Essais préliminaires sur le traitement de colonies d`abeilles Apis
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Essais préliminaires sur le traitement de colonies d`abeilles Apis
Recherche Essais préliminaires sur le traitement de colonies d'abeilles Apis mellifera infestées par le parasite Varroa jacobsoni en chambre d'hivernage Pierre Giovenazzol , Jocelyn Marceau2 et Sylvain Dubé3 Introduction 'acarien Varroa jacobsoni est considéré actuellement, et à juste titre, par tous les apiculteurs comme étant le parasite le plus dangereux de l'abeille domestique Apis mellifera. Ce parasite est arrivé au Canada par l'importation d'abeilles et sera certainement dispersé assez rapidement dans toutes nos régions par les déplacements des colonies d'abeilles associés à la pollinisation des arbres et arbustes fruitiers. Nous devons donc travailler à la recherche de moyens pour limiter la croissance de ces parasites et minimiser leur impact sur la production apicole. Il existe sur le marché mondial plusieurs produits qui permettent la lutte contre ce parasite, mais malgré l'efficacité apparente des acaricides, aucun n'a réussi à enrayer V. jacobsoni des colonies d'abeilles. Dans notre pays, le comité interministériel sur la lutte antiparasitaire d'Agriculture et agro-alimentaire Canada a homologué l'utilisation de deux produits : l'acide formique et le fluvalinate-tau (bandes Apistan). L'application de bandes d'Apistan est actuellement le moyen de lutte le plus efficace contre la prolifération des varroas au Canada. L’usage d'un seul traitement risque à long terme de créer la résistance du varroa et l'utilisation en alternance avec quelques autres produits acaricides permettrait d'éviter ce phénomène de résistance. Plusieurs apiculteurs hésitent à utiliser un produit chimique de synthèse et préfèrent des pesticides d'origine naturelle telles que les huiles essentielles extraites de plantes aromatiques et de l'acide formique. L'effet acaricide, ou du moins l'effet répulsif, des huiles essentielles envers les mites continuent à faire partie de recherches et la rentabilité de ce genre de traitement pour une application à grande échelle doit être vérifiée. Pour sa part, l'acide formique, qui se retrouve naturellement dans le miel, est reconnu pour son efficacité dans le traitement des acariens. Les apiculteurs appliquent l'acide formique par évaporation. Le produit est généralement appliqué à l'aide de fibre ou de tissu absorbant qui relâche graduellement les vapeurs à travers une microperforation : "Mite Wipe"! en plusieurs applications et "Mite Away" ! en une seule application. A la Station de recherche de Deschambault, un projet de recherche visant à tester des produits acaricides sur des colonies infestées est en marche depuis l'automne 1997. L'originalité des travaux réside dans la période d'application des produits antiparasitaires. Dans nos régions, de la mi-novembre à la fin décembre, la reine diminue sa ponte et le couvain operculé est presque absent des colonies placées en hivernage. Pendant cette période, le cycle vital des acariens est limité à une activité sur les abeilles. L’application d'un acaricide à ce moment peut donc atteindre tous les parasites et agir avec un maximum d'efficacité. D'autre part, le traitement qui est effectué sur une période restreinte en hiver minimise l'apparition d'un phénomène de résistance au pesticide employé et réduit la possibilité d'accumulation de ces produits dans le miel . Dans cet article, nous publions les résultats préliminaires obtenus à la suite du traitement de ruches infestées par Varroa jacobsoni. Ces essais ont eu lieu au cours de l'hiver 1997-1998 et tous les produits testés furent administrés sous forme d'aérosol. Les acaricides testés sont : l'acide formique et deux huiles essentielles de thym Thymus vulgaris dont l'une contient une concentration élevée de thymol (43 %) et l'autre qui contient une forte teneur en carvacrol (37 %). Le but principal des essais était de vérifier la méthode d'application sur une échelle réduite. D'autres travaux sont prévus pour l'hiver 1998-1999. I. Biologiste, Département de biologie, Université Laval 2. Centre de recherche et d'expérimentation de Deschambault, 3. LIPAQ 3. R & D Phytologie internationale L'Abeille Hiver 98-99 MATÉRIEL ET MÉTHODE Les modules expérimentaux Cinq modules en contre-plaqué 5/8" pouvant loger 5 ruches ont été construits à l'intérieur d'une chambre froide. Les dimensions intérieures des modules sont de 1,3 m x 0,6 m x 2,4 m (volume de 1,9 m3). Les modules sont étanches et maintiennent les conditions normales de volume, de température et de ventilation requises pour les ruches en hivernage. Par contre, lors de la diffusion des produits sous une pression