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édito 3. Trois mots : lumières, lieux, chorégraphies. Trois clés pour pénétrer l’univers d’Olivier Massart. Trois manières d’appréhender la méthode, la singularité, la pratique de La Mode en Images. Trois approches, apparemment éclatées, qui dressent un portrait de la complexité et de la complétude d’un métier qui en mêle tant d’autres, d’un regard qui entremêle des expressions, des sensations et des émotions complémentaires, d’une souplesse qui démêle bien des écheveaux tissés de contradictions apparentes. Soit la mise en scène, en lumière et en perspective d’une activité dont l’objet est la mise en scène, en lumière et en perspective de créations et de talents multiples. 3 Lumières Dans L’éloge de l’ombre, Junichiro Tanizaki écrit : “…Il régnait dans cet établissement une certaine obscurité dont je ne puis oublier la qualité ; c’était dans une vaste salle qu’on appelait, je crois, la “salle des pins”. Les ténèbres dans cette pièce immense, à peine éclairées par la flamme d’une unique chandelle, avaient une densité d’une toute autre nature que celles qui peuvent régner dans un petit salon… Avez-vous jamais, vous qui me lisez, vu la couleur des ténèbres à la lueur d’une flamme ?…”. Dan Flavin : corner piece • 1987 © courtesy collection M HKA 1 Olafur Eliasson : Test for Pedestrian vibes study • 2004 • Photo: Jens Ziehe © 2004 Olafur Eliasson 6 Ténèbres. L’homme n’a eu de cesse de s’en libérer, de les inonder de lumière. Guerre du feu, leçons des ténèbres, sol y sombra… éternels affrontements entre l’ombre et la lumière. « Vous me demandez ce qu’est la lumière ? C’est le crépuscule du côté de la lune, inconnu des terriens. Là où seulement les chats ou les lunatiques voient… » écrivait l’artiste et photographe Raoul Haussmann dans L’ange du ciel. Justement, à l’origine, Olivier Massart était photographe. Or, littéralement, qu’est-ce que photographier sinon écrire avec la lumière ? Dès avant l’origine, l’enfant du Lubéron qu’est Massart se laissait envahir par les contrastes nés de l’alternance de l’ombre et de la lumière, du jour et de la nuit. Levers et couchers de soleil, jeu des rais à travers les persiennes, ombres étranges qui s’allongent, rétrécissent, se dissolvent… « Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière. » On reconnaît bien là, la gouaille de Michel Audiard. Fêlé Massart qui laisse si bien passer la lumière ? Pour mieux la modeler certes, la moduler, jouer de la fusion et de l’opposition, de l’apparition et de la disparition, de la matérialisation et de la dématérialisation. Fugacité, impalpabilité, sans cesse se projeter au-delà du réel. Jean-Paul Gaultier, Hôtel particulier virtuel Un défilé Haute-Couture plongé dans l’irréel d’un hôtel particulier virtuel, animé par des films. (Carrousel du Louvre, Paris) Au détour de l’analyse des mises en scène orchestrées par La Mode en Images, surgit soudain un souvenir impérissable. Voilà que sur l’écran un long travelling traverse entrée, vestibule, escalier, grand salon, bibliothèque… et, tout au long du parcours, jaillissant des murs, des bras vivants. À l’extrêmité de chaque bras, une main tient un candélabre. Effet saisissant. Fantasmagorie. Magie. Rêve. Conte de fées sans fée, sensation de mystère irréel. De La belle et la bête, son auteur, Jean Cocteau dira qu’il s’agit d’une « œuvre écrite à l’encre de lumière. » Écrire avec la lumière, à l’encre de lumière, en épuiser l’alphabet, la grammaire et la syntaxe, telle est l’une des irrésistibles ambitions de La Mode en Images au fil de ses événements. Et ainsi, de confronter, d’affronter, le mystère et l’évidence, le masqué et le révélé, le symbolique et le signifiant. « Le plan d’immanence ne cesse de se tresser, gigantesque navette », constataient Deleuze et Guattari. Cartier Santos Night Un tunnel, des miroirs sans tain, des transparences, un