L`analyse ethnographique du GPV Malakoff – Pré Gauchet à Nantes

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L`analyse ethnographique du GPV Malakoff – Pré Gauchet à Nantes
POPSU 2
PROGRAMME DE RECHERCHE DU CONSORTIUM DE
NANTES
Sommaire
PROGRAMME DE RECHERCHE DU CONSORTIUM DE........................................................................................1
NANTES..........................................................................................................................................................1
SOMMAIRE.....................................................................................................................................................2
RAPPEL DE LA PREMIERE PHASE POPSU........................................................................................... 3
« DES POLITIQUES LOCALES SOUS CONDITION D’ÉCONOMIE DE LA CONNAISSANCE»
[THÈME 5]..............................................................................................................................................................3
INTRODUCTION : ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE, « CONCEPT » OU MOT « MAGIQUE »?..........................3
LES AXES DE L’ANALYSE .............................................................................................................................. 5
Axe 1 : Les activités de l’économie fondée sur la connaissance dans l’agglomération nantaise : quelle
dynamique ? quels dispositifs d’appui ?..........................................................................................................5
Axe 2 : Politiques économiques urbaines et aménagement : mise en perspective historique................10
Axe 3 : « Quand l’économie de la connaissance vient au projet urbain de l’Ile de Nantes ». (Enquête
les pieds dans le sol)...................................................................................................................................... 12
RÉSONANCES................................................................................................................................................15
PRINCIPALES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES............................................................................................15
TRAVAUX SIGNIFICATIFS DES CHERCHEURS IMPLIQUÉS :............................................................................ 16
RÉGULATION TERRITORIALE : ACTEURS ET DISPOSITIFS EN SITUATION [THÈME 4]....18
INTRODUCTION.............................................................................................................................................18
LES AXES D’ANALYSE..................................................................................................................................19
Axe 1 : La régulation urbaine en mode Grand Projet : à la table des puissances invitantes et invitées
........................................................................................................................................................................20
Axe 2 : L’articulation logement-urbanisme et les stratégies des opérateurs du logement.....................23
Axe 3 : « Soft regulation » : produire des représentations communes ? ..............................................28
FONCTIONNEMENT DE L’ÉQUIPE ET IMPLICATIONS DES CHERCHEURS........................................................30
RÉSONANCES................................................................................................................................................32
PRINCIPALES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES............................................................................................32
ORGANISATION GÉNÉRALE.................................................................................................................. 34
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RAPPEL DE LA PREMIERE PHASE POPSU
La POPSU 1 a été l’occasion de mettre en place à Nantes un dispositif de recherche
développement associant une équipe de chercheurs et un réseau d’acteurs, concernés à différents
titres par les questions urbaines contemporaines. Ces investigations ont permis de documenter une «
petite et grande fabrique nantaise » à l’aune de différents éclairages thématiques : pouvoirs urbains,
offre urbaine complexe, petite fabrique de l’habitat, les instruments du projet, bonnes pratiques et
cultures professionnelles. Au-delà de la documentation des stratégies de développement et
d’aménagement se comprenant à la grande échelle, trois principaux espaces en projet avaient retenu
l’attention et fait l’objet d’analyses poussées : l’île de Nantes (à la suite également de recherches
menées dans de précédents appels d’offre de recherche), le Nouveau Malakoff dans le cadre initial
d’une procédure GPV de la Politique de la Ville et le projet Bottière-Chênaie, dans le cadre d’une ZAC
de maîtrise d’ouvrage communale – à la différence des deux autres, intercommunaux .
A l’issue de la POPSU 1, les chercheurs et acteurs ayant contribué à ces travaux souhaitent voir
être prolongée l’expérience, tout en élargissant les horizons disciplinaires, l’équipe de travail et en
renouvelant les sujets d’investigation, à partir de deux des thèmes proposés par le GIP : celui de
l’économie de la connaissance et celui des régulations territoriales.
« Des politiques locales sous condition d’économie de la
connaissance» [thème 5]
Cette note aborde tout d’abord la définition de l’économie de la connaissance, en s’interrogeant
sur son origine, sur les déclinaisons territoriales de cette notion et comment celle-ci participe
tendanciellement au reformatage des actions publiques locales. Ensuite, nous proposons une analyse
articulée des champs d’investigation nantais : les activités de l’économie fondée sur la connaissance,
la ville créative et les activités culturelles et présentons les éléments de méthode que requiert cette
recherche.
Introduction : Economie de la connaissance, « concept » ou mot « magique »?
L’économie de la connaissance est une notion introduite par l’OCDE (1996), sous le terme
d’« économie fondée sur le savoir et sur l’apprentissage ». Le succès de ce terme chez les économistes
et les décideurs publics signale que la croissance ne résulte plus de la production de masse effectuée
par de grandes entreprises intégrées verticalement, comme durant l’ère fordiste. Alors que la
performance des entreprises reposait essentiellement sur la réduction des coûts en matière première,
main d’œuvre et transport, désormais, les facteurs de compétitivité, de création d’emplois et de bienêtre ont durablement muté. En effet, une grande partie des différentiels de croissance et de revenus
observés entre les économies nationales et régionales peut être expliquée en considérant le capital
humain et la qualification de la main-d’œuvre (Florida, 2005), ou encore les investissements publics et
privés en recherche-développement (Audretsch et Lehmann, 2005). De plus, la capacité d’innovation
locale, régionale et nationale a également été stimulée par la diffusion des technologies de
l’information et de la communication. Désormais en concurrence directe à une échelle internationale,
« les régions et les villes (…) doivent réinventer sans cesse de nouvelles spécificités productives,
sources de croissance et de création d’emplois » (Liefooghe, 2010, p. 183).
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La montée inexorable du contenu en connaissances dans les activités productives est synonyme
d’une sélection des participants à la production sur la base de leurs compétences et de leurs
qualifications. Cette « division cognitive du travail » (Pilati et Tremblay, 2007) engendre une
polarisation géographique des activités dans les zones intensives en recherche-développement et
riches en capital humain. Il est donc très important, que dans les grandes agglomérations dotées en
appareil de recherche (privée et publique), l’économie de la connaissance s’organise ou s’optimise, y
compris pour générer des effets de retombée (revenu, formation…) au-delà des individus dotés d’un
capital connaissance important. Cette concrétisation locale peut s’accompagner de dispositifs
originaux, voire d’une redéfinition des contours de l’économie de la connaissance, concept encore
flou.
En ce qui concerne l’action publique, depuis les années 2000, l’investissement dans la R&D, et plus
largement les processus conduisant à l’utilisation de la connaissance sont mis en avant comme
devant constituer de nouveaux objectifs. Un point important est que la capacité d’innovation ne
résulte pas uniquement des entreprises, mais est aussi produite par d’autres acteurs, comme
l’enseignement supérieur et la recherche. Dans ce contexte, tout en reconnaissant les mérites des
approches quantitatives (portant sur les dépenses en recherche-développement, les dépôts de
brevets, les effectifs d’étudiants avancés, le repérage de la « classe créative »…), il nous semble
judicieux, dans le cadre de POPSU 2, de rendre compte d’un certain nombre de dispositifs d’action
publique visant à stimuler l’économie de la connaissance, pour permettre in fine aux acteurs nantais
d’en apprécier la concrétisation ou non, et d’échanger avec les chercheurs.
L’économie de la connaissance recèle plusieurs ambiguïtés qui ont des conséquences importantes
pour l’action publique (Musso, 2005). S'agit-il de pointer l’importance de la connaissance humaine
générale, ou spécifiquement des connaissances scientifiques (issues des sciences dures) et techniques
(maniées par les ingénieurs) ? Dans un cas, l’élévation du niveau général d’éducation d’une classe
d’âge est un objectif prioritaire, dans l’autre le renforcement des enseignements scientifiques, ou le
développement de collaborations entre structures de recherche et industrie, sont mis en avant. Un
deuxième débat, consiste à interroger la place de la connaissance comme facteur majeur de
transformation économique et sociale. N’est-ce pas plutôt la technologie, l’innovation, la
tertiairisation, voire la dérégulation, qui sont déterminants dans les évolutions contemporaines ?
Au niveau théorique, l’économie de la connaissance connait des débats nombreux (Pilati et
Tremblay, 2007). Nous en retrouverons certainement des traces sur le terrain nantais, dans des
dilemmes auxquels sont confrontés les acteurs publics, des tensions possibles entre orientations, voire
entre identités. Considérant que l’économie de la connaissance est un concept flou plus qu’une réalité
repérable, donc qu’elle constitue une référence non stabilisée pour l’action publique, nous proposons
de balayer un large champ, allant des activités d’innovation scientifique à l’économie de la culture
et des arts. Il s’agit de considérer que la capacité d’innovation se situe pour partie dans l’organisation
du croisement de connaissances et de besoins jusque-là compartimentés. La production de
connaissances scientifiques et techniques est une activité sociale, qui demande notamment des
capacités à maximiser les interactions (Latour, 1989). De son côté, le potentiel économique et social
des activités culturelles, avéré dans le cas nantais, signale peut-être une nouvelle phase de
développement. La recherche de la créativité et de la transdisciplinarité amènent à déplacer les
frontières de l’activité, au profit de réseaux collaboratifs, d’expérimentations, de dispositifs
temporaires, dans lesquels les individus jouent un rôle moteur.
Au fond, le thème de l’économie de la connaissance invite à réinterroger ce qui fait le
développement métropolitain. Il s’agit de donner corps à l’intuition de M. Roncayolo il y a quelques
années : le rang métropolitain se mesure peut-être moins aux équipements, que l’on trouve
banalement dans chaque grande ville, qu’à la détection de volontés de changement et d’innovation.
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Les axes de l’analyse
Le premier programme POPSU a montré avec force que les acteurs publics des grandes
agglomérations françaises opèrent des choix véritables en matière d’urbanisme, de services urbains
ou encore d’offre d’aménités. Introduite par le thème de l’économie de la connaissance, proposé pour
POPSU2, la question de l’action économique locale se pose dans des termes légèrement différents.
Comme l’écrit G. Antier dans son ouvrage sur les grandes métropoles mondiales, « on peut décider de
réaliser une ligne de transport en commun, mais on ne décrète pas la présence de dizaines ou de
centaines d’entreprises sur un technopôle » (Antier, 2005, p. 189). Autrement dit, le développement
économique est plus un enjeu qu’un levier d’action. Attirer ou retenir des activités économiques
emprunte souvent des moyens indirects : provision d’équipements et services collectifs, amélioration
du cadre de vie, etc. Dans nos investigations sur l’économie de la connaissance à Nantes, repérer
d’éventuels éléments de stratégie supposera de bien sélectionner les dispositifs et les scènes de
construction de l’action locale en faveur de l’économie de la connaissance.
Trois axes de recherche seront poursuivis. Un premier volet cherchera à qualifier la dynamique
des activités de l’économie fondée sur la connaissance, en portant notamment éclairage sur les
dispositifs d’appui dédiés (axe 1). Un deuxième volet mettra en perspective historique ce que
l’économie de la connaissance fait à la ville, en revenant sur quelques concrétions spatiales des
précédents modèles économiques. Il apparaît en effet important de situer l’action publique locale
dans un temps long, pour apprécier non seulement les intentions, mais aussi les effets des
réalisations. La concrétisation spatiale du développement économique nantais (à travers, par
exemple, les parcs technopolitains), comme l’organisation des acteurs (entre concurrence, évitement
et coopération), sont un héritage pour des politiques contemporaines d’appui à l’économie de la
connaissance (axe 2). L’analyse des tentatives, réussites ou échecs, vise in fine à permettre aux
chercheurs et aux praticiens concernés de mettre en relief les particularités de l’actuel projet phare
nantais : le Quartier de la création. Le troisième axe de la recherche ira interroger la fabrique plurielle
et collective du cluster culturel qui s’aménage aujourd’hui au sein du projet urbain de l’Ile de Nantes
(axe 3).
Axe 1 : Les activités de l’économie fondée sur la connaissance dans l’agglomération
nantaise : quelle dynamique ? quels dispositifs d’appui ?
Chercheurs impliqués : Christophe DEMAZIERE, Jacques FACHE.
Il n’existe pas de définition stabilisée de l’économie de la connaissance, mais on peut d’emblée
convenir que cette partie de l’économie ne renvoie pas seulement (et peut-être pas principalement) à
des aménagements concrets (centres d’affaires, parcs technopolitains…), pour lesquels des savoirfaire, des opérateurs et des modalités de production urbaine existent et ont fait l’objet de travaux.
Lors du premier programme POPSU, G. Crague (2009) avait déjà fait le constat d’une intersection
réduite (mais néanmoins fructueuse) entre économie et aménagement. Pour cerner les réalités et
paradoxes que recouvre l’économie de la connaissance dans l’agglomération nantaise, nous
proposons donc une analyse itérative allant des documents stratégiques aux projets circonscrits dans
le temps ou l’espace. L’analyse des stratégies permet de voir quelle place est (a été) donnée à
l’économie de la connaissance par rapport à d’autres champs ou secteurs d’activités. Elle mettra en
évidence l’évolution des réflexions, mais aussi, éventuellement, la pluralité des acteurs. Avec l’analyse
de projets circonscrits, c’est la possibilité de territorialiser l’économie de la connaissance que nous
souhaitons interroger.
Globalement, cet axe met en miroir les principes du modèle de développement économique et
d’organisation territoriale, dans lequel Nantes Métropole est l’auteur d’énoncés dominants, et des
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projets dont l’initiative peut revenir à d’autres acteurs : publics (communes, université…) ou privés
(investisseurs immobiliers, entreprises innovantes…).
