Repenser les soins aux enfants

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Repenser les soins aux enfants
115
chapitre six
repenser les soins aux
enfants : l’optique de la
survie, de la croissance et
du développement
Les savoirs et les interventions nécessaires pour réduire la mortalité des enfants existent
bel et bien, et ils sont techniquement adaptés aux pays et aux régions qui en ont le plus
besoin. On verra dans ce chapitre ce qu’il faut désormais faire pour les appliquer à l’échelle
voulue. Depuis cinquante ans, l’orientation s’est infléchie – de la maladie vers l’enfant
et de l’action exclusive du centre de santé vers une chaîne de soins faisant intervenir la
famille et la communauté, le centre de santé et l’hôpital de recours. On en sait plus sur les
compétences de base dont les mères ont besoin pour s’occuper de leurs enfants et certains
principes ont été revus. A mesure que les programmes de santé infantile progressent vers
une action intégrée, il faut abandonner les projets à petite échelle pour passer à une mise
en œuvre universelle qui permettra de protéger les enfants jusqu’ici hors d’atteinte. Le
chapitre se conclut par une analyse des coûts supplémentaires que suppose l’extension
des activités pour faire bénéficier tous les enfants des interventions voulues et tenir le pari
de l’objectif du Millénaire pour le développement.
AMÉLIORER LES CHANCES DE SURVIE
L’ambition du mouvement en faveur des soins de
santé primaires
Pendant les années 70, le développement socio-économique et l’amélioration des conditions de vie – eau salubre, assainissement et nutrition – sont apparus déterminants pour améliorer la santé des enfants.
Le mouvement en faveur des soins de santé primaires, porteur de la
volonté de s’attaquer aux causes sociales, économiques et politiques
fondamentales de la maladie, avait intégré cette idée tout en définissant une stratégie destinée à répondre de façon plus équitable, mieux
adaptée et plus efficace aux besoins essentiels en matière de soins
de santé. Tout comme l’action intersectorielle en faveur de la santé, la
participation communautaire et la capacité d’initiative,
les soins de santé primaires représentaient l’accès universel aux prestations et la couverture en fonction des
besoins. Pour une grande part, la stratégie donnait la
priorité à la santé des enfants.
L’ambition du mouvement en faveur des soins de santé
primaires était immense. Pour appliquer cette stratégie,
il aurait fallu redistribuer les ressources, recycler le personnel de santé et revoir de fond en comble la conception, la planification et la gestion du système de santé.
C’était bien évidemment une initiative à long terme qui
aurait exigé que des sommes beaucoup plus importantes soient mises à la disposition du secteur de la santé.
116
Rapport sur la santé dans le monde 2005
Réussites des programmes verticaux
La situation économique à la fin des années 70 n’a cependant pas permis une telle
mutation. Mettre en place des systèmes de soins de santé primaires dans un contexte
de coupes budgétaires était une tâche ardue. Alors même que les pays affrontaient les
écueils du développement socio-économique à long terme, la santé de l’enfant – et
en particulier sa survie – représentait une telle urgence que des voix se sont fait entendre pour que l’on agisse immédiatement. C’est pourquoi, au début des années 80,
de nombreux pays ont délaissé les systèmes de soins de santé primaires pour mettre
l’accent sur des programmes verticaux « monovalents », qui offraient la perspective
de résultats plus rapides et moins coûteux.
Rien n’illustre mieux cette évolution que la révolution pour la survie de l’enfant des
années 80, mise en chantier par le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF)
et articulée sur un ensemble d’interventions (surveillance de la croissance, thérapie
par réhydratation orale pour la diarrhée, allaitement au sein et vaccination). Donateurs
et ministères de la santé réagirent avec enthousiasme, particulièrement aux initiatives
qui donnaient la priorité à la vaccination et à la thérapie par réhydratation orale. De
nombreux pays se mirent à créer des programmes à cette fin. Tout comme les programmes de lutte contre le paludisme et contre la variole des années 50 et 60, chacun
avait son administration et son budget, de même qu’une grande autonomie par rapport
au système classique de soins.
Ces programmes bénéficiaient de l’appui de programmes spécifiques au sein de
l’OMS : le Programme élargi de vaccination au milieu des années 70 et, par la suite,
ceux qui furent mis sur pied pour renforcer les programmes nationaux de lutte contre
les maladies diarrhéiques et contre les infections aiguës des voies respiratoires. Au
niveau national, ces programmes verticaux réussirent à endiguer un certain nombre
de maladies prioritaires.
Le Programme élargi de vaccination, né en 1974, vint élargir à la poliomyélite et à la
rougeole la gamme des vaccins systématiquement administrés (variole, BCG et DTC).
Il s’agissait d’améliorer la couverture vaccinale conformément à l’engagement pris au
niveau international pour arriver dans chaque pays à 80 % de couverture, objectif fixé
pour la vaccination universelle des enfants. Les années 80 virent en effet la couverture
vaccinale s’accroître considérablement (voir Figure 2.2 dans le chapitre 2). En 1988,
lorsque l’Assemblée mondiale de la Santé a décidé d’entreprendre l’éradication de la
poliomyélite, il se produisait environ 350 000 cas dans le monde ; en janvier 2005,
ce chiffre était tombé à 1185 cas notifiés. Grâce à des efforts soutenus en faveur de
la vaccination, les décès dus à la rougeole ont reculé de 39 % entre 1999 et 2003
(1) ; par rapport aux niveaux de 1980, la mortalité rougeoleuse a reculé de 80 %. Les
efforts se poursuivent aujourd’hui pour améliorer la couverture et élargir la gamme
des vaccins administrés. Le programme des vaccinations est régulièrement révisé à
mesure que de nouveaux vaccins sont introduits, par exemple contre l’hépatite B et
Haemophilus influenzae type b, et, bientôt, contre les rotavirus (responsables de la
diarrhée) et le pneumocoque (responsable de la pneumonie).
Ces programmes verticaux associaient une gestion de pointe et des techniques
simples fondées sur de solides travaux de recherche. L’exemple type est celui de
la thérapie par réhydratation orale, la « découverte médicale du siècle » (2, 3) – un
moyen à la fois efficace et peu coûteux de réduire la mortalité due à la diarrhée. La
généralisation de cette thérapie a contribué pour beaucoup au recul des décès dus à
la diarrhée, dont le nombre – 4,6 millions par an dans les années 70 – était passé à
3,3 millions par an dans les années 80 et à 1,8 million en 2000.
repenser les soins aux enfants : l’optique de la survie, de la croissance et du développement 117
A mesure que reculait la mortalité due à la diarrhée et aux maladies évitables par
la vaccination, la pneumonie est passée au tout premier rang des causes de décès
et, au début des années 80, des programmes furent organisés autour de techniques
simplifiées de diagnostic et de traitement. Entre-temps, on continuait à promouvoir
l’allaitement au sein, en appuyant notamment des initiatives internationales telles que
le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel (adopté
par l’Assemblée mondiale de la Santé en 1981) ainsi que la stratégie mondiale pour
l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (approuvée par l’Assemblée mondiale
de la Santé et par le Conseil d’administration de l’UNICEF en 2002). Des informations
nouvelles sur la durée optimale de l’allaitement exclusif au sein et sur l’alimentation
des nourrissons dont la mère est infectée par le VIH ont permis de progresser. Les
pays ont largement appliqué l’initiative des hôpitaux « amis des bébés » afin d’aider à
promouvoir l’allaitement au sein dans les maternités. En 1990, moins d’un cinquième
des mères allaitaient leur enfant uniquement au sein pendant quatre mois ; en 2002,
la proportion avait doublé, passant à 38 %.
