Les structures de gestion des opérations électorales : le cas de la

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Les structures de gestion des opérations électorales : le cas de la
Les structures de gestion des opérations électorales :
le cas de la CENI au Mali
KASSOUM TAPO
Ancien Bâtonnier
Ancien Président de la Commission
électorale nationale indépendante du Mali (CENI)
I.– CRÉATION, COMPOSITION, ATTRIBUTIONS, DÉMEMBREMENTS,
MODES ET MOYENS DE FONCTIONNEMENT
A.– Contexte de création
Au lendemain des élections générales de 1992, (municipales, législatives et présidentielles), organisées par
l’Administration à l’issue d’une transition démocratique réussie, jugée exemplaire tant par l’opinion nationale
qu’internationale, les partis politiques de l’opposition parlementaire malienne ont, pour la plupart, déclaré accepter les résultats desdites élections, et reconnaître la légitimité des institutions qui en sont issues et cela, selon eux,
pour la sauvegarde de la démocratie de la paix et de l’État de droit.
Ces élections ont donné naissance à la 3ème République présidée par le Président Alpha Omar Konaré. Celuici a donc bénéficié, dès le départ, de l’adhésion quasi-unanime de tous les partis politiques. Il a pu ainsi, conformément à ses promesses électorales, mettre en œuvre un concept qui lui était cher, la gestion concertée du pouvoir,
par la formation d’un gouvernement de large ouverture, avec la participation de la plupart des partis politiques de
l’opposition.
Cette gestion concertée du pouvoir s’est concrétisée à travers le Pacte républicain élaboré et proposé à l’ensemble de la classe politique par le Président Konaré qui va pouvoir, de 1992 à 1994, présider aux destinées de la
nouvelle démocratie malienne dans un contexte politique totalement apaisé.
À partir de 1994, les agitations scolaires et estudiantines ainsi que différentes crises sociales qui sont les conséquences de la détérioration des conditions de vie des populations, aggravée par la dévaluation du franc CFA, vont
contribuer à exacerber les tensions politiques.
En février 1994, les partis politiques de l’opposition qui participaient au gouvernement se sont retirés.
Le climat politique se durcit et les partis politiques commencent déjà à penser à l’alternance et à s’interroger
sur les conditions d’organisation d’élections transparentes et démocratiques à l’issue du 1er mandat du président
Konaré. Leur principale revendication va porter sur la création d’une structure indépendance de gestion des opérations électorales, marquant ainsi leur défiance par rapport à l’administration jugée partisane.
Les concertations pour l’élaboration d’une loi électorale consensuelle qui commencent entre les protagonistes
dès 1995, vont s’enliser jusqu’en novembre 1996 où l’opposition, face à l’échec de l’intercession de la société
civile, notamment, les confessions religieuses, l’AMDH (Association Malienne des droits de l’Homme) et des différentes chancelleries, va solliciter la médiation du barreau, pour l’élaboration d’un code électoral consensuel.
Cette médiation, acceptée par les partis politiques de la majorité sous l’égide du barreau, sera unanimement
saluée par l’ensemble de la classe politique et elle aboutira à l’adoption de la loi n° 97-008 du 14 janvier 1997 portant code électoral. Cette loi portant code électoral a été qualifiée, à juste titre, de loi consensuelle car, ayant été
discutée et élaborée point par point, sous l’égide du barreau, par l’ensemble des partis politiques de l’opposition
et de la majorité qui se sont mis d’accord sur le mode de scrutin, la création d’une Commission électorale nationale Indépendante (qui semblait également être une exigence des partenaires au développement pour appuyer le
processus électoral), sa composition, ses attributions, son mode de fonctionnement etc...
B.– Composition et attributions
1. Composition
Aux termes de la loi n° 97-008 du 14 janvier 1997 (article 4), la Commission Électorale Nationale Indépendante
(CENI) comprenant 30 membres reconnus pour leur probité , leur bonne moralité et leur impartialité est composée comme suit :
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– huit membres représentant l’administration et désignés par le gouvernement ;
– sept membres désignés par les partis politiques de la majorité parlementaire ;
– sept membres désignés par les partis politiques de l’opposition parlementaire ;
– un membre pour le bureau de l’AMUPI (Association Malienne pour l’Unité et le Progrès de l’Islam) ;
– un membre pour l’Église catholique ;
– un membre pour l’Association des Groupements d’Églises et Missions Protestantes Évangéliques au Mali
(AGEMPEM) ;
– un membre pour le Bureau du Conseil de l’Ordre des Avocats ;
– un membre pour le Syndicat Autonome de la Magistrature ;
– un membre pour le bureau de l’Association Malienne des droits de l’Homme (AMDH) ;
– un membre pour le Bureau de la Section Malienne de la Ligue Africaine des droits de l’Homme ;
– un membre pour le bureau de la Coordination des Associations et Organisations Féminines (CAFO).
