Research Papers N°2 Le Processus de Kimberley et les

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Research Papers N°2 Le Processus de Kimberley et les
Research Papers N°2
Centre Européen de Recherche Internationale et Stratégique
Le Processus de Kimberley
et les diamants de la guerre
Philippe Renaudière
2004
Biography
Mr Ph Renaudière is since may 2006 the Data Protection Officer of the European
Commission.The previous positions of Mr Ph Renaudière in the Commission
were successively with DG Environment (1987-1990: legal affairs /1990-1992
global environment issues), member of the cabinet of Commissioner K Van Miert
(1992-1996 transport, competition), DG MARKT ( 1996-2001 head of the
International Relations unit/ 2001-2005 Head of the Data Protection Unit) and DG
Justice Liberty Security (2005-2006 head of the Data Protection unit)
1
RESUME
L’objet de ce mémoire consiste à présenter le « Processus de Kimberley ». Cet accord volontaire
conclu entre une quarantaine d’états producteurs, exportateurs et importateurs de diamants, vise à
bannir du commerce international les diamants bruts provenant de zones affectées par des
guerres, civiles ou autres, ou des tentatives de sécession. Le but est de moraliser le commerce, et
en même temps de tarir une source de revenus pour les mouvements rebelles et sécessionnistes,
voire de décourager des tentatives de guerre civile ou de sécession qui seraient inspirées par la
volonté de contrôler des régions de productions et d’accaparer les revenus de la production des
diamants.
Conclu en 2000 et entré en vigueur en 2003, le processus de Kimberley représente une réaction
remarquablement rapide à une campagne lancée par les ONG (Global Witness et Partenariat
Afrique Canada principalement) dès 1998, après les guerres civiles qui ont affecté certains pays
producteurs de diamants, comme l’Angola, la Sierra Leone ou le Liberia.
Le mémoire comprendra une présentation de l’économie du diamant en Afrique, et un rappel des
circonstances qui ont amené les ONG à prendre conscience du scandale des diamants de la
guerre (ou diamants du sang), et à le dénoncer.
Suivront une description des étapes ayant amené à la négociation puis à la conclusion du
processus de Kimberley, et l’analyse des actes juridiques qui le sous-tendent. Outre les textes de
l’accord lui-même, et les résolutions pertinentes de l’Assemblée Générale et du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, on s’attachera à la mise en œuvre de l’accord dans l’Union
européenne (avec une présentation de la législation en vigueur), aux Etats-Unis, et dans le cadre
de l’OMC (s’agissant d’une possibilité de restriction au commerce international, une dérogation,
ou « waiver », a été jugée nécessaire) On étudiera aussi les accords volontaires conclus par
l’industrie en support du processus de Kimberley (celui-ci ne concerne que les envois de
diamants bruts, un régime supplémentaire de contrôle des diamants taillés a été mis en place de
façon volontaire par l’industrie pour assurer un contrôle de bout en bout).
Vu le caractère très récent du processus, on ne pourra pas procéder à une véritable évaluation.
On examinera toutefois les premières décisions concrètes adoptées, on rendra compte des
progrès accomplis et on fera écho aux inquiétudes des ONG. On évoquera aussi le rôle du
commerce du diamant dans le financement du terrorisme international, problème controversé
que le processus de Kimberley n’a pas en principe pour vocation de régler, du moins
directement.
2
Enfin, on essayera de dégager une réflexion sur la place d’un tel processus dans la nouvelle
gouvernance internationale (qui se caractérise notamment par une contribution majeure des ONG
et de l’industrie, avant celle des états), et plus particulièrement dans le contexte de l’Afrique
(dont le destin semble toujours se limiter à voir ses richesses pillées, d’abord par le colonisateur,
ensuite par les élites nationales qui lui ont succédé, aujourd’hui par les seigneurs de la guerre qui
prospèrent sur les ruines des états).
Finalement, à partir de l’observation que les diamants de la guerre représentent une part très
faible de la production et du commerce international des diamants, on remarquera que le
processus de Kimberley entre en vigueur à un moment où les situations concrètes qui avaient
motivé sa création sont en voie de règlement. Mais les nuages qui s’amoncellent sur la Côte
d’Ivoire et surtout la crise qui n‘en finit pas de finir en République Démocratique du Congo
soulignent l’importance de disposer d’un mécanisme qui empêchera de nouveaux diamants
sanglants d’accéder au marché mondial, et confirment l’importance du processus de Kimberley
en tant que mécanisme de prévention des conflits. C’est d’ailleurs dans le contexte de sa
politique de prévention des conflits que la Commission européenne situe sa contribution au
processus de Kimberley.
La rédaction du mémoire a été achevée dans le courant du mois de septembre 2004, sur la base
de la documentation disponible en date du 31 août.
3
TABLE DES MATIERES
1
INTRODUCTION
6
1.1 économie et géopolitique du diamant en Afrique
1.2
Emergence du problème des diamants du sang :
les conflits en Angola, Sierra Leone, Liberia
10
1.2.1 Angola
10
1.2.2 Sierra Leone
1.2.3 Liberia
12
15
1.2.4 les organisations non gouvernementales
1.2.5 les réactions de la Communauté internationale
1.3 diamants de la guerre , diamants du développement,
diamants de la prospérité ?
16
17
19
2) LA NEGOCIATION DES ACCORDS DE KIMBERLEY
20
2.1 la genèse des accords
2.2 les Résolutions de l’Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité
des Nations Unies
20
3) ANALYSE DES ACCORDS
27
3.1 Nature et statut du Processus de Kimberley
3.2 contenu du texte
3.3 la « mécanique » de l’accord (comités, rapports, inspections etc.)
3.4 la question des statistiques
3.5 L’accord et la réglementation du commerce international :
la dimension OMC (« waiver » du 15/05/2003)
3.6 La mise en œuvre dans l’Union européenne
(Règlement CE 2368/2002 du 20/12/2002 et les règlements ultérieurs)
3.7 accords volontaires (complémentaires) du secteur privé
en ce qui concerne les diamants taillés (résolution du World
Diamond Congress, Londres 29/10/2002)
27
28
30
32
4
6
26
34
36
42
4) MISE EN ŒUVRE DES ACCORDS
43
4.1 Premières décisions concrètes : République Centrafricaine, Liban,
Congo (Brazzaville)
4.2 rôle et prises de position des secteurs intéressés et des ONG
4.3 les diamants de la guerre et le financement du terrorisme
international
4.4 tentative d’évaluation
47
48
5) REFLEXION SUR LA PLACE DU PROCESSUS DE KIMBERLEY
DANS LA GOUVERNANCE INTERNATIONALE
50
5.1 vers une nouvelle gouvernance internationale
5.2 une solution pour un mal africain ?
53
6) REFLEXION SUR LA PLACE DU PROCESSUS DE KIMBERLEY
COMME INSTRUMENT DE PREVENTION DES CONFLITS.
54
43
46
7) CONCLUSION
7.1 un instrument prometteur, exemple de la nouvelle
gouvernance internationale
7.2 des résultats rapides mais partiels ; un objectif de toute façon limité
7.3 un instrument de prévention des conflits
57
58
59
BIBLIOGRAPHIE
62
ANNEXE 1
LISTE DES PARTICIPANTS
65
ANNEXE II
STATISTIQUES DE LA COMMUNAUTE EUROPEENNE
67
ANNEXE III PRINCIPAUX PAYS PRODUCTEURS DE DIAMANTS
5
82
1) INTRODUCTION
La rédaction de ce mémoire m’a amené à découvrir un monde dont je ne soupçonnais pas
l’existence. Parti à la recherche d’un exemple, que je trouvais significatif, d’un instrument
nouveau de la gouvernance internationale, je me suis vite rendu compte que derrière les aspects
juridiques et techniques, se cachait une réalité fascinante, et parfois insoutenable. Derrière
l’expression « diamants de la guerre » on trouve des centaines de milliers de morts, des millions
de personnes déplacées, des pays détruits, des générations sacrifiées. On trouve un secteur
économique atypique, mystérieux, qui semble obéir à ses seules lois, qui ne sont pas celles des
Etats, ni même celles de l’économie «normale». On trouve toute la misère de l’Afrique postcoloniale, la prédation de ses richesses naturelles, dont il semble bien que la population ne
bénéficiera jamais pour son développement. On trouve des guerres civiles oubliées, et des
ramifications avec le terrorisme international. On trouve toutes les passions humaines : envie,
avidité, cupidité, mais aussi recherche de la beauté absolue, d’un idéal de pureté, d’amour, de
fidélité et même d’éternité, incarné dans un petit morceau de carbone. On trouve les efforts des
organisations non gouvernementales pour dénoncer des situations insupportables dont tout le
monde semblait s’accommoder, on découvre la capacité de la société civile de faire bouger les
choses. On voit les premiers progrès vers la transparence et le respect des règles.
Ce qu’on a de grandes difficultés à comprendre, aux termes de cette brève étude d’un problème
qui demanderait une analyse beaucoup plus approfondie, c’est qu’en Occident un homme puisse
offrir un diamant à la femme qu’il aime, sans savoir que pour ce diamant, une petite fille a été
amputée des deux mains, à la machette, dans un pays africain dont il n’a jamais entendu parler.
Le Processus de Kimberley est censé mettre fin à jamais à ce type d’abomination.
1.1 économie et géopolitique du diamant en Afrique :
Le diamant, du grec « adamas – indomptable », fascine et émerveille depuis l’antiquité, en raison
de sa beauté, de sa dureté, de sa brillance et de son caractère inaltérable. Il s’agit d’une forme de
carbone – chimiquement identique à une mine de crayon – mais dont l’extrême densité est due
aux très fortes pressions, qui, à de grandes profondeurs, compactent les atomes de carbone en
une structure cubique particulière. Le diamant se forme à près de 150 km de profondeur ; il
remonte ensuite à la faveur des lents brassages des roches, et est parfois propulsé à la surface par
des éruptions volcaniques.
Comment extrait-on les diamants du sol ?
Essentiellement de deux manières : le diamant provient des profondeurs de la terre. Il est
propulsé vers le haut à travers la cheminée volcanique. Il peut ainsi aboutir dans des lits de
rivière. On parle alors de dépôts alluviaux. De tels dépôts peuvent aisément être exploités de
manière artisanale et sans investissements coûteux. Par contre si les diamants sont restés dans la
cheminée volcanique (on parle de gisements de type «kimberlite », du nom du principal gisement
de ce type à Kimberley, en Afrique du Sud) ils ne peuvent être exploités que de façon
6
industrielle. Le coût d’une telle installation est énorme : une mine canadienne a coûté de l’ordre
de 750 millions de dollars.
On se rend compte immédiatement de la différence en termes stratégiques des deux types
d’exploitation. Pour le secteur artisanal, il faut s’assurer le contrôle des mineurs individuels et
des structures de commercialisation. Cette activité peut se poursuivre même après la disparition
de toute forme d’organisation étatique. L’activité industrielle quant à elle ne peut se dérouler
dans le chaos complet. L’autorité qui veut contrôler les mines doit être en mesure d’assurer un
minimum d’organisation de la région où elles sont situées, de satisfaire leurs besoins en main
d’œuvre, en énergie, en communications. L’activité industrielle se prête également mieux à un
certain contrôle des quantités produites, et de la qualité de la production. Le secteur artisanal
quant à lui permet toutes les fraudes et tous les trafics. Comment connaître le nombre de
mineurs, leur production, le volume et les prix des transactions, et même l’origine des diamants ?
On rappellera que dans une boîte de biscuits, on peut transporter pour un million de dollars de
diamants !1
L’Afrique est le premier producteur au monde de diamants bruts, devant l’Australie, la Russie,
le Canada et le Brésil. Elle fournit la moitié du marché mondial, estimé à 120 millions de carats
pour une valeur d’environ 7.5 milliards de dollars.
Le diamant africain a été longtemps la chasse gardée de la société De Beers.
Fondée en Afrique du Sud en 1880 par Cecil Rhodes, elle porte le nom du fermier boer,
propriétaire du terrain où ont été trouvés les premiers diamants. La société est passée en 1925
sous le contrôle de la famille Oppenheimer. La société De Beers exploite à la fois des mines dans
plusieurs pays africains ( 2 ), achète dans d’autres pays des diamants produits de façons
artisanales, et commercialise l’ensemble à travers sa société de commercialisation ( CSO Central Selling Organisation) à un réseau d’intermédiaire (sightholders) qu’elle sélectionne, et à
des prix qu’elle détermine. On se trouve en présence d’un cas d’école de domination
monopolistique d’un marché. Jusqu’il y a quelques années, son monopole était quasiment
absolu. On considère qu’aujourd’hui, la De Beers contrôle encore 60% du marché.
Mais la De Beers a fait bien plus. Un marketing redoutable a transformé le diamant, qui était
réservé aux têtes couronnées jusqu’au début du vingtième siècle, en objet accessible aux classes
moyennes. Son image royale a évolué en un symbole de l’éternité de l’amour et de la fidélité,
grâce à ce slogan génial inventé en 1947 : « les diamants sont éternels », qui permet de vendre
deux rêves en un : l’éternité de l’amour, et un produit qui ne perd jamais sa valeur. Toute femme
en âge d’aimer et d’être aimée devenait une cliente potentielle, grâce au véritable « droit de
tirage » sentimental qu’elle pouvait exercer sur son fiancé, son mari ou son amant. Le prix du
diamant a ainsi pu être déconnecté de sa valeur réelle : ce qui compte n’est pas sa rareté, il est
plutôt abondant, à l’exception de quelques pierres de couleurs inhabituelles, et rien n’indique que
les gisements soient en voie d’épuisement. Non, ce qui importe, c’est le désir, le désir de le
posséder pour la femme, le désir de l’offrir pour l’homme (qui, lui, désire la femme qu’il pourra
1
Sénat de Belgique. Session 2001-2002. Commission d’enquête parlementaire « Grands Lacs ». Audition de M.
Mark Van Bockstael, directeur des relations internationales du Hoge Raad voor Diamant, 28/06/2002
2
Namibie, Afrique du Sud, Botswana
7
obtenir en échange…). Et si un homme a une vie sentimentale un peu compliquée, il est pris dans
l’obligation d’offrir des diamants à sa femme, pour endormir sa jalousie, et à sa maîtresse, pour
qu’elle lui pardonne de ne pas quitter sa femme, etc. Au fil des années, les campagnes marketing
deviennent de plus en plus agressives : on invente ainsi les alliances en diamant pour
anniversaires de mariage 3 . Inutile de dire qu’il n’y a aucun incitant à une baisse des prix :
l’homme qui a offert un diamant a fait un effort financier, et veut que la femme le sache. La
femme qui a reçu un diamant en échange de son amour, ou simplement de son corps, ne souhaite
pas voir diminuer le prix sur la base duquel s’est effectuée la « transaction », afin de conserver
intacte sa propre valeur de marché 4 … Et comme la De Beers jouit d’un monopole sur la
production et la commercialisation, elle a les moyens de maintenir les prix élevés, grâce à ses
stocks stratégiques qu’elle met sur le marché afin d’équilibrer les variations annuelles de la
production.
Les choses vont toutefois changer au tournant du millénaire, pour aller vers plus de transparence,
de concurrence…Troublante coïncidence : c’est à ce moment que la De Beers affirme
solennellement qu’elle renonce à se fournir dans les pays en guerre. Le système de maintien des
prix par la constitution de stocks devenait trop coûteux. Des pays producteurs échappant à
l’emprise de De Beers commençaient à émerger (notamment l’Australie, le Canada et la Russie).
De Beers, sous le coup d’une enquête anti-trust aux Etats-Unis qui empêchait ses dirigeants de
poser le pied sur le sol américain, a commencé à ouvrir progressivement son système.
En 2004, la situation a bien évolué. De Beers ne contrôle plus qu’environ 60% de la production.
Un concurrent sérieux est apparu, qui veut lui aussi maîtriser la totalité de la filière, de la
production à la commercialisation, « de la mine à la maîtresse » : Lev Leviev, un industriel
israélien, a investi dans des mines en Russie et en Angola. Son dernier « coup » : ouvrir une
usine de polissage et de taille en Namibie, renversant ainsi le modèle traditionnel qui voulait que
l’ Afrique ne pouvait exporter que des diamants bruts, la taille s’effectuant à Anvers, Tel-Aviv
ou en Inde.
Une autre caractéristique du système de commercialisation des diamants bruts est leur fongibilité
du point de vue géographique. Un lot peut parfaitement être composé de diamants venant de
plusieurs pays. Seules des analyses chimiques complexes et coûteuses permettraient de révéler la
provenance des pierres. Ce qui compte dans un assortiment, ce sont les caractéristiques des
pierres, qui détermineront leur valeur et les possibilités d’emploi en joaillerie.
3
« Show her you would marry her all over again » ce slogan lancé en 1988 a permis de quadrupler le nombre de
femmes ayant reçu un diamant d’anniversaire de mariage aux Etats Unis ; la De Beers a également introduit le
diamant au Japon comme symbole de fiançailles, en jouant sur la notion de pureté de très importante dans le
shintoïsme ; d’une fiancée sur 20 dans les années soixante, ce sont aujourd’hui 70% des japonaises qui ont reçu une
bague de fiançailles en diamant, et le Japon est devenu le deuxième marché mondial après les Etats Unis
4
comme le chantait Marilyn Monroe :
« He’s your guy when stocks are high,
But beware when they start to descend.
That’s when those louses go back to their spouses.
Diamonds are a girl’s best friend”
8
Produit « mixable », monopole, circuits de distributions opaques, absence de contrôle dans la
plupart des pays producteurs, importateurs ou de transit, réexportations multiples… toutes les
conditions sont réunies pour faire du diamant brut un produit facile à trafiquer. Un rêve pour des
organisations criminelles.
De fait, la contrebande de diamants a toujours existé en Afrique. A l’époque coloniale, elle est le
fait d’aventuriers qui travaillaient pour leur propre compte. 5 Après que les colonies sont
devenues indépendantes, le trafic a pris une dimension politique, sans cesser d’être crapuleux.
C’est ici qu’apparaissent les gemmocraties 6 , c’est- à-dire des régimes, ou des cliques, qui
accaparent le contrôle de l’état dans le seul but de s’approprier les revenus des diamants. Le
Zaïre de Mobutu, le Centrafrique de Bokassa ( dont les diamants ont coûté à Valéry Giscard
d’Estaing sa réélection) sont des exemples classiques de gemmocraties. Mais à côté des
gemmocrates à grande échelle, il existe aussi tout un « petit peuple » du diamant. Mineurs
artisanaux, petits intermédiaires participent aussi à la création d’une économie informelle du
diamant, se jouent des contrôles et des frontières, bref, ils essayent tout simplement de survivre
dans des pays où toute autre forme d’activité économique est pour eux tout simplement
inaccessible. On se réfèrera notamment au récit d’un enseignant congolais qui, devant
l’écroulement de toutes les structures de son pays, abandonne ses élèves pour partir à son tour à
la chasse aux diamants. Au bout de la route, la mort ou une petite fortune, et la considération de
tout le village.7
Le diamant africain corrompt non seulement les hommes, les régimes politiques, et déstructure
profondément les sociétés des pays libérés du joug colonial. Il contribue peu, ou pas du tout à
leur développement.
Il lui restait à causer des guerres et des massacres: ce sera chose faite à la fin des années 1980.
5
pour apprendre les bases de la contrebande du diamant africain dans les années cinquante sans trop se fatiguer
l’esprit, on peut faire appel à James Bond :« Les Diamants sont Eternels », Ian Fleming, 1956 (Gallimard, 1957 pour
l’édition française)
6
F.Misser et O.Vallée, 1997
7
« A la recherche du paradis terrestre », Sabakinu Kivilu dans l’ouvrage collectif « Chasse au diamant au
Congo/Zaïre »
9
1.2 Emergence du problème des diamants du sang : les conflits en Angola, Sierra Leone,
Liberia
1.2.1 Angola :
La guerre civile angolaise a commencé au lendemain de l’indépendance de cette ancienne
colonie portugaise, en 1975. Elle s’est achevée officiellement en 2002, à la mort du chef rebelle
Jonas Savimbi. Pendant ces 27 années, elle aura fait au moins 500.000 victimes. Elle a
commencé comme un conflit idéologique entre factions rivales de la lutte pour l’indépendance.
Elle s’est poursuivie, attisée par la guerre froide. A la chute du mur de Berlin, elle a basculé dans
une lutte à mort pour le pouvoir et pour la possession des richesses du pays.
La guerre civile angolaise oppose depuis 1975 les deux principaux mouvements de libération : le
MPLA (Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola), fondé par Agostino Neto, auquel
a succédé le Président Eduardo Dos Santos, et l’UNITA, Union pour l’Indépendance Totale de
l’Angola, dirigée par Jonas Savimbi. Pendant la guerre froide, l’Angola fut le terrain
d’affrontements indirects entre l’Est et l’Ouest, le MPLA ayant choisi le camp marxiste, tandis
que l’UNITA était soutenu, au nom de la lutte contre le communisme, par les Etats-Unis et le
régime ségrégationniste sud-africain. Le MPLA a été reconnu dès l’origine comme le
gouvernement légitime de l’Angola.
La chute du communisme fera perdre son intérêt stratégique à l’Angola pour les Américains,
d’autant que dès 1990 le MPLA avait accepté le multipartisme et un peu plus tard l’économie de
marché. L’UNITA et son chef Josas Savimbi perdaient donc leur statut de « combattant de la
liberté ». Un accord de paix est conclu en 1991, qui débouche sur des élections, contrôlées par
l’ONU, en 1992. Refusant d’admettre la victoire de Dos Santos, Savimbi relance les hostilités.
Un nouvel accord de paix est conclu à Lusaka en 1994. Privé du soutien financier américain,
Savimbi utilisera désormais les profits de la vente des diamants : 60 à 70% des mines sont
situées dans les zones contrôlées par l’Unita. De ponctuelle, l’occupation des mines par les
rebelles devient enjeu stratégique majeur. La guérilla devient une « gemmo-guérilla »8.
Les combats se poursuivent, Savimbi qui avait officiellement accepté les termes de l’accord,
cherche en fait à gagner du temps et à reconstituer ses forces armées.
En 1998, une mission de l’ONU révèle pour la première fois comment l’UNITA finançait son
effort de guerre :
« Le diamant joue un rôle particulièrement important dans l’économie politique et militaire de
l’Unita. (…) Premièrement, la capacité de l’Unita de continuer de vendre des diamants bruts
pour des espèces et d’échanger des diamants bruts contre des armes lui donne les moyens de
poursuivre ses activités politiques et militaires. Deuxièmement, le diamant a été et continue
d’être un élément important de la stratégie de l’Unita pour se faire des amis et entretenir un appui
8
Selon l’expression utilisée par O.Misser et J.F Vallée dans leur ouvrage “Les gemmocraties “
10
extérieur. Troisièmement, les caches de diamants bruts plutôt que des dépôts monétaires et
bancaires constituent pour l’Unita le moyen privilégié de stocker sa fortune »9.
On ne saurait synthétiser plus clairement l’importance des diamants pour ce type de conflit.
L’ONU décide enfin de s’attaquer à ce qui est devenu l’enjeu principal de la guerre. En fait,
l’Unita aurait récolté à partir de 1993 environ 3,7 milliards de dollars10 entièrement réinvestis
en armement.
C’est que ce pauvre pays est riche de deux richesses, qui font son malheur : le pétrole et les
diamants. On peut dire que le pétrole finançait le MPLA, et le diamant l’Unita. S’agissant des
diamants, l’Angola disposerait de réserves estimées en 2000 à 40 millions de carats pour les
diamants d’origine alluviale, et 50 millions de carats dans les mines (kimberlite).
Le 12 juin 1998, le Conseil de Sécurité vote la résolution 1173, qui impose le gel des avoirs de
l’Unita situés à l’étranger, l’interdiction de lui fournir des véhicules ou des embarcations à
moteur, et surtout, un embargo sur les diamants angolais non contrôlés par le gouvernement,
ainsi que sur le matériel utilisé dans les industries extractives.11
L’intensification du conflit, notamment pour le contrôle des mines, et des attentats contre des
avions de la MONUA (Mission de vérification des Nations-Unies en Angola) contraignent
l’ONU à se retirer du pays. A la fin de l’année 1999, les forces gouvernementales ont repris de
nombreuses régions à l’Unita, dont plusieurs membres importants ont fait défection. La De
Beers décrète un embargo général sur ses achats de diamants en Angola.
Le 18 avril 2000, le Conseil de Sécurité adopte la résolution 1295, dans laquelle il rappelle que
la crise résulte principalement du refus de l’Unita de se conformer aux Accords de Paix, et se
déclare « particulièrement préoccupé » par les violations répétées des mesures d’embargo
décrétées, notamment en ce qui concerne les diamants12.
Début 2002, l’Unita refuse une loi d’amnistie générale proposée par le gouvernement. Les
combats se multiplient. Donné pour mort plusieurs fois, Savimbi est finalement tué le 22 février
2002, lors d’une offensive menée par les forces gouvernementales contre les rebelles. Sa mort
9
Rapport du Groupe d’Experts créé par le Conseil de Sécurité concernant la situation en Angola, février 1999. Il
faut rappeler que ce rapport avait été précédé par le rapport de Global Witness « A Rough Trade : the Role of
Companies and Governements in the Angolan Conflict » en décembre 1998
10
O.Misser et J.F.Vallée, op cit
11
cette résolution faisait suite à des résolutions antérieures adoptées en 1993, quand l’Unita a refusé le résultat des
élections, et en 1997 quand il est apparu que Savimbi ne respecterait pas les termes de l’accord de Lusaka.
Contrairement à la résolution 1173, les résolutions 864 et 1127 concernaient seulement les armes, les produits
pétroliers, l’interdiction de vols d’aéronefs appartenant à la rébellion, et les déplacements de ses dirigeants.
