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Parti communiste français www.pcf.fr ENLAZANDO ALTERNATIVAS17..et .18 mai à AVRIL 2010 Pages 2-3 ACTUALITÉS DU MONDE Afrique Élections au Soudan sans surprise Asie Le maoïsme en Inde et sa violence Europe Élections régionales en Italie Page 4-6 FOCUS Sommet de Madrid Union européenne/Amérique latine Page 7 ACTIVITÉ DES RELATIONS INTERNATIONALES Pages 8-12 REGARD sur la politique aux États-Unis Tea or coffee ? e/Amérique latine les Le VIème sommet Union européenn ila contradiction manifeste entre la pol Madrid remettra au centre des débats ins. ntes des peuples latino-américa tique extérieure de l’Union et les atte ment, de la coopération, de l’associaL’Union tient le discours du développe avec lesquels elle a conclu nombre d’ac tion positive vis-à-vis des pays du Sud anges reste principalement structuré cords. Mais le contenu réel de ses éch nge dans une conception qui privilégie sur l’ouverture de zones de libre-écha l’activité des transnationales. latine. Les mêmes options et critères Cela ne concerne pas que l’Amérique du P (pays d’Afrique, des Caraïbes et président aux relations avec les AC i qu’avec les PSEM (pays du Sud et de Pacifique), l’Afrique du Sud, l’Inde, ains l’Est de la Méditerranée). us pourtant incontournable des enjeux L’Europe n’est donc pas au rendez-vo humaine qui sera une des questions du développement et de la sécurité majeures du XXIème siècle. six néo-libéraux effectués. Même la per C’est un échec qui est le fruit des cho que puis » t sep t s de portée des « ving pective « d’Europe puissance » est hor et ne lui permettent pas de jouer un ces mêmes choix affaiblissent l’Union aondre au besoin d’un véritable parten rôle indépendant et original pour rép e et ailleurs, et pour ouvrir un dialogu riat qui s’exprime en Amérique latine s pay des ble réciproque avec l’ensem politique, une coopération d’intérêt concernés. est en cause. Les peuples européens C’est le projet européen lui-même qui cette carence grave. sont ainsi directement concernés par e n’est donc pas qu’une préoccupation Ce VIème sommet UE/Amérique latin d’une construction, d’une refondation « extérieure ». Nous avons besoin et pérer contre les règles du capitalisme européenne comme moyen pour coo u enje un st C’e . un contexte mondialisé ses modes de gestion libéraux, dans de grande dimension. et par l’ensemble des forces politiques C’est cela qui sera discuté à Madrid en s un réseau bi-régional europé et sociales progressistes rassemblées dan s (tissons des alternatives). Le PCF en latino-américain, Enlazando Alternativa où d’un espace de combativité politique est partie prenante parce qu’il s’agit . me alis ditions d’un nouvel internation se construisent concrètement les con Jacques Fath tionales responsable des Relations interna ■ Conférence d’examen du Traité de Non prolifération nucléaire à l’ONU, New York et initiatives des mouvements pour la Paix, à partir du 30 avril et tout au long du mois de mai. Participation de Claire Chastain du 30 avril au 10 mai ca Madrid 14-18 mai, Sommet des Peuples autour du Sommet UE/Amérique latine. l e n d r i er ■ Participation d’Obey Ament, José Cordon, Christine Mendelsohn, Xavier Compain ■ Congrès du PPS du Maroc, à Bouznika, Rabat, du 28 au 30 mai. Participation de Jacques Chabalier, membre du Comité exécutif et de la Coordination nationale la LRI est également diffusée par Infohebdo et le Tract de la semaine pour recevoir cette lettre (format électronique uniquement) contact : Claire Chastain - [email protected] LRI Inde Le Maoïsme et sa violence 2 Le mardi 6 avril dernier, dans le district de Dantewada, État de Chhattisgar, 76 membres de la Central Reserve Police Force, unité paramilitaire au sein du ministère de l’Intérieur en charge de la lutte contre les groupes insurrectionnels, sont tombés dans une embuscade tendue par un groupe de plusieurs centaines de Maoïstes. C’est la plus récente et la plus criminelle de leurs actions armées. Cependant, elle s’inscrit à la suite d’une longue série d’assassinats dans plusieurs États (Jharkhand, Orissa, Maharashtra) qui visent tout autant les agents subalternes des administrations au contact direct des populations « tribales » (adivasi), dont les Maoistes se proclament les défenseurs, et davantage les cadres des partis politiques et de manière toute particulière ceux du Parti communiste indien (marxiste)-PCI(M), qui a perdu ainsi plus de 130 de ses militants, au cours de l’année 2009, dans le seul état du Bengale Occidental, dont il dirige le gouvernement. Le « maoïsme » n’est que la forme actuelle d’une longue et récurrente présence, au sein du mouvement communiste inde, d’une ligne « gauchiste ». Dans les années 1948-51, à l’avènement de l’indépendance, cette ligne, qui fut celle du Parti communiste, niait la nature de cette indépendance, ne lui reconnaissant qu’une réalité formelle, considérait les classes dirigeantes ayant mené le combat national comme de simples « valets » de l’impérialisme britannique, et estimait la « situation révolutionnaire » propre à une prise de pouvoir par la force armée. Dans le cadre des débats qui traversaient le mouvement communiste mondial, après la scission de 1964 qui vit le Parti communiste indien (marxiste) se séparer du Parti communiste indien, ces thèses réapparurent à partir de 1967-68 sous la dénomination de « naxalisme », sur la même suspicion que le moment était révolutionnaire et qu’il suffisait d’une étincelle pour lancer le soulèvement. Le mouvement fut lancé, dans les zones tribales, notamment dans le Naxalbari, d’où le nom qui leur fut attribué, mais l’étincelle du soulèvement populaire ne fut pas au rendezvous, et le mouvement naxaliste se divisa très vite en un nombre important de groupes pratiquement autonomes qui se concentrèrent sur des opérations de guérilla urbaine sans parvenir davantage au soulèvement espéré des masses ouvrières. Enfin, et sur les mêmes postulats théoriques, en 2004, le Parti communiste maoïste de l’Inde s’est constitué par la fusion du Centre de coordination maoïste de l’Inde et du Groupe de la guerre populaire du Parti communiste indien marxiste-léniniste. Dans son communiqué du 7 avril, le lendemain de cette tuerie, le Bureau politique du PCI(M) déplore l’inaction du gouvernement central devant l’ampleur des activités criminelles qui touchent pratiquement un tiers des états de l’Inde, et sa volonté de renvoyer la charge de la sécurité à la responsabilité du gouvernement de chacun des états concernés. Mais au-delà de ce jeu politicien, le gouvernement central, et le PCI(M) le souligne fortement, porte la lourde responsabilité d’un double déficit à l’encontre des adivasis : • en livrant de larges zones de ces régions de l’Inde centrale riches en ressources à l’exploitation minière de grandes compagnies indiennes et étrangères, ce qui conduit à de brutaux déplacements de populations et à une altération irréparable de leur cadre de vie et environnement écologique • en se refusant à toute politique d’ensemble prenant en compte le niveau de développement de ces populations, les actualités du monde abandonnant ainsi à un désespoir les rendant perméables à l’action des Maoïstes. Comme l’exprime B. Raman, dans Outlook, le 08/04/10 : « Le temps est venu pour le Premier ministre d’assumer sa responsabilité et d’élaborer une stratégie politique, concrète et humaine de grande ampleur pour régler les problèmes dont souffrent les populations tribales dans le centre de l’Inde ». Pierre Marcie collaborateur des Relations internationales Soudan Élections sans surprise C’est le Général Omer Al Bashir et son parti, le National Congrès Parti (NCP) qui remportent haut la main les élections, présidentielle, législatives et régionales, qui se sont déroulés au Soudan, le plus vaste pays d’Afrique, de 11 au 15 avril. 