Cette dimension de la recherche permettra certainement de pointer le grand nombre d’acteurs
intervenants. Il ne s’agira pas tant d’opérer un recensement exhaustif que de rendre compte de
l’évolution du jeu d’acteurs. Du côté des acteurs publics, on peut pointer les effets de la
décentralisation, la montée de l’intercommunalité (déjà décrite dans le premier programme POPSU),
mais aussi, plus récemment, les effets de la tendance de l’Etat à privilégier les appels à projet. Les
pôles de compétitivité peuvent être considérés ici comme un exemple emblématique de nouveaux
arrangements d’acteurs. Au-delà de l’hypothèse commune à de nombreux chercheurs, selon laquelle
l’acteur public joue un rôle essentiel dans l’animation du développement des territoires, il s’agira,
dans le cas nantais, d’examiner la pluralité des scènes de conception et d’action à l’œuvre dans une
très grande agglomération.
Par ailleurs, pour pointer l’innovation dans les dispositifs publics, ou encore le « déplacement des
lignes », il semble également pertinent de porter attention à des acteurs sur lesquels repose en partie
la concrétisation locale d’une dynamique de diffusion et de marchandisation de l’économie de la
connaissance : l’appareil d’enseignement supérieur et de recherche. On peut les qualifier d’acteurs
émergents. La récente autonomie accordée aux universités, l’incitation à la formation de PRES et la
réponse quasi-obligée aux appels à projet de l’Etat (Opération Campus, Initiative d’excellence…) sont
autant de dispositifs permettant aux chercheurs de POPSU 2 d’examiner les projets et partenariats
dans lesquels s’engagent aujourd’hui les institutions d’enseignement supérieur et de recherche. Face
aux initiatives de l’Etat, les délais de montage et la complexité des partenariats sont sûrement
l’occasion d’un apprentissage réciproque entre acteurs nantais émergents et confirmés. Reste à voir si
les courts délais pour le montage de projets contribuent au renforcement et la matérialisation d’une
stratégie partagée en matière d’économie de la connaissance, ou si d’autres objectifs (notamment
des objectifs intermédiaires, comme la requalification des sites) sont présents.
Malgré le volontarisme dont font preuve les acteurs locaux, il convient de rappeler que les
préoccupations pour l’innovation ou la créativité n’ont pas pour origine la scène des grandes
agglomérations, mais plutôt le niveau national et européen de décision. Depuis les années 2000, la
recherche d’une compétitivité « hors prix » (par l’innovation et la qualité, et non par les coûts)
constitue en France, une injonction du niveau national en direction de certains secteurs ou territoires.
Sur le plan sectoriel, cet impératif impacte les systèmes publics et privés de formation et de recherche,
posant la question de leur articulation aux dynamiques économiques. Par ailleurs, l’Etat cherche à
valoriser les espaces infranationaux susceptibles de contribuer à la compétitivité de l’économie
nationale. Dans ce domaine, on peut citer la labellisation de « pôles de compétitivité ». La relation
aux territoires a été assurée par la forme de l’appel à projets, qui a sollicité acteurs économiques et
collectivités territoriales (Demazière, 2006). Mais cette politique prend son sens à une échelle spatiale
et temporelle large. Définir une stratégie locale, c’est peut-être assurer la territorialisation d’une
politique industrielle définie ailleurs.
Nous souhaitons également porter le regard sur les industries de la connaissance, entendues ici
dans un sens retreint : celles qui contribuent à la production, à la diffusion, au développement
technologique associé à cette diffusion, et à la commercialisation des « savoirs ». Ainsi, un grand
nombre d’activités sont concernées par ce « secteur » de la connaissance, chacune ayant une place
définie dans la filière. Afin de distinguer ces différentes activités de l’industrie de la connaissance,
nous aurons pour objectif de cibler, dans l’agglomération de Nantes, les activités principales
intervenant dans l’économie de la connaissance mais aussi et surtout d’en proposer une analyse
systémique, dans laquelle les entreprises petites et grandes, et le secteur public concerné (par
exemple, les universités) sont interdépendants.
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Parmi ces secteurs, plusieurs relèvent d’un intérêt stratégique pour la ville qui tente depuis vingt
ans de se reconvertir par les activités à forts contenus de compétences et d’innovation. Dans le sillage
des politiques de décentralisation et la mise en place d’Atlanpole, ce sont à la fois des activités de
services métropolitains qui se sont développées (services informatiques par exemple), ainsi que
certains secteurs productifs représentant l’avenir dans les stratégies de la communauté urbaine
(biotechnologies, aéronautique, nouveaux matériaux). Ville industrielle par excellence, l’originalité de
Nantes est de tenter de valoriser l’innovation et la connaissance partout où elle se trouve, ce qui
amène la ville à une certaine polyvalence (risquée) de son action (Fache 2005, 2006, 2009).
L’étude de ces activités doit amener à la fois à mieux cerner cette économie de la connaissance,
mais aussi les jeux d’échelle qui la caractérisent. En effet, la difficulté de Nantes est d’être intégrée à
un système spatial multiscalaire dans lequel elle représente la composante d’un système beaucoup
plus complexe à l’intérieur duquel elle doit en permanence réinventer, comme les autres métropoles,
sa place en termes d’innovations, de finances, de rayonnement, etc. (Fache 2010). De ce fait, l’étude
d’activités innovantes émergentes comme les biotechnologies pose à la fois la question des
interactions locales, régionales, mais aussi l’inscription dans un contexte international dominé par
quelques biopôles puissants comme Paris, Munich, Boston, Cambridge, San Francisco (Fache et al.
2009). Les connaissances mises au point dans le cadre des pôles de compétitivité, ou de dispositifs
appuyés par les pouvoirs publics, restent-elles présentes localement (diffusion, attraction de nouvelles
entreprises…) ou sont-elles captées par les firmes et mises en œuvre sur d’autres espaces ?1 Des
relations collaboratives existent-elles avec des acteurs (entreprises, centres de recherche) implantés
dans d’autres agglomérations françaises, faisant en sorte que c’est plutôt un réseau d’économies
locales, voire des « plaques d’économie de la connaissance », qu’il faut envisager ? Sur ce point, les
travaux issus de la coopération métropolitaine, notamment dans le cadre de l’Espace Métropolitain
Loire Bretagne, seront intéressants à mobiliser.
Ces activités de la connaissance posent aussi le problème des cycles territoriaux, de plus en plus
courts, complexes, et pouvant faire basculer des territoires et leur société dans des situations de crise
de manière assez brusque. Ces cycles représentent une question transversale, reprise à propos de
l’étude du quartier de la création (axe 3).
Cette approche permettra, dans un deuxième temps, d’aborder la question de la contribution à la
dynamique nantaise des pôles de compétitivité, et, de façon symétrique, d’interroger les actions
publiques de mise en réseau des acteurs pour l’innovation. La métropole nantaise compte sur son
territoire cinq pôles. Trois pôles nationaux sont pilotés à partir de Nantes : EMC2, Atlantic
Biotherapies, iDforCAR. Par ailleurs, la ville est partie prenante de deux pôles de niveau mondial :
Images et Réseaux, piloté par Rennes, et Végépolys, piloté par Angers. Nantes tente aussi de lancer
d’autres clusters complémentaires, comme le Blue cluster, inauguré en 2010. Nantes Métropole
s'implique dans ces "clusters" labellisés par l'Etat, qui associent industriels, PME, laboratoires et
écoles. Au moment du lancement de la politique des pôles de compétitivité, en 2004-2005, nous
avions classé Nantes Métropole parmi les collectivités françaises les plus volontaristes dans le soutien
des réseaux d’entreprises, alors que d’autres territoires étaient encore dans une phase
d’appropriation du concept et de définition d’un positionnement (Demazière, 2006). Dans le cadre de
la recherche POPSU 2, il s’agira de voir comment les acteurs publics locaux ont fait évoluer leur
soutien, depuis lors. Il s’agira aussi d’examiner si les pôles labellisés sont une contribution importante
à la concrétisation locale de l’économie de la connaissance. Ceci recouvre plusieurs questions : quelles
connaissances nouvelles ont été produites dans le cadre des pôles ? Les dispositifs favorisent-ils une
densité et diversité d’acteurs suffisantes pour que de nouvelles questions de recherche, induites par la
coprésence apparaissent ? Quels autres soutiens sont apportés par les pouvoirs à l’économie locale
(technocampus, cyclotron, différentes pépinières d’entreprises…) et en quoi sont-ils complémentaires
1
Selon la littérature, tout dépend de la nature des connaissances : si elles sont « tacites » (apports interpersonnels, qualité des
organisations, liberté de création et d’innovation), il y a besoin de proximité géographique pour les interactions. Par contre, si les
connaissances sont codifiées, il y a une possibilité réelle de dispersion.
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des dispositifs emblématiques mis en avant par l’Etat ? Comment les acteurs de l’aménagement
urbain se saisissent-ils de la question de l’accueil d’activités immatérielles, pour les inscrire dans des
projets urbains ? Comment les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, producteurs
importants de nouvelles connaissances, sont-ils impliqués dans les pôles ?
Enfin, il faut énoncer quelques limites à l’action publique locale en matière d’économie de la
connaissance, qui sont autant de barrières aux tentatives de les retracer, comme le font les
chercheurs. La première est que « la créativité et l’innovation ont besoin de mécanismes complexes de
transmission (...). Ces mécanismes sont basés sur la combinaison d’une série d’actions spontanées ou
planifiées qui agissent sur le territoire » (Pilati et Tremblay, 2007, p. 383). Certaines actions peuvent
être planifiées, mais d’autres émanent d’une dynamique qui apparaît plus spontanée. C’est donc plus
un milieu innovateur qu’un catalogue de dispositifs que nous souhaitons analyser.
Plus généralement, il paraît important d’interroger les représentations des acteurs, notamment
sur la capacité à infléchir les stratégies des firmes au profit du renforcement de l’économie locale. Au
sein de ces représentations, il conviendra d’être attentif à la dimension spatiale de ces capacités
d’infléchissement. A titre d’exemple, dans l’étude économique préalable au lancement d’Euronantes,
une partie des réflexions portait sur l’enjeu de l’actualisation de la formule des « CBD » ; qu’en est-il
en ce qui concerne les actuels pôles de compétitivité ?
Méthodologie
1 - Analyse du tissu économique lié à la connaissance
Cette analyse ne peut se fonder sur les sources statistiques classiques d’entreprises de l’INSEE
comme le fichier SIRENE. En effet, la catégorie « économie de la connaissance » est transversale à la
logique d’organisation des entités observées, reposant sur l’activité principale. Nous allons donc
partir d’autres sources, représentées par des annuaires d’entreprises. L’une des sources mobilisable
est celle des entreprises atlanpolitaines, ayant signé la charte d’Atlanpole, et s’étant donc engagées
par delà les limites géographiques des sites d’Atlanpole, à des relations de coopération et de
participation aux activités technopolitaines. Le contenu de la base est classique (adresse, effectifs,
code activité…) mais aussi spécifique (qualitatif avec le descriptif de l’activité pratiquée). Cette base
est disponible sur plus de 10 ans et permet :
a/ de dresser un état des lieux d’Atlanpole et de son évolution
b/ de déterminer précisément la configuration territoriale des activités technopolitaines
(identification des grappes éventuelles, du rayonnement territorial, du lien aux équipements et
infrastructures, aux actions publiques localisées, etc…)
c/ de positionner les terrains des axes 2 et 3 dans le contexte métropolitain.
Production attendue : Cartographie, études statistiques, analyse spatiale (étude de concentration,
de discontinuité, d’évolution structurelle…) – Chercheur mobilisé : Jacques FACHE
2 - Analyse des actions publiques locales
La métropole nantaise est un territoire complexe quant à l’action publique. La nécessaire
reconversion liée à la fermeture des chantiers a généré une activité intense tant en termes de
communication territoriale, de marketing, que de projets d’urbanisme et de développement
technopolitain. Dès lors, le but est d’analyser le positionnement sur le fond des divers acteurs
concernés, ainsi que de leurs coopérations et de l’évolution des configurations géographiques et
politiques.
a/ Analyse des coopérations autour des projets issus des pôles de compétitivité – reprise des
dossiers labellisés et financés, construction d’une base de données, analyse de données. Travail en
coopération avec les pôles retenus pour étude.
b/ Analyse de la vie des équipements construits : maison des biotechnologies, technocampus –
enquêtes, analyse des réseaux constitués, cartographie des réseaux, analyse spatiale des effets de
proximité…
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c/ identification des acteurs clés ; entretiens avec ces acteurs ; analyse des réseaux constitués,
croisement avec les points a et b
d/ Analyse des documents d’urbanisme et stratégiques, et confrontation aux structures et
dynamiques étudiées en 1).
3 - Analyse de l’appareil nantais d’enseignement supérieur et de recherche
L’analyse sera conduite ici à partir d’analyse de documents et d’entretiens. Elle portera sur deux
points :
a/ la participation de l’ESR au développement local de l’économie de la connaissance : quelles
collaborations sont engagées, notamment avec les entreprises, considérées isolément ou en tant que
collectif (pôles)
b/la territorialisation de l’ESR : en quoi les projets liés à l’économie de la connaissance entrent-ils
en résonance avec les projets visant à mieux insérer les activités universitaires dans la ville ?
Tableau de synthèse des points d’investigations et méthodes
Champs d’étude Axe 1
Objets d’étude
Questions d’analyse
Méthodes de recherche
1/ Le territoire des
activités de la
connaissance :
identification,
caractérisation…
Données d’entreprises,
annuaires
divers,
statistiques
disponibles
Quels sont en 2011 les points de l’espace
valorisés par l’économie de la connaissance ?