statique négative de 6 mm d'eau, la ventilation (le chaque module est réduite à 1,3 1/s (2,5 changements d'air par heure) afin d'augmenter la concentration du produit clans l'air des modules. Voici une description des traitements dans les différents modules : - Module 1 : diffusion d'acide formique 65 % en continu, 4 heures par jour - Module 2 : diffusion d'acide formique 65 %, 5 minutes par heure, 4 heures par jour - Module 3 : diffusion d'extraits de thym-thymol= ] 5 minutes par heure, 4 heures par jour - Module 4 : diffusion d'extraits de thym-carvacrol 3 5 minutes par heure, 4 heures par jour - Module 5 : témoin RÉSULTATS Des thermocouples, placés au niveau de la grappe d'une Les essais préliminaires ruche de chaque traitement, n'ont indiqué aucune variation Tous les essais ont été faits dans les conditions de température (40 °C) et d'humidité normales (60 %). Les différents produits ont été préalablement testés sur des petits groupes d'abeilles (ruchettes de 2 000 abeilles) exemptes de varroas. Aucun des produits n'a eu d'effet sur leur survie. La diffusion des huiles essentielles de Thymus vulgaris a été déterminée en fonction du coût probable de leur application sur une grande échelle. rapport au témoin. D'ailleurs, toutes les colonies ont survécu à thermique importante avant, durant et après les traitements par l'hivernage. Le tableau 1 donne la quantité diffusée des différents produits qui ont été testés. Les traitements en hivernage Traitements à l'acide formique Les trois produits utilisés ont été diffusés à l'aide de microdiffusion domestique pour huiles essentielles. À 5 °C, la capacité de microdiffusion des 4 appareils utilisés était (le 1,0 ml/h pour l'acide formique 65 % et de 0,8 ml/h pour les huiles essentielles. Le 12 septembre 1997, 25 colonies de force équivalente d'un rucher infestées par Varroa jacobsoni ont été sélectionnées pour ce projet. Suite à un dépistage à l'Apistan, les 25 ruches ont été réparties uniformément selon le taux d'infestation dans les 5 groupes expérimentaux. Le 20 novembre, les ruches ont été introduites dans chacun des modules et laissées sans traitement pendant une dizaine de jours pour leurs permettre une période d'adaptation. Les traitements aux divers produits en aérosol ont débuté le 2 décembre 1997. La diffusion des produits acaricides à l'essai s'effectuait quatre heures par jour, de 9h00 à 13h00 pendant 22 jours jusqu'au 23 décembre 1997. Par la suite, toutes les ruches sont demeurées en hivernage dans les modules à 4 °C jusqu'au printemps. Aucun effet significatif n'a pu être mesuré dans les ruches traitées à l'acide formique malgré la présence d'une tendance favorable lors de la diffusion constante du produit (figure 1). 1 1 avant I après I En effet, on remarque une diminution du nombre moyen d'acariens comptés avant l'hivernage (23 ± 11) comparé au nombre moyen après (16 ± 15) dans les ruches ayant reçu une diffusion continuelle d acide formique 65 %. Les deux modules de traitements et le module témoin donnent des valeurs moyennes similaires (non significatives, a = 0,05) pour l'indice de consommation des colonies (la perte du poids des ruches), la quantité de couvain total (operculé et non operculé), la population d'abeilles et la mortalité d'abeilles cumulée (tableau 2). Par contre, soulignons que la moyenne de la population d'abeilles dans les ruches ayant reçu la diffusion continuelle d'acide formique est supérieure (15 570 ± 1 660) à tous les autres groupes. Traitement aux huiles essentielles Aucun effet significatif n'a pu être mesuré dans les ruches traitées aux huiles essentielles extraites de Thymus vulgaris (Figure 1.) On remarque néanmoins une augmentation (non significative, a = 0,05) du nombre moyen d'acariens comptés avant l'hivernage comparé au nombre moyen après dans les ruches témoins et les ruches ayant reçu la diffusion des deux variétés d'huiles essentielles. Les deux modules de traitement et le module témoin donnent des valeurs moyennes similaires (non significatives, a = 0,05), pour la quantité de couvain total (operculé et non operculé), la population d'abeilles et la mortalité d'abeilles cumulée (Tableau 3)_ Par contre, l'indice de consom mation moyen pour les colonies traitées à l'extrait thym-thymol est significativement inférieur aux deux autres groupes. Discussion Le traitement d'acide formique 65 % en diffusion continuelle est le seul traitement qui donne des résultats qui indiquent la possibilité d'un effet acaricide. Même si les analyses statistiques ne démontrent pas de différences significatives entre les groupes traités et le groupe témoin pour chacune des variables testées, plusieurs d'entre elles indiquent que les ruches traitées à l'acide formique en diffusion continuelle