12
“Constate avec inquiétude que le commerce illicite de diamants constitue l’une des principales sources de
financement de l’UNITA, encourage les Etats ayant un marché des diamants à prendre des mesures sanctionnant
lourdement la possession de diamants bruts importés en violation des mesures énoncées dans la résolution 1173
(1998), souligne, à cet égard, que l’application des mesures énoncées dans ladite résolution nécessite l’adoption d’un
régime efficace de certificats d’origine, se félicite de l’adoption par le Gouvernement angolais de nouvelles
procédures de contrôle prévoyant l’instauration de nouveaux certificats d’origine redéfinis et compatibles, et invite
le Gouvernement à fournir aux Etats membres tous les détails voulus sur le régime du certificat d’origine et à en
donner une description au Comité » (point 16)
11
marque la fin de la rébellion de l’Unita. Le 4 avril 2002 un accord de cessez-le-feu est signé, qui
prévoit l’amnistie générale et le désarmement des combattants.
Il reste à reconstruire un pays ravagé par la guerre, plongé dans une vaste crise humanitaire : sur
une population estimée à 11 millions de personnes, 3 millions menacées par la famine et les
épidémies, ont besoin d’une aide d’urgence ; aux 4 millions de personnes déplacées pendant le
conflit s’ajoutent les anciens combattants de l’Unita et ceux qui ont fui dans les pays voisins.
Les infrastructures sont largement détruites, il y aurait jusqu’à 5 millions de mines enfouies, et
le contrôle du gouvernement sur la totalité du territoire est loin d’être assuré.
1.2.2 Sierra Leone
La guerre civile particulièrement cruelle qui a ensanglanté la Sierra Leone dans le courant des
années 90 constitue la deuxième manifestation du phénomène des diamants de la guerre ; elle
en est aussi la manifestation la plus « pure », si toutefois on ose employer cet adjectif à propos de
cette escalade dans l’horreur qui a frappé ce pays dont peu de personnes doivent connaître
l’existence.
Contrairement à l’Angola, où la guerre du diamant est venue se plaquer sur une guerre civile
post-coloniale classique, soutenue tout aussi classiquement par les grandes puissances dans le
contexte de la guerre froide, la guerre civile de Sierra Leone est née du diamant, a grandi par le
diamant, et n’a jamais eu d’autre objet que les profits du commerce des diamants. Ancienne
colonie britannique, ce pays de 5.8 millions d’habitants, situé sur la Côte occidentale de
l’Afrique, a connu une histoire agitée et une succession de coups d’états depuis son accession à
l’indépendance en 1961.
Le premier diamant fut découvert en Sierra Leone en 1930, et une production significative
démarra dès 1935. A cette époque, les dirigeants coloniaux britanniques avaient conclu un
accord avec la SLST,une filiale de la De Beers, lui réservant les droits exclusifs d’exploitation et
de prospection dans tout le pays pour une durée de 99 ans. Les diamants de Sierra Leone se
caractérisent par une proportion élevée de pierres de première qualité. En 1937, la production
annuelle était de l’ordre d’un million de carats, avec un pic de 2 millions de carats en 1960. De
1930 à 1988, environ 55 millions de carats seront extraits officiellement de Sierra Leone. En
dépit du monopole concédé à la De Beers, on dénombrait au début des années 50 jusqu’à 75000
mineurs illicites dans la région de Kono, dans l’Est du pays. Les diamants étaient vendus en
fraude par le Liberia voisin.
En 1955, les Britanniques dénoncent l’accord avec la De Beers et mettent en place un
programme d’exploitation des zones alluviales, aux termes duquel des licences sont accordées à
des entreprises minières locales, Au fil du temps, ces licences seront presque toutes rachetées
par les commerçants libanais. En 1968, le Premier Ministre Siaka Stevens, devenu Président,
confronté à une crise économique grave, encourage l’extraction minière illicite. Il fonde luimême la National Diamond Mining Company, qui absorbe la SLST. De 595000 carats en 1980
la production légale tombe à 48000 en 1988. Stevens abandonne progressivement la conduite du
pays à un homme d’affaires libanais, son associé dans la NDM, Jamil Mohammed, avant de
quitter le pouvoir et d’être remplacé en 1985 par le général Joseph Momoh, lequel confie encore
plus de responsabilités à Jamil Mohammed.
12
Avec le temps, l’extraction illégale de diamants et la contrebande prennent toujours plus
d’ampleur, quittent le registre de la criminalité ordinaire pour atteindre celui de la guerre civile,
passant du crime désorganisé au crime organisé.
De la fin des années 1970 au début des années 1990, la guerre civile qui fait rage au Liban se
répercute en Sierra Leone. Plusieurs milices libanaises trouvent une aide financière auprès de
leurs compatriotes de Sierra Leone, grâce aux revenus de la contrebande de diamants. Ainsi, le
chef de la milice libanaise Hamal, Nabih Berri, était né en Sierra Leone, et était un ami d’enfance
de Mohammed. Mohammed finira par être contraint à l’exil en 1987.
En 1991 éclate la rébellion du Revolutionary United Front (RUF), qui occupe progressivement
les points-clé de la région orientale du pays, riche en diamants et contiguë du Liberia. Les
rebelles obtiennent dès le début le soutien du Libéria voisin. On a vu que ce rôle joué par le
Libéria de « pavillon de complaisance » pour les diamants extraits illégalement en Sierra Leone
est une tradition ancienne. Ce qui est nouveau c’est l’implication officielle du Liberia, comme
filière d’écoulement de diamants et base arrière pour l’approvisionnement de la rébellion, dans la
guerre civile de son voisin.
Initialement, cette rébellion déclenchée par Foday Sankoh se voulait démocratique ; elle visait à
renverser le régime autoritaire du président Kabbah. Tous les observateurs s’accordent pourtant
pour estimer que ni cette guerre civile, ni l’implication du Liberia, n’ont de cause idéologique,
politique ou ethnique qui tienne. La raison de la guerre et de son escalade, c’est le diamant. Les
rebelles ne luttent pas contre le gouvernement pour le renverser et prendre le pouvoir à sa place :
ils font la guerre pour contrôler les zones où se trouvent les matières premières facilement
extractibles. Les diamants qui servent au départ à financer la guerre en deviennent la cause
même. Ils en permettent aussi la pérennité. Le RUF utilise les revenus des diamants pour se
procurer des armes, toujours plus d’armes, et ses positions dans la région montagneuse de Kono
sont pratiquement inexpugnables.
En face, le gouvernement légitime est secoué par les crises. Le Président élu à la majorité des
voix en 1996, Ahmed Tejan Kabbah, sera renversé en 1997 par un colonel rebelle, Johnny Paul
Koroma, qui se proclamera « chef du conseil révolutionnaire des forces armées » Le
Commonwealth des Etats obtiendra le retour du Président Kabbah. Le putschiste Koroma
intégrera le gouvernement légitime, en compagnie d’autres chefs de milice.
La guerre menée par le RUF contre les forces gouvernementales sera particulièrement brutale :
on estime qu’elle aura causé entre 50000 13 et 75000 14 victimes, déplacé 2 millions de
personnes et forcé un demi- million d’autres à se réfugier en Guinée et au Liberia. Les images
d’enfants mutilés (l’amputation des mains ou des bras est une des pratiques favorites des
rebelles, horrible réponse à un slogan du Président Kabbah qui exhortait la population à « joindre
les mains pour la paix »), et celles d’enfants soldats illettrés mais surarmés, drogués, fanatisés,
assoiffés de sang, commencent à parvenir en Occident.
13
14
Selon Global Witness
selon Partenariat Afrique Canada
13
Le 6 janvier 1999, les rebelles du RUF attaquaient Freetown, la capitale ; pour la seule journée
du 20 janvier, on a ramassé 1140 corps, dans une zone représentant à peine un dixième de la
ville. Le bilan de la bataille de la capitale s’établira à 6000 morts en 2 semaines.
En juillet 1999 après plus de 8 ans de guerre civile, les négociations entre le gouvernement et le
RUF ont abouti à l’accord de paix de Lomé, en vertu duquel les parties conviennent de cesser les
hostilités, désarmer les combattants et former un gouvernement d’unité nationale. Par sa
résolution 1270 du 22 octobre 1999, le Conseil de Sécurité crée la Mission des Nations Unies en
Sierra Leone (MINUSIL) Ses tâches ont été étendues et ses effectifs renforcés par les résolutions
1289 du 7 février 2000 et 1299 du 19 mai 2000.
Le gâteau minier est partagé entre les belligérants.
Foday Sankoh s’installe à Freetown en tant que Vice-Président de la Commission pour la
gestion des Ressources énergétiques (!) A la surprise générale il semble prendre son rôle au
sérieux, et exige une révision de toutes les licences attribuées aux entreprises étrangères.
Constatant son impuissance, et réalisant que la Minusil va vraiment déployer ses troupes dans
son fief, il relance les hostilités, jusqu’à organiser, début mai 2000, la prise en otage de 500
casques bleus de la Minusil. Mais « lâché » par Charles Taylor, il sera capturé le 10 mai par les
troupes britanniques qui ont donc fini par intervenir directement dans leur ancienne colonie.
Le 5 juillet 2000 le Conseil de Sécurité adoptait la résolution 1306 qui interdit l’importation
directe ou indirecte de diamants bruts en provenance de Sierra Leone n’ayant pas fait l’objet
d’un certificat d’origine délivré par le gouvernement du pays.
La guerre civile de Sierra Leone a pris officiellement fin en janvier 2002. Les élections du moi
de mai ont ramené au pouvoir le président Tejan Kabbah. 46000 combattants ont été désarmés.
Une Commission pour la Vérité et la Réconciliation a été mise en place. Un Tribunal Spécial
pour la Sierra Leone a été créé conjointement par le gouvernement et les Nations Unies.
14
1.2.3 Liberia
Le troisième pays qui a été confronté au problème des diamants de la guerre est bien sûr le
Libéria.
Ce pays aujourd’hui dévasté par une guerre civile qui dure depuis 15 ans est l’exemple d’un
rêve qui a vite tourné au cauchemar. Fondé en 1822 par des esclaves noirs américains libérés, le
pays a toujours connu une existence difficile. Jusqu’en 1980 il était dirigé par une élite d’origine
américaine, corrompue et qui réduisait presque à l’asservissement la population indigène.15
Le Libéria a une production limitée de diamants, connue depuis l’entre-deux guerres. Dans les
années 1950 de nombreux négociants s’installent au Libéria, surtout à cause des importantes
quantités de diamants découvertes dans la région, et plus particulièrement en Sierra Leone.
Toutes les activités minières au Libéria sont artisanales, les diamants y sont tous d’origine
alluviale. Cela n’empêche pas que des millions de carats sont « exportés » du pays dans les
années 1950, des chiffres qui retombent presque à zéro dans les années 1970 en fonction des
contrôles plus importants mis en place en Sierra Leone. En 1999 le Libéria a exporté
« officiellement » 8500 carats, ce chiffre passe à 22000 en 1999 et augmente encore en 2000,
mais ces chiffres demeurent modestes, même si selon certains observateurs ils ne représentent
qu’une partie de ce qui est réellement sorti du pays. Ils n’ont de toute façon aucune commune
mesure avec les chiffres déclarés dans les pays importateurs, qui révèlent simplement que de tout
temps, le Libéria a servi de couverture pour les diamants volés dans les pays voisins.
Un premier coup d’état sanglant, dirigé par l’ancien sergent Samuel Doe, met fin au régime
historique, qualifié de « blackcolonialisme », et propulse pour la première fois les « indigènes »
au pouvoir. En fait ce sera une dictature particulièrement brutale, ruineuse pour le pays et ses
habitants, marquée par les purges ethniques. La guerre civile débute en 1989, lancée par un des
anciens hauts fonctionnaires du régime, Charles Taylor 16 qui déclenche une insurrection à partir
du Nord, où le régime avait déjà mené une répression sanglante. Charles Taylor a véritablement
« inventé » les diamants de la guerre, étant le premier à utiliser à grande échelle les revenus des
diamants produits dans la zone qu ’il contrôle pour financer sa rébellion. Les combats gagnent
tout le pays, opposant les enfants-soldats de Taylor et les soldats de Doe, qui rivalisent
d’atrocités. Doe sera finalement capturé par les rebelles, torturé et exécuté. Taylor parvient à se
faire élire président en 199717 Son régime sera tout aussi sanglant que celui de son prédécesseur.
Entre-temps la guerre civile a éclaté en Sierra Leone ; Taylor, après avoir inventé les diamants
de la guerre, va faire bénéficier ses voisins de son expérience. F.Sankoh, le fondateur du RUF,
est un de ses anciens compagnons de guérilla. Il va donc l’appuyer à son tour, lui fournissant
une base arrière et en plus un débouché pour ses diamants. Le Liberia devient une fantastique
15
Cette période est notamment décrite dans le livre de Graham Greene “Voyage sans carte», Paris, Seuil, 1951. Je
ne peux résister à l’envie d’en reproduire cet extrait :
« M.Faulkner avait gagné le respect incertain de tout le monde au Libéria. Il avait dépensé tout son argent…à
combattre un président après l’autre au nom de la réforme. « Mais non, a dit M. Nelson …nous n’aimons pas
Faulkner» Après un certain temps, il a trouvé l’énergie pour s’expliquer : « Voyez-vous, il a une idée » « Quelle
idée ? » Ai-je demandé ? « Personne ne le sait, a dit M.Nelson, mais nous ne l’aimons pas »
16
Surnommé « super glue » car les billets de banque du Trésor Public qui lui passaient entre les mains y restaient à
jamais accrochés…il avait dû se réfugier quelques années aux États-Unis, accusé d’avoir détourné 900000 dollars
17
Le slogan de sa campagne électorale: “I killed your Pa, I killed your Ma, Vote for me!”
15
plaque tournante de tous les trafics, et contribue à déstabiliser l’ensemble de la région (
notamment la Guinée, et la Côte d’Ivoire).
En mars 2001 le Conseil de Sécurité des Nations Unies impose un embargo sur l’exportation de
diamants en provenance du Libéria, faisant suite à un rapport d’un groupe d’experts des Nations
Unies qui avait établi le lien entre le Libéria et le RUF.18 Cette interdiction sera reconduite en
2003.19
C’est à la même époque que les différentes factions anti-Taylor arrivent enfin à s’unir dans le
mouvement des Libériens Unis pour la Démocratie et la Reconstruction (LURD). Ensemble avec
le MODEL, une autre faction armée par la Côte d’Ivoire, ils passent à l’offensive et, en juillet
2003, assiègent la capitale, Monrovia. Sous l’égide de la CEDEAO, un accord de paix est signé à
Accra ; il prévoit l’effacement de Taylor, la création d’un gouvernement de transition, et le
déploiement d’une force de maintien de la paix des Nations Unies (UNMIL).
La guerre civile du Libéria, dans ses deux phases (1989-1997 et 2000-2003) aura fait 200.000
morts, et un million de personnes déplacées.
Quant à Charles Taylor, il coule aujourd’hui des jours tranquilles en exil sur l’île de Calabar, au
Nigeria. Au moment de quitter sa capitale de Monrovia, le 11 août 2003, il avait déclaré « Je
reviendrai, si Dieu le veut » Il faudra que Dieu le veuille vraiment : le 4 juin 2003, Taylor a été
inculpé pour crimes de guerre par le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone.20
1.2.4 On ne peut passer sous silence le rôle capital joué par les organisations non
gouvernementales dans la prise de conscience des crimes commis dans ces guerres du diamant.
Sans l’activité fantastique de ces organisations, et surtout de deux d’entre elles, une anglaise,
Global Witness, et une canadienne, Partenariat Afrique Canada, de combien d’années
supplémentaires les tueurs auraient-ils pu encore disposer pour continuer leurs criminelles
entreprises, leurs atrocités et leurs meurtres à grande échelle?
Global Witness, et PAC, avec des moyens extrêmement réduits, ont vaincu l’indifférence et fait
plier une industrie qui pensait n’avoir de compte à rendre à personne. Le point de départ a été le
rapport de Global Witness « A rough trade » consacré à l’Angola (1998). Une alliance avec les
ONG actives en Angola, un lobbying auprès des politiciens, la confiance gagnée de R.Fowler, le
diplomate canadien qui présidait le Comité des Sanctions en Angola, ont permis de lancer une
campagne globale. Pourtant, il n’y a même pas eu besoin d’une campagne massive dans les
médias. L’industrie a pris conscience qu’il pouvait lui arriver ce qui était arrivé au secteur de la
fourrure : l’inversion radicale d’une image, du luxe vers l’horreur, de la pureté vers le sang. Les
campagnes ciblées, comme celle d’Amnesty International pour la St Valentin de 2001, des
manifestants en smoking entourant un sosie de Marilyn Monroe devant le Congrès Mondial du
Diamant, ou des slogans comme « Amputations are forever » ont fait l’essentiel. L’intervention
18
Résolution 1343 du Conseil de Sécurité (2001)
Résolution 1478 du Conseil de Sécurité (2003)
20
Cette section est essentiellement basée sur : « Libéria, de l’utopie au cauchemar » Valentin Hodonou, le Nouvel
Afrique Asie, N°168, septembre 2003 ; « Diamants sans cartes », Lansana Gberie, Document hors-série N°11,
Partenariat Afrique Canada
19
16
des troupes britanniques en Sierra Leone après la prise en otage des casques bleus par les rebelles
du RUF a bien sûr augmenté la « visibilité » de la guerre pour les diamants. « Un puissant
cocktail de paras, de diamants et de gens amputés de leurs membres » pour reprendre
l’expression d’un militant de Global Witness, a cristallisé le sujet auprès de l’opinion publique.
Même si le rôle des gouvernements, et notamment de ceux d’Afrique du Sud et du Canada, ne
peut être négligé, et même si l’industrie n’hésite plus à s’arroger la paternité du Processus de
Kimberley, l’intervention capitale des ONG est à l’origine de la prise de conscience des crimes
commis pour les diamants, du changement d’attitude de l’industrie et des efforts des
gouvernements pour mettre en place des mécanismes de contrôle. 21
1.2.5 les réactions de la Communauté internationale ;
Les trois conflits qui viennent d’être décrits ont beaucoup en commun : les diamants qui, de
moyen, en deviennent la fin, la cruauté, l’absence de possibilité de règlement politique puisque le
seul enjeu, c’est le contrôle total des diamants. Ces trois conflits ont aussi en commun leurs
interactions réciproques, et leur rôle déstabilisant pour toute la région. Ils se caractérisent en effet
par la continuité géographique: comme l’écrit F.Barrault 22 « La géographie des principales
guerres civiles africaines actuelles - Angola, République Démocratique du Congo, Sierra Leone,
Liberia, Guinée - recouvre parfaitement celle des zones diamantifères et des pays limitrophes ».
Ils se caractérisent aussi par la relative indifférence de la Communauté internationale à leur
égard, et la longue passivité de l’opinion publique occidentale. Qui se soucie finalement de la
mort de centaines de milliers d’Africains pendant une vingtaine d’année?
Quant à l’industrie, elle sous-estimera longtemps l’importance du problème , en faisant valoir
que les diamants du sang, pour autant qu’on admette leur existence, ne représentent que 4 à 5 %
du commerce mondial, ce qui est statistiquement exact, mais néanmoins humainement
insupportable.
Les réactions de la Communauté internationale furent tardives et peu efficaces. Les missions
envoyées sur place par les Nations Unies ou les Etats africains se sont révélées incapables de
ramener la paix. C’est la fortune des armes, si l’on peut se permettre une telle expression lourde
de double sens, qui a amené la victoire des gouvernements et la défaite des rebelles.
S’agissant du problème précis des diamants de la guerre, il a fallu des années pour que l’on
reconnaisse leur rôle dans le financement des rebelles, et qu’on prenne des mesures : embargo en
1998 en ce qui concerne l’Angola, en 2000 pour la Sierra Leone et en 2001 pour le Liberia, seul
ce dernier étant toujours en vigueur.
En exécution de ces embargos, les gouvernements angolais et sierra leonais mettaient en place
un système de certification, puisque, à la différence du Liberia, seuls les diamants non certifiés
par le gouvernement étaient concernés par l’embargo.
21
“How a little band of London activists forced the diamond trade to confront the blood on its hands” M.Braid and
Stephen Castle, The Independent (London) 24/07/2000
22
Frédéric Barrault « Les Diamants du Sang », sur www.african-geopolitics.org
17
Toutefois, la perméabilité des frontières, et l’extrême facilité pour les trafiquants en diamants en
tous genres d’échapper à tout contrôle, dans des régions où n’existe plus aucune autorité
organisée, expliquent le relatif échec de des embargos.23
Le G8 s’est aussi préoccupé du sujet. Au sommet d’Okinawa en juillet 2000, les chefs d’Etat ont
souligné l’importance du problème des diamants de la guerre dans le cadre de la prévention des
conflits. On a fait beaucoup de déclarations. L’industrie a commencé à réagir de son côté.
Certains états importateurs ont renforcé leurs mesures de contrôle.24
La Belgique était en 1999 le seul pays de la Communauté européenne qui appliquait un système
de licence pour l’importation et l’exportation de diamants bruts et polis, assorti de contrôles
physiques sous l’autorité du Ministère des Affaires Economiques. En septembre 1999 était créée
une « task force diamants » regroupant des représentants des ministères concernés (Justice,
Affaires Etrangères, Coopération au Développement, Commerce Extérieur), la Sûreté de l’Etat,
le Parquet d’Anvers et le Magistrat National. Cette Task Force, qui se réunit chaque semaine,
vise à échanger des informations et à prendre les mesures nécessaires pour rendre le marché du
diamant plus transparent.25
Outre la mise en œuvre des embargos partiels décidés par les Nations Unies sur les diamants de
l’Angola et de la Sierra Leone, basée sur le système de licence déjà en vigueur en Belgique,
obtenue après vérification des certificats émis par les gouvernements légitimes, la Belgique a
décidé d’appliquer des licences d’importation individuelles pour les diamants provenant des
pays africains « sensibles »26 , avec vérification de l’origine par des experts du Ministère. Le
Parlement belge a adopté le 14 juillet 2000 une résolution demandant au Gouvernement Fédéral
de travailler à une coopération internationale structurelle avec les pays confrontés au problème
des diamants de la guerre et de mettre en oeuvre un système supplémentaire de contrôle ; et de
prendre les actions nécessaires auprès des Nations Unies pour renforcer le contrôle sur les
certificats d’origine avec un système international de surveillance et d’harmoniser les règles de
contrôle internes afin d’empêcher leur détournement.
On ne peut nier tous ces efforts.
Mais seul le Processus de Kimberley apparaît de nature à changer concrètement les choses sur le
terrain, en imposant, de façon globale, à ce marché des diamants bruts des principes qu’il
n’avait jamais connus : transparence, traçabilité, contrôle, sanctions.
23
Voir par exemple “Angolan Diamonds Still Smuggled Out of Country” Alex Belida, 27/03/2002
www.globalwitness.org/press_releases/article.
24
La Suisse, par exemple, renforçait en mars 2000 les contrôles sur les diamants en transit dans ses ports francs
(freiläger) de Zurich, Genève et Bâle. Les diamants devraient dorénavant être accompagnés de certificats qui
établissaient non seulement le pays par lequel ils avaient transité, mais aussi celui où ils avaient été extraits.
(Source : Service de presse et d’information du Département fédéral des finances.
www.admin.ch)
25
dossier du HRD (Hoge Raad voor Diamant), 1 novembre 2000 sur www.conflictdiamonds.com
26
Liberia, RDC, Côte d’Ivoire, Ouganda, République centrafricaine, Ghana, Guinée, Namibie, Congo (Brazzaville),
Mali, Zambie
18
1.3 diamants de la guerre, diamants du développement, diamants de la prospérité ?
Le slogan du Processus de Kimberley est « Stop Conflict Diamonds. Promote Prosperity
Diamonds ». En d’autres termes, il faut arrêter le scandale des diamants de la guerre, pour que
les revenus des diamants réintègrent l’économie officielle des pays producteurs et contribuent
donc à leur développement.
On retrouve là une position classique de l’industrie diamantaire- et notamment de la De Beersselon laquelle les diamants de la guerre n’affectent qu’une très faible proportion du commerce, et
qu’en règle générale les diamants profitent avant tout aux populations des pays producteurs.
Cette affirmation est largement mise en doute par les ONG, qui contestent le lien entre diamants
et développement.
Un rapport réalisé par Partenariat Afrique Canada27 étudie la situation particulière de l’Afrique
du Sud, du Bostwana et de la Namibie. Il constate notamment que, bien que les infrastructures et
certains services soient de meilleure qualité au Botswana qu’ailleurs sur le continent africain, les
taux de pauvreté, ainsi d’ailleurs qu’en Namibie, sont aussi élevés que dans des pays sans
production de diamants. Au Botswana, 60 pour cent de la population vit avec moins de 2dollars
par jour, malgré le PNB par habitant le plus élevé de l’Afrique et un taux de croissance
important. La prospérité est en tout cas mal partagée. La vie des mineurs dans le secteur
artisanal est souvent des plus misérables : quelques dollars par jour tout au plus, pour un travail
pénible, à la merci des trafiquants et intermédiaires en tout genre.
L’exemple de la République Démocratique du Congo (l’ex Zaïre), qui officiellement n’a pas été
affecté par le phénomène des diamants de la guerre, est également éclairant : bien qu’étant un de
premiers producteurs mondiaux de diamants, la RDC figure au 167ème rang sur 175 sur l’indice
du développement humain, en compagnie précisément de la Sierra Leone et de l’Angola. Je
reviendrai sur le cas de la RDC dans la section 6.
Si un pays arrive à contrôler son industrie et à taxer la production et les exportations, il va certes
augmenter les ressources de l’état, mais il va aussi augmenter la contrebande et la fraude. La
question est donc loin d’être simple.
