LRI - Pcf

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LRI - Pcf
Parti
communiste
français
www.pcf.fr
ENLAZANDO ALTERNATIVAS17..et .18 mai à
AVRIL 2010
Pages 2-3
ACTUALITÉS DU MONDE
Afrique
Élections au Soudan
sans surprise
Asie
Le maoïsme en Inde
et sa violence
Europe
Élections régionales en Italie
Page 4-6
FOCUS
Sommet de Madrid
Union européenne/Amérique
latine
Page 7
ACTIVITÉ DES
RELATIONS INTERNATIONALES
Pages 8-12
REGARD sur
la politique aux États-Unis
Tea or coffee ?
e/Amérique latine les
Le VIème sommet Union européenn
ila contradiction manifeste entre la pol
Madrid remettra au centre des débats
ins.
ntes des peuples latino-américa
tique extérieure de l’Union et les atte
ment, de la coopération, de l’associaL’Union tient le discours du développe
avec lesquels elle a conclu nombre d’ac
tion positive vis-à-vis des pays du Sud
anges reste principalement structuré
cords. Mais le contenu réel de ses éch
nge dans une conception qui privilégie
sur l’ouverture de zones de libre-écha
l’activité des transnationales.
latine. Les mêmes options et critères
Cela ne concerne pas que l’Amérique
du
P (pays d’Afrique, des Caraïbes et
président aux relations avec les AC
i qu’avec les PSEM (pays du Sud et de
Pacifique), l’Afrique du Sud, l’Inde, ains
l’Est de la Méditerranée).
us pourtant incontournable des enjeux
L’Europe n’est donc pas au rendez-vo
humaine qui sera une des questions
du développement et de la sécurité
majeures du XXIème siècle.
six néo-libéraux effectués. Même la per
C’est un échec qui est le fruit des cho
que
puis
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t
sep
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s de portée des « ving
pective « d’Europe puissance » est hor
et ne lui permettent pas de jouer un
ces mêmes choix affaiblissent l’Union
aondre au besoin d’un véritable parten
rôle indépendant et original pour rép
e
et ailleurs, et pour ouvrir un dialogu
riat qui s’exprime en Amérique latine
s
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des
ble
réciproque avec l’ensem
politique, une coopération d’intérêt
concernés.
est en cause. Les peuples européens
C’est le projet européen lui-même qui
cette carence grave.
sont ainsi directement concernés par
e n’est donc pas qu’une préoccupation
Ce VIème sommet UE/Amérique latin
d’une construction, d’une refondation
« extérieure ». Nous avons besoin
et
pérer contre les règles du capitalisme
européenne comme moyen pour coo
u
enje
un
st
C’e
.
un contexte mondialisé
ses modes de gestion libéraux, dans
de grande dimension.
et
par l’ensemble des forces politiques
C’est cela qui sera discuté à Madrid
en
s un réseau bi-régional europé et
sociales progressistes rassemblées dan
s (tissons des alternatives). Le PCF en
latino-américain, Enlazando Alternativa
où
d’un espace de combativité politique
est partie prenante parce qu’il s’agit
.
me
alis
ditions d’un nouvel internation
se construisent concrètement les con
Jacques Fath
tionales
responsable des Relations interna
■ Conférence d’examen du Traité de Non prolifération nucléaire à l’ONU, New York
et initiatives des mouvements pour la Paix, à partir du 30 avril et tout au long du mois de mai.
Participation de Claire Chastain du 30 avril au 10 mai
ca
Madrid 14-18 mai, Sommet des Peuples autour du Sommet UE/Amérique latine.
l e n d r i er ■ Participation
d’Obey Ament, José Cordon, Christine Mendelsohn, Xavier Compain
■ Congrès du PPS du Maroc, à Bouznika, Rabat, du 28 au 30 mai.
Participation de Jacques Chabalier, membre du Comité exécutif et de la Coordination nationale
la LRI est également diffusée par Infohebdo et le Tract de la semaine
pour recevoir cette lettre (format électronique uniquement) contact : Claire Chastain - [email protected]
LRI
Inde
Le Maoïsme et sa violence
2
Le mardi 6 avril dernier, dans le
district de Dantewada, État de
Chhattisgar, 76 membres de la
Central Reserve Police Force,
unité paramilitaire au sein du
ministère de l’Intérieur en
charge de la lutte contre les
groupes insurrectionnels, sont
tombés dans une embuscade tendue par un groupe de plusieurs centaines de Maoïstes. C’est la plus récente et la plus criminelle de leurs actions armées. Cependant, elle s’inscrit à la
suite d’une longue série d’assassinats dans plusieurs États
(Jharkhand, Orissa, Maharashtra) qui visent tout autant les
agents subalternes des administrations au contact direct des
populations « tribales » (adivasi), dont les Maoistes se proclament les défenseurs, et davantage les cadres des partis politiques et de manière toute particulière ceux du Parti communiste indien (marxiste)-PCI(M), qui a perdu ainsi plus de 130 de
ses militants, au cours de l’année 2009, dans le seul état du
Bengale Occidental, dont il dirige le gouvernement.
Le « maoïsme » n’est que la forme actuelle d’une longue et
récurrente présence, au sein du mouvement communiste inde,
d’une ligne « gauchiste ». Dans les années 1948-51, à l’avènement de l’indépendance, cette ligne, qui fut celle du Parti communiste, niait la nature de cette indépendance, ne lui reconnaissant qu’une réalité formelle, considérait les classes dirigeantes
ayant mené le combat national comme de simples « valets » de
l’impérialisme britannique, et estimait la « situation révolutionnaire » propre à une prise de pouvoir par la force armée. Dans
le cadre des débats qui traversaient le mouvement communiste
mondial, après la scission de 1964 qui vit le Parti communiste
indien (marxiste) se séparer du Parti communiste indien, ces
thèses réapparurent à partir de 1967-68 sous la dénomination
de « naxalisme », sur la même suspicion que le moment était
révolutionnaire et qu’il suffisait d’une étincelle pour lancer le
soulèvement. Le mouvement fut lancé, dans les zones tribales,
notamment dans le Naxalbari, d’où le nom qui leur fut attribué,
mais l’étincelle du soulèvement populaire ne fut pas au rendezvous, et le mouvement naxaliste se divisa très vite en un nombre important de groupes pratiquement autonomes qui se
concentrèrent sur des opérations de guérilla urbaine sans parvenir davantage au soulèvement espéré des masses ouvrières.
Enfin, et sur les mêmes postulats théoriques, en 2004, le Parti
communiste maoïste de l’Inde s’est constitué par la fusion du
Centre de coordination maoïste de l’Inde et du Groupe de la guerre
populaire du Parti communiste indien marxiste-léniniste.
Dans son communiqué du 7 avril, le lendemain de cette tuerie,
le Bureau politique du PCI(M) déplore l’inaction du gouvernement central devant l’ampleur des activités criminelles qui touchent pratiquement un tiers des états de l’Inde, et sa volonté
de renvoyer la charge de la sécurité à la responsabilité du gouvernement de chacun des états concernés. Mais au-delà de ce
jeu politicien, le gouvernement central, et le PCI(M) le souligne
fortement, porte la lourde responsabilité d’un double déficit à
l’encontre des adivasis :
• en livrant de larges zones de ces régions de l’Inde centrale
riches en ressources à l’exploitation minière de grandes compagnies indiennes et étrangères, ce qui conduit à de brutaux
déplacements de populations et à une altération irréparable
de leur cadre de vie et environnement écologique
• en se refusant à toute politique d’ensemble prenant en
compte le niveau de développement de ces populations, les
actualités du monde
abandonnant ainsi à un désespoir les rendant perméables à
l’action des Maoïstes.