immense écran circulaire, une nuit étoilée… le sentiment constant, persistant d’être en apesanteur. (Musée de l’air et de l’espace, Le Bourget, Avril 2004) Claude Lévêque : Le Grand Sommeil • 2006 • Installation in situ MAC/VAL, Vitry-sur-Seine • 36 carcasses de lits en pvc, boules blanches en polystyrène, demi-sphères en plexiglas, lumière noire. D’un défilé l’autre, d’un événement l’autre, d’une fête l’autre, Massart multiplie, démultiplie les effets et les contrastes, invente une écriture singulière, autonome, précise et floue tout à la fois. Diffusion sonore : musique de salle de pachinko. Conception sonore en collaboration avec Gerome Nox • Photo Marc Domage © Claude Lévêque. Courtesy the artist and kamel mennour, Paris 8 François Morellet : Lamentable blanc • 2008 • Néon blanc 640 x 400 x 200 cm © François Morellet • Photo. Paolo Vandrasch • Courtesy Kamel Mennour, Paris 10 Lumières projetées, emmêlées, semées d’images qui se bousculent, se télescopent, se faufilent, se succèdent, se répondent, rebondissent... Soit une poétique de l’espace qui exalte la grâce de l’instant et le génie du lieu. Jeux de mises en scène, de lumières et de projections, oeuvres vibratiles et mouvantes, comme animées par le flottement de la surface, les frémissements de l’eau, le souffle du vent, l’illusion de la palpitation... invitent le spectateur à plonger jusqu’au vertige dans leurs incessants miroitements, leurs infinis prolongements. Délices et mystères, ne rien expliquer, ne rien disséquer, donner simplement à sentir et à ressentir... « Information will never replace illumination », concluait Susan Sontag. Édouard Michel Kenzo, 30 ans de création Un spectacle monumental où se mêlent la lumière et le mouvement, le son et l’image, la mémoire et la technologie, les idées et les corps… un voyage autour du monde qui mène quelques milliers d’invités des rues de Tokyo aux pavés de Paris, en passant par l’immaculé du grand nord et les déserts africains, les steppes infinies d’Asie centrale et les splendeurs baroques de Russie… (Zénith de Paris, octobre 1999) K Kamel Mennour Dix ans déjà et une trajectoire sans faille. L’itinéraire d’un homme au regard singulier : œil aux aguets, œil qui travaille, œil comme métier. Première galerie, rue Mazarine. Petit espace et grands noms, avec la photographie en fulgurant démarrage : Nobuyoshi Araki, Larry Clark, Annie Leibowitz, Pierre Molinier, Stephen Shore… Huit ans plus tard, Kamel Mennour ouvre un deuxième espace, rue Saint-André des Arts. Vaste, lumineux, impressionnant celui-là. Entre cour pavée et jardin dans l’un des plus prestigieux hôtels particuliers du XVIIe siècle parisien. Un lieu chargé d’histoire et de mémoire qu’il va réveiller, plonger en pleine contemporanéité avec la complicité des architectes Aldric Beckmann et Françoise N’Thépé. En tout juste huit ans, Mennour a fait ses preuves, témoigné de sa rigueur et de son engagement, de sa disponibilité et, une fois encore, de la justesse de son regard. Déjà Daniel Buren et Claude Lévêque l’ont rejoint que suivront artistes célébrés et débutants, tels, entre autres, François Morellet et Djamel Tatah, Zineb Sedira et Tadashi Kawamata, Camille Henrot et Huang Yong Ping… « La lumière confie Kamel Mennour, est devenue plus encore q’une matière, un matériau essentiel de l’expression artistique. Certes, déjà dans les années 1960, des artistes tels Dan Flavin ou François Morellet en avaient exploré les possibilités et les prolongements, inventé comme une nouvelle langue. Aujourd’hui, des créateurs tels Olafur Eliasson, Claude Lévêque ou James Turrell, pour ne citer qu’eux, se sont joints à l’aventure, poursuivent l’exploration, repoussent les frontières. Assez curieusement, ces jeux de scintillement, de pétillance, de vibration font de la lumière une matière pour l’oreille, tant elle impose le silence. » Et le galeriste d’évoquer la dialectique subtile