Il convient de signaler qu’en octobre 2002, l’industrie du diamant a lancé un « fonds de secours
du diamant » destiné à réduire la pauvreté dans les plus pauvres des pays producteurs. Le
Botswana a été le premier à bénéficier d’un don d’environ 250000 euros pour des programmes
sociaux et médicaux. L’ancien Vice-Président américain Al Gore a déclaré au congrès d’Anvers
du Congrès Mondial du Diamant de décembre 2002 : « C’est un nouveau départ pour votre
industrie. Je prédis que c’est la fin d’une période de deux ans et demi de publicité négative sur
les diamants de la guerre »28.
Enfin, les ONG soulignent les importants dégâts environnementaux causés par l’activité minière.
27
Ralph Hazelton “Les Diamants: éternels ou providentiels? L’impact économique des diamants en Afrique
australe »
28
Autres Facettes, N°8, novembre 2002, p2
19
2) LA NEGOCIATION DES ACCORDS DE KIMBERLEY
2.1 la genèse des accords :
Il n’est pas aisé de retracer l’évolution des accords de Kimberley, qui fut d’ailleurs
extrêmement rapide, puisqu’il s’est écoulé moins de trois ans entre le coup d’envoi des
discussions et la mise en œuvre du système. Il s’agit en fait d’une série de réunions ministérielles
ou d’experts, qui n’ont apparemment pas fait l’objet de comptes-rendus publics, pas plus qu’elles
n’ont abouti à des documents approuvés disponibles. Les seules traces officielles que ces
réunions ont laissées sont les communiqués de presse publiés à l’issue de chacune d’elles et qui
sont disponibles sur le site web du Processus de Kimberley.
On devra donc se contenter de ces textes assez sommaires, et rédigés dans un langage des plus
« diplomatique », complétés le cas échéant par les articles de journaux qui les ont repris. Ils
mettent en tous cas en évidence la rapidité du processus : les participants voulaient aboutir vite,
et ils se sont donnés les moyens, en multipliant les réunions afin de s’attaquer à l’ensemble des
questions techniques qui accompagnent inévitablement la mise en place d’un système destiné à
réguler une activité caractérisée jusqu’ici par l’absence de transparence et de règles effectives (à
part bien sûr celles imposées par le quasi – monopole de la De Beers).
Une source précieuse de renseignements sur la genèse du processus de Kimberley est également
fournie par les bulletins des ONG qui y ont participé, et notamment le bulletin « Autres
Facettes » de Partenariat Afrique Canada. Ses 14 numéros, publiés depuis septembre 2000,
relatent de façon critique les progrès et les obstacles qui se sont succédé au fil des réunions. On y
détecte la crainte permanente des ONG de voir les négociations s’enliser ou aboutir à un
mécanisme dépourvu d’efficacité réelle. Les titres des éditoriaux du bulletin « Autres
Facettes » sont à cet égard révélateurs : « Le Processus de Kimberley est-il bloqué ? » (juin
2001) ; « Les diamants de la guerre sont-ils éternels ? » (octobre 2001) ; « L’accord de
Kimberley : des demi-mesures » (décembre 2001) ; « Processus de Kimberley : percée partielle »
(juin 2002) ; « Démarrage du PK : la confusion est au rendez-vous » (mars 2003) ; « Des progrès
à la réunion du processus de Kimberley » (juin 2003) ; « Le processus de Kimberley : ça passe
ou ça casse » (septembre 2003) ; « Des progrès à Sun City : le Processus de Kimberley devient
plus mordant » (décembre 2003) Comme on le voit, vigilance, mais aussi reconnaissance
objective des progrès accomplis, caractérisent l’attitude de cette ONG particulièrement active
dans le domaine des diamants de la guerre.
On ne trouve pas de trace sur le site officiel du Processus de Kimberley de la toute première
réunion, celle qui a lancé le processus et lui a donné son nom, et qui a eu lieu à Kimberley,
Afrique du Sud, les11 et 12 mai 2000. On peut utilement se référer à la publication en ligne
Diamonds.Net 29 , qui exprime -ô combien !- le point de vue de l’industrie du diamant .
L’impression de l’auteur est que l’industrie est prise en otage pour des questions
essentiellement politiques. Il juge l’action des ONG « irresponsable et dangereuse pour le bien-
29
“Technical Forum on the Issue of “Conflict Diamonds” No simple solution to complex political/social problem”
par Hilto Ashton, 24/05/2000
20
être de l’industrie du diamant. L’intérêt de cet article est qu’il donne le détail des différentes
interventions.
On peut ainsi prendre connaissance de la position exprimée par le représentant de la De Beers,
qui affirme notamment que sa société garantit ne plus acheter aucun diamant qui serait en
violation des résolutions des Nations Unies. Ou de celles du représentant des Nations unies, qui
affirme que 99% des diamants de l’Unita aboutissent à Anvers.
La première réunion officielle du Processus de Kimberley eut ensuite lieu à Windhoek
(Namibie), du 13 au 16 février 2001 dans la foulée de la Résolution 55/56 de l’Assemblée
Générale des Nations Unies qui avait salué le lancement de l’initiative.
26 Gouvernements, la Commission européenne, le World Diamond Council et des observateurs
de la société civile étaient présents. La réunion a consisté en une session officielle, suivie d’un
un atelier technique.
L’atelier technique a été consacré à des présentations des systèmes de certification en vigueur en
Sierra Leone et en Angola, des procédures à l’importation en Belgique et en Russie, et des
législations russes et israéliennes. Le Haut Conseil du Diamant belge fit une présentation des
exigences minimales en matière de certification qui pouvaient être envisagées.
La session officielle ne se contenta pas de saluer la récente Résolution de l’AGNA : on peut dire
au contraire que les participants se sont immédiatement « retroussé les manches » Ils ont ainsi
adopté une « feuille de route » (Roadmap) destinée à préciser les étapes à parcourir pour rendre
opérationnel un système de certification des diamants bruts. Et ils ont aussi créé une « Task
Force », composée de représentants des différentes parties en présence, pour assister la
Présidence dans la coordination des différentes actions à entreprendre.
La « feuille de route » comportait essentiellement les étapes suivantes, consistant en autant de
réunions d’experts qui devaient avoir lieu entre avril et octobre 2001, destinées à approfondir les
questions techniques : analyse des contrôles à l’importation et à l’exportation, propositions
d’exigences minimales acceptables, et finalement proposition détaillée d’un système de
certification internationale.
La date et le lieu de la prochaine réunion ont également été décidés : ce serait à Bruxelles, en
avril.
Le communiqué de presse de cette deuxième réunion, tenue à Bruxelles les 25 et 26 avril 2001,
et qui s’est ouverte par une intervention de Mme Neyts-Uyttebroeck, Secrétaire d’Etat aux
Affaires Etrangères, nous apprend que 38 gouvernements étaient réunis, avec en plus la
Commission européenne, le World Diamond Council, la « société civile », mais aussi les
Présidents des Comités des Sanctions des Nations Unies pour l’Angola et la Sierra Leone, ainsi
que l’Organisation Mondiale des Douanes. Sur la base des travaux de la Task Force, et des
réponses à un questionnaire envoyé à tous les Etats concernant leurs systèmes de contrôle
internes, la réunion a été consacrée essentiellement aux caractéristiques des certificats d’origine,
ainsi qu’aux situations respectives des importateurs, utilisateurs et ré-exportateurs de diamants
bruts, les zones franches et les biens d’origine mixte.
21
On se retrouva ensuite à Moscou les 3 et 4 juillet 2001 (34 gouvernements et les autres
participants habituels avaient fait le déplacement) Outre un accord sur les éléments
fondamentaux du futur système de certification internationale, et le rappel de l’importance de
mécanismes nationaux de surveillance et de contrôle adéquats, les participants accueillirent aussi
avec satisfaction une proposition du World Diamond Council pour mettre en place un système
d’auto -réglementation par l’industrie, basé sur une chaîne de garanties. Il fut convenu qu’un tel
dispositif qui, dans la mesure du possible, devrait être juridiquement contraignant dans les
différents Etats participants, formerait partie intégrante du futur système de certification
internationale.
A Twickenham (dans la banlieue de Londres) du 11 au 13 septembre 200109/2001, soit 9 mois
après le début des travaux, 32 gouvernements se retrouvèrent pour approuver les grandes lignes
du futur système : utilisation de certificats infalsifiables ; contrôles internes fiables ; un processus
de certification de toutes les exportations de diamants bruts ; la collecte et le partage de données
auprès de tous les participants sur leur production, exportations et importations; mise en œuvre
effective du système de certification par des sanctions dissuasives et proportionnelles, utilité de
l’auto - réglementation de l’industrie pourvu qu’elle respecte certaines exigences minimales, et
enfin échange d’information sur les législations et procédures nationales.
La réunion d’Ottawa (18 au 20 mars 2002) eut lieu quelques jours après l’adoption de la
Résolution 56/263 de l’AGNA, se pencha sur des questions techniques de mise en œuvre : la
compatibilité du futur système avec les règles du commerce international de l’OMC ; les
statistiques ; le support administratif nécessaire (on conclut qu’il n’y avait pas besoin, à ce stade,
d’un secrétariat permanent) ; la présentation et le logo du futur certificat.
Et surtout, les participants convinrent de se retrouver en Suisse en novembre, en réunion
plénière, pour procéder au lancement définitif du système.
C’est donc à Interlaken le 5 novembre 2002 que les ministres lancèrent officiellement le
Système de Certification des Diamants Bruts du Processus de Kimberley. La réunion fut ouverte
par le Ministre des Affaires Etrangères de la Confédération, Jean-Pascal Couchepin. Dans son
discours, il situa le Processus de Kimberley dans le contexte de la politique étrangère de la
Suisse, caractérisée par une tradition humanitaire, la promotion de la paix par la prévention des
conflits, le recours à des sanctions « ciblées » (un concept développé par le gouvernement
suisse, précisément à Interlaken, où plusieurs séminaires d’experts avaient été organisés sur le
principe de sanctions financières qui ne viseraient que les personnes ou les biens constituant une
menace directe pour la paix et la sécurité internationale, sans affecter le reste de la population ni
le commerce international.) L’importance de protéger le commerce légitime des diamants était
aussi soulignée, les diamants représentant pour plusieurs pays une source précieuse de revenus
pour le progrès économique et social. Selon M. Couchepin, un boycott aurait pour l’économie de
ces pays des conséquences dramatiques.
Cette fois, plutôt qu’un simple communiqué de presse, c’est une vraie Déclaration Ministérielle
qui fut publiée.
Les signataires étaient l’Angola, l’Australie, le Botswana, le Brésil, le Burkina Faso, le Canada,
la Côte d’Ivoire, la Chine, Chypre, la République tchèque, la République Démocratique du
22
Congo, la Communauté européenne, le Gabon, le Ghana, la Guinée, l’Inde, Israël, le Japon, la
Corée, le Lesotho, Malte, Maurice, le Mexique, la Namibie, la Norvège, les Philippines, la
Russie, la Sierra Leone, l’Afrique du Sud, le Swaziland, la Suisse, la Tanzanie, la Thaïlande,
l’Ukraine, les Emirats arabes Unis, les Etats-Unis et le Zimbabwe.
La Déclaration comporte 7 points, parmi lesquels la décision d’adopter le système de
certification du Processus de Kimberley, et l’intention de le faire démarrer le 1er janvier 2003, et
à compter de leur adhésion pour les Etats qui le rejoindraient ultérieurement. Les signataires
réaffirment aussi leur détermination à surveiller de façon effective le commerce des diamants
bruts, afin de détecter et d’empêcher le commerce de diamants de la guerre. Le Processus de
Kimberley est présenté comme un processus international permanent.
Les 28 et 30 avril 2003, soit après la date annoncée de lancement du processus de Kimberley, les
participants (51 Etats) se retrouvèrent une nouvelle fois à Johannesburg. La décision la plus
importante consista à instaurer une période de « tolérance » jusqu’au 31 juillet 2003, date à
laquelle la liste définitive des Participants serait arrêtée. Cette période allait être mise à profit par
le Comité de Participation, nouvellement créé, pour revoir la situation de chaque Etat, et
notamment sa capacité à s’acquitter effectivement de ses obligations.
En fait, si près de 70 pays avait exprimé leur intention de se joindre au système de certification,
peu parmi eux avaient soumis des échantillons de leurs certificats ou des textes législatifs
attestant de leur conformité. La réunion de Johannesburg servit aussi à adopter des Règles de
Procédure pour l’organisation des réunions plénières et les instances subordonnées du processus.
Une première version des lignes directrices pour le mécanisme de « jugement par les pairs »
(« peer review ») a été discutée. Des recommandations concernant l’établissement des
statistiques furent approuvées ainsi que les termes de référence du sous-groupe « statistiques » ;
l’intention était de procéder aussitôt que possible à une première collecte de statistiques,
couvrant le premier trimestre 2003.
La réunion de Johannesburg a aussi permis de prendre les premières mesures concrètes
d’application vis-à-vis de pays participants. Le communiqué final mentionne tout d’abord le cas
de la République Centrafricaine. Après ce que le communiqué appelle pudiquement « les
événements liés au changement de gouvernement survenu le 15 mars », la question se posait en
effet de savoir si ce pays avait toujours la capacité de remplir les obligations qui lui incombaient
en tant que participant. Pour la première fois, il fut décidé d’envoyer une mission d’évaluation
dans un pays participant, d’ailleurs à l’invitation du pays concerné lui-même. On reviendra dans
la section 5 sur les circonstances de ce « changement de gouvernement » (un très classique coup
d’état militaire), l’organisation de cette mission, et ses résultats.
S’agissant du Liberia, les Participants ont pris note du désir de ce pays de devenir participant au
système de certification. Une telle demande ne pourra toutefois être prise en considération tant
que l’embargo sur le commerce des diamants imposé par le Conseil de Sécurité des Nations
Unies ne sera pas levé. On reviendra aussi sur la situation du Liberia dans la section 6.
Le 31 juillet 2003, le Président en exercice du Processus de Kimberley annonça officiellement la
fin de la « période de tolérance » Des 63 candidats participants, 24 ont été écartés après examen
23
de leur situation par le Comité de Participation. La liste définitive des participants figure en
annexe I.
La réunion suivante eut également lieu en Afrique du Sud - à Sun City, du 29 au 31 octobre
2003. Elle accoucha de plusieurs décisions importantes.
Tout d’abord, l’idée que le mécanisme devrait être revu (comme le prévoit son paragraphe 20)
au plus tard le 31 juillet 2006.
Ensuite, les structures : un amendement fut apporté aux règles de procédure, afin de garantir la
continuité de la direction du processus. Il prévoit que le Vice-Président, à l’issue des 12 mois de
son mandat, deviendra automatiquement le prochain président. Ce système était apparemment
indispensable pour contenter tous les pays qui estimaient que la présidence leur revenait de droit
(Rappelons que l’Afrique du Sud, initiatrice du processus, avait présidé jusqu’ici les réunions)
C’est ainsi qu’on put se mettre d’accord sur un « ticket » pour 2004 : la présidence au Canada, et
la vice – présidence à la Russie, qui accèdera donc à la présidence en 2005 ; le Canada s’est
engagé d’emblée à travailler en coopération avec la Russie. Ces questions de présidence
pourraient faire sourire, s’il ne s’agissait pas en réalité de la volonté des principaux acteurs de
garder un contrôle étroit sur le fonctionnement et le développement du système de certification.
Les pessimistes estimeront sans doute que ces gouvernements veulent ainsi éviter que des
informations désagréables ne remontent à la surface. Les optimistes verront dans cet intérêt des
gouvernements la preuve de l’importance du Processus de Kimberley et de sa capacité à modifier
réellement la situation sur le terrain.
La réunion de Sun City prit aussi connaissance, avec satisfaction, du rapport de la mission
d’inspection effectuée en République Centrafricaine du 8 au 15 juin 2003. Comme on le verra
plus loin, cette mission a conclu que les autorités de la République centrafricaine disposaient
bien des capacités leur permettant de mettre en œuvre le système de certification du Processus de
Kimberley, tout en les encourageant à poursuivre leurs efforts pour développer les systèmes de
contrôle internes et de surveillance.
Mais le résultat le plus important de la réunion de Sun City fut incontestablement le déblocage de
longues discussions sur le mécanisme de surveillance, qui pour certains devait se limiter à un
« jugement par les pairs » (« peer review »), et qui pour d’autres devait être indépendant des
gouvernements nationaux ; de même le caractère volontaire ou non du système de surveillance
avait représenté depuis le début une sérieuse pomme de discorde. Les uns, appuyés par les ONG,
estimaient que les visites devaient être pratiquées de façon généralisée. Les autres, se retranchant
derrière le principe de souveraineté, insistaient sur l’accord préalable nécessaire du pays
concerné, sauf en cas d’ « indications crédibles de non-conformité marquée » (paragraphe XX).
Finalement, un compromis fut trouvé, sur la base d’une proposition du Groupe de Travail
« Monitoring » Il distingue les « visites d’évaluation », lesquelles sont effectuées sur une base
volontaire, et les « missions d’évaluation » obligatoires en cas d’indications crédibles de nonconformité significative. Le progrès consiste dans la reconnaissance par l’ensemble des
participants qu’il était « désirable que le plus grand nombre possible de pays participants se
24
portent volontaires pour accueillir une telle visite d’évaluation d’ici à 2006 » En d’autres termes,
les participants sont fermement invités à se porter volontaires, et ceux qui ne l’auront pas fait ne
manqueront pas d’attirer l’attention des autres sur leur situation. Ce n’est donc toujours pas le
système d’inspections obligatoires que les ONG appelaient de leurs vœux, mais on s’en
rapproche. On reviendra sur les détails des mécanismes de contrôle et de surveillance dans la
section 4.
La prochaine réunion plénière aura lieu à Ottawa, Canada, du 27 au 29 octobre 2004.
25
2.2 les Résolutions de l’Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité des Nations Unies :
Né d’une initiative volontaire des pays les plus concernés, sous la pression des ONG et avec le
soutien de l’industrie qui savait que son avenir était peut-être en jeu, le Processus de Kimberley a
été encadré, de façon étroite par l’Assemblée Générale et le Conseil de Sécurité des Nations
Unies.
La première résolution de l’Assemblée Générale consacrée au Processus de Kimberley date du
1er décembre 2000 30 ; elle exprime une prise de conscience de la gravité et de l’urgence du
problème des diamants de la guerre, et de la nécessité d’y remédier par des mesures « effectives
et pragmatiques, conformes au droit international, en ce compris les dispositions et engagements
pertinents en matière commerciale », et qui ne devraient pas « faire obstacle au commerce
légitime des diamants, ni imposer des charges inutiles aux gouvernements et à l’industrie, en
particulier les petits producteurs, ni gêner le développement de l’industrie du diamant » ; la
Résolution exprime ensuite son appréciation positive du Processus de Kimberley, et encourage
les participants à accueillir en leur sein tous les Etats qui jouent un rôle important dans l’industrie
mondiale du diamant ainsi qu’à poursuivre le processus de négociation intergouvernementale
visant à développer un système international de certification des diamants bruts. Enfin, la
Résolution invite les participants au processus de Kimberley à faire rapport des progrès
accomplis à l’Assemblée Générale, au plus tard pour sa prochaine session.
L’Assemblée Générale revint sur le sujet lors de sa 56ème session. La Résolution 56/263 prend
connaissance du rapport d’étape demandé, exprime sa satisfaction pour le travail accompli,
demande que le système de certification soit entièrement opérationnel le plus vite possible,
souligne la nécessité de disposer de statistiques sur la production et le commerce international
des diamants bruts 31 et appelle à une participation qui soit la plus large possible.
L’Assemblée Générale avait à nouveau décidé de remettre le sujet à l’ordre du jour de sa
prochaine session, et a d’ailleurs continué de le faire depuis. C’est ainsi que deux nouvelles
résolutions ont été adoptées en 2003 32 et 2004 33 . Cette dernière résolution est évidemment
particulièrement intéressante puisqu’elle est postérieure à l’entrée en vigueur définitive du
système international de certification. Tout en réaffirmant avec vigueur son soutien au système,
et en exprimant sa satisfaction quant à l’adoption de la décision de Sun City concernant le
mécanisme de « jugement par les pairs », l’Assemblée Générale « encourage les participants » à
permettre les visites volontaires d’évaluation, ainsi qu’à soumettre des rapports annuels et,
encore une fois, à collecter et soumettre les données statistiques pertinentes sur la production et
le commerce international des diamants bruts.
Parallèlement à l’Assemblée Générale, le Conseil de Sécurité a également suivi, et soutenu la
mise en place du Processus de Kimberley.
30
AGNU Résolution 55/56
c’était une des questions les plus difficiles à résoudre par les négociateurs, qui voyaient ainsi leurs efforts
soutenus au plus haut niveau
32
Résolution 57/302 du 15 avril 2003
33
Résolution 58/59 du 5 avril 2004
31
26
Outre les différentes résolutions relatives aux embargos sur les diamants en provenance des pays
affectés par la guerre ou la guerre civile (Angola, Liberia, Sierra Leone), on citera
particulièrement les résolutions 1295 (2000)du 18 avril 2000 qui prend acte avec satisfaction du
lancement du projet, et la résolution 1459 (2003) du 28 janvier 2003, adoptée dans la foulée de la
réunion d’Interlaken.
3) ANALYSE DES ACCORDS
3.1 Nature et statut du Processus de Kimberley
Précisons tout d’abord que le statut du système international du Processus de Kimberley est
assez particulier. Il ne s’agit pas d’un acte juridiquement contraignant en droit international : les
gouvernements des Etats participants n’ont pas signé un traité, et leurs parlements ne l’ont pas
ratifié. Il s’agit d’une succession de réunions ministérielles, en présence de représentants de la
société civile, qui ont abouti à la mise en place d’un certain nombre de règles que les participants
se sont engagés à respecter. Comme on l’a vu, ce processus a toutefois été reconnu, encadré et
encouragé par des résolutions successives de l’Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité des
Nations Unies. L’Assemblée Générale met le sujet à l’ordre du jour de chacune de ses sessions,
et invite les participants à lui faire rapport. En outre, si le texte lui-même est basé sur la
participation volontaire des gouvernements concernés par le commerce de diamants, comme
producteur ou comme importateur, cet engagement se traduit par des obligations concrètes pour
les Participants : mettre en place une réglementation et des systèmes de contrôle adéquats, ne
plus autoriser le commerce des diamants bruts en dehors des limites du Processus, coopérer avec
les autres participants, tenir et échanger des statistiques, etc. Et ces obligations sont assorties
d’une sanction majeure : l’exclusion de la liste des participants, qui entraîne la mise hors la loi du
pays et de ses entreprises. Ce régime a été jugé compatible avec les règles du commerce
international.
Par ailleurs, le texte même du Système de Certification est présenté comme une
Recommandation. Si la plupart de ses dispositions sont suffisamment précises pour permettre
leur application par les Participants, leur mise en œuvre concrète est loin d’être réglée dans le
détail : l’annexe 1 concerne les « exigences minimales » et les « éléments facultatifs » auxquels
doivent satisfaire les certificats, tandis que l’annexe 2 contient une série de recommandations
plus ou moins détaillées concernant les contrôles et les procédures.
On ne peut d’ailleurs qu’être surpris de découvrir dans la « Foire Aux Questions » du site du
Processus de Kimberley 34, la réponse suivante à la question que tout consommateur conscient du
problème est censé se poser : « Comment savoir que je ne suis pas en train d’acheter un diamant
de la guerre ? » : « bien que la grande majorité du commerce des diamants bruts soit réglementée
par le Processus de Kimberley », répond en substance le responsable du site, « voici quelques
conseils utiles à suivre quand on achète un diamant : achetez toujours auprès d’un détaillant de
bonne réputation ; n’hésitez pas à poser des questions, comme le pays d’où la pierre a été
importée, le pays où elle a été extraite, et si la transaction s’est faite dans le cadre du Processus
de Kimberley : votre détaillant devrait être capable de répondre à ces questions » Mais, toujours
34
traduction libre de l’anglais
27
d’après le site officiel du Processus de Kimberley, « le conseil le plus important pour éviter
d’acheter un diamant de la guerre est de faire appel à votre intuition. N’ayez pas peur de visiter
plusieurs magasins ; si quelque chose vous paraît suspect, adressez-vous ailleurs. Tant que vous
n’êtes pas convaincu des réponses et du service fournis, n’achetez pas » Cet appel à l’intuition du
consommateur n’est –il pas un regrettable aveu de faiblesse de la part des responsables du
Processus de Kimberley ou en tout cas un flagrant manque de confiance de leur part dans son
efficacité ? Cette recommandation est d’autant plus curieuse que le Processus de Kimberley ne
concerne que les diamants bruts ; il ne s’adresse donc pas directement au consommateur final.
3.2 contenu du texte :
L’acte fondateur du Système de Certification du Processus de Kimberley, adopté à Interlaken le
(2002) se compose d’un Préambule, et de 6 Sections, traitant respectivement des définitions, du
Certificat du Processus de Kimberley, des Engagements en ce qui concerne le commerce
international des diamants bruts les Contrôles internes, la Coopération et la Transparence et les
Questions Administratives. Plusieurs annexes traitent en outre des certificats, des contrôles
internes, de la liste des participants et de la liste des autorités de contrôle.