Comme l’exprime B. Raman, dans Outlook, le 08/04/10 : « Le
temps est venu pour le Premier ministre d’assumer sa responsabilité et d’élaborer une stratégie politique, concrète et
humaine de grande ampleur pour régler les problèmes dont
souffrent les populations tribales dans le centre de l’Inde ».
Pierre Marcie
collaborateur des Relations internationales
Soudan
Élections sans surprise
C’est le Général Omer Al
Bashir et son parti, le National
Congrès Parti (NCP) qui remportent haut la main les élections, présidentielle, législatives et régionales, qui se
sont déroulés au Soudan, le
plus vaste pays d’Afrique, de
11 au 15 avril.
16 millions d’électeurs, sur les
40 millions d’habitants étaient appeler à participer aux premières élections multipartites depuis 1986, cinq ans après les
accords de paix signés à Nairobi (Kenya) qui ont mis fin au
conflit qui a déchiré le pays pendant 21 ans.
Mais le scrutin est entaché par des accusations de fraude et le
boycott de certains partis. Auteur d’un coup d’État militaire
soutenu par les islamistes en 1989 et sous le coup d’un mandat
d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) depuis un an, le
raïs Omar el-Béchir a remporté haut la main la présidentielle,
un moyen pour lui de retrouver une nouvelle légitimité face aux
accusations de la CPI. Ses principaux rivaux, Yasser Arman, un
musulman laïque défendant les couleurs du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, ex-rebelles sudistes), et
Sadek al-Mahdi, ancien Premier ministre et chef du parti Umma
(nationaliste), ainsi que Mohamed Ibrahim Nugud, secrétaire
général du Parti communiste soudanais (SCP) ont décidé de
boycotter le scrutin et se sont retirés de la présidentielle.
Ils accusent le sortant de truquer le scrutin et estiment que les
conditions pour des élections « libres » et « justes » ne sont
pas réunies, notamment dans la région du Darfour (ouest), sous
état d’urgence en raison de la guerre civile et d’une insécurité
endémique. Les mouvements rebelles du Darfour, qui contrôlent des bouts de territoire de cette région, rejettent catégoriquement ces élections.
Si le vainqueur de la présidentielle était d’ores et déjà connu, le
NCP du Général Al Bashir a remporté sans surprises aussi
l’élection des élus à l’Assemblée nationale et les représentants
– gouverneurs et députés – au nord du pays, tandis que les candidats du SPLM ont dominés les scrutins au Sud. Salva Kiir a été
élu président de la région semi-autonome du Sud Soudan.
Sur place, la présence des observateurs de la fondation américaine Carter, l’Union européenne, la Ligue arabe, l’Union africaine, la Chine et le Japon n’a fait que donner une couverture
internationale pour un scrutin sans enjeux.
L’organisation des élections est une condition pour l’organisation du referendum d’autodétermination pour le Sud prévu en
janvier 2010. Les Soudanais du Sud devront choisir entre la
création d’un État indépendant au Sud ou rester une région du
Soudan avec une autonomie accrue. L’avenir du Soudan se
jouera en janvier.
Rashid Saeed
journaliste soudanais
LRI
actualités du monde
Italie
Élections régionales
28-29 mars 2010
On votait dans 13 régions
sur 20, représentant 41 millions d’habitants.
Dans la plupart des régions,
le centre-gauche et la gauche alternative étaient
ensemble dans le vote pour
la présidence régionale, sauf
en Lombardie, en Campanie et dans les Marches, où la
Fédération de la gauche a présenté des listes autonomes.
Élection des listes présentées par les partis aux conseils régionaux*
Partis
%
Europ. 2009
Lég. 2008
Peuple des libertés
(droite)
26,8
35,30%
37,39%
Ligue du Nord
(extrême droite)
12,3
10,20%
8,30%
Parti démocrate
(centre gauche)
26,1
26,10%
33,18%
Italie des Valeurs
(centre gauche)
6,9
8,00%
4,37%
UDC (centre droit)
5,6
6,50%
5,62%
Gauche écologie
3
et liberté
Fédération de la gauche
2,8
(Rifondazione comunista
+PDCI +Socialisme 2000)
3,10%
Mouvement cinq étoiles
(listes Beppe Grillo)
1,7
3,40%
]
La Gauche
l’Arc en ciel
3,08%
---
---
Participation: 64,19% (72,01% en 2005)
* Mode de scrutin : le président de la région est élu directement avec le système uninominal
majoritaire. Le Conseil régional est élu avec un système mixte en grande partie proportionnel, basé sur les listes présentées par les partis. Les listes qui n'obtiennent pas 3%
n'ont aucun siège, à moins qu'elles ne soient rattachées à la coalition constituée autour
du candidat à la présidence de la région.
La droite tirée par son extrême
La gauche conserve sept régions (Ligurie, Emilie-Romagne,
Toscane, Marches, Ombrie, Basilicate et Pouilles) sur les
onze qu’elle dirigeait depuis 2005. La droite qui était déjà
majoritaire en Vénétie et en Lombardie, gagne le Piémont
(Ligue du Nord), le Latium (Rome), la Campanie et la
Calabre. La droite consolide ses positions malgré un recul
du Parti des Libertés, par rapport aux européennes de 2009
et aux Législatives de 2008 ; c’est la nouvelle percée de la
Ligue du Nord (droite extrême populiste ultra fédéraliste
et xénophobe) qui permet à la droite de gagner des positions, notamment avec le gain du Piémont, en s’implantant y
compris dans des régions « rouges » comme l’EmilieRomagne. Les gains de la Ligue compensent le déficit de
mobilisation de l’électorat de la droite du au climat délétère
qui entoure la personne de Berlusconi et aux conséquences
de la crise économique et sociale (aggravation des condi-
tions de vie pour le plus grand nombre). Le nouveau rapport des forces à droite peut radicaliser les options extrêmes de la Ligue, notamment sur le plan fiscal, tout en permettant à la droite dans son ensemble – malgré ses contradictions – de renforcer sa politique ultralibérale et de mise
en cause des fondements système constitutionnel.
Le centre-gauche dans l’impasse
Le Parti démocrate, tout en stabilisant son résultat au
niveau des élections européennes, ne réussit pas à inverser
la tendance et à contrecarrer la politique de la droite. Il est
lui aussi touché par l’abstention ; son incapacité à prendre
en compte-face, à la crise, le désenchantement et le mécontentement social croissants, le mettent en difficulté y compris dans les régions qu’il administre depuis longtemps ; son
allié dans la coalition de centre-gauche, l’Italie des Valeurs
maintient ses résultats, sur la base d’un anti-berlusconisme
centré sur la lutte contre la corruption et certaines réformes institutionnelles ; mais il est concurrencé sur le terrain
du populisme protestataire par l’émergence de mouvements citoyens comme celui de Beppe Grillo revendiquant
une rupture avec le système des partis et dont le résultat a
paradoxalement pénalisé le centre-gauche, notamment au
Piémont où la Ligue l’emporte ; de plus, l’alliance du centregauche avec le centre-droit (UDC) dans quelques régions
se révèle peu payante pour battre la droite ;d’autant plus
que dans d’autres régions où le centre-droit était allié avec
la droite son électorat s’est massivement mobilisé pour
celle-ci. Le Parti démocrate va être confronté à des choix
concernant sa capacité à construire une vraie alternative, à
redéfinir ses alliances et un projet à la hauteur des enjeux
sociaux et démocratiques présents et futurs.
