoin existe en lui d’être
avec eux en accord, plutôt qu’en opposition, et donc peutêtre après tout de le faire “pour l’amour d’eux”4. »
Créer des foules artificielles de fans, des tribus auxquelles
on désire naturellement se conformer, voilà le travail avoué
du marketing aujourd’hui. Et viendront les jours précédant
Noël où vous devrez obligatoirement acheter un disque vu à
la télé à votre enfant, votre petit-fils, votre neveu ou nièce
qui l’exigera pour ne pas être exclu de ce qu’il pense être sa
tribu. Alors que ce sont des adultes qui auront créé cette
tribu, de manière scientifique et rationnelle, sur des courbes
de tableurs laissant apparaître des statistiques très précises
fondées sur la surveillance des comportements de segments
cible. Vous perdrez alors votre autorité au profit de celle des
médias, alliés dans cette stratégie par des partenariats croisés. Vous la perdrez un jour ou l’autre, car même si vous
pensez pouvoir résister au marché par votre libre arbitre,
vous ne pourrez pas résister aux pleurs de votre enfant
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devant un manque pulsionnel contre lequel on peut difficilement lutter. Et vous ne pourrez pas résister non plus, le cas
échéant, à vos propres pulsions d’achat.
France Gall, à propos de la reprise des chansons de
Michel Berger par la Star Academy, ne cache pas sa tristesse :
« La musique et la rythmique de Michel se comprennent, se
chantent. Ces enfants de la télévision sont touchants, mais
ils ont fait de Musique un divertissement gentil, alors que
c’est une chanson de guerre, qui demande que l’on dépose
les armes. Elle perd son essence. On dit d’eux qu’ils sont des
artistes, mais des artistes, il y en a très peu. [...] Michel était
un artiste, pas moi, parce que je n’ai pas de douleur, de
poids. Je suis en harmonie avec le quotidien. Je ne connais
pas le combat avec l’écriture. Un artiste, cela ne se crée pas
artificiellement, pas plus que la bonne musique. Les émissions de télévision répondent aujourd’hui à des exigences
commerciales précises, on sait ce qu’en pense Patrick Le Lay
– PDG de TF1. Dans les années 1970, la télévision, celle
des Raisins verts de Jean-Christophe Averty, a été importante
pour nous. Quand nous avons présenté en 1976 Émilie ou la
Petite Sirène un samedi soir, 79 % des téléspectateurs français
l’ont regardée5. » France Gall souligne ici une évolution
notable de la télévision de la prescription au conditionnement marketing pur et simple où la valeur artistique
devient un élément secondaire, l’élément principal étant le
potentiel d’identification du téléspectateur à des foules artificielles. « Ce sont ces organisations qui produisent systématiquement, et sans que personne s’y oppose, le “degré
zéro de la pensée” : les industries de programmes, en tant
qu’elles visent la production d’un temps de cerveau disponible qui vide inévitablement ce cerveau de toute conscience,
organisent la destruction de cette économie libidinale, elles
tendent à transformer le désir individuel en pulsion grégaire,
elles organisent industriellement et techno-logiquement la
transformation et l’agrégation des individus psychiques en
foules mimétiques [...] ce qui conduit à la liquidation du
narcissisme primordial des individus [...]. Mais cela conduit
aussi à la liquidation de ce que l’on pourrait appeler le
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narcissisme primordial des groupes sociaux, ce qui ne peut
alors que conduire à l’exacerbation du “narcissisme des
petites différences”, comme l’appelait Freud, c’est-à-dire au
racisme et à la xénophobie6 » souligne Bernard Stiegler.
