Néphrologie INFECTION DES VOIES URINAIRES DE L`ADULTE (I

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Néphrologie INFECTION DES VOIES URINAIRES DE L`ADULTE (I
Module intégré C
Néphrologie
Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
Néphrologie
INFECTION DES VOIES URINAIRES DE L'ADULTE
(I) Etude clinique
Objectifs
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♦
♦
♦
Comprendre la physiopathologie et les spécificités anatomocliniques de l'IVU hématogène (voie
haute) et de l'IVU ascendante (voie basse).
Retenir l’incidence élevée de l’IVU ascendante chez la femme. En déduire ses conséquences
sociales et économiques.
Expliquer le rôle favorisant de la grossesse.
Faire la distinction entre les IVU tout venant et les IVU nosocomiales.
Connaître les diverses expressions de l’IVU, et leur évolution.
Connaître les arguments en faveur d'une atteinte parenchymateuse.
Connaître les circonstances qui motivent une enquête étiologique.
ECN:
93. Infections urinaires de l’enfant et de l’adulte. Leucocyturie.
Plan de cours
I- Généralités............................................................................................................. 2
I.1- Epidémiologie ..............................................................................................................2
I.1.1- Sexe et âge ...................................................................................................................... 2
I.1.2- Circonstances favorisantes ........................................................................................ 3
I.2- Physiopathologie.........................................................................................................4
I.2.1- Infection par voie hématogène dite voie haute ...................................................... 4
I.2.2- Infection par voie ascendante dite voie basse....................................................... 4
II- Etiologie ................................................................................................................ 7
II.1- Les germes en cause .................................................................................................7
II.1.1- Infections acquises en dehors d’un centre de soins .......................................... 7
II.1.2- Infections urinaires dites hospitalières .................................................................. 8
II.2- Critères de l’infection.................................................................................................9
II.2.1- Les tests de dépistage ................................................................................................ 9
II.2.2- Confirmation de l’infection ......................................................................................... 9
III- Etude clinique.................................................................................................... 11
III.1- Cystite aiguë bactérienne de la femme .................................................................11
I.1.1- Expression habituelle ................................................................................................. 11
I.1.2- Le syndrome uréthral .................................................................................................. 12
III.2- Pyélonéphrite aiguë ................................................................................................12
III.3- Prostatite aiguë........................................................................................................13
III.4- Evolution ..................................................................................................................13
III.4.1- Evolution à court terme ............................................................................................ 14
III.4.2- Evolution ultérieure: rechute et réinfection ........................................................ 16
IV- Diagnostic.......................................................................................................... 18
IV.1- Diagnostic topographique......................................................................................18
IV.2- Diagnostic étiologique............................................................................................20
Mai 2006
J. Fourcade
1
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Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
I- Généralités
L’infection des voies urinaires (IVU) est due à la prolifération de germes dits “banals” (la plupart du
temps des bactéries à Gram négatif) dans l'appareil urinaire.1
L’IVU: une gêne personnelle et sociale importante pour la femme.
La pénétration des germes se fait presque toujours par voie basse; elle est suivie d'une propagation
ascendante. Cette propriété explique que l’IVU soit une maladie à forte prédominance féminine.
L’expression habituelle de l’IVU est dans ce cas une symptomatologie du bas appareil, la cystite
aiguë, d’évolution le plus souvent bénigne et sans lendemain, mais désagrément “cuisant”, redouté
des femmes qui ont appris à le connaître en cas d’infection récidivante, et pouvant engendrer un
absentéisme professionnel notable.
Un risque potentiel grave mais rare.
Occasionnellement, l’IVU a au contraire des conséquences graves. La pyélonéphrite aiguë, souvent
bruyante, toujours dangereuse (notamment au cours de la grossesse) exprime la propagation de
l'infection au parenchyme rénal.
Même dans ce cas, l'IVU reste le plus souvent idiopathique, car aucune anomalie urologique n'est
décelée. Mais parfois l’IVU complique, ou révèle une uropathie malformative ou acquise. Ce terrain
favorise l’apparition de complications aiguës dramatiques, ou plus rarement d’une suppuration
prolongée évoluant vers la pyélonéphrite chronique (ce qui était la règle avant l’ère des antibiotiques).
Il est donc important de reconnaître les sujets à risque qu'il convient d'explorer, lorsque les chances
sont grandes de déceler une anomalie urologique.
L’IVU est l'une des rares causes d'insuffisance rénale chronique dont on peut réduire la
fréquence de survenue.
L’IVU, un problème économique et de santé publique.
L’IVU a une origine parfois iatrogène.
♦ Les infections nosocomiales atteignent 5% des sujets séjournant dans un centre de soins.
♦ Leur mortalité est de 5%.
♦ L’IVU représente le tiers de ces infections.
♦ L’IVU est à l’origine de 50% des septicémies qui surviennent en milieu hospitalier, et dont la
mortalité demeure élevée.
Les IVU occasionnent en France 6 millions de consultations et 300 M¤ par an pour leur diagnostic et
leur traitement. Elles constituent le deuxième motif de prescription d’antibiotiques, après les infections
respiratoires.
Une femme sur cinq a eu ou aura au moins une fois dans sa vie un épisode d'IVU. Cinq pour
cent des femmes en sont atteintes au moins une fois par an.
I.1- Epidémiologie
I.1.1- Sexe et âge
a) Chez la femme: un phénomène “naturel”
L'IVU est cinq fois plus fréquente chez la femme que chez l'homme. Cette prépondérance est due à
des facteurs facilitants propres à la femme, alors que les IVU secondaires à des uropathies sont en
nombre absolu à peu près égal dans les deux sexes.2
1
On dit “banals”, et non “banaux”. Consultez si vous en doutez un dictionnaire.
2
Dans les premiers mois de la vie, l'IVU est fréquente (3% des nourrissons, à la deuxième place après les infections
respiratoires), et intéresse au contraire quatre garçons pour une fille, du fait d'une prépondérance masculine des uropathies
malformatives, notamment du reflux.
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b) Chez l'homme
L'incidence est faible jusqu'à 50 ans, puis
augmente du fait des troubles de la vidange
vésicale.
I.1.2- Circonstances favorisantes
a) Facteurs physiologiques
♦
Rapports sexuels. Ils sont incriminés sur
des bases anecdotiques, expérimentales et
épidémiologiques.3
♦
Grossesse. Elle constitue une circonstance classique de survenue des IVU.
La grossesse, un phénomène révélateur de l’IVU.
♦ L’incidence de l'IVU chez les femmes enceintes (5 à 10% selon le milieu social) n'est que
légèrement supérieure à celle parmi les femmes non gravides de même âge (2 à 5%).
♦
-
Mais la grossesse accroît considérablement l’expressivité de l’IVU, et augmente par conséquent
les chances d’observer :
la transformation d’une IVU “asymptomatique” en infection déclarée;
une symptomatologie sévère (pyélonéphrite aiguë) plutôt qu’une cystite.
La grossesse diminue les défenses des voies urinaires contre l’IVU en provoquant une stase
physiologique, due à :
- un facteur mécanique (l'utérus comprime les voies urinaires);
- un facteur hormonal.4
b) Facteurs pathologiques
♦
-
Causes urologiques. L'IVU peut :
soit compliquer une uropathie connue (vessie de stase, fistule vésicovaginale ou sigmoïdovésicale) ;
soit révéler une anomalie ignorée, malformative ou acquise ;
soit être provoquée par une contamination instrumentale des voies urinaires.
Les actes invasifs ont un rôle capital dans la genèse des IVU.
L’introduction directe de germes dans la vessie court-circuite les défenses contre l’infection:
- urétérostomie;
- et surtout les agressions flagrantes: cathétérisme rétrograde, sondage vésical temporaire ou à
demeure.
♦
Causes gynécologiques. Rôle favorisant des affections gynécologiques (vaginites, cystocèle,
prolapsus utérin).
La prédominance féminine s'établit dès l'âge scolaire (1,6% des fillettes contre 0,03% des garçons). Chez la femme, la
fréquence continue à augmenter tout au long de la vie: l'incidence est estimée entre 2 et 5% par an à 20 ans, entre 10 et 15%
au-delà de 65 ans.
L’incidence reste basse chez l’homme, sauf dans le grand âge (obstacles du bas appareil), où elle rejoint celle de la femme.
3
La "cystite de la nuit de noces" est bien connue, de même que la fréquence des épisodes cliniques d'IVU chez la femme
durant la période "d'activité génitale" de sa vie. Mais Il convient de ne pas exagérer le rôle de ces facteurs, car la démonstration
est malaisée si les rapports sexuels sont habituels, ce qui est la norme. Des phénomènes concomitants n'ont pas toujours un
lien de cause à effet.
4
Les hormones progestatives ont un effet relaxant sur les voies urinaires, entraînant une atonie urétérale précoce, avant même
que la compression par l'utérus ait pu s'exercer. L’intensité de la stase va jusqu’à entraîner un pseudoaspect
d'uretérohydronéphrose, à bien connaître.