16 millions d’électeurs, sur les 40 millions d’habitants étaient appeler à participer aux premières élections multipartites depuis 1986, cinq ans après les accords de paix signés à Nairobi (Kenya) qui ont mis fin au conflit qui a déchiré le pays pendant 21 ans. Mais le scrutin est entaché par des accusations de fraude et le boycott de certains partis. Auteur d’un coup d’État militaire soutenu par les islamistes en 1989 et sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) depuis un an, le raïs Omar el-Béchir a remporté haut la main la présidentielle, un moyen pour lui de retrouver une nouvelle légitimité face aux accusations de la CPI. Ses principaux rivaux, Yasser Arman, un musulman laïque défendant les couleurs du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, ex-rebelles sudistes), et Sadek al-Mahdi, ancien Premier ministre et chef du parti Umma (nationaliste), ainsi que Mohamed Ibrahim Nugud, secrétaire général du Parti communiste soudanais (SCP) ont décidé de boycotter le scrutin et se sont retirés de la présidentielle. Ils accusent le sortant de truquer le scrutin et estiment que les conditions pour des élections « libres » et « justes » ne sont pas réunies, notamment dans la région du Darfour (ouest), sous état d’urgence en raison de la guerre civile et d’une insécurité endémique. Les mouvements rebelles du Darfour, qui contrôlent des bouts de territoire de cette région, rejettent catégoriquement ces élections. Si le vainqueur de la présidentielle était d’ores et déjà connu, le NCP du Général Al Bashir a remporté sans surprises aussi l’élection des élus à l’Assemblée nationale et les représentants – gouverneurs et députés – au nord du pays, tandis que les candidats du SPLM ont dominés les scrutins au Sud. Salva Kiir a été élu président de la région semi-autonome du Sud Soudan. Sur place, la présence des observateurs de la fondation américaine Carter, l’Union européenne, la Ligue arabe, l’Union africaine, la Chine et le Japon n’a fait que donner une couverture internationale pour un scrutin sans enjeux. L’organisation des élections est une condition pour l’organisation du referendum d’autodétermination pour le Sud prévu en janvier 2010. Les Soudanais du Sud devront choisir entre la création d’un État indépendant au Sud ou rester une région du Soudan avec une autonomie accrue. L’avenir du Soudan se jouera en janvier. Rashid Saeed journaliste soudanais LRI actualités du monde Italie Élections régionales 28-29 mars 2010 On votait dans 13 régions sur 20, représentant 41 millions d’habitants. Dans la plupart des régions, le centre-gauche et la gauche alternative étaient ensemble dans le vote pour la présidence régionale, sauf en Lombardie, en Campanie et dans les Marches, où la Fédération de la gauche a présenté des listes autonomes. Élection des listes présentées par les partis aux conseils régionaux* Partis % Europ. 2009 Lég. 2008 Peuple des libertés (droite) 26,8 35,30% 37,39% Ligue du Nord (extrême droite) 12,3 10,20% 8,30% Parti démocrate (centre gauche) 26,1 26,10% 33,18% Italie des Valeurs (centre gauche) 6,9 8,00% 4,37% UDC (centre droit) 5,6 6,50% 5,62% Gauche écologie 3 et liberté Fédération de la gauche 2,8 (Rifondazione comunista +PDCI +Socialisme 2000) 3,10% Mouvement cinq étoiles (listes Beppe Grillo) 1,7 3,40% ] La Gauche l’Arc en ciel 3,08% --- --- Participation: 64,19% (72,01% en 2005) * Mode de scrutin : le président de la région est élu directement avec le système uninominal majoritaire. Le Conseil régional est élu avec un système mixte en grande partie proportionnel, basé sur les listes présentées par les partis. Les listes qui n'obtiennent pas 3% n'ont aucun siège, à moins qu'elles ne soient rattachées à la coalition constituée autour du candidat à la présidence de la région. La droite tirée par son extrême La gauche conserve sept régions (Ligurie, Emilie-Romagne, Toscane, Marches, Ombrie, Basilicate et Pouilles) sur les onze qu’elle dirigeait depuis 2005. La droite qui était déjà majoritaire en Vénétie et en Lombardie, gagne le Piémont (Ligue du Nord), le Latium (Rome), la Campanie et la Calabre. La droite consolide ses positions malgré un recul du Parti des Libertés, par rapport aux européennes de 2009 et aux Législatives de 2008 ; c’est la nouvelle percée de la Ligue du Nord (droite extrême populiste ultra fédéraliste et xénophobe) qui permet à la droite de gagner des positions, notamment avec le gain du Piémont, en s’implantant y compris dans des régions « rouges » comme l’EmilieRomagne. Les gains de la Ligue compensent le déficit de mobilisation de l’électorat de la droite du au climat délétère qui entoure la personne de Berlusconi et aux conséquences de la crise économique et sociale (aggravation des condi- tions de vie pour le plus grand nombre). Le nouveau rapport des forces à droite peut radicaliser les options extrêmes de la Ligue, notamment sur le plan fiscal, tout en permettant à la droite dans son ensemble – malgré ses contradictions – de renforcer sa politique ultralibérale et de mise en cause des fondements système constitutionnel. Le centre-gauche dans l’impasse Le Parti démocrate, tout en stabilisant son résultat au niveau des élections européennes, ne réussit pas à inverser la tendance et à contrecarrer la politique de la droite. Il est lui aussi touché par l’abstention ; son incapacité à prendre en compte-face, à la crise, le désenchantement et le mécontentement social croissants, le mettent en difficulté y compris dans les régions qu’il administre depuis longtemps ; son allié dans la coalition de centre-gauche, l’Italie des Valeurs maintient ses résultats, sur la base d’un anti-berlusconisme centré sur la lutte contre la corruption et certaines réformes institutionnelles ; mais il est concurrencé sur le terrain du populisme protestataire par l’émergence de mouvements citoyens comme celui de Beppe Grillo revendiquant une rupture avec le système des partis et dont le résultat a paradoxalement pénalisé le centre-gauche, notamment au Piémont où la Ligue l’emporte ; de plus, l’alliance du centregauche avec le centre-droit (UDC) dans quelques régions se révèle peu payante pour battre la droite ;d’autant plus que dans d’autres régions où le centre-droit était allié avec la droite son électorat s’est massivement mobilisé pour celle-ci. Le Parti démocrate va être confronté à des choix concernant sa capacité à construire une vraie alternative, à redéfinir ses alliances et un projet à la hauteur des enjeux sociaux et démocratiques présents et futurs. La gauche alternative en difficulté La Federazione de la sinistra (Fédération de la gauche : PRC+PDCI) et Sinistra ecologia e liberta (Gauche écologie et liberté) issue de la scission avec Rifondazione comunista, à laquelle se sont ajoutés la Gauche démocratique et une partie des Verts, réalisent un résultat inférieur à celui des européennes. Avec 3%, SEL, plus impliquée dans l’alliance avec le centre-gauche a certes obtenu un succès important dans les Pouilles où Nichi Vendola l’emporte à la tête de toute la gauche et où la SEL obtient 9,7% et la moitié de ses 21 conseillers régionaux. Elle est néanmoins devancée par la Fed dans neuf régions sur 13. La Federazione, avec 2,74% n’obtient pas un résultat satisfaisant. Certes, elle résiste bien dans les régions « rouges » du Centre (6,9% en Ombrie, 5,3% en Toscane ou en Ligurie); et là où FED et SEL ont réalisé l’unité (Marches) elles obtiennent, ensemble, un résultat non négligeable (7%); par contre, là où la FED s’est présentée seule estimant que la coalition avec le centregauche n’était pas possible, elle subit un échec (1,3% en Campanie et 2% en Lombardie). Au total, la FED n’obtient que 16 sièges. La difficulté pour la gauche radicale de constituer un « pôle de la gauche alternative » face à un centregauche n’ayant pas rompu avec les politiques néo-libérales est due notamment à des projets d’alliance différenciés de même qu’à un enracinement social et territorial tendant à s’amoindrir; elles ont réduit l’influence de la gauche radicale au risque de rendre plus difficile une réelle alternative progressiste dans le pays. José Cordon responsable Europe, Relations internationales 3 LRI focus VIème SOMMET UNION EUROPÉENNE/AMÉRIQUE LATINE quels accords pour quelle relation ? e VIème sommet Union européenne/Amérique latine aura lieu les 17 et 18 mai prochains à Madrid avec la participation de 60 chefs d’État et de gouvernement des deux continents. À cette occasion, l’Union européenne essayera de convaincre ses partenaires de conclure la signature des accords d’association en négociation afin d’avancer sur la voie de la libéralisation des échanges commerciaux et de la circulation des capitaux pour affronter la crise mondiale actuelle. Paradoxalement, ces accords proposés par l’UE, qui font partie des politiques qui ont favorisé cette crise, sont proposés à des partenaires aujourd’hui en train de rejeter les politiques dites du « Consensus de Washington ». L’Europe, historiquement présente en Amérique latine, a cédé beaucoup de terrain face aux ÉtatsUnis. Pendant les années 90, les transnationales européennes ont beaucoup profité des privatisations et de la libéralisation de capitaux qui ont favorisé les investissements spéculatifs. Elles ont pris le contrôle de secteurs stratégiques : télécommunications, services, banques, ressources naturelles et énergie. L’entrée en vigueur en 1994 du traité de libre échange signé entre le Mexique, les États-Unis et le Canada (ALENA), qui annonçait le projet de création d’un Accord de libre échange pour les Amériques (ALCA), a amené l’UE à donner une nouvelle impulsion à sa relation avec l’Amérique latine. L’UE a proposé des « accords d’association » qui se voulaient différents des traités de libre échange étasuniens avec la proposition d’un volet de dialogue politique et d’un autre pour la coopération. Mais l’UE, qui est l’un des principaux acteurs au sein de l’OMC, a fini par donner la priorité aux objectifs de libéralisation commerciale et des investissements laissant le dialogue politique et la coopération dans un rôle secondaire et d’accompagnement. Avec le rejet croissant, en Amérique latine, des politiques libérales et de leurs conséquences, les sommets UE-Amérique latine ont du inclure dans leurs discussions des objectifs en faveur de la cohésion sociale et de lutte contre la pauvreté. Plus récemment, le développent durable, la lutte contre le réchauffement climatique et la coopération énergétique ont été inclus dans les discussions. Mais la réalité finit par rattraper ces sommets en montrant le peu d’intérêt de l’UE pour un véritable dialogue politique, que ce soit lors de l’adoption de L 4 la « Directive du retour » quelques mois après le sommet de Lima en 2008, directive condamnée par les pays de l’Amérique latine, ou bien avec les positions prises par l’UE lors du sommet de Copenhague qui s’est avéré un échec. L’UE, autrefois modèle de développement qui attirait les pays de l’Amérique latine, n’est plus en mesure d’être un exemple à suivre. Peut-on imaginer l’UE comme un interlocuteur valable en matière de cohésion sociale et développement durable, alors qu’elle s’attaque à toutes les conquêtes sociales, introduit diverses formes de flexibilité du travail et se montre incapable de mesures solidaires avec les peuples qui se débattent au milieu de la crise actuelle ? Il y a une cohérence entre la « stratégie de Lisbonne », les positions de l’UE au sein de l’OMC et les accords d’association proposés : il s’agit bien d’imposer partout la fameuse « libre concurrence », la levée des obstacles au libre échange, créer les meilleurs conditions pour le redéploiement de ses capitaux, gagner des marchés nouveaux quitte à écraser les productions locales, s’assurer l’accès aux ressources naturelles et énergétiques et à une main d’œuvre à bon marché. Deux pays ont déjà signé des accords dits « d’association », le Mexique et le Chili, adeptes d’un libre échange qui a sans doute bénéficié à ses classes dominantes, mais qui n’a pas permis réduire la pauvreté et les inégalités. L’Amérique centrale pourrait accepter la signature d’un accord lors du prochain sommet, ainsi que le Pérou et la Colombie. Ces deux derniers pays avaient participé aux négociations au sein de la Communauté andine, mais la Bolivie et l’Équateur, gouvernés par des forces progressistes, avaient fait connaître leur rejet des logiques portées par ces accords et avaient demandé la reconnaissance des asymétries qui ne permettent pas une concurrence entre économies comparables et le respect de leurs stratégies de développement. Ils demandaient l’exclusion des négociations de secteurs tels que les services et les marchés publics et la propriété intellectuelle. Lors du sommet de Lima en 2008, ces deux pays contestataires ont subi la colère du Commissaire européen au Commerce, qui les a menacé de négocier de manière bilatérale avec le Pérou et la Colombie, pays connus par leurs politiques néolibérales. Cette menace a été mise à exécution et l’UE a LRI focus sommet Union européenne/Amérique latine abandonné sa position de principe de favoriser la négociation entre blocs régionaux. Cette décision très politique a signifié la division de la Communauté andine. Avec la signature de ce traité de libre échange, toutes les déclarations de principe, d’attachement aux valeurs de la démocratie et des droits de l’Homme apparaissent comme une simple rhétorique de la part des signataires. L’Union européenne, toujours prête à se lancer dans des condamnations et sanctions contre des pays peu adeptes au capitalisme, montre un grand cynisme en acceptant cet accord avec un pays comme la Colombie qui détient les pires records de violations de droits de l’Homme au monde. En effet, les militants des droits de l’Homme, opposants politiques et syndicalistes sont les cibles des paramilitaires : 45 syndicalistes ont été tués en 2009, 47 en 2008 ; selon la Centrale syndicale internationale, presque 500 ont péri depuis l’arrivée au pouvoir du président Alvaro Uribe, souvent dans des cas où des transnationales sont impliquées ; 1 400 indigènes assassinés et des milliers de cas d’exécutions d’innocents que des militaires déguisent en guérillero afin de récupérer les primes promises. La mise sur écoute d’opposants et de juges par les services d’intelligence qui sont sous les ordres de l’exécutif et les liens prouvés entre le gouvernement et les paramilitaires, ont peu pesé dans les négociations. L’UE se dit aussi prête à signer un accord d’association avec l’Amérique centrale en incluant le gouvernement hondurien issu d’un coup d’État malgré les assassinats de journalistes et opposants qui continuent à avoir lieu. Les dénonciations de graves atteintes aux droits de l’Homme n’ont pas fait changer une virgule de l’accord avec le Mexique en vigueur depuis dix ans. La