opérée par ces couleurs sans couleur ; de se souvenir de l’exposition de Dan Flavin au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, laquelle pour peu que l’on changeait l’ordre du parcours, que l’on modifiait l’angle de vision, organisait un étrange basculement de la sensation ; d’insister sur l’intervention de Claude Lévêque au Palais Farnese qui, par une simple utilisation de la lumière noire réécrivait totalement le plafond des Carrache… « Sens, sentiment, sensations, tout bascule », murmure-t-il. Kamel Mennour et Olivier Massart se connaissent depuis longtemps. Une vraie complicité, une profonde amitié les unissent. « Olivier se nourrit d’art. Il possède un regard acéré, il voit incroyablement vite, ressent immédiatement. Son rapport à l’art et à la lumière est une relation d’échange. Il voit vite parce que souvent il a vu avant. À l’évidence l’art influe sur ses créations. Mais jamais il ne copie. Il adapte, dépasse, transfigure et même, souvent, précède. Il est, à l’évidence, un esthète précis, un perfectionniste, un maître de la lumière. » Kamel Mennour • 2008 © Martin Parr par Gilles de Bure Il est des lieux qui jaillissent, qui s’imposent, marquent le voyage, activent la mémoire, accumulent les souvenirs, provoquent les émotions, suscitent les sensations, exaltent le plaisir, approfondissent le mystère, accélèrent le basculement du regard, forcent la pensée à s’envoler. Génie du lieu, magie, mystère, vibrations, histoire, tout s’exalte au Palais Farnese. Palais Farnese , façade sur cour • photo: Zeno Colantoni © Ambassade de France en Italie Palais Farnese 2 16 Le temps Cartier Rome à la lumière des bougies et des chandelles. Une atmosphère à la Barry Lindon de Stanley Kubrick. Et puis l’éblouissement des lustres et des candélabres… (Palais Farnese, Ambassade de France, Rome, octobre 2003) En 1495, le cardinal Alexandre Farnese achète, entre le Campo dei Fiori et le Tibre, un terrain et quelques bâtiments. Vingt ans plus tard, il confie le soin d’imaginer un palais en ce lieu à l’architecte Antonio da Sangallo. En 1517 les travaux commencent et s’étirent jusqu’à ce que, en 1534, le cardinal soit élu pape sous le nom de Paul III. Dans la deuxième édition de Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes, qu’il publie en 1568, Giorgio Vasari écrit à propos du Palais Farnese : « Ce n’était pas tant au début que l’on pouvait admirer sa perfection, mais après que le cardinal fut nommé pape, car Antonio da Sangallo changea tous ses plans, devant faire un palais non plus pour un cardinal, mais pour un pape. » En 1546, à Sangallo disparu, succède Michel Ange. Puis viendront les architectes Vignole et Della Porta, tandis que Francesco Salviati et Taddeo Zuccari réaliseront, entre autres, les fresques du Salotto Dipinto, actuel bureau de l’Ambassadeur (Le Palais Farnese est devenu Ambassade de France en Italie en 1874). Plus tard, en 1595, un autre Farnese, un autre cardinal, Edouard, arrière-petit-fils d’Alexandre, fait appel aux peintres bolonais Annibal et Agostino Carrache pour achever la décoration du palais. Naîtront, entre autres, de cette commande, le cabinet d’Hercule au décor mythologique et allégorique, et surtout la grande galerie qui porte le nom des Carrache. Soit une pièce de fête, longue de 55 mètres, donnant sur les jardins et sur le Tibre animée par l’étonnante et grandiose fresque peinte par les Carrache, Les Amours des Dieux, exaltation de l’Antiquité classique. Passé le Campo dei Fiori, abordées les deux fontaines antiques, voici que se dessine la façade du Palais Farnese, la loggia et la fameuse corniche de Michel Ange. Le palais n’a rien perdu de sa majesté ni de son éclat. Gravir les escaliers et déboucher dans la galerie des Carrache est à couper le souffle. Impossible d’y échapper. C’est là, absolument, qu’Olivier Massart va faire se dérouler le grand et élégant dîner qui