Certains pays ont enregistré des succès spectaculaires avec ces approches programmatiques et ne se sont pas contentés de mener les quelques programmes prioritaires qui retenaient l’attention au niveau international. La Tunisie, par exemple, s’est
inspirée de l’expérience gestionnaire acquise dans le cadre de ses premiers program-
J.M. Giboux/OMS
En 1988, lorsque l’Assemblée mondiale de la Santé a décidé d’entreprendre l’éradication de la
poliomyélite, il se produisait environ 350 000 cas dans le monde ; en janvier 2005, ce chiffre
était tombé à 1185 cas notifiés.
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Rapport sur la santé dans le monde 2005
Encadré 6.1 Les causes de décès chez les enfants aujourd’hui
Les causes de décès chez les enfants de moins de cinq ans,
2000-2003a
Causes de décès chez les moins de 5 ans
Causes de décès néonatals
Infections respiratoires
aiguës 19 %
Autres causes Tétanos
néonatales néonatal
7%
7%
Causes
néonatales
37 %
Paludisme
8%
Infections
graves
26 %
Prématurité
28 %
Rougeole
4%
Maladies
diarrhéiques
(postnéonatales)
17 %
VIH/SIDA
Traumatismes
3%
3%
Autres causes,
y compris maladies
non transmissibles 10 %
a
Anomalies
congénitales
8%
Maladies
diarrhéiques
3%
Etat de mort
apparente
à la naissance 23 %
Les totaux sont supérieurs à 100, les pourcentages ayant été arrondis.
Principales causes de décès chez les enfants de moins de
cinq ans, par Région de l’OMS, 2000-2003
% de l’ensemble des décès chez les moins de 5 ans
Malgré la baisse très nette de la mortalité
observée ces dernières décennies, près de
10,6 millions d’enfants meurent encore chaque
année avant d’avoir atteint leur cinquième anniversaire. Presque tous ces décès ont lieu dans
des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire. Un effort concerté ayant associé l’OMS,
l’UNICEF et un groupe d’experts indépendants,
le Child Health Epidemiology Reference Group
(CHERG), a permis, ces quelques dernières
années, de brosser un tableau général des
causes de cette mortalité infantile.
Chez les moins de cinq ans, la plupart
des décès sont toujours imputables à quelques maladies seulement et pourraient être
évités grâce aux interventions existantes. Six
maladies sont responsables de 70 % à plus de
90 % de ces décès. Il s’agit : des infections
respiratoires aiguës, et principalement de la
pneumonie (19 %), des maladies diarrhéiques
(18 %), du paludisme (8 %), de la rougeole
(4 %), du VIH/SIDA (3 %) et des pathologies
néonatales, à savoir principalement : prématurité, mort apparente du nouveau-né et infections (37 %).
La malnutrition majore le risque de décès
dus à ces maladies. Plus de la moitié de
l’ensemble des décès d’enfants surviennent
chez des enfants présentant une insuffisance
pondérale. L’importance relative des diverses
causes de décès a évolué avec le déclin de la
mortalité par maladie diarrhéique et de bon
nombre des maladies évitables par la vaccination. Le rôle joué par le VIH/SIDA dans la
mortalité totale des enfants de moins de cinq
ans, surtout en Afrique subsaharienne, a régulièrement pris de l’importance : il représentait
environ 2 % de cette mortalité en 1990 dans
la Région africaine, mais était passé à près de
6,5 % en 2003.
La récapitulation des données des différentes Régions et pays masque les différences
importantes observées dans la distribution
des causes de décès. Près de 90 % de tous les
décès dus au paludisme et au VIH/SIDA chez
l’enfant, plus de 50 % des décès par rougeole
et près de 40 % des décès par pneumopathie
et maladies diarrhéiques surviennent dans la
Région africaine. Par ailleurs, les décès dus
à des traumatismes et à des maladies non
transmissibles autres que les anomalies congénitales représentent 20 à 30 % des décès
chez les moins de cinq ans dans la Région des
Amériques et dans les Régions européenne et
du Pacifique occidental.
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Monde
Afrique
Amériques
Asie
du Sud-Est
Europe Méditerranée Pacifique
orientale occidental
VIH/SIDA
Paludisme
Maladies diarrhéiques
Traumatismes
Rougeole
Autres causes,
y compris maladies
non transmissibles
Infections respiratoires aiguës
Causes néonatales
repenser les soins aux enfants : l’optique de la survie, de la croissance et du développement 119
mes, très fructueux, pour élargir la gamme des problèmes de santé à résoudre, en
organisant ces programmes à partir de son réseau de centres de santé et d’hôpitaux.
Le pays a réussi à faire reculer de 50 % le taux de mortalité parmi les moins de
cinq ans entre 1970 et 1980, de 48 % entre 1980 et 1990 et de 46 % entre 1990 et
2000.
LE MOMENT ÉTAIT VENU DE CHANGER DE STRATÉGIE
Associer un plus grand nombre d’interventions
Malgré des résultats impressionnants, ces programmes verticaux ont vite révélé leurs
limites. Dans leur pratique quotidienne, les agents de santé se trouvent face à différentes situations et différents problèmes de santé. Un enfant fiévreux et irritable qui
a des difficultés à manger peut souffrir d’une seule maladie, comme la dysenterie, ou
bien de plusieurs, comme le paludisme et une pneumonie (3–8). Les programmes monovalents n’avaient pas pour but de donner des orientations sur les mesures à prendre
dans ces situations. Il fallait bien évidemment envisager de façon plus exhaustive
les besoins de l’enfant pour s’adapter aux problèmes rencontrés sur le terrain (4) et
disposer d’un éventail plus large de solutions. Les programmes existants avaient été
axés sur les principales causes de décès et, en partie à cause des succès remportés,
la structure de la mortalité évoluait. Ainsi, la diarrhée est aujourd’hui responsable de
18 % des décès d’enfants, contre 25 % dans les années 70 (voir Encadré 6.1).
OMS
Offrir un ensemble d’interventions simples, abordables et efficaces. Sur cette photo, un petit
Vietnamien est vacciné.
120
Rapport sur la santé dans le monde 2005
En réaction à cette nouvelle situation, il fut décidé de regrouper un ensemble
d’interventions simples, abordables et efficaces pour associer la prise en charge des
principales maladies de l’enfant et celle de la malnutrition dans le cadre de la formule
de « Prise en charge intégrée des maladies de l’enfant » (PCIME). Il s’agissait d’associer des interventions efficaces pour éviter les décès et pour améliorer la croissance et
le développement de l’enfant en bonne santé : thérapie par réhydratation orale contre
la diarrhée ; antibiotiques contre la septicémie, la pneumonie et l’otite ; antipaludiques
et moustiquaires imprégnées d’insecticide ; distribution de vitamine A, traitement de
l’anémie, promotion de l’allaitement au sein et de l’alimentation de complément pour
favoriser une bonne nutrition et la guérison et, enfin, vaccination. Certains pays y
inclurent des lignes directrices pour le traitement des enfants atteints par le VIH/SIDA,
d’autres pour la prise en charge de la dengue, de la respiration sifflante ou de l’angine,
ou encore pour le suivi de l’enfant en bonne santé.
