Amnesty International - Université de Fribourg

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Amnesty International - Université de Fribourg
Université de Fribourg/Suisse
Séminaire de sociologie
Amnesty International
La Convention des Droits de l’Enfant et Amnesty International
–
Déconstruction de l’image des enfants soldats donnée par
Amnesty International
« L’enfant travailleur : déconstruction d’un concept»
SH/SE 2005/06 (Ass. Dipl. F. Manghardt)
Présenté par :
Matthias Gnädinger, [email protected]
Natalie Schwarz, [email protected]
Marie-Louise Jossi, [email protected]
Tables des matières
Introduction………………………………………………………………………… 3
1.
Présentation d’Amnesty International………………………………………. 3
1.1. Un bref aperçu de l’histoire d’Amnesty International……………………… 3
1.2. Les objectifs d’Amnesty International aujourd’hui………………………… 4
1.3. Les valeurs d’Amnesty International……………………………………….. 4
1.4. Cadre structurel……………………………………………………………... 5
1.5. La manière d’agir d’Amnesty International………………………………… 5
2.
Les Droits de l’Enfant : la nouvelle vision de la vulnérabilité……………… 6
2.1. La Convention et Amnesty International…………………………………… 7
2.2. La position d’AI dans un discours concernant les enfants..............................8
3.
Un bref aperçu du cas des enfants soldats…………………………………… 10
3.1. Résumé du contenu du Protocole facultatif………………………………… 11
4.
Analyse du site web d’Amnesty International..................................................11
5.
Le dossier « Les armes sous contrôle ! et Halte aux enfants soldats ! »…….12
5.1. Un bref aperçu sur la situation des enfants soldats…………………………. 13
5.2. Analyse du dossier « Les armes sous contrôle ! et
Halte aux enfants soldats ! »…………………………………………………….. 14
6.
La brochure ‘point chaud’ – « J’ai dû tuer... »……………………………… 16
Conclusion…………………………………………………………………………... 18
Bibliographie………………………………………………………………………... 20
2
Introduction
Quand nous avons choisi Amnesty International comme ONG, nous avons eu l’idée de
déconstruire l’image de l’enfant travailleur donnée par AI1. Après une visite au Secrétariat à
Berne, nous avons dû constater que l’organisation disposait de très peu des documents et
publications concernant ce sujet, en outre elles dataient du début des années quatre-vingt-dix.
Pensant qu’il nous fallait des documents plus actuels et en étant fixés sur l’idée ‘enfant’ et
‘travail’, (car le titre du séminaire est «l’enfant travailleur: déconstruction d’un concept»)
nous avons d’abord hésité à abandonner AI et choisir une ONG qui se dédie uniquement aux
enfants travailleurs…
C’est à ce moment que nous avons consulté la page web d’AI, et que nous avons trouvé la
campagne contre l'absence de contrôle sur le commerce des armes et contre le recrutement
d'enfants soldats. Nous avons décidé alors de nous concentrer sur le phénomène d’enfants
soldats (un phénomène qui constitue, selon AI, une forme de travail), en considérant le but
principal de l’organisation qui est de faire respecter les droits humains.
AI est une ONG plutôt ‘ancienne’, un fait qui nous permet de démontrer le changement de
l’organisation dans la perception qu’elle a de l’enfant et son engagement pour une meilleure
protection des enfants. Concernant l’analyse, nous nous basons aussi sur quelques textes que
nous avons lus en séminaire. Dans l’autre partie du travail, nous essayons de déconstruire
l’image de l’enfant soldat donnée par AI en considérant la campagne complète de
l’organisation qui inclut la contrôle sur le commerce des armes.
1. Présentation d’Amnesty International
1.1. Un bref aperçu de l’histoire d’Amnesty International
En 1961, deux étudiants portugais sont condamnés à sept ans de prison pour avoir levé leurs
verres à la liberté. Cette nouvelle choque profondément l’avocat londonien Peter Benenson,
qui publiera le 28 mai 1961 dans les colonnes de l’hebdomadaire britannique The Observer un
article intitulé «les prisonniers oubliés». Il dénonce les gouvernements qui emprisonnent,
torturent ou exécutent des gens à cause de leurs opinions ou leur appartenance à une religion
et lance un appel au publique de s’unir contre ces injustices.2
Avec l’article, Benenson réussi à mobiliser l’opinion publique: son appel a été traduit et repris
par plusieurs journaux européens, et en l’espace de quelques semaines Peter Benenson a reçu
des milliers de réponses de personnes prêtes à soutenir son projet. Tout s’est ensuite enchaîné
1
2
À la place de l’expression « Amnesty Internacional », nous allons utiliser l’abréviation « AI ».
AI, La naissance d’Amnesty International en Suisse, p. 4.
3
très vite. Deux mois après la publication de l’appel, une douzaine de délégués de GrandeBretagne, d’Irlande, de France, d’Allemagne et de Belgique se sont retrouvés à Luxembourg
pour créer formellement AI.3
Au début, la libération des prisonniers de conscience est la demande principale d’AI, mais peu
à peu, l’organisation étendit son mandat. Elle commença à faire campagne contre la torture
(1972) et contre la peine de mort (1977) et étendit cette prise de position aux exécutions
extrajudiciaires et aux «disparitions des gens». AI n'a cessé ensuite de se développer et de se
faire connaître. L'organisation a également beaucoup évolué en quarante ans. De la défense
des prisonniers de conscience, elle est passée à la défense générale des droits humains. 4
1.2. Les objectifs d’Amnesty International aujourd’hui
Sensibilisation aux droits humains: AI s'efforce de susciter l'adhésion à la Déclaration
universelle des droits de l'Homme et aux autres instruments internationalement reconnus en la
matière et aux valeurs sur lesquelles reposent ces textes. AI défend l'indivisibilité,
l'interdépendance et l'universalité de tous les droits humains.5 Dénoncer les violations graves
des droits humains: AI mène continuellement des recherches sur les situations des droits
humains de par le monde et engage des actions contre des violations spécifiques des droits de
la personne (contre la torture et la peine de mort, par exemple). Les appels d'AI s'adressent
avant tout aux gouvernements qui ne remplissent pas leur devoir de garantir les droits
fondamentaux des citoyens et citoyennes de leur pays. AI lutte également contre les
homicides arbitraires et les prises d'otages commis par des groupes d'opposition armés.6
1.3. Les valeurs d’Amnesty International
La solidarité internationale: AI réunit des hommes et des femmes de provenances et de
cultures très diverses qui expriment ensemble leur solidarité avec les victimes de violations
des droits humains, ainsi que les défenseurs de ces droits. En outre, AI travaille dans le monde
entier, indépendamment des mises en avant médiatiques de telle région ou de tel pays.7
L'universalité et l'indivisibilité des droits humains: Indépendamment des facteurs culturels
ou économiques, AI lutte pour le respect intégral des droits tels qu'ils sont énoncés dans la
Déclaration universelle des droits de l'Homme.8 L'impartialité et l'indépendance : AI ne
3
Op.cit,, p.4.
http://www.amnesty.ch/f/af/a41f.html
5
http://www.amnesty.ch/f/af/a21f.html
6
Op.cit., online.