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♦
Perturbations digestives. Liens éternellement discutés de l’IVU avec la constipation ou la colite
spasmodique. Ces troubles digestifs agissent en fait en favorisant la sélection d'une flore
pathogène et sa diffusion périnéale.
♦
Maladies générales
-
Diabète sucré. La neuropathie autonome du diabète favorise la stase urinaire. De même que la
grossesse, le diabète sucré augmente l'expressivité de l'IV :
- plus grande fréquence et sévérité accrue des pyélonéphrites aiguës ;
- risque de survenue d'une complication redoutable: la nécrose papillaire.
-
Déficits immunitaires. Ils facilitent les infections hématogènes plus que l'infection ascendante.
I.2- Physiopathologie
I.2.1- Infection par voie hématogène dite voie haute
a) Circonstances étiologiques
♦
♦
♦
-
rare (globalement moins de 10% des IVU);
fréquence relative plus élevée chez l’homme et le nourrisson que chez la femme;
localisation parenchymateuse (rénale ou prostatique) au cours:
d’une bactériémie (dissémination asymptomatique des germes par voie sanguine à partir d’une
porte d’entrée);5
d’une septicémie (dissémination accompagnée de signes cliniques souvent graves).
b) Conséquence: l’abcès intraparenchymateux
Lorsque la pénétration rénale s’effectue par voie artérielle, l’infection atteint les zones profondes et
non la bordure épithéliale de la cavité excrétrice. Il s’agit au départ d’une suppuration enclose intraparenchymateuse (abcès du rein) et non d’une infection des cavités (pyélonéphrite).6
Il peut y avoir infection rénale sans infection de l’urine.
I.2.2- Infection par voie ascendante dite voie basse
Un continuum infectieux fait d’étapes successives.
L’IVU ascendante correspond à une succession d’étapes qui ne sont pas toutes obligatoirement
franchies.
♦ Colonisation périnéale puis uréthrale;
♦ Invasion vésicale, puis prolifération des germes dans l’urine vésicale ;
♦ Réponse inflammatoire de la vessie ;
♦ Invasion du haut appareil ;
♦ Atteinte inflammatoire aiguë, et éventuellement chronique du parenchyme rénal.
La voie ascendante est le mécanisme habituel de l’IVU de la femme. Chaque étape est franchie
par un nombre décroissant de sujets. Tout facteur anatomique qui favorise la première étape renforce
par voie de conséquence le risque de passage aux étapes les plus sévères. C’est ainsi que ce
processus, qui correspond à 90% des IVU, est quasi-exclusif chez la femme.
a) Les étapes initiales
5
Furoncle, anthrax, endocardite bactérienne, cathéter veineux surinfecté, point d'injection souillé chez le toxicomane, etc.
6
Une hypothèse abandonnée : la propagation lymphatique. On a postulé l’existence d’une propagation de voisinage des
germes digestifs vers les voies urinaires par voie lymphatique. Ce mécanisme a été réfuté. La facilitation des IVU par les
troubles digestifs (qui avait induit à l’époque les concepts de syndrome entérorénal et de colibacillose) est certes un fait
indiscutable. Mais elle s’explique par le transit par voie externe des germes intestinaux (colonisation périnéale par la flore
fécale).
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♦
La colonisation périnéale, préalable obligatoire de l'IVU. Le remplacement, pour des raisons
mal connues, de la flore normale du périnée (germes saprophytes) par des colonies de germes
pathogènes d’origine fécale est l’élément initiateur de l'IVU.
-
Chez la femme. La proximité des régions anale et vulvaire, ainsi que les habitudes vestimentaires
(macération locale entraînée par certains sous-vêtements, les collants, voire les pantalons
moulants) favorisent cette colonisation.
♦
Invasion du bas appareil. L'urèthre constitue une défense naturelle variable selon le sexe.
-
Chez l'homme. La longueur de l'urèthre et l'existence de sécrétions prostatiques bactéricides
rendent difficile la colonisation de l’urèthre. De ce fait l’IVU ascendante est peu fréquente.
-
Chez la femme. La brièveté de l’urèthre rend cette défense "anatomique" inefficace.
♦
Pénétration des germes dans la vessie.
-
Chez la femme. L'inoculation rétrograde de la vessie est aisée, et même habituelle chez certaines.
Un véritable reflux uréthrovésical provoque en fin de miction l'aspiration des germes ayant
colonisé le méat uréthral.
-
Les anomalies de l'urèthre même mineures (rétrécissement juxtaméatique) créent des turbulences
mictionnelles et facilitent le reflux.
-
Les rapports sexuels (brassage exercé sur l'urèthre durant le coït) favorisent la pénétration des
germes le long de l'urèthre vers la vessie.
b) La bactériurie asymptomatique, plaque tournante de l’IVU
La présence latente de germes dans la vessie constitue l'étape suivante, plus ou moins longue, de
l’IVU. L’absence de répercussions cliniques traduit une relative tolérance vis-à-vis des germes
(absence d’inflammation pariétale) mais ne remet pas en cause le concept d’infection.
Cette colonisation silencieuse est un phénomène fréquent chez la femme. Il existe une bactériurie
asymptomatique transitoire, plus ou moins durable, mais qui n’évolue pas inéluctablement vers une
IVU clinique. En l’absence d’uropathie, les germes disparaissent la plupart du temps spontanément de
l’urine, sans avoir déclenché de symptômes.7
c) Pourquoi et comment se développe l’inflammation vésicale
L’infection vésicale suppose une conjonction de facteurs défavorables. Les germes doivent :
- se fixer à la muqueuse (adhésion bactérienne),
- puis se multiplier à la surface de la muqueuse et en profondeur,
- entraîner enfin une réaction inflammatoire qui engendre des signes cliniques.
♦
Facteurs favorisant la multiplication des germes
Comme toute infection, l'IVU résulte de la rencontre d’un germe et d’un terrain, donc de phénomènes
de virulence d'une part, de défense ou de facilitation d'autre part.
♦
Facteurs propres à l’hôte:
ƒ
Stagnation prolongée de l’urine dans la vessie. Elle est favorisée par:
- des mictions rares et incomplètes,8
7
Les voies urinaires sont normalement stériles. La présence de bactéries dans les urines est donc pathologique. Mais l'infection
des urines n'est qu'un reflet: ce qui crée les symptômes est l’inflammation de l'urothélium, et plus encore l'atteinte
parenchymateuse, rénale ou prostatique.
8
De nombreuses femmes tolèrent de façon surprenante une réplétion vésicale excessive; certaines en arrivent à n'uriner
qu'une à deux fois par jour.
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ƒ
-
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des boissons peu abondantes.9
Résidu vésical : il se constitue en cas de:
retour dans la vessie d'urines séquestrées durant la miction (prolapsus vésical, diverticule vésical,
résidu de l’ouraque);
obstacle sous-vésical : hypertrophie prostatique, maladie du col vésical;
vessie neurologique;
faux obstacle: évacuation vésicale incomplète liée:
- aux habitudes (atténuation de la sensation de réplétion vésicale);
- à la position: miction difficile chez les personnes alitées ou grabataires (vieillards): mauvaise
hygiène périnéale et incontinence fécale favorisent alors la surinfection.
ƒ
Lésion muqueuse préalable. Si le film épithélial protecteur de mucine disparaît, les bactéries
adhérent, puis pénètrent dans la paroi vésicale.
ƒ
Corps étranger intravésical. La sonde à demeure constitue, malgré les précautions, une cause
majeure de pénétration, de persistance et de multiplication bactérienne.
♦
Facteurs bactériologiques (virulence des germes). Leur effet est lié au phénomène de l’adhésion
bactérienne.
♦
-
Mécanismes de défense. Des protections naturelles :
inhibent la croissance des germes,
empêchent leur fixation sur la muqueuse vésicale,
détruisent ou assurent l'élimination des germes résiduels,
permettent le retour habituel à la stérilité.
Les facteurs de défense contre l’IVU
♦ Facteurs cellulaires :
- Protection pariétale par des substances bactériostatiques ;
- Phagocytose : polynucléaires, macrophages.
♦
Facteurs physico-chimiques: l’acidité de l’urine inhibe la croissance bactérienne.
♦
Protection hydrodynamique: elle joue un rôle capital.
Le renouvellement de l'urine par une vidange vésicale fréquente et totale est le facteur
protecteur le plus efficace dont dispose l'organisme. Un apport hydrique insuffisant favorise
l’IVU.
d) Chez qui et comment s’opère la diffusion des germes vers le haut appareil
♦
Rôle du reflux vésico-uretéral. L’existence d’un reflux est nécessaire à l'atteinte infectieuse du
haut appareil. Le pronostic de l'IVU est lié à sa gravité. La pyélonéphrite aiguë peut survenir sur
un reflux minime, voire temporaire ou même occasionnel, mais les lésions rénales les plus graves
se voient sur les reflux massifs et permanents.