Le Préambule commence par rappeler les origines du problème ; il note les effets dévastateurs
des conflits alimentés par le trafic des diamants de la guerre sur la paix et la sécurité des
populations des pays touchés, ainsi que les violations systématiques des droits de l’homme qui
sont commises lors de tels conflits ; il souligne ensuite les effets néfastes de ces conflits sur la
stabilité régionale, et l’obligation qu’ont les Etats, en vertu de la Charte des Nations Unies, de
préserver la paix et la sécurité internationales ; le Préambule insiste aussi sur la nécessité de
mesures internationales urgentes, « pour empêcher que le problème des diamants de la guerre ne
nuise au commerce légitime des diamants, qui joue un rôle essentiel dans les économies de
nombreux Etats qui produisent, travaillent, exportent et importent des diamants, en particulier les
pays en voie de développement » ; il se réfère ensuite aux Résolutions pertinentes de
L’Assemblée Générale des Nations unies, et exprime la conviction « que l’on pourrait réduire de
façon considérable le rôle des diamants de la guerre dans le financement des conflits armés en
adoptant un système de certification des diamants bruts visant à exclure les diamants de la guerre
du commerce légitime » ; il fixe ensuite les conditions du succès d’un système international de
certification des diamants bruts : « un système de certification internationale des diamants bruts
ne sera crédible que lorsque tous les participants auront mis sur pied des systèmes internes de
contrôle visant à éliminer les diamants de la guerre de la chaîne de production, d’exportation et
d’importation des diamants bruts sur leurs propres territoires, tout en reconnaissant que les
différences dans les modes de production et les pratiques commerciales et dans les types de
contrôle institutionnel pourraient imposer l’adoption de méthodes différentes pour mettre en
application les normes minimales » ; le Préambule note également que le système de certification
« doit respecter le droit régissant le commerce international », ainsi que « la souveraineté des
Etats (…) de même que les principes d’égalité, d’avantages réciproques et de consensus »
La Section 1 contient les définitions des termes qui vont être utilisés dans le cadre du système de
certification, en commençant par la définition les diamants de la guerre : « des diamants bruts
utilisés par des mouvements rebelles ou leurs alliés pour financer des conflits visant à
déstabiliser des gouvernements légitimes, tels que décrits dans les résolutions pertinentes du
28
Conseil de sécurité des Nations unies, et tels que compris et reconnus dans la résolution 55/56 de
l’Assemblée Générale des Nations unies ou dans d’autres résolutions similaires qui peuvent être
adoptées à l’avenir par l’Assemblée générale » On y définit également les notions de Lot (« un
ensemble d’un ou plusieurs diamants emballés, mélangés ensemble, et qui forme un tout »), de
Chargement (« l’importation ou l’exportation physique d’un ou plusieurs lots »), d’autorités
d’importation et d’exportation, et de Participant (un Etat ou une organisation régionale
d’intégration économique -telle que la Communauté européenne-, auquel ou à laquelle
s’applique le système de délivrance de certificats.
La Section 2 pose les principes qui régissent les certificats.
Chaque participant doit en effet s’assurer qu’un certificat, respectant les normes minimales du
Processus de Kimberley, accompagne chaque chargement de diamant brut destiné à
l’importation ; outre les exigences minimales prévues dans l’accord, les participants peuvent
ajouter d’autres éléments à leurs certificats, et en informer les autres participants.
Le cœur du système est défini à la section III (« Engagements en ce qui concerne le commerce
international de diamants bruts »)
Chaque participant doit :
- en ce qui concerne les chargements de diamants bruts exportés vers les pays participants, exiger
qu’un certificat dûment validé accompagne chaque chargement ;
- en ce qui concerne les chargements de diamants bruts importés d’un pays participant, exiger un
certificat dûment validé, qui doit être conservé et pouvoir être consulté pendant au moins trois
ans, et veiller à ce qu’une confirmation de réception soit envoyée dans les plus brefs délais aux
autorités d’exportation compétente ;
-s’assurer qu’aucun chargement de diamants bruts n’est exporté vers un pays non-participant, ni
importé d’un pays non-participant 35.
En d’autres termes, pas de commerce sans certificat, et surtout pas de commerce en dehors du
cercle fermé des participants au Processus de Kimberley, que ce soit à l’importation ou à
l’exportation. Et pour être admis comme participant, les Etats doivent satisfaire à une série de
conditions.
La Section IV traite des contrôles internes que les participants s’engagent à mettre en place ; peu
de détails à ce stade : il s’agit de désigner une ou des autorités responsables des importations et
des exportations, de s’assurer que les diamants sont transportés dans des conteneurs inviolables,
d’adopter ou modifier si nécessaire les législations pertinentes, en ce compris l’application de
sanctions dissuasives et proportionnées en cas de violation, de recueillir et conserver les données
officielles concernant le commerce des diamants.
En fait, cette section est complétée par l’Annexe II, qui contient des recommandations détaillées
dont les participants doivent « tenir compte, selon les besoins » Ces recommandations
35
sur le transit, il est admis que les participants qui autorisent le transit de chargements sur leur territoire sont
exemptés des obligations prévues, à condition que les autorités compétentes se soient assurées que le chargement
quitte le territoire « dans le même état qu’à son arrivée (c’est-à-dire ni ouvert ni altéré) »
29
concernent par exemple le contrôle des mines (qui doivent avoir un permis, même s’il s’agit de
« mines artisanales ou informelles », les acheteurs et vendeurs (qui doivent être enregistrés
auprès des autorités, conserver pendant 5 ans au moins les registres quotidiens des achats et
ventes), les procédures d’exportation (…)et les procédures d’importation.
3.3 la « mécanique » de l’accord (comités, rapports, inspections etc.) :
Les textes du Processus de Kimberley ne contiennent pas seulement des principes, des
obligations ou des recommandations que les participants doivent respecter ou appliquer : ils
créent aussi des mécanismes, des procédures et des organes permettant de contrôler le
fonctionnement du système et d’organiser le dialogue entre les participants.
Les organes se composent du Président et du Secrétariat, des réunions plénières (au minimum
annuelles) de comités et de groupes de travail spécialisés.
La Présidence et le Secrétariat :
La Présidence supervise la mise en œuvre du Système de Certification, le bon fonctionnement
des groupes de travail et des comités et en général l’administration du Processus de Kimberley.
La Présidence est désignée par l’assemblée plénière parmi les participants ; la durée du mandat
est d’une année. La Présidence est également en charge du Secrétariat, qui consiste en
l’organisation des réunions, la diffusion des documents aux participants, et le site internet. Il faut
noter que la question d’un secrétariat indépendant permanent a été posée, mais qu’aucune
décision en ce sens n’a été prise. En 2004, c’est le Canada qui exerce la Présidence, succédant à
l’Afrique du Sud qui a présidé les réunions depuis le lancement du processus.
La réunion plénière a lieu annuellement. Elle est ouverte aux Participants, aux Candidats et aux
Observateurs. Un Communiqué final relatant les décisions et évènements de la réunion est
publié.
Les groupes de travail sont au nombre de trois :
-
Surveillance (« monitoring ») : c’est un groupe particulièrement important, puisqu’il est
chargé de surveiller et d’évaluer la mise en œuvre du processus par les Participants. Il est
présidé par la Communauté européenne, c’est–à-dire par le représentant de la
Commission, assisté d’Israël. Les membres sont le Canada, la République Centrafricaine,
l’Inde, la Chine, la Russie, l’Afrique du Sud, les Etats-Unis, le Conseil Mondial du
Diamant et Global Witness et Partenariat Afrique Canada.
-
Statistiques : autre groupe très important, puisqu’il est chargé d’assurer un rapport et une
analyse en temps utile des données statistiques sur la production et le commerce des
diamants bruts de façon à déceler toute anomalie et de permettre une application effective
du système de certification. Le groupe est présidé par le Canada, assisté de l’Afrique du
Sud. Les membres sont l’Angola, le Botswana, la Communauté européenne, Israël, la
Russie, les Etats-Unis, et Partenariat Afrique Canada.
30
-
Experts en Diamants : ce groupe est chargé d’identifier les problèmes de nature
technique liés à la mise en oeuvre du processus de Kimberley, comme par exemple la
proposition de modifications des codes du système harmonisé de l’Organisation
Mondiale des Douanes ; la classification des poudres de diamant ; les transferts
internationaux d’échantillons de diamants aux fins d’exploration. Le groupe est présidé
par le Conseil Mondial du Diamant, et composé du Botswana, du Canada, de la Chine, de
la Communauté européenne, d’Israël, de la Russie, de l’Afrique du Sud et de Partenariat
Afrique Canada.
A côté de ces groupes de travail, il existe aussi deux Comités dont l’importance stratégique est
évidente : le Comité de Participation et le Comité de Sélection.
La tâche du Comité de Participation est d’assister la Présidence en ce qui concerne l’admission
de nouveaux participants, c’est-à-dire à examiner leurs candidatures et vérifier s’ils réunissent les
conditions et seront en mesure de remplir leurs obligations. Ce Comité est présidé par le Canada,
et il est composé de l’Angola, de la Communauté européenne, d’Israël, de la Russie, de l’Afrique
du Sud, des Etats-Unis, du Conseil Mondial du Diamant, de Global Witness et de Partenariat
Afrique Canada.
Le Comité de Sélection , quant à lui, vérifie et évalue les « credentials » des candidats à la viceprésidence ; ses conclusions sont transmises par la présidence à l’assemblée plénière. Le viceprésident élu deviendra président l’année suivante.
Le Comité de Sélection est présidé par le Canada assisté de la Russie, et se compose de l’Angola,
de l’Australie, du Botswana, de la Communauté européenne, d’Israël, de la Namibie, de la
Chine, de l’Afrique du Sud, de la Suisse et des Etats-Unis.
On a vu que le compromis atteint à Sun City en ce qui concerne le caractère volontaire ou non
des inspections comporte notamment l’intention fermement affirmée que le plus grand nombre
possible de participants se portent volontaires pour accueillir une visite d’évaluation d’ici à
2006.
A cet égard, la situation évolue de façon plutôt favorable. En 2004, 4 visites ont déjà eu lieu :
Emirats arabes Unis, Botswana, Israël et Ile Maurice. Et le programme d’ici à la fin de l’année
est copieux : Afrique du Sud, Zimbabwe et Lesotho en septembre ; Communauté européenne et
Canada en novembre ; et probablement l’Inde et la République Démocratique du Congo en
décembre 36.
36
information obtenue auprès de la Commission européenne en août 2004
31
3.4 la question des statistiques :
La récente expulsion du Congo ( Brazzaville) du Processus de Kimberley 37 a montré toute
l’importance de pouvoir disposer de statistiques complètes, fiables et comparables entre elles en
ce qui concerne la production, les exportations et les importations de diamants bruts par
l’ensemble des participants.
La question des statistiques est à la fois l’une des plus difficiles et des plus importantes de celles
qu’ont eues à résoudre les négociateurs du Processus de Kimberley. Outre la discrétion
traditionnelle du secteur, il faut rappeler que les importations et les exportations de diamants
n’ont pas de rapports directs avec la production. Ainsi, la Belgique, qui ne produit pas de
diamants, en est un des premiers exportateurs mondiaux. Les diamants sont exportés pour de
nombreuses raisons, industrielles (vers les centres de taille), fiscales, douanières, etc.
On a vu qu’un groupe de travail spécialisé a été créé. Ce groupe a adopté un premier rapport en
date du 21 octobre 2003.38
Il commence par rappeler qu’un nombre important de participants n’avaient pas encore fourni de
données statistiques lors de la réunion d’avril, ce qui constituait un obstacle majeur à la
constitution d’une base de données fiable et complète. Les efforts nécessaires avaient à
l’évidence été sous-estimés. Outre le non-respect de l’obligation de communiquer des
statistiques, de nombreuses questions méthodologiques continuent de se poser. Résoudre ces
problèmes est évidemment essentiel : le mécanisme de surveillance est déclenché par la
constatation d’anomalies statistiques, et il faut éviter que ces anomalies ne soient que le résultat
de problèmes de méthode. La question de la sensibilité commerciale de la publication de certains
données sur une base trimestrielle et semestrielle, ainsi que celle de la protection des intérêts
commerciaux légitimes de l’industrie, doivent encore être discutées.
Au 30 octobre 2003, les pays suivants n’avaient pas encore fourni de données statistiques :
Arménie, Belarus, Namibie et Thaïlande. Quant à la Russie, elle avait fourni des statistiques
concernant ses certificats, mais se déclarait temporairement dans l’incapacité de communiquer
des statistiques concernant la production, l’exportation et l’importation de diamants bruts en
raison de la législation en vigueur sur le Secret d’Etat. La Russie s’était engagée à modifier sa
législation.39
Les 7 et 8 juin 2004 eut lieu à Bruxelles une réunion conjointe des groupes de travail
« monitoring » et « statistiques ». Le compte-rendu, disponible sur le site du Processus de
Kimberley, est une source d’informations précieuses quant aux progrès accomplis.
A présent presque tous les participants ont fourni des statistiques. Des problèmes se posent
toutefois toujours en ce qui concerne la ponctualité (en principe les statistiques doivent être
37
voir plus loin section 4.1
publié sur le site du Processus de Kimberley
39
Dans le courant du mois d’août 2004 on apprenait que le gouvernement avait annoncé un projet de décret visant à
« déclassifier » les données concernant les diamants avant la fin octobre, de manière à pouvoir communiquer les
chiffres à la prochaine réunion plénière d Ottawa le 27 octobre ( lu dans The Moscow Time)
38
32
fournies deux mois après la fin de chaque période de référence, à savoir chaque trimestre pour
les importations et les exportations, et chaque semestre pour la production). On note aussi la
persistance de sérieuses difficultés en ce qui concerne la qualité et la précision des informations
fournies. Le Groupe Statistiques va donc poursuivre ses efforts pour résoudre les questions de
méthodologie, de définitions, et certaines question s techniques, comme par exemple la
fourchette de valeurs plausibles par carat.
La réunion a également traité des visites d’évaluation. Même si, comme on l’a vu dans la section
précédente, la situation est globalement positive du point de vue de la disponibilité de la majorité
des participants à accueillir des visites d’évaluation avant la fin 2004, des améliorations sont
proposées : assurer la couverture des régions affectées dans leur ensemble ( par exemple,
l’Afrique de l’Ouest) ; établir une programmation à long terme des visites ; réaliser un équilibre
entre pays producteurs et importateurs ; et assurer que les statistiques les plus récentes sont
fournies lors de la préparation de la visite.
Le Groupe affirme son intention d’accorder une attention particulière aux questions suivantes : le
commerce avec des non-participants en l’absence d’explication satisfaisante ; l’absence
d’information sur les systèmes de contrôle ; l’incapacité à fournir une information faisant la
distinction entre certificats émis et reçus ; les contradictions entre les informations reçues de
deux participants en ce qui concerne leur commerce réciproque ; des variations importantes et
inexpliquées des volumes connus de production et de commerce ; l’incapacité de confirmer la
réalité des expéditions.
Le principe d’une collaboration poussée entre les groupes « Monitoring » et « Statistiques » est
réaffirmé.
Les discussions ont également porté sur l’identification des principales anomalies qui peuvent
apparaître dans les statistiques fournies, comme par exemple les méthodes de valorisation des
lots (valeur réelle du marché, avec ou sans frais de transport, d’assurance, etc.), le risque d’abus
si les certificats comportent une trop longue période de validité, ou les cas de changement de
destination en cours de route.
On se rend compte qu’il y a encore énormément de travail pour disposer d’un outil statistique
véritablement efficace, mais aussi que des progrès considérables ont été accomplis en l’espace
d’un an.
On trouvera en Annexe II les statistiques disponibles de la Communauté européenne (agrégées –
la Commission ne diffuse pas les statistiques par Etat membre).
33
3.5 L’accord et la réglementation du commerce international : la dimension OMC
(« waiver » du 15/05/2003)
Le processus de Kimberley pose également un problème du point de vue de la régulation du
commerce international. En effet, il s’agit d’exercer un contrôle sur des produits qui, en principe,
devraient pouvoir franchir librement les frontières. Plus particulièrement, il s’agit, ainsi qu’on l’a
vu, de « bannir » du commerce international les diamants provenant de zones suspectes. On se
trouve donc clairement devant un conflit d’objectifs : le contrôle du commerce des diamants,
pouvant aller jusqu’à l’interdiction de commercer avec certains Etats, s’oppose en principe à
l’impératif de libre-échange qui régit le commerce international.
Comme on l’a vu plus haut, le Préambule de l’Acte Constitutif du Système de Certification du
Processus de Kimberley rappelle l’exigence de conformité du système avec les règles du
commerce international. Telle était aussi l’exigence stipulée par les différentes résolutions de
l’Assemblée Générale des Nations Unies.
Le Processus de Kimberley lui-même, dépourvu de valeur juridiquement contraignante, n’est pas
en tant que tel susceptible d’entrer en conflit avec les règles du commerce international. Par
contre, les mesures que les participants pourront être amenés à adopter sont des mesures de
nature commerciale (ne commercer qu’avec les autres participants -ne plus commercer avec un
non - participant ou un participant qui aurait été exclu), et comme telles susceptibles d’entrer en
conflit avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce.
La question était donc de savoir si les participants au processus de Kimberley pouvaient
légalement « boycotter » les pays qui ne respectaient pas les critères qui avaient été définis par
ceux qui voulaient mettre hors la loi les diamants de la guerre.
L’article XXI du GATT contient une exception générale au principe de la liberté du commerce,
pour des questions de sécurité : un état peut prendre des mesures commerciales qu’il considère
« nécessaires pour la protection des ses intérêts de sécurité essentiels » Cette notion est définie
plus précisément dans plusieurs paragraphes de l’article XXI ; on y trouve notamment le trafic de
biens utilisés directement ou indirectement pour la fourniture d’un établissement militaire, et les
actions prises en temps de guerre ou d’autres situations d’urgence dans les relations
internationales. Un autre paragraphe de l’article XXI couvre les actions prises en exécution
d’obligations résultant de la Charte des Nations Unies pour le maintien de la paix et de la
sécurité internationale (de telles actions demandent donc une décision collective, elles ne
peuvent pas être menées individuellement par les Etats).
Certains Etats n’étaient pas convaincus que les mesures commerciales prises dans le cadre du
Processus de Kimberley rentraient bien dans le champ des exceptions prévues. Ces pays
défendaient une interprétation étroite des exceptions.40
Afin d’éviter tout risque de conflit, une demande d’exemption formelle (« waiver ») a été
adressée au secrétariat de l’OMC par un groupe de pays emmené par le Canada41.
40
Oral Report from the Workshop on WTO conformity (15/17 February 2002) by the Chairman Ambassador Luzius
Wasecha, Switzerland (disponible sur le site du Processus de Kimberley)
34
L’Union européenne n’était pas convaincue qu’il était nécessaire d’adopter une telle dérogation
formelle ; elle considérait au contraire que les règles même de l’OMC, et plus particulièrement
l’article XXI du GATT qui vient d’être mentionné, pouvaient être invoquées à l’appui de la
conformité du système de certification. Elle considérait plus particulièrement que l’on se trouvait
tout à fait dans le cadre de l’exception pour raisons de sécurité nationale et de respect des
obligations des Etats vis-à-vis de la paix et de la sécurité internationale prévue par cet article.
La Communauté s’est néanmoins réjouie de l’adoption de ce « waiver » qui donnait à tous les
participants la sécurité juridique nécessaire.42
Le « waiver » permet à tous les participants d’adopter les mesures nécessaires pour interdire
l’importation et l’exportation de diamants bruts vers et en provenance d’Etats ne participant pas
au Processus de Kimberley, et ce pour une période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre
2006.
Pour satisfaire la communauté européenne, un considérant du texte énonce:”Noting that this
Decision does not prejudge the consistency of domestic measures taken consistent with the
Kimberley Process Certification Scheme with provisions of the WTO Agreement, including any
relevant exceptions, and that the waiver is granted for reasons of legal certainty”43.
41
Australie, Brésil, Canada, Israël, Japon, Corée, Philippines, Sierra Leone, Thaïlande, Emirats Arabes Unis et
Etats Unis
42
“EU welcomes WTO green light for Kimberley System to block blood diamonds”, communiqué de presse de la
Commission du 15/05/2003, IP/03/694; citation de Pascal Lamy, Commissaire au Commerce: “The WTO green
light should be welcomed as a clear demonstration of coherence among international rules. It shows that WTO rules
are sufficiently flexible to accommodate the implementation of a UN mandated activity. Carefully drafted trade
measures can and do support development”
43
World Trade Organisation: Waiver concerning Kimberley Process Certification Scheme for Rough Diamonds
G/C/432
35
3.6 La mise en œuvre dans l’Union européenne (Règlement CE 2368/2002 du 20/12/2002 et
les règlements ultérieurs) :
Bien que certains Etats membres semblent avoir eu quelques difficultés à admettre la
compétence de la Communauté européenne dans cette affaire, leur résistance s’avéra inutile. Il
était en effet clair qu’on se trouvait ici dans la sphère de la politique commerciale, domaine de
compétence communautaire exclusive. Cela signifie que c’est la Communauté européenne qui
doit adopter, pour l’ensemble de ses membres, la législation et la réglementation nécessaires
pour participer au système international de certification. Cela signifie aussi que c’est à la
Commission européenne et à elle seule, qu’il revient de s’exprimer au nom de la Communauté au
sein des organes du Processus de Kimberley.
Un précédent pouvait d’ailleurs être invoqué. Dès 2000 en effet, la Communauté européenne
avait adopté un règlement prévoyant l’interdiction de diamants de Sierra Leone, sauf s’ils étaient
couverts par un certificat d’origine émis par le gouvernement, en conformité avec la résolution
du Conseil de sécurité.44
Le Règlement du Conseil 2368/2002 du 20 décembre 2002 vise donc à instaurer un système
communautaire de certification et de contrôle des importations et des exportations de diamants
bruts aux fins de la mise en œuvre dans et par la Communauté du système de certification du
Processus de Kimberley. Le principe de base en est que la Communauté doit être considérée, aux
fins du système de certification, comme une entité unique sans frontière intérieure. Le Règlement
concerne donc les importations de diamants en provenance du reste du monde vers le territoire
de la Communauté, et leurs exportations d’un point quelconque de la Communauté vers
n’importe quel pays tiers. Marché commun oblige, il organise aussi la libre circulation des
diamants entre ses différents Etats membres une fois qu’ils ont pénétré dans l’espace
communautaire, et jusqu’à leur exportation.
Le Règlement comporte principalement trois sections, relatives respectivement aux importations,
aux exportations et à l’autorèglementation de l’industrie, ainsi que des dispositions d’ordre
général.
S’agissant des importations, le
suivantes ne sont pas réunies :
règlement les interdit complètement si les trois conditions
-les diamants bruts doivent être accompagnés d’un certificat validé par l’autorité compétente
d’un pays participant ;
-les diamants bruts sont logés dans des conteneurs inviolables, et les sceaux appliqués lors de
l’exportation par ce participant ne sont pas brisés ;
-le certificat identifie clairement l’expédition à laquelle il se rapporte.
44
Règlement (CE)1745/2000 du Conseil du 3août 2000 concernant l’importation dans la Communauté de diamants
bruts de la Sierra Leone, JO L 8/8/2000; venu à expiration le 5/01/2002 il a été prorogé par le Règlement (CE)
303/2002du 18/02/2002 JO L 1/1/2002
36
Le contrôle des certificats doit être effectué par une autorité compétente, soit dans l’Etat membre
d’importation, soit dans celui de destination ; s’il n’existe pas d’autorité compétente ni dans
l’Etat d’importation, ni dans l’Etat de destination, les diamants seront soumis à l’autorité d’un
autre Etat membre, où ils seront expédiés sous régime de transit douanier. En fait, actuellement,
seuls deux Etats membres se sont dotés d’une autorité compétente : La Belgique et le Royaume
Uni. Cela veut dire que la totalité des diamants bruts importés dans la Communauté transitent par
ces deux pays (ou plus exactement par Londres et Anvers) Toutefois, l’Allemagne vient de
s’ajouter à cette liste.
La vérification par les autorités communautaires - qui doit intervenir « sans tarder » - peut se
faire soit par l’ouverture de chaque conteneur, soit par la sélection des conteneurs qui doivent
être ouverts sur la base d’une analyse de risques.
Si l’autorité a pu établir que les trois conditions de régularité de l’importation sont remplies, elle
le confirme sur le certificat et fournit à l’importateur une copie authentique et infalsifiable du
certificat. Si par contre elle estime que les conditions ne sont pas réunies, elle saisit la cargaison.
Elle peut débloquer le chargement si elle estime que ce n’est ni sciemment ni intentionnellement
que les conditions n’ont pas été remplies, après que les mesures correctives nécessaires ont été
prises. Dans tous les cas de non-respect des conditions, l’autorité compétente en informe la
Commission européenne et l’autorité compétente du pays qui est censée avoir délivré ou validé
le certificat en cause. Un régime transitoire permet aux autorités de certifier les stocks de
diamants bruts qui ont été importés ou sont présents sur le territoire de la Communauté avant
l’entrée en vigueur du Règlement. Les diamants provenant de ces stocks sont alors présumés
conformes aux conditions. L’autorité peut également certifier des diamants si elle a établi qu’ils
se trouvaient légalement dans la Communauté à compter de l’entrée en vigueur du Règlement.
La Commission européenne se voit investie de la tâche consistant à fournir aux autorités des
Etats membres des spécimens authentiques des certificats des autres participants. Les autorités
des Etats membres quant à elles doivent fournir à la Commission un rapport mensuel sur tous les
certificats qui leur sont présentés aux fins de vérification. 45 Elles doivent conserver les originaux
des certificats qu’elles délivrent pendant au moins trois ans, et les tenir à la disposition de la
Commission, notamment pour permettre à cette dernière de répondre aux questions posées dans
le cadre du système de certification du processus de Kimberley.
Le régime des exportations de diamants bruts au départ du territoire de la Communauté
européenne est basé sur la même idée d’interdiction totale si deux conditions ne sont pas
réunies :
-les diamants sont accompagnés du certificat communautaire correspondant délivré et validé par
une autorité communautaire ;
-les diamants sont logés dans des conteneurs inviolables et scellés.