C’est donc l’ensemble de la société malienne (administration, classe politique, société civile) qui est représentée au sein de la CENI qui va se substituer totalement au Ministère de l’Administration Territoriale pour la gestion des opérations électorales. On note une représentation égalitaire des partis politiques de l’opposition (7 membres)
et de la majorité (7 membres).
2. Attributions
Aux termes de l’article 10 de la loi n° 97-008 du 14 janvier 1997, la Commission Électorale Nationale Indépendante
(CENI) a pour attributions
– la préparation technique et matérielle des opérations référendaires et électorales ;
– l’organisation matérielle des élections ;
– l’élaboration de procédures et actes pouvant assurer la régularité des opérations électorales ;
– la formation des agents électoraux ;
– la supervision et le contrôle des opérations de vote à l’occasion des élections législatives et communales ;
– la préservation de la sécurité des opérations électorales ;
– la centralisation et la proclamation des résultats provisoires ;
– l’acheminement des procès-verbaux des consultations référendaires, législatives et présidentielles à la Cour
constitutionnelle ;
– la gestion des observateurs nationaux et internationaux ;
L’article 11 de la loi précise qu’au titre des attributions définies à l’article 10, la Commission Électorale Nationale
Indépendante est chargée de :
– la confection et la vérification des listes électorales ;
– du contrôle du logiciel du fichier électoral informatisé ;
– la gestion du fichier électoral informatisé ;
– la désignation des membres des Commissions administratives chargées de la révision des listes électorales ;
– la détermination de la forme des bulletins de vote et de leur contenu ;
– l’impression et la distribution des cartes d’électeur ;
– la nomination des membres de la commission de distribution des cartes d’électeur ;
– l’enregistrement des candidatures aux élections communales et la transmission à la Cour constitutionnelle
des candidatures aux élections législatives ;
– la détermination des bureaux de vote, la désignation des présidents de bureaux de vote et des assesseurs ;
– l’évaluation, la commande, la réception et la mise en place de l’ensemble du matériel électoral (urnes, isoloirs, fournitures etc.) ;
– l’impression des bulletins de vote, la confection des enveloppes et leur mise en place.
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La CENI a été conçue comme une véritable administration électorale indépendante chargée de l’organisation
matérielle de toutes les élections, de leur supervision et leur contrôle (sauf pour les élections présidentielles dont
la supervision et le contrôle sont assurés par la Cour constitutionnelle) et de la centralisation et la proclamation
des résultats provisoires.
La mission de la CENI prend fin 3 mois après la clôture du dernier scrutin.
Les modes et les moyens de fonctionnement de cette structure totalement chargée de la gestion des opérations
électorales sont également définis par la loi.
C.– Modes et moyens de fonctionnement
Les démembrements de la CENI dont la mise en place est assurée par la Commission elle-même sont :
– au niveau de la Région et du District de Bamako, la Commission électorale régionale composée de dix-huit
membres ;
– au niveau du Cercle, la Commission électorale composée de 12 membres ;
– au niveau de la Commune, de l’Ambassade ou du Consulat : la Commission électorale communale, d’Ambassade
ou de Consulat composée de six membres.
Une décision de la CENI (article 8 alinéa 2 de la loi électorale) consacre la désignation des membres des
Commissions Électorales Régionale, Locale, Communale, d’Ambassade ou de Consulat.
Le règlement intérieur des démembrements fixant leur mode de fonctionnement a été élaboré et adopté par la
CENI par délibération n° 97-004/AP du 7 février 1997.
Les démembrements accomplissent leur mission sous le contrôle et la supervision de la CENI dont ils exécutent les décisions. Ils sont, les uns par apport aux autres, dans un lien hiérarchique et de subordination.
Chaque démembrement dispose d’un service administratif autonome. La CENI et l’ensemble de ses démembrements sont donc totalement autonomes sur le plan administratif.
Sur le plan budgétaire, également, la CENI jouit de l’autonomie de gestion (article 17 de la loi électorale).
L’article 17 de la loi précise que la CENI dispose d’un budget de fonctionnement et exécute le budget des élections dont l’ordonnateur est son Président.
La CENI comprend un bureau dirigé par le Président, assisté par deux (2) Vice-Présidents (dont le 1er VicePrésident représentant de la majorité parlementaire et le 2ème Vice-Président représentant de l’opposition), un questeur, un rapport général et quatre Sous-commissions :
– la Sous-commission administration et formation ;
– la Sous-commission logistique ;
– la Sous-commission contrôle ;
– la Sous-commission sécurité, dont les Présidents sont également membres du bureau. La loi confère au
Président de la CENI, outre ces pouvoirs de direction, des prérogatives particulières notamment en matière de révision exceptionnelle des listes électorales qu’il peut ordonner à tout moment (article 31 de la loi électorale).