La production de qualité n’échappe pas toujours, elle non
plus, au conditionnement. Comment ne pas déplorer et
s’attrister qu’un chanteur de talent comme Marc Lavoine,
artiste Universal France, déclare : « Oui, j’avoue, mes partenaires ce sont TF1 et NRJ et j’en suis ravi7 » ? Peut-il être
entièrement satisfait en tant qu’artiste par un succès dont il
ne sait pas aujourd’hui s’il est le résultat de la qualité de son
album ou du battage médiatique organisé ? Pour moi, la
question que Marc Lavoine devrait plutôt se poser est celleci : « Est-ce que mes pairs ont vraiment aimé l’album ? »
Voilà un critère artistique qu’il devrait porter au-dessus
des autres. La reconnaissance de ses pairs. Car le chiffre
des ventes, dans l’histoire de la musique, n’a jamais rien
exprimé de fiable sur la qualité artistique d’une œuvre. En
outre, il est de l’honneur du musicien de se battre contre le
conditionnement marketing opéré par les médias et les
maisons de disques car celui-ci reflète un mépris évident du
public. Du reste, pour l’artiste, c’est une question de santé
mentale et de vigueur créative. Michael Jackson, surdoué
de la musique et de la danse, aurait pu vivre confortablement de son talent sans pour autant devenir un milliardaire
objet de convoitise et perdre ainsi, par son enfermement,
une grande partie de sa créativité. C’est le star système qui
a gâché cet immense artiste en le réduisant à l’état d’objet
de consommation et en assimilant son propos à la quête
d’un succès le plus large possible par le consensus le plus
mou. Ce qui guette l’artiste, alors, c’est le vide, la distraction pure, le « plus rien à dire », bref le contraire de ce
qu’est le message artistique initial, c’est-à-dire le point de
vue subjectif.
Qui dit star système dit phénomène de mode. Lorsqu’un
artiste est à la mode, il faut qu’il accepte aussi, fatalement,
un jour, de ne plus l’être et même d’être ringardisé, brocardé et humilié au profit de la nouveauté. Ce processus
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permet à une génération de se créer une identité en écrasant
l’ancienne et à l’industrie du disque de continuer à réaliser
des profits sur les nouveautés. Telles sont les perversions d’un
système qui peuvent conduire à l’aliénation de n’importe
quel individu devenu star, alors soumis à une succession
d’informations contradictoires excessives : excès de haine et
d’indifférence succédant aux excès d’amour et de gloire. Les
manuels de psychiatrie définissent la schizophrénie comme
étant le résultat de la succession d’informations émotionnelles contradictoires.
Le chanteur Alain Chamfort, par ailleurs membre du
conseil d’administration de la Sacem, explique ainsi qu’il a
été viré de sa maison de disques parce qu’il « n’était plus
dans le désir de son responsable de catalogue8 ». Et d’ajouter « qui a lui-même été viré depuis ». Dans un tel contexte
de précarité, un système pyramidal où bien souvent un seul
homme a le droit de vie ou de mort sur une carrière, les
artistes comme les employés doivent de plier non pas à des
ordres, mais, ce qui est plus subtil mais tout aussi efficace, à
des consignes d’orientation de la création selon les segments
de public visés susceptibles de créer du profit à court terme.
Ces consignes sont également destinées à alimenter un
vedettariat qui consiste à faire parler de l’artiste, y compris
en dévoilant l’intime dans des émissions télé et une presse
de plus en plus trash. À ce titre, l’état de la presse anglaise,
où ne subsistent plus que quelques journaux sérieux au
milieu d’une masse de revues people, est sans doute emblématique de ces dérives. Derrière tout cela, nous assistons à la
naissance d’une nouvelle forme de totalitarisme. Et ne
croyons pas qu’il soit plus doux parce qu’il est moins spectaculaire.
Il s’agit de l’aliénation de nos enfants. De la dépossession
de l’autorité parentale au profit de celle des médias, aliénation qui nous oblige à leur acheter des choses dont ils n’ont
pas besoin et que nous ne voulons a priori pas leur acheter. Il
s’agit aussi de notre propre aliénation, nous les adultes, visés
aussi par ces stratégies redoutables dont personne n’est à
l’abri. La fonction de l’artiste n’est pas seulement de nous
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divertir mais aussi de nous éclairer, et cette logique de
consensus large et de compromis mou pour atteindre une
masse plus large de public menace aussi la musique rebelle
et l’esprit critique en général. La vie n’est pas une chanson
de bal musette. Elle est encore un cauchemar pour un million d’enfants (rien qu’en France) qui vivent sous le seuil de
la pauvreté. « Il suffirait, indique un rapport de l’Onu, de
moins de 4 % de la richesse cumulée des 225 plus grosses
fortunes mondiales pour donner à toute la population du
globe l’accès aux besoins de base et aux services sociaux élémentaires (santé, éducation, alimentation)9. »
Le temps de la chanson légère n’est donc pas encore venu,
contrairement à ce que veulent nous faire croire les médias
et les maisons de disques. La musique de loisir doit exister,
mais elle ne doit pas être seule à occuper la place. La chanson engagée de notre époque, la plus pertinente, est peutêtre désormais la chanson critique envers les dérives marchandes. Pour la plupart des médias aujourd’hui, la sortie
d’un disque n’est un événement que si elle est accompagnée
d’un argumentaire adressé à la rédaction par l’attaché de
presse d’une maison de disques appartenant à un grand
groupe qui achète pour des millions d’euros de publicité au
média en question. Il n’y a aucune raison que les techniques
marketing de manipulation s’arrêtent, car elles s’inscrivent
dans une logique globale d’efficacité financière à court
terme, soutenue par des partenariats croisés que seuls le
législateur et le contrôle par l’État des pratiques audiovisuelles peuvent limiter.