♦
Ensemencement instrumental. Risque majeur du cathétérisme du haut appareil (U.P.R.).
e) Comment se développe l’infection du parenchyme rénal
♦
Mécanismes de défense. Les mêmes facteurs de protection que ceux actifs à l’étage vésical
(notamment le drainage permanent des germes assuré par le flux urinaire) agissent sur
l’ensemble de l’urothélium.
♦
Les facteurs qui facilitent l'agression
9
Que ce soit par absence de soif (oligodipses) ou par obligation socioculturelle, de nombreux sujets, notamment des femmes,
boivent très peu (oligopotes).
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Faiblesse des défenses de la médullaire rénale contre l'infection ;10
-
Stase du haut appareil. Hydronéphrose acquise ou congénitale (malfaçon de la jonction pyélourétérale). La distension pyélocalicielle facilite le reflux intraparenchymateux.
La lithiase rénale : un risque majeur.
Même non obstructive, elle se comporte en réservoir de germes assurant le réensemencement
permanent du tractus urinaire.
Elle crée aussi une lésion inflammatoire de l'épithélium urinaire qui favorise la pénétration
intraparenchymateuse des germes.
f) Comment se constituent des lésions parenchymateuses évolutives
♦
La cicatrice séquellaire. L'infection parenchymateuse aiguë entraîne l'apparition d'une ou
plusieurs cicatrices rétractiles, dues à la suppuration initiale et à une ischémie surajoutée.
♦
La cicatrice évolutive. L'apparition d'une atrophie rénale progressive atteste l’évolutivité
anatomoclinique de certaines cicatrices. Elle conduit à une pyélonéphrite chronique.11
Les séquelles rénales constituent de nos jours l'exception.
Chaque étape de l'infection ascendante est franchie par un nombre décroissant de sujets qui doivent
cumuler de plus en plus de facteurs défavorables. Sur 1000 sujets qui, à un moment donné, ont une
invasion bactérienne de l’appareil urinaire:
- 100 feront une cystite ;
- 10 feront une pyélonéphrite aiguë ;
- moins de 1 aura l’infortune d’évoluer vers la pyélonéphrite chronique.
L’antibiothérapie précoce et bien codifiée réduit le risque évolutif. L’évolution vers la
pyélonéphrite chronique ne s’observe plus qu’en cas d’uropathie sévère associée.12
II- Etiologie
II.1- Les germes en cause
II.1.1- Infections acquises en dehors d’un centre de soins
Dans plus de 90% des cas, l'uroculture met en évidence une seule espèce bactérienne, dont la nature
traduit l'origine digestive de la flore infectante:
-
10
♦
♦
escherichia coli: 80% à 90% des cas de première infection;
autres entérobactéries à Gram négatif :
- proteus indol - (proteus mirabilis)13
- klebsiella pneumoniae ;
La diffusion interstitielle à partir de la cavité pyélocalicielle (pyélonéphrite aiguë) est favorisée par:
l’inhibition de la phagocytose du fait de l'hypertonie interstitielle.
l’anoxie relative de la médullaire rénale. A titre d'exemple, il suffit de l'inoculation de 10 germes dans la médullaire d'un
5
animal pour déclencher une pyélonéphrite, alors que l'introduction de 10 germes dans le cortex est inopérante.
11
L'existence de facteurs "toxiques" induisant l'autoentretien des lésions alors que la prolifération bactérienne a disparu a été
postulée. Les antigènes bactériens peuvent persister de façon prolongée dans la médullaire (plus de 20 semaines après une
IVU rétrograde).
L'effet pathogène de la protéine de Tamm Horsfall a été invoqué. Cette protéine des cellules tubulaires est riche en résidus de
mannose, ce qui faciliterait l'adhésion des germes et la destruction cellulaire. Sa libération entraînerait alors une réaction
interstitielle.
12
Le risque évolutif doit donc être relativisé, ce qui n'est pas sans conséquences quant à la stratégie des explorations.
13
Germe fréquent en cas de lithiase coralliforme associée.
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entérocoque (streptococcus faecalis).
II.1.2- Infections urinaires dites hospitalières
Fréquence élevée (30% des infections nosocomiales). La qualité et la fréquence des germes varient
selon l'endroit où l'IVU a été contractée.14
Les infections nosocomiales: un danger majeur.
♦ Augmentation du pouvoir pathogène et de l'antibiorésistance.
♦ Fréquence des IVU à deux espèces, l'une des deux au moins étant résistante.
♦ Sélection de souches iatrogènes particulières:
- raréfaction de escherichia coli (< 50%) au profit de klebsiella ;
- apparition de proteus indol + ;15
- apparition de souches potentiellement plus virulentes, dont la présence traduit le bouleversement
de la flore intestinale ou l'origine hématogène de l’IVU.16
♦ Apparition de levures, surtout après éradication bactérienne par antibiothérapie, ou chez les
immunodéprimés et les diabétiques :
- candida albicans
- torulopsis glabrata.
a) Isolement simultané de plusieurs espèces.
- Isolement conjoint de deux germes: en dehors des infections hospitalières, il s'observe dans 5%
des cas à peine.
- Croissance simultanée de trois germes : exceptionnelle. Soupçonner avant tout une souillure,
surtout si figurent une ou plusieurs espèces saprophytes du périnée.
b) Changement de germe d’une uroculture à l’autre
- précoce : deux souches coexistaient initialement, dont l'une, résistante mais minoritaire, a émergé
à la faveur de l'éradication de la souche sensible.
- à distance: il s'agit d'une nouvelle infection.
c) Germes inhabituels
- Staphylocoque doré : seulement en cas d'infection hématogène. Ce germe n'est jamais en cause
dans les IVU ascendantes, mais peut passer dans les urines en cas de suppuration intrarénale
(abcès du rein).
- Staphylocoque blanc.17
14
La "carte bactérienne" n'est valable que pour un lieu donné et, pour celui-ci, pour une période donnée. Dans une collectivité
de soins, les habitudes de prescription des antibiotiques modifient cette carte.
15
16
-
Essentiellement :
proteus vulgaris,
providencia,
proteus morganii,
proteus rettgeri.
Essentiellement :
enterobacter,
serratia marcescens,
acinetobacter,
citrobacter,
moraxella,
pseudomonas aeruginosa (bacille pyocyanique, responsable de graves épidémies dans les collectivités).
17
st. epidermitis, st. saprophyticus coagulase -. Longtemps considéré comme saprophyte du périnée en raison d'une faible
virulence. Reconnu à présent responsable de certaines IVU, notamment chez la femme en période d'activité génitale.
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II.2- Critères de l’infection
Les responsabilités dans la prise en charge de l’IVU
♦ Pour le laboratoire:
- Ne pas passer à coté d'une IVU authentique (faux négatif).18
- Eviter les examens inutiles telle la mise en culture d'une souillure (faux positif).
♦
-
Pour le médecin:
Ne pas identifier tardivement ou laisser méconnue une IVU potentiellement dangereuse.
Ne pas porter un diagnostic d’IVU par facilité avant d’avoir suffisamment étayé son diagnostic.
Assurer la qualité du prélèvement d’urine, pour éviter les erreurs.
II.2.1- Les tests de dépistage
Ils permettent la recherche à la fois :
- de la pyurie ;
- des germes.
♦
♦
Bandelettes spécifiques.
ECBU.
Voir le polycopié de séméiologie: Urines troubles.
Un préalable impératif: le prélèvement aseptique des urines.
Les urines doivent être recueillies selon une technique rigoureuse de façon à minimiser le risque de
contamination (souillure du prélèvement par les germes cutanés de la région méatique).
II.2.2- Confirmation de l’infection
a) Uroculture. Elle identifie le germe présent dans le prélèvement, mais elle n’indique pas d’où il
vient.
L’uroculture n’est pas un examen discriminant.
L’uroculture expose à des diagnostics par excès. Elle est "positive" en cas:
- d'IVU authentique,
- de souillure du prélèvement lors du recueil.
Une uroculture “positive” n’est pas le critère d’une infection urinaire.
En conséquence, l'uroculture n'est plus un examen systématique, mais de seconde intention.
Autrefois examen clef, son rôle actuel se limite à identifier le germe au cours d'une IVU déjà affirmée
par la bactériométrie.19
b) Le critère de l’infection: la numération des bactéries ou bactériométrie. Si l'on ensemence les
urines immédiatement après leur émission, le nombre de colonies qui se forment peut être rapporté au
nombre de germes présents initialement par ml d'urine.
La bactériurie est dite "significative" d'une IVU si la bactériométrie est ≥ 105 germes/ml.