Prendre en charge les enfants, et non pas seulement
les maladies
La deuxième raison justifiant l’adoption d’une approche plus globale était le constat
que, pour protéger la santé des enfants, il ne suffisait pas de viser un petit nombre de
maladies qui sont des causes directes de mortalité.
A mesure que se généralisaient les technologies appropriées, la teneur et les modalités de la communication entre agents de santé et parents ont peu à peu évolué. Autrefois, une famille qui amenait un enfant se faire soigner se voyait généralement indiquer
un traitement de base accompagné d’un minimum d’instructions et d’explications concernant l’administration du traitement à domicile. Or la thérapie par réhydratation orale
introduisait un élément nouveau dans la relation entre la famille et le dispensaire. Lors
de la visite au dispensaire, la famille apprenait désormais à préparer la solution avec
les sels de réhydratation et à l’administrer à l’enfant (9–11), à reconnaître les signes
de la maladie et à soigner tout de suite l’enfant à la maison. Elle apprenait également
à utiliser les liquides disponibles sur place, ce qui rendait le traitement plus accessible.
On a vu ainsi se mettre en place une action systématique de conseil et de nouvelles
relations de partenariat entre les agents de santé et les familles.
Les agents des programmes de santé infantile voient de nombreux enfants malnutris. Pour certains, cela s’explique par le manque de nourriture mais, plus souvent,
cela est dû à une infection ou à de mauvaises pratiques alimentaires, ou encore à la
conjugaison des deux (4, 12). Tout naturellement, l’action de conseil sur les pratiques
en matière d’alimentation est devenue un volet de la PCIME. Comme cela avait été
le cas avec la thérapie par réhydratation orale, les agents de santé ont été obligés
d’engager un nouveau partenariat avec les mères. Il ne s’agissait plus de poser quelques questions simples et de prescrire un traitement : il fallait repérer les problèmes
d’alimentation et négocier avec les mères des solutions acceptables. Pour mener cette
action de conseil, il faut bien sûr donner une formation spécifique à l’agent de santé et
le situer dans l’environnement voulu, mais c’est plus efficace (13, 14).
L’étape logique suivante était de s’intéresser davantage au développement physique
et psychosocial de l’enfant. La santé de l’enfant et son développement sont fortement
influencés par la relation avec ses parents et les autres personnes qui s’occupent de
lui. L’essentiel est d’être attentif à l’état de l’enfant et à ses besoins, de manière à
bien les interpréter et à pouvoir réagir rapidement et opportunément (15). C’est là un
facteur déterminant dans la croissance normale (16–19) ; faute de soins adaptés à
ses besoins et dispensés avec tact, l’enfant va souffrir de malnutrition et ne pourra se
repenser les soins aux enfants : l’optique de la survie, de la croissance et du développement 121
développer (20–22). On connaît bien aujourd’hui l’effet de cette prise en charge sur le
développement cognitif et social normal ainsi que sur la survie de l’enfant (18, 23).
Des faits nouveaux recueillis durant les années 90 montrent qu’on peut aider les
mères à mieux communiquer avec leurs jeunes enfants et à les stimuler (24). Les
compétences nécessaires pour bien nourrir son enfant, lui donner l’environnement
psychosocial voulu et le faire soigner sont étroitement liées (24) et, si l’on améliore
l’une d’entre elles, les autres s’en ressentent de façon bénéfique. On peut en fait
encourager la réceptivité et la créativité chez les personnes qui s’occupent des enfants, même dans une situation socio-économique difficile ou lorsque la dépression
compromet la capacité de la mère à s’occuper de son enfant (24). Il faut déployer des
efforts particuliers pour travailler avec les familles d’accueil ou avec les enfants qui
se retrouvent chefs de famille. L’enjeu est d’intégrer ces données nouvelles dans la
programmation de santé publique.
Il est naturel que les parents se soucient de la croissance et du développement
psychosocial de leurs enfants ; cependant, pour les agents de santé qui travaillent
dans un contexte où les ressources manquent, cela a longtemps été considéré comme
un luxe ou comme quelque chose sur lequel ils ne pouvaient pas agir. La PCIME a
changé cette façon de voir : elle a créé des enjeux nouveaux pour ce qui n’était plus
seulement un programme technique mais devenait un partenariat entre les parents
et les agents de santé.
ORGANISATION DE SOINS INTÉGRÉS EN FAVEUR DE L’ENFANT
La notion d’intégration n’est pas nouvelle. L’intégration est censée répondre à la nécessité d’une complémentarité entre différents services et structures administratives interdépendants, de façon à atteindre plus vite des objectifs communs. Dans les
années 50, ces objectifs étaient définis en termes d’issues, dans les années 60 en
termes de processus, et dans les années 90 en termes d’impact économique (25-27).
Selon les niveaux, l’intégration ne signifie pas la même chose (28). Au niveau des
patients, c’est la prise en charge des cas. Là les prestations sont assurées, cela veut
dire que plusieurs interventions sont appliquées par une seule filière – par exemple
lorsque la vaccination est une occasion de distribuer des suppléments de vitamine A et
des moustiquaires imprégnées d’insecticide dans le cadre des activités « PEV-plus »,
ce qui renforce l’efficacité et améliore la couverture (29, 30). Au niveau du système,
l’intégration signifie la fusion des fonctions gestion et appui de différents sous-programmes pour garantir la complémentarité entre différents niveaux de prestations.
La PCIME est aujourd’hui la seule stratégie en matière de santé de l’enfant qui vise
simultanément à renforcer l’intégration à ces trois niveaux.
La PCIME a réussi à intégrer la prise en charge des cas et les tâches des établissements de premier niveau en donnant aux agents de santé des lignes directrices, des
outils et une formation. Les lignes directrices complémentaires pour la prise en charge
des cas dans les établissements de premier niveau et les centres de recours aident
à progresser en vue de l’intégration entre différents niveaux. Les agents de santé qui
travaillent dans les structures de premier niveau disposent de lignes directrices pour
le transfert des nouveau-nés et des enfants gravement malades ainsi que de ceux qui
présentent des problèmes complexes. Les agents de santé qui travaillent à l’hôpital de
district reçoivent, quant à eux, des lignes directrices et une formation pour prendre en
charge ces enfants qui leur sont envoyés.
La PCIME est allée plus loin encore. Non contente de multiplier les programmes par
une seule filière de prestations, elle s’est efforcée de changer l’optique dans laquelle
122
Rapport sur la santé dans le monde 2005
le système de santé envisage la santé de l’enfant. La PCIME a conservé son appellation initiale mais en se fixant pour ambition d’aller au-delà de la prise en charge de la
maladie (3, 5, 31, 32). A partir de l’expérience tirée des programmes monovalents, on
a mis au point une approche comportant trois volets : améliorer les compétences des
agents de santé, renforcer l’appui aux systèmes de santé, et aider les familles et les
communautés à élever leurs enfants dans de bonnes conditions et à prendre en charge
les maladies qui peuvent survenir. Ce faisant, la PCIME a dû délaisser le concept classique du personnel des centres de santé chargé d’assurer une série d’interventions
techniques à la population cible.