La gauche alternative en difficulté
La Federazione de la sinistra (Fédération de la gauche :
PRC+PDCI) et Sinistra ecologia e liberta (Gauche écologie
et liberté) issue de la scission avec Rifondazione comunista,
à laquelle se sont ajoutés la Gauche démocratique et une
partie des Verts, réalisent un résultat inférieur à celui des
européennes. Avec 3%, SEL, plus impliquée dans l’alliance
avec le centre-gauche a certes obtenu un succès important
dans les Pouilles où Nichi Vendola l’emporte à la tête de
toute la gauche et où la SEL obtient 9,7% et la moitié de ses
21 conseillers régionaux. Elle est néanmoins devancée par la
Fed dans neuf régions sur 13. La Federazione, avec 2,74%
n’obtient pas un résultat satisfaisant. Certes, elle résiste
bien dans les régions « rouges » du Centre (6,9% en
Ombrie, 5,3% en Toscane ou en Ligurie); et là où FED et SEL
ont réalisé l’unité (Marches) elles obtiennent, ensemble, un
résultat non négligeable (7%); par contre, là où la FED s’est
présentée seule estimant que la coalition avec le centregauche n’était pas possible, elle subit un échec (1,3% en
Campanie et 2% en Lombardie). Au total, la FED n’obtient
que 16 sièges. La difficulté pour la gauche radicale de constituer un « pôle de la gauche alternative » face à un centregauche n’ayant pas rompu avec les politiques néo-libérales
est due notamment à des projets d’alliance différenciés de
même qu’à un enracinement social et territorial tendant à
s’amoindrir; elles ont réduit l’influence de la gauche radicale
au risque de rendre plus difficile une réelle alternative progressiste dans le pays.
José Cordon
responsable Europe, Relations internationales 3
LRI
focus
VIème SOMMET UNION EUROPÉENNE/AMÉRIQUE LATINE
quels accords pour quelle relation ?
e VIème sommet Union européenne/Amérique
latine aura lieu les 17 et 18 mai prochains à Madrid
avec la participation de 60 chefs d’État et de gouvernement des deux continents. À cette occasion,
l’Union européenne essayera de convaincre ses partenaires de conclure la signature des accords d’association en négociation afin d’avancer sur la voie de la
libéralisation des échanges commerciaux et de la circulation des capitaux pour affronter la crise mondiale
actuelle.
Paradoxalement, ces accords proposés par l’UE, qui
font partie des politiques qui ont favorisé cette crise,
sont proposés à des partenaires aujourd’hui en train
de rejeter les politiques dites du « Consensus de
Washington ».
L’Europe, historiquement présente en Amérique
latine, a cédé beaucoup de terrain face aux ÉtatsUnis. Pendant les années 90, les transnationales européennes ont beaucoup profité des privatisations et
de la libéralisation de capitaux qui ont favorisé les
investissements spéculatifs. Elles ont pris le contrôle
de secteurs stratégiques : télécommunications, services, banques, ressources naturelles et énergie.
L’entrée en vigueur en 1994 du traité de libre
échange signé entre le Mexique, les États-Unis et le
Canada (ALENA), qui annonçait le projet de création
d’un Accord de libre échange pour les Amériques
(ALCA), a amené l’UE à donner une nouvelle impulsion à sa relation avec l’Amérique latine. L’UE a proposé des « accords d’association » qui se voulaient
différents des traités de libre échange étasuniens
avec la proposition d’un volet de dialogue politique
et d’un autre pour la coopération. Mais l’UE, qui est
l’un des principaux acteurs au sein de l’OMC, a fini
par donner la priorité aux objectifs de libéralisation
commerciale et des investissements laissant le dialogue politique et la coopération dans un rôle secondaire et d’accompagnement.
Avec le rejet croissant, en Amérique latine, des politiques libérales et de leurs conséquences, les sommets UE-Amérique latine ont du inclure dans leurs
discussions des objectifs en faveur de la cohésion
sociale et de lutte contre la pauvreté. Plus récemment, le développent durable, la lutte contre le
réchauffement climatique et la coopération énergétique ont été inclus dans les discussions.
Mais la réalité finit par rattraper ces sommets en
montrant le peu d’intérêt de l’UE pour un véritable
dialogue politique, que ce soit lors de l’adoption de
L
4
la « Directive du retour » quelques mois après le
sommet de Lima en 2008, directive condamnée par
les pays de l’Amérique latine, ou bien avec les positions prises par l’UE lors du sommet de Copenhague
qui s’est avéré un échec.
L’UE, autrefois modèle de développement qui attirait
les pays de l’Amérique latine, n’est plus en mesure
d’être un exemple à suivre. Peut-on imaginer l’UE
comme un interlocuteur valable en matière de cohésion sociale et développement durable, alors qu’elle
s’attaque à toutes les conquêtes sociales, introduit
diverses formes de flexibilité du travail et se montre
incapable de mesures solidaires avec les peuples qui
se débattent au milieu de la crise actuelle ?
Il y a une cohérence entre la « stratégie de Lisbonne », les positions de l’UE au sein de l’OMC et les
accords d’association proposés : il s’agit bien d’imposer partout la fameuse « libre concurrence », la levée
des obstacles au libre échange, créer les meilleurs
conditions pour le redéploiement de ses capitaux,
gagner des marchés nouveaux quitte à écraser les
productions locales, s’assurer l’accès aux ressources
naturelles et énergétiques et à une main d’œuvre à
bon marché.
Deux pays ont déjà signé des accords dits « d’association », le Mexique et le Chili, adeptes d’un libre
échange qui a sans doute bénéficié à ses classes
dominantes, mais qui n’a pas permis réduire la pauvreté et les inégalités.
L’Amérique centrale pourrait accepter la signature
d’un accord lors du prochain sommet, ainsi que le
Pérou et la Colombie. Ces deux derniers pays
avaient participé aux négociations au sein de la
Communauté andine, mais la Bolivie et l’Équateur,
gouvernés par des forces progressistes, avaient fait
connaître leur rejet des logiques portées par ces
accords et avaient demandé la reconnaissance des
asymétries qui ne permettent pas une concurrence
entre économies comparables et le respect de leurs
stratégies de développement. Ils demandaient l’exclusion des négociations de secteurs tels que les services et les marchés publics et la propriété intellectuelle.
Lors du sommet de Lima en 2008, ces deux pays
contestataires ont subi la colère du Commissaire
européen au Commerce, qui les a menacé de négocier de manière bilatérale avec le Pérou et la
Colombie, pays connus par leurs politiques néolibérales. Cette menace a été mise à exécution et l’UE a
LRI
focus
sommet Union européenne/Amérique latine
abandonné sa position de principe de favoriser la
négociation entre blocs régionaux. Cette décision
très politique a signifié la division de la Communauté
andine.
Avec la signature de ce traité de libre échange, toutes les déclarations de principe, d’attachement aux
valeurs de la démocratie et des droits de l’Homme
apparaissent comme une simple rhétorique de la
part des signataires. L’Union européenne, toujours
prête à se lancer dans des condamnations et sanctions contre des pays peu adeptes au capitalisme,
montre un grand cynisme en acceptant cet accord
avec un pays comme la Colombie qui détient les
pires records de violations de droits de l’Homme au
monde. En effet, les militants des droits de l’Homme,
opposants politiques et syndicalistes sont les cibles
des paramilitaires : 45 syndicalistes ont été tués en
2009, 47 en 2008 ; selon la Centrale syndicale internationale, presque 500 ont péri depuis l’arrivée au
pouvoir du président Alvaro Uribe, souvent dans des
cas où des transnationales sont impliquées ; 1 400
indigènes assassinés et des milliers de cas d’exécutions d’innocents que des militaires déguisent en
guérillero afin de récupérer les primes promises. La
mise sur écoute d’opposants et de juges par les services d’intelligence qui sont sous les ordres de l’exécutif et les liens prouvés entre le gouvernement et
les paramilitaires, ont peu pesé dans les négociations.
