JOsé PergOlesi
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JOsé PergOlesi
BELFORTMAG 2 0 1 3 O c t o b r e le magazine de la ville de Belfort | www.ville-belfort.fr Numéro 249 José Pergolesi les strophes de nos murs culture José Pergolesi, les strophes de nos murs José Pergolesi est né à Carrare en Italie le 3 mars 1953. Après des études d’arts plastiques à Besançon il a commencé à peindre en 1973. Un an après sa disparition, retour sur l'œuvre d'un artiste intimement liée à Belfort. Construire, c’est se remettre en cause sans relâche tout en se reconstruisant soi-même, indéfiniment. José Pergolesi, 1998. Arbos, n.d., acrylique sur toile, coll. particulière Le 19 octobre 2012 disparaissait un artiste dont le parcours est intimement lié à la Ville de Belfort et plus précisément à la Vieille ville. Peut-être parce que cet artiste, né à Carrare, en Italie, a gardé d’une des plus prestigieuses carrières de marbre au monde, le souvenir du langage des pierres. Il raconte la réalité que cachait, lorsqu’il était enfant, un des plus beaux marbres du monde. Son père qui travaillait aux carrières avait un métier de forçat et souffrait de la maladie des mineurs dont il devait mourir. Les journées du village de Melisia étaient rythmées par le bruit des sirènes parfois entrecoupées par celles sinistres lorsqu’il y avait des accidents souvent mortels. De cette ombre du passé, vient peut-être le refus de sculpter. Pergolesi explique qu’il s’est peu intéressé à la sculpture en taille directe car elle ne peut pas avoir de réelle spontanéité et qu’elle aurait ralenti son geste. Pourtant, Pergolesi était un amoureux des pierres, elles sont de différentes formes dans son œuvre. Malgré les millions « de formes de cailloux qui existent, s’étonne-t-il, il y en a toujours un qui a la forme de votre main », et qui est destiné à l’autre. Son baccalauréat en poche, il 20 | NUMÉRO 249 | BELFORTMAG | octobre 2013 préfère entrer dans le laboratoire photo de Peugeot plutôt que de rejoindre l’École des arts déco de Strasbourg où il était pris. Le travail de laborantin pendant huit ans le sensibilise aux procédés complexes, à l’apparition des formes ou, au contraire à leur diffusion, jeux de lumière qu’il métaphorise dans sa peinture, sous forme de traces ou d’empreintes. Il transpose en un procédé original la mise au point en peinture. Parallèlement à son travail, il s’inscrit en arts plastiques à l’université de Besançon. Pergolesi fait une rencontre décisive. Christian Labaye, galeriste et éditeur, vient voir les peintures de Pergolesi au milieu des années 1970 qui, en quelque sorte, le lance. Dans les années 1980 et 1990, la figure disparaît, seule l’écriture qui prend la forme de mots calligraphiés revient à la surface. L’artiste, selon lui, voit dans une image ou un sujet la capacité d’en contenir des dizaines d’autres au gré des analogies. Il prend « ses pinceaux de maçon pour construire sans maison cent maisons » pour évoquer les murs d’un atelier sans fin. Souvent les matériaux de la peinture sont visibles, les éléments constitutifs du tableau (le châssis, la toile, la matière huile et pigments, les semences, les clés des châssis) réapparaissent non en tant qu’objet mais en tant que matériaux évoquant la peinture. Après un moment de crise artistique, à la toute fin des années 1980 où il ne peint plus, il note simplement sur des carnets des idées, il découvre alors d’autres types d’écriture, les signes sumériens, les lettres cunéiformes apparaissent dans son œuvre. Il intègre plus délibérément la notion du sacré dont il donne cette magnifique définition : « Le sacré est une façon pour redimensionner le message ». Pergolesi se souvient aussi sa grand-mère italienne qui attire l’attention de l’enfant sur les taches sur les murs, c’est un jeu d’association entre une auréole ou une trace qui devient un animal, un personnage, un bouquet d’arbres. Il ne le formule pas encore ainsi, il faudra attendre une œuvre entière mais ce qui le fascine dans les taches « c’est qu’elles sont des signes communicatifs ». Comme le sacré, elles instituent une communication nouvelle entre le monde des formes et la vie de tous les jours. Les dernières œuvres sont plus géométriques, moins gestuelles, même l’écriture se géométrise. L’artiste effectue un passage entre calligraphie et typographie, entre lettrines et bas-de-casses. Lettres au pochoir qui évoquent les peintures d’enseignes offertes « à tous ces frères de l’entresol » à qui il « dédie ces couleurs et ces quelques paroles glanées au hasard des chemins de la nuit ». Ces développements spirituels et géométriques sont riches, en texte et en texture, il suffit pour s’en convaincre d’observer la sédimentation des couches et des motifs et se souvenir de ce mot de Pergolesi : « le travail nourrit parce que la peinture est nourriture ». Mano, 2006, acrylique sur toile, coll. particulière