Quelles concentrations ?
Analyse spatiale,
géolocalisation, Entretiens
Quelle est l’origine de ces concentrations ? Rôle
du politique ? Des colocalisations d’entreprises ?
Quel est le poids des relations collaboratives
avec des acteurs implantés dans d’autres
agglomérations ?
Les connaissances mises au point localement
sont-elles mises en œuvre sur d’autres espaces ?
2/ Le reformatage des
actions publiques
locales
Documents
stratégiques
Projets circonscrits
Comment s’organise la pluralité des acteurs
publics ? Y a-t-il articulation des dispositifs, au
service de l’EC, ou juxtaposition ? Rôle spécifique
joué par Nantes Métropole ?
Documents, Entretiens
Comment les acteurs de l’aménagement urbain
se saisissent-ils de la question de l’accueil
d’activités immatérielles, pour les inscrire dans
des projets urbains ?
Quelle est la part du planifié et du spontané ?
3/ Des acteurs
émergents
Enseignement
Supérieur et
Recherche
Comment les établissements d’enseignement
supérieur et de recherche, producteurs
importants de connaissances, sont-ils impliqués
dans les pôles ?
Documents, Entretiens
Impact des appels à projet dans les coalitions
d’acteurs ? dans les projets ?
Projets de rattrapage ou projets d’excellence ?
Livrables : articles ou communications
- « Du territoire des activités de la connaissance à Nantes aux positions nantaises dans le système
de l’innovation » ;
- « Les pôles de compétitivité, dynamique et appui des pouvoirs publics – le cas nantais » ;
- « Université et territoire, le cas nantais ».
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Axe 2 : Politiques économiques urbaines et aménagement : mise en perspective historique
Chercheurs impliqués : Christophe DEMAZIERE, Jacques FACHE, Amélie NICOLAS, Elise ROY,
Laurent DEVISME.
En gestation au cœur du projet de l’Ile de Nantes, un nouveau cluster culturel et créatif constitue
l’une des traductions récentes des politiques de croissance spatialisée. On s’en saisit comme d’un
champ d’expériences urbanistiques (en tant qu’il est partie prenante au projet de l’ile de Nantes),
urbaines (son territoire est d’ores et déjà vécu) et socio-économiques (il participe des projets
incarnant le postulat d’une économie de la connaissance cherchant à la fois à tisser des liens entre
enseignements universitaires, structures de recherche et (micro) industries). La double analyse qui en
est faite, à partir de différents vecteurs, est susceptible de répondre à la question de savoir ce que
l’économie créative fait à la ville, mais aussi, dans un mouvement inverse, comment la ville peut
contribuer à la montée en charge d’une nouvelle économie de la connaissance.
Pour entrer « à pas de velours » dans l’analyse du quartier de la création, nous avons jugé utile de
revenir sur une histoire des politiques urbaines de développement économique à Nantes depuis la fin
des années 1970. Il s'agit là de situer les choix politiques et économiques de la fabrique d'un tel
quartier dans une histoire locale et supra-locale des politiques de développement économique qui ont
marqué l'histoire des villes. A chaque période semble en effet se dessiner incarnation particulière du
développement économique et urbain, le quartier de la création et l'enjeu d'une économie de la
connaissance incarnant désormais, à Nantes, la plus contemporaine d'entre elles.
Sans remonter à l'action économique d'un socialisme municipal du début du 20e siècle, encore
que celui-ci ait pu marquer fortement la ville et ses réseaux, c'est principalement le retour au local des
questions de développement économique et urbain depuis la fin de la centralisation économique et de
l'aménagement national du territoire qui nous intéressera dans cette large mise en contexte du
quartier de la création.
Jusque dans les années 1970 en France, il n'existe pas de politique urbaine de développement
économique. On ne trouve pas d'adjoints aux affaires économiques dans les villes. Ce sont certaines
villes de gauche, notamment celles conquises lors des élections municipales de 1977 qui vont initier
ou renouer avec la tradition d'un socialisme municipal, autour de politiques économiques urbaines
volontaristes. Dans un premier temps, ce sont des politiques de soutien ou de reprise d'entreprises
locales en difficultés qui sont initiées, l'Union de la gauche qui conquiert Nantes en 1977 s'engage
fortement en ce sens dans le soutien à la Navale nantaise. Ces politiques sont plutôt engagées à
l'initiative des collectivités locales qu'elles ne sont impulsées depuis l'Etat et ce, bien avant les lois de
décentralisation.
Les coûts et le désastre des finances municipales dans le cadre d'une politique de soutien
systématique aux entreprises en difficulté, inciteront, au tournant des années 1980 et sous l'effet, en
France, des lois de décentralisation, les collectivités locales à orienter leurs politiques de
développement économique sur l'environnement économique et territorial et sur la production
d'outils et d'instruments : action sur l'immobilier avec les zones d'activités et les pépinières, aide
technique et financière à la création d'entreprises, aménagements fiscaux. Les actions menées dans
ce sens relève souvent de la prospection qui tend à privilégier les secteurs à forte valeur ajoutée
(informatique, bio-technologies...). C'est à cette période qu'apparaissent les directions des affaires
économiques dans les organigrammes municipaux et les agences de développement économique en
appui.
A partir des années 1990, se pose la question de la cohérence de l'ensemble de ces initiatives, de
la relation aux savoir-faire productifs locaux, alors que toute l'énergie semble avoir été mise au
service de la captation d'entreprises ou de savoir-faire exogènes. C'est la volonté politique d'une
10
approche intégrée qui se fait jour, de complémentarité entre filières. Le régime de projet qu'il soit
urbain, d'agglomération, économique, territorial incarne cette volonté qui se présente autant comme
culturelle et sociétale qu'uniquement économique. Une interdépendance des services du
gouvernement municipal, une transversalité recherchée pour l'action est ainsi de mise.
Brièvement présentées, ces différentes époques des politiques économiques urbaines ont laissé
des traces dans la ville. En revenant sur les histoires d'Atlanpole, d'Euronantes et du campus
Chantrerie-Fleuriaye, ou encore sur celle de l’opération de renouvellement urbain Madeleine-Champ
de Mars engagée dans les années ’90 comptant avec l’arrivée des services régionaux du CIO et des
services informatiques de la SNCF, nous serons ainsi à même de comprendre et de situer l'enjeu
politique, économique et urbain du quartier de la création au sein du levier choisi de l'économie de la
connaissance.
Au sein de cet axe, c'est donc la réalisation d'une histoire intermédiaire qui nous préoccupera,
entre l'évolution des politiques de développement économique, l'émergence de l'économie de la
connaissance comme nouvel enjeu de l'économie locale et le cas nantais, qui est celui d’une ville de
gauche de l'Ouest français, depuis 1989, marquée par une certaine permanence de ses élites
politiques, économiques et aménageuses. Il s’agira par là, dans l’axe 3, d’examiner en quoi le quartier
de la création reste un outil (ou un enjeu, dans le sens où l'action reste incitative, flottante, peu
quantifiable, difficile à doter en instrument), « comme les autres », des politiques urbaines de
développement économique. Quelles formes urbaines engage ce projet et à quelle société fait-il
référence ?
Méthodologie
Cet axe est éminemment transversal et devient alors le lieu de rencontre des préoccupations et
enjeux de recherche des axes 1 et 3. Sa conception suivra un processus itératif, l'axe étant alimenté
par croisements successifs. Il est également le lieu de la production d'une histoire originale, à cheval
entre géographie économique, sociologie de l'action publique et analyse urbaine.
Les réunions collectives de cadrage, de mise au point des différents avancements des recherches
engagées seront l'occasion de préciser, à chaque fois, les orientations et contenus de cet axe 2. La
constitution des grilles d'entretiens, par exemple, prendra en compte les enjeux de fabrication de cet
axe problématique, alors que le recensement bibliographique touchant à ces questions autant locales
que nationales ou européennes est déjà rendu collectif.
L'un des angles d'éclairage retenu consistera à solliciter la mémoire des élus, aménageurs,
directeurs d'écoles, hommes d'entreprises, représentants des chambres de commerce et d'industrie...
(à identifier sur les 3 sites retenus) sur leurs représentations des changements économiques et
urbains, sur leur rôle et positions dans l'histoire de ces changements, ainsi qu'à les livrer à un exercice
de prospective économique et territoriale. Ce sera l’occasion pour nous de remobiliser la méthode des
entretiens bio-thématiques (DEVISME, PASQUIER, 2004). D’autres apports chercheront à mettre en
exergue les cycles économiques atlanpolitains et leurs impacts.
Concrètement, la constitution de cet axe nécessite
- la tenue régulière (une tous les deux mois) de réunions communes,
- la diffusion régulière des bibliographies,
- la constitution d'une recherche ad hoc centrée sur les représentations (mémoire et rétroprospective) des acteurs impliqués dans cette histoire intermédiaire.
La coordination et l'animation de cet axe sera pris en charge par l'un des chercheurs (A. Nicolas).
11
Livrables (article ou communication) :
- un article coll. LAUA + CITERE + ESO sur « La ville créative rejoue-t-elle ou renouvelle-t-elle les
politiques économiques et urbaines ? »,
- une restitution publique des recherches.
Axe 3 : « Quand l’économie de la connaissance vient au projet urbain de l’Ile de Nantes ».
(Enquête les pieds dans le sol)
Chercheurs impliqués : Amélie NICOLAS, Elise ROY, Laurent DEVISME, Anne BOSSE.
Une autre manière de rendre intelligibles les faits socio-urbains auxquels renvoie l’économie
cognitive, telle que mise à l’agenda public nantais, consiste à entrer par un projet spécifique récent
(et par les espaces urbains qu’il active) qui vise l’instauration d’un nouveau district de petites et
moyennes industries de création, relié à un nouveau campus des arts et industries culturelles. Le
quartier de la création, est saisit comme un continuum d’épreuves de concrétisation d’un projet
collectif, qu’on perçoit comme multiple par ses aspects (il relève de différents champs d’action
publique : économique, culturelle, urbanistique…), engageant une diversité de protagonistes, et
passant par diverses étapes de mises en forme (tant sur le terrain que dans les bureaux) du projet.
Le cadre d’analyse proposé privilégie trois champs d’observation, qui sont croisés avec une série
d’attentions. A l’invite de l’équipe du laboratoire de sociologie de l’EPFL (PFLIEGER G. et ali, 2009),
nous postulons que la fabrique de ce projet et sa réalisation se joue au sein d’un triptyque
POUVOIRS/FORMES URBAINES/EXPERIENCES. Nous proposons de mettre en relation ce triptyque à
visée analytique avec une deuxième série d’attentions, organisant le travail de terrain, et s’attachant
à caractériser des MOTIFS, des FIGURES et des SCENES, parties prenantes au processus analysé.
1- Comment la fabrique du quartier de la création se joue dans un triptyque pouvoirsformes urbaines – expériences ?
Approcher les phénomènes auxquels on a affaire en termes de « pouvoirs », à l’ère d’une
nouvelle gouvernance des projets urbains, c’est être attentif aux modalités d’orientations des actions
vers un objectif commun. C’est se poser la question de savoir comment s’agencent les différents
pouvoirs en présence et comment ils s’entendent pour tendre vers une même visée collective ?
Dans des projets intersectoriels comme celui du quartier de la création, traversant des enjeux
économiques, urbanistiques et culturels, y-a-t’il des pouvoirs qui dominent ? Par exemple, à l’occasion
du déploiement d’un quartier de la création, l’injonction au développement économique domine-t-elle
d’autres questions urbaines comme celle de la justice socio-spatiale ? Avec une action portée sur un
territoire précis, observe-t-on des confrontations de rationalités d’échelle, entre une échelle
métropolitaine et une échelle infra-métropolitaine ?
Il convient également de considérer un pouvoir de contournement ou de résistance au projet. On
pense par exemple à des résistances vis-à-vis de ce qui peut être perçu comme une sorte
d’instrumentalisation d’activités artistiques, ou en réaction à un tropisme jugé trop fort vers un lieu
urbain unique.
Approcher les phénomènes en termes de pouvoirs c’est aussi considérer tout le pouvoir des
actions non intentionnelles qui contribuent à faire et défaire la ville, au-delà ou en complément de
tout volontarisme politique et actionnisme d’opérateurs directs des projets 2. C’est aussi considérer la
ville qui prend forme au-delà des normes et des lois, d’une ville qui se fabrique plutôt sous ce
qu’Halbwachs envisageait comme la pression des besoins collectifs… Il s’agit d’appréhender toute une
2
On pense que la nouvelle mise en ordre de la ville que représente le projet de renouvellement urbain s’inscrit à la croisée d’intentions
formelles des pouvoirs urbains et de la dynamique d’autres mobilisations et pratiques non-intentionnelles.
12
part “naturelle” de la fabrication de la ville, faite d’initiatives privées diverses des fabricants,
occupants, usagers des espaces du projet urbain. Dans quelle mesure ces forces latentes agissentelles en conformité avec ce qui est attendu, au gré des logiques qui leur sont propres ? C’est ici
l’occasion de s’interroger sur un régime de rattrapage du projet urbain de l’Ile de Nantes, et d’évaluer
l’idée que nous aurions affaire à un volontarisme ne parvenant à influer que partiellement le devenir
de la ville.
Ce registre d’attention n’est pas sans renvoyer à notre deuxième champ d’observation qu’est celui
des EXPERIENCES.