accompagne la présentation de la nouvelle collection Cartier. À la lumière dorée et mouvante qui semble provenir des angles de la voûte, se substituent alors d’étranges éclats. Ceux des pierres précieuses tout d’abord, ceux aussi des miroirs dont sont faites les tables, et encore ceux des lumières dansantes sur les chandeliers. Et c’est alors que tout bascule. Les tables miroirs sur lesquelles se projettent Les Amours des Dieux provoquent une étrange mise en abîme. Les Carrache sont démultipliés, magnifiés, traversant le lieu et l’histoire. Captation magique de lumières, d’éclats, d’images, d’immuable mémoire. Le génie du lieu dévoilé, transmué, revisité. « J’aime les lieux d’exception, les lieux chargés, les lieux de mémoire comme le château de Versailles ou l’Opéra de Paris. Et tout autant les architectures contemporaines dont on sait qu’elles sont en train de créer la mémoire à venir, comme celles imaginées par l’architecte japonais Tadao Ando », confie Massart. Versailles et l’Opéra Garnier, un théâtre de Kabuki à Tokyo et le stade de Maracana à Rio de Janeiro et encore, du Caire à New York, de Londres à Istanbul, de Shanghai à Barhein, d’une cathédrale à un entrepôt, d’un musée à un aéroport désaffecté, Olivier Massart s’attache, à chaque fois, à exalter, recréer, le génie du lieu. Luca Manfredi Voûte de la galerie des Carrache • photo: Zeno Colantoni © Ambassade de France en Italie 18 Le temps Cartier Le vertige de la mise en abîme de l’immense fresque des Carrache. par Gilles de Bure Après des études de langues (anglais, allemand) et de communication, Christine Borgoltz passe de l’événement (Lumière du cinéma) et de la presse culturelle (Clés) aux relations publiques. C’est dans ce cadre qu’elle rencontre, aux tous débuts des années 1980, Marie-Claude Beaud alors directrice du Musée de Toulon. Une vieille institution qu’elles vont s’attacher de concert, chacune selon son territoire, à dynamiser, donnant ainsi le coup d’envoi du réveil des musées de province. Avec, en 1984, en guise de feu d’artifice final, une exposition qui va faire date : Quatre ans d’acquisitions. Et puis, tout s’enchaîne. La même année, AlainDominique Perrin crée la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Marie-Claude Beaud en sera la directrice, et Christine Borgoltz la directrice des relations publiques et presse. La France est sceptique. Une fondation privée, qui plus est adossée à une entreprise, aussi prestigieuse soit-elle, voilà qui n’entre pas dans les us et coutumes institutionnels de l’hexagone. Le trio va faire merveille, management, direction artistique et communication sont à l’unisson et la Fondation est un succès. Elle quittera Jouy-en-Josas et s’installera à Paris, boulevard Raspail, dans une lumineuse et aérienne architecture signée Jean Nouvel. Mais tout a une fin. En 1992, Marie-Claude et Christine quitteront la Fondation pour d’autres aventures. La première au grand large, la seconde au plus près, dans le giron du groupe. La voici Directrice des Relations Extérieures de Cartier International, en charge de l’image corporate, des événements, des relations publiques et de la presse. Ce qui ne l’empêche nullement de garder un œil vigilant sur la Fondation et de l’entourer de toute sa tendresse. En l’espace de dix-sept ans, Olivier Massart et La Mode en Images sont devenus des interlocuteurs privilégiés pour elle. « Oui, Olivier et moi, au fil du temps, sommes devenus des complices tant l’exigence de Cartier International et celle de La Mode en Images sont de même nature : qualité, élégance, raffinement, surprise. » De cette complicité va naître une collection d’événements exceptionnels. Le dîner du Palais Farnese en fait partie tout comme d’autres dîners, tel celui organisé à l’Ambassade de France de Berlin, une architecture contemporaine signée Christian de Portzamparc ou encore celui donné dans un palais privé sur les