La Sous-commission administration et formation constitue la cheville ouvrière de la Commission : c’est elle
qui est chargée notamment de l’élaboration du chronogramme des opérations électorales et de la préparation technique de la plupart des décisions de la CENI.
D.– Statut de la CENI et des ses démembrements, nature et portée de leurs décisions
La CENI à laquelle sont conférées l’organisation et la gestion des opérations référendaires et électorales est
totalement indépendante. Son indépendance est matérialisée et consacrée légalement par son autonomie administrative et budgétaire. Ses différents démembrements ne relèvent que de sa seule autorité. Elle met à leur disposition les ressources dont ils ont besoin pour le fonctionnement et l’exécution des opérations électorales.
Les décisions de la CENI sont prises à la majorité absolue de ses membres exceptée la décision d’adoption du
règlement intérieur qui exige la majorité des 2/3 de ses membres (art. 15 de la loi électorale). En pratique, toutes
ses décisions ont été prises par consensus.
La CENI et ses démembrements prennent en amont, pendant et après le scrutin, toutes décisions de portée
générale ou spécifique de nature à assurer la régularité des opérations électorales (art. 10 de la loi électorale).
La Commission Électorale Régionale prend toutes les décisions nécessaires pour le suivi et la supervision de
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l’ensemble des opérations électorales de son ressort. Elle fixe par décision l’emplacement et le ressort des bureaux
de vote sur la base des propositions des commissions électorales locales.
La Commission Électorale locale prend les décisions de nomination des présidents des bureaux de vote et des
assesseurs.
La Commission Électorale Communale, d’Ambassade ou de Consulat décide de la mise en place des commissions administratives chargées de la révision des listes électorales et elle prend les décisions de rectification
nécessaires sous le contrôle du juge judiciaire.
D’une manière générale, la CENI et ses démembrements ont plénitude de compétence pour tout ce qui concerne
l’organisation et la gestion des opérations électorales, leur supervision et leur contrôle.
Il faut reconnaître que la première CENI au Mali a bénéficié sur le plan juridique, administratif, et budgétaire
de tous les moyens nécessaires à la gestion des opérations électorales.
Cependant, elle a été confrontée en pratique à d’énormes difficultés qui ont fait que son bilan est apparu assez
mitigé à un point tel qu’une partie de la classe politique a demandé sa dissolution pure et simple. L’expérience de
la CENI malienne nous paraît offrir le meilleur exemple de réflexion sur l’avenir des Commissions électorales.
II.– BILAN ET PERSPECTIVES
L’expérience de la CENI malienne montre bien que les Commissions Électorales ne sont pas une panacée pour
la réussite d’un processus électoral démocratique accepté par l’ensemble de la classe politique. Celle-ci, dans toutes
ses composantes, opposition et majorité, était représentée au sein de la CENI aux côtés de l’administration et de
la société civile.
Cette représentation de toutes les catégories politiques, sociales et administratives devait constituer la meilleure
garantie de transparence et un gage de réussite dans la gestion des opérations électorales.
Bien au contraire, malgré des ressources humaines et les énormes moyens financiers mis à sa disposition, la CENI,
a été confortée à d’énormes difficultés dans l’organisation du premier scrutin législatif qui s’est déroulé le 13 avril 1997.
Il est vrai qu’elle n’a pas disposé du temps nécessaire pour la préparation de ce scrutin, ce qui a constitué son
premier handicap (le bureau de la CENI a été effectivement mis en place le 27 janvier 1997 alors que le calendrier électoral fixait le 1er tour des élections législatives au 9 mars 1997, reporté au 13 avril – voir point II des
Différentes Étapes Techniques du Scrutin)
L’informatisation des listes électorales (décidée par le Ministère de l’Administration Territoriale et confiée à
la Société CITA informatique bien avant la mise en place de la CENI), a été un véritable fiasco. Le fichier électoral qui devait être confectionné par cette société était incomplet et inexploitable. Les listes électorales informatiques qu’elle a confectionnées n’étaient pas terminées à 50 % à la date du scrutin et comportaient énormément
d’erreurs et de multiples doubles inscriptions ; les cartes d’électeur confectionnées à partir de ce fichier électoral
comportaient inévitablement les mêmes erreurs et les mêmes insuffisances.
Il est également vrai que ces difficultés ont été aggravées par des actes de sabotage de la part d’une partie de
la classe politique composée des partis politiques qui n’étaient pas prêts pour participer aux élections, et aussi il
faut le reconnaître, de la part de l’administration qui n’a certainement pas apprécié d’être dépouillée de toutes ses
prérogatives en matière de gestion des opérations électorales au profit de la CENI.