7
Op.cit., online.
8
Op.cit., online.
4
4
soutient ni ne s'oppose à aucun gouvernement ou système politique, elle ne défend ni ne
condamne les opinions des personnes dont elle cherche à protéger les droits.9
1.4. Cadre structurel
Le siège mondial de Londres : Le secrétariat international d’AI se trouve à Londres et
occupe une position clé au sein de l’organisation. C’est lui qui fait parvenir aux sections et
aux groupes nationaux tous les documents nécessaires avec des informations concernant les
violations des droits humains dans le monde. Organisation de la Section suisse : Le centre
de la Section suisse est le Secrétariat de Berne. C’est là que les informations en provenance du
Secrétariat international sont traitées, les actions et les campagnes planifiées et adaptées. Dans
toute la Suisse, il y a des groupes locaux qui mènent des actions et essaient de sensibiliser les
gens envers les violations des droits humains dans le monde. Financement : Le travail d’AI
se finance par des dons privés, et AI refuse catégoriquement d’accepter des donations des
gouvernements pour garder son indépendance et sa crédibilité.
1.5. La manière d’agir d’Amnesty International
Campagnes: Les campagnes menées par AI visent à améliorer la situation des droits humains
tant sur le plan juridique que sur celui de la conscience de la population. Dans ce but, un
rapport soigneusement détaillé sur la situation des droits humains dans un pays ou sur un
thème est publié. Les revendications sont les mêmes dans le monde entier. Elles sont
exprimées dans le cadre d'actions, par l'écriture de lettres d'appel ou par le travail de lobbying
auprès d'instances nationales et internationales. (En Suisse, le Secrétariat d’AI à Berne est en
contact permanent avec un groupe parlementaire qui s’engage pour des questions concernant
les droits humains). Le travail d'investigation sur le terrain, ainsi que les actions à envisager,
nécessitent la collaboration avec des organisations locales de défense des droits humains.10
Travail pour des cas individuels: Les Actions urgentes sont des actions qui permettent de
faire les évaluations les plus précises en termes de résultats : dans un tiers des cas, les
revendications les plus urgentes ont été satisfaites, comme la visite d'un médecin ou d'un
avocat. On constate également de tels succès avec les « Lettres contre l'oubli » ou les
pétitions. Selon AI, l'arrivée de lettres a une influence positive sur le comportement du
personnel des prisons vis-à-vis des détenus et détenues. Cela, même si les lettres sont
confisquées. Très souvent, il se révèle que les appels envoyés représentent un signe de
9
Op.cit., online.
http://www.amnesty.ch/f/af/a51f.html
10
5
solidarité ne soutenant pas uniquement les prisonniers, mais également leur famille et leurs
proches.11
2. Les droits de l’enfant et Amnesty International: La nouvelle vision de la
vulnérabilité
En 1980, L’assemblée du conseil international d’AI12 reconnaissait que les enfants sont
particulièrement vulnérables quand leurs parents sont emprisonnés ou exposés à la torture ou
à la peine de mort. Le conseil décida alors de prendre ces cas au sérieux et, en plus,
d’accorder plus d’importance aux enfants qui sont victimes de violations des droits humains.
En outre, le conseil décida d’échanger des informations concernant des enfants avec d’autres
ONGs et de publier un rapport spécial consacré aux enfants.13
Pourquoi l’organisation a-t-elle commencé à s’intéresser aux enfants en 1980, et pas plus tôt ?
Un aspect que nous avons trouvé dans le texte de A. James et al.14 qui pourrait expliquer le
manque d’intérêt d’AI vis-à-vis des enfants concerne la théorie classique de la socialisation.
Cette théorie, étant prédominante pendant les années soixante et soixante-dix, considérait les
enfants comme des personnes immatures, irrationnelles, incompétentes, asociales et
aculturelles; et les adultes comme des personnes mûrs, rationnelles, compétentes, sociales et
indépendantes. Dans cette théorie, enfants et adultes représentent deux différents exemples de
l’espèce humaine, la socialisation étant le procès qui transforme l’enfant asocial en adulte
social.15
Pendant les années soixante et soixante-dix, AI défendait des droits humains politiques et
civiques, des droits alors qui concernaient alors surtout des personnes sociales, indépendantes
et rationnelles ‘capables’ de faire le choix de s’exprimer politiquement. Une déclaration faite
pendant les années quatre-vingt par l’ancien chef de la recherche d’AI, Mike McClintock,
paraît confirmer l’ancienne vision qu’AI avait des enfants:
«It is important when we talk about children and human rights that we see children not only as
passive victims, but also as real people, like grown-ups.»16
Alors, serait-ce plutôt par hasard que l’organisation commence à s’intéresser aux enfants
justement en 1980, ou est-ce la conséquence d’un événement qui advint pendant ce temps?
Dans le même texte de A. James et al., nous avons trouvé un commentaire intéressant qui
11
Op.cit., online.
Les desicions principales d’AI sont pris dans l’assemblée du conseil international. Le conseil se réunit tous les
deux ans pour réviser le mandat d’AI.
13
Amnesty International, Childhood stolen, p. 1.
14
A. James & A. Prout, Constructing and Reconstructing Childhood, p. 13.
15
Op.cit., p. 13.
16
Amnesty International, Childhood stolen, p.1.