45
Le rapport doit comporter, pour chaque certificat, au moins les informations suivantes : le numéro, le nom des
autorités ayant délivré et validé le certificat, la date de délivrance et de validation, la date d’expiration de la validité,
le pays de provenance, le pays d’origine lorsqu’il est connu, le code SH, le poids carats, la valeur, l’autorité
communautaire ayant procédé à la vérification et la date de vérification
37
Comme pour les importations, l’autorité doit s’assurer que plusieurs conditions sont remplies :
l’exportateur doit avoir fourni la preuve (le règlement parle de « preuves concluantes ») que les
diamants bruts en question ont été importés licitement dans la Communauté ; les autres
informations devant figurer sur le certificat sont correctes ; les diamants sont effectivement
destinés à arriver sur le territoire d’un autre participant ; et les diamants doivent être transportés
dans un conteneur inviolable. L’autorité ne peut valider le certificat qu’après s’être assurée que
le contenu du conteneur correspond aux indications du certificat, et que le conteneur a été scellé
sous sa responsabilité.
Comme pour les importations, l’autorité procède à cette vérification par ouverture systématique
de tous les conteneurs ou de façon sélective sur la base d’une analyse de risques. Le certificat est
valable dans les deux mois de sa délivrance ; si l’exportation n’a pas eu lieu dans ce délai, il doit
être renvoyé à l’autorité.
Les règles en matière de saisie du chargement en cas de non-conformité, de conservation des
certificats et d’informations à fournir à la Commission européenne sont similaires à celles qui ont
été définies pour les importations.
Par contre, une disposition importante, qui constitue une spécificité du système communautaire,
ne concerne que les exportations au départ de la Communauté.
Il est prévu que lorsque l’exportateur fait partie d’une organisation de négociants en diamants
qui applique un système d’autoréglementation, et qui a été reconnue comme telle par la
Commission européenne l’autorité peut accepter comme preuve concluante d’une importation
licite dans la Communauté, une déclaration en ce sens signée par l’exportateur.
En d’autres termes, l’appartenance de l’exportateur à une organisation qui a mis en place un
système d’auto réglementation conforme aux critères fixés par le Règlement, lui permet
d’obtenir un certificat d’exportation sans que l’autorité procède au contrôle physique du
chargement. Le système communautaire repose donc sur la reconnaissance du système de
contrôle mis volontairement en place par l’industrie elle-même.
Le Chapitre IV du Règlement est consacré aux conditions auxquelles doit satisfaire un tel
système d’auto réglementation.
Le principe est que les organisations de négociants qui ont mis sur pied un système d’auto
réglementation peuvent demander une reconnaissance à la Commission européenne, qui se
traduit par leur inscription sur une liste, dite « Annexe V ».
Pour ce faire, les organisations candidates doivent fournir la preuve qu’elles se sont dotées de
règles qui assurent notamment que leurs membres ne vendent que des diamants d’origine
légitime, que les ventes sont toutes accompagnées de factures fournissant tous les
renseignements nécessaires et contenant la garantie de conformité établie par l’organisation, que
leurs membres ne s’approvisionnent pas auprès de sources suspectes, inconnues ou dénoncées
par un autre participant ; les membres des organisations doivent aussi faire en sorte que leur
38
personnel soit pleinement informé des réglementations concernant le commerce des diamants de
la guerre. Ils doivent tenir pendant au moins trois ans un registre des factures reçues des
fournisseurs et délivrées aux clients et faire vérifier ce registre par un vérificateur indépendant.
De plus, les règles de l’organisation doivent prévoir l’expulsion de tout membre qui a gravement
enfreint les engagements ci-dessus, ainsi que l’information des autres membres et la notification
à la Commission européenne d’une telle expulsion.
Enfin, l’organisation doit communiquer à l’autorité nationale et à la Commission européenne
l’identité complète et l’adresse détaillée de l’ensemble de ses membres.
Lorsqu’elle se trouve placée sur la liste de l’Annexe V, l’organisation accepte de mettre à la
disposition de l’autorité nationale compétente toute information nécessaire pour l’évaluation du
fonctionnement concret du système d’auto réglementation, et l’autorité compétente fait rapport
une fois par an à la Commission. L’autorité compétente enquête sur les éventuels manquements
commis par une organisation, et s’il apparaît que le système n’est pas digne de foi, la
Commission procède au retrait de la liste de l’organisation en cause, aux termes d’une procédure
dans laquelle elle est assistée par un comité représentant les Etats membres.
Parmi les dispositions d’ordre général, on trouve des règles concernant la désignation d’autorités
compétentes par les Etats membres (il peut y en avoir plusieurs, mais l’une d’entre elles joue le
rôle d’interlocuteur unique de la Commission), la fixation par les Etats membres du nombre de
points où pourront s’effectuer les formalités prévues par le règlement, et le principe que les
autorités compétentes peuvent demander une redevance aux opérateurs économiques pour la
délivrance des certificats et pour les contrôles. On y trouve aussi le principe fondamental que
c’est bien la Communauté qui est un participant au processus de Kimberley, et que c’est la
Commission qui la représente et « s’attache à assurer une mise en œuvre optimale du système de
certification du processus de Kimberley, notamment en coopérant avec les participants ».
Le règlement contient aussi une clause détaillée en ce qui concerne la confidentialité des
informations fournies à la Commission : celle-ci ne peut diffuser les informations confidentielles
qu’elle a reçues sans l’autorisation expresse de la personne qui les lui a fournies, sauf si elle est
autorisée ou tenue de les fournir, notamment en vertu d’une décision de justice.
Le Règlement comporte encore une disposition relative aux diamants qui se trouvent simplement
en transit dans la Communauté : ils échappent aux obligations et aux contrôles concernant tant
les importations que les exportations, pour autant que le conteneur et le certificat
d’accompagnement restent intacts durant le séjour dans la Communauté, et que l’objectif de
transit soit clairement attesté par le certificat d’accompagnement.
Le Règlement comporte plusieurs annexes.
L’Annexe 1 reproduit le texte officiel du système de certification du processus de Kimberley.
L’Annexe II reprend la liste des participants au système de certification du Processus de
Kimberley ; cette annexe a été modifiée à de nombreuses reprises, par le biais de règlements
39
particuliers de la Commission, pour tenir compte de l’arrivée de nouveaux participants ou au
contraire de l’expulsion de membres ne remplissant plus les conditions. La dernière modification
a eu lieu en date du 16 août 2004, pour tenir compte du retrait de la République du Congo (
Brazzaville ) de la liste 46.
L’Annexe III comprend la liste des autorités compétentes des Etats membres et la définition de
leurs tâches. Initialement, deux Etats membres s’étaient dotés d’autorités compétentes : le
Royaume-Uni et la Belgique.
Le Règlement de la Commission CE 257/2003 du 11 février 2003 a donc inscrit à l’Annexe II
les coordonnées des autorités de ces deux pays ;
Pour le Royaume- Uni il s’agit de : « the Government Diamond Office (GDO) within the United
Nations Department of the Foreign and Commonwealth Office », King Charles Street, London
SW1 2AH.
Pour la Belgique, il s’agit du « Service Public Fédéral Economie, PME, Classes Moyennes et
Energie, Service Licence », Italië lei 124, B-2000 Antwerpen.
L’Allemagne vient de désigner deux autorités compétentes, qui ont été ajoutées à la liste de
l’Annexe III par le Règlement de la Commission CE 1474/2004 du 18 août 2004.
Il s’agit de :
« Haupt Zollamt Koblenz- Zollamt Idar-Oberstein- Zertifizierungstelle für Rohdiamanten“,
Hauptstrasse 197, D_55743 Idar-Oberstein. Toutefois, c’est une autre autorité qui est
compétente pour les rapports avec la Commission européenne au titre du Règlement:
Oberfinanzendirektion
Koblenz
–
Zollund
VerbrauchsteuerabteilungVorort
Außenwirtschaftrecht Postfach 10 c07 64, D_67407 Neustadt a.d.Weinstr.
L’Annexe IV définit de façon détaillée les caractéristiques du certificat communautaire. Les
Etats membres doivent veiller à ce que les certificats qu’ils délivrent se présentent de façon
identique. L’Annexe VI précise les matériaux, le type d’impression, la numérotation, le
façonnage et contient un modèle du certificat communautaire.
Enfin, l’Annexe V contient la liste des organisations de l’industrie du diamant qui mettent en
œuvre un système d’auto réglementation reconnu par la Commission. A ce jour, cette Annexe
contient les organisations suivantes :
- Antwerpse Diamantkring CV
Hovenierstraat 2 bus 117 B–2018 Antwerpen
-Beurs voor Diamanthandel CV
Pelikaanstraat 78 B-2018 Antwerpen
46
voir plus loin section 5
40
-Diamantclub van Antwerpen CV
Pelikaanstraat 62 B-2018 Antwerpen
-Vrije Diamanthandel NV
Pelikaanstraat 62 B-2018 Antwerpen 47
-The London Diamond Bourse and Club (100 Hatten Garden, London EC1N8NX)48
Selon son article 29, le Règlement 2368/2002 entrait en vigueur le jour de sa publication au
Journal Officiel des Communautés européennes, qui est intervenue le 20 décembre 2003.
Toutefois, l’entrée en vigueur de nombreuses dispositions (en fait la plupart des articles qui
définissaient les régimes d’importation et d’exportation ainsi que le transit) était subordonnée à
une décision de la Commission européenne, lorsqu’elle serait convaincue que tant la
Communauté que les autres participants au Processus de Kimberley avaient bien rempli toutes
les exigences du système de certification, de telle manière qu’une application complète du
Règlement n’entraîne pas de distorsion sérieuse du commerce international des diamants.
La Commission a considéré que cette condition était remplie au 1er février 2003, date à laquelle
le Règlement est entré en vigueur dans toutes ses dispositions. 49
47
ces 4 bourses anversoises ont été introduites par le Règlement de la Commission CE 762/2003 du 30 avril 2003
48
introduit par le règlement de la Commission CE 1214/2003 du 7 juillet 2003
49
Règlement de la Commission CE 254/2003 du 11 février 2003
41
3.7 accords volontaires (complémentaires) du secteur privé en ce qui concerne les diamants
taillés (résolution du World Diamond Congress, Londres 29/10/2002)
L’industrie du diamant a été forcée à agir, devant la détermination des ONG et la prise de
conscience progressive du problème des diamants de la guerre. Ce ne fut pas de gaieté de cœur.
En juin 2000 (FN), le Président de la De Beers, Nicky Oppenheimer, écartait d’un revers de main
la menace d’un boycott (qu’il qualifiait d’irresponsable ), l’importance même du problème des
diamants de la guerre (il parlait de chiffres « grossièrement exagérés») et son effet négatif sur le
développement des pays concernés (affirmation « absurde » selon lui ) Il concluait en soutenant
que le débat en cours n’était pas de nature à résoudre les problèmes de l’Angola, de la Sierra
Leone ou d’autres « sociétés dysfonctionnelles »
Pourtant, un mois plus tard le 29ème Congrès Mondial du Diamant annonçait des actions pour
s’attaquer au problème. Outre la De Beers, on retrouvait autour de la table les deux principales
organisations professionnelles du secteur du diamant : l’IDMA, qui représente les 10 plus grands
centres de production au niveau mondial, et la WFDB, qui regroupe les 23 Bourses de diamant
existant dans le monde. Des mesures étaient annoncées, parmi lesquelles l’adoption d’un code
de conduite éthique par chaque organisation professionnelle, code dont le non - respect
entraînerait l’expulsion de l’entreprise coupable. Le congrès décidait aussi de créer le Conseil
Mondial du Diamant, chargé de coordonner la réponse de l’industrie diamantaire au problème
des diamants de la guerre, et de la représenter aux réunions du processus de Kimberley.
A la réunion de Londres du 29 octobre 2002 du Congrès Mondial du Diamant, la WFDB et
l’IDMA adoptaient une résolution par laquelle elles décidaient de créer un système d’auto réglementation, reposant sur deux piliers : d’une part une garantie, et d’autre part un code de
conduite. Ce système est censé couvrir tant les diamants bruts que les diamants polis, et même le
secteur de la joaillerie, afin d’assurer un contrôle de l’origine des diamants « de la mine jusqu’au
point de vente ».
La garantie consiste en l’engagement de faire figurer sur toute facture concernant une vente de
diamants bruts, de diamants taillés ou de bijoux contenant des diamants, la mention suivante
« The diamonds herein invoiced have been purchased from legitimate sources not involved in
funding conflict and in compliance with United Nations resolutions. The seller hereby guarantees
that these diamonds are conflict free, based on personal knowledge and/or guarantees provides
by the supplier of these diamonds ».
Le Code de Conduite en 6 points consiste en autant d’engagements de ne pas acheter de
diamants à des firmes qui ne font pas figurer la garantie ci-dessus sur leurs factures ; ou à des
sources suspectes ou inconnues, et /ou en provenance de pays qui n’ont pas mis en œuvre le
système de certification du Processus de Kimberley ; à des fournisseurs qui ont été reconnus
coupables de violation des réglementations concernant le commerce des diamants de la guerre et
ce à la suite d’une procédure légale ; de ne pas acheter de diamants en provenance de régions
pour lesquelles une autorité gouvernementale a fait savoir que des diamants de la guerre y étaient
42
commercialisés ou disponibles ; ne pas acheter ni vendre sciemment des diamants de la guerre,
et ne pas prêter assistance à ce commerce ; et de s’assurer que tous les employés des sociétés
concernées sont bien informés des dispositions en vigueur concernant les diamants de la guerre.
Ce système d’auto réglementation a été jugé suffisamment sérieux pour faire l’objet d’une
mention dans la résolution 56/623 des Nations Unies qui consacre le Processus de Kimberley,
ainsi que dans le document fondateur du système de certification du Processus de Kimberley.
En février 2003, le Conseil Mondial du Diamant a publié un guide (« Essential Guide to
Implementing the Kimberley Process ») destiné à éduquer tous les secteurs de l’industrie. Il
précise notamment que toutes les garanties données à l’achat et à la vente doivent être
regroupées et auditées par les auditeurs des sociétés concernées.
L’industrie s’est également préoccupée de ce qu’elle appelle « l’inventaire », c’est –à-dire les
diamants qui ont été acquis avant le 1er janvier 2003. L’industrie note les divergences de vue
entre gouvernements à ce sujet. Ainsi, la Communauté européenne prévoit dans son Règlement
l’obligation pour chaque firme de réaliser un inventaire détaillé des diamants en stock au 1er
janvier 2003, ces diamants étant alors déclarés licites (« grandfathered ») Aux Etats-Unis et en
Israël, cette « absolution du passé » est obtenue sans inventaire.
Le Conseil Mondial du Diamant exige donc que chaque vendeur délivre une garantie spécifique
pour les diamants en stock et achetés sans garantie avant le 1er janvier 2003.
Cette garantie est libellée comme suit :
« The diamonds herein invoiced have been purchased prior to January 1, 2003, from sources
believed to be reliable. The seller hereby guarantees that they have no personal knowledge or
reason to believe that these diamonds are conflict diamonds that have been traded in violation of
any United Nation Resolution”
4) MISE EN ŒUVRE DES ACCORDS
4.1 Premières
(Brazzaville) :
décisions
concrètes :
République
Centrafricaine,
Liban,
Congo
En mars 2003, une première occasion a été donnée au Processus de Kimberley de démontrer
qu’il n’était pas qu’un tigre de papier. En République Centrafricaine, conformément à une
tradition hélas bien établie depuis l’indépendance de cette ancienne colonie française, un
nouveau coup d’Etat chassait du pouvoir le Président Ange-Félix Patassé.
Alors que celui-ci se trouvait en compagnie de son épouse au Niger, les troupes du Général
François Bonizé entraient dans Bangui, et après de brefs combats, s’assuraient de la ville,
permettant à leur chef de faire son entrée dans la capitale et de se proclamer chef de l’Etat. Bien
qu’il ne produise pas de diamants, le Centrafrique joue un rôle non négligeable dans le
commerce, et sert de plaque tournante pour l’exportation de la production des pays voisins, et
plus particulièrement de la République Démocratique du Congo. Le Président Patassé était
43
d’ailleurs accusé d’avoir partie liée avec Jean-Claude Bemba le chef du mouvement rebelle qui
contrôlait la province voisine du Haut-Equateur.
Le Président du KPCS décide de suspendre pendant deux semaines l’affiliation du Centrafrique.
Il apparaît toutefois très vite que le nouveau pouvoir issu du coup d’Etat, qui ne rencontre guère
d’opposition à l’intérieur du pays, ne suscite pas la réprobation de la Communauté
internationale. De fait, le consensus semble total pour estimer que le nouveau régime sera
meilleur que le précédent. La participation du pays au Processus de Kimberley est rapidement
rétablie et une mission organisée du 8 au 15 juin 2003 confirme la qualité des mesures de
contrôle en place.
Quel enseignement tirer de ces événements du point de vue de la crédibilité du processus de
Kimberley ? assurément en tous cas la capacité de réaction. Un événement de cette nature dans
un pays participant déclenche immédiatement une réponse : suspension de la participation,
examen de la capacité du pays de continuer à faire face à ses obligations.
Le 1er avril 2004, ce fut au tour du Liban de se retrouver dans « le collimateur », après son
exclusion de la nouvelle liste des participants publiée par le Président du Processus de
Kimberley. La raison en était que ce pays avait été incapable de mettre en place un cadre
législatif et réglementaire conforme aux normes du Processus de Kimberley. Il n’est pas besoin
de rappeler les conséquences d’une telle exclusion pour le pays en question : les autres pays
membres du Processus de Kimberley ne pourront désormais plus participer à aucun échange
commercial de diamants bruts avec le Liban, qui se retrouve « banni » du commerce légal.
Tentative d’explication de la situation, selon « Autres Facettes », le bulletin de l’ONG
Partenariat Afrique Canada50 :
Il s’agirait d’un différend politique « libano-libanais », le président de la République Emile
Lahoud ayant opposé son veto à un projet de loi qui aurait permis la participation du pays au
Processus de Kimberley. Officiellement il aurait estimé que certains éléments du projet n’étaient
pas clairs. Mais la vraie raison de ce veto pourrait être liée à un accord, mentionné dans la presse
russe en 2003, entre le géant minier russe Alrosa, et une société de Beyrouth jusque là inconnue,
Horizon Development. On rapporte que Horizon, propriété de Bahaeddine Hariri, le fils du
Premier ministre du Liban Rafik Hariri, aurait conclu un marché visant à acheter pour 500
millions de dollars de diamants russes. Le veto du Président pourrait ainsi avoir eu pour but de
contrecarrer le florissant commerce de diamants de Hariri. Selon Forbes, Rafik Al-Hariri serait la
108ème fortune mondiale, avec des avoirs évalués à 4.3 milliards de dollars.
Toujours selon « Autres Facettes », il y aurait actuellement 50 usines de taille et de polissage de
diamants au Liban, mais une grande part de cette industrie fait partie de l’économie clandestine.
On estimerait ainsi que 80% des diamants qui entrent au pays sont d’origine illégale.
50
numéro 14, juin 2004
44
Par ailleurs, on a relevé le rôle crucial de la communauté libanaise établie en Sierra Leone, qui
exercerait un quasi-monopole sur le commerce des diamants dans ce pays, et aurait des liens
avec les acteurs de la guerre civile au Liban, et plus récemment avec Al-Quaeda (voir 5.3)
La dernière décision en date concerne la République du Congo (Brazzaville).
A l’issue d’une mission organisée dans ce pays entre le 31 mai et le 4 juin 2004 afin de vérifier
sa capacité d’exécuter les obligations qui lui incombent en tant que participant, le Président du
Processus de Kimberley a annoncé le 9 juillet l’exclusion de la République du Congo. La
mission a en effet établi que le pays était incapable de certifier l’origine de la plus grande partie
des diamants qu’il a exportés. Alors que sa production, essentiellement artisanale, est de l’ordre
de 50000 carats par an, ses exportations ont atteint près de 5 millions de carats annuellement. La
mission a pu constater que le système de contrôle du pays était défectueux et peu appliqué, ce
qui le rendait incapable d’empêcher l’entrée de diamants de la guerre dans le circuit du
commerce légitime. Les autorités se sont révélées totalement incapables de fournir la moindre
explication à ce chiffre d’exportation 100 fois supérieur à celui de la production. En d’autres
termes, le Congo servait surtout de plaque tournante pour la contrebande des diamants en
provenance des pays voisins, et plus particulièrement la République Démocratique du Congo et
l’Angola.
Cette décision d’exclure le Congo a été saluée, tant par Global Witness51 que par le Conseil
Mondial du Diamant52.
Après avoir parlé de « complot », les autorités du Congo, par la voix du Président de la
République Denis Sassou Nguesso en personne, ont annoncé une série de mesures visant à
« réintégrer le pays dans le Processus de Kimberley », comme par exemple de meilleurs
contrôles des mines et des négociants.53
.
51
Communiqué de presse du 9 juillet 2004 « The Kimberley Process Gets some Teeth : the Republic of Congo is
removed from the Kimberley Process for Failing to Combat the Trade in Conflict Diamonds” sur le site
www.globalwitness.org. L’organisation remarque très justement que les prochains mois constitueront un test majeur
pour l’efficacité du Processus de Kimberley : il est impératif que les 4 ou 5 millions de carats de diamants de
contrebande qui ne pourront plus bénéficier du certificat congolais retrouvent le chemin des circuits légitimes,
plutôt qu’un autre paradis des fraudeurs
52
Communiqué de presse du même jour, disponible sur le site du Processus de Kimberley. Le Président du WDC
déclare : « A credible and effective KPCS is essential to the continued viability of the legitimate diamond trade and
to the positive image and reputation of the product . These are core elements in the foundation of consumer
confidence in diamonds as symbol of love. The diamond industry fully supports the Chairman’s decision”
53
« Congo (Brazzaville) Initiates Diamond Reform » Ketan Tanna, Diamonds.Net News Center, 12/08/2004
45
4.2 rôle et prises de position des secteurs intéressés et des ONG :
Comme on l’a déjà vu, ce sont essentiellement, voire exclusivement, les actions de deux ONG
qui ont mené la campagne de sensibilisation à la problématique des diamants de la guerre, qui a
abouti à la création du Processus de Kimberley : Global Witness au Royaume-Uni, et Partenariat
Afrique Canada. Ces deux ONG ont été proposées comme candidates pour le Prix Nobel de la
Paix 2003 par les parlementaires américains qui sont à l’origine des propositions de législation
en matière de commerce de diamants. Le site officiel du Processus de Kimberley contient
d’ailleurs un hyperlien avec les sites de ces deux organisations.
On pourrait multiplier les citations des porte-parole de ces organisations ; ma bibliographie fait la
part belle à la très abondante documentation qu’elles produisent sur le sujet, et notamment les
études nombreuses et très approfondies concernant les différents aspects du problème, et les
différents pays concernés.
Je me contenterai pourtant de citer ces propos de Ian Smillie, coordonnateur de la recherche à
Partenariat Afrique Canada. S’exaspérant de la lenteur des progrès des négociations, et du
manque de réelle volonté d’aboutir de certaines délégations, il déclarait en septembre 2001, en
marge de la réunion de Londres :
« Bon nombre de fonctionnaires et de représentants de l’industrie travaillent de bonne foi au
cours de ces réunions, mais pour d’autres, le Processus de Kimberley est une série d’abstractions
arides sur lesquelles on se penche sans sentiment d’urgence ou de compassion. Il paraît que ces
personnes ne reconnaissent pas qu’il s’agit de la vie de personnes innocentes en Afrique et que
notre démarche pourrait, en fait, sauver une industrie qui a été envahie par des brigands, des
seigneurs de la guerre et des tueurs. Je dis « pourrait », parce qu’il ne faut pas oublier que pour
les ONG en quête d’une cause, les diamants sont presque un cadeau du ciel. Leurs rapports avec
trois guerres brutales sont clairs. L’industrie, dominée par une grande société, n’est pour ainsi
dire pas réglementée. Le problème illustre celui de la mondialisation, qui a tellement préoccupé
les jeunes dans les rues de Seattle, Prague et Gênes. C’est une question beaucoup plus limpide
que celle des phoques et du commerce de la fourrure »
Les autres « grandes » ONG (Amnesty International, Oxfam) se cantonnent plutôt dans une
attitude critique, sans participer à la mise en place et au développement du Processus de
Kimberley.
On est forcé de constater la très grande discrétion, voire l’absence, des ONG françaises ou
belges dans la lutte contre les diamants de la guerre, en dépit de l’importance de la question pour
des pays avec lesquels la France et la Belgique entretiennent des liens étroits (République
Démocratique du Congo, Côte d’Ivoire).
Quant à l’attitude de l’industrie, elle est évidemment dictée par celle des consommateurs.
Le diamant est un produit dont la valeur marchande n’est que très partiellement liée à sa valeur
intrinsèque. Le diamant c’est un mythe, du rêve, de la romance ; c’est la pureté, l’éternité de
l’amour, l’absolu de la beauté… à la portée des classes moyennes. Que cette image s’inverse,
46
que le diamant devienne synonyme de sang, de guerre, d’horreur, c’est tout ce mythe qui
s’effondre ; et qui sait si les femmes, qui ont largement renoncé à porter, et même à désirer, des
manteaux de fourrure, ne pourraient pas se détourner aussi des diamants ? Les études marketing
réalisées aux Etats-Unis au début des années 2000 montrent que le risque est réel.
Certes, malgré la couverture médiatique du sujet, le grand public américain semblait ignorer la
question dans une grande proportion, et ne semblait pas considérer le pays d’origine d’un
diamant comme un facteur clé au moment de l’achat, et ceci selon deux études réalisées par MVI
Marketing Ltd, une firme américaine de spécialistes de la recherche commerciale qui travaille
exclusivement pour l’industrie des gemmes et des bijoux. Rappelons que les Etats-Unis sont les
premiers importateurs de diamants au monde, et que 85 % des femmes américaines
reconnaissent posséder au moins un objet en diamant.