Approcher les phénomènes auxquels on a affaire en termes d’expériences, c’est clarifier les
logiques à l’œuvre dans la réalité de l’espace vécu de la ville. C’est aussi interroger la valeur socioéconomique d’une participation au projet collectif de quartier de la création pour les occupants de ce
quartier, qui sont autant d’opérateurs ou de contre-opérateurs de l’objectif collectif 3. C’est aussi se
donner les moyens de tester la teneur d’un projet qui se raconte beaucoup, aller voir sur le terrain luimême, s’il « prend », notamment depuis les espaces publics (approche ethnographique). C’est
possiblement observer des oppositions d’usages dans les espaces renouvelés (habitat/visite
touristique ; permanence/changement…). En effet, en considérant les opportunités de pratiques
offertes par la ville renouvelée à ses usagers, on perçoit une dimension concurrentielle du projet
urbain entre différents groupes de publics, plus ou moins bien « servis » par une offre urbaine
contenue dans le projet et les formes qu’on lui a donné.
Approcher les phénomènes auxquels on a affaire en termes de formes urbaines c’est certes se
poser la question de savoir comment les pouvoirs urbains façonnent la ville et comment en rebond les
pratiques quotidiennes peuvent être impactées. Mais c’est aussi s’attacher aux pratiques
urbanistiques, revenant à la composition d’un nouvel ordre urbain, comme des pratiques de mises en
formes des rapports sociaux qui prennent place en ville. Quels publics sont « visés », de fait, par le
projet, qu’ils soient co-producteurs (en tant que constructeurs ou en tant qu’occupants venant donner
teneur au projet, en tant qu’usager venant éprouver positivement le projet), ou au contraire comme
persona non grata ?
Prendre au sérieux les formes urbaines c’est aussi être attentif au rôle joué par les pratiques
architecturales, percevant dans l’architecture une « procédure de délimitation des bons usages » de la
ville renouvelée, voire une procédure de démonstration d’un nouvel air du temps et d’un
renouvellement des usages par la forme (CF l’opération Many).
Ces trois ensembles de questions n’existent pas de manière autonome. Leurs articulations
devraient nous offrir des apports singuliers, que l’on associe enjeux de pouvoirs aux enjeux de
l’expérience, ou enjeux de formes à enjeux de pouvoirs, ou encore enjeux de formes à enjeux des
expériences…
2- Les objets d’attention d’une démarche d’ethnographie directive : des motifs, des figures
et des scènes.
Après une prise de recul historique vis-à-vis des faits proposée dans l’axe 2, nous entrerons par le
terrain lui-même. Cela constitue une autre manière « de ne pas s’en laisser conter » sur la ville
créative, et de dépasser le strict reportage sur les intentions publiques, pour percevoir ce qui se
produit très concrètement, dans un contexte urbain et socio-économique constitué et en voie de
constitution. L'enquête sur le terrain proposée dans ce troisième axe mêle observation, participation
observante et entretiens avec des acteurs ciblés.
3
parfois même à plusieurs titres, comme c’est le cas pour quelques agences d’architectes qui arrivent sur le territoire, et lui « donnent
formes et figures ».
13
Rappelons que nous sommes nous-mêmes, chercheurs opérant au sein de l'Ecole d'architecture de
Nantes, au cœur des « attentes créatives », situés au centre même du quartier, ce qui laisse planer
une dérive de confusion des rôles et engage de notre part une attention toute particulière à être
réflexifs envers le terrain mené. En outre, les chercheurs engagés dans POPSU 2 n'en sont pas à leur
première expérience du terrain nantais : acteurs de la fabrique urbaine, élus, cadres administratifs,
acteurs des champs culturels, économiques et associatifs, pour la plupart d'entre eux, ont déjà été
maintes fois interrogés à l'occasion d'autres enquêtes et programmes de recherche à commencer par
POPSU 1. La démarche ethnographique que nous envisageons alors n'a ainsi plus à voir avec une
quête de familiarité, d'apprivoisement long et progressif d'un monde étranger, du moins inconnu.
L'interconnaissance est déjà engagée, voire trop engagée pour que l'effet de surprise, ressort de
l'enquête ethnographique, puisse encore avoir lieu. C'est alors en avertis que nous arrivons sur le
terrain, ce qui engage de notre part un réel travail de mise à distance et de réflexivité.
Le projet de quartier de la création est abordé comme un champ de pratiques collectives que l’on
peut éclairer en portant attention à trois entrées : MOTIFS, FIGURES et SCÈNES constituent des
opérateurs d’enquête communs, qui nous permettrons de travailler tout à la fois individuellement
(chacun ayant déjà son rapport construit au terrain et des intentions concernant la caractérisation de
ce quartier de la création) et collectivement.
Nous retenons l’idée de MOTIFS pour rendre compte des programmes, opérations, actions par
lesquelles passe le projet de quartier de la création. Le terme motif nous intéresse pour ce qu’il
renvoie à la fois à ce qui dessine (motif spatial) et à ce qui se destine (motif pour objectif) 4. Les motifs
renvoient aux champs d’actions collectives, qui prennent parfois aussi place dans la ville (objets
urbains). Les motifs sont typiquement les objets de l'investigation individuelle, chacun d'entre nous
portant son attention à des concrétisations particulières du quartier de la création : les espaces
publics, les musiques actuelles, les politiques d'incitation envers les acteurs économiques et les
intérêts de ceux-ci à participer, etc. La déclinaison des motifs donne lieu à une ethnographie
largement impressionniste, un travail sur les figures et les scènes en parallèle autorisera le passage
au collectif et au croisement.
Les FIGURES, ce sont les acteurs incontournables du projet, et de l'île de Nantes, et du quartier de
la création et de toutes ses ramifications, ce sont les acteurs ayant un parcours et un engagement
important, à même d'impacter le projet collectif : figures du projet, figure de la décision, figure de la
régulation, de la médiation, de l'animation du quartier de la création. La démarche de l'entretien est
ici primordiale, des entretiens que nous conduirons sans doute de façon plus directive alors que
nombre de ces acteurs ont déjà été enquêtés.
Les SCENES, ce sont les situations d’interactions, parfois importantes entre des mondes
différents : des réunions dédiées, des conférences, des visites, des rencontres, des inaugurations, des
pauses-déjeuner, etc.) Ces scènes produisent du sens, servent sans doute à rassurer sur le projet et ses
concrétisation, à limiter les incertitudes, participent à fédérer les acteurs entre eux, à « faire
communauté ». Ici, l'observation est primordiale, observation qui donneront lieu à la tenue d'un
carnet de terrain « interactif », sous la forme d'un blog, où l'enjeu de clarification du rôle et position
du chercheur sera examiné, et où l'organisation de modes collectifs d'observation pourra être testée :
battues, usage de la vidéo, entretiens collectifs, etc
Tableau de synthèse des points d’investigations et méthodes :
Opérateurs d'enquête
4
Méthode privilégiée
Actions / Terrain
A la suite de Pascal Amphoux, mais dans un autre contexte problématique. P Amphoux, in L'espace urbain en méthodes, 2001
14
MOTIFS
Recherches individuelles par entretiens, Pole média (AN), Halle Alstom (dont
dépouillement documentation...
cantine numérique) (ER), les opérations
architecturales emblématiques (Many,
Insula) (ER), les musiques actuelles :
fabrique artistique et offre de formations
(AN) ; les politiques incitatives envers les
milieux économiques: monographie du
groupe Coupechoux ; entretiens avec les
membres du Club Estuaire, CCI (AN)...
Liste
détaillée
à
dresser,
effet
d'arborescence au fil de l'enquête
FIGURES
Recherches individuelles et collectives Architectes, artistes, communicants,
principalement par entretiens semi- promoteurs, nouveaux habitants,
directifs.
commerçants, les « acteurs
intermédiaires », jeunes chargés de
mission ou chefs de projet (AN), les
mobilisations associatives liées au
patrimoine industrialo-portuaire,
Liste détaillée à dresser, effet
d'arborescence au fil de l'enquête
SCENES
Recherches individuelles et collectives Visites
observées,
inaugurations,
principalement par observations et vernissages, réunions dédiées...
analyse de documents
Connaissance de ces événements au fil de
l'eau
Livrables (article ou communication) :
- un article sur les enjeux méthodologiques de se saisir d'un tel objet 5.
- les entrepreneurs de cause métropolitaine ou une jeune génération en appui
- un article inter-thématique économie créative et régulation urbaine : Comment les fabricantsoccupants de la ville créative jouent le « double-jeu » attendu par les pouvoirs publics : investir le
quartier de la création, et lui donner formes.
Résonances
Dans le cadre de la plateforme nationale, l’équipe souhaite en particulier engager des discussions
et comparaisons avec les équipes de Grenoble, Lille et Rennes.
Principales références bibliographiques
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-
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FLORIDA Richard (2005), Cities and the creative class, New York-London, Routledge, 198 p.
5
Au fil des réunions collectives de cadrage de notre objet de recherche pour « Popsu 2 Nantes », nous avons longuement discuté de la
manière dont il nous semblait pertinent d'approcher l'objet « quartier de la création ». Cette histoire d'une interrogation continue sur
l'objet de la recherche montre que nous sommes engagés dans la production de données méthodologiques qui donneront lieu à la
réalisation d'articles, écrits en commun, visant à clarifier ce que peut être une posture critique ouverte et assumée.
15
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Annales de la recherche urbaine, « renouvellements urbains », n°97, pp. 121-126.
17
Régulation territoriale : acteurs et dispositifs en situation
[thème 4]
Introduction
L’analyse des transformations de l’action publique urbaine en France est un domaine bien repéré
qui tend à fournir des connaissances notamment sur un passage avéré d’un régime de la
règlementation (appuyée sur un système centralisé et hiérarchique) à un régime de la régulation,
avec des règles plus discutées, négociées, moins rigides, moins descendantes, et donc plus en prise
avec des contextes. « L’évolution de l’analyse des politiques publiques vers une sociologie politique de
l’action publique correspond au passage d’une conception en termes de production étatique de
politiques publiques à une construction en termes de construction collective de l’action publique. La
sociologie politique de l’action publique repose aujourd’hui sur l’analyse contextualisée d’interactions
d’acteurs multiples et enchevêtrés à plusieurs niveaux, allant du local à l’international en passant par
l’Union européenne. »6 L’ère du projet urbain itératif a ainsi de nombreuses conséquences dont le
tableau avait pu être dressé par Ascher dans les nouveaux principes de l’urbanisme. Cette donne
contemporaine renvoie à des pratiques professionnelles qui, à l’instar des démarches
d’accompagnement de l’action en train de se faire menées par de nouvelles missions de maitrise
d’œuvre urbaine – cf. l’emblématique mission d’A. Chemetoff pour l’île de Nantes – se sont
développées dans l’ensemble des opérations de transformation urbaine y compris dans des ZAC
« périphériques ». Cette circulation se réalise de plus en plus sous la bannière de « bonnes pratiques »
visant la preuve par l’expérience d’une part et la diffusion par des instances incitatrices (plus
qu’animatrices) d’autre part (Devisme, Dumont, Roy, 2007). Comment approcher la régulation
territoriale, entendue comme action publique spatiale visant à concrétiser de grandes orientations
d’aménagement en articulant des politiques publiques, des cadres d’action et des actants ?
On peut schématiquement différencier trois niveaux de régulation territoriale :
- De grande échelle, renvoyant en particulier à des orientations d’agglomération traduites en
partie dans l’urbanisme réglementaire (PLU) mais aussi dans des politiques publiques cadrées
par des plans et programmes (PDU, PLH). La grande échelle de régulation se signale dans un
schéma intégrateur qu’est le SCOT, déployé sur l’ensemble Nantes – Saint-Nazaire en
l’occurrence. Comme la plupart des nouveaux cadres d’aménagement, celui-ci est soumis à
évaluation, renvoyant à tester son efficacité (est-il parvenu à réguler ce qu’affirmaient ses
intentions ?) et à interroger ses modalités de passage des épreuves.
-
De micro-échelle, renvoyant aux opérations de production spatiale en tant que telle et
supposant des ajustements permanents entre les acteurs de cette production (maîtrise
d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, elle-même en lien avec toute une chaîne de producteurs de
l’espace bâti) pour la concrétisation de différents programmes. Cette micro-échelle renvoie
notamment à l’enjeu de « tenir le chantier » (délais, coûts…).
-
D’échelle intermédiaire, qui voit généralement se jouer le projet urbain en tant que tel (niveau
de la ZAC sur le plan opérationnel) : rapport à l’espace public, à la programmation
d’ensemble d’un « quartier », réalisations démonstratives visant une édification de l’ensemble
de la collectivité. C’est à cette échelle qu’œuvrent plusieurs missions représentant un
élargissement du champ d’application des missions OPC identifiées dans la loi MOP, à savoir
des missions d’Ordonnancement, Pilotage et Coordination : elles sont tantôt propres à la
collectivité locale, tantôt confiées à une société publique locale (Samoa et Nantes Métropole
Aménagement), tantôt déléguées ou concédées. Cette échelle intermédiaire renvoie souvent
6
P.Hassenteufel, « politiques publiques » in Le dictionnaire des sciences humaines, PUF, 2006.
18
à un travail de « design institutionnel », à une culture de la négociation et, de fait, à une
certaine impossibilité de rassembler en un même lieu ces trois missions d’ordonnancer, piloter
et coordonner7 : lieu fantasmé de la puissance.
A ces différentes échelles, on peut identifier divers registres de passage de la régulation. Citons
parmi eux le législatif du contexte règlementaire (règlementé serait plus juste pour parler de la
fabrication de la règle), le figuratif avec les croquis de l’étude de faisabilité (ceux réalisés par les
architectes d’opération, ceux réalisés par les « urbanistes de ZAC »), les lieux-moments clés, plus ou
moins dédiés à cette régulation, au sein desquels les régulations peuvent parfois opérer de manière
“discrète”. L’identification analytique des échelles et registres ne doit pas faire oublier la question
principale indexée à la régulation : celle de sa concrétisation, renvoyant donc fondamentalement à un
« comment faire ».
