GUIDE DU BIG DATA

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GUIDE DU BIG DATA
2015 / 2016
GUIDE DU BIG DATA
L’ ANNUAIRE DE RÉFÉRENCE
À DESTINATION DES UTILISATEURS
by
INTERVIEW D’EXPERT
STEPHANE GRUMBACH
DIRECTEUR DE RECHERCHE - INRIA
Stéphane Grumbach, directeur de recherche à
l’INRIA, est directeur de l’Institut Rhônalpin des
Systèmes Complexes, IXXI.
dus -“for the people we serve”. La nuance est
importante : Facebook ne considère pas qu’elle
œuvre pour des “clients”, mais bien pour la société. L’entreprise est en quelque sorte devenue un service public.
A l’inverse, GDF en France est souvent critiquée
pour sa mauvaise gestion client. Elle donne là
l’occasion à un opérateur extérieur de se poser en intermédiateur, qui gérerait les services
d’eau, de gaz et d’électricité pour le client final. Cet opérateur offrirait un service attendu
par l’utilisateur, et deviendrait par la même
occasion un client unique pour GDF, en représentant des millions de clients. La balance du
pouvoir serait alors revue, au profit de l’opérateur intermédiaire, et in fine de l’utilisateur. Ce
schéma, on peut l’imaginer dans une multitude
de domaines.
nal- excelle au niveau mondial en cartographie,
mais n’a pas compris qu’il fallait mettre ce service en ligne gratuitement- en échange d’informations qui leur seraient précieuses.
LE BUSINESS MODEL DE L’INTERMÉDIATION
Le blocage se situe principalement au niveau
de la compréhension de la viabilité économique
des entreprises de l’intermédiation. Comment
une entreprise qui met un service à disposition
des utilisateurs gratuitement peut-elle gagner
de l’argent ?
Une entreprise de l’intermédiation doit suivre
un parcours précis, qui commence par la
conception d’un service utile, efficace et ergonomique. Ensuite elle doit parvenir à regrouper une communauté d’early-adopteurs,
puis croitre progressivement, avant de finalement connaitre une croissance exponentielle.
Facebook, Uber, Twitter… tous les plus grands
ont suivi cette courbe. A l’image d’une mayonnaise qui prend petit à petit, ils ont su asseoir
leur leadership au fil des mois et des années,
ajoutant peu à peu des ingrédients améliorant
leur recette. Le Facebook des premiers jours,
réseau fermé d’étudiants, était loin de proposer
les fonctionnalités dont il dispose aujourd’hui.
A l’usage, les entreprises peuvent affiner leurs
services. Et ce n’est que lorsque la base est solide qu’il est envisageable d’introduire des services additionnels payants. Marck Zuckerberg
avait lutté durant toute la phase de croissance
de Facebook pour défendre son point de vue :
ne pas gagner d’argent, gagner des utilisateurs. Il avait déjà compris que c’est là que se
trouvait le pouvoir, dans les données de cette
fameuse communauté d’utilisateurs.
Actuellement aux Etats-Unis, de nombreuses
sociétés ayant créé un service basique, sur ce
modèle, sont financées. Beaucoup échoueront,
certaines pépites se révèleront.
L’intermédiation,
Les 20 plus grandes entreprises du monde, par capitalisation boursière (C.B.)
en milliards de dollars 31/03/2014
Rang
Entreprise
Nationalité
Secteur
C.B.
1
Apple
USA
Technologie
725
2
Google Inc
USA
Technologie
375
3
Exxon / Mobil Corp
USA
Pétrole & Gaz
357
4
Berkshire Hathaway
USA
Finance
357
5
Microsoft
USA
Technologie
334
c’est le mot clef !
EN QUOI LE DIGITAL CHANGE LE MONDE ?
L’intermédiation ! C’est le mot clef. A la question « comment fait-on pour récupérer des
données », la réponse passe forcément par une
phase de contact direct avec les utilisateurs.
Les entreprises qui collectent et utilisent des
données mettent donc en place une forme d’intermédiation en proposant un service – comme
par exemple l’efficacité d’un moteur de recherche ou la fiabilité et la rapidité d’Uber –
contre des données. On appelle cela l’économie
de l’intermédiation, et elle est de nos jours au
centre de la société.