Cet examen quantitatif s'est imposé comme le critère le plus fiable pour affirmer ou réfuter l’IVU, et
éliminer en particulier les simples souillures. Par contre, il n'assure pas l'identification du germe.20
18
Pour cela, il faut disposer de renseignements cliniques fiables. Un laboratoire devrait refuser d'effectuer une uroculture ou
une bactériométrie lorsque aucun renseignement anamnestique n'est fourni.
19
Dans la plupart des laboratoires, l'identification n'est pratiquée qu'après une bactériométrie accélérée, et seulement si la
5
numération atteint 10 . Ceci revient à diviser par cinq le nombre de lectures réellement nécessaires (gain de temps). La mise en
train de l'uroculture reste rapide, si bien que la réalisation préalable de la bactériométrie ne retarde pas sensiblement le
diagnostic bactériologique. Des méthodes accélérées (lecture en 4 heures) sont utilisées.
Des techniques standardisées (micropipette et lame immergée: URICULT®, UROTUBE) ont été mises au point et sont
utilisables en routine pour le dépistage de masse comme pour le diagnostic individuel et l'autosurveillance. Le dépistage par
bandelettes peut également faire usage de prétest.
Mai 2006
J. Fourcade
9
Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes
Module intégré C
Néphrologie
Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
La concordance entre pyurie et bactériométrie, critère de l’IVU
♦ Il existe une pyurie macroscopique;
♦ La bactériométrie est ≥ 105 ;
♦ L’uroculture met en évidence un germe “banal”.
c) Discordances

Bactériurie significative, sans pyurie.
-
Faux positif: il provient:
- d’une contamination externe massive par souillure du prélèvement (à soupçonner si plusieurs
germes sont associés);
- d’une pullulation microbienne in vitro (ensemencement tardif d'une urine ayant stagné à la
température ambiante).
-
Plus rarement: IVU authentique. La prolifération microbienne sans réaction inflammatoire est
possible (quoique rare), surtout en cas d'infection asymptomatique.21
Les signes cliniques: importants, mais parfois en défaut.
Une phase plus ou moins longue d’infection silencieuse, succédant à l’invasion bactérienne des voies
urinaires, précède les signes cliniques de l’IVU.
L'absence de symptômes urinaires ne signifie pas absence d'IVU, pas plus que leur présence
n'est synonyme d'IVU.

Pyurie et uroculture positive, mais bactériurie non significative.
-
Défaut de protocole lors du recueil des urines (faux négatif).
-
Diurèse abondante (dilution et séjour raccourci des urines dans la vessie).22
20
Démonstration du caractère discriminant de la bactériométrie. On ensemence sur un milieu standardisé (lame de
plastique recouverte de gélose) l’urine:
- fraîche du matin (les germes ont ainsi disposé de plusieurs heures pour se multiplier dans la vessie),
- dès son émission,
- émise par voie naturelle.
La densité des colonies apparues au bout de 24 h de croissance à 37° est comparée visuellement à une gamme étalon. Ce
score bactérien est appelé bactériométrie. Kass a ainsi comparé :
- la bactériométrie;
- une uroculture classique portant sur la même urine;
- l’uroculture effectuée sur l'urine prélevée directement dans la vessie par ponction sus-pubienne.
La concordance est excellente (90%) entre un score bactérien supérieur ou égal à 105/ml et la présence de germes dans l'urine
vésicale. Un score ≥ 105 a donc été choisi comme le critère qui définit l’IVU. Par contre, si des urines vésicales stériles sont
souillées lors de l’émission, les germes contaminants du périnée sont peu nombreux à se surajouter ; l’uroculture classique est
positive alors que les colonies restent rares: le compte est alors inférieur ou égal à 103, valeur dite "non significative".
Bactériométrie
5
≥10
4
10
3
≤10
0
Appellation
Bactériurie
significative
Valeur incertaine
Bactériurie non
significative
Absence de
bactériurie
Uroculture par voie basse
positive
Interprétation
Infection
positive
positive
Signification douteuse
Contamination externe ("souillure")
négative
Ni infection ni contamination
21
A un stade très précoce de l'invasion des voies urinaires par voie ascendante, l'infection est encore asymptomatique, et la
pyurie est absente, ou limitée à une leucocyturie microscopique.
22
Les critères de la bactériométrie établis par Kass sont basés sur la multiplication des germes in vivo (dans la vessie), durant
une période de temps déterminée (une nuit) et pour une diurèse normale. Une diurèse abondante fausse ce critère.
Mai 2006
J. Fourcade
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Module intégré C
Néphrologie
Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
-
Virulence bactérienne atténuée. Les infections à germes banals ne comportent parfois qu’une
prolifération faible : il s'agit d'infections ascendantes débutantes, encore cantonnées à l'urèthre et
responsables d'un syndrome atténué dit uréthral, associant à la pyurie une dysurie aiguë moins
marquée qu’en cas de cystite aiguë. 23

Pyurie et uroculture négative: la pyurie sans germes
-
Pyurie stérile non infectieuse: cancer (vessie, rein); lithiase urinaire.
-
Infection à germe spécifique:
- Tuberculose urinaire;
- Uréthrite à chlamidia trachomatis.24
Toutes les atteintes infectieuses des voies urinaires ne sont pas des “IVU”.
Sont exclues par convention du cadre de l’IVU certaines atteintes dues à des organismes particuliers,
dont les conséquences anatomiques, l'extension et l'évolution sont différentes :
♦
♦
Germes spécifiques (avec nécessité de moyens spéciaux pour leur mise en évidence) :
bacille de Koch : tuberculose urogénitale;
spirochète : syphilis.
Parasites : bilharziose vésicale.
Synthèse : stratégie générale des examens.
L’indication dépend du contexte clinique.
♦
-
Signes cliniques bruyants, urines troubles: on est en situation d’infection déclarée.
Confirmation immédiate par la bandelette.
On peut se dispenser de la bactériométrie.
Faire de suite uroculture et antibiogramme.
♦
-
Recherche de principe d’une infection asymptomatique: on est en situation de dépistage.
Bandelette. Si elle est positive:
DHLM (recherche d’une pyurie microscopique)
Bactériométrie
L’identification par l’uroculture ne sera demandée qu’en cas d’infection démontrée.
♦
Place de l’antibiogramme. Luxe inutile sur une souillure, cet examen est indiqué dès lors que
l'infection est prouvée. La caractérisation de l'antibiosensibilité n'est pas réservée aux formes les
plus bruyantes.
Il faut être logique. Si une uroculture est jugée utile, l'antibiogramme est obligatoire.
III- Etude clinique
III.1- Cystite aiguë bactérienne de la femme
Syndrome traduisant l'inflammation aiguë de la muqueuse vésicale. Il représente 90% des IVU de la
femme.
I.1.1- Expression habituelle
23
La pyurie est dans ce cas rarement macroscopique. La constatation d’une faible densité bactérienne est une situation
exceptionnelle lorsqu'il existe une pyurie suffisante pour engendrer des urines troubles.
24
ƒ
ƒ
Mise en évidence.
Dépistage : dosage des anticorps sériques IgG: facile, mais insuffisamment spécifique.
Confirmation : difficile, dans des laboratoires exercés. Prélèvement de cellules épithéliales endo-uréthrales (recherche de
l'antigène bactérien, culture).
Mai 2006
J. Fourcade
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Néphrologie
Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
Les signes d’appel du bas appareil.
L’atteinte vésicale isolée est responsable d’une symptomatologie “basse” typique.
♦
♦
♦
♦
♦
Début rapide, souvent brutal.
Symptômes dits “urinaires” ou “mictionnels”:
brûlures à la miction;
pollakiurie par intolérance vésicale (mictions impérieuses, inconfort marqué);
dysurie aiguë par œdème du col et douleur mictionnelle, avec ténesme intense (spasme
rétropubien) ;
douleur hypogastrique plus ou moins intense.
Pyurie macroscopique.
Hématurie fréquemment associée, le plus souvent terminale, parfois massive dans un contexte
alors très douloureux, mais sans que cela aggrave le pronostic.25
Entre les mictions: endolorissement rétropubien. Le toucher réveille la douleur uréthrale et
vésicale.
♦
♦
Absence de fièvre (t° < 38°) et de signes généraux.
Absence d'hyperleucocytose.
♦
ECBU: germes nombreux. La bactériométrie (inutile) montrerait un taux >105.
I.1.2- Le syndrome uréthral
Il se traduit par un tableau atténué associant dysurie aiguë et pyurie, moins bruyant que la cystite
aiguë.
Le syndrome uréthral.
Une fois sur trois, alors que l’expression clinique évoque une cystite, certains critères sont absents.
- Nuances cliniques. Tableau moins brutal et moins intense que la cystite. Pyurie discrète,
hématurie absente. Mais, même atténués, les symptômes prouvent l'existence d'une réaction
inflammatoire.
- Critères bactériologiques. Le critère bactériométrique de l’IVU fait défaut (bactériurie <105).