Les familles et les agents de santé
Le dialogue s’est approfondi avec les familles, et les agents de santé qui travaillaient
dans le cadre de programmes axés sur les enfants se sont aperçus que tout ce qui
se passe à l’intérieur de la famille est vital pour la santé de l’enfant. Aliments, médicaments et environnement stimulant – tous ces éléments dépendent de l’action de la
famille et de la communauté. Par exemple, lorsqu’un enfant est malade, un membre
de la famille doit se rendre compte qu’il y a un problème, dispenser les soins nécessaires, repérer les signes indiquant que l’enfant a besoin de voir un médecin, montrer
l’enfant à un agent de santé, élaborer avec celui-ci une ligne de conduite appropriée
(il peut s’agir de se procurer des médicaments et de suivre les instructions concernant
leur utilisation, ou encore d’amener l’enfant à l’hôpital), apporter une aide pendant la
convalescence et revenir voir l’agent de santé le cas échéant. La famille et la communauté sont déterminantes pour que l’intervention du système de santé puisse changer
les choses. Faute de quoi, même le centre de santé le meilleur n’obtiendra que de
mauvais résultats. Envisager la santé de l’enfant dans cette perspective peut sembler évident aujourd’hui mais, pour les programmes verticaux des années 80, c’était
un changement radical. On s’est alors beaucoup intéressé à la façon dont la famille
contribue à l’amélioration de la santé de ses enfants : c’est ce que l’on appelle les
« principales pratiques familiales » qui sont résumées dans l’Encadré 6.2.
Ces pratiques familiales visent les comportements qui peuvent favoriser la croissance physique et le développement mental et prévenir la maladie. C’est important et on le
sait depuis longtemps. Ce qui est nouveau, c’est que le recours aux services de santé
est également considéré comme un moyen par lequel la famille contribue à la santé de
ses enfants. Jusqu’à 70 % des décès d’enfants s’expliquent par le fait que les parents
ne se sont pas adressés aux services nécessaires ou ont tardé à le faire (33). La plupart des enfants meurent chez eux, dans bien des cas sans avoir été vus auparavant
par un agent compétent. Il est donc déterminant d’encourager le recours aux services
de santé en cas de nécessité et de veiller à ce que les établissements de santé soient
accessibles. D’autre part, on prend de plus en plus conscience du potentiel qu’offrent
les soins appropriés à domicile, qu’ils soient administrés par la personne qui s’occupe
de l’enfant ou par un agent communautaire non spécialisé. Ainsi, la prise en charge
du paludisme à domicile peut contribuer à faire reculer l’incidence du paludisme grave
et de la mortalité paludéenne, comme l’expérience l’a montré au Burkina Faso et en
Ethiopie (34, 35). L’administration rapide d’antibiotiques en cas de pneumopathie par
des agents de santé communautaires convenablement formés et bien encadrés peut
contribuer à réduire sensiblement la mortalité due à cette pathologie (36).
Reconnaître l’importance de ce que fait la famille est une chose, mais savoir comment l’aider à le faire en est une autre (37). On peut par exemple améliorer les
compétences des agents de santé en matière de communication. Au Brésil et en
repenser les soins aux enfants : l’optique de la survie, de la croissance et du développement 123
République-Unie de Tanzanie, l’expérience montre que cela permet d’améliorer les
soins dispensés par la famille à domicile (13). Une autre solution consiste à agir dans
le cadre de programmes de développement communautaire. Au Bangladesh, une formation des agents de santé associée à des activités communautaires a fait tripler
l’utilisation des services, puisqu’on est passé de 0,6 à 1,8 consultation par enfant et
par an (38). La famille assume bien sûr la responsabilité première de ce qu’elle fait
ou ne fait pas à domicile, mais le système de santé doit lui en donner les moyens.
Ce n’est pas seulement une question d’éducation sanitaire ; c’est un processus plus
complexe d’autonomisation en vue duquel l’agent de santé doit lui aussi modifier sa
façon de travailler (38).
Avec l’aide d’un système de santé réceptif, on peut faire beaucoup. Pour donner un
exemple, à Makwanpur (Népal), des groupes de femmes épaulées par un animateur
ont analysé les facteurs qui contribuaient à la mortalité périnatale dans leur milieu de
vie et formulé des stratégies pour les éliminer. Cela a permis d’améliorer la prise en
charge des nouveau-nés à domicile et d’assurer une bonne utilisation des services de
santé, d’où une réduction de la mortalité néonatale (39). A Haryana (Inde), des agents
de santé ont mené une action de conseil pendant les séances de vaccination et les
consultations à titre curatif, tandis que des agents de santé communautaires faisaient
de même pendant les séances de pesage et les visites à domicile. Cette action a permis de développer l’allaitement exclusif au sein pendant les trois premiers mois, de
faire reculer la fréquence de la diarrhée (40), d’améliorer les pratiques d’alimentation
Encadré 6.2 La famille peut changer le cours des choses
La famille peut favoriser la croissance physique ainsi que le développement mental
et social de l’enfant en veillant à ce qu’il soit
alimenté exclusivement au sein pendant six
mois, en commençant à lui administrer des
aliments de complément à l’âge de six mois
et en maintenant l’allaitement au sein jusqu’à
l’âge de deux ans au moins. Elle peut veiller à
ce que l’enfant ait un apport suffisant en micronutriments, soit dans son régime alimentaire
soit par l’administration de suppléments. Elle
peut répondre aux besoins de l’enfant en parlant avec lui, en jouant avec lui et en lui offrant
un environnement stimulant. Toute la famille,
hommes y compris, a un rôle à jouer.
La famille et la communauté peuvent éviter
que l’enfant soit maltraité et privé de soins,
et elles peuvent prendre les mesures voulues
en cas de nécessité.
La famille peut améliorer l’utilisation des
services de soins lorsqu’elle sait à quel
moment un enfant malade doit être soigné en
dehors de chez lui et lorsqu’elle le présente à
temps à l’agent de santé approprié. Il est important qu’un membre de la famille amène comme
prévu l’enfant pour qu’il reçoive la série complète de vaccinations avant l’âge d’un an et que
les conseils de l’agent de santé soient appliqués
en ce qui concerne le traitement, le suivi et le
transfert vers un établissement de recours.
La famille peut améliorer la prise en charge
de l’enfant malade à domicile en continuant à
le nourrir et à lui donner davantage de liquides
(y compris du lait maternel), en lui administrant
à domicile le traitement approprié contre une
infection et en prenant les mesures voulues en
cas de traumatisme ou d’accident.
La famille peut éviter la maladie en éliminant les matières fécales de façon hygiénique
et en se lavant les mains après la défécation,
avant la préparation des repas et avant de nourrir l’enfant. Elle peut faire vacciner ses enfants.