Dans le champ de l’aménagement, l’approche des régulations territoriales et urbaines revient
souvent à une analyse des documents, scripts, plans et programmes qui encadrent la fabrique
urbaine. Elle tend aussi, dans le prolongement, à documenter un gouvernement par les instruments
concernant aussi des outils de « monitoring » et de « reporting » (Lascoumes, Le Galès, 2006). La
régulation, comme évoqué au départ, peut aussi être approchée par l’analyse des milieux technicopolitiques caractérisant telle ou telle ville (sociologie de l’action publique). Ainsi de ces enquêtes
minutieuses ayant abouti à l’ouvrage sur les mondes politiques marseillais (Péraldi, Sanson, 2003) et
insistant sur les lieux-moments clés. Nous proposons ici certes de continuer à mobiliser de tels plans
d’analyse, utiles dans une perspective monographique, mais à engager plus résolument une analyse
de ce que le projet (urbain) mobilise pour concrétiser et incarner les diverses régulations recherchées
par les actions publiques. On perçoit alors l’enjeu d’une analyse qui se fasse aussi depuis les mondes
privés de la production urbaine, en rapport avec ces projets, afin de comprendre les logiques qui les
traversent, sans postuler d’emblée une territorialité politique pertinente (il s’agit bien de ne pas
présupposer qu’un territoire équivaut à une souveraineté). C’est en quelque sorte à une
microspatiologie de la régulation que nous voudrions nous essayer, d’une part via une attention plus
grande à la place des maîtres d’œuvres dans le cadre des projets urbains et à leurs interactions avec
les mondes politiques et techniques de la maîtrise d’ouvrage (documentation des cultures
professionnelles), d’autre part via le prisme des espaces visités (et à quel point dans le cadre des
projets urbains!).
Les axes d’analyse
L’idée principale est bien de considérer le projet comme épreuve de réalité des régulations
territoriales de niveau supérieur, ce prisme ne devant écarter a priori aucune des échelles évoquées,
afin de chercher à bien tracer les modes de production de la ville.
Trois axes de travail sont identifiés au sein de l’équipe :
- « la régulation urbaine en mode grand projet : à la table des puissances invitantes et
invitées ». Cet axe émerge notamment de l’enjeu de suivi sur le temps long des projets
d’advenue et de consolidation de l’île de Nantes (cf. Popsu 1).
-
« l’articulation logement-urbanisme et les stratégies des opérateurs du logement ». Cet axe,
thématisé autour de la production de logements, doit permettre de décrire certaines des
tensions public/privé et de rapporter des points de vue extérieurs aux grands entrepreneurs
de métropole.
7
Fantasme gargantuesque que souligne par ailleurs P.Estèbe dans Gouverner la ville mobile. Cf. notre recension Laurent Devisme,
"Souverainetés
contrastées.",
EspacesTemps.net,
Il
paraît,
12.10.2009
http://espacestemps.net/document7915.html
19
-
« Soft regulation : produire des représentations communes ? » Moins attendu, cet axe explore
à quel point les régulations se font en situation et via l’expérience concrète de l’espace : en
situation de visite donc. Cet axe inclut, dans le même esprit, les manières dont les projets sont
altérés, enrichis, déviés, par différents dispositifs de concernement d’acteurs non
professionnels.
Nous privilégions des méthodes d’enquête ethnographique avec des attentions de terrain du
même ordre que celles de l’axe 3 du thème économie de la connaissance (supra, p.11-12) : MOTIFS,
FIGURES et SCENES sont alors des opérateurs d’enquête. Les motifs sont des objets urbains procédant
d’une intention d’acteurs publics. Les figures sont ici principalement des acteurs des projets, identifiés
comme tels : on ajoute aux acteurs incontournables des seconds couteaux ou acteurs des cuisines
toujours décisifs à l’existence des premiers. Les scènes sont des situations d’interaction cadrées entre
des mondes professionnels plus ou moins proches. On peut y observer des cultures (professionnelles,
militantes…) au travail8.
Axe 1 :
La régulation urbaine en mode Grand Projet : à la table des puissances
invitantes et invitées
Chercheurs impliqués : Laurent DEVISME, Elise ROY.
Comment des stratégies urbaines se réalisent-elles et prennent-elles forme dans les projets ? Alors
que nous avons pu analyser le rôle du plan-guide de l’île de Nantes, des fiches de « monitoring » du
Nouveau Malakoff dans de précédents travaux (Devisme et al., 2006, Devisme, 2007), comment
analyser les processus de régulation à micro-échelle et se rapprocher du vécu de tels instruments,
enchâssés qu’ils sont toujours dans des cultures professionnelles particulières ?
Deux objets de recherche sont identifiés :
Les nouveaux actants de l’île de Nantes : « d’une grandeur à l’autre »
Les maîtres d’œuvre urbains et leurs commanditaires : urbanistes dans les mondes technicopolitiques nantais
les nouveaux actants de l’île de Nantes : d’une grandeur à l’autre
2010 est aux yeux de la plupart des acteurs urbains nantais un tournant dans le design
institutionnel et la répartition des acteurs. Mentionnons les principales saillances de « la fin d’une
époque » : fin du contrat avec A.Chemetoff au début 2010 après 10 ans de travail comme maître
d’œuvre du projet urbain, fin du contrat de l’atelier Ruelle en Décembre 2010 sur Malakoff, départ du
directeur de la Samoa, grand prix de l’urbanisme 2010, pour Euralille... Si la Communauté Urbaine est
en voie de stabiliser la mutualisation de nombreux services avec la Ville de Nantes – et une fusion
début 2011 des services urbanisme vient d’être actée, si les ZAC se feront désormais toutes
communautaires, cette stabilisation des scripts et procédures, cette « rentrée dans le rang »
désignerait aussi bien la fin de l’expérimentation à Nantes comme de nombreuses incertitudes pour la
suite des projets urbains. Ce questionnement local est à mettre en série avec l’évolution de la
gouvernance de nombreuses SEM d’aménagement, avec des profils de direction de plus en plus
politiques et managériaux, au détriment parfois de compétences professionnelles issues du domaine
de l’aménagement et de l’urbanisme (hypothèse qu’il serait intéressant de tester dans le cadre
comparatif de POPSU 2).
8
Comme pour le thème économie de la connaissance, un blog interactif entre les chercheurs permettra de croiser le matériau, les
opérateurs et les analyses d’enquête.
20
L’île de Nantes est particulièrement concernée par ces transformations. A la période de deuil des
chantiers navals souvent évoquée pour caractériser les années 1990 s’ajoute possiblement celle d’un
« deuil » du projet à la nantaise (s’il existe !). Qu’est-ce qui vient après ?
Le lauréat de la consultation sur l’île de Nantes de Juillet 2010, le groupement UAPS - M.Smets,
pose d’abord dans son intention première l’enjeu d’une articulation entre continuité et différence.
Qualifiant l’opération à mener de « requalification intégrée », il s’inscrit dans les pas de Chemetoff vu
comme « clairvoyant et charismatique » et continuant d’épauler sa vision. Qu’est-ce qui ressort, dans
les grandes lignes, de la proposition de Smets ? La ville de l’âge trois est selon lui intéressante mais
inapplicable dans la nouvelle phase vu l’ampleur des parcelles concernées. L’unité de production
urbaine du Tripode montrerait bien les limites de la conception de Chemetoff. Les éléments de
permanence identifiés sont les suivants : considérer l’île dans son ensemble, retrouver la rivière
comme fil conducteur, accepter l’héritage comme pierre angulaire de l’innovation, fonder la solidarité
urbaine à l’attachement collectif aux espaces publics. Ce qui frappe est la parenté d’esprit avec
Chemetoff, à tel point même que l’outil « plan-guide » est prolongé, amendé en quelque sorte avec
une option proposée de passage à la 3D. Le plan-guide garde autrement des vertus « plastiques »
(communication, aide à la décision). Ecoutons le nouveau maître d’œuvre :
« La ville ne se crée pas, elle se développe au gré des opportunités. Cette conviction nous
amènera automatiquement à poursuivre la voie tracée pour la première phase de la réhabilitation de
l’île. Les opportunités qui se présentent dépendent toutefois de l’étendue et du tempo auquel les
terrains se libèrent. Dans cette deuxième phase, les morceaux sur la base desquels la ville se
construira seront (en général) plus grands. Pour maîtriser cette évolution, le projet de chaque
morceau devra cadrer dans une vision urbanistique sur l’ensemble de l’île. Pour la construire, il faudra
procéder en va-et-vient entre la partie et l’ensemble, et prospecter par voie de projets les
potentialités et les limitations de chaque site considéré comme substantiel pour la formation de
l’ensemble. (…) L’attitude de la recherche par le projet procède en liaison étroite avec le maître
d’ouvrage et examine les options du site en construisant des projets successifs avec pour objectif de
découvrir les prédilections sous-jacentes des parties concernées. Elle doit affiner la correspondance
entre programme d’une part, et volumétrie/ aménagement de l’espace ouvert d’autre part. Son but
n’est pas de fixer le développement à venir, mais de dégager des règles auxquelles les alternatives
futures devront souscrire. (…) C’est la raison pour laquelle nous proposons de considérer le projet
comme une orientation du dialogue au lieu de procéder par une stratégie d’acte accompli. A l’inverse
de la vision habituelle d’un projet qui résume le processus de réflexion, nous voulons utiliser le projet
pour ouvrir le débat, focaliser les opinions et aboutir à des résultats qui traduiront la volonté de ses
participants. Cette façon d’opérer – la recherche dirigée par le projet – les mandataires de notre
groupement l’ont expérimenté en diverses autres occasions. Son but fondamental est d’améliorer la
prise de décision par l’examen collectif de différentes options et l’intégration d’arguments
hétérogènes, à travers un processus d’enrichissement successif de la proposition initiale. Utiliser le
projet à cette fin rend la discussion concrète. » (Note de réponse à la consultation, pp. 17 et 19).
En termes de manières de faire, l’équipe propose des workshops et un dialogue organisé pour
faire suite au travail de l’atelier de l’Ile de Nantes. Ne proposant pas d’installation sur place, à la
différence de l’atelier de l’île de Nantes lors de la période Chemetoff, cela génère d’autres types de
travail. L’association au bureau d’études SCE est susceptible de lui faire jouer un rôle dans la présence
sur place en continu mais selon quelles modalités ? Dans la traduction spatiale d’une stratégie
d’aménagement de l’île, un volet de conception urbaine est présent, où l’on voit apparaître l’enjeu de
diagrammes, où l’on voit l’insistance pour des outils de travail collaboratifs.
Ces manières, outils, méthodes, qui en sont désormais au stade de la concrétisation, sont à
prendre au sérieux dans une analyse qui soit avant tout relationnelle : quand apparaissent-ils ? Qui
s’en empare ? Comment évoluent-ils ? Comment traversent-ils différents territoires pour
éventuellement inspirer d’autres démarches ? Passeront-ils la Loire ? Dans le cas du projet de l’île de
Nantes, une normalisation des cuisines s’est d’ores et déjà opérée, la « réunion mensuelle des élus »
21
qui avait été mise place de manière spécifique par la Samoa s’est en effet transformée en commission
locale de quartier, rejoignant le commun de l’organisation propre aux différents conseils de quartier
de la Ville de Nantes.
A côté de ce qui se normalise, il reste bien sûr ce qui résiste, singulier : ainsi, pour l’île de Nantes
toujours, de l’implantation du futur CHU, largement controversée dans la presse locale, mais qui
prend peu à peu consistance, aussi bien dans sa programmation interne que dans les propositions du
maître d’œuvre. Comment le « grand équipement » est-il accueilli mais aussi affecté par le projet
urbain ?
Outre cette focale, nous proposons de réaliser un certain nombre d’entretiens auprès
d’architectes d’opérations immobilières dans le cadre du même projet de l’île de Nantes. Il s’agit alors
de voir comment ils négocient des marges de manœuvre sur le plan architectural bien sûr (comment
se fait le jeu à trois bandes entre maîtrise d’ouvrage, maître d’œuvre urbain – cf. infra et architectes
d’opérations). On cherchera à mettre en évidence la manière dont les projets architecturaux se
discutent, en revenant sur l’hypothèse à laquelle nous étions parvenu à l’issu de la POPSU 1, d’un
« effet de projet », s’exprimant dans un engagement des opérateurs qu’ils se permettent
exceptionnellement, pendant que les contraintes disposées sont nettement plus importantes
qu’ailleurs (cf. aussi l’axe relatif aux stratégies des opérateurs). Avant même de peser sur le projet
architectural, c’est sur le choix du maître d’œuvre que pèsent les pouvoirs du projet urbain, par des
jeux de négociations discrets. Qu’en est-il donc de pratiques moins officielles de régulation, de
pratiques Off qui permettent d’infléchir des projets afin qu’ils aillent dans le sens voulu, voire afin
qu’ils ne puissent pas aboutir ? On a entendu les cadres techniques en charge du projet de l’Ile de
Nantes nous dire comment les instances urbanistiques se servaient de l’autorisation de permis de
construire pour faire pression sur les programmes prétendant, ou bien on les entend nous dire
comment, en situation de pression immobilière forte, les opérateurs immobiliers ont tout intérêt à
satisfaire les « exigences » des services d’urbanisme au profit d’une bonne accessibilité sur l’ensemble
du territoire nantais. Autant de pratiques qui relèvent d’une régulation off, mais instituée, qui
renseignent sur des faits de régulation, à côté d’un ordonnancement officiel.