Toutes ces insuffisances (absence de listes électorales, mauvaises listes électorales, mauvaises cartes, manque
de matériels dans certains bureaux de vote, retard dans leur acheminement, retard dans l’ouverture des bureaux de
vote, absence des agents électoraux dans certains bureaux etc.) ont conduit à l’annulation pure et simple du scrutin du 13 avril 1997 par la Cour Constitutionnelle.
Après cette décision, une partie de l’opposition a décidé de retirer ses représentants de la CENI et de boycotter la suite du processus électoral.
Or, en toute logique, la responsabilité de l’échec du scrutin du 13 avril devrait être assumée par l’ensemble de
la classe politique représenté au sein de la CENI puisque tous ont participé sans réserves à toutes les étapes techniques des scrutins.
Tirant les leçons des insuffisances et des défaillances dans l’organisation du scrutin du 13 avril, la CENI,
dépouillée d’une partie des représentations de l’opposition (5/7) soit une composition réduite de 30 à 25 membres,
procédera à la reprise manuelle des listes électorales, la confection de nouvelles cartes électorales, la formation de
nouveaux agents électoraux, améliorant ainsi très nettement les conditions de l’élection présidentielle qui s’est
déroulée le 11 mai 1997, et ensuite des élections législatives reprises le 20 juillet de la même année (1er tour) et le
3 août 1997 (2ème tour).
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L’organisation correcte de ces deux scrutins ainsi que du scrutin des municipales urbaines du 21 juin 1998, fait
que l’on peut dire que le bilan de la première CENI malienne est globalement positif.
Tirant les leçons de cette première expérience, le gouvernement a fait adopter par l’Assemblée Nationale, une
nouvelle loi électorale pour terminer les élections municipales rurales (682 communes) instituant une CENI dont
les missions se réduisent au suivi et à la supervision des opérations électorales organisées désormais par le Ministère
de l’Administration Territoriale.
Cette CENI a été également considérablement réduite dans sa composition et dans celle de ses démembrements. Il faut reconnaître que les attributions de la première CENI étaient énormes ; mais la deuxième CENI s’est
révélée être une coquille vide, sans autonomie financière, totalement dépendante de l’administration avec des missions de suivi et de supervision, vagues et superficielles. Sans doute faut-il s’orienter à l’avenir vers une formule
consistant à mettre en place une structure électorale allégée, indépendante et permanente, chargée notamment de
la confection et de la vérification des listes électorales permanentes, des cartes d’électeur et de la logistique électorale, et une Commission Indépendante composée de l’ensemble des protagonistes politiques mise en place suffisamment à temps avant les échéances électorales, chargée du suivi, de la supervision et du contrôle des opérations
électorales dont l’organisation matérielle serait confiée à l’administration.
Mais ce n’est pas non plus une panacée !
La bonne foi des acteurs politiques participant à la conduite du processus électoral reste un facteur essentiel
dans le déroulement des opérations électorales. Il est inconcevable que des partis politiques ayant, à travers leurs
représentants, participé à la confection du fichier électoral, à la confection et à la distribution des cartes d’électeurs, etc., remettent en cause la sincérité et la transparence des opérations auxquelles ils ont entièrement et pleinement participé et contestent souvent avec violence les résultats du scrutin après avoir pris part, sans protestations
ni réserves à toutes les étapes techniques de sa préparation.
III.– LES DIFFÉRENTES ÉTAPES TECHNIQUES DU SCRUTIN
A.– Opérations préparatoires
1. Chronogramme
La Commission Électorale Indépendante (CENI) instituée par la loi du 14 janvier 1997 a été effectivement
mise en place le 27 janvier 1997. Le 1er tour des élections législatives, qu’elle était chargée d’organiser, était prévu
le 9 mars 1997.
Vu les nombreuses attributions qui lui sont conférées par la loi, la CENI a chargé la Sous-commission administration et formation, de l’élaboration d’un chronogramme, des opérations et actes à réaliser pour la bonne réussite du scrutin.
La Sous-commission administration et formation s’est très vite rendue à l’évidence : l’impossibilité matérielle
d’organiser le 1er tour des élections législatives pour le 19 mars ; ainsi, la CENI fut contrainte de proposer au gouvernement un report.
Après la dissolution de l’Assemblée Nationale par le Président de la République, la date ultime pour organiser les élections législatives en restant dans les délais constitutionnels étaient le 13 avril 1997. La CENI a adapté
son chronogramme à ce calendrier.