Dans les pays où le paludisme est endémique,
elle peut veiller à ce que les enfants dorment
sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide.
La famille et la communauté peuvent prendre
des mesures pour éviter traumatismes et accidents.
Mais beaucoup dépend du milieu dans lequel
vivent les familles pauvres. On en a un exemple
avec la pollution atmosphérique à l’intérieur des
habitations. La moitié de la population mondiale
utilise du fumier, du bois, des déchets végétaux ou du charbon pour satisfaire ses besoins
énergétiques de base. Sur les hauts plateaux
de l’ouest du Guatemala, par exemple, la plupart des familles se servent d’un foyer ouvert
fonctionnant au bois pour la cuisson et le chauf-
fage. La cuisson avec ces combustibles solides entraîne des concentrations de particules
100 fois plus élevées que celles que l’on trouve
à l’extérieur des habitations dans les villes
européennes. Faute de ventilation suffisante, la
fumée rend la respiration difficile, brûle les yeux
et couvre la maison de suie noire. Les jeunes
enfants, que les mères portent souvent dans
le dos pendant qu’elles font la cuisine, sont les
plus exposés. De plus, les femmes et les enfants
passent souvent des heures à rassembler du
combustible – alors que ce temps pourrait être
consacré à l’éducation, aux soins aux enfants
ou à un gagne-pain. Faute d’éclairage suffisant,
les activités liées à l’école sont limitées une fois
la nuit tombée.
A court terme, des poêles bien conçus dotés
d’une cheminée peuvent réduire considérablement les émissions et contribuer à protéger
les enfants. Mais pour réduire radicalement la
pollution atmosphérique à l’intérieur des habitations, il faut se tourner vers des combustibles
plus propres et de meilleur rendement : gaz de
pétrole liquéfié, électricité ou énergie solaire.
Bien souvent, les ménages pauvres n’en ont
pas les moyens et la situation perdurera tant
que les causes de la pauvreté ne seront pas
éliminées.
124
Rapport sur la santé dans le monde 2005
complémentaire à l’âge de neuf mois (41) et d’accroître l’utilisation des services de
soins curatifs et préventifs (42).
La PCIME a axé l’essentiel de ses efforts de formation et de développement des capacités sur le niveau où le premier contact est établi – c’est-à-dire le centre de santé
et l’agent infirmier ou le médecin qui est le premier à voir l’enfant malade. Pour que
la PCIME donne des résultats optimaux, elle doit développer la chaîne des soins dans
deux directions : faciliter le transfert des cas et rapprocher les soins de la famille et,
donc, de l’enfant (voir Figure 6.1).
Transfert de l’enfant malade
Compte tenu de la polarisation sur les soins de santé primaires et, plus récemment,
sur le rôle de la famille, il est souvent arrivé que les programmes de santé de l’enfant
sous-estiment l’importance du transfert
Figure 6.1 Approche intégrée de la santé de l’enfant
d’un enfant malade vers un hôpital en
bon état de fonctionnement. C’est imporUtilisation
Pratiques d’alimentation du
de moustiquaires
nourrisson à moindre risque
tant
pour l’enfant et sa famille mais aussi
imprégnées d’insecticide chez les mères VIH-positives
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Traitement à domicile
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de la diarrhée
non négligeable sur la mortalité infanys s
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Comportements déterminants des familles
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PCIME
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l’enfant à repérer suffisamment tôt les
signes que l’enfant doit voir un médecin ;
Conseil sur les pratiques
d’alimentation du nourrisson
deuxièmement, en veillant à ce que les
à moindre risque
Antipaludiques
heures d’ouverture des services de santé
publique correspondent aux besoins, par
Traitement à domicile
Les approches intégrées
de la diarrhée
exemple lorsque les parents reviennent
sont centrées sur l’enfant et
des champs ou du travail et lorsque les
s’attaquent aux problèmes sous
tous leurs aspects
de
enfants sont malades (souvent le soir) ;
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troisièmement, en veillant à ce que les
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la T dia r r h
agents de santé transfèrent rapidement
la
Prise en charge
de la diarrhée
les cas à l’échelon supérieur lorsqu’il
est indiqué de le faire. L’application des
Les approches verticales isolées ne
lignes directrices de la PCIME devrait ens’attaquent qu’à une partie
traîner
le transfert de 10 % des enfants
du problème
âgés de deux mois à cinq ans (44, 45).
repenser les soins aux enfants : l’optique de la survie, de la croissance et du développement 125
Dans bon nombre des pays qui n’ont enregistré que peu ou pas de progrès en matière
de santé de l’enfant, les transferts de cas sont trop peu nombreux, notamment en
milieu rural, et les taux de transfert auxquels on pourrait s’attendre compte tenu des
lignes directrices de la PCIME sont rarement atteints.
Le transport jusqu’à l’hôpital est un autre facteur de retard dont beaucoup d’agents
de santé ne se sentent pas responsables. Or on peut éviter les problèmes dans bien
des cas en les anticipant. Les agents de santé peuvent aider à trouver un moyen de
transport et à prendre les dispositions nécessaires pour la prise en charge des autres
enfants et des tâches domestiques pendant que les parents emmènent l’enfant à
l’hôpital.
Enfin, on peut beaucoup faire pour éviter que le traitement soit entamé avec retard à
l’hôpital (46, 47). Au Malawi, par exemple, le nombre des décès avant l’hospitalisation
OMS
Pour que la prise en charge intégrée des maladies de l’enfant (PCIME) fonctionne de façon
optimale, elle doit mettre en place une chaîne continue de soins depuis les familles et les
communautés jusqu’aux centres de santé et aux hôpitaux.
126
Rapport sur la santé dans le monde 2005
est passé de 10 à 5 par mois grâce à un triage rapide des cas dès l’arrivée des enfants.
La mortalité parmi les malades hospitalisés est passée de 11–18 % à 6–9 %, ce qui
a en même temps remotivé le personnel. On peut sensiblement améliorer la prise en
charge de la malnutrition sévère (48–50) et des pneumopathies (51), tout comme les
soins néonatals (52), en améliorant l’organisation des services hospitaliers, les lignes
directrices et les normes cliniques, en encourageant la participation active du personnel et en fournissant des ressources supplémentaires (souvent limitées) (53).
Rapprocher les soins des enfants
Il est plus difficile – et peut-être plus important – de rapprocher les soins des enfants.
La solution classique est l’action de proximité. L’organisation de visites d’agents de
santé dans les ménages et les communautés de la zone qu’ils desservent est sans
doute le moyen le plus rapide d’élargir le rayon d’action d’interventions qui peuvent
être planifiées, comme la vaccination. L’inconvénient est toutefois que cela ne permet
pas d’assurer toute la gamme des services nécessaires pour améliorer la santé et la
survie de l’enfant. Le potentiel qu’offre cette modalité de prestation pour l’extension
de la couverture varie beaucoup d’un endroit à l’autre, mais il est sans doute important
à l’échelle mondiale, notamment pour les groupes de population aujourd’hui exclus.