Commission inter-américaine des droits de l’Homme met ce pays derrière la Colombie en nombre de dénonciations contre l’État dans des cas de harcèlement contre des journalistes comme Lydia Cacho ou les assassinats de paysans et journalistes. Des clauses qui engagent les parties signataires au respect de la démocratie et des droits de l’Homme sont inscrites dans les traités négociés mais sans que des mécanismes contraignants ni de suivi soient créés. Les demandes faites par les organisations civiles de ces pays pour la création d’un observatoire des droits de l’Homme sont restés jusqu’ici sans réponse. LA IVème ÉDITION DE LA RENCONTRE ENLAZANDO ALTERNATIVAS un rendez-vous qui veut rapprocher les peuples d’Amérique latine et d'Europe Lors du IIIème sommet UE/Amérique latine qui a eu lieu en 2004 à Guadalajara, au Mexique, des organisations sociales et politiques européennes et latino-américaines se sont donné rendez-vous dans le cadre qui porte désormais le nom d’Enlazando Alternativas (tissons des alternatives) pour exprimer leurs propositions face aux relations de domination que l’UE propose à ses partenaires latino-américains. À l’issue de cette rencontre, ces organisations ont décidé la création d’un réseau bi-régional qui allait permettre le rapprochement des luttes et une réflexion commune suivie. Forts de leur expérience dans la lutte contre la zone de libre échange des Amériques et de la bataille contre le Traité constitutionnel européen, ces organisations ont développé un travail commun qui met en évidence les enjeux des accords d’association et des traités de libre échange en négociation depuis une dizaine d’années. Un Tribunal permanent des peuples a été créé, avec la participation de personnalités qui évaluent le comportement des transnationales européennes présentes en Amérique latine. Des cas de violations des droits de l’Homme, des droits des travailleurs et des droits environnementaux sont instruits, des témoignages des personnes et communautés victimes de ces violations viennent à chacune des séances de ce tribunal pour apporter leurs dénonciations. Enlazando Alternativas exprime la volonté des participants de faire converger des luttes qui existent dans chacun de leurs pays. Il s’agit d’inventer une nouvelle forme de solidarité active entre les peuples et une manière de s’impliquer dans un rapport de forces pour faire changer les politiques en place. C’est une manière aussi de répondre à l’offensive idéologique qui veut imposer l’idée que la mondialisation actuelle est le fruit d’un processus naturel incontournable. Cette réponse progressiste veut donner les moyens aux peuples de comprendre les enjeux réels et de participer à des luttes pour d’autres alternatives. À Madrid, du 14 au 18 mai, la IVème édition d’Enlazando Alternativas rassemblera des centaines d’organisations dans des débats ouverts à la population et verra le Tribunal permanent des peuples présenter des nouveaux cas. Une manifestation est prévue pour le 17 de mai ainsi qu’une rencontre avec les présidents des gouvernements progressistes présents à la rencontre officielle. Le Parti de la gauche européenne et des parlementaires européens de la Gauche unitaire européenne participeront, aux côtés des représentants du Forum de São Paulo et d’organisations sociales, à des ateliers qui traiteront de thèmes tels que la crise, les droits des migrants, le rôle de la Banque centrale européenne et de la Banque du Sud, les politiques de sécurité et les enjeux environnementaux. 5 LRI focus sommet Union européenne/Amérique latine Que ce soit le « respect des droits de l’Homme » ou l’« engagement en faveur de la démocratie », ceux-ci restent de vains mots pour l’UE lorsqu’il s’agit de faire avancer les choses, dans la configuration d’une mondialisation conçue comme une issue à la crise du capitalisme. Les conséquences de la mise en concurrence L’UE promet une mondialisation heureuse et un développement certain aux pays de l’Amérique latine mais, au fond, sa conception de l’avenir est celle où les transnationales et grands capitaux pourront continuer à se développer et à participer à une guerre économique où toute l’activité humaine devient une marchandise et où elle aurait le beau rôle d’une « société de la connaissance » *. Les pays partenaires invités à signer des accords d’association et traités de libre échange ont, dans ce scénario, le rôle de pourvoyeurs de matières premières et de maind’œuvre, de plateformes pour ses exportations vers d’autres destinations et de marchés en développement. L’UE est l’un des premiers investisseurs dans la région, elle contrôle une bonne partie des banques, télécommunications et exploitations de mines et pétrole grâce aux privatisations des années 90. Mais la part de l’Amérique latine dans le commerce européen ne représente que 6% du total, alors que la part de l’Amérique latine dans les exportations européennes était de 6,1% en 2008. La libéralisation commerciale négociée peut faire augmenter ce commerce mais dans une concurrence souvent inégale, comme lorsqu’il s’agit de l’avenir de petits exploitants familiaux qui devront concurrencer les agro-industriels européens, brésiliens ou argentins. Le sénateur colombien Jorge Enrique Robledo a dénoncé la catastrophe qui attend les producteurs de lait de son pays et rappelle que la campagne est peuplée de gens pauvres : 48% des exploitants ont en moyenne cinq vaches. Comment concurrencer des transnationales dans ces conditions ? Les producteurs de sucre et de betteraves européens mettent en garde contre le danger que représente un accord qui prévoit une réduction importante des tarifs douaniers pour le sucre et qui met- tra en concurrence les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) avec ceux de l’Amérique latine. L’Assemblée parlementaire des pays ACP rappelle aussi que la baisse des tarifs douaniers pour les bananes latino-américaines bénéficiera aux cinq transnationales qui contrôlent déjà 75% du marché. Les périodes de transition et de mise en application des nouvelles règles peuvent aller de 10 à 25 ans pour les productions dites « sensibles », c’est-à-dire qui occupent une place d’importance pour les économies concernées. Elles devraient laisser le temps aux pays concernés de s’adapter, mais en réalité elles changent peu le caractère des accords qui n’en restent pas moins une nouvelle façon d’imposer une relation de domination. Ces accords risquent fort de condamner les pays de l’Amérique latine à n’être que des sources de matières premières à faible valeur ajoutée qui développent uniquement des chaînes de production permettant un développement d’ensemble des économies, véritables menaces contre l’environnement. En ce sens, le rapport de domination qui s’annonce pousse les pays de l’Amérique latine à aller plus loin dans ce que certains appellent une « réprimarisation »: c’est à dire une baisse sensible des productions industrielles et une part majeure octroyée à l’exportation de matières premières. Cette logique fait partie de celle des ajustements structurels imposés par le FMI, qui ont fait passer la part des manufactures dans le PIB de la région de 12,7% du PIB dans la période 19701974 à 6,4% entre 2002 et 2006. Des accords pour une relation de complémentarité et coopération sont nécessaires: ils doivent partir, non pas des exigences du capital, mais d’un dialogue qui permet une véritable concertation pour définir les besoins réels à satisfaire, pour un développement durable et respectueux des stratégies choisies par les peuples. Ils doivent également