rives du Bosphore à Istanbul. D’autres événements encore, à l’instar de la grande fête organisée au Trocadéro avec Grace Jones en vedette ; du lancement de la collection Caresses d’Orchidées installé dans une banque désaffectée en plein cœur de Manhattan à l’occasion de la Fashion Week ; du défilé haute couture exotique et étrange, Inde Mystérieuse, se déroulant à Londres, dans un espace privé non moins étrange… « À chaque fois, ce qui nous anime, confie Christine Borgoltz, c’est la volonté de partager un rêve avec nos invités. Contes et merveilles, légendes et secrets, il s’agit pour nous de raconter une histoire, de surprendre, d’innover. De refuser la banalité, de fuir la répétition. Et c’est là que notre collaboration avec La Mode en Images est précieuse, connivence et émotions partagées. Nos échanges avec Olivier relèvent de la partie de ping-pong. Nos références, qu’il s’agisse de cinéma, de musique, de chorégraphie, d’art, d’architecture, de design… sont proches et se complètent idéalement. À chaque fois, il s’agit d’une création commune, et cela est incomparable, irremplaçable. » Christine Borgoltz • 2009 • Exposition Graffiti à la Fondation Cartier pour l’art contemporain © Anne Deniau C Christine Borgoltz Chorégraphies “Faire de la création sur la création”, tels sont l’engagement, l’ambition, la spécificité d’Olivier Massart. Il faut à cela tout à la fois une grande modestie et une farouche volonté, une implication constante dans les besoins et les désirs de l’autre, et un respect non moins constant de ses propres convictions. Kader Belarbi et Nicolas le Riche • 2007 • Répétitions à l’Opéra de Paris © Anne Deniau 3 24 L’Oréal, le dîner de Versailles Une traversée, un parcours initiatique : la cour d’honneur, la cour de marbre, les salons d’apparat, la galerie des glaces, les terrasses, les parterres et les bosquets… Et puis, face à l’élégante et légère façade de l’Orangerie, voici La Bayadère, conduite par Kader Belarbi dans la chorégraphie de Rudolf Nureev. La magie des fêtes de Versailles retrouvée. (Château de Versailles, juillet 2002) En amont, des créateurs. En aval, des créateurs. Et au milieu, un créateur. L’équation n’est pas simple. Comment la résoudre, comment opérer la rencontre de la mode et du spectacle, de l’élitaire et du populaire, des images et des sons, du rêve et de la réalité.. ? Qu’est-ce qui fait courir Olivier Massart et ses troupes de La Mode en Images, en ces temps d’hyper médiatisation ? Oui, quoi, sinon le jeu, le pari, l’exploit ? Briser les idées reçues, imaginer l’impossible, s’attacher à explorer les rapports entre le corps, le son, l’image et le langage, de façon à aiguiser la perception et la conscience. Le tout en alternant le net et le flou, la lumière et l’obscurité, jouant des attitudes, des mouvements, des couleurs, des espaces, des rythmes comme autant d’accumulations d’informations et de sensations mêlées… Quel que soit le lieu, un palais ou un stade, une tente caïdale ou une ambassade, un aéroport ou une étendue d’eau, un musée ou une salle de concert, une exposition universelle ou une serre, un lieu clos ou un espace ouvert… la réflexion est la même, mais la mise en espace unique. Quel que soit l’horizon, France ou Italie, Moyen Orient ou Chine, Brésil ou Etats-Unis, Turquie ou Afrique du Sud, Allemagne ou Japon… l’approche est la même, mais la solution singulière. Quel que soit l’objet du spectacle, de l’événement, de la mise en scène, quel que soit l’objectif du commanditaire, le sentiment est le même, mais la réponse autonome… Créateurs en amont, créateurs en aval et au milieu un jongleur, un catalyseur, un inventeur de situations. « Faire de la création sur la création », Olivier Massart sait que nul n’est mieux à même de comprendre un créateur qu’un autre créateur. On le sait également, les équipes de La Mode en Images sont exceptionnelles : producteurs, régisseurs, ingénieurs