Les tâches essentielles faisant l’objet de ce chronogramme étaient les suivantes :
– mise en place des démembrements de la CENI au niveau régional, local et communal ainsi qu’au niveau des
Ambassades et des Consulats ;
– l’élaboration des programmes et stratégies de formation ;
– la formation des membres de la CENI, de ses démembrements, des agents électoraux et des observateurs
nationaux ;
– la sensibilisation des populations ;
– le contrôle et la gestion du fichier électoral ;
– la confection et la vérification des listes électorales ;
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– la préparation des actes et documents administratifs nécessaires à la bonne exécution des opérations électorales ;
– l’identification et l’évaluation des besoins en matériels électoraux et la passation des commandes ;
– l’évaluation des besoins logistiques pour la mise en place du matériel électoral ;
– le suivi de la désignation des membres des Commissions administratives chargées de la révision des listes
électorales ;
– la détermination de la forme des bulletins de vote et leur contenu, l’évaluation et la commande des bulletins
nécessaires ;
– l’impression et la distribution des cartes électorales ;
– le suivi de la localisation des bureaux de vote et la désignation de leurs Présidents et des assesseurs ;
– la réception des candidatures et leur transmission à la Cour Constitutionnelle ;
– la centralisation et la proclamation des résultats provisoires.
Le chronogramme établi en fonction des délais légaux impartis pour l’exécution de chacune des opérations
électorales (période de révision exceptionnelle des listes électorales fixée par décision du Président de la CENI,
délai de dépôt des candidatures, de mise en place des enveloppes et bulletins, de distribution des cartes d’électeur,
de désignation des membres des bureaux de vote, etc.)
Le chronogramme élaboré pour les élections du 13 avril a été exécuté à plus de 80 % selon le rapport de la
Sous-commission administration et formation (les démembrements ont été installés, les listes électorales révisées,
les matériels électoraux commandés sur la base d’appel d’offre et livrés, les formations assurées aussi bien au
niveau des membres de la CENI que des démembrements et des agents électoraux, etc…
La réussite de la préparation du scrutin dépend en grande partie de la maîtrise du chronogramme, lequel est
fonction du calendrier électoral.
Or, le paradoxe, dans le code électoral malien, c’est que le calendrier électoral échappe totalement à la CENI
et relève de la compétence exclusive du gouvernement.
Après le 13 avril, les différents chronogrammes élaborés par la CENI pour la poursuite du processus électoral
(reprise des élections législatives, élections municipales) ont été constamment modifiés et adaptés aux reports successifs des dates des scrutins et aux modifications apportées au calendrier électoral par le pouvoir exécutif.
Il serait bon, à notre avis, pour une organisation harmonieuse des opérations électorales, d’associer la structure chargée de la conduite du processus électoral à l’élaboration du calendrier électoral.
Parmi les nombreuses tâches prévues au chronogramme et qui sont définies en fonction des attributions conférées par la loi à la structure chargée de la gestion du processus électoral, trois opérations apparaissent essentielles
et déterminantes pour la réussite d’une bonne organisation des élections.
Il s’agit des opérations d’établissement, de révision et d’information des listes électorales, de confection et de
distribution des cartes d’électeur d’une part, et la formation du personnel électoral d’autre part.
2. Listes électorales et cartes d’électeur
– Établissement, révision et informatisation des listes électorales
Dès sa prise de fonction, la CENI a mis en place une commission ad hoc sous l’autorité de la Sous-commission logistique chargée du suivi de l’établissement des listes électorales. Ladite Commission a réceptionné les listes
provisoires confectionnées par la société CITA informatique dans le cadre d’un marché passé avec le Ministère de
l’Administration Territoriale.
La CENI a passé avec CITA Informatique un nouveau marché pour l’établissement des listes électorales définitives.
Il a été convenu, compte tenu du temps imparti, de régionaliser l’informatisation des listes. La CENI a apporté
à la CITA d’importants appuis matériels (fournitures d’ordinateurs, de groupes électrogènes pour les régions, de
climatiseurs) et humains (mise à disposition d’informaticiens, de personnel de saisie etc.) pour lui permettre de
terminer la production des listes informatisées par région. Des équipes de renfort et de supervision ont été envoyées
dans toutes les régions.
Pendant que se poursuivait le travail de saisie informatique des listes électorales, le Président de la CENI, à la
demande expresse de la classe politique, a ordonné, à compter du 24 février 1997, une révision exceptionnelle des
listes. Partout au niveau des Commissions électorales communales (CEC), d’Ambassade (CEA) et de Consulat,
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ont été installées des Commissions administratives composées des représentants des partis politiques et des candidats indépendants en lice.
La décision n° 97-007/CENI du 24 février 1997 du président de la CENI dégageait les principes et les règles
de conduite de la révision des listes. La révision exceptionnelle s’est poursuivie et terminée le 28 mars 1997, soit
seulement 15 jours avant le scrutin du 13 avril.