Ces faits de régulation discrets peuvent être renseignés au travers du recueil de récits de plusieurs
opérations immobilières, réalisés auprès de leurs opérateurs immobiliers et de leurs maitres
d’œuvres. Le travail d’enquête réalisé autour de l’opération INSULA, dans le cadre de la rédaction
d’un article pour Place Publique, montre la voie des enquêtes envisagées. On en ressort un récit
plurivoque, maillé de différents moments de régulation : de l’obligation de faire appel à un architecte
de la short liste, avec négociation du maitre d’ouvrage qui opte pour une association, tout en redisant
sa confiance en ses architectes, ou encore de la négociation de la forme avec l’urbaniste maître
d’œuvre et des moments clés, où la négociation bascule, comme lors d’une visite sur site (cf. 3), pour
le choix du matériau de façade, etc.). On propose de mener un travail à la micro-échelle architecturale
(voire technique : matériau de construction). Ce pan se verra renseigné par une enquête menée
auprès des architectes habitants/occupants du quartier de la création, en connivence avec les
recherches conduites sur le thème de l’économie de la connaissance.
Cette fenêtre nous permet de mieux aborder le rapport au marché, via un questionnement sur le
rapport promoteur / architecte. Quelles sont les configurations que l’on observe des tensions entre
marché et territoire dans le cadre du projet urbain ? Suite à la crise financière mondiale de 2008, suite
à la normalisation institutionnelle évoquée plus haut, comment peut-on qualifier la force avec
laquelle le territoire travaille le marché ?
22
Les maîtres d’œuvre urbains et leurs commanditaires
Les projets urbains ont été la clé d’entrée dans les transformations urbaines nantaises dans le
cadre de POPSU 1, avec cependant de moindres investigations quant aux maîtres d’œuvre urbains
eux-mêmes dans le cadre des projets. Le point précédent vise à mieux entrer dans le rapport entre
maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre urbaine sur l’île de Nantes. Cette analyse sera d’autant plus
facile si elle peut être mise en perspective avec ce qui se passe sur d’autres territoires. Ainsi est-il utile
de déployer l’enquête, de manière spécifique aux maîtres d’œuvre urbain, sur les territoires de
Malakoff (G.Pénot mandataire, 2001-2010) et sur Bottière-Chênaie (J-P. Pranlas-Descours mandataire
à partir de 2003).
Comment une collectivité maintient-elle un vivier de maîtres d’œuvres sur son territoire, dans un
rapport qui est certes celui de la commande publique pour des espaces publics mais aussi celui du
conseil, plus ou moins formalisé (B.Fortier, J-F. Revert notamment sont toujours, d’une manière ou
d’une autre, dans la place) ? Il s’agit pour l’équipe de recherches de continuer à nourrir les
investigations relatives aux cultures professionnelles et aux circulations d’expertises en nous
focalisant davantage sur un monde particulier de la consultance. Comment se construisent des avis
sur la « qualité urbaine », sur les caractères d’un urbanisme à la nantaise (s’il existe) ? Nous
proposons de repartir d’entretiens réalisés par J-L Violeau avec des maîtres d’œuvre ayant travaillé à
Nantes comme à Rennes (Alexandre Chemetoff, Jean-François Revert, Nicolas Michelin, Jacques
Ferrier, Philippe Madec, Jean-Pierre Pranlas-Descours, Christian Devillers), de les compléter par des
entretiens avec des acteurs professionnels de Nantes Métropole et de procéder à une analyse des
citations et réputations produites dans différents contextes d’énonciation. L’enjeu consiste à
prolonger les premières analyses relatives à la place des cultures de maîtres d’œuvre dans le projet
urbain (« les urbanistes dans un jeu de quilles ? » cf. Nantes, petite et grande fabrique urbaine, pp.
238 et suivantes.)
Ce deuxième aspect est incidemment celui qui fait varier la focale spatiale, permettant des
interrogations plus larges sur les mondes technico-politiques nantais.
Axe 2 :L’articulation logement-urbanisme et les stratégies des opérateurs du logement
Chercheurs impliqués : Isabelle GARAT, Célia DEBRE.
Comment des politiques sectorielles, longtemps dissociées au niveau de l’Etat, s’articulent-elles de
plus en plus au niveau local, à quelles conditions, selon quels compromis ? Comment les opérateurs
du logement s’accrochent-ils aux logiques et dynamiques des projets urbains ? Ces deux questions
territoriales fortes, à Nantes comme ailleurs, sont ici travaillées en parallèle.
Convergences et divergences entre programmes d’habitat et projets urbains
Parce que la question des projets urbains, de l’urbanisme plus généralement, est étroitement liée
à celle du logement, c’est-à-dire aux filières de production du logement et au financement des
logements, il semble opportun de suivre les conditions d’élaboration et la phase de démarrage du
nouveau PLH (2010-2016) de l’agglomération nantaise dans ce qu’elles dévoilent des régulations à
l’œuvre. Ces régulations sont vraisemblablement avant tout politiques : la sectorisation du nombre de
logements à construire dans l’espace de la communauté urbaine vise l’adhésion sinon de toutes les
communes, du moins de la majorité des communes d’un secteur. La délégation des aides à la pierre
détenue par la communauté urbaine permet de donner l’assurance de la construction de logements
sociaux, donc des investissements, à la condition d’accepter leur construction, le plus souvent au sein
de ZAC.
Des régulations se font également au sein du groupe des acteurs du logement (bailleurs,
promoteurs, associations etc.) à propos des nouveaux espaces de construction, ainsi 22 ZAC sont
23
créées et une vingtaine sont en attente de création qui font se positionner aménageurs et promoteurs
qui jusque-là intervenaient à Nantes, voire dans les communes de vieille banlieue. Désormais, un
troisième espace au sein de la communauté urbaine se dégage qui se situe aux frontières de celle-ci.
Depuis les lois de décentralisation, les municipalités ont souvent usé de la règle plutôt que de la
régulation, au travers des instructions de permis de construire et des POS, puis PLU. Elles sont peu
intervenues quant à la programmation des logements, ce qui explique que - jusque dans la première
moitié des années 2000 - peu de programmes locaux de l’habitat voient le jour, alors qu’ils sont
pourtant inscrits dans la loi depuis 1983. Et lorsqu’ils existent, ils restent sans effets. Dans la mesure
où l’Etat conservait la compétence du logement, en particulier les aides à la pierre, il était difficile aux
communes de croire en leur capacité de réflexion et d’orientation en matière de logement. La donne a
changé avec la montée en puissance d’intercommunalités plus actives, dotées qui plus est, pour celles
qui en ont exprimé le souhait, depuis le milieu des années 2000, d’une délégation des aides à la
pierre. Mais également avec la relance des documents d’aménagement, et la nécessité, insufflée par
le Grenelle 2, de mettre en correspondance les différents documents de l’aménagement
intracommunautaire : PLU, PLH, PDU (« le trois en un »). Beaucoup plus de collectivités s’impliquent
pour la construction de logements sociaux et font valoir dans les espaces à aménager la nécessité de
faire cohabiter, voire d’enchevêtrer beaucoup plus les parcs de logement privé et public. Les ZAC
nantaises sont les réceptacles de ces nouvelles manières de fabriquer la ville avec un aménageur
mandaté par la commune, puis par la communauté urbaine.
Depuis le milieu des années 2000, la régulation semble avoir pris place aux côtés de la règle.
Toutefois, on peut se demander si, du côté du PLH, l’écriture d’un tel document n’est pas l’occasion de
poser des règles contractualisées de répartition et de fonctionnement dans la programmation des
logements et des nouveaux quartiers de l’intercommunalité. En effet, la régulation semble manquer
d’instruments une fois le diagnostic du PLH posé de concert entre les différentes catégories d’acteurs :
élus, bailleurs, promoteurs, associations d’usagers. Il ne semble pas exister de Conférence
intercommunale du logement ou de Commission locale de l’habitat (introduites à Rennes lors du
deuxième PLH en 2001) au-delà du comité de pilotage du PLH et au-delà de la question du logement
social ou du logement destiné à des publics spécifiques (très pauvres, étudiants, jeunes travailleurs ou
en formation professionnelle, personnes âgées, handicapés, gens du voyage).
Les élus de la communauté urbaine nantaise viennent d’approuver le deuxième Plan local de
l’Habitat en décembre 2010. Ce document pensé à l’échelle de l’agglomération porte sur la période
2010-2016 et il a demandé un an et demi de gestation avant d’être voté par le conseil
communautaire. Plus que le précédent PLH (2004-2010), il a demandé aux élus des 24 communes un
engagement sur la question du logement et de l’habitat.
Le nouveau PLH est empreint d’une logique comptable rigoureuse. Il se situe très loin des PLH
incitatifs et programmatiques des débuts, tardifs à Nantes avec un premier PLH en 2004-2010 - par
rapport à d’autres agglomérations françaises, notamment par rapport à l’agglomération rennaise où
un PLH existe depuis 1995. Chaque secteur de l’agglomération fait l’objet de calculs savants
permettant d’attribuer des bons et mauvais points quant à la construction de logements sociaux et de
prévoir sur 6 ans le nombre de logements à construire pour rattraper le retard. Ainsi, à l’avenir, les
chiffres de la production de logement seront moindres à Nantes que dans la banlieue (1600
logements par an sur 3900 au total dont 400 logements sociaux annuels à Nantes et 500 dans les
communes de banlieue). Par contre, la réhabilitation des logements sociaux anciens sera plus
nombreuse sur la ville centre.
Les objectifs du nouveau PLH les plus souvent énoncés au moment de la concertation sont les
suivants : 1] relancer la production d'habitat 2] diversifier l'offre pour assurer les parcours
résidentiels des ménages sur l'agglomération 3] traiter les besoins particuliers de logements
(étudiants, insertion professionnelle, personnes âgées 4] assurer l'accueil des populations spécifiques
24
(personnes défavorisées, gens du voyage). Ces objectifs sont parfois précisés, notamment en ce qui
concerne le deuxième point : les logements doivent être diversifiés, avec du logement particulier et du
logement spécifique (autrement dit destiné à des publics spécifiques dont le logement est géré par
des organismes spécifiques). Et par des logements qui peuvent être de trois types : individuel, collectif
et intermédiaire. Ce dernier type étant privilégié parce qu’il permet d’agir sur les densités sur
plusieurs sites pilotes.
Pour aboutir à cette volonté, plusieurs lieux de réflexion et des contractualisations ont été
nécessaires avec :
- un comité de pilotage au sein des élus de Nantes métropole, lequel fut parfois élargi aux
représentants de l’Etat et ceux du conseil Général et Régional,
-
un travail au niveau des communes et des secteurs de l’agglomération dans lesquels ont été
débattus les enjeux et actions par territoire, tandis que des contrats de co-développement et
des conventions tripartites étaient signés entre Nantes métropole, communes et aménageur.
Les premiers permettent d’arrêter les objectifs du PLH et de mettre en face les
investissements pluriannuels en matière de logement social. Les seconds de définir la partie
opérationnel.
-
Quant aux professionnels de l’habitat, « les bailleurs, les opérateurs privés, les collecteurs du
1% », il apparaît dans les documents émis en phase de concertation qu’ils ont été associés au
diagnostic du PLH avec des débats organisés en groupe de travail sur les enjeux et actions
ciblés par thématiques. Il en a été de même pour les usagers puisqu’un atelier citoyen a été
mis en place. Enfin, le futur PLH a été soumis au regard des associations de locataires, aux
associations d’insertion par le logement, au conseil de développement de Nantes métropole.
Quels points ont fait consensus durant cette phase de diagnostic et quels ont été les points de
friction ? Un retour sur les différentes « lieux » et temps d’implication des acteurs du logement et un
suivi sur l’année 2011 permettront de dégager les consensus qui font fonctionner la régulation. Par
ailleurs, il s’agira d’identifier qui sont les personnages clés de la régulation (« incarnés »), au-delà des
institutions annoncées dans les conventions (Nantes métropole, commune, aménageur) et de voir
comment ils endossent leur habit de régulateur.
Dans la mesure où il semble que le nouveau PLH n’aborde jamais la question des projets urbains
(ils ne figurent qu’au détour de photographies de réalisations « remarquables » en matière de
logement spécifique : logement étudiant à Calberson, FJT des Forges, dont les architectes, ni le projet
urbain ne sont nommés), il faudra se poser la question d’un tel évitement : faut-il interpréter la
sectorisation de l’action publique en matière de logement et la part plus importante donnée à la
banlieue comme le signe de la fin des grands chantiers centraux ? Comme un retour à un urbanisme
plus ordinaire ? Il faudra aller voir du côté des chantiers pilotes « pour la lutte contre l’étalement
urbain » qui sont sans doute des projets urbains juniors (Bilan du PLH 2004-2010) à Mauves sur Loire,
Bouaye ZAC des Ormeaux), Sorinières ZAC des Vignes, et la Pirotterie 2 à Rezé, commune également
concernée par une « démarche partenariale d’éco-construction ». Quels aménageurs et quels
promoteurs sont en charge de ces opérations pilotes ?