Le syndrome uréthral est lié à une réaction inflammatoire uréthrale, mais l’absence de germes dans la
vessie a été prouvée. Il ne s’agit donc pas d’une cystite atténuée, mais d'une invasion incomplète,
cantonnée à la région sousvésicale. Il est considéré comme le premier stade avorté de l’infection
urinaire ascendante. Il peut du reste précéder les épisodes de cystite ou alterner avec eux. Il s’agit
donc bien d’une infection:
- soit à germes banals. L'uroculture est positive pour les germes décelés habituellement dans les
IVU ascendantes.
- soit à germes spécifiques: infection à chlamidia.
Terminologie.
Dans les publications anglosaxonnes, le syndrome “dysurie aiguë-pyurie” regroupe:
♦ la cystite aiguë
♦ le syndrome uréthral.
III.2- Pyélonéphrite aiguë
Infection sévère du haut appareil, la pyélonéphrite aiguë est caractérisée par une inflammation:
- de la cavité pyélocalicielle (pyélite aiguë);
- du parenchyme rénal (néphrite interstitielle aiguë bactérienne focale et irrégulière avec nécrose
tubulaire).
25
L’hématurie est due à la congestion de la paroi vésicale. Son existence peut gêner la mise en évidence de la pyurie associée.
Les hématuries d’autre cause (notamment cancer) sont le plus souvent asymptomatiques.
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Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
Les signes d’appel du haut appareil.
 Phase d'invasion souvent précédée de discrets signes du bas appareil pendant un ou deux jours.
Puis rapidement:
 fièvre élevée; pics fébriles >39° avec frissons;
 douleur lombaire uni ou bilatérale, spontanée et provoquée;
 signes généraux marqués;
 signes digestifs fréquents;
 signes mictionnels paradoxalement souvent discrets voire absents, hormis la pyurie.
♦
Penser à observer les urines : d'abord claires, puis troubles avec oligurie et parfois hématurie
terminale.
♦
♦
♦
♦
Hémogramme: polynucléose neutrophile;
Hémoculture: positive une fois sur trois;
ECBU: germes innombrables. La bactériométrie (inutile) montrerait un taux >105.
Certitude de pyélonéphrite si des cylindres leucocytaires sont présents.26
III.3- Prostatite aiguë
Les similitudes physiopathologiques et cliniques font classer l'infection parenchymateuse de la
prostate dans le cadre de l'IVU, bien que la présence de germes dans les urines soit inconstante.
Origine des germes :
- voie hématogène (angine, abcès dentaire, furoncle): staphylocoque doré;
- voie ascendante (germes à Gram négatif): infection favorisée par un rétrécissement uréthral ou
une manoeuvre endouréthrale.
Les signes d’appel.
♦ Dysurie fébrile ou rétention aiguë fébrile.
♦ Douleur périnéale profonde, ténesme rectal.
♦ Signes généraux marqués; fièvre.
♦ Au toucher rectal effectué avec prudence, douleur élective d'une prostate turgescente.
♦
♦
♦
Polynucléose.
Par contraste, les urines peuvent demeurer claires et l’uroculture négative (infection enclose).
Association cependant possible avec des urines infectées: frissons et fièvre élevée sont alors
incompatibles avec une simple cystite.27
III.4- Evolution
Sous antibiothérapie, et en l'absence d'anomalie urologique ou d’erreur thérapeutique, on observe
que:
- La guérison sans récidive immédiate et sans séquelles est la règle. Le caractère "accidentel” de
l’infection est ainsi attesté.
- Dans des circonstances particulières, l’évolution se complique:
- formes graves d’emblée;
- complications différées: formation de séquelles dont l’aboutissant rare mais grave est la
pyélonéphrite chronique.
- L'IVU peut parfois récidiver. Deux mécanismes fondamentalement différents sont impliqués: la
rechute et la réinfection.
26
Les cylindres prouvent que du pus s’est formé dans les tubules rénaux. Mais ils sont fragiles. L’agitation qu’engendre le
transport des urines les détruit. Leur absence n'élimine donc pas une atteinte rénale.
27
La présence de filaments opaques (moules des canaux prostatiques) flottant dans l'urine est en faveur d’une atteinte
prostatique.
Dans le but d'authentifier une prostatite, on avait proposé le massage de la prostate par voie transrectale pour en faire sourdre
le pus et les germes vers l'urèthre. Ce geste est plus dangereux qu'utile (risque de déclencher une septicémie). Il doit être évité.
Mai 2006
J. Fourcade
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Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
III.4.1- Evolution à court terme
a) La guérison sous traitement
L’évolution spontanée de l’IVU non traitée ne se conçoit plus.

Formes basses (cystite aiguë). Sous traitement correct, guérison en règle rapide et totale. La
rétrocession des signes est d’autant plus rapide que le traitement est précoce. Les symptômes
disparaissent en quelques heures (le plus souvent moins de 24 h). Des urines stériles à la 24°
heure prouvent l'efficacité du traitement, mais la pyurie peut persister deux à cinq jours.
Mal traitée (autotraitement écourté), la guérison spontanée est habituelle, mais elle est plus
longue à survenir et les rechutes sont plus fréquentes. La disparition des signes incite
malheureusement certains sujets à interrompre prématurément leur traitement.28
♦
Pyélonéphrite aiguë. Phase de suppuration écourtée grâce à l'antibiothérapie précoce. L'oligurie,
la polynucléose neutrophile et les cylindres leucocytaires dans les urines persistent pendant
plusieurs jours.
-
Chute thermique brutale (si traitement précoce) ou sinon en lysis en 2 à 3 jours.
Les urines s'éclaircissent en quelques jours, la diurèse augmente après la phase initiale d'oligurie.
La lombalgie peut persister plus longtemps.
La fonction rénale globale reste normale, sauf en cas de pyélonéphrite bilatérale, ou si le rein
controlatéral est déjà détruit.29
Evolution habituellement favorable, sauf en cas d'uropathie associée.
Guérison habituellement sans séquelles.
-
Guérison clinique n’est pas synonyme de guérison anatomique. Les lésions inflammatoires
parenchymateuses mettent plusieurs semaines à disparaître, ce qui justifie une antibiothérapie
plus prolongée que la durée clinique.
Le cas particulier de la pyélonéphrite gravidique. Sa spécificité: non pas la mère, mais l’enfant.
Sa fréquence a déjà été mentionnée.
♦
Difficultés thérapeutiques (certains antibiotiques sont interdits du fait de la grossesse).
♦
Risque fœtal (prématurité, hypotrophie) d'autant plus grand que l'infection survient près du terme,
est fébrile et provoque une septicémie.

-
Prostatite aiguë. L’évolution constitue un véritable carrefour infectieux:
guérison habituelle sous antibiotique;
rechute possible, ainsi que l'évolution vers la prostatite chronique;
complications possibles: abcès prostatique, orchiépididymite, septicémie à germes à Gram -.
b) Les formes graves d’emblée

Septicémies d'origine urinaire
Rarement spontanées, elles sont favorisées:
- par une effraction de la muqueuse urinaire, le plus souvent provoquée (agression instrumentale
ou chirurgicale);
- ou par la constitution d'une hyperpression en amont d'un obstacle.
28
Avant l’ère des antibiotiques, la plupart des cystites finissaient par guérir spontanément, mais non sans rechutes. Quant aux
atteintes rénales, elles suppuraient longuement, avec fièvre oscillante et pyurie massive, et faisaient le lit des pyélonéphrites
chroniques.
29
On constate cependant (surtout chez le nourrisson) une chute du pouvoir de concentration des urines qui persiste plusieurs
semaines.
Mai 2006
J. Fourcade
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Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
La précession des signes urinaires n'est pas obligatoire. L’origine urinaire de la septicémie est patente
si elle survient au décours d'un acte urologique. Par contre, lorsqu’il s’agit d'une septicémie inaugurale
dont on recherche le point de départ, l'origine urinaire est si fréquente (50% des cas) que sa
recherche systématique s'impose.30
Au cours d’un tableau infectieux, la mise en évidence du même germe par uroculture et par
hémoculture prouve qu’il s’agit bien d’une septicémie d'origine urinaire, et non d’une infection
d’autre origine chez un sujet ayant une simple bactériurie.
-
Complication immédiate: le choc septique. Evolution grave: insuffisance rénale aiguë, décès
fréquent.31
-
Complication différée: les embols septiques. Exemple: spondylodiscite à germe à Gram -.

Destruction aiguë du rein. Aboutissant catastrophique d'une IVU, elle nécessite habituellement
la conjonction de plusieurs facteurs:
-
Uropathie sous-jacente méconnue. Son existence entraîne un risque majeur de suppuration du
parenchyme. Le traitement abâtardit les symptômes et camoufle l'infection sans assurer la
guérison.