Il était évident que le temps imparti, malgré les énormes moyens déployés par la CENI, ne permettait pas de
terminer les saisies informatiques, les corrections nécessaires et l’établissement des listes propres et définitives.
La Société CITA n’était sûrement pas à la hauteur. Elle ne disposait ni du matériel adéquat ni de personnel qualifié ni de logiciel approprié pour la conception d’un véritable fichier électoral. Elle a procédé simplement à une
saisie en ligne des listes, village par village, sans aucune structuration ni logique de répartition par bureau de vote,
de telle sorte qu’il était impossible à l’électeur de se repérer sur les listes qui comportaient, en outre, de multiples
doublons et d’énormes erreurs.
Cependant, à la décharge de CITA informatique, il faut dire que lors de la révision exceptionnelle du 24 février
au 28 mars, les Commissions administratives (donc les partis politiques) ont écarté les listes provisoires qu’elles
devaient réviser, pour procéder à l’établissement de nouvelles listes électorales à partir des cahiers de recensement
administratif fournis par les Mairies. Il s’agissait donc pour la société CITA de saisir en deux semaines toutes les
listes électorales, région par région, ce qui paraissait tout simplement impossible.
C’est ainsi qu’à la date du 13 avril, le travail de saisie des listes informatiques n’était pas terminé à 50 % dans
la plupart des régions.
C’est pourquoi la CENI a dû donner des instructions le jour du scrutin pour voter sur la base des listes manuscrites partout où les listes informatisées n’étaient pas terminées. Il faut remarquer que ces instructions étaient parfaitement légales.
Après le 13 avril 1997, la CENI a mis en place une cellule informatique qui a procédé à la reprise totale de la
saisie informatique des listes électorales du district de Bamako. Les listes ont été refaites par ordre alphabétique
et par bureau de vote avec un logiciel éliminant presque totalement les doublons.
Pour le reste du pays, la CENI a ordonné la reprise manuelle des listes sur la base des résultats de la révision
exceptionnelle du 24 février 1997.
Ces listes révisées ont servi pour les élections présidentielles du 11 mai 1997 et des législatives du 20 juillet
et du 3 août 1997, qui ont marqué la fin du processus électoral de 1997. La CENI, étant restée en place en attente
de la fixation du calendrier des élections municipales, a eu à procéder également à la révision annuelle légale des
listes électorales du 1er septembre au 31 décembre 1997. C’était la première révision annuelle prévue par la loi
depuis 1992, l’administration ayant failli à cette mission pendant 5 ans.
Une commission ad hoc a été mise en place composée d’éléments de toutes les sous-commissions. Elle rédigea un guide pour la révision des listes et élabora des séries d’instructions. Des missions de supervision de la CENI
ont été envoyées partout, sur le terrain, pour s’assurer du déroulement correct des opérations de révision. Elles ont
pu constater que tous les partis politiques, y compris ceux qui avaient ordonné le boycott, étaient représentés au
sein des Commissions administratives chargées des opérations de révision.
En 1998, le Président de la CENI a encore ordonné une révision exceptionnelle des listes électorales dans les
19 communes urbaines où la CENI a organisé, en juin 1998, les élections municipales qui ont marqué la fin de sa
mission. Les listes définitives ont été établies par commune et par bureau de vote et affichées partout au siège des
commissions électorales communales et dans tous les bureaux de vote.
3. Quelques observations s’imposent
Les listes électorales au Mali sont extraites du recensement administratif. Il est dès lors évident qu’un mauvais
recensement administratif influera nécessairement sur la qualité des listes électorales. De multiples recensements
d’une région à l’autre de personnes identiques se traduisent en autant de doubles inscriptions sur les listes électorales, ce qui aboutit à un gonflement des listes.
Il faudra, peut-être à l’avenir, envisager l’établissement des listes électorales sur la base d’inscription volontaire et non plus par extrapolation à partir du recensement administratif.
En moins de deux ans, la CENI a procédé à trois révisions des listes électorales avec la participation de toute
la classe politique. Néanmoins, les partis politiques de l’opposition continuent de dénoncer ces listes électorales,
ce qui pose encore la question de la bonne foi des acteurs politiques.
Peut-être faudra-t-il définir les critères de fiabilité des listes électorales.
Pour notre part, nous considérons qu’une liste électorale est fiable dès lors que son élaboration a respecté les
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règles et procédures édictées par le code électoral et qu’il a été permis à tous les citoyens de s’inscrire et de présenter tout recours jugé utile.
– Enfin, il ne suffit pas d’avoir une bonne liste électorale pour réussir l’organisation des élections ; il faut également de bonnes cartes d’électeur.
– Les cartes d’électeur
Les cartes d’électeur posent deux problèmes : leur confection et leur distribution.