12
6
pourrait servir d’explication. Selon les auteurs, c’est en 1979 que «l’Année Internationale de
l’Enfant» se fêta pour la première fois, justement un an avant qu’AI ne reconnaisse la
vulnérabilité des enfants. Dans les discours officiels des organisations internationales comme
l’OMS ou UNICEF concernant les enfants, l’émergence d’un nouveau concept qui soulignait
«l’unité des enfants du monde» soulevait des contrastes évidents:
«The West was confronted with images of childhood that contrasted strongly with those familiar
to them. The consequences of famine, war and poverty for children threw the very idea of
childhood into stark relief. The ‘world’s children’ united ‘our’ children and ‘their’ children only
to reveal the vast differences between them».17
C’est peut-être cette nouvelle notion qui sensibilisa AI à la cause des enfants, en touchant les
valeurs fondamentales de l’organisation comme l'universalité et l'indivisibilité des droits
humains.
Quatre ans après la décision de l’assemblée du conseil international, la Section Britannique
d’AI est la première à établir un groupe spécialisé (Working Group for Children) qui lutte
contre la violation des droits humains concernant les enfants. Progressivement, un réseau
national et international se forma, et AI est une des 40 ONG à être impliquée dans la
formulation de la Convention Internationale des Droits de l ‘Enfant (adoptée en novembre
1989 par l’Assemblée Générale des Nations Unies).18 AI encourage activement la ratification
parmi les pays qui ont signé la CDE19,20 et quand la Convention entra en vigueur en
septembre 1990, plus de 95% des pays de la planète l’ont ratifiée. Ce fut la première fois dans
l’histoire des traités sur les droits de l’homme qu’une Convention fut ratifiée par autant de
pays en aussi peu de temps.21
2.1. La Convention et Amnesty International
La Convention s’occupe des droits civils et politiques, ainsi que des droits économiques,
sociaux et culturels, avec «le meilleur intérêt de l’enfant» comme base principale de la
Convention. La plus grande partie de la Convention, particulièrement les droits sociaux,
économiques et culturels, tombe en dehors du foyer principal du travail de campagne d’AI.22
Cela ne signifie pas qu’AI soutien seulement une partie de la Convention, on contraire: La
promotion des droits humaines internationalement reconnus fait partie du mandat d’AI.23 Pour
donner un exemple, AI n’est pas impliqué dans des campagnes contre le «child labour» en
17
A. James & A. Prout, Constructing and Reconstructing childhood, p.1.
Amnesty International, Childhood stolen, pp. 2-5.
19
À la place de l’expression « Convention des Droits de l’Enfant », nous allons utiliser l’abréviation « CDE ».
20
Op.cit., p. 62.
21
UNICEF, Guide de formation sur les droits de l’enfant, préface p. I.
22
Amnesty International, Childhood stolen, p. 11.
23
Op.cit., p. 13.
18
7
général, mais l’organisation prend position contre des cas d’esclavage ou de travail forcé si le
gouvernement est impliqué ou complice dans des détentions prolongés.24 D’autre part, des
droits comme la liberté d’expression, la liberté de pensée, de conscience, de religion et la
liberté d’association, qui sont au cœur du travail d’AI, sont préservé aux Articles 13, 14 et
15.25
2.2. La position d’AI dans un discours concernant les enfants
Au début des années quatre-vingt-dix, un guide a été publié pour l’UNICEF en collaboration
entre autres avec Amnesty International Belgique qui s’appelle « Les droits de l’enfant : cela
vous concerne aussi ». Ce guide est à disposition de tout le monde et a pour but d’informer sur
les Droits de l’enfant. Nous avons donc choisi ce guide car nous supposons qu’AI peut bien
s’identifier avec son contenu. Le guide fait référence à l’évolution du regard sur les enfants
dans la société occidentale et conclue que le regard porté sur l’enfant a toujours été déterminé
par la question de la capacité ou de l’aptitude des enfants.
AI propose une brève rétrospective de comment cette question a été abordée sur le plan
juridique au fil du temps. Par exemple, on apprend que c’est lors de la période du
Rationalisme et en particulier avec la philosophie du siècle des Lumières que les enfants »
sont découverts comme un groupe social en tant que tel. À cette époque, ils étaient considérés
comme les « futurs bâtisseurs » ou les « richesses de demain ». En mettant l’accent sur l’idée
de « futur » et de « progrès », les enfants sont devenus des personnes « pas encore
accomplies » : ils ne savent pas encore, ils ne peuvent pas encore, ils ne sont pas encore. Ce
statut devient leur principale caractéristique pour les distinguer comme un groupe social à
part.26
Selon AI, il y a eu un véritable tournant pendant les années soixante. L’année 1963 restera
assez symbolique dans ce domaine car le « syndrome de l’enfant battu », c’est-à-dire le
phénomène de la maltraitance infantile a attiré l’attention sur les conséquences néfastes de
l’adulto-centrisme. Le statut du « pas encore » et de « l’enfant objet » à été sérieusement
remis en question par des acteurs de divers secteurs. L’exigence principale de ce qui sera
devenu entre-temps le « mouvement en faveur des droits de l’enfant » est de considérer
l’enfant comme un sujet et un citoyen à part entière. Les enfants sont porteurs des droits de
l’homme aussi et ils peuvent très bien les exercer eux-mêmes. C’était entièrement nouveau
pour l’époque car auparavant on avait jamais dénoncé l’âge comme un critère de
24
Op.cit., p. 59.
Op.cit., p. 11.
26
UNICEF, Guide de formation sur les droits de l’enfant, partie I, pp. 1-2.
25
8
discrimination. Au cours de ces dernières années, l’idée de l’enfant porteur de droits a
recueilli un consensus de plus en plus large. Évidemment, on débat encore toujours pour
savoir s’ils sont capables sur le plan juridique d’exercer personnellement ces droits.
L’argument principal et récurrent qui va à l’encontre des droits de l’enfant et de son
autonomie sur le plan juridique se fonde sur son incapacité présumée à prendre des décisions
réfléchies. Selon cette conception, les enfants ne seraient pas suffisamment mûrs sur le plan
physique mais aussi intellectuel et émotionnel, et manqueraient d’expérience pour savoir où
se situe leur intérêt. Ce débat sur la capacité de l’enfant se trouve de plus en plus souvent au
centre des discussions qui touchent aux droits de l’enfant. Actuellement, on conteste de plus
en plus la validité, la justesse et la pertinence de l’argument d’incapacité.27 Cette rétrospective
confirme la constatation de Cunningham que l’enfance est un ensemble d’idées changeantes.