Une solution moins bien connue consiste à responsabiliser les familles et les aider à
mieux s’occuper de leurs enfants. En général, les agents de santé ne se sentent pas
très à l’aise avec cette approche. Ils hésitent bien entendu à abandonner certaines de
leurs prérogatives professionnelles et ne savent pas comment s’y prendre. L’éducation
sanitaire classique destinée à susciter des changements de comportement n’offre
qu’un potentiel limité et de nombreux agents de santé le savent. La responsabilisation
est une tâche beaucoup plus ambitieuse que l’éducation sanitaire : elle demande du
temps et une mentalité nouvelle qui s’acquiert peu à peu.
Les agents de santé communautaires peuvent faire la liaison entre le centre de santé
et les familles là où le réseau des centres n’est pas d’accès facile. En Ethiopie, par
exemple, ce sont les agents de santé communautaires qui diagnostiquent les cas de
fièvre et les soignent, ce qui a permis d’accroître la couverture des services de traitement du paludisme bien au-delà du rayon d’action de nombreux centres de santé.
Entre 1991 et 1998, le nombre de patients fébriles qui ont reçu des antipaludiques
n’a cessé d’augmenter, passant de 76 000 à 949 000 (54). Au Pakistan, les « Lady
Health Workers » sont un élément essentiel du système national de santé. Choisies
et épaulées par les pouvoirs publics, elles dispensent des services de soins de santé
primaires de base, notamment des visites à domicile, dans la communauté où elles
vivent. Le programme couvre à peu près un cinquième de la population (55). De telles
activités peuvent améliorer la couverture des services mais, en tant que tels, ils ne
sauraient se substituer au développement du réseau de soins de santé et à l’aide aux
familles pour une meilleure prise en charge de leurs enfants.
DÉVELOPPEMENT DES INTERVENTIONS EN FAVEUR
DE LA SANTÉ DE L’ENFANT
La PCIME a maintenant été adoptée par plus d’une centaine de pays. Les lignes directrices sont conçues de manière à être adaptées aux niveaux national et infranational.
La création dans les pays de groupes spéciaux chargés d’adapter les lignes directrices au contexte national a favorisé la maîtrise du processus et aidé à résoudre des
problèmes, par exemple en ce qui concerne la disponibilité des médicaments essentiels. Là où la PCIME a fait l’objet d’une évaluation, les résultats sont dans l’ensemble
repenser les soins aux enfants : l’optique de la survie, de la croissance et du développement 127
positifs. La formation a contribué à améliorer le travail des agents de santé et la
qualité des soins sans pour autant que les coûts augmentent. Pour donner un exemple,
des agents de santé familiarisés avec la PCIME en Ouganda et en République-Unie de
Tanzanie ont administré correctement antibiotiques ou antipaludiques à beaucoup plus
d’enfants que leurs collègues et ont prescrit moins d’antibiotiques aux enfants qui n’en
avaient pas besoin (56). Les résultats sont impressionnants : en République-Unie de
Tanzanie, dans un contexte caractérisé par une forte utilisation des services de santé,
la mise en œuvre de la PCIME a contribué à réduire de 13 % la mortalité sur deux ans
par rapport aux districts témoins, et il semblerait que les résultats puissent s’améliorer
encore sur une période plus longue.
Cependant, la PCIME s’est développée plus lentement qu’on l’espérait. Seuls 16 pays
sur 100 avaient commencé à l’appliquer dans plus de la moitié de leurs districts en
2003 ; de plus, presque tous se sont concentrés sur l’amélioration des compétences
des agents de santé et n’ont généralement pas fait grand-chose pour renforcer les
systèmes de santé ou responsabiliser les familles (57, 58). Cela s’explique en partie
par la lenteur du rythme d’expansion des systèmes de santé de district, particulièrement dans les pays qui ont le plus besoin d’amplifier la PCIME (voir chapitre 3). La
PCIME cadre parfaitement avec la notion de district puisque toutes deux accordent
une place centrale au centre de santé et envisagent la chaîne des soins de la même
façon, en conciliant réaction à la situation épidémiologique et réponse à la demande.
Le problème est que les contraintes sont aussi les mêmes : encadrement rare ou
insuffisant, rotation fréquente et manque de motivation du personnel, culture de nonréactivité et manque de fonds (59).
Figure 6.2 Proportion de districts dans lesquels la formation et le renforcement des systèmes
pour la PCIME avaient été démarrés en 2003a
≥ 50%
25–49%
10–24%
< 10%
a
Cela n’implique pas que la couverture soit complète.
128
Rapport sur la santé dans le monde 2005
La deuxième raison qui explique la lenteur du rythme d’expansion de la PCIME est
sa polarisation sur l’intégration et l’horizontalité. En insistant sur l’intégration totale
là où les prestations sont assurées, la PCIME a fragilisé les structures préexistantes
des programmes verticaux, quand elle ne les a pas démantelées (60), et a effacé, ce
faisant, la visibilité qui permettait à ces programmes de se développer et d’attirer des
financements. L’absence de coordonnateurs à plein temps, de plans opérationnels ou
de postes budgétaires précis a empêché de maintenir l’exécution dans le temps (60).
L’enseignement tiré de cette expérience est qu’il faut procéder à un arbitrage soigneux
entre l’intégration au point d’application et le maintien des structures programmatiques qui définissent les critères et normes techniques, commandent l’extension de
la couverture et offrent un cadre logistique. Ainsi, il faut énormément de moyens et de
compétences pour intégrer des services de vaccination dans l’infrastructure politique,
sociale et sanitaire locale tout en préservant les éléments essentiels des plans stratégiques et plans de travail régionaux et nationaux. L’un des moyens d’y parvenir est de
prévoir une extension de la couverture district par district, comme le font certains pays
dans le cadre de l’initiative lancée en 2002 pour atteindre tous les districts. Il s’agit
d’associer la réimplantation des services de proximité, l’encadrement d’appui, les
liens communautaires avec la prestation des services, le contrôle et l’utilisation des
données en vue de l’action à la planification et la gestion des ressources. Jusqu’ici,
plus de 30 pays de quatre Régions de l’OMS ont adopté cette stratégie ; ils planifient
et suivent la couverture vaccinale district par district.
Le fait est qu’aujourd’hui de nombreux enfants ne bénéficient pas encore de soins
complets et intégrés. Ils ne reçoivent même pas les soins nécessaires à leur survie
– c’est-à-dire les interventions essentielles sur lesquelles s’articule la PCIME.
Si l’on amplifiait un ensemble d’interventions essentielles pour qu’elles touchent tous
les enfants (voir Tableau 6.1), on pourrait faire reculer suffisamment l’incidence et le
taux de létalité des maladies qui provoquent des décès parmi les enfants de moins de
cinq ans pour progresser en vue des objectifs du Millénaire pour le développement,
voire au-delà.
COÛT DE L’EXTENSION DE LA COUVERTURE DES PRESTATIONS
L’un des principaux enjeux au niveau mondial est de développer ces interventions pour
qu’elles touchent tous les enfants le plus tôt possible. Théoriquement, on pourrait au
cours des dix prochaines années combler l’écart entre les taux actuels et une couverture quasi universelle. Dans certains pays, cet écart est relativement peu important et
le système de santé assez solide pour que les choses se fassent vite. Dans d’autres,
le défi est beaucoup plus sérieux, d’autant que les systèmes de santé y sont moins
développés et plus fragiles. Mais, même là, il est possible de parvenir à une couverture
totale en associant le développement du réseau de soins à l’extension des activités de
proximité et, dans certains cas et pour certaines interventions, en s’appuyant sur des
agents de santé communautaires non spécialisés.