favoriser le combat contre la pauvreté et les inégalités et être conçus avec le souci premier du respect de l’environnement. Obey Ament responsable Amérique latine/Relations internationales * Voir les documents de la Commission européenne : Une Europe compétitive dans une économie mondialisée, Global Europe EU performance in the global economy et Europe 2020 lien blog Indépendances 2010 www.eurolatino.pcf.fr 6 LRI activité des Relations internationales MÉDITERRANÉE MOYEN-ORIENT AMÉRIQUE LATINE AFRIQUE Rencontre de Jacques Fath avec Mme Marie Debs, secrétaire générale adjointe du Parti communiste libanais, le 1er avril. Rencontre de Jacques Fath avec Mme Cathy Daguerre, membre de la Commission arabe des droits humains (ACHR), le 1er avril. Participation de Jacques Fath à la soirée organisée par l’Autorité palestinienne en France à l’Auditorium de l’Institut du Monde arabe, à l’occasion de la Journée de la Terre de Palestine, le 1er avril. Participation de Jacques Fath au rassemblement de soutien au peuple Saharaoui devant l’Assemblée nationale, le 14 avril. Participation de Meriem Derkaoui, élue PCF en Seine-Saint-Denis, au 76e anniversaire du Parti communiste irakien, à Saint-Denis, le 16 avril. Participation de Jacques Fath au rassemblement des démocrates syriens de l’Appel de Damas, place de la Sorbonne, le 17 avril. Participation d’Henriette Zoughebi, élue PCF au Conseil régional d’IDF, au débat organisé par France Amérique latine sur la Théologie de la libération, au siège du PCF, le 31 mars. Rencontre de Jacques Fath et Obey Ament à l’Ambassade de Cuba en France avec l’ambassadeur, M. Orlando Requeijo Gual, le 1er avril. Rencontre de Nicole Borvo, présidente du groupe CRC, Michel Billout, sénateur et Obey Ament, avec la sénatrice colombienne Piedad Cordoba, en tournée en Europe pour faire connaître la campagne des Colombiens et Colombiennes pour la Paix, le 14 avril. Participation d’Obey Ament à la rencontredébat fraternelle organisée par la section PCF du 7ème arrondissement de Paris avec les militants du Pôle démocratique alternatif de Colombie en France, le 15 avril. Participation de Jacques Fath et Obey Ament à la rencontre publique avec la sénatrice colombienne Piedad Cordoba, à l’invitation de FranceAmérique-Latine, à la mairie du 9ème arrondissement de Paris, le 16 avril. Participation pour le PCF de Sylvie Jan, Aly Ndiaye et Claire Chastain aux réunions des 31 mars, 7 et 14 avril, des forces de la diaspora togolaises (UFC, Sursaut Togo, FRAC, CDPA, CTR, Togo Futur, Plateforme Panafricaine), au siège du PCF, avec le soutien des forces progressistes françaises (politiques : Verts, NPA, PG et Gauche unitaire et associatives). Participation de Jacques Fath, au nom du PCF et de Mme Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, à la réception donnée par l’ambassade de Namibie à l’occasion des 20 ans de l’indépendance, à l’hôtel Westin, le 19 avril. Communiqués de presse et autres liens Une « promenade Ben Gourion » à Paris : une initiative inacceptable http://www.pcf.fr/spip.php?article4632 Règles de circulation pour les palestiniens : le PCF condamne les dispositions israéliennes http://www.pcf.fr/spip.php?article4731 Conférence de Bil’in : le PCF est solidaire de ce combat légitime et courageux http://www.pcf.fr/spip.php?article4745 Des communistes devaient prendre part à la conférence. Ils n’ont pas pu voyager du fait de la fermeture des espaces aériens après l’éruption volcanique en Islande. EUROPE Participation et intervention de Jacques Fath au meeting des Kurdes de Turquie à Montreuil à l’occasion du Newroz, le 27 mars. Rencontre de Jacques Fath et Claire Chastain avec Joël Dutto, élu PCF dans les Bouches du Rhône et Dominique Torre, PCF-Bastia, après la participation de D.Torre à une délégation d’associations au Kurdistan de Turquie, le 13 avril. Communiqués de presse et autres liens Attentats de Moscou : le PCF condamne des actes totalement injustifiables http://www.pcf.fr/spip.php?article4691 Le PCF s’élève contre la condamnation de Leyla Zana http://www.pcf.fr/spip.php?article4735 Communiqués de presse et autres liens Le PCF participera à la conférence de Cochabamba http://www.pcf.fr/spip.php?article4741 Xavier Compain, membre du Conseil national et responsable de la commission Agriculture du PCF, devait participer au nom du PCF à la conférence. La fermeture des espaces aériens due à l’éruption volcanique en Islande ne lui a pas permis de voyager. Un message officiel est adressé au nom du PCF à la Conférence. Communiqués de presse et autres liens Togo : un scrutin dénué de toute crédibilité http://www.pcf.fr/spip.php?article4634 Nigeria : une situation inquiétante qui doit interpeller l’Union Européenne et la France http://www.pcf.fr/spip.php?article4627 DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE Déclaration du PCF sur le nouvel accord START de réduction des arsenaux nucléaires américains et russes http://www.pcf.fr/spip.php?article4714 ÉVÉNEMENT PUBLIC AU SIÈGE DU PCF Audition de Max-Jean Zins, chercheur au CERIScience Po, sur l’Afghanistan et la stratégie de l’OTAN dans la zone Afghanistan-Pakistan-Inde, le 15 avril. ASIE Accueil de la délégation des archivistes du Parti communiste du Vietnam par Jacques Fath, Frédéric Genevée, responsable des Archives du PCF, Paul Fromonteil, collaborateur des Relations internationales du PCF et Alain Ruscio, historien, le 26 mars. COLLECTIFS UNITAIRES Participation régulière du PCF au collectif OTAN-Afghanistan (national et international), Semaine anticoloniale, Maghreb, Campagne internationale pour l’abolition de l’arme nucléaire (ICAN), Palestine, Bolivie,Togo. SUGGESTIONS Article de Jacques Fath, Palestine, la triple question du droit, de la légitimité et de la contrainte et article de Patrice Jorland, Moyen-Orient : beaucoup de bruit pour rien ? dans les Cahiers de l’Institut de documentation et de recherche sur la paix, mars 2010 www.institutidrp.org Signez la cyber-pétition pour une Convention d’élimination des armes nucléaires ! à l’initiative du Collectif ICAN-France (campagne internationale pour l’abolition de l’arme nucléaire). nous visons 50 000 signatures pour l’ouverture de la Conférence d’examen du Traité de non-prolifération nucléaire, au siège de l’ONU à New York, le 1er mai http://www.icanfrance.org/utils/petitioneliminationarmesnucleaires.php 7 LRI regard sur la politique aux États-Unis TEA or COFFEE ? quelques vocables politiques « made in USA » elon certains, tout aurait commencé le 19 février 2009 lorsque, depuis la corbeille du Chicago Mercantile Exchange, l’un des temples de la finance mondialisée, Rick Santelli, journaliste de la chaîne CNBC, se lança devant la caméra dans une diatribe enflammée contre le projet de refinancement des hypothèques que présentait le gouvernement américain. Cela ne pouvait, selon lui, que « promouvoir un comportement irresponsable » en subventionnant des débiteurs insolvables « pour qu’ils ajoutent une salle de bains supplémentaire à leur domicile ». Et cet ancien trader de la banque d’investissement Drexel Burnham Lambert, qui avait été contrainte de fermer en février 1990 pour opérations illégales sur le marché des « obligations pourries » (junk bonds), d’en appeler à une « tea party » dans tout l’Illinois. À suivre d’autres observateurs, la protestation serait née un peu plus tôt à Fort Myers, Floride, ou à S Seattle, dans l’État de Washington, mais c’est bien le vocable « tea party » qui devait s’imposer pour désigner un mouvement politique et idéologique dont l’ampleur doit être prise en compte dans la perspective des élections à mi-mandat de novembre 2010 et pour ce qu’elle révèle à propos des États-Unis. Si, en l’occurrence, TEA est le sigle de « Tax Enough Already » (déjà assez d’impôts !), l’expression remonte bien évidemment à la « Boston Tea Party » du 16 décembre 1773, date à laquelle soixante habitants de cette ville, costumés en Indiens Mohawks, étaient montés nuitamment à bord de trois navires dont ils jetèrent les cargaisons de thé à la mer afin de protester contre l’accroissement de la taxe frappant ce produit. Ce haut fait est resté dans les mémoires comme le premier acte de rébellion contre la tutelle britannique et le prodrome de la lutte pour l’indépendance des treize colonies. A grassroots movement ? 