La notion d’enfance doit être étudié comme un ensemble dans la société puisqu’il y des
facteurs primordiaux comme l’économie, la démographie et la politique qui ont changé la
vision de l’enfance.28
Comme dans le guide, Boyden critique aussi le fait que la CDE considère les enfants comme
passifs. Elle ne donne pas la possibilité aux enfants de s’exprimer sur leur propre situation.
Protéger les enfants c’est aussi leur donner un rôle actif29 :
« For some, the idea that children might take an active part in decision-making [...] is still be
very novel. But this is hardly logical [...]: if children are old enough to collect fodder and fuel,
look after siblings and work for waged labour, they are certainly old enough to consult about
decisions which effect their developpement. [...] Children are protagonists and not passive
recipients: ‘children ... are social actors in their own social, economic and cultural contributions
to society. »30
Nous osons formuler l’hypothèse qu’AI a également d’une certaine manière un regard critique
sur la CDE. On peut le constater dans le fait que le guide tient compte du discours actuel sur
les Droits de l’Enfant et de toutes ses controverses. Le guide examine aussi quelques
initiatives31 actuelles dans le monde qui sont apparues depuis la mise en application de la
Convention. Avec un bref aperçu des initiatives, AI nous montre quelques déficits dans la
CDE, même si elle n’agit pas personnellement pour une révision basique de cela. Mais dans la
prochaine partie, nous allons voir un exemple d’une situation ou AI s’engage pour améliorer
un passage du CDE qui était perçu comme insuffisant par l’organisation.
27
Op.cit., p. 3.
H. Cunningham, Children and Childhood, pp. 1-4.
29
J. Boyden, Childhood and the policy makers, p. 222.
30
Op.cit., pp. 222-223.
31
La défense des intérêts des enfants ; L’étude de l’enfant (l’étude sur les perspectives des enfants comme une
contribution importante au développement d’un cadre pour les droits de l’enfant) ; Participation par les enfants
eux-mêmes ; Développement de réseaux.
28
9
3. Un bref aperçu du cas des enfants soldats
Après la seconde guerre mondiale, l’âge minimum pour le recrutement dans les forces armées
et la participation aux hostilités était fixé à 15 ans dans le droit international. Cette limite a été
établie parce qu’elle correspondait à l’âge de la fin de l’école dans les pays occidentaux.32
Dans la Convention relative aux droits de l’enfant, l’âge minimal d’enrôlement dans les forces
armées a aussi été fixé à 15 ans, sous la pression de divers pays en développement. Les pays
industrialisés espéraient une limite supérieure. Selon AI Belgique, il est évident que sans ces
compromis, la CDE n’auraient été ratifiée que par une minorité d’Etats.33 Selon d’autres
sources, de «vigoureux efforts» auraient été effectués par des ONG, le CICR, diverses
agences des Nations Unies en un «certain nombre d’Etats», afin que l’âge minimum pour le
recrutement soit fixé à 18 ans – en accord avec la définition de l’enfant selon la Convention –
mais un petit nombre d’Etats s’y sont résolument opposés, notamment les Etats-Unis.34
En 1992, lors de la Journée thématique sur les enfants dans les conflits armés organisée par le
Comité des droits de l’enfant, il a été recommandé qu’un Protocole facultatif soit rédigé et
annexé à la CDE afin d’élever l’âge de l’enrôlement et de la participation aux hostilités à 18
ans. En 1995, la Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme a créé un Groupe
de travail à composition non limitée afin d’entreprendre cette tâche. Le Comité lui a soumis
une proposition de texte pour considération. Trois ans après, en 1998, et quatre sessions de
Groupe plus tard, on était encore loin d’un accord effectif.35
Dans la même année, et à la suite de l’incapacité du Groupe de travail d’arriver à un accord
sur le texte du Protocole facultatif lors de la session de février 1998, une coalition
internationale a été fondée par des ONG, avec AI comme membre au comité de coordination,
contre l’engagement d’enfants soldats en mai 1998.36 Son but était de lutter contre le
recrutement d’enfants soldats, et elle s’est battue pour la signature du Protocole additionnel où
le recrutement est interdit. Finalement, le Protocole a été adopté par l’Assemblé Général de
l’ONU en mai 2000 et est entré en vigueur le 12 février 200237 était signé par 96 pays, mais
seulement 14 pays l’ont ratifié immédiatement.38 Selon AI Suisse, Le Protocole a été ratifié
jusqu’à aujourd’hui par 77 pays dont la Suisse.39
32
UNICEF, Non aux enfants soldats, p. 11.
UNICEF, Guide de formation sur les droits de l’enfant, partie VI p. 4.
34
UNICEF, Non aux enfants soldats, p. 11.
35
Op.cit., pp. 11-12.
36
Op.cit., p. 12.
37
Amnesty International, Controlarms, p. 5.
38
Neue Zürcher Zeitung, Abkommen zum Verbot von Kindersoldaten, 13. Februar 2002.
39
Amnesty International, Controlarms, p. 6.
33
10
3.1. Résumé du contenu du Protocole facultatif
L’âge minimum de participation directe aux hostilités est porté à dix-huit ans dans le
Protocole facultatif. Par ailleurs, ce dernier interdit que les moins de dix-huit ans fassent
l'objet d'un enrôlement obligatoire dans les forces armées et exhorte les Etats parties à relever
à quinze ans l'âge minimum de l'engagement volontaire. Les pays qui autorisent l’enrôlement
volontaire dans les forces armées nationales avant l'âge de dix-huit ans sont appelés à mettre
en place des garanties strictes. Enfin, toujours en vertu du Protocole facultatif, les groupes
armés qui sont distincts des forces armées d'un Etat ne doivent en aucune circonstance enrôler
des personnes de moins de dix-huit ans, que celles-ci soient volontaires ou non.40
4. Analyse du site Web d’Amnesty International
AI présente son nouveau site web (www.amnesty.ch) d’une manière très professionnelle,
clairement ordonnée et riche en information. À la page d’accueil sur le site web d’AI on
constate à première vue des sujets d’actualités qui varient d’ailleurs selon la section française,
allemande ou italienne. Chaque sujet d’actualité invite le visiteur avec une photo et une petite
introduction du site web à s’informer plus profondément. Sur cette page d’accueil, nous
pouvons choisir les chapitres suivants : actualités, dossiers, thématiques, pays, s’engager,
soutenir AI et à propos d’amnesty. Il y a une section (Youth) qui s’adresse spécialement aux
jeunes. Ils sont invités de s’engager dans des groupes de travail qui existent dans toutes les
régions en Suisse.