Il ne sera toutefois pas possible de développer les interventions pour qu’elles
touchent tous les enfants sans un accroissement massif des dépenses consacrées
à la santé des enfants. Du point de vue de la planification et de la mobilisation des
ressources, il ne faut pas se cacher le surcroît de coût que représenteront (au-delà
des niveaux de dépenses actuels) les efforts supplémentaires requis pour parvenir à
une couverture totale.
Pour les 75 pays qui enregistrent à eux tous près de 95 % des décès d’enfants
dans le monde, on peut formuler des scénarios pour le développement de chacune
repenser les soins aux enfants : l’optique de la survie, de la croissance et du développement 129
des interventions de manière à parvenir à une couverture de 95 % entre 2006 et
2015. Parmi ces pays figurent ceux qui enregistrent le plus grand nombre de décès
d’enfants et les taux les plus élevés de mortalité parmi les moins de cinq ans ; cela
comprend tous les pays où les taux de mortalité parmi les moins de cinq ans ont
marqué une stagnation, voire un renversement de tendance au cours des années 90,
ainsi que bon nombre de ceux qui progressent lentement ou qui sont déjà en bonne
voie. A eux tous, ils regroupent 4,6 milliards d’habitants et 496 millions d’enfants de
moins de cinq ans en 2005. Ces pays ont été classés en quatre groupes en fonction
de plusieurs critères, notamment les taux de mortalité, les points forts et les points
faibles du système de santé ainsi que les problèmes posés par l’environnement dans
lequel fonctionnent les services de santé. Pour chaque pays, un scénario spécifique de
groupe pour l’extension de la couverture a été appliqué aux taux actuels de couverture
de chaque intervention.
On estime que les coûts additionnels de la mise en œuvre de ces scénarios se montent au total à au moins US $52,4 milliards : US $2,2 milliards en 2006 – montant qui
devrait passer à mesure que la couverture s’améliorera à US $7,8 milliards en 2015.
Cela correspond à US $1,05 par habitant et par an (US $0,47 au début, montant qui
passera à US $1,48 la dixième année, lorsque 95 % des enfants bénéficieront de
chacune des interventions dans chaque pays). Cela correspond à une augmentation
moyenne de 12 % par an de la dépense de santé publique médiane actuelle dans ces
Tableau 6.1 Interventions essentielles pour améliorer la
survie de l’enfant
• Protection des nouveau-nés et de leurs mères : suivi assuré par du personnel
qualifié tout au long de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum immédiat (non chiffré dans ce chapitre).
• Alimentation du nourrisson : allaitement au sein exclusif au cours des six premiers mois de la vie, complété par des aliments appropriés à partir de l’âge de
six mois, l’allaitement au sein se poursuivant pendant deux ans ou plus, accompagné d’une supplémentation en vitamine A et en autres micronutriments, le cas
échéant.
• Vaccins essentiels : couverture accrue des vaccins antirougeoleux et antitétanique et vaccination contre les maladies courantes évitables par la vaccination.
• Lutte contre les maladies diarrhéiques : prise en charge des cas de maladies
diarrhéiques, y compris supplémentation en zinc et administration d’antibiotiques
pour le traitement de la dysenterie.
• Lutte contre les pneumopathies et les infections : prise en charge des cas de
pneumopathies infantiles et d’infections néonatales à l’aide des antibiotiques.
• Lutte antipaludique : utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide, traitement antipaludique préventif intermittent durant la grossesse et traitement sans
retard des cas de paludisme.
• Prévention de l’infection à VIH et soins : traitement, soins, conseils en matière
d’alimentation du nourrisson et soutien destinés aux femmes infectées par le VIH
et à leurs enfants.
Rapport sur la santé dans le monde 2005
75 pays, qui est d’environ US $8,4 par habitant (voir Fig. 6.3 et Encadré 6.3). On trouvera sur le site Web du Rapport sur la santé dans le monde (http://www.who.int/whr)
les hypothèses et les méthodes utilisées pour calculer ces coûts. Les pays des deux
groupes où la situation de départ est relativement favorable, mais où la main-d’œuvre,
les médicaments et les fournitures coûtent plus cher, représentent 60 % du montant
global, qui est de US $52,4 milliards. Il faudrait environ US $21 milliards dans les pays
des deux groupes où la situation est actuellement la plus problématique. Il s’agit de
pays à faible revenu caractérisés par des taux élevés de mortalité, une faible couverture et des systèmes de santé relativement fragiles – mais où la main-d’œuvre et les
fournitures coûtent actuellement moins cher.
Dans les 13 pays à revenu intermédiaire qui appartiennent au groupe actuellement
dans la situation la plus favorable, les dépenses consacrées à la santé de l’enfant
devraient augmenter en moyenne de US $0,79 par habitant et par an (US $0,29 au
début, pour passer avec les années à US $1,01). Cela correspond à une augmentation de 3 % par an (1 % au début, passant à 4 % en 2015) des dépenses publiques
médianes actuellement consacrées à la santé dans ces pays, soit environ US $23 par
habitant.
Les pays à faible revenu du groupe où la situation est actuellement la plus difficile,
comme l’Angola, la Côte d’Ivoire, l’Ethiopie, le Mali, le Niger, le Nigéria, la République
démocratique du Congo, la Somalie et le Tchad, devraient dépenser US $2,16 supplémentaires par habitant et par an : US $1,27 les premières années et, à mesure que
ces pays progresseront au fil des années vers une couverture à 100 %, ce montant
passera à US $3,58 par habitant et par an au bout de dix ans. Cela représente une
augmentation de 46 % (27 % au début et qui atteindra 76 % en 2015) des dépenses
publiques médianes consacrées actuellement à la santé dans ces pays, soit environ
US $4,7 par habitant (les dépenses privées médianes dans ces pays s’élèvent à
US $5,5 par habitant et par an).
Figure 6.3 Coût supplémentaire de l’extension des interventions de santé infantile
4
3,5
US $ par habitant et par an
130
21 pays ayant de
grosses difficultés,
délai important
3
23 pays ayant moins
de difficultés, délai court
2,5
18 pays n’ayant besoin
d’aucun délai
2
13 pays dont
les systèmes de santé
permettent une extension
rapide des interventions
1,5
1
Ensemble des pays
0,5
0
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
repenser les soins aux enfants : l’optique de la survie, de la croissance et du développement 131
Encadré 6.3 Ventilation des coûts prévus pour l’extension des activités
Accroître la couverture signifie que davantage de femmes et de ménages devront être
atteints, avec pour conséquence le fait que le
coût de l’extension des activités, qui s’ajoute
aux dépenses courantes, va progresser avec le
temps. C’est particulièrement le cas s’agissant
du personnel et des fournitures, mais moins en
ce qui concerne le coût des programmes.