du son, éclairagistes, accessoiristes, bricoleurs de génie, gens de la ferraille et du bois, des images et du son, de la peinture et de la lumière… forment une armée, à géométrie variable, bien déterminée à relever tous les défis, à remporter toutes les batailles. Un des talents avérés d’Olivier Massart réside dans sa capacité à faire appel à des créateurs d’autres disciplines pour mieux formaliser ses intuitions, ses intentions : chorégraphes, danseurs, musiciens, chanteurs, comédiens, plasticiens, architectes, designers, tous mobilisés au service d’une seule et 26 BMCE Bank, Voyage hors du temps Un déferlement d’images étranges et mystérieuses, célébrant l’eau, la terre, l’air et le feu. Quatre éléments éternels projetés dans un futur de rêve, le tout ponctué de chorégraphies aériennes scandé de voix à la pureté élégiaque. (Skhirat, octobre 2009) Saint-Valentin Chorégraphies encore et toujours. Enchaînements incessants, ballets de couleurs, mouvements et sons, gestuelle et projections pour célébrer la fête de l’amour, la plus universelle qui soit. (Palais des Sports, Paris, 14 février 2008) même cause : la mise en scène, le spectacle, l’événement en question. Les événements nés de l’imagination de La Mode en Images sont avant tout des chorégraphies, savamment élaborées et au sein desquelles se mêlent, s’entremêlent des sources et des inspirations apparemment contradictoires, mais qu’Olivier Massart sait unir et pervertir à sa manière et selon ses propres desseins. À l’énergie du hip hop et de la break dance, à la gestuelle d’un Charlie Chaplin ou d’un Buster Keaton, à la folle élégance d’un Fred Astaire, aux rythmes visuels d’un Jean-Michel Basquiat, se superposent la clarté et la rigueur classiques d’une Twyla Tharpe, l’improvisation structurée d’une Trisha Brown, le travail sur la ligne d’un Merce Cunningham, la plasticité d’une Karole Armitage, la construction du silence d’une Lucinda Childs... Rien de plus éphémères que ces événements-là (même s’il en demeure des traces filmées et sonores), mais il est vrai que l’éphémère est constitutif d’un univers de signes allusifs et libérés. A nouveau, ici, se chevauchent et se télescopent métaphores, paraboles, hyperboles, réifications, symboles et signes d’ici et d’ailleurs, de toujours et de jamais. Olivier Massart est un homme de l’ombre qui n’aime rien tant que jouer avec la lumière, un nomade qui aime et sait magnifier les lieux qu’il traverse, un homme du silence qui sait admirablement faire exploser les sons, un créateur dont l’engagement, l’ambition, la spécificité sont de donner à voir et à comprendre les créations d’autres créateurs. Créateurs d’amont et créateurs d’aval. Cédric d’Houry K Kader Belarbi Dominique Bagouet, George Balanchine, Pina Bausch, Maurice Béjart, Carolyn Carlson, Serge Lifar, Mats Ek, Mikhail Fokine, William Forsythe, Michel Kelemenis, Léonide Massine, John Neumeier, Jérome Robbins, Roland Petit, Angelin Preljocaj, Paul Taylor… classiques, modernes, contemporains, rares sont les chorégraphes qui manquent au palmarès de Kader Belarbi qui fut dix-neuf ans durant, de 1989 à 2008, danseur étoile à l’Opéra de Paris. Longévité record qui trouve sa source en 1975 lorsque Belarbi intègre, à 13 ans, l’école de danse de l’Opéra. Cinq ans plus tard, le voici engagé dans le corps de ballet. La progression est rapide : quadrille en 1981, coryphée en 1984, sujet en 1985, premier danseur en 1989. La même année, en 1989, à l’issue d’une époustouflante représentation de La Belle au bois dormant, Rudolf Nureev le nomme danseur étoile. Les raisons de cette carrière tout à la fois éclair et inscrite dans la durée ? Une modernité évidente, Un sens du jeu et de l’interprétation incomparable, un génie subtil qui consiste à réconcilier l’ordre et le chaos, l’ombre et la lumière. Il est vrai que pour Belarbi, la danse est « bien autre chose que réussir des