L’UE se dit aussi prête à signer un accord d’association avec l’Amérique centrale en incluant le gouvernement hondurien issu d’un coup d’État malgré les
assassinats de journalistes et opposants qui continuent à avoir lieu. Les dénonciations de graves atteintes aux droits de l’Homme n’ont pas fait changer une
virgule de l’accord avec le Mexique en vigueur depuis
dix ans. La Commission inter-américaine des droits
de l’Homme met ce pays derrière la Colombie en
nombre de dénonciations contre l’État dans des cas
de harcèlement contre des journalistes comme Lydia
Cacho ou les assassinats de paysans et journalistes.
Des clauses qui engagent les parties signataires au
respect de la démocratie et des droits de l’Homme
sont inscrites dans les traités négociés mais sans que
des mécanismes contraignants ni de suivi soient
créés. Les demandes faites par les organisations civiles de ces pays pour la création d’un observatoire
des droits de l’Homme sont restés jusqu’ici sans
réponse.
LA IVème ÉDITION DE LA RENCONTRE ENLAZANDO ALTERNATIVAS
un rendez-vous qui veut
rapprocher les peuples d’Amérique latine et d'Europe
Lors du IIIème sommet UE/Amérique
latine qui a eu lieu en 2004 à Guadalajara, au Mexique, des organisations
sociales et politiques européennes et
latino-américaines se sont donné rendez-vous dans le cadre qui porte
désormais le nom d’Enlazando
Alternativas (tissons des alternatives)
pour exprimer leurs propositions face
aux relations de domination que l’UE
propose à ses partenaires latino-américains.
À l’issue de cette rencontre, ces organisations ont décidé la création d’un
réseau bi-régional qui allait permettre
le rapprochement des luttes et une
réflexion commune suivie.
Forts de leur expérience dans la lutte
contre la zone de libre échange des
Amériques et de la bataille contre le
Traité constitutionnel européen, ces
organisations ont développé un travail
commun qui met en évidence les
enjeux des accords d’association et
des traités de libre échange en négociation depuis une dizaine d’années.
Un Tribunal permanent des peuples a été
créé, avec la participation de personnalités qui évaluent le comportement des
transnationales européennes présentes
en Amérique latine. Des cas de violations des droits de l’Homme, des droits
des travailleurs et des droits environnementaux sont instruits, des témoignages des personnes et communautés
victimes de ces violations viennent à
chacune des séances de ce tribunal
pour apporter leurs dénonciations.
Enlazando Alternativas exprime la
volonté des participants de faire converger des luttes qui existent dans
chacun de leurs pays. Il s’agit d’inventer une nouvelle forme de solidarité
active entre les peuples et une
manière de s’impliquer dans un rapport de forces pour faire changer les
politiques en place. C’est une manière
aussi de répondre à l’offensive idéologique qui veut imposer l’idée que la
mondialisation actuelle est le fruit
d’un processus naturel incontournable. Cette réponse progressiste veut
donner les moyens aux peuples de
comprendre les enjeux réels et de
participer à des luttes pour d’autres
alternatives.
À Madrid, du 14 au 18 mai, la IVème
édition d’Enlazando Alternativas
rassemblera des centaines d’organisations dans des débats ouverts à la
population et verra le Tribunal permanent des peuples présenter des nouveaux cas. Une manifestation est prévue pour le 17 de mai ainsi qu’une
rencontre avec les présidents des gouvernements progressistes présents à
la rencontre officielle. Le Parti de la
gauche européenne et des parlementaires européens de la Gauche unitaire
européenne participeront, aux côtés
des représentants du Forum de São
Paulo et d’organisations sociales, à des
ateliers qui traiteront de thèmes tels
que la crise, les droits des migrants, le
rôle de la Banque centrale européenne et de la Banque du Sud, les
politiques de sécurité et les enjeux
environnementaux.
5
LRI
focus
sommet Union européenne/Amérique latine
Que ce soit le « respect des droits de l’Homme » ou
l’« engagement en faveur de la démocratie », ceux-ci
restent de vains mots pour l’UE lorsqu’il s’agit de
faire avancer les choses, dans la configuration d’une
mondialisation conçue comme une issue à la crise du
capitalisme.
Les conséquences de la mise en concurrence
L’UE promet une mondialisation heureuse et un
développement certain aux pays de l’Amérique latine
mais, au fond, sa conception de l’avenir est celle où
les transnationales et grands capitaux pourront continuer à se développer et à participer à une guerre
économique où toute l’activité humaine devient une
marchandise et où elle aurait le beau rôle d’une
« société de la connaissance » *. Les pays partenaires
invités à signer des accords d’association et traités
de libre échange ont, dans ce scénario, le rôle de
pourvoyeurs de matières premières et de maind’œuvre, de plateformes pour ses exportations vers
d’autres destinations et de marchés en développement.
L’UE est l’un des premiers investisseurs dans la
région, elle contrôle une bonne partie des banques,
télécommunications et exploitations de mines et
pétrole grâce aux privatisations des années 90. Mais
la part de l’Amérique latine dans le commerce européen ne représente que 6% du total, alors que la part
de l’Amérique latine dans les exportations européennes était de 6,1% en 2008.
La libéralisation commerciale négociée peut faire
augmenter ce commerce mais dans une concurrence
souvent inégale, comme lorsqu’il s’agit de l’avenir de
petits exploitants familiaux qui devront concurrencer
les agro-industriels européens, brésiliens ou argentins.
Le sénateur colombien Jorge Enrique Robledo a
dénoncé la catastrophe qui attend les producteurs
de lait de son pays et rappelle que la campagne est
peuplée de gens pauvres : 48% des exploitants ont en
moyenne cinq vaches. Comment concurrencer des
transnationales dans ces conditions ?
Les producteurs de sucre et de betteraves européens mettent en garde contre le danger que représente un accord qui prévoit une réduction importante des tarifs douaniers pour le sucre et qui met-
tra en concurrence les pays d’Afrique, des Caraïbes
et du Pacifique (ACP) avec ceux de l’Amérique latine.
L’Assemblée parlementaire des pays ACP rappelle
aussi que la baisse des tarifs douaniers pour les bananes latino-américaines bénéficiera aux cinq transnationales qui contrôlent déjà 75% du marché.
Les périodes de transition et de mise en application
des nouvelles règles peuvent aller de 10 à 25 ans
pour les productions dites « sensibles », c’est-à-dire
qui occupent une place d’importance pour les économies concernées. Elles devraient laisser le temps
aux pays concernés de s’adapter, mais en réalité elles
changent peu le caractère des accords qui n’en restent pas moins une nouvelle façon d’imposer une
relation de domination.
Ces accords risquent fort de condamner les pays de
l’Amérique latine à n’être que des sources de matières premières à faible valeur ajoutée qui développent
uniquement des chaînes de production permettant
un développement d’ensemble des économies, véritables menaces contre l’environnement. En ce sens,
le rapport de domination qui s’annonce pousse les
pays de l’Amérique latine à aller plus loin dans ce que
certains appellent une « réprimarisation »: c’est à
dire une baisse sensible des productions industrielles
et une part majeure octroyée à l’exportation de
matières premières. Cette logique fait partie de celle
des ajustements structurels imposés par le FMI, qui
ont fait passer la part des manufactures dans le PIB
de la région de 12,7% du PIB dans la période 19701974 à 6,4% entre 2002 et 2006.
Des accords pour une relation de complémentarité
et coopération sont nécessaires: ils doivent partir,
non pas des exigences du capital, mais d’un dialogue
qui permet une véritable concertation pour définir
les besoins réels à satisfaire, pour un développement
durable et respectueux des stratégies choisies par les
peuples. Ils doivent également favoriser le combat
contre la pauvreté et les inégalités et être conçus
avec le souci premier du respect de l’environnement.