MVI a découvert qu’entre sa première étude, en octobre 2000, et sa seconde en mai 2001, le
nombre des consommateurs qui étaient au courant des diamants de la guerre avait augmenté de
seulement 2 pour cent, passant de 7 à 9 pour cent pendant cette période.
Selon le même sondage cependant, une grande majorité des consommateurs (73%) ont déclaré
qu’ils n’achèteraient pas un diamant s’ils savaient qu’il provenait d’un endroit où sévissait un
conflit. Une autre étude effectuée par Wirthlin Research pour le compte de Vision Mondiale en
mai 2001 donne des résultats comparables : lorsqu’on leur a appris que la contrebande des
diamants dans certains pays de l’Afrique contribue à alimenter des guerres civiles, 62% des
Américains ont dit qu’ils appuyaient les mesures législatives visant à s’assurer que les diamants
qui entrent aux Etats-Unis proviennent de régions libres de conflits54
Une étude similaire menée par actionaid, une ONG britannique spécialisée dans le
développement, à la Saint Valentin 2003 a révélé que 25% des personnes interrogées étaient au
courant du problème des diamants de la guerre, contre 9% en mai 2000. De plus, 70% de ceux
qui étaient au courant déclaraient ne pas vouloir acheter de diamants s’ils n’étaient pas certains
que ce n’étaient pas des diamants de la guerre.
4.3 les diamants de la guerre et le financement du terrorisme international :
On se trouve ici devant une question controversée. De nombreux indices révèlent l’implication
d’Al Quaeda dans le commerce des diamants. En novembre 2001, le Washington Post affirmait
qu’Al Qaeda achetait et revendait des diamants extraits par les rebelles en Sierra Leone 55 ,
empochant des millions de dollars grâce à ce fructueux trafic. L’information, reprise par National
Geographic, déclenche une polémique majeure aux Etats-Unis. Un rapport très complet est
publié sur le sujet par Global Witness en avril 2003 56 En juin 2004, Global Witness prenait
connaissance d’un projet de rapport de la Commission d’enquête sur les évènements du 11
septembre, qui niait la possibilité qu’Al Quaeda soit financé par le trafic des diamants sierra
54
Autres facettes, N°2, p 4
55
On a déjà mentionné l’importance de la communauté libanaise dans le commerce des diamants en Sierra Leone et
au Liberia, et ses liens avec les milices pendant la guerre civile libanaise ; de là à imaginer une opération à trois,
avec le Hezbollah comme intermédiaire, il n’y a qu’un pas
56
For a Few Dollars More: How al Qaeda moved into the Diamond Trade
47
leonais. L’organisation annonçait son intention de déposer une soumission détaillée à la
Commission 9/1157
Il n’est pas besoin d’insister sur l’importance politique de la confirmation d’un tel lien entre Al
Qaeda et les diamants de la guerre : s’il est établi, le problème des diamants de la guerre se
retrouve au centre de la guerre contre la terreur lancée par le gouvernement américain. Ce n’est
donc plus uniquement un problème africain.
4.4 tentative d’évaluation :
Le système de certification du processus de Kimberley est très récent, il vient seulement de
fêter son premier anniversaire. Il est donc vain de se risquer à en évaluer l’efficacité. Le travail
se poursuit d’ailleurs toujours, sur des points essentiels, comme les questions statistiques. On est
donc pas encore en régime de croisière. La première vraie évaluation aura lieu en 2006, lors de la
révision du processus prévue par les accords. A ce moment, des visites d’inspection auront eu
lieu, en principe, dans la plupart des pays participants, et le matériel statistique devrait être plus
complet et plus homogène. Pour autant, il est déjà possible de formuler un certain nombre de
commentaires.
Avant tout, il convient de parler de la transparence du Processus de Kimberley ou plutôt de sa
relative opacité. Introduire de la transparence dans le marché totalement opaque des diamants
bruts est la seule façon de couper les ailes à la fraude, à la contrebande et aux trafics illicites. Si
un pays ne peut expliquer les différences constatées entre son volume de production et ses
exportations, c’est nécessairement qu’il sert à écouler des diamants de provenance inavouable.
C’était le cas de la République du Congo, et la sanction est tombée immédiatement après la visite
d’inspection.
Pourtant cette transparence essentielle à la crédibilité du système est soigneusement encadrée :
elle se limite aux participants eux-mêmes. On est frappé du caractère limité de l’information
communiquée de façon officielle. La partie accessible au public du site web du Processus de
Kimberley se contente d’une information vraiment « basique ». On comprend facilement qu’en
raison du caractère sensible, et même stratégique pour certains états, des informations relatives à
la production et au commerce des diamants bruts, ces mêmes états ne souhaitent pas voir leurs
secrets commerciaux sur la place publique.
Mais il faut arriver à augmenter le nombre d’informations disponibles. Certes, les ONG qui
participent au système jouent un rôle important dans la diffusion de l’information et la prise de
conscience de l’opinion publique. On apprécie d’ailleurs que le site officiel contienne un
hyperlien avec les sites de PAC et de Global Witness. Par ailleurs, les parlements des états
participants ont toute latitude pour interroger leur gouvernement sur l’évolution de la
situation.58
57
Communiqué de presse de Global Witness du 17/06/2004
Ainsi, la Commission du Développement du Parlement européen a organisé une audition publique en date du 15
mars 2004, avec des participants de l’industrie, des ONG, et de la Commission européenne. L’impression qui s’en
dégageait était celle d’un consensus pour estimer que le Processus de Kimberley était un succès, et qu’il devrait
inspirer des initiatives comparables dans d’autres secteurs.
58
48
La système comporte une caractéristique qui le distingue des initiatives précédentes de la
communauté internationale : sa nature fermée, complète, « étanche ».On a vu que les embargos
individuels ne pouvaient être efficaces : la perméabilité des frontières et la facilité de transport
des diamants faisaient que les diamants sous embargo se retrouvaient automatiquement repris
dans les exportations des pays voisins. L’absence de contrôle dans les pays producteurs et
importateurs achevait de rendre les embargos inopérants.
Pour la première fois, on dispose d’un système qui permettra à terme de contrôler l ‘ensemble de
la production et du commerce. De plus, l’arme de l’exclusion d’un pays du commerce légitime
des diamants bruts, devrait être un incitant puissant pour que chaque participant se dote d’un
système de certification national et de contrôles internes crédibles.
Du côté positif du bilan, on peut aussi ranger la structure incontestablement sérieuse qui a été
mise en place. Les différents comités, les rapports et l’assemblée annuelle garantissent un suivi
serré des développements du marché et de la situation des pays participants. La participation
active des ONG et de l’industrie à tous les comités importants est aussi un gage de crédibilité et
d’efficacité : le processus de Kimberley n’est pas seulement une mécanique diplomatique coupée
des réalités.
Le premier bilan est donc encourageant : les éléments du système sont en place ; de réels
progrès ont été accomplis sur des point essentiels et difficiles (statistiques, monitoring) ; les
premières décisions concernant les participants sont tombées ; les premières missions
d’inspection ont été effectuées et vont se poursuivre à un rythme soutenu.
Toutefois il serait absurde de croire que tout est réglé ; la complaisance et l’auto-congratulation
ne sont certainement pas de mise ! Il est encore difficile de prétendre que les contrôles nationaux
sont réellement fiables. On connaît la corruption endémique qui règne dans de nombreux pays
africains : quelle est la crédibilité réelle de certificats délivrés par des organes officiels de pays
dont la totalité de l’infrastructure a été ravagée?59
Dans un autre ordre d’idées, on peut se demander si la règle du consensus qui gouverne
l’ensemble du processus ne pourrait pas bloquer des initiatives plus ambitieuses ou des décisions
plus rigoureuses qui s’avèreraient nécessaires ? Est-on certain de la sincérité de tous les
participants? Et finalement, l’absence de secrétariat autonome permanent n’est -elle pas de
nature à freiner le développement du Processus, en le limitant à ce qui est pratiquement faisable
compte tenu des ressources (et de l’agenda) du pays qui exerce la présidence ?
59
On doit souligner à cet égard la dimension « aide au développement » du problème ; ne faudrait-il pas consacrer
une aide spécifique à la mise en place dans les pays africains de l’infrastructure administrative leur permettant de
faire face à leurs obligations en tant que membre du processus de Kimberley ?
49
5) REFLEXION SUR LA PLACE DU PROCESSUS DE KIMBERLEY DANS LA
GOUVERNANCE INTERNATIONALE
5.1 vers une nouvelle gouvernance internationale
La fin de la guerre froide, la mondialisation, les crises à répétition dans le tiers-monde, les défis
planétaires (qu’ils soient de nature économique, stratégique, démographique, environnementaux
ou sanitaire) ont rendu nécessaire une nouvelle forme de gouvernance internationale, couplée à
une exigence de meilleure gouvernance des pays pris individuellement. Des concepts comme la
transparence de la gestion, la participation de tous les acteurs concernés, le partenariat, le respect
de la règle de droit sont mis en avant. Le Processus de Kimberley s’inscrit totalement dans cette
dynamique.
S’agissant de l’intervention de nouveaux acteurs, on se réfèrera par exemple à un auteur comme
Pascal Boniface, qui a mis en évidence la diversification des acteurs internationaux60. A côté de
l’Etat, considéré historiquement comme l’acteur unique des relations internationales, sont
apparus successivement les organisations internationales(au 19ème siècle), les firmes
multinationales, les organisations non gouvernementales, certains individus 61 , Davos, les
médias, et même des acteurs illégaux comme les mafias.
On voit immédiatement que tous ces acteurs sont intervenus et interviennent encore dans la
question des diamants de la guerre.
Les Etats ont clairement démontré leur incapacité à régler le problème, puisque c’est sur la
décomposition de certains d’entre eux que le phénomène a pu proliférer, tandis que les autres
pays, et notamment les anciennes puissances coloniales ne pouvaient intervenir directement.
Les organisations internationales (ONU, CEDEAO) ont pu jouer un rôle dans la stabilisation de
la situation après l’arrêt de la phase la plus violente des conflits, mais sans pouvoir empêcher les
massacres ni l’exode des populations, et sans pouvoir s’attaquer aux causes du problème, ni
mettre en place des solutions efficaces 62.
Par contre, ce sont les « nouveaux acteurs » qui ont joué un rôle réellement déterminant. Les
organisations non-gouvernementales, et plus particulièrement deux d’entre elles, ont
véritablement fait apparaître au grand jour le problème des diamants de la guerre, elles en ont
démonté les mécanismes et dénoncé les responsables. Ayant trouvé progressivement un écho
dans les médias, leur campagne a pu s’adresser directement à l’opinion publique, et plus
particulièrement aux consommateurs. L’action des ONG, si elle n’avait pas été suivie d’effet,
aurait très bien pu aboutir à une destruction de l’image traditionnelle du diamant auprès de
l’opinion publique, à l’écroulement de la demande, voire à la disparition du secteur industriel luimême.
60
P.Boniface, « Le monde contemporain : grandes lignes de partage » p 21 - 42
P.Boniface cite le financier George Soros, mais dans le domaine des diamants, des hommes comme Nikky
Oppenheimer, président de la De Beers et son rival Lev Leviev jouent certainement un rôle aussi important
62
on a vu ce qu’il était advenu des embargos décrétés par l’ONU à propos de l’Angola et de la Sierra Leone
61
50
En outre, les ONG ne se sont pas contentées de dénoncer : elles ont pris une part active dans la
recherche d’une solution, et elles sont devenues des partenaires à part entière du processus mis
en place. Agissant au sein des organes du Processus de Kimberley, elles contribuent à son
fonctionnement, à son développement et à sa surveillance.63 Elles assurent aussi une importante
fonction d’information du public, compensant la très grande « discrétion » des acteurs
institutionnels.
L’industrie, après avoir dans un premier temps nié jusqu’à l’existence du phénomène des
diamants de la guerre, a ensuite changé radicalement d’attitude, devant la pression montante des
ONG et la prise de conscience de l’enjeu que constituait une atteinte durable à l’image du
diamant. Elle a successivement annoncé unilatéralement qu’elle cessait de s’approvisionner dans
les zones suspectes, adopté ses propres règles de conduite, et participé à la création du Processus
de Kimberley.
Cela ne veut pas dire toutefois que les acteurs institutionnels, Etats et organisations
internationales ont entièrement délégué aux ONG et à l’industrie la recherche d’une solution au
problème des diamants de la guerre. Au contraire. Les Etats les plus concernés par le secteur
diamantaire, comme producteurs, importateurs ou transformateurs, ont investi des efforts
considérables pour aboutir en un temps record à une solution pragmatique, susceptible de fournir
des résultats concrets. Ils ont défini des règles, pris des engagements concrets, accepté de se
soumettre à des contrôles et prévu des sanctions. Ils se sont assurés de la conformité des mesures
qu’ils adoptaient avec les règles du commerce international. L’ONU a reconnu et soutenu les
efforts entrepris, et continue à surveiller la mise en oeuvre des règles ainsi définies.
Enfin, il n’est pas nécessaire d’insister sur le rôle central joué par les organisations criminelles et
mafieuses, à peine déguisées sous le masque de mouvements rebelles.
Ainsi, comme dans un cas d’école, tous les acteurs identifiés par Pascal Boniface se retrouvent
impliqués dans la question des diamants de la guerre.
Si l’on se place du point de vue de la Communauté européenne, on constate que le Processus de
Kimberley s’inscrit entièrement dans ses propres réflexions sur la gouvernance internationale.
Le Livre Blanc de la Commission sur la Gouvernance de 200164 contient une section consacrée à
la Gouvernance mondiale. On peut y trouver les orientations suivantes :
« En appliquant les principes de bonne gouvernance à sa responsabilité mondiale, l’Union doit
s’ouvrir davantage aux acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux des autres parties du
monde. Cette approche inspire déjà sa stratégie de développement durable, mais elle doit aller de
63
Ainsi, Global Witness a réalisé en janvier 2004 une étude approfondie sur la manière dont l’industrie respectait
ses engagements en ce qui concerne le niveau d’information des employés sur la question des diamants de la guerre,
une des obligations dérivant du système d’auto réglementation. L’enquête a été réalisée dans des magasins de
détails, depuis les enseignes plus prestigieuses (Bulgari, Cartier) jusqu’à la grande distribution (Wal- Mart, JC
Penney) et les commerces de plus petite taille. Les résultats sont loin d’être encourageants : ainsi, 18% à peine des
sondés étaient au courant du système de garanties en chaîne qui est la base de l’auto réglementation de l’industrie !
64
Commission des Communautés européennes. Gouvernance européenne Un Livre Blanc. COM (2001) 428
25/07/2001
51
pair avec l’engagement des acteurs concernés d’être représentatifs et d’assumer leurs
responsabilités dans les réponses à apporter aux défis mondiaux. (…) L’action internationale
devrait être complétée par de nouveaux outils. De nombreuses propositions du présent Livre
Blanc pourraient être testées à l’échelon mondial, notamment le contrôle collégial des progrès
accomplis en direction d’objectifs arrêtés au niveau international ou encore la mise au point de
solutions de corégulation pour traiter certains aspects de la nouvelle économie ».
Plus concrètement, la Commission se réfère expressément au Processus de Kimberley dans sa
Communication de 2003 « Gouvernance et Développement »65
Dans une section consacrée aux « partenariats difficiles », qui se caractérisent par un manque
d’engagement du partenaire en faveur de la bonne gouvernance, elle cite l’Angola
immédiatement après la Corée du Nord.
La Commission considère que ces pays ne doivent pas être abandonnés à leur sort, par solidarité
(on ne peut faire payer la population pour les manquements de ses dirigeants) et par sécurité
(risque de voir l’extrémisme et le terrorisme s’installer dans les Etats faillis, risque de contagion
régionale).Il faut donc trouver des mécanismes alternatifs en ce qui concerne la coopération avec
les pays en question. En ce qui concerne l’Angola, un des problèmes majeurs est constitué par
l’absence de transparence des revenus pétroliers. La Commission propose dans ce contexte
d’envisager un processus similaire à celui de Kimberley. Le Processus de Kimberley est donc
présenté comme une réponse à un problème qui affecte traditionnellement l’Afrique, à savoir la
captation et le détournement des bénéfices de l’exploitation des ressources naturelles, qui ne
profitent en définitive qu’à une minorité de prédateurs. Nous reviendrons sur cette question dans
la section suivante.
65
Commission des Communautés européennes. Communication de la Commission au Conseil, au Parlement
européen et au Comité Economique et Social Européen. COM (2003) 615 du 20/10/2003
52
5.2 une solution pour un mal africain ?
L’Afrique, dit-on, meurt d’être trop riche.
Ses immenses richesses naturelles ont justifié la colonisation, qui a fonctionné pendant des
dizaines d’année comme un mécanisme de transfert de ses ressources vers la puissance coloniale
au seul profit de celle-ci. Les investissements réalisés dans la colonie (infrastructure, éducation,
politique sanitaire), loin d’être l’œuvre civilisatrice complaisamment vantée, et même s’ils
bénéficiaient objectivement aussi aux populations locales, visaient principalement à améliorer la
capacité de la colonie à produire les ressources qui intéressaient la puissance coloniale. Cette
situation n’a pas vraiment changé lors de la décolonisation. Les élites locales se sont en fait
mises à la place des anciens colonisateurs, et ont poursuivi l’exploitation des richesses de leur
pays, non pas au profit de son développement et au bénéfice de leurs populations, mais dans
l’intérêt exclusif de la classe dominante, qui se réduisait souvent au seul entourage de l’homme
fort du régime, du leader tout-puissant, « héros de l’indépendance » ou militaire factieux qui
l’avait renversé.
Tout se passait comme si le modèle colonial avait été validé par les leaders africains issus des
luttes pour la décolonisation, qui le reprenaient à leur compte en en changeant simplement le
bénéficiaire. D’où l’apparition d’économies de rentes, et, s’agissant des pays qui avaient la
chance, ou la malchance, de posséder des diamants, le choix entre la « gemmocratie » nationale
ou la soumission à la De Beers.
Ce modèle de représentation, selon laquelle les maux de l’Afrique actuelle proviennent
toujours du pillage de l’époque coloniale, trouve toutefois ses limites quand on examine qui pille
l’Afrique aujourd’hui ; et dans le domaine du diamant, ce sont toujours des « élites » nationales
avec des complices étrangers, ou des criminels se cachant sous le masque de mouvements
révolutionnaires, ou encore, dans le cas de la RDC, d’autres états africains avides d’accaparer les
richesses de leur grand voisin à l’agonie.
Le Processus de Kimberley, en introduisant pour la première fois des règles, de la transparence
et des contrôles dans le commerce du diamant, peut mettre un coup d’arrêt à cette conception
d’une Afrique dont les richesses appartiendraient de droit à celui qui est assez fort pour venir les
prendre. Le Processus de Kimberley confère aux seuls gouvernements légitimes le droit de
vendre des diamants sur le marché mondial. Et il ne leur confère ce droit que s’ils sont capables
de mettre en place un système de certification nationale crédible et des contrôles efficaces. En
bref, il les force à être des gouvernements, à agir comme des gouvernements et non comme des
cliques de prédateurs. Si son succès se confirme, le Processus de Kimberley peut être un modèle
pour un développement plus équitable du continent africain : pourquoi ne pas appliquer une
approche similaire pour le pétrole ou les minerais stratégiques, afin d’assurer que ce sont des
gouvernement responsables qui en gèrent les revenus, dans l’intérêt de leurs populations ?
.
53
6) REFLEXION SUR LA PLACE DU PROCESSUS DE KIMBERLEY COMME
INSTRUMENT DE PREVENTION DES CONFLITS.
Au moment où le Processus de Kimberley entre en vigueur, les trois situations de crises
majeures qui ont justifié sa création - les guerres civiles d’Angola, de Sierra Leone et de Liberia
- ont été réglées. Grâce aux efforts de la communauté internationale, les succès militaires des
gouvernements et la défaite des rebelles ont mis fin aux violences et ont permis d’entamer la
reconstruction de ces trois pays. Leurs institutions sont toutefois très fragiles, et le resteront
plusieurs années encore. Si les diamants ne servent plus à financer directement l’achat d’armes
par les rebelles, il n’est pas douteux que la contrebande continue de régner, surtout dans les
zones autrefois dominées par la rébellion, que le gouvernement ne contrôle pas encore
réellement, et où se trouvent encore des bandes armées et des groupes divers animés uniquement
par la recherche du profit. Le Processus de Kimberley est essentiel pour réintégrer la production
de diamants de ces pays dans le circuit commercial légitime, afin que leurs revenus bénéficient
davantage au développement et à la population. Le Processus de Kimberley est aussi
indispensable pour dissuader ceux des ex-rebelles qui ne veulent pas jouer le jeu de la
réconciliation, ou de nouveaux candidats à la rébellion, de relancer les conflits. Ils doivent savoir
que, contrairement à leurs prédécesseurs, ils ne pourront pas bénéficier des revenus des diamants
pour financer leur tentative. Enfin, la mise en œuvre du Processus de Kimberley ne peut que
contribuer à la reconstruction progressive des structures administratives des états.
Mais, compte tenu du rôle déstabilisateur que l’exploitation des diamants peut jouer dans des
pays aux institutions fragilisées et à la cohésion nationale faible, le Processus de Kimberley peut
aussi contribuer à éviter l’éclatement d’un conflit. Il garantit en effet que si l’un ou l’autre
groupe rebelle ou factieux s’empare par la force de régions diamantifères, il ne pourra en
commercialiser les produits, qui seront frappés d’un embargo mondial. Le Processus de
Kimberley devient ainsi un instrument de prévention des conflits.
La Commission européenne a défini son approche de la prévention des conflits dans une
communication du 11 avril 200166 qui, parmi les 4 objectifs qu’elle identifie, propose :
«Improve the efficiency of actions by developing specific methods to identify and fight against
the roots causes of conflicts at an early stage instead of only addressing the symptoms at times of
acute crisis ».
La Communication propose aussi une liste de recommandations pour des actions spécifiques,
visant tant le court terme que le long terme. La participation active au Processus de Kimberley
figure parmi les recommandations concernant la prévention à long terme des conflits.
Le Commissaire aux Relations Extérieures, Chris Patten, a expressément mentionné le problème
des diamants de la guerre dans la conférence de presse donnée à l’occasion de l’adoption de la
Communication par la Commission67 :
66
67
COM (2001) 211
Communiqué de presse de la Commission, IP/01/560
54
« We must increase the effectiveness of our action by developing specific initiatives targeted at
tackling the cross-cutting issues which often cause or contribute to the emergence of the
conflicts, such as trafficking in drugs or human beings, or trading with illicit goods as conflict
diamonds or small arms »
Le Processus de Kimberley est aussi au cœur de la stratégie internationale d’un autre de ses
acteurs importants, le Canada.
Cet Etat a défini un programme autour du thème de la Sécurité Humaine : « une approche de
politique étrangère axée sur les personnes, qui reconnaît que la stabilité durable est impossible
tant que la sécurité humaine n’est pas garantie – que les citoyens ne sont pas protégés des
menaces d’atteintes violentes à leurs droits, leur sécurité et leur vie »68. Le programme « sécurité
humaine » s’articule autour des thèmes suivants : protection des civils ; opérations de soutien de
la paix ; prévention des conflits ; gestion publique et responsabilité ; sécurité publique. Au titre
de la prévention des conflits, le premier thème cité est celui des diamants et des conflits armés69.
La situation de deux autres pays africains, la Côte d’Ivoire et la république Démocratique du
Congo (l’ex Zaïre) méritent d’être examinées du point de vue de la contribution du processus de
Kimberley à la prévention des conflits..
La Côte d’Ivoire, ancienne vitrine de l’Afrique francophone du temps du président Houphouët –
Boigny, s’enfonce progressivement dans le chaos. Lors d’un putsch en 1999, une junte militaire
dirigée par Robert Gueï prend le pouvoir. Puis en octobre 2000, Laurent Gbagbo est élu contre
Gueï. Il a pris la précaution d’exclure du scrutin son plus dangereux adversaire, Alassane
Outtara, en jouant sur le thème de « l’ivoirité » ( la protection des « purs» ivoiriens contre les
immigrés d’origine burkinabé concentrés dans le Nord du pays). Si l’on ajoute à cette dimension
ethnique le facteur religieux (le Nord est musulman, le Sud chrétien et animiste), on a tous les
ingrédients d’une décomposition rapide et violente du pays. Coups de force, occupation du Nord
par des troupes rebelles, interventions militaires et politiques françaises, accords de paix non
appliqués se succèdent, sur fond de haine croissante entre les communautés, et d’appel à
l’expulsion des Français. Le spectre de la guerre civile rode toujours.70
Des diamants, il y en a un peu en Côte d’Ivoire, justement dans le Nord rebelle. Le pays est
membre du processus de Kimberley. Les exportations ont cessé, comme le montrent les
statistiques de la CE en 2003. Quel pourrait être l’impact du processus de Kimberley sur une
possible guerre civile ivoirienne et une sécession du pays? tout simplement de priver les rebelles
de la possibilité de financer leur lutte au moyen des diamants qu’ils pourraient produire dans leur
zone, ou au moyen de diamants de contrebande provenant de pays voisins, puisqu’ils n’auraient
pas d’accès au marché international. Et leurs voisins hésiteraient peut-être à « blanchir » les
diamants des rebelles de peur de mettre en péril leur propre statut de participant au processus De
Kimberley. Sera-ce suffisant pour éviter le pire ?
68
Ce texte ainsi que les informations qui suivent est extrait du site web du gouvernement canadien :
www.humansecurity.gc.ca
69
les autres thèmes sont les armes légères, la prévention des conflits par la coopération, les sanctions ciblées et la
consolidation de la paix après les conflits
70
voir le dossier en ligne du Courrier International.com consacré à la crise ivoirienne
55
La situation de la République Démocratique du Congo est beaucoup plus préoccupante encore.