-
Rétention purulente du haut appareil. Elle constitue une urgence urologique, à suspecter en cas
de colique néphrétique ou d'anurie fébriles, avec gros rein douloureux et défense. Elle entraîne:
- une impossibilité de guérison;
- un risque majeur de septicémie, à partir d'une cavité excrétrice distendue sur l'obstacle
(sténose urétérale, lithiase) avec reflux bactérien massif dans le parenchyme;
- une fonte purulente du rein (pyonéphrose) que seule la dérivation en urgence des urines peut
éviter.
-
Abcès du rein au cours d’une IVU hématogène (pyonéphrite aiguë). Infection rénale grave à
prédominance parenchymateuse, avec tendance à la suppuration.
-
Terrain médical favorisant
- Immunodépression;
- Troubles microcirculatoires (exemple: diabète sucré).
Une évolution rare mais gravissime: la nécrose papillaire rénale.
Elle est due à la dissection et au détachement d’une ou plusieurs papilles par thrombose des vasa
recta. Elle est favorisée par l’existence préalable d’altérations artériolaires. Elle survient parfois
spontanément, mais constitue avant tout une complication majeure de l’IVU au cours du diabète
sucré. Elle est favorisée par la prise de phénacétine ou d'AINS.
Clinique: colique néphrétique fébrile avec pyurie, hématurie et parfois anurie obstructive (chercher
dans les urines les débris de papille). Parfois formes latentes découvertes à l'UIV.
Radiologie: sillon d'élimination à la base de la papille, avec cavité parenchymateuse (image en pince
de crabe, en anneau) Si la papille s'est détachée: image d'amputation du calice, dont le fond affleure
le cortex. Apparition secondaire de calcifications.
Evolution: souvent mortelle: prostration, septicémie, insuffisance rénale aiguë. Pronostic meilleur dans
les formes subaiguës (tableau de pyélonéphrite sévère), mais l’insuffisance rénale qui préexistait se
trouve toujours aggravée au décours de l’épisode.
c) La résistance d’emblée au traitement
♦
La fausse résistance. Elle est due à un traitement inadéquat.
30
Chez un sujet porteur d’une sonde à demeure, ayant une IVU asymptomatique ou torpide, son simple changement peut
déclencher une septicémie, et doit être considéré comme potentiellement dangereux.
31
Le décès survient encore deux fois sur trois. Devant un choc septique, toujours suspecter en premier l’origine urinaire.
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Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
L’erreur thérapeutique, premier facteur de résistance de l’IVU.
- Retard de mise en route (erreur de diagnostic, négligence);
- Modalités erronées du traitement (posologie insuffisante; durée trop courte);
- Traitement incontrôlé (automédication, observance insuffisante);
- Choix d’un antibiotique inadapté:
- bactérie non sensible (choix non validé par un antibiogramme);
- élimination urinaire réduite (phénomène favorisé par l’insuffisance rénale);
- Absence de suivi (prise de décision tardive malgré des signes évoquant l’échec du traitement).
♦
La résistance authentique. Ce sont les vraies infections rebelles, persistant malgré un traitement
bien conduit. Elles procèdent du même mécanisme que les rechutes (voir ci-après).
Sans avoir la gravité des complications ci-dessus, la persistance de l’IVU sous traitement est toujours
suspecte et péjorative.
Une uroculture de contrôle positive au-delà de la 48° heure est la traduction de l’échec du
traitement.
III.4.2- Evolution ultérieure: rechute et réinfection
Deux phénomènes fondamentalement différents:
La récidive éventuelle de l'IVU procède de:
♦ soit d'une rechute;
♦ soit d'une réinfection.
♦
♦
80% des récidives chez la femme sont des réinfections.
80% des récidives chez l’homme sont des rechutes.
Mais les récidives sont dix fois plus nombreuses (comme l’IVU elle-même) chez la femme que
chez l’homme.
a) La rechute, reprise évolutive d’une infection non guérie
La rechute est due à la stérilisation incomplète des voies urinaires. Il n’y a pas eu guérison. A l'arrêt
du traitement, après un temps libre plus ou moins long, les signes reprennent et le même germe que
lors de l'atteinte initiale réapparaît.
♦
La rechute est de survenue précoce. La rechute peut s’accompagner de signes cliniques, mais
aussi être silencieuse, ce qui justifie un contrôle bactériologique systématique à l'arrêt du
traitement, même s'il ne doit servir qu'à confirmer la guérison.
Toute récidive moins de trois semaines après l'arrêt du traitement est a priori une rechute.
♦
Rechute et résistance d’emblée procèdent des mêmes mécanismes.
-
Le germe. Bactéries multirésistantes, dans un contexte:
- d’uropathie surinfectée déjà traitée à de nombreuses reprises;
- d’infection contractée en milieu hospitalier (infection nosocomiale).
Le terrain. Une IVU qui survient sur un arbre urinaire normal guérit simplement, sauf si elle est mal
traitée.
♦
-
La rechute est potentiellement dangereuse. Elle entraîne un retard de guérison:
dont l’expression est parfois clinique (pyurie durable, endolorissement lombaire persistant, état
subfébrile ou reprise fébrile),
qui augmente le risque de séquelles rénales (voir plus loin);
qui prolonge le traitement, augmente son coût et son risque toxique;
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qui accroît le risque lithogène.32
b) La réinfection: une nouvelle infection chez un sujet guéri.
Apanage de la femme, la réinfection succède à une nouvelle colonisation par voie ascendante,
indépendante de la précédente. Le germe en cause est donc a priori différent.33
Mécanisme: persistance du terrain qui a favorisé la première infection:
- diminution des défenses naturelles;
- accrue par des erreurs:
- individuelles (hygiène corporelle)
- ou socioculturelles (boissons insuffisantes).
♦
La réinfection est de survenue tardive
Toute IVU se déclarant au delà de trois semaines après la fin du traitement de la poussée
initiale est a priori une réinfection.
♦
Réinfections isolées. Survenant de façon plus ou moins espacée, elles conservent un caractère
accidentel, parfois associé aux grossesses ou à des troubles digestifs.
♦
Réinfections fréquentes: la cystite récidivante. L’IVU peut devenir subintrante, une nouvelle
infection aiguë survenant peu de temps après chaque arrêt du traitement. Cette entité dite
infection récidivante procure une gêne sociale importante mais, en l’absence d’uropathie associée
(et sous réserve d’un traitement correct des épisodes), les formes basses n’entraînent pas de
dommage rénal (voir: Prévention).
Une infection à chlamidia doit être recherchée par principe, mais est loin d’expliquer la totalité de
cette symptomatologie.
L'infection à chlamidia.
Cette affection se situe à la limite entre l'IVU et les uréthrites. L'infection se cantonne à l'urèthre et
n'atteint jamais la vessie. L’uroculture classique est en défaut.
♦
-
Chez la femme, cette infection entraîne un syndrome uréthral cliniquement indissociable de celui
dû à un germe banal. Le diagnostic est soupçonné lorsque:
une uréthrite est survenue chez un de ses partenaires, a fortiori si l'on a la notion d'un nouveau
partenaire;
la symptomatologie récidive (par transmission croisée).
♦
Chez l'homme, la symptomatologie est celle d'une uréthrite subaiguë.
-
La coïncidence fréquente d'une guérison spontanée alors qu'une antibiothérapie conventionnelle est
menée à l'aveugle fait longtemps croire à une infection récidivante à germes banals, ce d'autant plus
que l'infection à chlamidia peut se camoufler derrière des germes de rencontre ou des souillures. Ceci
explique des "cystites" ou supposées telles, désespérément rebelles et résistant au traitement. La
constatation d'une pyurie sans germes à distance de tout traitement antibiotique doit donc attirer
l'attention.
♦
Evolution des bactériuries asymptomatiques. Il en est de même que pour l’IVU récidivante.
Hormis des situations particulières, leur danger n’a pas été démontré (voir: Prévention).
c) Risque à long terme: la pyélonéphrite chronique
♦
Circonstances d’apparition
32
Lorsque le germe possède une uréase (proteus mirabilis), l'urée se transforme en ammoniaque, l'urine devient alcaline,
permettant alors la précipitation des phosphates ammoniaco-magnésiens.
33
Mais en pratique, ceci est impossible à prouver sans sérotypage s'il s'agit, ce qui est fréquent, d'un colibacille.
Mai 2006
J. Fourcade
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-
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Pyélonéphrite aiguë maltraitée: traitement trop court, antibiothérapie inadéquate.
Uropathie associée: reflux, lithiase, obstacle.
La persistance prolongée d’une suppuration parenchymateuse rénale au décours d’une pyélonéphrite
aiguë et son évolution vers une fibrose interstitielle chronique constituait autrefois une complication
classique. Elle est à présent rarement observée, depuis que les infections urinaires guérissent
rapidement et sans séquelles grâce à l’antibiothérapie.34
Signes d'appel de la pyélonéphrite chronique.