Toutefois, l’absence des projets urbains peut également être liée à la nature du document PLH,
spécialisé sur le logement plus que sur l’urbanisme, conservant la ligne de rupture « traditionnelle »
entre les deux registres quand bien même les compétences sont aujourd’hui détenues par la même
administration, quand bien même le logement est une dimension importante (majeure ?) des projets
urbains. Enfin, leur absence dans le PLH relève peut-être également de la diplomatie nécessaire pour
ne pas heurter les communes de banlieue et ainsi mieux les faire adhérer au projet de « plus de
construction mieux réparties ». Il faudra voir si ces communes jouent de leur appartenance à
l’intercommunalité et de l’adhésion à ses valeurs (mixité, logement intermédiaire, durabilité). Une
communication sous forme de diaporama en 2009 diffusé dans la commune de Bouguenais nous
25
annonce par exemple « les objectifs assignés au secteur sud-ouest sont en grande partie portés par
Bouguenais », comme si la communauté urbaine fonctionnait par injonction aux communes, ce qui
permettrait à celles-ci de se dédouaner de toute adhésion et de mieux se faire valoir. Faut-il voir en
matière d’urbanisme et de logement, la communauté urbaine, comme une instance de régulation ou
comme une nouvelle instance de prescription ?
Les négociations territoriales des opérateurs du logement
En parallèle de cette analyse de l’élaboration du nouveau PLH et de ce qu’il implique, nous nous
nous concentrerons également sur des situations de projet de ZAC dans des communes de
l’agglomération (motifs). Cette entrée permettra de prolonger les interrogations soulevées par l’étude
du PLH grâce à des entretiens semi directifs avec les élus à l’urbanisme de ces communes et avec les
aménageurs de ces ZAC. Comment ces derniers perçoivent-ils les projets phares de la ville centre ?
Comment se positionnent ces communes périphériques par rapport aux projets urbains et à
l’urbanisme à la nantaise, et par rapport à la communauté urbaine de Nantes ? Il s’agit bien là de
questionner ce qui constitue l’urbanisme de ces communes dans des rapports parfois territorialisés
sur le mode « centre/ périphérie » et parfois plus déterritorialisés avec la diffusion de « bonnes
pratiques ». Plus largement il s’agit de poser le cadre de ces situations de projet via la mise en récit de
certains de leurs acteurs.
Ce cadre permettra dans un second temps de développer une entrée par les figures, ici les
opérateurs immobiliers. Dans le cadre de deux précédentes recherches 9, nous avons mis en évidence
certaines pratiques des promoteurs immobiliers. Les pratiques habituelles de ceux qui s’engagent sur
les projets urbains phares de l’agglomération nantaise sont fortement contraintes par l’accumulation
des prescriptions programmatiques, environnementales, urbaines et architecturales. Ces opérateurs
trouvent néanmoins des « intérêts compensatoires » dans des expérimentations techniques,
architecturales, managériales (association avec d’autres promoteurs, formation/ déformation des
manières de faire, des compétences), dans la formation ou l'entretien d'un réseau relationnel
(travailler avec de nouveaux architectes ou au contraire avec les mêmes, être en relation avec les
élus, les SEM d'aménagement etc.). Pour le dire autrement, être présent sur de tels projets urbains,
monter des opérations immobilières dans de tels cadres, représente un investissement non
négligeable en termes d'image et de références. Ces opérations font œuvre de preuve : ces
professionnels ont les moyens de relever les défis urbains contemporains (logements abordables,
développement durable, diversification des formes bâties, montage mixte, etc.). Leur capacité à
relever ces défis semble néanmoins reposer sur des préalables difficilement contournables : leur
aptitude économique à le faire (fonds propres), leur réputation (de nombreuses expériences
antérieures réussies servant de garantie), celle-ci pouvant notamment leur permettre des
associations avec d’autres promoteurs. Nous avons ainsi mis en évidence l’influence des situations de
projet sur les choix d’implantation des opérations (en diffus plutôt qu’en ZAC, sur telle ZAC plutôt que
sur telle autre, etc.). S’intéresser aux opérateurs dans le cadre de la POPSU II, c’est prolonger et
compléter l’analyse de leurs pratiques développée dans le cadre des deux recherches citées
précédemment. C’est aussi, par des travaux similaires mis en œuvre sur l’agglomération de Brest
(C.Dèbre), permettre des comparaisons plus larges de l’effet du territoire sur les pratiques des
opérateurs.
Quand les situations de projet viennent modeler les voies de la négociation…
Les situations de projet urbain se différencient par le contexte politique (les compétences,
positionnement des élus dans l’élaboration du projet et le volontarisme des élus) et par la relation
Formes périurbaines, gouvernement territorial et logiques d’acteurs dans la région nantaise, rapport de
recherche sous la direction de Laurent Devisme, LAUA, ENSAN pour la DREAL des Pays de la Loire et le CETE
Ouest, mai 2008 ; DEVISME L. (sous la direction de), Nantes, la petite et grande fabrique urbaine, éditions
Parenthèses, mars 2009.
9
26
entre portage politique et pilotage technique (type de délégation de maitrise d’ouvrage, aménageur
privé, public, etc..) et le cadre programmatique qu’elle construit. Le marché immobilier et foncier (état
de la demande, état des prix, disponibilités et opportunités foncières, etc.) contribue également à
cette différenciation. Si l’ensemble de ces éléments construisent une réalité territoriale, un territoire,
nous voulions insister néanmoins sur la dimension territoriale au sens spatial (ville centre, commune
périphérique, périurbaine, etc.) et au sens institutionnel (intercommunalité, instruments de
planification, cadres contractuels, etc.).
La concrétisation des projets urbains, parce qu’ils sont ainsi soumis à des « forces » et des
acteurs, nécessite des ajustements négociés. La régulation vise alors moins la réalisation stricte des
objectifs chiffrés et des principes que leur adaptation pour que le projet sorte de terre (Négociation
des prix de sortie, négociation des répartitions programmatiques, etc.) 10. La voie de la négociation
s’élabore et s’ajuste par ailleurs selon les situations de projet et participe de ce fait de ces situations.
Ce modelage de la négociation, de son fond et de sa forme, influence les choix d’implantation des
opérateurs. Cette négociation est-elle systématique ? Quelles sont les conditions nécessaires à cette
négociation ?
Quand la voie culturelle alimente la voie de la négociation… Les opérateurs immobiliers,
agents de diffusion de pratiques et d’expériences ?
La différenciation des situations de projet se fait également par les acteurs en présence, de leur
positionnement dans le projet et de ce qui les constituent en dehors de celui-ci. Ils représentent
autant de connexion à d’autres expériences de projet, à d’autres pratiques… La voie culturelle repose
sur les compétences, sur les forces et sur les cultures professionnelles en présence, sur les transferts
d’expérience. En quoi les expériences des « projets extraordinaires » nourrissent les « projets
ordinaires » ? Comment se construisent et se diffusent ces transferts d’expérience ? Nous posons une
hypothèse : Si les acteurs publics sont des agents de diffusion des expériences (CAUE, ADEME, Nantes
métropole par le portage communautaire des ZAC, etc.), le monde de la promotion contribuerait
également, de manière formelle et informelle, à la diffusion des expériences, à la formation et
l’information vers les promoteurs eux-mêmes (en interne) mais aussi vers d’autres acteurs de
l’aménagement (en externe).
Comment révéler ce qui différencie les positionnements des promoteurs dans la
négociation ?
Il s’agit donc autant de s’intéresser aux objets de la négociation (la mixité sociale avec les prix de
sortie et la répartition programmatique des produits logements, la recherche architecturale et
urbaine, le développement durable avec des principes de densité, de labellisation environnementale,
etc.) qu’aux acteurs de la négociation (relation aux collectivités, aux urbanistes, aux aménageurs, aux
riverains, etc.). Nous tenterons de comprendre ce qui différencie le fond et la forme de la négociation
de ces montages d’opération selon les situations de projet. Nous l’aborderons principalement du côté
des opérateurs. Cette recherche nous permettra notamment de mettre à l’épreuve notre lecture par
types des opérateurs (partenarial, libéral, entre deux). Leur positionnement dans le projet et dans la
négociation varie-t-il selon cette grille de lecture ?
Le choix des terrains sera motivé par nos champs d’exploration :
• Explorer l’influence sur la structuration des projets et la négociation du rôle de Nantes
Métropole et des compétences en présence selon les territoires. Les politiques et les outils
communautaires permettent-ils de lisser ces différences territoriales ? Les manières dont le
territoire travaille le projet sont-elles plus ou moins gommées par le portage communautaire
des ZAC de l’agglomération (les ZAC devenant communautaires à partir du 01/01/2011) ?
BARTHEL P.-A, DEBRE C., « Dans la « cuisine » de la mixité : retour sur des expérimentations nantaises »,
Espaces et sociétés, janvier 2010 ; DEVISME L. (sous la direction de), Nantes, la petite et grande fabrique
urbaine, éditions Parenthèses, mars 2009.
10
27
•
•
Explorer l’impact de l’ouverture à la concurrence des missions d’aménagement sur cette
négociation. Il s’agira donc de choisir des ZAC selon la délégation
d’aménagement (Aménageur privé/ aménageur public).
Explorer les transferts possibles ou non entre les projets et leur influence sur la négociation. Il
s’agit donc de choisir des ZAC où certains des opérateurs construisent aussi dans d’autres
situations de projet, notamment dans l’un des projets phares de l’agglomération.
Terrains envisagés en Mars 2011
Opérations
communautaires
Commune
d’implantation
aménageurs
Opérateurs
présents sur ces
ZAC et sur les
« projets phares »
Autres
opérateurs
ZAC
de
la
Souchais
(620
logements)
ZAC Ouest Centre
ville
(1150 logements)
ZAC de la Métairie
(450 logements)
Carquefou
Foncier
(Nexity)
Couëron
Loire Océan
Développement
ADI
Ataraxia
Atréalis
Couëron
Loire Océan
Développement
ZAC de la Minais
(1100 logements)
Sainte Luce
SELA
Bouygues
Immobilier
Aiguilllon
Construction
Nexity
Lamotte
Bouygues
Immobilier
ZAC des deux
ruisseaux
(1400 logements)
Thouaré
Loire
(toutes les ZAC sont
communautaires depuis
le 01/01/11)
sur
Conseil
Brémond
Axe 3 :« Soft regulation » : produire des représentations communes ?
Chercheurs impliqués : Anne BOSSE, Pauline OUVARD.
L’acception classique de la régulation renvoie à l’interface entre les règles et les territoires.
Appliquée au projet urbain, la notion de régulation s’est quelque peu élargie, conduisant à s’attacher
à la mise en œuvre de l’action publique, à la capacité des acteurs à faire, à s’organiser. On souhaite
dans cette partie se concentrer sur la manière dont produire de l’accord sur le projet urbain c’est aussi
aujourd’hui produire des représentations communes. Il est convaincant pour l’analyse des régulations
territoriales d’ouvrir le champ de l’observation, celles-ci étant de plus en plus multiformes. L’emploi
de l’expression soft power11 du côté des aménageurs et professionnels de l’urbain semble ainsi
traduire le déplacement ou l’élargissement des modes de régulation, de ses lieux et ses moments.
C’est potentiellement hors des sphères estampillées, hors des outils traditionnels que se jouerait aussi
la régulation. Cette diversification nous paraît reliée à l’importance prise par la production d’un
horizon partagé des projets, à la place aujourd’hui accordée/espérée/instrumentée de l’usager, de
l’habitant. Il s’agit donc de s’attacher à ce qui relève de ce que l’on nommera la micro-régulation,
avec des formes relevant de plus en plus du « plein air », qui s’annoncent ou s’affichent moins comme
telles, et faisant se mêler le ludique et le pédagogique, l’artistique et le politique (et signifiant peutêtre qu’il y a plus de « passages en force » qu’auparavant ?). A Nantes, on peut voir dans la mise en
place en 2011 de la structure « le Voyage à Nantes » comme une traduction institutionnelle de cet
11
De manière rapide, capacité à faire adhérer à son modèle. Employé par exemple par un chargé de mission de la SAMOA lors de
l’Atelier Projet urbain – Nantes – 23 septembre 2010.
28
état d’esprit : décloisonnement entre culture et tourisme ; mise en boucle de programmes et circuits
visant à accroître la conscience métropolitaine 12…
La visite comme régulation in vivo
Cet axe d’investigation sera centré sur la visite, interrogée en tant que processus de microrégulation et sur les espaces visités comme territoires majeurs de la régulation territoriale. Les
manières de montrer, d’expliquer, de traduire l’espace et ses transformations sont posées comme
activatrices de régulations, et la visite s’y inscrit pleinement. D’une part, on constate en effet
aujourd’hui dans les mondes de l’architecture et de l’urbanisme le recours de plus en plus fréquent à
la pratique de la visite, notamment pour faire le lien entre les professionnels et les habitants ou
usagers, afin d’augmenter la compréhension de ces derniers des projets en cours, anticiper sur une
adhésion à la future ville 13. Les visites en effet ne concernent plus strictement les éléments de
patrimoine mais s’orientent vers les chantiers, les projets en cours, jusqu’à constituer parfois une
dynamique d’attachement prévisionnel, construire une antécédence dans les futures pratiques de la
ville. D’autre part, la visite est au cœur de la circulation des modèles et des pratiques. Souami (2009)
mentionne que de nombreux projets d’écoquartiers se sont lancés en France à la suite des visites
effectuées dans les quartiers exemplaires, Vauban en premier lieu. On ne peut qu’être interpellé
également par le fait que les chargés de mission de la SAMOA disent que faire visiter le projet de l’île
de Nantes tend à devenir une partie non négligeable de leur activité professionnelle. Plusieurs
réunions professionnelles ou avec des élus passent par un moment de visite, « aller sur place » valant
alors tantôt comme épreuve, comme démonstration, comme formation collective…
Afin d’interroger cette micro-régulation par la visite, nous nous attacherons à des situations
spécifiques. La méthode qui consiste à « se faire visiteur » permet une observation du déroulement
des interactions entre protagonistes, mais permet surtout une contextualisation des énoncés produits
sur le projet, sur l’architecture, et permet d’être dans l’action de régulation. Comment et par quoi
passe-t-elle ? De quelle manière implique-t-elle les différents acteurs ? Quels en sont les effets ? Ces
situations seront centrées sur deux enjeux de régulation différents, relevant de l’interface
« projeteurs » (politiques, professionnels de l’urbain…) « récepteurs » (usagers, habitants…), et entre
les acteurs du projet avec une dimension plus territorialisée. Premièrement, nous nous attacherons à
différentes procédures. Par exemple le projet de requalification d’une barre dans le quartier Malakoff
à Nantes et aux attendus de la visite par les locataires de l’appartement témoin dans l’implication et
l’adhésion au projet de travaux proposé (sanctionné par le vote des locataires). Autre exemple comme
le conseil de quartier de l’île de Nantes relevant des nouvelles formes du dialogue citoyen à Nantes et
menant à constituer un groupe de travail chargé de visites sur le terrain afin de discuter des
disfonctionnements dans les espaces publics de l’île, ainsi qu’un autre groupe de travail « veille sur le
projet urbain » mobilisé à l’occasion de réunions d’informations. Deuxièmement, nous « couvrirons »
tous les types de visites du projet d’écoquartier de Bottière Chenaie et du projet de l’île de Nantes
(visite lors de l’atelier projet urbain, visite par une association de diffusion de l’architecture (Ardépa),
visite à la demande du service urbanisme de collectivités…). Des entretiens avec les principaux
organisateurs et concepteurs, ainsi qu’avec des visiteurs, complèteront ce travail d’ordre
microsociologique.