• La confection des cartes d’électeur
La CENI avait passé un contrat avec la société CITA informatique pour la confection des cartes électorales.
Celles-ci devaient être éditées à partir du fichier électoral en quelques jours. Mais le fichier n’ayant pas été opérationnel, il était évident que, CITA ne pouvait non plus produire des cartes d’électeur.
À la date de scrutin du 13 avril, moins de 30 % seulement en moyenne des cartes étaient prêtes dans la plupart
des régions. La CENI a dû donner des instructions pour permettre le vote sur présentation d’une pièce d’identité,
du carnet de famille, ou sur témoignage de deux électeurs inscrits sur la liste électorale, le tout en conformité avec
la loi électorale. Après le 13 avril, la CENI a procédé à la confection de nouvelles cartes d’électeur confiée à deux
imprimeurs. Les nouvelles cartes ont été produites par série avec une couleur par région pour chaque commune
du district de Bamako et un numéro d’ordre. Les cartes ont été remplies manuellement avec les listes électorales
et empaquetées par série de 700 (correspondant au nombre maximum d’électeurs par bureau de vote), ce qui devait
en faciliter la distribution.
• La distribution des cartes d’électeur
La loi électorale prévoit la distribution des cartes d’électeur par les représentants des partis politiques. Ces derniers ont procédé à toutes sortes de manipulation frauduleuse (rétention de cartes d’électeur, vente et utilisation
frauduleuse de cartes d’électeur, etc...)
C’est pourquoi après le 13 avril, la CENI a décidé de numéroter les cartes et de les remettre par paquet de 700
cartes numérotées en série aux représentants des partis politiques contre décharge. Ce procédé a permis « d’épingler » un dirigeant politique qui s’est avisé de présenter des cartes d’électeur à la presse comme ayant été achetées
au marché alors qu’elles provenaient des lots remis à ses représentants qu’il avait expressément mandatés pour la
distribution des cartes.
Pour éviter ces manipulations, la CENI a décidé, pour le scrutin municipal du 21 juin 1998, que les cartes
seraient non plus distribuées mais enlevées par les électeurs au siège des commissions électorales communales en
présence des membres des commissions de distribution constitués par les représentants des partis politiques.
Cette solution a été agrée par les partis politiques et elle a permis de diminuer considérablement les utilisations
frauduleuses des cartes par rétention, détournement ou vol.
Il ne sert à rien d’avoir de bonnes listes et de bonnes cartes d’électeur si les agents électoraux chargés de leur
contrôle et de leur mise en œuvre ne sont pas bien formés d’où l’importance de la formation du personnel électoral dans la réussite de tout processus électoral.
3. Formation du personnel électoral
Le programme de formation des agents électoraux a été élaboré et mis en œuvre par la sous-commission administration et formation dès la mise en place de la CENI.
Par ailleurs, plusieurs programmes de formation ont été exécutés de février à avril 1997, par les partenaires au
développement dont le Canada, le Québec, l’Agence de la Francophonie, le NDI, etc. Ces formations s’adressaient
tant à la CENI qu’à ses démembrements, ainsi qu’aux représentants des partis politiques, de l’administration et de
la société civile. Environ 75 000 agents électoraux ont pu être formés à travers ces différents programmes.
Il serait fastidieux ici de décrire le contenu de chacun de ces programmes. Mais ce qu’il convient d’observer
c’est que certains des programmes standard conçus à l’étranger n’ont aucun rapport avec les réalités juridiques du
contexte électoral malien, ce qui peut quelquefois être source de confusions et de difficultés.
La CENI a dû procéder à une coordination à travers la sous-commission administration et formation de tous
les programmes de formation en vue d’adapter éventuellement leur contenu aux réalités locales.
Parmi les différents programmes de formation des partenaires au développement, il faut signaler l’originalité
du programme de formation des membres de la CENI initié par l’Agence de la Francophonie et qui a consisté
Les structures de gestion des opérations électorales…
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notamment en un séminaire d’échange d’expériences animé par les experts du Réseau des compétences électorales
francophones qui étaient pour la plupart des responsables ou anciens dirigeants de structures ayant déjà organisé
des élections.
Ce genre de formation, pratique et efficace, doit être développé et multiplié dès la mise en place des structures
chargées de la gestion des élections. La formation des agents électoraux est essentielle tant pour les opérations préparatoires que pour les opérations après le scrutin.
B.– Opérations après le scrutin
Les opérations après le scrutin comportent essentiellement deux étapes :
– la transmission et la centralisation des résultats ;
– la publication et la proclamation des résultats.