8 Le mouvement, qui a pris forme au cours des quinze derniers mois, se présente comme l’expression spontanée de citoyens excédés par le gouvernement central, par les milliers de milliards de dollars dépensés par lui en faveur des « nababs » (fat cats) de Wall Street, puis pour relancer l’économie et bientôt pour financer l’extension de la couverture maladie. À ces décisions, qui ont gonflé le déficit public, feront inévitablement suite une hausse des impôts sur les revenus et des taxes sur la consommation, un interventionnisme insupportable dans la vie privée des gens, une restriction des choix individuels, des atteintes répétées aux valeurs fondatrices du pays. Aussi serions-nous face à la révolte de l’Amérique d’« en bas » contre ce qui se passe à l’intérieur de la « beltway », la rocade autoroutière 495 qui encercle la ville de Washington et, par là, sert de métonymie pour le pouvoir central, son arrogance supposée et son intellectualisme ignorant des réalités sociales de la nation. Parti de la base (grassroots), le mouvement ne se reconnait pas de dirigeants, s’il a des figures désormais reconnues – Keli Carender, la jeune professeure révoltée de Seattle, qui se fait appeler « Liberty Belle » en jeu de mots avec la cloche (bell) qui, à Philadelphie, le 8 juillet 1776, aurait appelé les habitants à venir écouter la déclaration d’indépendance, ou Amy Kremer d’Atlanta, alias Southern Belle, le charme des femmes du sud étant bien connu, ou encore Samuel Joseph Wurzelbacher, dit « Joe the plumber » qui, depuis son entrevue avec John McCain, a trouvé mieux à faire que de s’occuper de canalisations –, se réunit spontanément en rencontres communautaires (town hall meetings) dans des salles municipales, ou pour manifester drapeaux au vent. On serait en quelque sorte revenu à l’époque (l’année 1831) où Alexis Tocqueville, jeune aristocrate normand en voyage dans le nord-est du pays, avait cru trouver dans ce type d’échanges la clef d’une démocratie possible, à ceci près que l’Internet et les blogs ayant pris le relais du bouche à oreille, le mouvement a pu gagner rapidement l’ensemble de cet État-continent. Le dense réseau des chaînes de télévision – celui de la Fox notamment – et des stations de radio paléo ou néoconservatrices lui a servi de caisse de résonnance, tout cela étant repris par les médias « mainstream » qui, en évitant de s’engager, donnent à ce récit un semblant de crédibilité. Le mécontentement, la colère, voire la rage, qui s’expriment ainsi ne sont pas sans fondements. Le sauvetage du système financier reste d’autant plus indécent que la « moralisation » de ce dernier tarde à se préciser et, si les profits enregistrés et les bonus accordés par ce secteur sont à nouveau à la hausse, l’emploi ne suit toujours pas, ni les salaires des travailleurs modestes. Il est également vrai que les responsabilités de la déréglementation et de la financiarisation remontent loin, dans lesquelles l’administra- LRI regard sur la politique aux États-Unis TEA or COFFEE tion démocrate de William Jefferson « Bill » Clinton a été fortement impliquée, et de cela, l’hôte actuel de la Maison Blanche n’a pas su se distinguer, à supposer même qu’il ait voulu le faire.Toutefois, le déficit des comptes publics date de l’administration Reagan, avant que de se creuser à nouveau avec le jeune Bush, sous l’effet cumulé des réformes fiscales et de la hausse exponentielle des dépenses militaires. Les anathèmes qui sont adressés à la présente administration sont donc biaisés et le plus souvent hors de propos : loin d’accroître les impôts, le plan de relance a réduit leur montant pour 95% des familles américaines, cependant que le financement des programmes de construction et d’équipement par le gouvernement central va pour une bonne part à des projets conçus par les États fédérés et les collectivités locales. Et que dire du système de santé américain, le plus coûteux au monde, le moins performant des pays développés et laissant privé de toute couverture 45 millions de personnes, si ce n’est qu’une réforme de fond n’avait que trop tardé ? On ne peut donc exclure le phénomène de conscience malheureuse qui conduit les mécontents à méconnaître la nature de la crise systémique à laquelle ils sont confrontés, à les détourner vers des boucs émissaires et, en définitive à reproduire l’intolérable. Encore convient-il de comprendre comment cela s’accomplit. En matière politique et sociale, il n’y a pas de génération spontanée. Les thèmes et les slogans du « tea party movement » préexistaient à son apparition. Différence apparente d’avec l’électorat le plus engagé derrière Bush le Jeune, ce qui apparaît aujourd’hui au premier plan des mots d’ordre ne sont pas les « trois G » – God, guns and gays : Dieu version évangéliste, le droit de porter et d’accumuler les armes à feu, l’opposition radicale au mariage des homosexuels et, au-delà, au contrôle des naissances et à la libre responsabilité de sa sexualité –, mais l’antifiscalisme, l’antiétatisme et l’affirmation de l’individu comme sanctuaire intouchable, le NIMBY, pour « not in my back yard » – au mot à mot « pas dans mon arrière-cour », et en bon français « ne touchez pas à mes plates bandes » – comme nouvelle devise de la république. Or, non seulement l’antifiscalisme est un courant majeur de la vie politique américaine et un des principes sacrés du parti républicain, non seulement le thème du « trop d’État » est récurrent que Reagan avait érigé en principe directeur – « l’État n’est pas la solution, c’est le problème » –, mais cela s’est chargé depuis le début des années 1980 d’une rhétorique hostile à toute mesure sociale au motif que l’aide ne ferait qu’encourager la paresse et entretenir la dépendance. Aussi ne faut-il pas s’étonner si les slogans du « tea party movement » s’entrelacent à ceux du racisme, de la xénophobie – ce qu’aux États-Unis on appelle le nativisme – et de l’ordre moral. Astroturfing Le terreau existait et il s’est révélé fertile au moment où le parti républicain, assommé par sa triple défaite électorale (présidentielle, parlementaire et locale) de 2008, s’engageait dans une stratégie de blocage systématique des réformes, aussi modestes et partielles fussent-elles, entreprises par la nouvelle administration, celle du système de santé en particulier. Les tea parties et town hall meetings de l’année 2009 ont en vérité rassemblé moins de 150 000 personnes au total dans un pays de 308 470 703 habitants, mais la couverture médiatique et la stridulation des slogans en hypertrophiaient l’importance, appuyant ainsi l’opposition parlementaire qui, en retour, n’a pas manqué d’entretenir la rage des manifestants. Qui plus est, le mouvement s’est rapidement structuré en réseaux, les Tea Party Patriots qui affirment rassembler 15 millions de personnes et 1 000 collectifs