LE CONDITIONNEMENT TÉLÉVISÉ
Pour beaucoup, critiquer les programmes musicaux actuels,
c’est être élitiste. Et pourtant, l’attitude élitiste consiste à
penser que les gens du peuple ne méritent pas mieux. Les
gens du peuple, c’est ma famille. Les patrons de chaînes commerciales ont dû apprendre le cynisme ; dans ce milieu-là,
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c’est une question de survie. Ils sont devenus des élitistes
économiques méprisant le peuple. Leur credo pourrait se
résumer ainsi : aux revenus moyens une culture moyenne !
Aux élites économiques, les dîners en ville, l’opéra, les
bibliothèques et les galeries d’art. L’industrie du disque s’est
alliée aux radios et aux principales chaînes de télévision (et
jusqu’aux journaux et magazines affiliés aux mêmes groupes)
dans ces fameuses stratégies de partenariats croisés. Ils mettent en commun leurs moyens pour persuader le public
qu’une chanson est à la mode. Et le plus triste, c’est que cela
marche, sur nos enfants mais aussi sur nous-mêmes. On ne
s’imagine plus à quel point c’est devenu banal.
C’est ainsi par exemple, qu’en 2003, la première version
de la Star Academy bénéficie d’un partenariat redoutable entre
la chaîne de télévision n° 1, la maison de disques leader et la
radio la plus écoutée (TF1 + Universal + NRJ). Avec au
bout, la remise de prix qui permettait de consacrer les artistes, les NRJ Music Awards. Roberto Ciurleo, directeur des
programmes de NRJ à l’époque, explique : « C’était un
concept nouveau, dans lequel on se reconnaissait et qui promettait d’être spectaculaire. Mais on ne soupçonnait pas à
quel point ». La station décide toutefois d’annoncer assez
vite une rupture du partenariat : « [...] nous avons les NRJ
Music Awards et c’était délicat de couronner Jenifer de la
Star’Ac tout en étant partenaire de cette émission10 ».
Hélène Risser raconte dans son ouvrage L’Audimat à
mort : « À l’automne 2001, quelques têtes de gondoles [présentateurs de TF1, ndrl] furent invitées à se mêler au public
de la Star Academy, pour tenter de faire de la réassurance
auprès des téléspectateurs. Message subliminal envoyé par
ces plans fugitifs des Pernault et Foucault, visiblement ravis
de passer leur samedi soir à écouter Jenifer et consorts écorcher quelques tubes : puisqu’ils aiment la Star Ac, vous qui
les appréciez en raffolerez aussi ! Un système d’autopromotion redoutable, dont le but est aussi d’écouler auprès de
millions de fidèles des tombereaux de produits dérivés11. »
Tout cela rapporte ensuite des millions car tous ces gens se
partagent le gâteau. Dans certains cas, la démocratie même
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est galvaudée par des simulacres de votes à grand renfort
d’appels téléphoniques surfacturés. C’est plus simple, plus
rentable et moins risqué que d’accompagner des carrières
d’artistes et d’assumer leurs éventuels échecs. Bien entendu,
cela ne veut pas dire que les artistes issus de ces programmes
sont tous sans intérêt, loin de là. Mais une étape est franchie
dans le contrôle du marketing lorsqu’il intervient, comme
c’est le cas désormais, dans le processus de création ou plutôt, très souvent, de choix des chansons, pour satisfaire un
public bien ciblé. Là se trouve une perversion totalement
inacceptable. « Pour le programme À la recherche d’une nouvelle Star, Freemantle MEDIA crée le format (Pop Idol), M6
diffuse et la major BMG sort les disques. Or derrière toutes
ces branches se cache... Bertelsmann, le géant allemand des
médias. La boucle est bouclée12 ! » La mécanique est implacable.
Je vous ferai grâce ici des propos du PDG de TF1 Patrick
le Lay (que la presse française a largement relayés en juillet
2004), expliquant comment son métier consiste à rendre les
cerveaux des téléspectateurs disponibles pour vendre du
Coca-Cola. Écoutons le point de vue d’Alain de Greef,
ancien responsable des programmes du Canal Plus génial et
créatif de la grande époque, sur la télévision d’aujourd’hui :
« Canal ne me manque pas et je n’ai aucune nostalgie. [...]