L’image est connue : les données sont le nouveau pétrole du XXIème siècle. Par conséquent,
ceux qui ont le pouvoir sont ceux qui font de l’intermédiation, car ils ont ainsi le moyen d’accéder à ces données. Cette notion est très mal
comprise en Europe. De façon générale, on y
fait du data-analytics, mais on ne s’intéresse
pas aux entreprises qui changent le monde en
utilisant le Big Data- et qui sont en interaction
permanente avec leurs clients. Un des rares
exemples européen qui suit ce modèle est
Blablacar, mais elle reste une entreprise de
taille modérée face aux géants des GAFA. L’IGN
par exemple - l’institut de géographie natio-
En France, la majorité des entreprises raisonnent encore en termes de « client » et occultent totalement cette nouvelle réalité économique. Google, Facebook et les autres géants
de la nouvelle économie ont été conçus pour
servir les gens, c’est leur ADN. Le principe
d’intermédiation qu’ils ont mis en place est un
élément essentiel de la digitalisation.
Un article de WIRED publié à l’occasion de l’ouverture du labo parisien de Facebook évoque
ce décalage entre l’Europe et les Etats-Unis.
Citant Chris Nicholson, le fondateur de la startup d’intelligence artificielle Skymind, basée
à San Francisco, le journal met le doigt sur la
fuite des cerveaux de l’high-tech européen.
« There are a lot of investment gaps in
European venture capital, which means that
Europe has a lot of ideas and people that either
come to America or never make an impact on
the mainstream» déclare Chris Nicholson.
Source PwC
A l’échelle mondiale, en termes de capitalisation boursière, Apple et Google occupent le
podium du classement. En à peine 15 ans, ils
ont devancé les pétroliers. Une image forte.
Les intermédiaires sont par définition des acteurs disruptifs, ils changent la donne, transforment le paysage dans lequel ils entrent,
et donnent le pouvoir aux utilisateurs. Tous
les secteurs peuvent être concernés. Hier les
journaux étaient concurrencés par les media
online, aujourd’hui Uber affaiblit les taxis, et
demain de nouveaux modèles disruptifs continueront d’apparaitre.
L’INCOMPRÉHENSION EUROPÉENNE
Cette industrie domine le monde, c’est ce que
l’Europe a du mal à comprendre. Récemment,
Facebook a ouvert un laboratoire à Paris.
Pour la communication sur cette structure,
Facebook a bien choisi ses mots, et désigné
cette entité comme destinée à servir les indivi51
LIRE L’ARTICLE DE WIRED
Source UBER
QUI SERONT LES ACTEURS DISRUPTIFS DE
CETTE NOUVELLE ÉCONOMIE ?
Les entreprises historiques n’ont pas la
« culture startup » et ne parviennent pas à
se projeter dans cette nouvelle économie.
Contrairement aux startups, ouvertes à la prise
de risque, ces entreprises se concentrent sur le
patrimoine qu’elles souhaitent préserver.
Culturellement, y développer un service sur le
modèle de l’intermédiation parait difficile, tant
l’accent est mis sur la rentabilité économique à
court ou moyen terme.
Apple fait partie des rares entreprises qui a
su migrer d’un modèle classique –vendeur
d’équipement informatique- vers une entreprise de service. Son succès réside dans le lien
qu’elle a su créer entre ces services d’intermédiation et les produits vendus par l’entreprise.
Elle a accepté de bouleverser son modèle économique pour finalement servir au mieux ses
produits.
Jeff Bezos, le fondateur et PDG d’Amazon,
continue d’afficher son objectif de disruption,
même au détriment de bénéfices économiques.
L’entreprise LEGO, confrontée à d’importantes
pertes de marché, a fait un revirement culturel et stratégique pour s’adapter à l’intermédiation. Elle en a rapidement vu les bénéfices
et est aujourd’hui valorisée à plus 15 milliards
de dollars. Uber, parti d’une idée génialement
disruptive, est pour sa part valorisé à 40 milliards de dollars. Michelin s’est également
posé d’importantes questions structurelles.
Aujourd’hui concentrée sur l’usage plutôt que
sur le produit- le pneu- l’entreprise a perçu l’intérêt stratégique de s’associer à l’économie de
la donnée.
Les plus vulnérables sont les entreprises
de service historiques, car elles peuvent se
faire désintermédier – comme la SNCF par
exemple- voire même remplacer – comme les
sociétés de taxi, dont les lourds couts de structure ne sont plus justifiés. A priori, les grands
acteurs historiques ne seront pas ces acteurs
disruptifs qui vont redessiner le paysage économique.
Marck Zuckerberg
avait lutté durant toute
la phase de croissance
de Facebook pour
défendre son point de
vue : ne pas gagner
d’argent, gagner des
utilisateurs.