♦ Urines troubles par intermittence, en général sans brûlures mictionnelles;
♦ Etat subfébrile, petits frissons, sueurs nocturnes;
♦ Endolorissement lombaire intermittent;
♦ Dans un contexte d'épisodes passés d'IVU, avec un terrain urologique connu.
♦
Evolution
Toujours aléatoire dès lors que les séquelles sont constituées, malgré une antibiothérapie prolongée:
- Persistance de clapiers infectieux intraparenchymateux, qui réinfectent les urines de façon
itérative.
- Apparition progressive d’un petit rein atrophique, bosselé, marqué par des cicatrices rétractiles,
- Evolution possible:
- vers le “petit rein atrophique toxique” (risque d’HTA secondaire);
- vers l’insuffisance rénale chronique en cas d’atteinte bilatérale.
IV- Diagnostic
IV.1- Diagnostic topographique
L’extension de l’IVU au parenchyme rénal s’accompagne d’un risque majoré (bactériémie, cicatrice
rénale, évolution possible vers la pyélonéphrite chronique). Sa démonstration ou sa simple suspicion
justifient un traitement renforcé et prolongé.
Il est important de reconnaître cette extension en cas de tableau clinique atypique.
IV.1.1- Critères cliniques
Une correspondance anatomoclinique imparfaite.
Les tableaux d’IVU “haute” ou “basse” ont une valeur prédictive importante, mais non absolue. La
description de formes "hautes" (pyélonéphrite aiguë) et "basses" (cystite aiguë) est traditionnelle et
commode, mais discutable, car elle ne préjuge pas:
-
de la diffusion de l'infection. Une symptomatologie isolée de "cystite" n’exclut pas une participation
rénale silencieuse. Malgré l'absence de signes "hauts", l'urine pyélique contient une fois sur deux
des germes. Des signes "bas" isolés n'excluent pas une propagation au haut appareil, mais
suggèrent simplement que sa participation éventuelle est non suppurative, sans réaction
inflammatoire, et donc peu agressive pour le parenchyme.
-
de l'existence ou non d'une uropathie: elle est moins fréquente en cas de symptomatologie basse
que haute, mais reste néanmoins possible.
-
du caractère uni ou bilatéral de l'infection. Bien que la douleur de la pyélonéphrite soit deux fois
sur trois unilatérale (plus souvent à droite qu'à gauche), l’atteinte anatomique est presque toujours
bilatérale.
a) Formes "paucisymptomatiques"
34
L’emploi de la tomodensitométrie pour la surveillance évolutive révèle cependant une fréquence insoupçonnée de séquelles,
pour la plupart heureusement non évolutives.
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Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
Formes camouflées: reconnaître les signes d’emprunt.
 Signes mineurs, mais anormaux au cours d'une simple "cystite" (petits frissons, accès subfébriles,
asthénie, perte d'appétit). Ils traduisent une pyélonéphrite atténuée.
 Lombalgie isolée pseudo-rhumatismale;
 Rétention aiguë d'urine au cours d’une IVU en général fébrile: suspecter la prostatite;
 Enurésie acquise (en fait par pollakiurie due au ténesme vésical);
 Douleur abdominale atypique simulant une cholécystite ou une appendicite (douleur épigastrique
chez l'enfant).
La signification trompeuse d’un tableau de cystite chez l’homme.
En tant que localisation anatomique basse et isolée de l’IVU, la cystite est exceptionnelle chez
l’homme, pour autant qu’elle existe vraiment. Par contre, une symptomatologie bâtarde peut
camoufler, soit une atteinte haute, soit surtout une prostatite, ou compliquer une uropathie.
Une symptomatologie basse et aiguë chez un homme correspond, soit à une uréthrite, soit à
une prostatite. Ce n’est jamais une cystite.
b) Modification de la symptomatologie due au terrain
♦
Insuffisance rénale chronique. Pyélonéphrite camouflée, peu fébrile.35
♦
Sujet âgé. IVU difficile à reconnaître chez un sujet grabataire ou qui communique mal.
L’IVU du vieillard : un tableau souvent torpide.
♦ Tableau trompeur: fébricule isolée, état pseudogrippal ou pseudopalustre, troubles digestifs,
altération de l’état général, confusion mentale aiguë.
♦ Pyurie ou hématurie isolées, fébriles ou non (parfois le seul signe chez un sujet porteur d’une
sonde à demeure).
♦ Valeur du toucher rectal systématique et pourtant souvent omis !
L’infection urinaire n’est parlante que chez un sujet qui peut parler.
♦
♦
Paradoxalement, les troubles mictionnels du sujet âgé infecté sont souvent discrets ou absents.
Savoir évoquer l’IVU en cas de pollakiurie ou de pseudo-incontinence d'apparition aiguë.
La meilleure façon de reconnaître une miction anormale est de voir le sujet uriner.
IV.1.2- Critères radiologiques de la pyélonéphrite aiguë
Le suivi radiologique est indispensable. L'UIV traditionnelle est aujourd'hui supplantée par la
tomodensitométrie.
a) Période d'invasion. UIV normale trois fois sur quatre. Sinon: bassinet et uretère mal visibles
(fausses membranes) et parfois atones, à distinguer d'une éventuelle obstruction. Rein modérément
augmenté de volume. Découverte parfois d'une uropathie associée. L'atonie peut persister deux à
trois semaines.
b) Période tardive. Après une pyélonéphrite bien traitée, les séquelles sont devenues rares. Si elles
apparaissent, elles ne deviennent classiquement visibles que plusieurs mois après l'épisode aigu,
sous la forme de cicatrices fibreuses rétractiles encochant le cortex.
♦
Valeur de la tomodensitométrie. Elle modifie les connaissances sur l’évolution naturelle.
-
Elle montre en période aiguë un parenchyme hétérogène avec anomalies typiques de la densité
radiologique.
Elle distingue les formes focales, de bon pronostic, des formes diffuses, sévères, et révèle parfois
des pertes de substance insoupçonnées.
35
Rechercher l’IVU en cas de troubles digestifs, de déshydratation, d’aggravation inexpliquée de la fonction rénale avec
hypercatabolisme et acidose disproportionnée.
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-
Infection des voies urinaires de l’adulte. (I) Etude clinique
Elle permet de suivre l'effacement plus ou moins rapide des lésions, et de guider la durée du
traitement.
A une phase plus tardive, elle permet de faire le bilan des formes graves, et notamment de
dépister les encoches corticales par atrophie séquellaire bien plus précocement que par l'UIV.
Indications de la tomodensitométrie d’emblée dans la pyélonéphrite aiguë.
♦ Uropathie connue ou découverte d’anomalies en échographie;
♦ Signes cliniques de gravité;
♦ Signes cliniques atypiques;
♦ Infection nosocomiale;
♦ Prise en charge tardive;
♦ Résistance d’emblée au traitement.
IV.1.3- Critères bactériologiques: les anticorps antibactériens
La constatation d’un titre élevé d'anticorps antibactériens est relativement spécifique d’une atteinte
parenchymateuse. Leur recherche nécessite des moyens spécialisés, ce qui freine leur diffusion. Elle
est indiquée dans les cas difficiles:36
- IVU asymptomatique persistant après un épisode infectieux aigu,
- IVU subintrante ou permanente chez un sujet ayant une uropathie,
- IVU chez un enfant atteint de reflux.
IV.1.4- Critères évolutifs
L'allure évolutive est en fin de compte le meilleur test de localisation.
Toute récidive rapide et due au même germe (rechute) indique a priori la persistance d'un foyer
parenchymateux et constitue une présomption d'uropathie. Elle impose d'effectuer ou de compléter
l'exploration radio-urologique.
Toute cystite récidivante de l'homme cache une prostatite chronique.
Quel que soit l'aspect clinique de l’IVU, la découverte d'une uropathie constitue le meilleur indice de la
participation du haut appareil. Dans ce cas, les diagnostics topographique et étiologique se
confondent.
IV.2- Diagnostic étiologique
Son but est de rechercher une uropathie et d'apprécier son risque évolutif:
- l'IVU est parfois le signe révélateur d’une uropathie méconnue;
- sa survenue sur une uropathie connue doit faire évaluer les chances de pouvoir la corriger.
IV.2.1- Les moyens disponibles
a) Examens non invasifs
36
Une recherche peu fréquente chez l’adulte : les anticorps antibactériens. Seuls les parenchymes possèdent assez de
cellules lymphoïdes pour donner une forte réaction immunologique, capable de former des anticorps antibactériens. Ces
anticorps sont de deux sortes:
♦
Anticorps fixés sur les bactéries urinaires (IgA, IgG). On ne peut les déceler qu'en période d'infection active (bactériurie),
ce qui limite la portée de la méthode.
♦
Anticorps libres dans le plasma. On peut les déceler en dehors de la période d'infection active, car ils constituent la
signature immunologique résiduelle et régressive de celle-ci. Mais cette détection suppose qu'on connaisse déjà leur
nature, ce qui est loin d'être toujours le cas. Peu de bactéries (e. coli) sont du reste capables d’induire leur formation.