Je regrette même de ne pas être parti avant, car il m’est
impossible de travailler sous la houlette de financiers. J’ai
horreur de l’environnement libéral, qui néglige les hommes
à un point intolérable. [...] Je suis sidéré par certains programmes de TF1, France 2 et M6 qui se sont gravement
dégradés. [...] une dérive populiste des chaînes généralistes.
[...] Dans les années 1970, lorsque je travaillais sur les émissions de divertissement avec Guy Lux, j’avais un peu la
honte. Mais en comparaison de ce que je vois aujourd’hui, je
trouve, avec le recul, que c’était honnête et digne13. »
Une interview magnifique de Yves Malbrancke, du temps
où il était directeur adjoint chargé des variétés et de la programmation musicale de M6, laisse entrevoir avec quel
cynisme la télévision traite les variétés aujourd’hui : « […] le
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Hit Machine enregistre des scores d’audience tout à fait
satisfaisants avec aussi 25 % de moyenne de part d’audience
sur la ménagère de moins de 50 ans. […] Nous faisons une
politique axée sur la durée, nous nous engageons en effet avec
ces artistes, que nous diffusons alors à haute dose, et cela
quelle que soit la maison de disques. […] je tiens à préciser
que sur Popstars, il s’agit de coproduction, nous ne sommes
donc pas seul à profiter. […] il y a un discours, qui fleurit
dans l’industrie, qui dénonce un abus de position dominante
pour M6. Les gens qui tiennent ce discours feraient mieux de
se concentrer sur l’artistique. […] M6 a existé par la musique. Mais aujourd’hui nous avons largement renvoyé l’ascenseur et on pourrait en faire un peu moins [sic]14. » L’émission
le Hit Machine de M6, dont la cible est le préadolescent, est
devenue une formidable machine à conditionner nos enfants,
allant même jusqu’à inclure des titres produits par la chaîne
dans un classement au calcul obscur. Quant à ce monsieur
qui s’exprime de manière si poétique, il a été nommé plus
tard directeur de la programmation de la station de radio
NRJ.
Alors oui, convenons avec Bernard Stiegler que « critiquer l’hyperindustrialisation de la culture est une écologie
de l’esprit. Car les mass media se sont développés pour
capter et vendre les temps de conscience. Ce que vendent
ces industries, ce ne sont pas des programmes, mais des
audiences pour des écrans publicitaires. Les programmes ne
servent qu’à attirer les consciences à vendre. Et sur ce marché, une heure de conscience ne vaut pas bien cher. [...] La
captation des consciences permet de faire adopter des
modes de vie et de programmer la modification massive des
comportements15. »
Les responsables de programmation des télévisions, comment le nier, ont une responsabilité importante dans les
dérives actuelles. La télévision n’a jamais souhaité se débarrasser des variétés et du rock, mais elle s’est laissée tenter,
dans ses choix de programmation, par des expériences qui
ont connu un certain succès dans d’autres pays. Si TF1
n’avait pas opté pour la Star Academy, elle diffuserait un
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autre type d’émission musicale dans sa grille. Si, de leur
côté, les maisons de disques avaient imposé des cahiers des
charges artistiques aux propositions de partenariats, nous
n’aurions pas assisté à cette dérive populiste de la musique
grand public. Cette baisse d’exigence sur le contenu permet
aujourd’hui aux télévisions de se passer aisément des maisons de disques, elles créent désormais leurs propres services
musicaux bien plus rentables. Les maisons de disques traditionnelles n’ont plus d’utilité dès lors qu’elles abandonnent
leurs prérogatives de sélection au mérite de prise de risque,
et d’accompagnement des artistes sur le long terme.
C’est pourtant cela le métier du disque et les majors refusent désormais de l’exercer. Même pour la promotion, les
labels demandent aujourd’hui aux artistes eux-mêmes de se
transformer en VRP/attachés de presse et d’aller vendre
leurs disques dans des émissions idiotes où on ne les interroge plus que sur leurs chiffres de ventes. « J’en ai vendu
quand même 200 000. » Et le public d’applaudir mécaniquement au moment où l’on brandit la pancarte « Applaudissez ! ». Le plus triste, c’est de constater que le simple fait
de déclarer qu’un disque se vend bien déclenche les ventes
dès le lendemain dans les bacs. Il existe donc bien un conditionnement réel dont nous sommes tous victimes, nous les
enfants de la télé – et je m’inclus dans le lot.