pas ». « La danse est un langage universel, les danseurs sont comme des pinceaux qui dessinent un paysage sur la scène avec leur corps et leurs mouvements », ajoute-t-il. Athlète complet (huit heures de travail par jour en rythme de croisière), Kader Belarbi est tout autant un champion du don de soi. Pour lui, une chorégraphie « c’est éveiller et offrir, une idée, un esprit, un point de vue et, évidemment, une danse ». Les chorégraphies qu’il signe en témoignent à l’évidence. On se souvient, dans cette écriture qui lui est propre, des éblouissants Wuthering Heights (2002), BachSuite2 (2003) ou encore Les Epousées (2004)… En 2008, Kader Belarbi fait ses adieux à l’Opéra de Paris avec le ballet Signes de Carolyn Carlson (qu’il avait créé en 1997) sur une musique de René Aubry et dans un décor de Olivier Debré, un duo d’une grande sensibilité et d’une profonde émotion, en compagnie de la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot. À la fin des années 1990, Kader Belarbi crée un ballet de Michel Kelemenis, Selim, une sorte d’autoportrait en forme de solo, avec Houria Aïchi à la voix et Kenzo aux costumes. Entre Belarbi et Kenzo, la sympathie est instantanée. Le couturier japonais lui fait rencontrer son vieux complice Olivier Massart lequel travaille alors à la conception et à la mise en scène des Trente ans de Kenzo, un grand spectacle qui prendra place au Zénith en 1999. Massart, d’emblée, confie la chorégraphie de deux séquences du spectacle – l’une autour de Paris et de l’accordéon, l’autre une manière d’hommage à Hair – à Belarbi. La rencontre est féconde et n’en est qu’à ses débuts. La complicité se renforce et, pour La Mode en Images, Belarbi chorégraphie La Bayadère à l’Orangerie de Versailles en 2002, le défilé inaugural des Jeux Asiatiques à Doha au Qatar en 2006, la cérémonie d’ouverture de la Coupe du Monde de Rugby au Stade de France en 2007, une variation sur la SaintValentin au Palais des Sports en 2008 et, en 2009, une série de séquences, parties d’un monumental événement-spectacle, Voyage hors du temps, à Skhirat… « Ma rencontre avec Olivier Massart m’a permis de m’ouvrir à d’autres univers, à d’autres territoires. Il est vrai que lui-même est une sorte de regard actif, d’attention extrême. Un créateur qui possède le talent de merveilleusement connecter les talents entre eux. Ses créations, ses mises en scène, ses spectacles apparaissent comme des morceaux choisis, résultant d’une collecte attentive, sensible, subtile et complexe. Élégant, courtois et généreux, il laisse toujours une grande liberté à ceux dont il s’entoure. Mais sans jamais abandonner le fil de ce qu’il a conçu, sans jamais perdre du regard l’objectif qu’il s’est fixé. Travailler avec lui, c’est s’inscrire dans le mûrissement d’un projet. Et de ce mûrissement, naissent la durée et la fidélité. » Kader Belarbi • 2007 • Coulisses de l’Opéra de Paris © Anne Deniau par Gilles de Bure remerciements Museum Van Hedendaagse Kunst Antwerpen Studio Olafur Eliasson Galerie Kamel Mennour Ambassade de France en Italie La Fondation Cartier pour l’art contemporain L’Opéra National de Paris Emma Charlotte Gobry Laurencin (Galerie Kamel Mennour), Claire Legras, Lou Mollgaard (Éditions Taschen). Rédaction en chef : Gilles de Bure Direction artistique : Zoé Vayssières Photos : tous droits réservés Photos d’événements : LMI et Jean Ber Et toute l’équipe de La Mode en Images : Olivier Massart Romuald Leblond Morgane Denis Sébastien Nidelat Alice Rodier Carine Sionko Florence Duret Catherine Frontière Oriane Morat Lucie Catherine Yossef Ettahri Mikaël-Khan Panni Véronique Launay La Mode en Images International Pékin : Adrian Bratfanof, Yan Yue, Vanessa Heussaff Istanbul : Nuri Tiglioglu, Elvan Tiglioglu • 11 rue des Lions St Paul • 75004 Paris • France • +33 1 48 04 97 55 • www.lamodeenimages.com 56670 LMI "3" couverture_Layout 2 26/07/13 10:40 Page2