Le site a comme but général d’informer le public sur les violations de droit d’hommes dans
une grande palette de domaines, de manière neutre et rationnelle. Nous n’avons pas trouvé des
photos grave de violations des droits d’humains, mais plutôt neutre et de bonne qualité. Il y a
souvent un chapitre « faits et chiffres » ajouté aux différents thèmes pour que le lecteur puisse
s’informer objectivement et en détail. Par contre les sources de ces faits et chiffres ne sont pas
toujours indiquées. On trouve même une liste des arguments contre la peine de mort, mais les
arguments pour la peine de mort manquent. Bien sûr qu’AI veut aussi générer des dons que
ça soit avec des dons uniques et réguliers ou avec des legs et l’héritage. Le sigle Zewo
garantit une utilisation consciencieuse du don.
AI travaille de manière professionnelle avec la presse. Elle a un service de presse qui offre des
communiqués de presse et des Newsletters.
40
http://web.amnesty.org/pages/childsoldiers-background-fra.
11
Les enfants sont seulement une part dans le travail d’AI. Le dossier « controlarms41 » nous a
finalement mené au sujet de l’enfant soldat. Ce dossier montre de manière bien structuré avec
des schèmes, des chiffres et des photos la situation actuelle, les causes de l’existence des
enfants soldats et des solutions pour abolir l’engagement de ceux-ci.
En général on conclut qu’il n’y a pas un simple transfert d’information, mais le public est
incité à aider de rendre le monde plus juste ce qui est important pour la motivation des gens
engagés. Comme Christian Herrmanny dit :
« Die eigene Betroffenheit rückt die Entwicklungsproblematik aus der neutralen kognitiv
sachlichen Dimension heraus [...] »42
AI donne l’impression que l’individu peut se battre contre les injustice en s’engagent
financièrement ou en participant à des campagnes en publiant des succès sur le site d’accueil.
5. Le dossier « Les armes sous contrôle ! et Halte aux enfants soldats ! »
Pour une déconstruction du concept « enfant travailleur », nous avons choisi la thématique des
enfants soldats présentée par AI. sur le site Web d’AI, nous sommes tombés sur la campagne
mondiale « Les armes sous contrôle ! » qui est accompagnée par le dossier thématique « Les
armes sous contrôle ! et Halte aux enfants soldats ! ». Ce dossier est la seule (meilleure)
source pour analyser l’image des enfants soldats donné par AI. Comme déjà mentionné dans
le chapitre 1.5. La manière d’agir d’AI, les campagnes d’AI visent à améliorer la situation des
droits de l’Homme sur le plan juridique et sur celui de la conscience de la population. Nous
avons donc déjà vu qu’AI ne fait pas de l’intervention.
Comme le titre du dossier l’indique, l’information se référe à l’absence de contrôle sur le
commerce des armes et aux enfants soldats. La partie A du dossier « Les armes sous
contrôle ! » informe sur l’usage abusif des armes qui sont à l’origine de nombreuses violations
des droits humains. Le perfectionnement rapide des armes légères (armes de petit calibre)
joue un grand rôle dans l’augmentation de la pauvreté et de la souffrance humaine. Le but
d’AI est d’établir un texte juridiquement contraignant sur le contrôle des armes. La partie B
« Halte aux enfants soldats ! » fait le lien entre le commerce des armes sans contrôle et les
enfants soldats :
« L’absence de contrôle du commerce des armes est une cause importante de l’augmentation du
nombre d’enfants au service de forces armées : les armes légères peuvent être livrées sans
problème partout dans le monde et sont – au sens du terme – de plus en plus enfantines à
utiliser. »43
41
www.fra.controlarms.org/pages/findout-fra
C. Herrmanny, Strassenkinder brauchen Spenden, p. 144
43
Amnesty International, Controlarms, p. 11.
42
12
La stratégie d’AI pour cette campagne est donc de sensibiliser les gens au commerce des
armes par l’exemple des enfants soldats. La campagne s’occupe particulièrement du
commerce des armes, mais promets un arrêt du phénomène des enfants soldats comme une
conséquence positive d’un contrôle du commerce des armes.
5.1. Un bref aperçu sur la situation des enfants soldats
AI estime le nombre d’enfants soldats dans le monde à 300'000, la plupart se trouvent en
Afrique et en Asie. Des gouvernements et des groupes d’opposition qui utilisent des enfants
soldats justifient cet engagement des enfants par un manque de soldats adultes. Mais on doit
prendre en considération que les jeunes soldats coûtent moins cher que les adultes. Il est plus
facile de s’en passer, ils sont plus faciles à éduquer et à manipuler que les adultes. La plupart
des enfants soldats ont entre 15 et 18 ans et l’âge de recrutement porte souvent six ans.
Certains sont recrutés sous la contrainte alors que d’autres s’engagent volontairement.
Quelques-uns espèrent pouvoir assurer ainsi la survie de leurs proches par un revenu.
AI critique fortement l’engagement des enfants soldats. Nous aimerions citer ici un extrait du
dossier. Nous y reviendrons lors de l’analyse pour montrer et examiner le style de rédaction
d’AI :
« Les enfants soldats sacrifient leur enfance pour satisfaire l’ambition politique ou militaire de
leurs chefs. Tandis que beaucoup d'enfants et d’adolescent[s] doivent combattre directement en
première ligne, on abuse d’autres en les transformant en espions, messagers, porteurs, cuisiniers,
esclaves sexuels ou serveurs. Du début à la fin de leur engagement militaire, ils sont victimes de
coups, de violences, de privations et d'autres formes de torture. Ils sont forcés de tuer et de
commettre les plus graves violations des droits humains. Dans quelques cas, des enfants sont
poussés au suicide ou deviennent à leur tour des meurtriers, car ils ne peuvent pas supporter plus
longtemps les abus et les humiliations. » 44
Une grande partie des enfants meurt à cause d’un manque d’expérience et à cause de
l’inconscience vis-à-vis du danger dans les conflits armés. Un autre fait est qu’ils sont
souvent attribués à des tâches dangereuses comme l’éclairage et les opérations de
déminage. Pour supporter leur vie de soldats, ils doivent prendre de la drogue ou de
l’alcool. Cela aide à les désinhiber et à les libérer de la peur du combat.