Les pouvoirs publics sont bien conscients du problème.
En 2003, le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon
commandait une étude sur les pratiques des grandes chaînes
de télévision et des majors du disque. Il précisait la mission
en ces termes : « J’ai tenu à vous préciser ce que j’attends de
votre travail. J’en attends l’amélioration de la diffusion des
musiques par les médias, l’amélioration de la diversité
musicale, la préservation de ce que j’appellerai l’écologie de
la chaîne musicale, où se retrouvent le spectacle, le disque et
les médias. Dans cette chaîne, le disque est aujourd’hui un
maillon fragile16. » L’aveu, à peine voilé, d’un profond
malaise. Le rapport, intitulé « Relations entre télédiffuseurs
et filière musicale », a été remis en janvier 2005 au ministre
de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres. On peut y lire,
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entre autres interventions fameuses : « L’accès au marché, en
particulier pour les producteurs indépendants, est de plus
en plus complexe et coûteux et la puissance du média télévisuel (comme radiophonique) place de fait l’ensemble de la
filière musicale en situation de dépendance à son égard. [...]
80 % des droits de diffusion des clips viennent de M617. »
M6 se trouve donc à l’époque en situation de position
dominante, seule grande télévision commerciale à diffuser
des clips vidéos, qui doivent être achetés par la chaîne. M6 a
profité de cette position de force pour tirer les prix vers le
bas. En outre, dans ces conditions, pour qu’une maison de
disques produise un clip pour un artiste, il faut qu’elle soit
certaine de passer sur M6 et il faut que le clip soit formaté
pour le public de cette chaîne. « D’œuvres de création, les
clips sont devenus des produits de commande, sur lesquels
toute prise de risque est refusée. En particulier, moins de
50 % des clips des producteurs indépendants trouveraient
un débouché en télévision » souligne le rapport, dont les
conclusions tirent la sonnette d’alarme : « Sur le modèle de
ce qui existe aux États-Unis (“Payola Rules”), la filière
musicale souhaite que les diffuseurs s’engagent, sous des
modalités à définir, à déclarer sur leurs antennes, lors de la
diffusion d’un programme, si celui-ci a fait l’objet d’un
accord de partenariat quelconque avec un Producteur phonographique ou un Éditeur de Musique. Cette proposition
permettrait d’améliorer la transparence des relations entre
les diffuseurs et les producteurs phonographiques et éditeurs de musique. » À ce jour, en 2007 en France, aucune
mesure n’a été prise dans ce sens et M6 diffuse même des
clips avec le terme « Tube ! » affiché à l’écran pour accentuer encore un peu plus son pouvoir de prescription, sans
vergogne.
Laissons – provisoirement ! – le mot de la fin à Patrick
Zelnik, président du label Naïve, qui énumère de manière
implacable les perversions du système : « la place considérable occupée par ces émissions dans le paysage ; le type de
“nouveau talent” qui est mis en lumière à partir du moment
où sont interprétées des œuvres du répertoire et non des
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LA PRISE DE POUVOIR DU MARKETING SUR LA MUSIQUE POPULAIRE
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œuvres originales ; l’impact sur l’ensemble de la production
de la qualification d’œuvre d’une de ces émissions ; l’image
fausse ou en tout cas partielle qui est donnée du développement d’une carrière d’artiste par la télévision qui ne correspond pas à la réalité du travail de centaines de jeunes
artistes ; les effets pervers sur l’ensemble de la filière musicale qui risque de vouloir ou devoir s’adapter au formatage
imposé par les chaînes ; les effets d’éviction tant dans l’accès
à la télévision que dans l’accès à la distribution en magasins,
notamment au détriment des producteurs indépendants18. »
LE CONDITIONNEMENT RADIOPHONIQUE
En 1981, François Mitterrand a décidé l’ouverture du réseau
FM aux initiatives privées et associatives. La qualité de ces
radios était, certes, moindre que celle des stations nationales, mais, outre qu’elles fournissaient des services d’information de proximité très utiles en régions rurales, les
animateurs étaient libres. Ils apportaient leurs disques et
faisaient partager leurs coups de cœur, ce qui constitue le
procédé le plus sain et le plus naturel de découverte musicale pour le public. Ce procédé a disparu, partout, et pas
seulement à la radio. Le conditionnement a remplacé la préconisation. Quand beaucoup d’argent est arrivé par la pub,
notamment avec le succès de NRJ, les directeurs marketing
ont rationalisé la prospection publicitaire, source unique de
financement. La concentration devenait dès lors une question de survie, à la radio comme à la télévision d’ailleurs, et
Internet est aujourd’hui en passe de reproduire le même
schéma. De grands groupes se sont formés progressivement,
récupérant les fréquences locales des radios associatives pour
relayer des programmes nationaux et créant des programmes ciblés. Un même groupe de diffusion radiophonique
détient aujourd’hui plusieurs stations pour des cibles complémentaires, une radio pour chaque tranche d’âge. Cette
évolution ne doit rien au souci du bien-être de l’auditeur
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LA RÉVOLUTION MUSICALE
mais tout à la volonté de rendre plus efficace l’argumentation des commerciaux dans la prospection des espaces publicitaires par des régies communes.