Depuis la chute de Mobutu (dont le régime constituait par excellence un exemple de
« gemmocratie », et même de «kleptocratie »), le pays s’est enfoncé dans une guerre civile
doublée de plusieurs conflits régionaux, qui ont fait plus de 3 millions de morts entre 1998 et
2003. En dépit d’accords de paix conclu en 1999 et mis en œuvre progressivement jusqu’à
l’année dernière, l’insécurité reste importante, et le moindre incident risque de remettre le feu
aux poudres.
Il n’entre évidemment pas dans mon intention, dans le cadre limité de ce mémoire, de retracer
dans le détail les nombreux et sanglants épisodes de l’« Après-Mobutu ». La guerre civile
menée par Laurent-Désiré Kabila a permis de renverser Mobutu. Ce sont ensuite les anciens
alliés de Kabila, ses commanditaires étrangers (Rwanda, Angola, Zimbabwe, Ouganda), qui se
rendent compte qu’il fait désormais obstacle à leurs appétits. Kabila sera assassiné en 2001, et le
Congo partagé entre différentes factions, toutes armées et soutenues par un ou plusieurs
« protecteurs » étrangers. Il est en effet évident que le Congo, ce « scandale géologique », ou
plutôt ses richesses, intéressent au plus haut point les états voisins, qui n’ont d’autre but que de le
dépecer et de se partager les dépouilles. 71 En dépit d’une résolution du Conseil de sécurité
reconnaissant que la RDC avait été l’objet d’une agression, un accord de paix conclu en 199972
organisait la participation des différentes factions au pouvoir et le retrait des troupes étrangères.
En juin 2003, quatre vice - présidents, chacun représentant une faction, ont été assermentés, les
ministères distribués aux différents groupes en présence et la démilitarisation a été entamée. On
peut toutefois douter que le gouvernement d’union nationale exerce vraiment le contrôle sur tout
son territoire. Des incidents graves ont déjà opposé la nouvelle armée à des milices qui
perpétuent la violence ethnique, notamment- comme par hasard- dans la région diamantifère du
Nord-Est. La permanence du processus de paix, le rétablissement de la souveraineté et de l’unité
nationale et l’arrêt des ingérences étrangères sont encore loin d’être garantis.
Quel peut être l’apport du processus de Kimberley ? on peut dire tout d’abord que c’est l’absence
d’un tel mécanisme qui a permis aux factions rebelles et à leur soutiens étrangers de piller les
diamants congolais, et de les commercialiser au départ d’autres pays complaisants, et dans
l’indifférence des pays importateurs. La mise en place du système de certification de Kimberley
rendra la chose plus difficile.
En date du 11 août 2004, le journal « Le Soir » consacrait un bref article au « Boom du diamant
au Congo Kinshasa ». On pouvait y lire que les exportations de diamants ont rapporté en juillet
2004 91,4 millions de dollars à la RDC, pour 2.7 millions de carats évalués. Ce résultat
remarquable est attribué au fait que le Congo -Brazzaville a été exclu du processus de
Kimberley, ce qui permis à la RDC de récupérer dans son circuit officiel une bonne partie des
diamants qui étaient fraudés à Brazzaville, puis réexportés. Le diamant, ajoute l’article, est la
principale source de revenus pour la RDC. Voilà donc une autre contribution du Processus de
Kimberley à la stabilisation du pays, et donc à la prévention du conflit : le renforcement des
71
Résolutions 1234 (1999) et 1304 (1999) du Conseil de Sécurité
L’accord de Lusaka a été conclu le 10 juillet 1999 entre la RDC, l’Angola, la Namibie, le Rwanda, l’Ouganda et
le Zimbabwe.
72
56
ressources de l’état, ce qui devrait lui permettre de mieux satisfaire les besoins de base de la
population et d’asseoir ainsi son autorité.
De même, la non-participation de pays comme l’Ouganda, et le Rwanda au Processus de
Kimberley doit être saluée: ces pays, dont on connaît les appétits pour les richesses de la RDC,
ne pourront pas servir de camouflage pour les diamants provenant des régions
qu’ils« contrôlent » par l’intermédiaire des factions qu’ils ont eux-mêmes armées.
7) CONCLUSION
7.1 un instrument prometteur, exemple de la nouvelle gouvernance internationale
Le Processus de Kimberley s’inscrit incontestablement dans une nouvelle conception de la
gouvernance internationale, dont il constitue un exemple prometteur. Ici, sans l’intervention des
ONG, aucune mesure n’aurait été prise. Et une fois que la communauté internationale s’est
décidée à agir, ses instruments traditionnels (mission de l’ONU, embargos) se sont révélés
inefficaces. Il a fallu que quelques Etats particulièrement concernés par le sort d’une industrie
dont ils dépendaient organisent un dialogue structuré avec les organisations nongouvernementales, l’industrie et les autres états concernés, pour que la machine se mette en
marche. L’ONU, l’OMC ont cautionné le processus et l’ont encadré, mais ces organisations ne
l’ont ni conçu, ni développé, ni mis en œuvre.
Il est certain que les acteurs obéissaient à des motivations différentes. L’industrie, et derrière
elle les principaux Etats producteurs et importateurs de diamants, voulaient éviter, sinon un
boycott total difficile à imaginer, en tous cas une détérioration durable de l’image du diamant et
une diminution substantielle de son commerce. Les Etats trouvaient aussi dans le Processus de
Kimberley un mécanisme suffisamment précis et à l’impact suffisamment ciblé, pour qu’il
puisse produire des résultats tangibles dans un avenir rapproché. Certaines ONG voulaient
manifestement passer d’une culture de contestation à une culture de participation constructive.
Le tout a donné un « produit » hybride, à la nature juridique incertaine, un mélange
d’engagements volontaires et de règles assorties de sanctions, un processus évolutif associant ses
fondateurs à ses développements futurs et les transformant en acteurs de sa mise en œuvre. Il
s’inscrit, ainsi qu’on l’a vu, dans le droit fil d’une conception nouvelle de la gouvernance
internationale, que ce soit du point de vue de sa motivation ou en raison de sa nature
d’instrument nouveau et atypique. Conçu comme une réponse rapide à la situation désespérée
dans laquelle se trouvaient certains pays, il a évolué en un mécanisme de transparence d’un
marché et de prévention des conflits.
57
7.2 des résultats rapides mais partiels ; un objectif de toute façon limité
On a pu voir, en étudiant la genèse des accords et le début de leur mise en œuvre, que le
Processus de Kimberley peut être considéré comme une réussite, ou en tous cas comme un essai
très prometteur encore à transformer.
Son succès rapide et incontestable est peut-être dû à son caractère très « spécialisé »
Il ne s’attaque en fait qu’à une situation bien précise, définie de manière étroite: le commerce de
diamants bruts en provenance de zones dévastées par des guerres civiles, où des groupes rebelles
tentent de déstabiliser puis de renverser un gouvernement reconnu.
Il vise à bannir du commerce international les diamants de la guerre, les diamants du sang.
Par contre, il est inopérant en tant que moyen de pression contre un régime dictatorial qui
opprimerait sa propre population de la manière la plus brutale, en l’absence de rébellion qui
tenterait de prendre le contrôle des zones diamantifères. En d’autres termes, les « diamants de
l’oppression » (catégorie dont on ne parle pas officiellement) ne tomberont pas sous le coup de
l’exclusion du commerce international prévue par le processus de Kimberley, tant qu’un
gouvernement reconnu pourra établir qu’il contrôle les zones de production des diamants, et qu'il
pourra donc certifier leur provenance. Dans cette perspective, un mouvement révolutionnaire
sincèrement animé du désir de renverser une dictature pour la remplacer par un régime
démocratique, et qui déclencherait une insurrection armée dans des zones diamantifères ne
pourrait pas espérer financer sa lutte par les revenus des diamants qu’il ne pourrait pas
commercialiser.
Certes, les exemples qui ont présidé à la création du Processus de Kimberley n’étaient pas de
nature à susciter une telle interrogation. Les mouvements rebelles qui s’étaient emparés des
diamants du sang n’apparaissaient pas comme porteurs d’une espérance populaire, d’une
aspiration démocratique face à des régimes oppresseurs et corrompus. Les diamants, comme on
l’a vu, étaient à la fois non seulement le « carburant » des insurrections, mais aussi- et surtoutleur moteur, voire leur raison d’être. Dans des états africains dévastés, abandonnés aux
seigneurs de la guerre, le processus de Kimberley est de nature à freiner, voire à empêcher, la
mise en coupe réglée de régions par des prédateurs seulement avides de détourner à leur profit
les revenus du commerce des diamants, en leur retirant précisément la possibilité de pratiquer ce
commerce.
58
7.3 un instrument de prévention des conflits
Paradoxalement, les situations qui ont donné naissance au Processus de Kimberley étaient déjà
largement en voie de règlement au moment de son entrée en vigueur.73
Les tristes « héros » des sanglantes rébellions ont été mis hors d’état de nuire. Savimbi a fini par
être tué par les troupes régulières. Foday Sankoh est mort en prison. Exilé au Nigeria, Charles
Taylor est sous le coup d’une inculpation par le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone. Les
pressions montent sur le Nigeria pour qu’il soit livré à ses juges.74
En Sierra Leone, le mandat de la MINUSIL a été prolongé jusqu’en juin 2005. Son effectif était
de l’ordre de 11000 hommes en juin 2004. Le pays a été admis comme membre du Processus de
Kimberley. Dès 2000 le pays avait mis en place un système de certification. Bien que des doutes
existent toujours sur la fiabilité des contrôles et des statistiques officiels, en raison de la longue
histoire de fraude et de corruption dans le pays, le bilan est jugé néanmoins encourageant. Des
efforts importants sont toutefois nécessaires pour développer la capacité d’audit et diminuer la
corruption des fonctionnaires et des policiers chargés du contrôle des mines.75
En Angola, la situation a également évolué, mais pas aussi rapidement qu’on pouvait l’espérer.
Sur le plan politique, l’Angola est encore loin de réunir les conditions qui lui permettraient de
reconstruire véritablement son économie et ses institutions.
Selon l’analyse de la Commission européenne 76 , le pays manque toujours des ressources
humaines nécessaires, et ne dispose que d’une faible capacité institutionnelle. Les bases sur
lesquelles repose la réorganisation d’un système juridique indépendant sont très fragiles ; la
transparence des finances publiques pose problème, notamment en raison du fait qu’une grande
partie des revenus pétroliers n’apparaît pas dans le budget. Les organisations de la société civile
sont très fragiles, et la situation des droits de l’homme, médiocre. La Commission exprime « de
vives inquiétudes en ce qui concerne la mise en œuvre des principaux programmes de réforme
institutionnelle ».
Dans ces conditions, comment se présente le retour à la normale dans le secteur du diamant ?
En 2002, le Conseil de Sécurité a levé son embargo sur les diamants angolais. L’Angola a été
admis comme participant du Processus de Kimberley. Son gouvernement a affirmé sa
détermination à jouer le rôle de « pionnier » dans la mise en œuvre du système de certification du
Processus de Kimberley. L’organisme officiel, la SODIAM, reçoit la totalité des diamants des 8
mines du pays. Les négociations ont lieu entre la SODIAM, les mines et un organisme
international d’évaluation. De plus, les diamants produits dans le secteur artisanal sont à présent
73
par « réglées » on entend simplement la fin des combats violents ; mais il reste des milliers d’hommes des
différentes missions des Nations Unies sans lesquelles le cauchemar recommencerait aussitôt ; ainsi, 26000 casques
bleus sont déployés en Sierra Leone et au Libéria, avec un budget combiné, pour 2003-2004 de 1,1 milliards de
dollars
74
par contre le chef du gouvernement provisoire a déclaré qu’il ne demanderait pas l’extradition de Taylor, sa
présence au Nigeria faisant « partie du processus de paix » (Autres Facettes, n°14)
75
Diamond Industry Annual Review, Sierra Leone, 2004
76
Communication “Gouvernance et Développement», déjà citée, p 25
59
également commercialisés par la SODIAM. Le contrôle de l’origine des diamants provenant du
secteur informel est loin d’être satisfaisant, puisqu’il repose exclusivement sur les livres des
bureaux d’achat. Mais le gouvernement veut à la fois réduire le nombre de mineurs, et mieux les
contrôler. Jusqu’ici, aucun contrôle réel n’était effectué, ni sur les mineurs, ni sur les
intermédiaires qui leur achetait leur production, et qui étaient souvent liés à l’Unita. Depuis la fin
de la guerre, un nouvel organe, le CSD (Corpo Especial de Fiscalizaçao e Seguranza de
Diamantes) est chargé des contrôles sur le terrain. Il répond directement à l’autorité de
coordination des services de renseignements de l’Etat, plutôt qu’au Ministère des Mines. Il est
chargé de lutter contre la contrebande et d’assurer la mise en œuvre du Processus de Kimberley.
Une manifestation spectaculaire de cette volonté de reprendre le contrôle a été l’expulsion
d’environ 100000 mineurs illégaux d’origine congolaise entre 2003 et la mi-2004. On estimait le
nombre des mineurs illégaux entre 270000 et 400000 dont 80% d’origine congolaise ; leur
nombre s’était fortement accru depuis la fin des combats en 2002. Devant les excès commis
durant ces expulsions « musclées », et les violations des droits de l’homme qui ont été
perpétrées, le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a émis une protestation
officielle. Un accord est intervenu entre les deux pays pour procéder dorénavant à ces expulsions
de façon coordonnée. 77 L’intention du gouvernement est de réduite drastiquement ( jusqu’à
environ 10000) le nombre des mineurs individuels, facilitant ainsi le contrôle de la production de
diamants d’origine alluviale.
Le gouvernement angolais a donc choisi la manière forte pour remettre de l’ordre dans son
secteur diamantaire. Il est certainement encore trop tôt pour dire si la contrebande de diamants
sera définitivement éliminée.
L’amélioration de la situation dans les pays voisins (RDC,
Tanzanie, Guinée) est évidemment une condition essentielle, sur laquelle le gouvernement
angolais, qui n’exerce pas de contrôle réel sur ses frontières, n’a guère de prise. Mais la fin de la
guerre civile et la réintégration des combattants de l’Unita dans l’armée officielle ou leur
démobilisation signifient en tous cas que les diamants ne seront plus utilisés pour financer de
véritables opérations militaires dont les premières victimes étaient les populations civiles.
Au Liberia, la grande question est aujourd’hui celle de la levée de l’embargo des Nations Unies
sur les exportations de diamants et de l’intégration du pays dans le Processus de Kimberley. On
se rappelle qu’à leur réunion de Johannesburg de 2003, les pays participants au processus de
Kimberley ont subordonné l’admission du Libéria en tout état de cause à la levée de l’embargo.
Or il est certain que l’actuel gouvernement de transition n’exerce aucun contrôle réel en dehors
de la capitale, et certainement pas dans la région de production des diamants. La dernière
résolution du Conseil de Sécurité « encourageait » le gouvernement à prendre les mesures
nécessaires pour participer dès que possible au Processus de Kimberley, c’est à dire à mettre en
place un système national de certification. Les plus grands doutes existent quant à la capacité du
gouvernement de réaliser un tel progrès à court terme. Une des raisons pour maintenir l’embargo
est l’absence de contrôle effectif du gouvernement de transition sur la plus grande partie du
territoire du pays, et la présence de bandes rebelles dans les régions de production. Une autre est
la présence au Libéria d’un important stock de diamants de Sierra Leone, qui retrouveraient un
accès au marché international si le Libéria était admis dans le processus de Kimberley.
77
Diamond Industry Annual Review, Republic of Angola, 2004, p8
60
On peut dire qu’il n’y a donc plus aujourd’hui, à proprement parler, de diamants de la guerre.
Si l’on veut bien en outre se rappeler que les diamants du sang provenant des zones en conflit ne
représentent au total que 4 à 5 % du volume du commerce mondial, on pourrait être tenté de
conclure que le Processus de Kimberley n’est qu’une mécanique bureaucratique sans effet sur la
réalité, et notamment sur la sécurité et les conditions de vie des populations africaines.
On a pu voir toutefois que même une part relativement minime du commerce de diamants
générait des revenus suffisants pour financer des actions militaires sanglantes et de longue durée.
On a vu aussi que ces petites quantités de diamants à l’échelle internationale, sont suffisantes au
niveau d’un état pour devenir l’enjeu même, et plus seulement le moyen, de tentatives
sécessionnistes ou de coups d’état.
.
Le Processus de Kimberley apparaît bien plus aujourd’hui comme un instrument de prévention
des conflits et comme un moyen de stabiliser des pays qui sortent à peine des guerres civiles
L’exemple de la Côte d’Ivoire et de la RDC donne une idée de ce rôle de prévention que le
Processus de Kimberley peut jouer. L’impossibilité de commercialiser des diamants bruts sans
passer par les structures du gouvernement légitime est sans doute de nature à décourager les
tentatives de sécession. Comme on l’a vu, la garantie que les revenus du commerce du diamant
viendront alimenter le Trésor Public est de nature à renforcer l’Etat, et à permettre sa
reconstruction.
Pour autant, la route est encore longue qui fera des gemmes africains des diamants de la
prospérité plutôt que des diamants du sang. Le Processus de Kimberley n’est qu’un pas, certes
important, vers cet objectif encore lointain.
Philippe Renaudière
Septembre 2004
61
BIBLIOGRAPHIE
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2003
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Fayard, 2003
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1997
-François Misser et Olivier Vallée, Les Gemmocraties- l’économie politique du diamant africain,
Paris, Desclée de Brouwer, 1997
2)Ouvrages généraux :
-Pascal Boniface : Le Monde Contemporain, grandes lignes de partage, PUF, 2001
-Joseph Ki-Zerbo : Histoire de l’Afrique Noire, Hatier, 1978
- Guy Spitaels : L’improbable équilibre, géopolitique du désordre mondial. éd Luc Pire, 2003
3) Publications spécialisées :
3.1 Industrie
-The Rapaport Guide to the Kimberley Process. Martin Rapaport, 2003
-Diamonds.Net News Center (Rapaport Research) publication en ligne
3.2 ONG
PARTENARIAT AFRIQUE Canada
-Revue Annuelle de l’économie des diamants République Démocratique du Congo 2004
- « Autres Facettes- informations et opinions sur l’effort international pour éliminer les diamants
de la guerre » numéros 1 à 14
-« Diamants sans cartes : Le Libéria, les Nations Unies, les sanctions et le processus de
Kimberley »
document hors série n°11
-The heart of the Matter : Sierra Leone, Diamonds and Human Security (ISBN O-9686270-5-6)
janvier 2000
GLOBAL WITNESS
62
-
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“ Broken Vows (Exposing the « Loupe » Holes in the Diamond Industry’s Efforts to
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SOS Toujours la même histoire Une étude contextuelle sur les ressources naturelles de la
république démocratique du Congo
For a Few Dollars More How Al Quaeda moved into the diamond trade, avril 2003
Global Witness Briefing Document April 25th 2001: Review of the Sierra Leone
Diamond Certification System and Proposals
3.3 divers
-L’encyclopédie de l’Agora Dossier : Diamants (httpp: //agora.qc.ca/encyclopédie)
-Diamants, numéro spécial de Connaissance des Arts, 1/01/2002
-Université Laval, bulletin 52, avril 2001 « Le conflit en Sierra Leone : les diamants du sang »
4) Articles :
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Mensonges et Diamants en Angola ( Augusta Conchiglia) avril 1997
La République Démocratique du Congo dépecée par ses voisins (Colette Braekman) octobre
1999
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janvier 2000
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L’Afrique des Grands Lacs oubliée (Claire Brisset) mai 2003
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Diamonds Crystal Clear? (13/06/2000)
The Diamonds Business: Endless quest (18/10/2001)
Regulating the diamonds trade A crook’s best friend (2/01/2003)
Rumours are forever (28/02/2004)
The Cartel isn’t for ever (15/07/2004)
Le Courrier International.com
« Faute de phacochère… » Dossier La Crise Ivoirienne (en ligne, régulièrement mis à jour)
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Malgré Kimberley le diamant africain peine à bifurquer vers la légalité AFP, 16/08/2004
Les diams, le brut et les truands (Vincent Hugeux) L’Express 11/11/1999
Les Pierres de sang : la guerre secrète du diamant (Okba Lamrani) L’Humanité 16/08/2000
63
AlQuaeda traded « blood diamonds » Lucy Jones BBC News Online 21/02/2003
Diamant Propre dès le 1er janvier (Alain Lallemand) Le Soir 6/11/2002
La Chute de l’Ange (François Soudan) L’Intelligent Centrafrique 23/03/2003
Pledge on conflict diamonds accord (N.Degli) Financial Times 1/11/2003
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Affairs (1999), 155-165
5) Documents Officiels
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Programme de la Sécurité Humaine, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce
international du Canada www.humansecurity.gc.ca
Les Diamants de la Guerre ONU, Conseil de Sécurité, Département des affaires politiques,
21/03/2001
« Diamants du Sang : premier but atteint » La Suisse et le Monde 3/2003
Règlement (CE)n° 2368/2002 du Conseil du 20 décembre 2002 mettant en œuvre le processus de
Kimberley pour le commerce international des diamants bruts JO L 47 du 19.2.2002 p8 (les
différents règlements d’exécution sont mentionnés en notes de bas de page)
6) Sites Internet
www.Kimberley process.com
www.Polished stone.com
www.globalwitness.org
www.partenariatafriquecanada.org
http://europa.eu.int/comm/external_relations/kimb/intro/
www.diamonds.net
www.conflictdiamonds.com
www.professionaljeweler.com
www.diamonds.be
http://www.debeersgroup.com
64
ANNEXE 1
source: site web du Processus de Kimberley www. Kimberley process.com
States and regional economic integration organizations who have met the minimum
requirements of the Kimberley Process Certification Scheme as of 9 July 2004* are:
1. Angola
2. Armenia
3. Australia
4. Belarus
5. Botswana
6. Brazil
7. Bulgaria
8. Canada
9. Central African Republic
10. China, People's Republic of
11. Congo, Democratic Republic of
12. Cote D' Ivoire
13. Croatia
14. European Community
15. Ghana
16. Guinea
17. Guyana
18. India
19. Israel
20. Japan
21. Korea, Republic of
22. Laos, People's Republic of
23. Lesotho
24. Malaysia
25. Mauritius
26. Namibia
27. Norway
28. Romania
29. Russian Federation
30. Singapore
31. Sierra Leone
32. South Africa
33. Sri Lanka
65
34. Switzerland
35. Tanzania
36. Thailand
37. Togo
38. Ukraine
39. United Arab Emirates
40. United States of America
41. Venezuela
42. Vietnam
43. Zimbabwe
* soit après l’expulsion du Congo (Brazzaville)
NOTE: The rough diamond-trading entity of Chinese Taipei has also met the minimum
requirements of the KPCS.