Dans les combats armés, de nombreux enfants sont blessés, mutilés et tués. Même si
certains rentrent physiquement intacts de la guerre, leur enfance est détruite. Un autre
extrait :
« Les démobilisé[s] sont souvent gravement traumatisé[s] et ont du mal à mener encore une vie
« normale ». Ces enfants sont particulièrement vulnérables, parce qu'elles et ils n’ont appris
aucune autre manière de vivre que par la violence des armes. [Ils] se sentent exclu-[s] de la
44
Op.cit., p. 12.
13
société et sont mal préparé[s] pour un nouveau départ ; à tout moment ils peuvent retomber dans
le mode de vie qu’ils connaissent le mieux et utiliser la violence. Souvent, le retour dans leurs
villages n’est plus possible, parce que leur famille les rejettent. »45
Le dossier informe aussi sur le phénomène des « mères enfants »46 et sur leur situation
compliquée après la sortie de l’unité armée. Parce qu’elle sont considérées comme femmes de
soldats, elles n’ont qu’un accès très limité aux programmes de désarmement et de
réintégration.
5.2. Analyse « Les armes sous contrôle ! et Halte aux enfants soldats ! »
Dans une analyse plus générale du dossier « Les armes sous contrôle ! et Halte aux enfants
soldats ! » nous ne pouvons pas prouver qu’AI se sert des enfants soldats pour soutenir sa
campagne mondiale « Contrôlez les armes ! ». C’est vrai que la partie A du dossier fait appel
à la participation de l’action « photo mondiale »47 et que la partie B « Halte aux enfants
soldats » ne contient aucune campagne spécifique pour les droits des enfants soldats (au
contraire, elle recommence par l’information sur la campagne « Contrôlez les armes ! »).
Mais néanmoins, AI prononce des exigences concernant les enfants soldats :
1) L’arrêt immédiat du recrutement et l’engagement, volontaire ou obligatoire, d’enfants de
moins de 18 ans par des gouvernements ou des groupes armés.
2) La démobilisation immédiate des soldats de moins de 18 ans. Comme première étape, ils
doivent être désarmés sans retard, retirés de la ligne de front et protégés des abus, de la
torture et d’autres violations des droits humains.
3) La mise à disposition des enfants démobilisés d’un soutien permettant leur rétablissement
psychique et physique et à leur réintégration sociale. Des possibilités de formation et de
travail doivent être également être mises à leur disposition.48
Avant de revenir à l’image des enfants soldats donné par AI, il faut répéter encore une fois
qu’AI ne fait pas de travail d’investigation sur le terrain. Toutes les informations sur les
enfants soldats et toute action pour défendre des droits humains dépendent d’une
collaboration avec les organisations locales. C’est une des raisons pour lesquelles AI ne donne
pas une image plus approfondie des enfants soldats. On n’apprend rien sur une culture
spécifique aux enfants soldats ou s’ils se présentent comme une catégorie sociale en soi. La
seule information sur leur position dans la société est leur marginalisation (exclusion
fréquente de leur unité d’origine).
45
Op.cit., pp. 11-12.
Ce sont des jeunes femmes dans des unités de combat qui ont été mises enceintes avant d’avoir atteint l’âge de
18 ans.
47
Cf. www.controlarms.org.
48
Op.cit., p. 12.
46
14
AI décrit d’une manière globale la situation des enfants soldats, explique les causes politiques
(guerre) et sociales (pauvreté) à l’existence de ce phénomène et informe aussi sur les
problèmes qui attendent les enfants après la sortie de leur unité armée (réintégration sociale).
Ce qui nous semble intéressant à analyser c’est le style de rédaction. La victimisation des
enfants soldats est la première chose qui frappe pendant la lecture. L’insistance sur la
vulnérabilité des enfants soldats saute également aux yeux. Des expressions comme
« sacrifice de leur enfance », « abus », « recrutement sous contrainte », « ils sont victimes
de... », « ils sont forcés de... », « leur enfance est détruite », « ils se sentent exclus de la
société » etc. interpellent les lecteurs. Nous nous sommes posés la question d’une telle
dramatisation de la situation des enfants soldats?
Premièrement, nous avons constaté que ce dossier n’a pas pour but d’appeler aux dons. On
peut donc exclure que cette image de l’enfant soldat serve à gagner une clientèle. Donc, on
pourrait continuer avec la question : quel est l’objectif de ce dossier ? Herrmanny diffère entre
clarification et information.49 Est-ce qu’AI veut constituer une conscience dans la société sur
la thématique des enfants soldats ou est-ce que AI se limite à montrer des faits (partiels) ? Le
but d’AI est clairement de sensibiliser les gens et de les appeler à l’action. AI sensibilise en
montrant les rapports globaux derrière le phénomène des enfants soldats. Bien sûr qu’AI
gagne l’attention du lecteur avec une telle présentation des enfants soldats, mais comme nous
l’avons déjà dit, il n’y a pas de bénéfice personnel derrière. Bien sûr, on peut se demander si
« vendre des droits de l’homme » pourrait faire partie d’un bénéfice personnel d’AI.
Nous sommes plutôt d’avis que cette image dramatisée des enfants soldats provient de la
conception de l’enfance contemporaine. Depuis que la société occidentale a séparé l’enfance
du monde des adultes, l’image de l’enfant innocent et vulnérable s’est établie. Cette image a
causé premièrement la constitution d’agences qui s’occupent spécialement de montrer
l’exploitation et l’abus des enfants dans le monde :50
“The major tenet of contemporary rights and welfare thinking is that regulation of child life
should give priority to making childhood a carefree, safe, secure and happy phase of human
existence. Most modern strategies of child protection are […] underpinned by theories of
pollution; adult society undermines childhood innocence, thus children must be segregated from
the harsh realities of adult word an protected from social danger.”51
Et deuxièmement, cette image est reproduite par ces agences.
Donc pour finir l’analyse de l’image de l’enfant donné par AI, nous interprétons cette
victimisation des enfants soldat aussi comme une conséquence de la conception de l’enfance
49
C. Herrmanny, Strassenkinder brauchen Spenden, p. 143.
J. Boyden, Childhood and the policy makers, p. 191.
51
Op.cit., p. 191.