Le titre des anticorps est faible ou nul dans les formes d'expression basse et la plupart des IVU asymptomatiques. Il est élevé
dans la pyélonéphrite aiguë et la prostatite aiguë. Le taux sérique s'élève 10 à 14 jours après l'atteinte aiguë, mais plus vite (2 à
5 jours après) s'il s'agit d'une rechute (même germe), en raison de la mémoire immunitaire; il met plusieurs semaines à
redescendre.
La persistance d'un taux élevé est le signe de la guérison incomplète d’une IVU parenchymateuse, et prélude en principe à une
rechute. Cette constatation doit inciter à traiter plus longuement.
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♦
♦
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Echographie rénale et des voies urinaires. Facile à mettre en œuvre et à répéter. Informations
recherchées:
dilatation pyélo-uretérale sur obstacle,
atrophie corticale,
suppuration intrarénale (abcès, kyste ou cancer surinfecté);
étude du bas appareil: vessie, prostate.
Radiographie sans préparation de l’abdomen. Associée systématiquement lorsqu’une
échographie est indiquée. Une lithiase de petit volume peut ne pas être décelée en échographie.
b) Examens invasifs
♦
♦
♦
Urographie intraveineuse. Son caractère invasif découle de l’emploi d’un produit de contraste.
Elle permet la recherche:
d’encoches du cortex rénal;
d’une anomalie urétérale (cliché debout de 3/4);
d’un rétrécissement uréthral (cliché centré permictionnel);
d’un résidu vésical (cliché après miction).
Tomodensitométrie:
elle permet avant tout de suivre l'évolution anatomique du rein au cours et au décours d'une
pyélonéphrite aiguë;
elle est indiquée pour le suivi des formes sévères ou traitées avec retard (risque élevé de
cicatrices).
sa valeur est irremplaçable pour le dépistage et le suivi des abcédations.37
elle est moins performante pour la recherche étiologique proprement dite.
Explorations urologiques: cystoscopie, uréthrocystographie mictionnelle, UPR. Les examens
par voie rétrograde nécessitent d’avoir au préalable stérilisé les urines.38
IV.2.2- Indications
a) Evaluation immédiate
En l'absence de signes d'orientation, une recherche approfondie en période aiguë ne doit pas être
systématique:
- Rentabilité faible. L’IVU est fréquente, mais l’IVU secondaire à une uropathie est rare.
- Deux risques sont à mettre en balance:
- le danger d'une uropathie méconnue, source potentielle de destruction rénale;
- la dangerosité immédiate des examens invasifs (explorations ascendantes).
L’enquête repose donc sur:
- l’épidémiologie (fréquence des formes secondaires);
- l'étude soigneuse des antécédents et un examen clinique correct.39
On ne demande pas une échographie rénale ou une UIV avant d'avoir interrogé, examiné
l'appareil urogénital, fait un toucher rectal et vu uriner.
37
Dans la pyélonéphrite aiguë, l’exploration échographique ou si possible tomodensitométrique précoce peut montrer des
images évocatrices de présuppuration. Sous antibiothérapie puissante et précoce, la résolution des signes est habituellement
obtenue, au prix parfois de la ponction d'un abcés constitué, ce qui évite l'évolution possible vers la fistulisation dans les voies
urinaires ou vers le phlegmon périnéphrétique.
38
Objectifs:
authentification d’un reflux,
recherche d’un obstacle.
Ces examens comportent un danger important de dissémination infectieuse, et leur risque doit être soupesé.
-
39
En particulier: douleur ascendante à la miction (reflux); palpation d’un gros rein.
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Penser avant tout à donner des renseignements cliniques. Le radiologue s'attachera d’autant
plus à rechercher une anomalie qu’on lui fournira des indications précises sur le contexte
infectieux.
♦
-
Echographie. Cet examen:
a renouvelé la tactique devant une pyélonéphrite aiguë et plus généralement une lombalgie
fébrile,
a remplacé l’UIV comme examen de première intention.40
a permis de réfuter l’indication dans l’urgence d’une UIV ou d’une prise en charge urologique.
ne supprime pas la nécessité d'une exploration ultérieure. Un reflux devra notamment être
cherché plus tard par les moyens appropriés, si les circonstances sont en faveur de son
existence.41
La normalité de l'échographie n'élimine en aucune manière une uropathie.
♦
Tomodensitométrie. Si elle peut être mise en œuvre en urgence, elle constitue également un
bon examen d'orientation (existence ou non d'une dilatation).
♦
Indications résiduelles de l’UIV. Elle reste nécessaire en cas de signes cliniques atypiques
(persistance de la fièvre ou de la lombalgie 48 heures après le début du traitement).
b) Enquête différée
♦
UIV. Elle reste un examen utile, car elle fournit plus d'informations que l'échographie.
♦
Tomodensitométrie. Elle est utile pour le suivi des formes sévères ou traitées avec retard
(risque élevé de cicatrices), plus que pour la recherche d'une uropathie.
♦
-
Explorations rétrogrades. Elles ne sont jamais systématiques. Elles sont pratiquées:
une fois l'épisode infectieux jugulé.42
en fonction du contexte et des constatations de l'UIV.43
c) En fonction du sexe
♦
Tout homme dès sa première IVU, quel que soit son type clinique.
L’IVU de l’homme est rare, mais toujours suspecte.
La fréquence de l'IVU est de loin inférieure à celle observée chez la femme, mais elle traduit souvent
une anomalie sousjacente.
Toute IVU de l’homme est réputée traduire une uropathie jusqu'à preuve du contraire.
♦
Chez la femme, rarement en première intention. Sachant que la majorité des IVU de la femme
sont essentielles, les explorations constituent au contraire l’exception.
-
Lors du premier épisode d'IVU chez l'adolescente ou la femme adulte, ou lors de récidives
épisodiques pouvant être considérées comme des primoinfections, la règle est de:
40
L'échographie est particulièrement utile dans la pyélonéphrite aiguë gravidique. Elle permet de repousser l'UIV après
l'accouchement.
41
L’urgence urologique est représentée par l’infection urinaire sur uropathie obstructive. Une antibiothérapie puissante est
indispensable, mais ne suffit pas. Si la cure radicale de l'obstacle est impossible, il est obligatoire de drainer (le plus souvent par
néphrostomie).
42
A l’exception de l’opacification urgente et du drainage de sauvetage d'un rein muet surinfecté au-dessus d'un obstacle
(pyélographie transpariétale).
43
♦
♦
Indications de la cystographie:
En règle systématique chez le nourrisson, le garçon et la fillette jeune, du fait de la fréquence du reflux.
Chez l'homme adulte: UIV avec clichés per et postmictionnels. Cystographie en cas d'anomalie. Sinon, la pratiquer à la
première récidive.
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-
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se limiter à l’interrogatoire et l’examen clinique, et surseoir à l'exploration en cas de forme
"basse", sans autre élément d’orientation;
explorer s'il s'agit d'une pyélonéphrite aiguë.
-
Chez la femme âgée: être méfiant, une cystite pouvant camoufler une autre affection, tel un
cancer vésical.
-
Cystite récidivante: enquête étiologique indispensable, mais limitée.44
d) En fonction de l’âge
Tout nourrisson des deux sexes, et tout garçon doit être exploré.45
e) En fonction du passé infectieux ou urologique
♦
Tout sujet dont l’uropathie connue a été mal explorée ou mal surveillée.
♦
Tout sujet ayant eu dans l'enfance une IVU non explorée, et qui refait une IVU.
♦
Tout sujet ayant dans ses antécédents ou se plaignant de symptômes évocateurs d’une
uropathie:
énurésie de l'enfance;
douleur ascendante à la miction (pathognomonique d'un reflux);
colique néphrétique (avec ou sans émission de calcul);
antécédents de blennorragie;
miction en deux temps (diverticule vésical);
perte d'urine en dehors des mictions: incontinence, fistule vésicovaginale.
-
f) En fonction de l’évolution immédiate
Tout sujet dont l'infection résiste à un traitement bien conduit ou rechute précocement à l'arrêt
de celui-ci doit être exploré.
44
Dans l'IVU basse récidivante, l’exploration systématique n’est pas rentable, compte tenu du petit nombre de femmes (2%)
chez lesquelles une anomalie est découverte. La tendance actuelle est de se contenter, sauf s'il existe des arguments en faveur
d'une rechute, d'un bilan minimal (échographie, radiographie sans préparation) et de rechercher surtout les facteurs favorisants
"naturels".
45
Chez le nourrisson et le garçon, les chances de découvrir une uropathie congénitale sont pratiquement de 100%.
Chez la fillette déjà grande, la fréquence des uropathies dévoilées par une IVU semble au contraire faible, car déjà s'expriment
les facteurs des IVU essentielles de la femme adulte, si bien que l'exploration peut suivre les mêmes règles que pour cette
dernière.
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