66
ANNEXE II
STATISTIQUES DE LA COMMUNAUTE EUROPEENNE
Source : Commission européenne, Direction Générale des Relations Extérieures (information
communiquée sur demande)
Overall
Exports 2003
destination
Destinations
origin
Origin
HS code
HS code
Carat
Carat
Value in US -$
Value in US-$
Armenia
Armenia
Armenia
Canada
Mixed
Mixed
7102.31
7102.21
7102.31
5001,83
45894,42
285430,53
2300211,08
37005,8
106571597,3
67
Armenia
South Africa
Armenia total
7102.31
12,14
336338,92
10926
108919740,2
Australia
Australia
Australia
Australia
Australia total
Australia
Canada
Mixed
Mixed
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
24108,12
815,72
813,73
2106,01
27843,58
2050677,63
143484,62
12754,55
185478,15
2392394,95
Belarus
Mixed
7102.31
2813,18
231383,7
Botswana
Botswana
Botswana
Mixed
Botswana
Mixed
Botswana total
7102.31
7102.21
7102.31
78,14
213,76
11429,73
11721,63
9329,13
5599,09
3825493,45
3840421,67
Brazil
Brazil
Brazil total
Mixed
South Africa
7102.31
7102.21
48,07
500
548,07
410000
1900
411900
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Australia
Australia
Canada
Canada
D.R. Congo
Ghana
Mixed
Mixed
Russian
Federation
South Africa
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
7102.21
7102.21
7102.31
7102.21
365,37
91,87
147,19
18397,23
3537,33
6000
20377,8
23985,74
380,51
12710,54
2205,08
627,65
14702916,66
142533,13
22500
240405,99
14803266,51
29743,09
7102.21
6426,72
79709,76
72522,24
30029430,89
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
37171,29
45871,77
296,64
10245,12
500
7755,45
10831,35
1586566,81
6133613,52
5584,09
167776,88
843153,19
20900,87
793659,94
2000
799828,92
26022,82
3705557,47
700774286,3
558409
7102.21
7102.31
28942,26
45518,68
298876,55
4911077,11
Canada
Canada total
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China
Australia
Australia
Botswana
Canada
D.R. Congo
D.R. Congo
Ghana
Mixed
Mixed
Russian
Federation
South Africa
South Africa
68
China total
7912896,98
712901549,1
Chinese Taipei
Chinese Taipei
Chinese Taipei
Chinese Taipei
Chinese Taipei
total
Mixed
Mixed
South Africa
USA
7102.21
7102.31
7102.21
7102.21
33420,68
13,05
6049,22
1000
40482,95
810656,7
6816,2
87815,36
11000
916288,26
Czech Republic
Czech Republic
Czech Republic
Czech Republic
Czech Republic
Czech
Republic total
Mixed
South Africa
USA
Mixed
South Africa
7102.21
7102.21
7102.21
7102.21
7102.21
410,97
587,96
2000
289,08
189,37
3477,38
3391
11803,49
1400
14206,59
8333,22
39134,3
D.R. Congo
D.R. Congo
7102.31
7575,7
302688,25
Guinea
Guinea
Guinea total
Guinea
Mixed
7102.31
7102.31
16,79
170,26
187,05
35259
572392
607651
Hungary
Mixed
Hungary
South Africa
Hungary total
7102.21
7102.21
19,78
4120,25
4140,03
418,8
280808,89
281227,69
India
India
India
India
India
India
India
India
India
India
India
India
India
India
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.10
7102.21
7102.31
7102.31
79,71
4237024,27
14408,04
348880,49
2090,68
149117,23
2313,45
777,32
770,73
320243,8
3863,54
127535,6
124694812
315465,52
115605,5
53116240,5
10239470,98
40310597,07
40832
2847702,46
245636,12
386265
83233,67
2333810,16
196045,5
327329,72
4555122672
12037049,43
7102.31
7102.21
7102.31
321,6
1108,42
223578,51
130442390,9
69189,54
36883,71
17331517,19
4694840081
India
India
India
India total
Angola
Australia
Botswana
Canada
Congo, Rep. of
D.R. Congo
Ghana
Guinea
Guyana
India
Mixed
Mixed
Mixed
Russian
Federation
Sierra Leone
South Africa
South Africa
69
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel total
Japan
Japan
Japan
Japan
Angola
Australia
Australia
Botswana
Brazil
Canada
Central African
Republic
Central African
Republic
Congo, Rep. of
Cote d'Ivoire
D.R. Congo
D.R. Congo
Guinea
Guyana
Israel
Mixed
Mixed
Namibia
Russian
Federation
Sierra Leone
South Africa
South Africa
Australia
Mixed
Mixed
Russian
Federation
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
481303,77
62303,57
17517,03
2091,7
206,16
297692,87
576,41
98096272,95
15252,86
11070057,37
186600,1
364040,67
109764327,5
738120,89
7102.31
134,65
202757,32
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
7102.31
11329,15
995,48
2086957,04
220687,5
9430,46
62,08
39415,6
312604,49
8488063,02
6348
2412,92
233140,28
1708788,98
22552282,18
26985558,61
11653511,28
156014,56
3122064,89
1158651,9
2261071023
857102,37
493239,76
7102.31
7102.21
7102.31
424,45
62374
105065,11
12207995,46
1127303,49
18513,54
100711647,7
2652286272
7102.21
7102.21
7102.31
7102.31
150,1
70354,67
24596,32
13,74
11257,5
3845723,35
18551076,84
2404,5
95114,83
22410462,19
Japan total
Korea, Rep. of
Korea, Rep. of
Korea, Rep. of
Korea, Rep. of
Korea, Rep. of
Korea, Rep. of
total
Australia
Australia
Korea, Rep. of
Mixed
Mixed
7102.21
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
100
450,06
4,98
35830,63
703,37
37089,04
300
22840,06
3630
1109194,51
65284,28
1201248,85
Laos
Laos
Laos total
Mixed
Mixed
7102.21
7102.31
10468,69
18578,67
29047,36
25707,57
1399784,4
1425491,97
70
Lebanon
Central African
Republic
D.R. Congo
Mixed
South Africa
7102.31
568,85
220019,25
7102.31
7102.31
7102.31
1704,83
13026,57
278,01
15578,26
283576,5
2860135,55
174379,21
3538110,51
Malaysia
Mixed
7102.31
19331,57
3345209,14
Mauritius
Mauritius
Mauritius
Mauritius
total
Mixed
Mixed
South Africa
7102.21
7102.31
7102.31
6778,87
84259,51
234,51
91272,89
36031,51
11145935,91
63662,3
11245629,72
Namibia
Namibia
Namibia total
D.R. Congo
Mixed
7102.31
7102.31
1364,42
6590,6
7955,02
167329,87
3232718,86
3400048,73
Poland
Poland
Poland
Poland
Poland
Poland
Poland
Poland
Poland total
Australia
Botswana
Canada
Ghana
Mixed
Sierra Leone
Sierra Leone
South Africa
7102.21
7102.21
7102.21
7102.21
7102.21
7102.21
7102.31
7102.21
114,01
697,2
878,48
164,63
4654,3
59,34
72,53
2985,47
9625,96
451,1
12837,24
80881,05
23549,5
106454,93
712,08
21759
123176,55
369821,45
Romania
D.R. Congo
Romania
Mixed
Romania
South Africa
Romania total
7102.21
7102.21
7102.21
703,96
2209,15
9957,55
12870,66
5635,85
27048,92
171571,69
204256,46
Russian
Federation
Russian
Federation
Russian
Federation
Russian
Federation
Russian
Federation
total
Australia
7102.21
6026,79
46826,41
Mixed
7102.21
7861,5
101270,6
Mixed
7102.31
15079,55
15629293,73
South Africa
7102.31
1759,2
1061809
30727,04
16839199,74
Lebanon
Lebanon
Lebanon
Lebanon total
71
Sierra Leone
Mixed
Sierra Leone
Sierra Leone
Sierra Leone
Sierra Leone
Sierra Leone
total
7102.31
7102.21
7102.31
169,45
1435,12
3947,43
5552
36315,96
25996,59
1210789,85
1273102,4
Slovenia
Slovenia
Slovenia
Slovenia
7102.21
7102.31
7102.21
7102.21
106,19
392,48
1097,28
34,01
6073,44
54464
30766,84
530,84
7102.21
60,16
1690,12
9625,6
101460,72
7102.21
7102.31
7102.31
7102.31
7102.21
200
143,53
8067,51
2437,45
3900
3550
1814,73
763473,26
80178,35
6865
7102.21
3800
6750
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
7102.21
266,44
17493,4
631123,66
900
75,25
60836,6
107952,89
310728377,9
1575
1316,88
7102.21
7102.31
121,2
9848,06
678376,5
4647,23
8018345,65
319785683,5
Sri Lanka
Canada
Sri Lanka
Mixed
Sri Lanka
Mixed
Sri
Lanka
total
7102.31
7102.21
7102.31
3523,31
2502,61
774705,5
780731,42
378801,65
9824,94
128437168,7
128825795,3
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
7102.21
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
4864,75
21,95
637,8
799,36
1580,36
55864,11
1704542,01
4280,25
176934,59
28734,85
787730,68
329840,55
Slovenia
Slovenia total
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
total
Australia
Guinea
Mixed
Russian
Federation
South Africa
Australia
Australia
Botswana
Canada
Central African
Republic
Central African
Republic
D.R. Congo
Mixed
Mixed
Namibia
Russian
Federation
South Africa
South Africa
Australia
Bostwana
Botswana
D.R. Congo
D.R. Congo
Mixed
72
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
total
Mixed
South Africa
South Africa
Switzerland
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
1243764,32
29,78
7358,11
10,16
1314930,7
177256556,6
4169,2
1145618,62
2133,6
181440541
Tanzania
Tanzania
7102.31
44028,92
4944282,07
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand
Angola
Australia
Botswana
Botswana
Canada
D.R. Congo
Mixed
Mixed
Namibia
Russian
Federation
South Africa
7102.31
7102.21
7102.21
7102.31
7102.31
7102.21
7102.21
7102.31
7102.31
7102.31
2410,76
152,89
909,61
356496,76
10894,52
600
49745,08
497092,24
3668,37
171609,56
635971,16
1528,9
3502
61730117,19
3208529,95
2400
139299,11
85102333,47
505498
27056860,19
7102.31
204029,76
1297609,55
29220078,15
207606118,1
Tunisia
Mixed
7102.31
2409,07
482806,23
Turkey
South Africa
7102.21
771,82
9046,32
Ukraine
Ukraine
Ukraine
Ukraine total
Canada
Mixed
Mixed
7102.31
7102.21
7102.31
687,9
400
349006,2
350094,1
326936,3
23000
32258295,67
32608231,97
Arab Australia
7102.31
1253459,22
25007224,84
Arab Canada
7102.31
944,14
37329
Arab D.R. Congo
7102.31
4096,04
176129,72
Arab Mixed
7102.21
53704,07
12078,02
Arab Mixed
7102.31
5986202,54
183208482,3
Arab Russian
Federation
Arab Sierra Leone
7102.21
10000
25000
7102.31
19,95
8000
Thailand
Thailand total
United
Emirates
United
Emirates
United
Emirates
United
Emirates
United
Emirates
United
Emirates
United
Emirates
73
United
Arab South Africa
7102.31
Emirates
United
Arab United
Arab 7102.31
Emirates
Emirates
United Arab
Emirates total
5063,28
3508834,52
2417,46
397413,2
7315906,7
212380491,6
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
7102.31
1201,44
50845,03
6445,76
2401,19
942,7
1875,92
3175,94
12517,55
2384,18
1491041,72
862165,88
5126693,71
99573,73
1209286,5
17677,56
4463171,02
15938966,89
581861,75
7102.31
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
45,07
234,71
6,18
31525,94
14938,84
11062,17
7114,13
2853,93
15,9
1421825,07
693983,18
149281,03
630,1
53746,32
214070
514309
19974
780425,88
26589230,65
194636,15
95610,23
7227414,57
69856
16712702,59
159559901,6
517391,8
106893,11
652869,37
Angola
Australia
Australia
Botswana
Botswana
Brazil
Brazil
Canada
Central African
Republic
Congo, Rep. of
Congo, Rep. of
Cote d'Ivoire
D.R. Congo
D.R. Congo
Ghana
Ghana
Guinea
Guyana
Mixed
Mixed
Namibia
Namibia
Russian
Federation
Russian
Federation
Sierra Leone
South Africa
South Africa
USA
7102.31
18216,28
7074579,01
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
699,14
58146,66
57850,15
1311,21
2605275,72
2243595,97
946200,95
125572638,3
1658450,29
380541188,2
Venezuela
Mixed
7102.31
1,78
445
Vietnam
Vietnam
Vietnam total
Mixed
Mixed
7102.21
7102.31
11107,46
92107,16
103214,62
40700,98
16419799,21
16460500,19
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA total
74
Overall Exports 2003
destination
Destination
carat
Carat
Value in US-$
Value in US-$
Armenia
Australia
Belarus
Botswana
Brazil
Canada
China
Chinese Taipei
Czech Republic
D.R. Congo
Guinea
Hungary
India
Israel
Japan
Korea, Rep. of
Laos
Lebanon
Malaysia
Mauritius
Namibia
Poland
Romania
Russian Federation
Sierra Leone
Slovenia
South Africa
Sri Lanka
Switzerland
Tanzania
Thailand
Tunisia
Turkey
Ukraine
United Arab Emirates
USA
Venezuela
Vietnam
336338,92
27843,58
2813,18
11721,63
548,07
79709,76
7912896,98
40482,95
3477,38
7575,7
187,05
4140,03
130442390,9
12207995,46
95114,83
37089,04
29047,36
15578,26
19331,57
91272,89
7955,02
9625,96
12870,66
30727,04
5552
1690,12
678376,5
780731,42
1314930,7
44028,92
1297609,55
2409,07
771,82
350094,1
7315906,7
2605275,72
1,78
103214,62
165927327,2
108919740,2
2392394,95
231383,7
3840421,67
411900
30029430,89
712901549,1
916288,26
39134,3
302688,25
607651
281227,69
4694840081
2652286272
22410462,19
1201248,85
1425491,97
3538110,51
3345209,14
11245629,72
3400048,73
369821,45
204256,46
16839199,74
1273102,4
101460,72
319785683,5
128825795,3
181440541
4944282,07
207606118,1
482806,23
9046,32
32608231,97
212380491,6
380541188,2
445
16460500,19
9758439334
Overall Imports
75
2003
Provenance
Provenance
origin
Origin
HS code
HS code
Carat
Carat
Value in US-$
Value in US-$
Angola
Angola
7102.31
896235,03
184210166,8
Armenia
Armenia
Armenia
Armenia total
Armenia
Canada
Mixed
7102.31
7102,31
7102.31
13888,67
346,71
90827,21
105062,59
1680646,82
120792,56
2358865,79
4160305,17
Australia
Australia
Australia
Australia
Australia
Australia
Australia total
Australia
Australia
Australia
Canada
Canada
Mixed
7102.10
7102.21
7102.31
7102.10
7102.31
7102.31
3141,43
1973113,91
28917304,4
64037,79
735,92
4006,02
30962339,47
84124
1475365,18
369004319,1
5440010,26
127586,64
617025
376748430,1
Botswana
Botswana
Botswana
Botswana
Botswana total
Botswana
Botswana
Mixed
Mixed
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
3527218,9
23120728,73
305203,46
1181018,33
28134169,42
88190317,85
1912852461
135543,32
109710986,1
2110889308
Brazil
Brazil
Brazil
Brazil
Brazil total
Brazil
Brazil
Brazil
Mixed
7102.10
7102.21
7102.31
7102.31
45818,29
18398,6
77800,01
15711
157727,9
5135884,44
237114,99
6868987,01
3750000
15991986,44
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada total
Canada
Canada
Canada
D.R. Congo
Mixed
Mixed
South Africa
7102.10
7102.21
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
5360463,54
2619321,22
1291473,43
3269,36
86,31
966,83
36,06
9275616,75
641812346,8
269523609,7
116624129,4
141193,28
6045,05
232716,71
5156,58
1028345197
129021,96
20980064,66
40253,6
2139356
129173,34
20727925,27
Central African Central African 7102.10
Republic
Republic
Central African Central African 7102.21
Republic
Republic
Central African Central African 7102.31
Republic
Republic
76
Central African Mixed
Republic
Central African Mixed
Republic
Central African Mixed
Republic
Central African
Republic total
7102.10
106,55
64772,5
7102.21
1375,04
50991,68
7102.31
2441,09
345689,8
302371,58
44308799,91
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China
China total
Angola
Canada
China
D.R. Congo
D.R. Congo
EC
India
Israel
Mixed
Mixed
Mixed
Russia
Russia
South Africa
South Africa
South Africa
7102.31
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.10
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.10
7102.21
7102.31
269,13
5975,2
24,37
341,82
123,26
4503,9
61956,66
62204,25
136406,396
772176,68
3203714,247
2187791
587063,51
15123,77
42538,36
309396,38
7389608,933
25032,82
418264
1187,82
22593,3
55873
9026,42
734824,35
2243558,57
957107,9
4545264,83
100740867
9133775,68
9441885,14
733141,19
227038,45
32261002,37
161550442,8
Chinese Taipei
Mixed
Chinese Taipei
South Africa
Chinese Taipei
total
7102.21
7102.21
578,33
68,75
647,08
36824,54
6394,9
43219,44
Congo, Rep. of
Congo, Rep. of
Congo, Rep. of
Congo, Rep. of
Congo, Rep. of
total
7102.21
7102.31
897818,48
689447
1587265,48
1111524
16038828,15
17150352,15
D.R. Congo
D.R. Congo
D.R. Congo
D.R. Congo
D.R. Congo total
7102.21
7102.31
9440018,28
12982723,4
22422741,68
86281694,44
395634886,6
481916581
Ghana
Ghana
Ghana total
Ghana
Ghana
7102.10
7102.31
361890,88
314024,59
675915,47
8159999,12
8123092,83
16283091,95
Guinea
Guinea
7102.21
334,05
2672,4
77
Guinea
Guinea
Guinea total
Guinea
Mixed
7102.31
7102.31
500173,94
29375,91
529883,9
37211295,94
1134587,28
38348555,62
Guyana
Guyana
Guyana
Guyana total
Guyana
Guyana
Mixed
7102.10
7102.31
7102.10
151324,86
66699,86
693,22
218717,94
11278611,43
5108631,11
34661
16421903,54
Hungary
South Africa
7102.21
506,18
46925,7
India
India
India
India
India
India
India
India total
Ghana
Ghana
India
India
Mixed
Mixed
Mixed
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.10
7102.21
7102.31
18900
8431,16
197851,87
1599255,95
396071,78
433907,01
8208218,55
10862636,32
3780
25541,75
183779,4
20735563,96
112625,63
192358,29
107790267,8
129043916,8
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel
Israel total
Angola
Canada
Israel
Mixed
Mixed
South Africa
7102.31
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
72436,21
557,07
2203900,42
933164,04
11575894,27
2426,11
14788378,12
15563462
89588,02
188029219,6
6359207,46
1058123845
4312179,5
1272477502
Japan
Japan
Japan
Japan
Japan
Japan total
Australia
Ghana
Japan
Mixed
Mixed
7102.21
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
47,01
2881,6
1145,4
20224,27
9312,41
33610,69
0
0
627901,85
491293,01
799551,41
1918746,27
Korea, Rep. of
Korea, Rep. of
Korea, Rep. of
Korea, Rep. of
Korea, Rep. of
total
EC
Mixed
Mixed
South Africa
7102.21
7102.10
7102.21
7102.21
200
45,6
3086,33
791,32
4123,25
4300
136,8
171400,94
22783,23
198620,97
Laos
Mixed
7102.31
195,34
17598,49
Lesotho
Lesotho
7102.10
309,68
2666791
78
Mauritius
Mauritius
Mauritius
Mauritius total
Mauritius
Mixed
Mixed
7102.31
7102.21
7102.31
1422,77
806,59
6805,45
9034,81
137497,76
403,29
598230,71
736131,76
Namibia
Namibia
Namibia total
Mixed
Namibia
7102.31
7102.31
119887,9
1080036,78
1199924,68
31935224,95
336857156,6
368792381,5
Russia
Russia
Russia
Russia
Russia total
Mixed
Mixed
Russia
Russia
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
9629473,94
3802251,51
7386679,84
8668772,79
29487178,08
2001975,14
233873247,3
3051250,72
491991506,3
730917979,5
Sierra Leone
Sierra Leone
Sierra Leone
Sierra Leone
Sierra Leone
Sierra
Leone
total
Mixed
Mixed
Sierra Leone
Sierra Leone
Sierra Leone
7102.21
7102.31
7102.10
7102.21
7102.31
292,51
640,91
2877,85
136199,24
331324,24
471334,75
29320,75
255663,46
609054,19
3242279,86
65023039,55
69159357,81
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South Africa
South
Africa
total
Australia
Canada
Canada
EC
EC
Mixed
Mixed
South Africa
South Africa
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
676,11
1035,09
98,23
30630,11
1018673,63
240,66
349,07
420184,88
9591952,18
11063839,96
338919
7885,88
4911,25
8475,1
66092068,69
6279,28
443971
5885698,33
965211689,4
1037999898
Sri Lanka
Sri Lanka
Sri Lanka
Sri Lanka total
Canada
Mixed
Mixed
7102.31
7102.21
7102.31
330,79
4941
487976,79
493248,58
31256,15
367569,58
60923922,83
61322748,56
Switzerland
Switzerland
Australia
Central African
Republic
Congo, Rep. of
Congo, Rep. of
D.R. Congo
7102.21
7102.31
291,1
20,13
19680,29
31275
7102.21
7102.31
7102.21
22261,65
13020,36
10,6
754915
3774573
636
Switzerland
Switzerland
Switzerland
79
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
Switzerland
total
D.R. Congo
Guyana
Guyana
Mixed
Mixed
Namibia
Russia
South Africa
Switzerland
Switzerland
Tanzania
7102.31
7102.10
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
7102.31
1602,39
8300,04
47485,64
152078,29
2775001,93
2398,74
285288,95
30731,42
129,92
74622,99
112725,16
3525969,31
788935,93
1140810
6727946,99
2170477
237574391
1036297
7700000
9548895,77
2338,56
1951353,65
11829721,15
285052246,3
Tanzania
Tanzania
Tanzania
Tanzania
Tanzania total
Mixed
Tanzania
Tanzania
Tanzania
7102.10 & 21
7102.10
7102.21
7102.31
22244,95
103775,84
68199,2
1317,55
195537,54
3114293
12235905,76
9390024,87
113575,5
24853799,13
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand
Thailand total
Botswana
Botswana
Mixed
Russia
South Africa
Thailand
7102.10
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
7102.31
117,49
105750,79
167129,503
42289,88
61209,94
7129,14
383626,743
34,85
10550317,7
19708823,93
4993635,96
7951508,31
1187426,6
44391747,35
Togo
Togo
Togo
Togo total
Mixed
Togo
Togo
7102.31
7102.10
7102.31
54899,862
65085,85
22058,34
142044,052
3642019,73
3280500
1313500
8236019,73
Ukraine
Ukraine
Ukraine total
Mixed
Ukraine
7102.31
7102.31
3574,48
303,5
3877,98
69819,6
3035
72854,6
United
Arab Mixed
Emirates
United
Arab Mixed
Emirates
United
Arab
Emirates total
7102.21
40345,73
3209645,65
7102.31
6260204,43
567601868,2
6300550,16
570811513,8
USA
USA
7102.21
7102.21
2286,76
6757,2
27371,46
222050,22
Australia
Botswana
80
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA
USA total
Botswana
Canada
D.R. Congo
D.R. Congo
Ghana
Guyana
Mixed
Mixed
Mixed
Namibia
Russia
Sierra Leone
South Africa
South Africa
South Africa
USA
7102.31
7102.31
7102.21
7102.31
7102.21
7102.31
7102.10
7102.21
7102.31
7102.21
7102.21
7102.31
7102.10
7102.21
7102.31
7102.31
10106,85
146,04
343,95
22,89
341,89
18230,63
504614,75
706310,74
1100259,526
21397
3628,38
12,24
697,97
6,57
3448
3158,9
2381770,286
566634,22
182858
34848,61
111000
16023,75
2177650
52991161,79
7877682,09
69013445,47
2200
29249,25
250000
423081,29
1107,63
4406532,06
153231,46
138486127,3
Venezuela
Venezuela
Venezuela total
Venezuela
Venezuela
7102.21
7102.31
2496,45
3016,98
5513,43
64990,47
234839,93
299830,4
Vietnam
Vietnam
Vietnam total
Mixed
Mixed
7102.10
7102.31
2496,46
2714,644
5211,104
9944,81
263848,69
273793,5
7102.10
7102.31
17570,96
9300,1
26871,06
1450000
767000
2217000
Zimbabwe
Zimbabwe
Zimbabwe
Zimbabwe
Zimbabwe total
Overall Imports 2003
81
ANNEXE III PRINCIPAUX PAYS PRODUCTEURS DE DIAMANTS
( production minière 2003 en millions de carats – gemmes et diamants industriels)
BOTSWANA
30.4
RUSSIE
19.0
CANADA
11.2
SOUTH AFRICA
12.8
ANGOLA
5.5
CONGO (Dem Rep) 25.0
NAMIBIA
1.5
AUSTRALIA
31.0
SOUTH AMERICA 0.8
OTHER
2.5
(Source: Department of Minerals and Energy South Africa, in The Economist, 15/06/2004)
82
Centre Européen de Recherche Internationale et Stratégique
Ceris was established in 1985 on the initiative of a group of university professors,
diplomats and senior civil servants. The objective was to promote post graduate education and
research in the field of international relations.
In 1988 Ceris introduced a Master of Arts in International Politics. Over the years,
Ceris has created intensive courses, entitled Post Graduate Certificates and devoted to EU
external relations, conflict prevention & conflict management, security in the Mediterranean and
the Middle East. Finally, Ceris will shortly be introducing a new Master of Arts in
Development Policy Implementation and Governance.
The courses offered are all part-time and organised on Friday evenings and Saturday
mornings. They are given in English, though certain courses on the MA in International Politics
are delivered in French. Currently, it is also possible to follow the
MA in International Politics as part of a ‘distance learning’ programme, with this format being
set to develop in the years to come.
The education that Ceris provides is distinctive in two respects. First of all, it offers a
very high level of university education organized in partnership with leading european
universities, in particular the Collège d’Etudes Interdisciplinaires de l’Université Paris Sud that
sponsors the Master of arts in International politics. The quality of the education owes much to
the team of invited lecturers. Over the years, Ceris has developed a network of EU or Nato key
experts and professors drawn from universities renowned for their excellence. For this reason, it
boasts a first rate academic team that few universities would be in a position to offer. Each year
the MA in International Politics course is run by thirty or so experts, notably from the London
School of Economics and Political Science, the Universities of Oxford, Cambridge, Warwick,
Kings College in London, l’Institut d’Etudes Politiques in Paris, l’Institut Universitaire de
Hautes Etudes Internationales, Geneva and American universities, such as Johns Hopkins.
The second special feature lies in Ceris' international audience. Those following the
courses come from around forty different countries. Two thirds are from European Union
Member States or countries applying for membership, with the third coming from North and
South America, Sub-Sahara Africa, South and East Asia. More than 85% of them have a
professional occupation. The largest group is made up of civil servants from European
institutions (the European Commission, Parliament, Council, the European Social and Economic
Committee, Committee of the Regions). Then there are diplomats posted in Brussels and
working either in bilateral embassies or in missions or permanent representations. Senior
managers from the private sector working in lobbying or for interest groups, most frequently in
conjunction with the European Commission or Parliament, make up the third significant group.
Finally, there are members of staff from NGO’s and foreign journalists accredited by the
European Union or Nato. Sixty percent of attendees are aged between 25 and 34, though students
aged 35 and over account for twenty-five to thirty percent. We should add that Ceris each year
reserves several places for graduates fresh from university, who are destined for international
careers.
83
Ceris Research Papers
All Ceris Papers can be accessed via the website : www.ceris.be
n°1 Hydropolitics of the Tigris-Euphrates River Bassin with
implications for the European Union
Murray Biedler, 2004
n°2 Le Processus de Kimberley et les diamants de la guerre
Philippe Renaudière, 2004
n°3 Natural Gas on the Balkan
Eberhard Röhm-Malcotti, 2005
n°4 The United States of American’s Global War on Terror in
Iraq : International Humanitarian Law Approaches
Vanhullebusch Matthias, 2006
n°5 Fueling the Future: alternative energies, economic
concequences and geopolitical changes
Ana Ochôa, 2006
n°6 New Foreign Policy of Lithuania After Membership
in E U and Nato
Jurgis Gurstis, 2006
n°7 Existential Anxiety or Age of Sacred Terror?
Peter J. Scammell, 2006
n°8 The European Union as a CFSP Actor in Georgia :
can the EU still do more?
Tea Akhvlediani, 2007
84