Obey Ament
responsable Amérique latine/Relations internationales
* Voir les documents de la Commission européenne : Une Europe compétitive dans
une économie mondialisée, Global Europe EU performance in the global economy
et Europe 2020
lien blog Indépendances 2010 www.eurolatino.pcf.fr
6
LRI
activité des Relations internationales
MÉDITERRANÉE MOYEN-ORIENT
AMÉRIQUE LATINE
AFRIQUE
Rencontre de Jacques Fath avec Mme Marie
Debs, secrétaire générale adjointe du Parti
communiste libanais, le 1er avril.
Rencontre de Jacques Fath avec Mme Cathy
Daguerre, membre de la Commission arabe des
droits humains (ACHR), le 1er avril.
Participation de Jacques Fath à la soirée organisée par l’Autorité palestinienne en France à
l’Auditorium de l’Institut du Monde arabe, à
l’occasion de la Journée de la Terre de Palestine,
le 1er avril.
Participation de Jacques Fath au rassemblement de soutien au peuple Saharaoui devant
l’Assemblée nationale, le 14 avril.
Participation de Meriem Derkaoui, élue PCF
en Seine-Saint-Denis, au 76e anniversaire du
Parti communiste irakien, à Saint-Denis, le 16
avril.
Participation de Jacques Fath au rassemblement des démocrates syriens de l’Appel de
Damas, place de la Sorbonne, le 17 avril.
Participation d’Henriette Zoughebi, élue PCF
au Conseil régional d’IDF, au débat organisé par
France Amérique latine sur la Théologie de la libération, au siège du PCF, le 31 mars.
Rencontre de Jacques Fath et Obey Ament à
l’Ambassade de Cuba en France avec l’ambassadeur, M. Orlando Requeijo Gual, le 1er avril.
Rencontre de Nicole Borvo, présidente du
groupe CRC, Michel Billout, sénateur et Obey
Ament, avec la sénatrice colombienne Piedad
Cordoba, en tournée en Europe pour faire connaître la campagne des Colombiens et Colombiennes pour la Paix, le 14 avril.
Participation d’Obey Ament à la rencontredébat fraternelle organisée par la section PCF
du 7ème arrondissement de Paris avec les militants du Pôle démocratique alternatif de
Colombie en France, le 15 avril.
Participation de Jacques Fath et Obey Ament à
la rencontre publique avec la sénatrice colombienne Piedad Cordoba, à l’invitation de FranceAmérique-Latine, à la mairie du 9ème arrondissement de Paris, le 16 avril.
Participation pour le PCF de Sylvie Jan, Aly
Ndiaye et Claire Chastain aux réunions des 31
mars, 7 et 14 avril, des forces de la diaspora
togolaises (UFC, Sursaut Togo, FRAC, CDPA,
CTR, Togo Futur, Plateforme Panafricaine), au
siège du PCF, avec le soutien des forces progressistes françaises (politiques : Verts, NPA, PG et
Gauche unitaire et associatives).
Participation de Jacques Fath, au nom du PCF
et de Mme Marie-George Buffet, secrétaire
nationale du PCF, à la réception donnée par
l’ambassade de Namibie à l’occasion des 20 ans
de l’indépendance, à l’hôtel Westin, le 19 avril.
Communiqués de presse et autres liens
Une « promenade Ben Gourion » à Paris : une
initiative inacceptable
http://www.pcf.fr/spip.php?article4632
Règles de circulation pour les palestiniens : le
PCF condamne les dispositions israéliennes
http://www.pcf.fr/spip.php?article4731
Conférence de Bil’in : le PCF est solidaire de
ce combat légitime et courageux
http://www.pcf.fr/spip.php?article4745
Des communistes devaient prendre part à la conférence. Ils n’ont
pas pu voyager du fait de la fermeture des espaces aériens après
l’éruption volcanique en Islande.
EUROPE
Participation et intervention de Jacques Fath
au meeting des Kurdes de Turquie à Montreuil à
l’occasion du Newroz, le 27 mars.
Rencontre de Jacques Fath et Claire Chastain
avec Joël Dutto, élu PCF dans les Bouches du
Rhône et Dominique Torre, PCF-Bastia, après la
participation de D.Torre à une délégation d’associations au Kurdistan de Turquie, le 13 avril.
Communiqués de presse et autres liens
Attentats de Moscou : le PCF condamne des
actes totalement injustifiables
http://www.pcf.fr/spip.php?article4691
Le PCF s’élève contre la condamnation de
Leyla Zana
http://www.pcf.fr/spip.php?article4735
Communiqués de presse et autres liens
Le PCF participera à la conférence de Cochabamba
http://www.pcf.fr/spip.php?article4741
Xavier Compain, membre du Conseil national et responsable de
la commission Agriculture du PCF, devait participer au nom du
PCF à la conférence. La fermeture des espaces aériens due à
l’éruption volcanique en Islande ne lui a pas permis de voyager.
Un message officiel est adressé au nom du PCF à la Conférence.
Communiqués de presse et autres liens
Togo : un scrutin dénué de toute crédibilité
http://www.pcf.fr/spip.php?article4634
Nigeria : une situation inquiétante qui doit
interpeller l’Union Européenne et la France
http://www.pcf.fr/spip.php?article4627
DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE
Déclaration du PCF sur le nouvel accord
START de réduction des arsenaux nucléaires
américains et russes
http://www.pcf.fr/spip.php?article4714
ÉVÉNEMENT PUBLIC AU SIÈGE DU PCF
Audition de Max-Jean Zins, chercheur au CERIScience Po, sur l’Afghanistan et la stratégie de
l’OTAN dans la zone Afghanistan-Pakistan-Inde,
le 15 avril.
ASIE
Accueil de la délégation des archivistes du Parti
communiste du Vietnam par Jacques Fath,
Frédéric Genevée, responsable des Archives du
PCF, Paul Fromonteil, collaborateur des
Relations internationales du PCF et Alain Ruscio,
historien, le 26 mars.
COLLECTIFS UNITAIRES
Participation régulière du PCF au collectif
OTAN-Afghanistan (national et international),
Semaine anticoloniale, Maghreb, Campagne
internationale pour l’abolition de l’arme
nucléaire (ICAN), Palestine, Bolivie,Togo.
SUGGESTIONS
Article de Jacques Fath, Palestine, la triple question du droit, de la légitimité et de
la contrainte
et article de Patrice Jorland, Moyen-Orient : beaucoup de bruit pour rien ?
dans les Cahiers de l’Institut de documentation et de recherche sur la paix, mars 2010
www.institutidrp.org
Signez la cyber-pétition pour une Convention d’élimination des armes nucléaires !
à l’initiative du Collectif ICAN-France
(campagne internationale pour l’abolition de l’arme nucléaire).
nous visons 50 000 signatures pour l’ouverture de la Conférence d’examen
du Traité de non-prolifération nucléaire, au siège de l’ONU à New York, le 1er mai
http://www.icanfrance.org/utils/petitioneliminationarmesnucleaires.php
7
LRI
regard sur la politique aux États-Unis
TEA or COFFEE ?
quelques vocables politiques « made in USA »
elon certains, tout aurait commencé le 19 février
2009 lorsque, depuis la corbeille du Chicago
Mercantile Exchange, l’un des temples de la finance
mondialisée, Rick Santelli, journaliste de la chaîne
CNBC, se lança devant la caméra dans une diatribe
enflammée contre le projet de refinancement des
hypothèques que présentait le gouvernement américain. Cela ne pouvait, selon lui, que « promouvoir
un comportement irresponsable » en subventionnant des débiteurs insolvables « pour qu’ils ajoutent
une salle de bains supplémentaire à leur domicile ».
Et cet ancien trader de la banque d’investissement
Drexel Burnham Lambert, qui avait été contrainte
de fermer en février 1990 pour opérations illégales
sur le marché des « obligations pourries » (junk
bonds), d’en appeler à une « tea party » dans tout
l’Illinois.