Dispositifs et processus de concernement des acteurs non professionnels
Comment les différents registres de médiation, explicites ou implicites, interviennent en situation de
projet urbain et permettent à différents acteurs de « faire en commun » ? Quels sont les processus de
médiation ? Quels sont les outils et méthodes mis en œuvre ? Comment les différents acteurs sont-ils
impliqués? Comment adaptent-ils leurs pratiques? Comment s’emparent-ils des outils de médiation?
12
« Le voyage à Nantes » regroupe depuis Janvier 2011 l’office de tourisme de Nantes Métropole, la Sem Nantes Culture et Patrimoine
et l’activité Estuaire. A l’horizon d’Estuaire 2012 est prévu notamment un parcours dans la ville cheminant du Nantes historique au Nantes
industriel et au Nantes contemporain.
13
Bossé, Anne, L’expérience spatiale de la visite. Engagement dans l’action, épreuve collective et transformations urbaines , Thèse de
doctorat de géographie, Université François Rabelais, Tours, 2010.
29
Afin d’appréhender les dispositifs d’action de la médiation, seront discutées d’une part: les notions de
médiation / concertation / participation / négociation. D’autre part, seront étudiés, les lieux et
moments de médiation (Workshops, Atelier Projet Urbain, visites et présentations au Hangar 32,
réunion de consultation, les 5’à7’ de la SAMOA, le « off » ou la médiation invisible…), les acteurs de la
médiation (chef de projet, acteur/réseau tantôt actant ou médiateur, acteurs intermédiaires,
médiateur au Hangar 32, circulation des pratiques/langages/cultures professionnelles, types de
confrontations), et les outils et instruments qui contribuent à la médiation (plan guide, médias,
exposition au Hangar 32, diagrammes, maquettes, croquis, grilles de lecture, charte…). En lien avec
un projet de thèse, cet axe peut s’appuyer sur des travaux du LAUA ayant abordé les enjeux du métier
de chargé de quartier et sur une analyse plus récente du dispositif de Conseil de Quartier mis en place
depuis 2008 à Nantes et concrétisant une nouvelle version de la démocratie locale. Que dire
aujourd’hui des rapports entre régime du projet et régime de concernement des non-professionnels ?
Fonctionnement de l’équipe et implications des chercheurs
Les chercheurs impliqués sont rassemblés par des interrogations sur la régulation urbaine, les
médiations territoriales, les négociations d’acteurs et les transactions spatiales. Ces différentes
notions feront l’objet d’un séminaire à occurrences régulières permettant de clarifier les enjeux de
l’utilisation de ces notions (le point de départ étant un glossaire en cours d’élaboration) et d’engager
la dispute scientifique avec des textes théoriques que nous constituerons comme un reader. Les
acteurs métropolitains seront invités à ces séminaires.
L’approche de la régulation urbaine qui est proposée s’inscrit dans le cadre d’un suivi ethnographique
des actions engagées dans les projets retenus comme terrains d’investigation. Comme précisé à
l’occasion de l’axe « économie de la connaissance », ce suivi n’est plus du même ordre que celui qui
pouvait être à l’œuvre lors de POPSU 1 (cf. Devisme, Dumont, 2008), essentiellement en raison de
l’importance des interconnaissances engagées avec un certain nombre d’acteurs locaux. Nous
arrivons plutôt en qualité de chercheurs avertis et sommes amenés à développer un engagement
ethnographique plus direct. L’engagement du chercheur est clairement moins de l’ordre de
l’éthologue naïf ou du sociologue faisant irruption dans un domaine inconnu. Les chercheurs comme
le laboratoire sont de plus en plus repérés sur la sphère locale, interpellés régulièrement comme
agitateurs, aiguillons, témoins, petits rapporteurs… Cela n’empêche pas toutefois (cf. le premier point
ici) tout un travail de reconstruction des relations quand le turn over des acteurs est tel que presque
tout le paysage actoriel semble avoir changé.
Les objets de recherche que nous nous donnons s’inscrivent dans une tension descriptive qui vise à
tracer les actions que nous avons sous les yeux et suivant principalement l’observation de scènes, la
conduite d’entretiens avec des figures, l’exploration analytique de motifs et l’activation de visites.
Nous mettons par ailleurs en œuvre une veille généraliste permettant une bonne connaissance du
contexte institutionnel et de projet (sans négliger les macro-échelles et leurs documents : PLH, PDU,
principes d’aménagement métropolitains…) via une revue de presse au LAUA. Incidemment, cette
veille permet de repérer des cas émergents qui peuvent être autant d’attracteurs de négociations.
Tableau des implications respectives
Axes d’investigation
Sous-axes
Chercheurs
30
pilotes
La régulation urbaine en
mode grand projet
L’articulation
logementurbanisme et les stratégies
des opérateurs du logement
Soft regulation : produire
des
représentations
communes ?
Les nouveaux actants de l’île de
Nantes
Les maîtres d’œuvre urbains et leurs
commanditaires
Convergences et divergences entre
programmes d’habitat et projets
urbains
Les négociations territoriales des
opérateurs du logement
La visite comme régulation in vivo
Dispositifs
et
processus
de
concernement
Laurent Devisme,
Elise Roy
Laurent Devisme,
Elise Roy
Isabelle Garat
Célia Dèbre
Anne Bossé
Pauline Ouvrard
Le glossaire des notions-clé, en cours de constitution, implique, au démarrage, de se situer
au croisement de lectures et de travaux empiriques déjà menés ; chaque notion renvoie plus ou moins
explicitement à des débats et questions. Exemples:
Régulation territoriale : action publique spatiale visant à concrétiser de grandes orientations
d’aménagement en articulant des politiques publiques, des cadres d’action et des actants. Comment
l’équipe se situe-t-elle par rapport à l’école de la régulation ? Comment se situe-t-elle par rapport aux
travaux sur les régimes urbains ? La notion de convention urbaine comme mode de régulation est-elle
pertinente ?
Actant : « réalité sociale dotée d’une capacité d’action » (Dictionnaire de la géographie et de
l’espace des sociétés »). En quoi cette définition déborde-t-elle la notion d’acteur dans le cadre de nos
travaux ? A quoi se réfèrent-ils ? Les acteurs sont quant à eux « dotés d’une intériorité subjective,
d’une intentionnalité et d’une capacité stratégique autonome et d’une compétence énonciative »
(id.ibid.)
Dispositif spatial : empruntée à M.Foucault, la notion désigne un objet jouant un double rôle :
celui d’opérateur de traduction et celui de support de délégation. Visant à produire des effets de
régulation dans le champ social, le dispositif peut n’exister qu’à l’état de projet. Comment se
concrétise-t-il ?
Situation : la notion de situation dans la sociologie interactionniste vise à mettre en avant le
cours de l’existence comme une succession de participations (ajustements, réagencements) à des
situations « cadrant » l’action. Peu utilisée dans le cadre de l’analyse de l’action publique, cette
orientation est ici testée : est-elle ajustée aux problématiques du gouvernement des choses
spatiales ? A quelles conditions ? L’équipe est-elle prête à défendre un situationnisme
méthodologique ?
(…)
Livrables (article ou communication) :
Les « livrables » envisagés relèvent, outre les rapports intermédiaires de recherche, de publication de
textes : dans la revue Place Publique Nantes, sur un format de textes courts, avec un enjeu de
dialogues avec des acteurs professionnels globalement lecteurs de ce support ; de textes plus denses
à destination de revues SHS. Parmi les thématiques d’articles envisagés, citons : les négociations
autour du PLH / les entrepreneurs de métropole (avec des chercheurs du thème économie de la
connaissance à Nantes) / les ethnographes et la régulation territoriale/ Prendre formes, donner
figures…
L.Devisme, impliqué avec M.Dumont dans une recherche PIRVE coordonnée par R.Verhage sur les
processus d’apprentissage et d’exemplarité des écoquartiers vers la production globale de la ville,
31
mobilisera certains entretiens de manière conjointe afin de renforcer les questionnements relatifs
tantôt à l’apprentissage organisationnel (réponse PIRVE), tantôt à d’autres formes de régulation.
Résonances
Dans le cadre de la plateforme nationale, l’équipe souhaite en particulier engager des discussions et
comparaisons avec les équipes de Bordeaux et Grenoble. Avec l’équipe bordelaise, il s’agit
notamment de voir ce que permet la différenciation en trois niveaux (régulation métropolitaine,
fabrique opératoire des « morceaux de ville », outils) et la comparaison de configurations d’action
publique. Sur le plan cognitif, l’équipe bordelaise met en avant une finalité intéressante qui est de «
faire apparaître les conditionnements ambiants des pragmatiques d’action par une approche des
arrangements situés » (p.21 de la réponse à la consultation).
Avec l’équipe grenobloise (cf. pages 14-19 de la réponse à la consultation), il s’agirait notamment de
croiser les observations et analyses par rapport aux quatre modalités retenues pour qualifier la
régulation : celles de la contractualisation, de la coopération, de la concertation et de la participation.
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33
Organisation générale
Equipe de pilotage
−
−
responsable de la recherche :
responsable coordinateur du programme :
Laurent DEVISME, LAUA ;
Elise ROY, LAUA ;
Notre équipe se propose d’être pilote sur le thème de l’économie de la connaissance, avec Christophe
DEMAZIERE, chercheur pilote.
Correspondants par thèmes:
−
−
Economie de la connaissance :
Régulations territoriales :
Christophe DEMAZIERE, CITERE ;
Laurent DEVISME, LAUA.
Composition de l’équipe:
−
−
−
Christophe DEMAZIERE, Docteur en sciences économiques, HDR en aménagement-urbanisme,
professeur à l’Ecole Polytechnique de l’Université de Tours, chercheur à Cités, Territoires,
Environnement, Sociétés (UMR CNRS 6173)
Laurent DEVISME, docteur en urbanisme, maître-assistant en SHS à l’ENSA Nantes, directeur du LAUA
Elise ROY, architecte docteure en Urbanisme et aménagement, maitre assistante en SHS à l’ENSA
Nantes, chercheure au LAUA
&
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Monique BIGOTEAU, responsable éditoriale publications de UMR 6590 du CNRS Espaces géographiques
et sociétés (ESO) - Directrice adjointe de la Maison des Sciences de l'Homme Ange-Guépin de Nantes,
chercheure au CESTAN, ESO-Nantes UMR 6590 ESO CNRS;
Anne BOSSE, architecte, docteure en géographie, enseignante contractuelle à l'ENSA Nantes,
chercheure au LAUA
Célia DEBRE, Docteur en Sciences Politiques, Architecte DPLG, Maître de conférences en urbanisme et
aménagement ; Enseignante à l’Institut Géoarchitecture, Université de de Bretagne Occidentale,
membre de l’EA-2219 Géoarchitecture, membre en second rattachement au LAUA, ENSAN, Nantes
Jacques FACHE, docteur en géographie, HDR , professeur de géographie à l'Université d'Angers,
chercheur à ESO-Angers-CARTA,
Isabelle GARAT, docteure en géographie, urbanisme et aménagement, maître de Conférences à
l'Université de Nantes (Institut de géographie IGARUN), UMR 6590 ESO Nantes CNRS
Amélie NICOLAS, Docteure en Sociologie, Post-Doctorante dans le cadre du projet AAP-ANR GéCOPe,
Laboratoire Géolittomer - LETG UMR 6554 CNRS, Enseignante contractuelle à l'ENSA Nantes et à
l'Université de Nantes, chercheure au LAUA
Pauline OUVRARD, architecte-doctorante, chercheure contractuelle au LAUA,
Sophie VERNICOS, docteure en géographie, maître de Conférences à l'Université de Nantes (Institut de
géographie IGARUN), UMR 6590 ESO Nantes CNRS.
Pierre Arnaud BARTHEL, maître de conférences en géographie urbaine et urbanisme à l’Université de
Nantes, en détachement au Cedej (Caire) jusqu’à Juin 2011.
Xiaogang LI, ingénieur en aménagement-urbanisme et titulaire d’un Master Recherche de l’Université
de Tours, doctorant associé au laboratoire CITERES
Pierre MENAGE, diplômé d’un Magistère en aménagement (Université de Tours), doctorant, associé au
laboratoire CITERES
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