ont connu en général une amélioration de leur santé. En effet, c'est le seul module avec une réduction du nombre moyen d'acariens entre le mois de septembre 1997 et le mois d'avril 1998. De plus, ces ruches ont une population moyenne d'abeilles supérieure à toutes celles calculées dans les autres modules et elles possèdent une quantité de couvain total (operculé et non operculé) au-dessus de la moyenne de l'ensemble des modules. La performance globale de ce groupe de ruches semble avoir été favorisée par le traitement. Il serait intéressant de tester des concentrations plus élevées d’acide formique sur de nouvelles colonies infestées Les résultats des traitements aux extraits d'huiles de Thymus vulgaris sont décevants. Avec ces traitements, le nombre moyen d'acariens a augmenté et les caractéristiques de la colonie démontrent une performance globale inférieure aux autres modules. Les dosages que nous avons testés sont bien en deçà des valeurs maximales possibles. Mais ces huiles, 'd'origine naturelle, sont très coûteuses et nous avons limité le dosage en fonction de leur coût d'application sur une grande échelle. La rentabilité de ces produits reste donc toujours à être démontrée. De nouveaux essais sur ce genre de traitement sont difficiles à justifier pour le moment, compte tenu de leur coût. Le coût des traitements à l'Apistan peut atteindre jusqu'à 4 $ par ruche et un des buts de nos travaux est de développer un traitement hivernal de coût équivalent ou moindre. L'acide formique, peu coûteux et accessible à tous les apiculteurs, est un acaricide intéressant. Par contre, lorsqu'il est utilisé en conditions d'hivernage, son évaporation est pratiquement nulle. On doit donc forcer sa dispersion dans l'air. Une difficulté dans l'application de pesticides sous forme d'aérosol réside dans la détermination clé la concentration du produit dans l'air. Par exemple, la solution L'Abeille d'acide formique diffusée peut avoir différentes concentrations (de 0 à 100 %) et être diffusée à des intensités variables (durée et quantité). De plus, l'accumulation du produit dans l'air varie en fonction de la ventilation (changement d'air dans la salle). La fréquence des changements d'air doit, au minimum, assurer la survie des abeilles (apport d'oxygène, évacuation de gaz carbonique et de la vapeur d'eau). Dans les essais préliminaires de 1997-1998 la ventilation des modules était d'environ 2,5 changements à l'heure. Il est possible de diminuer la ventilation à moins d'un changement d'air à l'heure sans nuire à la santé des abeilles en hivernage et ainsi augmenter la densité des micro-gouttelettes contenant l'acaricide. Les résultats de cette première année d'essais démontrent que de nouveaux travaux doivent être effectués afin d'évaluer correctement l'efficacité des acaricides en aérosol appliqués pendant l'hivernage des colonies d'abeilles: Seule la microdiffusion continue à raison de 4 heures. par jour d'acide formique a donné des résultats encourageants.. Il est possible que 4 heures de diffusion par jour .ne soient pas suffisantes pour avoir un effet acaricide. D'autres essais seront réalisés au cours de l'automne 1998 afin d'évaluer le temps nécessaire pour que l'acide formique atteigne le centre de la grappe. en Un autre point qui suggère que le mode d'application utilisé .199,7-1998 ait été peu efficace, concerne le temps de réaction du varroa à l'acide formique. Même lorsque l'acide formique atteint le centre de la grappe, il se peut qu'un délai de temps soit nécessaire pour provoquer la chute des varroas, puisque la ventilation revenait à la. normale après les 4 heures d'application. D'autre part,, le métabolisme de l'acarien comme celui de l'abeille est au ralenti, de sorte que le temps de réaction au produit peut aussi être plus lent comparé à la situation de l'été. Des correctifs seront apportés au protocole des essais 1998-1999. Nous envisageons, d'une part, augmenter la concentration et modifier, d'autres part, la période d'application des produits de façon à augmenter la pression sur le varroa. Par exemple, pour l'acide formique, plutôt que d'appliquer les produits à tous les jours sur une période de 4 heures par 24 heures, nous effectuerons, par exemple, 2 ou 3 applications sur des périodes continues (le 24 ou 48 heures. Il est possible qu'un acaricide de synthèse comme le fluvalinate-tau, l'amitraz ou le coumaphos soit aussi évalué à l'intérieur de ces essais. Hiver 98-99 L’abeille Volume 19 numéros 3 Hiver 1998-99 Fédération des Apiculteurs du Québec Titre : Essais préliminaires sur le traitement de colonies d'abeilles Apis mellifera infestées par le parasite Varroa jacobsoni en chambre d'hivernage Auteur : Pierre Giovenazzol , Jocelyn Marceau et Sylvain Dubé