À suivre d’autres observateurs, la protestation serait
née un peu plus tôt à Fort Myers, Floride, ou à
S
Seattle, dans l’État de Washington, mais c’est bien le
vocable « tea party » qui devait s’imposer pour désigner un mouvement politique et idéologique dont
l’ampleur doit être prise en compte dans la perspective des élections à mi-mandat de novembre 2010 et
pour ce qu’elle révèle à propos des États-Unis. Si, en
l’occurrence, TEA est le sigle de « Tax Enough
Already » (déjà assez d’impôts !), l’expression
remonte bien évidemment à la « Boston Tea Party »
du 16 décembre 1773, date à laquelle soixante habitants de cette ville, costumés en Indiens Mohawks,
étaient montés nuitamment à bord de trois navires
dont ils jetèrent les cargaisons de thé à la mer afin
de protester contre l’accroissement de la taxe frappant ce produit.
Ce haut fait est resté dans les mémoires comme le
premier acte de rébellion contre la tutelle britannique et le prodrome de la lutte pour l’indépendance
des treize colonies.
A grassroots movement ?
8
Le mouvement, qui a pris forme au cours des quinze
derniers mois, se présente comme l’expression
spontanée de citoyens excédés par le gouvernement
central, par les milliers de milliards de dollars dépensés par lui en faveur des « nababs » (fat cats) de Wall
Street, puis pour relancer l’économie et bientôt
pour financer l’extension de la couverture maladie.
À ces décisions, qui ont gonflé le déficit public,
feront inévitablement suite une hausse des impôts
sur les revenus et des taxes sur la consommation, un
interventionnisme insupportable dans la vie privée
des gens, une restriction des choix individuels, des
atteintes répétées aux valeurs fondatrices du pays.
Aussi serions-nous face à la révolte de l’Amérique
d’« en bas » contre ce qui se passe à l’intérieur de
la « beltway », la rocade autoroutière 495 qui encercle la ville de Washington et, par là, sert de métonymie pour le pouvoir central, son arrogance supposée et son intellectualisme ignorant des réalités
sociales de la nation.
Parti de la base (grassroots), le mouvement ne se
reconnait pas de dirigeants, s’il a des figures désormais reconnues – Keli Carender, la jeune professeure révoltée de Seattle, qui se fait appeler « Liberty
Belle » en jeu de mots avec la cloche (bell) qui, à
Philadelphie, le 8 juillet 1776, aurait appelé les habitants à venir écouter la déclaration d’indépendance,
ou Amy Kremer d’Atlanta, alias Southern Belle, le
charme des femmes du sud étant bien connu, ou
encore Samuel Joseph Wurzelbacher, dit « Joe the
plumber » qui, depuis son entrevue avec John
McCain, a trouvé mieux à faire que de s’occuper de
canalisations –, se réunit spontanément en rencontres communautaires (town hall meetings) dans des
salles municipales, ou pour manifester drapeaux au
vent. On serait en quelque sorte revenu à l’époque
(l’année 1831) où Alexis Tocqueville, jeune aristocrate normand en voyage dans le nord-est du pays,
avait cru trouver dans ce type d’échanges la clef
d’une démocratie possible, à ceci près que l’Internet
et les blogs ayant pris le relais du bouche à oreille,
le mouvement a pu gagner rapidement l’ensemble
de cet État-continent. Le dense réseau des chaînes
de télévision – celui de la Fox notamment – et des
stations de radio paléo ou néoconservatrices lui a
servi de caisse de résonnance, tout cela étant repris
par les médias « mainstream » qui, en évitant de s’engager, donnent à ce récit un semblant de crédibilité.
Le mécontentement, la colère, voire la rage, qui s’expriment ainsi ne sont pas sans fondements. Le sauvetage du système financier reste d’autant plus indécent que la « moralisation » de ce dernier tarde à se
préciser et, si les profits enregistrés et les bonus
accordés par ce secteur sont à nouveau à la hausse,
l’emploi ne suit toujours pas, ni les salaires des travailleurs modestes. Il est également vrai que les responsabilités de la déréglementation et de la financiarisation remontent loin, dans lesquelles l’administra-
LRI
regard sur la politique aux États-Unis
TEA or COFFEE
tion démocrate de William Jefferson « Bill » Clinton
a été fortement impliquée, et de cela, l’hôte actuel
de la Maison Blanche n’a pas su se distinguer, à supposer même qu’il ait voulu le faire.Toutefois, le déficit des comptes publics date de l’administration
Reagan, avant que de se creuser à nouveau avec le
jeune Bush, sous l’effet cumulé des réformes fiscales
et de la hausse exponentielle des dépenses militaires.
Les anathèmes qui sont adressés à la présente
administration sont donc biaisés et le plus souvent
hors de propos : loin d’accroître les impôts, le plan
de relance a réduit leur montant pour 95% des
familles américaines, cependant que le financement
des programmes de construction et d’équipement
par le gouvernement central va pour une bonne
part à des projets conçus par les États fédérés et les
collectivités locales. Et que dire du système de santé
américain, le plus coûteux au monde, le moins performant des pays développés et laissant privé de
toute couverture 45 millions de personnes, si ce
n’est qu’une réforme de fond n’avait que trop
tardé ?
On ne peut donc exclure le phénomène de
conscience malheureuse qui conduit les mécontents
à méconnaître la nature de la crise systémique à
laquelle ils sont confrontés, à les détourner vers des
boucs émissaires et, en définitive à reproduire l’intolérable. Encore convient-il de comprendre comment
cela s’accomplit.
En matière politique et sociale, il n’y a pas de génération spontanée. Les thèmes et les slogans du « tea
party movement » préexistaient à son apparition.
Différence apparente d’avec l’électorat le plus
engagé derrière Bush le Jeune, ce qui apparaît
aujourd’hui au premier plan des mots d’ordre ne
sont pas les « trois G » – God, guns and gays : Dieu
version évangéliste, le droit de porter et d’accumuler les armes à feu, l’opposition radicale au mariage
des homosexuels et, au-delà, au contrôle des naissances et à la libre responsabilité de sa sexualité –,
mais l’antifiscalisme, l’antiétatisme et l’affirmation de
l’individu comme sanctuaire intouchable, le NIMBY,
pour « not in my back yard » – au mot à mot « pas
dans mon arrière-cour », et en bon français « ne
touchez pas à mes plates bandes » – comme nouvelle devise de la république. Or, non seulement l’antifiscalisme est un courant majeur de la vie politique
américaine et un des principes sacrés du parti républicain, non seulement le thème du « trop d’État »
est récurrent que Reagan avait érigé en principe
directeur – « l’État n’est pas la solution, c’est le problème » –, mais cela s’est chargé depuis le début des
années 1980 d’une rhétorique hostile à toute
mesure sociale au motif que l’aide ne ferait qu’encourager la paresse et entretenir la dépendance.
Aussi ne faut-il pas s’étonner si les slogans du « tea
party movement » s’entrelacent à ceux du racisme,
de la xénophobie – ce qu’aux États-Unis on appelle
le nativisme – et de l’ordre moral.
Astroturfing
Le terreau existait et il s’est révélé fertile au
moment où le parti républicain, assommé par sa triple défaite électorale (présidentielle, parlementaire
et locale) de 2008, s’engageait dans une stratégie de
blocage systématique des réformes, aussi modestes
et partielles fussent-elles, entreprises par la nouvelle
administration, celle du système de santé en particulier. Les tea parties et town hall meetings de l’année
2009 ont en vérité rassemblé moins de 150 000 personnes au total dans un pays de 308 470 703 habitants, mais la couverture médiatique et la stridulation des slogans en hypertrophiaient l’importance,
appuyant ainsi l’opposition parlementaire qui, en
retour, n’a pas manqué d’entretenir la rage des manifestants.