locaux, le Tea Party Express dont la caravane de bus a traversé le pays, tenu 34 meetings et atteint son terminus, Boston, le 14 avril dernier, la Tea Party Nation dont le site électronique compte 15 000 inscrits, le 9/12 Project qui a monté le premier rassemblement à Washington le 12 septembre 2009 et en projette un autre pour le 28 août prochain, etc., avec des recouvrements et affiliations multiples. Le rôle de certaines personnalités mérite d’être évoqué, celui de Glenn Beck en particulier, auteur prolifique qui s’était fait une réputation grâce à sa haine des Français – un « peuple d’idiots et de trouillards » –, qui anime aujourd’hui un talk show sur une des radios nationales et un news show sur une chaîne câblée du groupe Fox, en même temps qu’il est le fondateur du 9/12 Project censé résumer les valeurs américaines en 9 principes (je crois en Dieu, centre de ma vie ; l’Amérique fait le bien ; ma famille est sacrée, ma femme et moi détenons l’autorité ultime, pas le gouvernement…) et 12 valeurs dont l’honnêteté, l’espérance, le goût du travail, le courage… 9 LRI regard sur la politique aux États-Unis TEA or COFFEE L’antiétatisme étant polysémique, le mouvement actuel fédère toutes sortes de sous-courants. On y retrouve les partisans acharnés du port des armes en vertu du deuxième amendement de la constitution (la National Rifle Association, le lobby le plus puissant des États-Unis avec celui des retraités et celui du soutien au Likoud israélien, la Law Enforcement Alliance, leurs excroissances plus extrémistes encore, comme les Gun Owners of America), la John Birch Society, fondée en 1958 pour faire face à l’« infiltration communiste » jusqu’au sein de la Maison Blanche, ainsi que les différents hate groups, mobilisés dans la haine et pour la haine, auxquels se sont ajoutés de nouveaux Patriot groups. À suivre le dernier rapport du Southern Poverty Law Center, centre de recherche qui fait référence en la matière, le nombre de ces derniers aurait augmenté de 250% en 2009 et avoisinerait les 1 000 : Ku Klux Klan, néo-nazis, « vigilants » contre l’immigration clandestine, 512 milices armées, etc.1 Plus respectables, les libertarians, pour lesquels le marché, la charité et l’auto-organisation choisie peuvent se substituer à l’État dont le rôle devrait se limiter à assurer la justice et l’ordre : moins d’impôts et de lourdeurs administratives, plus de libertés individuelles et locales. À souligner toutefois que le Libertarian Party, qui a été fondé en 1971, se différencie nettement en ce qu’il est favorable au mariage homosexuel, qu’il s’oppose aux expéditions armées, qu’il demande le retrait d’Irak et d’Afghanistan, ainsi qu’une réduction drastique des dépenses militaires, ce qui ferait de lui le porte- parole de l’isolationnisme moderne s’il n’était favorable à la libéralisation de l’immigration et au libreéchange intégral. Bien qu’il ne lui soit pas affilié, le Cato Institute, think tank libertarien le plus actif, publie des études internationales souvent hétérodoxes. D’ailleurs, les personnes les plus attachées à ce courant de pensée commencent à critiquer un phénomène trop nettement manipulé. Il s’avère en effet que de puissantes organisations conservatrices fournissent au mouvement l’essentiel de sa logistique et de ses finances : Freedom Works, Americans for Prosperity, la Sam Adams Alliance de Chicago, ou encore sa filiale l’American Majority, la première citée étant animée par l’ancien chef du groupe républicain à la chambre des Représentants, Richard « Dick » Armey, et le milliardaire Steve Forbes. En d’autres termes, cela sent le parti républicain à plein nez et est d’autant plus significatif que ces organisations, tout comme celles du fondamentalisme chrétien (Focus on the family en particulier, dont des membres participent aux tea parties), pratiquent avec efficacité l’astroturfing. Le terme vient de l’Astrodome, le stade de baseball de baseball de Dallas, Texas, qui a été le premier, en 1966, à avoir été revêtu du gazon (turf) artificiel élaboré par la firme Monsanto. Astroturfing signifie par extension le montage de manifestations dites spontanées, manipulation qui n’est pas proprement américaine et ne se limite pas au politique, de grands groupes d’affaires (Wal-Mart, Monsanto, les industriels du médicament entre autres) y recourant d’abondance. The pitbull with lipstick Si le phénomène des tea parties doit être pris en compte, c’est aussi que les 2tats-Unis sont entrés de facto dans la campagne des élections de mi-mandat (nous en sommes au début de la phase de sélection des candidats) et que, sur la base de certains sondages et des résultats d’élections partielles, le mouvement pourrait contribuer à la victoire des républicains, répétant ainsi ce qui s’était passé en 1994. En novembre de cette année là, alors que l’administration Clinton avait échoué à faire adopter sa réforme du système de santé, les Républicains étaient parvenus à conquérir 9 sièges de sénateurs et 52 de représentants, raz de marée qui avait obéré le reste du mandat présidentiel, puis le suivant. Cela n’est pas 1. Neuf membres de la milice chrétienne Hutaree, basée dans le Michigan, ont été arrêtés en mars 10 dernier pour tentatives d’assassinat de policiers. à exclure, encore que des différences majeures existent: la réforme du système de santé a été adoptée cette fois-ci, les démocrates ne se sont pas encore mis en mouvement, la direction du parti républicain est plongée dans une série de scandales financiers dont l’un des plus truculents est d’avoir payé le dégagement d’un de ses agents dans un « club lesbien à thème sadomasochiste ». Il est vrai que le tea party movement marque la mobilisation d’une partie de l’électorat républicain. Tous les sondages convergent en effet pour indiquer que les participants à ce mouvement sont très majoritairement des électeurs de ce parti : 77% avaient voté pour John McCain, 74% s’identifient comme républicains et 82% ont une opinion défavorable du parti démocrate. Mais leur agitation, la présence de l’extrême droite, la violence des propos, les calomnies déversées, l’ignorance crasse des faits (2% seule- LRI regard sur la politique aux États-Unis TEA or COFFEE ment des activistes savent que le plan de relance comprend des réductions d’impôts), les menaces physiques adressées à des élus démocrates, mais aussi républicains modérés, risquent d’éloigner ces derniers et ceux que l’on appelle les électeurs non affiliés. Karl Rove, le « cerveau » du jeune Bush, recommande de débarrasser le mouvement de sa « frange cinglée » (lunatic fringe), cependant que Dan Qayle, le vice-président de Bush l’Ancien, craint un nouvel « effet Perot », c’est-à-dire la division au sein d’un électorat républicain partagé entre les candidats officiels et ceux soutenus par le tea party movement 2. Plusieurs candidats aux candidatures républicaines se réclament de ce dernier, mais la vedette est incontestablement Sarah Louise Palin qui, après la défaite aux présidentielles de 2008 et son retrait des fonctions de gouverneure de l’Alaska en juillet 2009, est devenue l’égérie de la droite enragée. Le livre qui porte sa signature, « Going Rogue », dépassera bientôt le million d’exemplaires vendus, ses prestations oratoires sont facturées 100 000 dollars l’apparition, elle a prononcé le discours d’ouverture (keynote speech) de la première convention du mouvement, le 6 février dernier à Nashville, elle participe au Tea Party Express et apporte son soutien à une série de candidats. Le personnage est intéressant en ce qu’il