Treize pour cent de ces coûts supplémentaires concernent l’élaboration et le soutien aux
programmes, 87 % la prestation de services
(avec, en gros, les trois quarts pour la prestation
de services par les établissements de santé
et un quart pour les interventions à l’échelon
communautaire). Sur le montant des coûts
supplémentaires de la prestation de services,
les salaires et honoraires du personnel professionnel assurant ces services représentent
38 %, les programmes destinés aux agents de
santé communautaires et visant à compléter
les services assurés par le personnel de santé
professionnel représentent 10 % et les médicaments, examens de laboratoire et autres
fournitures 39 %.
La répartition de ces coûts supplémentaires
en fonction des diverses interventions évolue
avec le temps. En valeur absolue, les projections prennent pour hypothèse une multiplica-
tion par dix entre 2006 et 2015 des ressources
nécessaires pour l’action de conseil concernant l’allaitement au sein et l’alimentation de
complément, la prise en charge des infections
néonatales, des maladies diarrhéiques et des
infections respiratoires aiguës. Les ressources
supplémentaires nécessaires pour développer la
vaccination et cibler les cas de paludisme vont
doubler pendant la même période, mais la part
qu’elles représentent sur le total sera réduite
des deux tiers, passant respectivement à 9 % et
12 %. Seul le traitement des complications de la
rougeole exigera moins de fonds en 2015 qu’en
2006 : la prévention est payante à long terme.
Coût de l’extension des interventions de santé infantile, venant s’ajouter aux dépenses courantes, par catégorie
8000
Dépenses liées au personnel professionnel
US $ millions
6000
Dépenses liées aux agents de santé communautaires
Médicaments, fournitures
et examens de laboratoire
4000
Coûts des programmes
2000
0
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Ventilation des coûts supplémentaires de l’extension des interventions de santé infantile
25000
Coûts des programmes
Prise en charge des cas de rougeole
20000
Prévention de la transmission mère-enfant du VIH
Iodation universelle du sel
Vaccination, supplémentation en vitamine A
et traitement anthelminthique
Assistance technique
Prévention et traitement du paludisme
Prise en charge des cas d’infection néonatale
Prise en charge des cas de diarrhée
Prise en charge des cas d’IRA/pneumonie
US $ millions
15000
Prise en charge des cas de malnutrition sévère
Conseil concernant l’allaitement au sein
et l’alimentation de complément
Surveillance et évaluation
Sensibilisation
Gestion générale
Législation, politique, réglementation
Supervision
Vaccination
Infrastructure
Information, éducation, communication
10000
Formation
5000
0
Personnel professionnel
Médicaments,
assurant la prestation fournitures et examens
de services
de laboratoire
Agents de santé
communautaires
assurant la prestation
de services
Coûts des
programmes
132
Rapport sur la santé dans le monde 2005
Ces estimations ne valent que pour autant que les hypothèses et les projections qui
les sous-tendent soient fiables. Dans certains pays, le développement des interventions pourra se faire plus vite que prévu alors que, dans d’autres, il sera plus lent :
beaucoup dépend de la volonté et de l’engagement politiques ainsi que du contexte social, politique et économique. Des changements peuvent survenir dans la dynamique
des populations ainsi que dans les structures de coûts. Des innovations techniques et
des modifications au niveau des modalités de prestation des soins et des ressources
humaines disponibles peuvent avoir un impact sur l’extension de la couverture et sur
les estimations de coûts. De plus, les projections en matière de coûts ne tiennent
pas compte aujourd’hui des gains de productivité que permettrait l’intégration des
différentes interventions là où elles sont assurées.
Ces projections fournissent malgré tout un point de référence quant aux coûts supplémentaires qui viendraient s’ajouter aux dépenses courantes du fait d’un développement massif des activités. C’est un point de référence bas, car on suppose que les
niveaux actuels de couverture peuvent être maintenus sans surcroît d’investissement
et qu’il est possible de disposer de personnel et d’infrastructures supplémentaires. Qui
plus est, il ne tient pas compte de la formation des nouveaux professionnels de santé
polyvalents qui dispenseront des soins aux enfants, ni des augmentations de salaire et
d’autres prestations qui, dans de nombreux pays, seront nécessaires pour réaffecter
et motiver le personnel et le dissuader de partir à l’étranger.
PASSER DES PROJECTIONS DE COÛT À L’EXTENSION
DES ACTIVITÉS
Chaque pays fait face à des enjeux très particuliers lorsqu’il décide de développer l’accès aux soins et la couverture des prestations, mais tous devront s’engager politiquement à long terme pour mobiliser les énormes ressources qui seront nécessaires. Un
tel effort en matière de financement semble raisonnablement possible dans certains
pays mais, dans beaucoup d’autres, il dépassera ce que l’Etat peut faire à lui seul.
Pour beaucoup de pays, il n’est pas réaliste de penser qu’ils pourront se contenter
d’accroître leur budget pour mobiliser de telles ressources ; pour d’autres, c’est plus
réaliste mais, dans bien des cas, les coûts supplémentaires sont tels qu’une aide
extérieure s’imposera.
Quoi qu’il en soit, il faudra mettre en place des capacités institutionnelles non
seulement pour mobiliser ces fonds, mais aussi pour planifier et mettre en œuvre
l’intégration des diverses interventions et mener à bien la réorientation des services
de santé infantile, en abandonnant la simple optique de la survie pour se tourner vers
la survie, la croissance et le développement. Cela ne saurait être dissocié du développement et du renforcement des systèmes de santé. En premier lieu, les services
de santé doivent être en mesure d’assurer une action soignante face à des risques et
pathologies multiples et, pour ce faire, ils doivent s’appuyer sur un système de santé
en bon état de fonctionnement qui garantit une chaîne des soins depuis le domicile,
en passant par les établissements de premier niveau jusqu’aux hôpitaux de district.
En deuxième lieu, cela ne saurait se faire sans que l’on renforce la continuité avec
les interventions qui visent à améliorer la santé de la mère et du nouveau-né. En
troisième lieu, il faut une révolution culturelle parmi les agents de santé pour qu’ils
commencent à travailler avec les familles et les communautés en tant que partenaires
et qu’ils voient dans les enfants des êtres humains à part entière et non pas seulement
un faisceau de maladies.
L’évolution qu’ont connue les programmes de santé de l’enfant – depuis l’optique
repenser les soins aux enfants : l’optique de la survie, de la croissance et du développement 133
globale adoptée dans les premiers temps par les soins de santé primaires, en passant
par les stratégies intermédiaires fondées sur des interventions sélectives pour des
maladies prioritaires, jusqu’à l’option actuelle plus globalisante de la prise en charge
intégrée des maladies de l’enfant – traduit bien le constat que les stratégies d’amélioration de la survie de l’enfant comporteront probablement plusieurs approches qui
permettront de progresser vers l’intégration totale. Faute de quoi, bien des d’enfants
resteront hors de portée des services ou, même s’ils bénéficient de soins, beaucoup
d’occasions de protéger leur santé seront perdues. De nombreux pays ont déjà commencé à réorienter leurs services de manière à mettre en place ou renforcer cette
continuité des soins. Il appartient désormais aux pouvoirs publics et à la communauté
mondiale de soutenir ces efforts et de mobiliser des ressources en conséquence.
Bibliographie
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