Qui plus est, le mouvement s’est rapidement structuré en réseaux, les Tea Party Patriots qui affirment
rassembler 15 millions de personnes et 1 000 collectifs locaux, le Tea Party Express dont la caravane
de bus a traversé le pays, tenu 34 meetings et atteint
son terminus, Boston, le 14 avril dernier, la Tea Party
Nation dont le site électronique compte 15 000 inscrits, le 9/12 Project qui a monté le premier rassemblement à Washington le 12 septembre 2009 et en
projette un autre pour le 28 août prochain, etc., avec
des recouvrements et affiliations multiples.
Le rôle de certaines personnalités mérite d’être
évoqué, celui de Glenn Beck en particulier, auteur
prolifique qui s’était fait une réputation grâce à sa
haine des Français – un « peuple d’idiots et de
trouillards » –, qui anime aujourd’hui un talk show
sur une des radios nationales et un news show sur
une chaîne câblée du groupe Fox, en même temps
qu’il est le fondateur du 9/12 Project censé résumer
les valeurs américaines en 9 principes (je crois en
Dieu, centre de ma vie ; l’Amérique fait le bien ; ma
famille est sacrée, ma femme et moi détenons l’autorité ultime, pas le gouvernement…) et 12 valeurs
dont l’honnêteté, l’espérance, le goût du travail, le
courage…
9
LRI
regard sur la politique aux États-Unis
TEA or COFFEE
L’antiétatisme étant polysémique, le mouvement
actuel fédère toutes sortes de sous-courants. On y
retrouve les partisans acharnés du port des armes
en vertu du deuxième amendement de la constitution (la National Rifle Association, le lobby le plus
puissant des États-Unis avec celui des retraités et
celui du soutien au Likoud israélien, la Law
Enforcement Alliance, leurs excroissances plus
extrémistes encore, comme les Gun Owners of
America), la John Birch Society, fondée en 1958
pour faire face à l’« infiltration communiste »
jusqu’au sein de la Maison Blanche, ainsi que les différents hate groups, mobilisés dans la haine et pour
la haine, auxquels se sont ajoutés de nouveaux
Patriot groups. À suivre le dernier rapport du
Southern Poverty Law Center, centre de recherche
qui fait référence en la matière, le nombre de ces
derniers aurait augmenté de 250% en 2009 et avoisinerait les 1 000 : Ku Klux Klan, néo-nazis, « vigilants » contre l’immigration clandestine, 512 milices
armées, etc.1 Plus respectables, les libertarians, pour
lesquels le marché, la charité et l’auto-organisation
choisie peuvent se substituer à l’État dont le rôle
devrait se limiter à assurer la justice et l’ordre :
moins d’impôts et de lourdeurs administratives, plus
de libertés individuelles et locales. À souligner toutefois que le Libertarian Party, qui a été fondé en
1971, se différencie nettement en ce qu’il est favorable au mariage homosexuel, qu’il s’oppose aux expéditions armées, qu’il demande le retrait d’Irak et
d’Afghanistan, ainsi qu’une réduction drastique des
dépenses militaires, ce qui ferait de lui le porte-
parole de l’isolationnisme moderne s’il n’était favorable à la libéralisation de l’immigration et au libreéchange intégral. Bien qu’il ne lui soit pas affilié, le
Cato Institute, think tank libertarien le plus actif,
publie des études internationales souvent hétérodoxes. D’ailleurs, les personnes les plus attachées à
ce courant de pensée commencent à critiquer un
phénomène trop nettement manipulé.
Il s’avère en effet que de puissantes organisations
conservatrices fournissent au mouvement l’essentiel
de sa logistique et de ses finances : Freedom Works,
Americans for Prosperity, la Sam Adams Alliance
de Chicago, ou encore sa filiale l’American Majority,
la première citée étant animée par l’ancien chef du
groupe républicain à la chambre des Représentants,
Richard « Dick » Armey, et le milliardaire Steve
Forbes.
En d’autres termes, cela sent le parti républicain à
plein nez et est d’autant plus significatif que ces
organisations, tout comme celles du fondamentalisme chrétien (Focus on the family en particulier,
dont des membres participent aux tea parties), pratiquent avec efficacité l’astroturfing. Le terme vient de
l’Astrodome, le stade de baseball de baseball de
Dallas, Texas, qui a été le premier, en 1966, à avoir
été revêtu du gazon (turf) artificiel élaboré par la
firme Monsanto. Astroturfing signifie par extension le
montage de manifestations dites spontanées, manipulation qui n’est pas proprement américaine et ne
se limite pas au politique, de grands groupes d’affaires (Wal-Mart, Monsanto, les industriels du médicament entre autres) y recourant d’abondance.
The pitbull with lipstick
Si le phénomène des tea parties doit être pris en
compte, c’est aussi que les 2tats-Unis sont entrés de
facto dans la campagne des élections de mi-mandat
(nous en sommes au début de la phase de sélection
des candidats) et que, sur la base de certains sondages et des résultats d’élections partielles, le mouvement pourrait contribuer à la victoire des républicains, répétant ainsi ce qui s’était passé en 1994. En
novembre de cette année là, alors que l’administration Clinton avait échoué à faire adopter sa réforme
du système de santé, les Républicains étaient parvenus à conquérir 9 sièges de sénateurs et 52 de
représentants, raz de marée qui avait obéré le reste
du mandat présidentiel, puis le suivant. Cela n’est pas
1. Neuf membres de la milice chrétienne Hutaree, basée dans le Michigan, ont été arrêtés en mars
10 dernier pour tentatives d’assassinat de policiers.
à exclure, encore que des différences majeures existent: la réforme du système de santé a été adoptée
cette fois-ci, les démocrates ne se sont pas encore
mis en mouvement, la direction du parti républicain
est plongée dans une série de scandales financiers
dont l’un des plus truculents est d’avoir payé le
dégagement d’un de ses agents dans un « club lesbien à thème sadomasochiste ».
Il est vrai que le tea party movement marque la mobilisation d’une partie de l’électorat républicain. Tous
les sondages convergent en effet pour indiquer que
les participants à ce mouvement sont très majoritairement des électeurs de ce parti : 77% avaient voté
pour John McCain, 74% s’identifient comme républicains et 82% ont une opinion défavorable du parti
démocrate. Mais leur agitation, la présence de l’extrême droite, la violence des propos, les calomnies
déversées, l’ignorance crasse des faits (2% seule-
LRI
regard sur la politique aux États-Unis
TEA or COFFEE
ment des activistes savent que le plan de relance
comprend des réductions d’impôts), les menaces
physiques adressées à des élus démocrates, mais
aussi républicains modérés, risquent d’éloigner ces
derniers et ceux que l’on appelle les électeurs non
affiliés. Karl Rove, le « cerveau » du jeune Bush,
recommande de débarrasser le mouvement de sa
« frange cinglée » (lunatic fringe), cependant que Dan
Qayle, le vice-président de Bush l’Ancien, craint un
nouvel « effet Perot », c’est-à-dire la division au sein
d’un électorat républicain partagé entre les candidats officiels et ceux soutenus par le tea party
movement 2.