exprime bien le mouvement, notamment dans son anti intellectualisme, en même temps que les hantises (les « trois G ») de la droite républicaine. Ses défauts – une ignorance manifeste des questions, le recours systématique aux imprécations, une connaissance hésitante des ressources de la langue américaine – la servent auprès des convaincus, tout comme les ambiguïtés calculées de sa posture. Ne joue-t-elle pas de la séduction de la femme mûre, que Bill Clinton, fin connaisseur en ces sujets, avait reconnue en son temps et que la considérable « industrie du désir » a vite exploitée sous ses multiples variantes – de la bibliothécaire coquine (naughty librarian), mais ce peut être une infirmière, une professeure ou une secrétaire, le principal étant le port de lunettes, jusqu’à la « soccer mom », en passant par la cougar et la MILF, sigle que la décence interdit de traduire ici – et de façon parodique 3 ? Elle électrifie ses auditoires, mais polarise l’opinion et 75% des sondés estiment qu’elle n’est pas qualifiée pour diriger le pays. En tirant le parti républicain plus à droite encore, elle risque de donner raison à Dan Qayle. The paranoid style Ce qui se passe renvoie immanquablement à un article de 1964 dans lequel l’historien Richard Hofstadter définissait et analysait ce qu’il appelait le « style paranoïaque dans la politique américaine ». Son champ d’étude immédiat était le maccarthysme, mais l’auteur montrait que cette tendance était apparue très tôt dans l’histoire du pays, au début du XIXème siècle au moins à propos des francsmaçons. Le qualificatif ne signifiait pas que les personnes étaient atteintes de troubles mentaux mais que, confrontées à des changements qu’elles ne maîtrisaient pas, elles trouvaient refuge dans la croyance en des complots, en des forces obscures cherchant à prendre le contrôle du pays et des existences individuelles. On n’en est pas loin aujourd’hui, sous l’effet de deux données, d’une part l’élection du pre- 2. On se souvient que le milliardaire Henry Ross Perot s’était présenté en indépendant aux élections présidentielles de 1992, sur un programme déjà antifiscaliste, et qu’en réunissant plus de 18% des voix, n’avait pas permis la réélection du ticket Bush/Qayle. 3. « Going Rogue » est souvent traduit par « tourner rebelle », mais cela ne restitue pas les nuances du vocable. Une « soccer mom » est une femme blanche ayant la quarantaine et accompagnant ses fils à l’entraînement de football. Sarah Palin s’est présentée comme une « hockey mom », sport plus viril pour un garçon et qui fait de sa mère un « pitbull portant du rouge aux lèvres ». Quant au terme cougars, il désigne des chasseresses expérimentées. mier président mulâtre, dont le parcours personnel a été longtemps atypique et dont les prénoms laissent entendre qu’il n’est pas chrétien, d’autre part, une crise économique dont l’ampleur et la profondeur ne peuvent que secouer la société.Aussi n’estil pas surprenant, quand bien même cela reste aberrant, que continuent à circuler les rumeurs selon lesquelles Barack Hussein Obama ne serait pas américain (les propagateurs de ces ragots démentis à maintes reprises sont appelés birthers) mais étranger, qui plus est « communiste caché » (obamunism), que son administration serait en train de préparer des camps de concentration et que le recensement décennal en cours de la population, pourtant rendu obligatoire par la sacro-sainte constitution, en est l’étape statistique, en même temps qu’un prétexte à modifier la répartition des sièges de représentants pour mieux imposer un régime dictatorial. Cette explication reste néanmoins insuffisante, car elle laisse dans l’ombre la pratique de l’astroturfing déjà évoquée, n’explore pas assez la sociologie politique du mouvement ni son idéologie. On a souvent expliqué la longue emprise des républicains par le fait qu’ils étaient parvenus à attirer à eux, sur la base des « valeurs « (les trois G), une partie des couches 11 LRI regard sur la politique aux États-Unis TEA or COFFEE populaires blanches que les mutations de l’appareil productif et le creusement des inégalités affectaient puissamment, à un moment où le parti démocrate, leur défenseur traditionnel, s’était détourné vers les nouvelles couches moyennes tirant profit de la « nouvelle économie ». Ce n’est pas entièrement faux et peut être relié tant à la politique suivie pendant les deux mandats de Bill Clinton qu’à l’affaiblissement spectaculaire du mouvement syndical. Pourtant, les enquêtes indiquent que les membres du tea party sont très majoritairement membres des couches moyennes vivant dans les banlieues aisées ou cossues, et nombre des animateurs viennent des mondes de la finance, des médias et de l’immobilier. On a donc plutôt affaire à ce que l’on appelle des suburbian warriors, des « combattants de banlieue » outrés de ce qu’un mulâtre éduqué, excellent orateur et entouré d’une famille modèle ait pu accéder aux fonctions suprêmes et, au-delà de cette haine personnelle à son encontre, outragés à l’idée que l’État cherche à répondre à certains besoins sociaux. Nous avons volontairement refusé d’utiliser le terme « populisme », qui est également largement utilisé aux États-Unis et souvent avec une connotation favorable, car c’est devenu un mot-valise par lequel on recouvre aussi bien les Gracques de la 4. Thomas Frank est l’auteur de plusieurs ouvrages dont deux traduits en français chez Agone, « Le Marché de droit divin. Capitalisme sauvage et populisme de marché » (2003) et « Pourquoi les pauvres votent-ils à droite » (2008). « Rosie la riveteuse », titre d’un tableau de Norman Rockwell, était devenue le symbole des femmes entrées en usine pendant la seconde guerre mondiale et certains se souviennent peut-être du film « Norma Rae » qui montrait l’engagement syndical d’une ouvrière du sud des États-Unis et avait valu à son interprète, Sally Field, un Oscar d’interprétation féminine. 12 Rome antique que les narodniki russes et, aujourd’hui Hugo Chavez ou Evo Morales comme les organisations xénophobes qui prolifèrent en Europe. Par contre, le concept de « populisme de marché » (market populism) qu’a élaboré Thomas Frank (« The Nation », 12 octobre 2000) mérite d’être creusé. Écrivant au moment où s’achevait le deuxième mandat de Bill Clinton et alors que tout le monde ne jurait que par la « nouvelle économie », l’auteur estimait qu’un consensus apparent s’était formé pour reconnaître que le marché, et non l’intervention publique ou l’organisation du corps social, était en définitive le seul à permettre, dans tous les domaines et de façon quotidienne, le libre choix des individus et, par là, l’expression des désirs personnels et collectifs. En bref, si on définit le populisme comme un mouvement cherchant à donner une voix aux sans voix, un pouvoir au « peuple maigre » (popolo minuto) face au « peuple gros » (popolo grasso), le marché est la forme la plus élevée qu’il puisse atteindre. Bien entendu, l’Internet y avait contribué au point de faire de Bill Gates une icone nationale et planétaire, alors que « Rosie the riveter » ou Norma Rae sont passées aux oubliettes de l’histoire, mais est loin d’être le seul facteur 4. Or, la crise a brisé le consensus et le tea party movement peut s’analyser comme la protestation de ceux qui s’attachent encore à cette illusion. Ce que l’on attend, c’est une mobilisation culturelle, citoyenne et sociale d’une autre nature. Le lancement récent d’un coffee party movement ne saurait en être qu’une esquisse. Patrice Jorland collaborateur des Relations internationales