50
15
dans les pays industrialisés. Le travail de sensibilisation, c’est-à-dire le style de rédaction
utilisé par AI veut nous choquer mais aussi nous rappeler que la situation des enfants dans le
monde ne correspond pas toujours à celle des pays occidentaux. La thématique des enfants
soldats est un sujet sérieux, une telle dramatisation est compréhensible. Mais pour finir, nous
aimerions souligner encore une fois qu’AI revendique la Convention des Droits de l’Homme,
il est donc évident que la conception de l’enfant et du travail d’AI est influencée par la vision
de la vulnérabilité des enfants qui provient des pays du Nord.52
6. Analyse de la brochure ‘point chaud’, «J’ai dû tuer… »
La brochure ‘point chaud’ qui paraît cinq fois par an, sert à informer et à sensibiliser les gens
aux violations des droits humains dans le monde. Les groupes régionaux ou locaux d’AI
peuvent commander gratuitement quelques douzaines ou même centaines de brochures chez
le Secrétariat à Berne pour les distribuer au public pendant des actions d’information dans la
rue ou pendant une manifestation ou des événements semblables. Les membres et donateurs
d’AI la reçoivent gratuitement par courrier.
Normalement, seulement un sujet particulier est abordé par brochure, le cas des enfants
soldats, titré «J’ai dû tuer…», est apparu dans la brochure de janvier 2004.53 Nous avons
choisi d’analyser cette brochure parce-que le degré de distribution du ‘point chaud’ parmi la
société est relativement élevé, alors beaucoup des gens reçoivent ses informations.
La brochure consiste en six pages, couverture inclue. À part un bref résumé du destin des
enfants soldats, on y trouve des cas exemplaires des enfants, les revendications d’AI et des
extraits de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant et du protocole additionnel.
En outre, la brochure mentionne le travail d’une ONG au Congo qui
se charge de la
réintégration des anciens enfants soldats dans la société, avec le ‘soutient’ (financier ?) d’AI.
Sur la dernière page, l’organisation fait remarquer au lecteur la possibilité de faire un don
online (en plus de la manière traditionnelle par numéro de compte).54
Selon le dossier ‘Controlarms’ que nous avons analysé dans le chapitre précédent, la plupart
des enfants sont âgées de 15 à 18 ans quand ils sont enrôlés dans les rangs des armées
régulières ou dans ceux de groupes d’opposition armés. En suite il est mentionné dans le
dossier que le recrutement peut commencer déjà à l’âge de six ans.55
52
Cf. Chapitre 2 et 3.
“J’ai dû tuer…”, Enfants soldats du Burundi, du Libéria et de la République démocratique du Congo, point
chaud, 1/2004.
54
Op.cit., pp. 1-6.
55
Amnesty, International, Controlarms, p. 11.
53
16
Pour la brochure, AI a choisi exclusivement des exemples d’enfants soldats qui représentent
des cas d’exception: Sur la photo de couverture, on voit un enfant à peu près de six ans, avec
un fusil dans ses mains qui semble beaucoup trop grand pour lui.56 Trois cas exemplaires des
enfants soldats sur la troisième page représentent aussi des enfants âgés de moins de 15 ans:
Le premier, Edouard, a été enrôle à l’âge de sept ans, le deuxième, Robert, à l’âge de neuf et
la troisième, Stéphanie, à l’âge de douze ans.57 Tous les trois sont représentés avec une photo
et leur destin est résumé en trois à quatre phrases, des histoires qui sont assez cruelles et
choquantes.
Sur la deuxième page, AI décrit en quelques mots le destin des enfants soldats, titré ‘Enfance
volée’:
«D’abord, ils sont enrôlés de force. Ensuite, à l’aide de drogues et de violences, les enfants sont
systématiquement dressés à tuer. À partir de là, ils ne peuvent plus échapper à leur sort. Après
quelques années, s’ils ont survécu et retournent à la vie civile, ils se retrouvent totalement
démunis pour vivre une vie dont ils n’ont jamais rien appris.»58
Ce message d’AI pour sensibiliser les gens au problème laisse supposer qu’il existe une
‘carrière’ ou un schéma classique du destin des enfants soldats. Tous sont victime de
«l’exploitation sans défense par des fauteurs de guerre».59 L’aspect de la victimisation joue un
grand rôle dans le message: les enfants sont vues comme des sujets passifs et innocentes qui
sont poussés brusquement dans la réalité cruelle du monde adulte. L’enfance, une période de
protection institutionnalisé par la CDE, «est volée» (voir titre).60 Il ne faut pas oublier que AI
lutte pour que la CDE soit respectée. Et selon l’organisation, le destin des enfants soldats est
«un mépris des droits des enfants […] qui doit absolument être combattu.»61
En tout cas, il reste des questions: Pourquoi l’organisation représente-t-elle les enfants soldats
comme un groupe homogène avec une carrière prédestinée même si l’organisation sait qu’il
n’en est rien ?62 Et pourquoi utilise-t-elle des cas exemplaires d’enfants soldats très jeunes ? Il
faut tenir compte du fait que, dans une brochure, l’espace pour informer les gens est très
limité. Cela peut expliquer que les informations concernant les enfants soldats soient
‘comprimées’. Un autre aspect plus important nous semble la difficulté de «vendre» des droits
humains. D’autres ONGs que nous avons vues dans le séminaire, pour exemple «Planète
56
Amnesty International, “J’ai dû tuer…”, p. 1.
Op.cit., p. 3.
58
Op.cit., p. 2.
59
Op.cit., p. 2.
60
Op.cit., p. 2.
61
Op.cit., p. 2.
62
D’autres publications sont plus différenciées envers le problème, pour exemple la publication « Non aux
enfants soldats », « Controlarms » (un peu moins), mais surtout la publication «In the firing line, war and
children’s rights ». Dans cette dernière publication, on trouve pour exemple: «There are areas where children beg
insistently to join the guerillas, but there are also situations in which their very own mothers, who are desperate,
take their children to the guerrillas because their families live in misery. », p. 58.
57
17
enfants» ou «SOS Enfants», ‘offrent’ des projets concrets au donateur, avec des enfants
heureux qui finalement ont trouvé leur bonheur dans l’institution financée par l’ONG.
Peut-être est-ce ça la raison pour laquelle AI choque et simplifie dans la description d’enfants
soldats et pourquoi l’organisation utilise des cas exemplaires et des photos d’enfants soldats
qui touchent les sentiments des gens. Des gens qu’il faut sensibiliser aux violations des droits
humains dans le monde, et des gens qui sont en même temps des donateurs potentiels.