Plusieurs candidats aux candidatures républicaines
se réclament de ce dernier, mais la vedette est
incontestablement Sarah Louise Palin qui, après la
défaite aux présidentielles de 2008 et son retrait
des fonctions de gouverneure de l’Alaska en juillet
2009, est devenue l’égérie de la droite enragée. Le
livre qui porte sa signature, « Going Rogue », dépassera bientôt le million d’exemplaires vendus, ses
prestations oratoires sont facturées 100 000 dollars
l’apparition, elle a prononcé le discours d’ouverture
(keynote speech) de la première convention du mouvement, le 6 février dernier à Nashville, elle participe
au Tea Party Express et apporte son soutien à une
série de candidats. Le personnage est intéressant en
ce qu’il exprime bien le mouvement, notamment
dans son anti intellectualisme, en même temps que
les hantises (les « trois G ») de la droite républicaine. Ses défauts – une ignorance manifeste des
questions, le recours systématique aux imprécations, une connaissance hésitante des ressources de
la langue américaine – la servent auprès des
convaincus, tout comme les ambiguïtés calculées de
sa posture. Ne joue-t-elle pas de la séduction de la
femme mûre, que Bill Clinton, fin connaisseur en ces
sujets, avait reconnue en son temps et que la considérable « industrie du désir » a vite exploitée sous
ses multiples variantes – de la bibliothécaire coquine
(naughty librarian), mais ce peut être une infirmière,
une professeure ou une secrétaire, le principal étant
le port de lunettes, jusqu’à la « soccer mom », en passant par la cougar et la MILF, sigle que la décence
interdit de traduire ici – et de façon parodique 3 ?
Elle électrifie ses auditoires, mais polarise l’opinion
et 75% des sondés estiment qu’elle n’est pas qualifiée pour diriger le pays. En tirant le parti républicain
plus à droite encore, elle risque de donner raison à
Dan Qayle.
The paranoid style
Ce qui se passe renvoie immanquablement à un article de 1964 dans lequel l’historien Richard
Hofstadter définissait et analysait ce qu’il appelait le
« style paranoïaque dans la politique américaine ».
Son champ d’étude immédiat était le maccarthysme,
mais l’auteur montrait que cette tendance était
apparue très tôt dans l’histoire du pays, au début du
XIXème siècle au moins à propos des francsmaçons. Le qualificatif ne signifiait pas que les personnes étaient atteintes de troubles mentaux mais
que, confrontées à des changements qu’elles ne maîtrisaient pas, elles trouvaient refuge dans la croyance
en des complots, en des forces obscures cherchant
à prendre le contrôle du pays et des existences individuelles. On n’en est pas loin aujourd’hui, sous l’effet de deux données, d’une part l’élection du pre-
2. On se souvient que le milliardaire Henry Ross Perot s’était présenté en indépendant aux élections présidentielles de 1992, sur un programme déjà antifiscaliste, et qu’en réunissant plus de 18% des voix,
n’avait pas permis la réélection du ticket Bush/Qayle.
3. « Going Rogue » est souvent traduit par « tourner rebelle », mais cela ne restitue pas les nuances du vocable. Une « soccer mom » est une femme blanche ayant la quarantaine et accompagnant
ses fils à l’entraînement de football. Sarah Palin s’est présentée comme une « hockey mom », sport
plus viril pour un garçon et qui fait de sa mère un « pitbull portant du rouge aux lèvres ». Quant
au terme cougars, il désigne des chasseresses expérimentées.
mier président mulâtre, dont le parcours personnel
a été longtemps atypique et dont les prénoms laissent entendre qu’il n’est pas chrétien, d’autre part,
une crise économique dont l’ampleur et la profondeur ne peuvent que secouer la société.Aussi n’estil pas surprenant, quand bien même cela reste aberrant, que continuent à circuler les rumeurs selon
lesquelles Barack Hussein Obama ne serait pas américain (les propagateurs de ces ragots démentis à
maintes reprises sont appelés birthers) mais étranger, qui plus est « communiste caché » (obamunism),
que son administration serait en train de préparer
des camps de concentration et que le recensement
décennal en cours de la population, pourtant rendu
obligatoire par la sacro-sainte constitution, en est
l’étape statistique, en même temps qu’un prétexte à
modifier la répartition des sièges de représentants
pour mieux imposer un régime dictatorial.
Cette explication reste néanmoins insuffisante, car
elle laisse dans l’ombre la pratique de l’astroturfing
déjà évoquée, n’explore pas assez la sociologie politique du mouvement ni son idéologie. On a souvent
expliqué la longue emprise des républicains par le
fait qu’ils étaient parvenus à attirer à eux, sur la base
des « valeurs « (les trois G), une partie des couches 11
LRI
regard sur la politique aux États-Unis
TEA or COFFEE
populaires blanches que les mutations de l’appareil
productif et le creusement des inégalités affectaient
puissamment, à un moment où le parti démocrate,
leur défenseur traditionnel, s’était détourné vers les
nouvelles couches moyennes tirant profit de la
« nouvelle économie ». Ce n’est pas entièrement
faux et peut être relié tant à la politique suivie pendant les deux mandats de Bill Clinton qu’à l’affaiblissement spectaculaire du mouvement syndical.
Pourtant, les enquêtes indiquent que les membres
du tea party sont très majoritairement membres des
couches moyennes vivant dans les banlieues aisées
ou cossues, et nombre des animateurs viennent des
mondes de la finance, des médias et de l’immobilier.
On a donc plutôt affaire à ce que l’on appelle des
suburbian warriors, des « combattants de banlieue »
outrés de ce qu’un mulâtre éduqué, excellent orateur et entouré d’une famille modèle ait pu accéder
aux fonctions suprêmes et, au-delà de cette haine
personnelle à son encontre, outragés à l’idée que
l’État cherche à répondre à certains besoins sociaux.
Nous avons volontairement refusé d’utiliser le
terme « populisme », qui est également largement
utilisé aux États-Unis et souvent avec une connotation favorable, car c’est devenu un mot-valise par
lequel on recouvre aussi bien les Gracques de la
4. Thomas Frank est l’auteur de plusieurs ouvrages dont deux traduits en français chez Agone, « Le
Marché de droit divin. Capitalisme sauvage et populisme de marché » (2003) et « Pourquoi les pauvres votent-ils à droite » (2008). « Rosie la riveteuse », titre d’un tableau de Norman Rockwell, était
devenue le symbole des femmes entrées en usine pendant la seconde guerre mondiale et certains se
souviennent peut-être du film « Norma Rae » qui montrait l’engagement syndical d’une ouvrière du
sud des États-Unis et avait valu à son interprète, Sally Field, un Oscar d’interprétation féminine.
12
Rome antique que les narodniki russes et,
aujourd’hui Hugo Chavez ou Evo Morales comme
les organisations xénophobes qui prolifèrent en
Europe. Par contre, le concept de « populisme de
marché » (market populism) qu’a élaboré Thomas
Frank (« The Nation », 12 octobre 2000) mérite
d’être creusé. Écrivant au moment où s’achevait le
deuxième mandat de Bill Clinton et alors que tout
le monde ne jurait que par la « nouvelle économie »,
l’auteur estimait qu’un consensus apparent s’était
formé pour reconnaître que le marché, et non l’intervention publique ou l’organisation du corps
social, était en définitive le seul à permettre, dans
tous les domaines et de façon quotidienne, le libre
choix des individus et, par là, l’expression des désirs
personnels et collectifs. En bref, si on définit le populisme comme un mouvement cherchant à donner
une voix aux sans voix, un pouvoir au « peuple maigre » (popolo minuto) face au « peuple gros » (popolo
grasso), le marché est la forme la plus élevée qu’il
puisse atteindre. Bien entendu, l’Internet y avait
contribué au point de faire de Bill Gates une icone
nationale et planétaire, alors que « Rosie the riveter »
ou Norma Rae sont passées aux oubliettes de l’histoire, mais est loin d’être le seul facteur 4. Or, la
crise a brisé le consensus et le tea party movement
peut s’analyser comme la protestation de ceux qui
s’attachent encore à cette illusion. Ce que l’on
attend, c’est une mobilisation culturelle, citoyenne et
sociale d’une autre nature. Le lancement récent d’un
coffee party movement ne saurait en être qu’une
esquisse.
Patrice Jorland
collaborateur des Relations internationales