Aujourd’hui, plus aucun animateur n’apporte ses disques, hormis peut-être sur quelques rares fréquences, tard la
nuit. C’est un directeur de la programmation recruté sur un
profil marketing qui décide de la rotation des titres sur son
ordinateur pour l’ensemble du territoire français. Tous les
titres sont enregistrés dans un juke-box informatique sur
lequel on peut programmer les diffusions de manière très
scientifique. C’est très utile pour passer des accords de diffusion et négocier des partenariats entre les télévisions, les
maisons de disques, et les régies publicitaires. Les passages
radios sur les quelques fréquences clés sont devenus tellement importants pour les ventes de disques que la programmation est une affaire trop sérieuse pour que les animateurs
s’en occupent. Le phénomène a pris une telle ampleur que le
procureur de l’État de New York, Eliot Spitzer, a adressé fin
2004 des injonctions aux quatre grandes majors du disque
pour qu’elles cessent d’envoyer auprès des radios des consultants dont le métier est de promouvoir des chansons en
payant pour que celles-ci figurent en bonne place dans les
playlists. En novembre 2005, Warner Music a versé cinq
millions de dollars à Eliot Spitzer pour qu’il arrête les poursuites en promettant de ne plus agir de la sorte. Sony BMG
avait déjà versé dix millions de dollars19.
Passer à la radio, c’est vendre des disques. L’analyse
conduite par le journaliste Philippe Astor sur son blog, chiffres du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep)
à l’appui, est édifiante :
« Il y a une forte corrélation entre diffusions radio et ventes de disques. L’analyse comparée du top 100 radio en
2003 et des 100 meilleures ventes de singles et d’albums
sur la même période permet de tirer les enseignements
suivants :
– les 10 artistes du top 10 des titres les plus diffusés en
radio se retrouvent tous dans le top 50 des meilleures
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ventes de singles ; 6 apparaissent dans le top 100 des
albums et 7 dans le top 200 ;
– sur les 18 artistes référencés dans le top 20 radio, 14
apparaissent dans le top 100 singles ;
– sur les 84 artistes du top 100 radio, 57 apparaissent dans
le top 100 singles et 36 dans le top 100 albums20. »
Quand on sait que les maisons de disques sont les principaux annonceurs publicitaires des radios – pas moins de
130 millions d’euros en 2003 – on comprend mieux qu’il
soit très tentant, afin de bénéficier de ristournes sur les passages pub, de monter des partenariats où les radios sont
intéressées aux chiffres de vente des disques. C’est ainsi
qu’un artiste peut être diffusé en boucle, non parce que le
public l’a décidé, mais parce que deux services marketing se
sont mis d’accord, celui de la maison de disques et celui de
la radio. Et si en plus il y a une télévision dans le coup...
Cette diffusion massive entraîne un effet de mode, un effet
boule de neige qui déclenche les ventes de disques. Voilà
encore une bonne raison de parler de conditionnement.
D’autant que les radios réellement prescriptrices sont peu
nombreuses. « Les cinq premiers (NRJ, Skyrock, Fun Radio,
Europe 2 et RTL) se partagent 75 % du gâteau publicitaire,
explique ainsi Philippe Astor. NRJ, qui n’est pas un parangon de diversité, concentre à elle seule plus du tiers
(33,9 %) des investissements publicitaires des “Big five”. Et
la concentration de ces investissements est encore plus forte
à la télévision, puisque les deux premiers du classement
(TF1 et M6) raflent 81 % des budgets, TF1 s’arrogeant à lui
seul 49,6 % du pactole. »