1. Transmission et centralisation des résultats
La Commission administration et formation, grâce à l’appui d’un expert mis à sa disposition par le PNUD
(Monsieur Clément Aganahi), a élaboré un système de transmission et de centralisation des résultats qui s’est avéré
efficace.
Les bureaux de vote transmettaient les procès-verbaux au niveau de la Commission électorale communale.
Celle-ci les transmettait à la Commission électorale locale qui en dressait une feuille de recensement des résultats
au niveau du cercle.
Cette feuille de recensement était ensuite transmise au niveau de la Commission électorale régionale où est
installée une équipe informatique de centralisation. Ces équipes ont été mises en place grâce à un appui financier
du PNUD. Les résultats saisis au niveau régional était transmis sur le terminal de la CENI à Bamako. Une bonne
partie du matériel de transmission, notamment les fax, a été acquise sur financement de l’Agence de la Francophonie.
Les membres de la CENI ont été répartis en sous-groupes de centralisation pour recevoir les résultats par région.
Ainsi 9 sous-groupes ont été constitués pour Kidal, Gao, Tombouctou, Mopti, Ségou, Sikasso, Koulikoro, Kayes
et le District de Bamako. Ces sous-groupes ont assuré par rotation la permanence du 13 au 18 avril. Ils étaient également chargés de recevoir et de transmettre à la sous-commission administration et formation les procès verbaux
qui étaient acheminés à travers les différents échelons électoraux du niveau communal en passant par le niveau
local et régional jusqu’au niveau national. Ce qui a permis de transmettre à la Cour constitutionnelle les résultats
et les procès-verbaux de tous les bureaux de vote dans le délai légal de cinq jours.
En plus de la réception par fax, les résultats des localités les plus éloignées étaient transmis par message RAC
dans une salle de RAC spécialement aménagée à cet effet au siège de la CENI sous la supervision d’un de ses
membres.
Toutes ces sources de réception étaient ensuite contrôlées, vérifiées et confrontées avant la publication des
résultats.
2. Publication et proclamation des résultats
Au total 51 listes de partis ou coalition de partis politiques avaient pris part aux élections législatives du 13
avril 1997. Les résultats qu’ils ont respectivement obtenus étaient publiés par circonscription électorale au fur et
à mesure qu’ils parvenaient à la CENI. Les résultats provisoires ont été proclamés après leur transmission à la Cour
constitutionnelle dans le délai légal de cinq jours. Lors du 1er tour des élections législatives du 13 avril, l’Adema
(le parti majoritaire) n’avait obtenu que 23 sièges sur 147 ; il restait donc 124 sièges à pourvoir lors d’un 2ème tour.
Cependant la Cour constitutionnelle a cru devoir annuler l’ensemble du scrutin, ce qui a conduit à une crispation du processus, alors que l’annulation simplement des 23 sièges attribués au 1er tour aurait peut-être permis au
processus de continuer normalement.
Les mêmes approches pour la publication et la proclamation des résultats provisoires ont été utilisées pour
toutes les autres élections, c’est-à-dire la présidentielle du 11 mai, les législatives du 20 juillet et du 3 août 1997.
En ce qui concerne les élections communales du 21 juin 1998, les résultats ont été publiés puis proclamés respectivement par chaque Commission électorale locale et la Commission électorale régionale pour le district de
Bamako conformément à la loi électorale qui leur en donne compétence. La sous-commission administration et
formation a ensuite procédé à la communication à la télévision nationale de l’ensemble des résultats et les noms
des élus des 19 communes urbaines concernées.
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Symposium international de Bamako
Il faut enfin signaler que pour l’élection présidentielle du 11 mai 1997, sur les 10 candidatures officiellement
proclamées par la Cour constitutionnelle, 8 candidats ont décidé de se retirer et de boycotter l’élection. Cependant,
ce n’est qu’à la veille du scrutin, soit le samedi 10 mai 1997, qu’ils ont fait parvenir leur lettre de désistement à la
Cour constitutionnelle et à la CENI. Cette dernière était donc obligée de confectionner les bulletins de vote de l’ensemble des candidats régulièrement proclamés par la Cour constitutionnelle et de disposer leurs bulletins respectifs dans les bureaux de vote.
Les résultats obtenus par tous les candidats proclamés au départ ont été publiés et proclamés par la CENI. Ces
8 candidats pensaient prendre la CENI à défaut en maintenant leur candidature s’ils constataient à la veille du scrutin que leurs bulletins de vote respectifs n’étaient pas disponibles dans les bureaux de vote.
Cela pose encore une fois la problématique de la bonne foi des acteurs politiques dont la plupart se livrent à
un banditisme électoral plutôt qu’à une compétition électorale loyale. Tant que ces mentalités qui faussent toute
la problématique de l’acceptation des résultats des élections persisteront, le jeu démocratique en Afrique restera
périlleux.