En novembre 2004, AI a organisé une manifestation contre le recrutement d’enfants soldats
sur le Waisenhausplatz à Berne. Deux anciens enfants soldat ont été engagés pour raconter
leur histoire, un soudanais et une fille d’Ouganda. Il faisait froid, et à part de quelques
membres d’AI il y avait très peu de participants. SF1 (Schweizer Fernsehen) a diffusé la
même soirée un rapport spécial concernant les enfants soldats sur l’émission populaire
‘10vor10’. Le rapport s’appuyait sur la manifestation à Berne et comportait une interview
avec le responsable d’AI de la campagne Controlarms/Non aux enfants soldats. C’est pour ça
que la manifestation a été déclarée officiellement un grand succès, même s’il y avait très peu
de participants. C’est la visibilité qui compte.
Conclusion
AI est une organisation qui existe depuis 1961 et qui a beaucoup évolué avec le temps. De la
défense des prisonniers de conscience en 1961, elle est passée à la défense générale des droits
humains. Le cas des enfants montre que cette évolution peut être relié à des événements qui se
passent dans le monde: On peut dire que la décision d’AI au début des années quatre-vingts
de reconnaître la vulnérabilité particulière des enfants et de prendre les cas des enfants au
sérieux coïncidait avec une nouvelle vision de la situation des enfants dans le tiers monde qui
émergait avec «l’Année Internationale de l’Enfant» en 1979. La décision de l’organisation
d’accorder plus d’importance aux enfants qui sont victimes de violations des droits humains
constituait alors plutôt une adaptation à un nouveau paradigme et n’était pas une nouvelle idée
d’AI elle-même.
L’engagement de l’organisation dans la formulation de la Convention Internationale des
Droits de l ‘Enfant était une conséquence logique car le travail d’AI s’appuie sur le respect
des droits de l’Homme internationalement reconnus. Pour défendre la cause des enfants qui
étaient perçus comme spécialement vulnérables, il fallait une norme internationalement
reconnue pouvant aider à améliorer la situation des enfants. La coalition internationale qui fut
crée, avec AI comme membre au comité de coordination, pour lutter contre le recrutement
d’enfants soldats et pour la signature d’une Protocole additionnel qui l’interdise a suivi un
schéma similaire. Dans ce cas également, le but était l’établissement de normes
18
internationalement reconnues, afin que l’organisation puisse sensibiliser à un problème
existant et pour qu’on aboutisse à une situation où tout le monde respecte ces normes.
Le dossier thématique « Les armes sous contrôle ! et Halte aux enfants soldats » vise à
sensibiliser les gens sur le commerce des armes sans contrôle et à poser le phénomène des
enfants soldats comme une conséquence de ce commerce. Le but n’est pas l’appel aux dons,
mais la sensibilisation et l’appel à la participation à une campagne mondiale qui est dirigée
par AI contre le commerce des armes sans contrôle. AI fait bien référence aux rapports
globaux pour expliquer le phénomène des enfants soldats. Ce qui laisse à désirer, c’est une
image plus approfondie des enfants soldats. On n’apprend rien sur une culture spécifique aux
enfants soldats par exemple. Ce déficit pourrait provenir du fait qu’AI ne travaille pas
directement sur le terrain et dépend des ONGs pour obtenir des informations. Un autre aspect
qui nous a frappé dans le dossier c’est la victimisation de l’enfant soldat. D’un côté la
situation de l’enfant soldats est sûrement grave, d’un autre côté, AI ne fait rien d’autre que
reproduire la conception de l’enfant comme vulnérable qui est ancrée dans notre société. Le
style de rédaction dramatique pour décrire la situation des enfants soldats n’a pas pour but
d’acquérir des dons, mais de choquer et surtout de sensibiliser.
Dans la brochure «J’ai dû tuer…», les enfants sont présentés comme des sujets passifs et
innocents bien que le problème soit beaucoup plus complexe. L’analyse montre que la
sensibilisation à un problème, dans ce cas, fonctionne plutôt par l’appel aux sentiments des
gens que par des informations véritablement fondées.
19
Publications de/avec/sur Amnesty International
•
AMNESTY INTERNATIONAL BRITISH SECTION : Childhood stolen, grave human
rights violations against children.1995.
•
AMNESTY INTERNATIONAL SECTION SUISSE: Controlarms. Dossier thématique :
Les armes sous contrôle ! et Halte aux enfants soldats. 2004.
•
AMNESTY INTERNATIONAL UNITED KINGDOM: In the firing line, war and
children’s rights. 1999.
•
AMNESTY INTERNATIONAL SECTION
International en Suisse 1961-1970. ??.
•
AMNESTY INTERNATIONAL : “J’ai dû tuer…” Enfants soldats du Burundi, du
Libéria et de la République démocratique du Congo. Point chaud, 1/2004.
•
NEUE ZÜRCHER ZEITUNG, Abkommen zum Verbot von Kindersoldaten. 13. Février
2002.
•
UNICEF : Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats. Non aux enfants
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•
UNICEF COMITE BELGE (ed.) : Les droits de l’enfant: cela vous concerne aussi, Guide
de formation sur les droits de l’enfant.
•
http://www.amnesty.ch/f/af/a41f.html, 20. Mai 2006
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http://www.amnesty.ch/f/af/a51f.html, 15. Juin 2006
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•
Les enfants soldats : un problème mondial. In : Amnesty
http://web.amnesty.org/pages/childsoldiers-background-fra, 04. Juin 2006
SUISSE :
La
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d’Amnesty
International,
Littérature du séminaire
•
BOYDEN, J.: Childhood and the policy makers. A comparative perspective on the
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York, Philadelphia, 1990.
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CUNNINGHAM, H.: Children and Childhood in western society since 1500. London,
New York, 2004.
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HERRMANNY, Christian: Strassenkinder brauchen Spenden – Wie international
operierende Hilfswerke Deutschland über « Strassenkinder » informieren. In : C. Adick,
Strassenkinder und Kinderarbeit. Sozialisationsvergleichende, historische und
kulturvergleichende Studien. Frankfurt, 1998.
•
PROUT, A. & JAMES A.: Constructing and reconstructing Childhood. Contemporary
issues in the sociological study of childhood. London, New York, Philadelphia, 1990.
20