Nous sommes donc dans ce qu’on appelle une
époque de création destructrice. Beaucoup
d’entreprises disparaissent et quelques autres
émergent. C’est un phénomène naturel qui a
déjà eu lieu dans l’histoire et s’inscrit dans la
logique des choses. Lorsqu’on a trouvé de nouvelles sources d’énergie, les mines de charbon sont devenues obsolètes. Cependant, en
Europe et tout particulièrement en France, les
parties prenantes ont du mal à accepter cette
réalité. Elles ne comprennent pas que cette
tendance est inévitable et n’est pas forcément
52
indésirable. Cette incompréhension et la lutte
pour maintenir les modèles historiques qui en
découlent sont inquiétantes.
Les champs d’application sont pourtant vastes
et ouvrent des possibilités immenses. On peut
par exemple imaginer des services fiscaux qui
rendraient la vie plus facile, protègeraient de
potentielles poursuites, etc. Il pourrait exister
un intermédiaire, qui en échange de nos données fiscales, proposerait une assurance en
cas de poursuite, couvrirait les frais, et remplirait lui-même notre déclaration.
Les acteurs historiques ont peu souvent la capacité de traiter les données personnelles, de
les optimiser, de les suivre… GDF à ce jour se
concentre sur la traque des mauvais payeurs,
sans voir les utilisateurs comme des clients qui
méritent un service. GDF aurait la possibilité
d’analyser leurs logs pour rendre à ses utilisateurs une multitude de service, et devenir un
acteur d’intérêt général. Si Google ou tout autre
intermédiaire numérique décide de s’intéresser à ce marché, il simplifiera les démarches
et les gens le choisiront comme intermédiaire.
D’une façon générale, la philosophie d’une
société de l’intermédiation est de prendre les
gens dans ses bras et de les rassurer. Uber
par exemple, l’a compris, en proposant à l’usager de voir sa position et la position de la voiture en temps-réel. La lutte actuelle entre les
autorités, les acteurs historiques et Uber est
tout à fait révélatrice du décalage européen
face à cette nouvelle économie, même si Uber
connaît des difficultés, et c’est normal, sur le
territoire américain également.
LE CAS GOOGLE EN EUROPE
Condamné sur la question du droit à l’oubli par la Cour Européenne de Justice suite à
une plainte espagnole, Google doit mettre en
œuvre le déréférencement- en assurant la
gestion complète du processus. Par conséquent, Google devient une sorte d’opérateur
juridique, qui reçoit les demandes de droit à
l’oubli, juge de leur recevabilité, et les met en
œuvre. Les citoyens européens sont donc invités à transmettre à Google des informations
personnelles sensibles.
Outre les ambivalences que suscitent une telle
décision, cela suppose que tout nouvel entrant
dans le marché du moteur de recherche devra
implémenter cette même fonction de justice.
En définitive, cette décision de justice risque
d’avoir un effet pervers et de renforcer la position hégémonique de Google.
Auparavant, la société s’appuyait sur des textes
de lois ; aujourd’hui, de fait, elle s’appuie sur
des lois ainsi que sur des algorithmes définis
par des multinationales omniprésentes. Avec
Facebook, Uber ou Google, les pays sont forcés d’adapter leurs lois.
ETATS-UNIS ET CHINE : LES PUISSANCES
DIGITALES
Très clairement, les Etats-Unis ont une suprématie digitale. Cependant, il ne faut pas oublier certaines autres zones, et notamment la
Chine, qui dispose elle aussi d’une très forte
industrie numérique. Sur les 25 plus grandes
plateformes numériques mondiales, 2/3 sont
américaines et 1/3 chinoises.
Comme les Etats-Unis, la Chine a la capacité
de développer de très grandes entreprises. De
plus, comme aux Etats-Unis, les systèmes dont
l’activité est la plus importante sur le territoire,
sont des systèmes nationaux. Les données des
citoyens sont donc traitées par des entreprises
nationales et tombent sous le coup des législations locales. Les entreprises chinoises, à
l’instar de leurs homologues américaines,
ont depuis longtemps compris l’intérêt stratégique de la collecte des données à l’étranger, par l’extension de leurs services hors frontières. Les Etats-Unis, de par la puissance de
leurs multinationales, restent de loin la première puissance numérique, mais la Chine, numéro 2, est loin devant toutes les autres.
Source S. Daviaud
LA MISSION FRENCH TECH
Sur les 25 plus grandes
plateformes numériques mondiales, 2/3
sont américaines et 1/3
chinoises.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les
systèmes américains et chinois interagissent
sur divers aspects comme l’authentification
des utilisateurs à l’étranger par exemple. Par
ailleurs, les ingénieurs des grands groupes
chinois et américains passent facilement d’un
pays à l’autre.
En France, les récents dispositifs légaux sur la
sécurité et la surveillance marquent une volonté de l’Etat de reprendre du pouvoir sur les
données. Mais par rapport aux pays disposant
de grandes plateformes comme les Etats-Unis
ou la Chine, les données dont nous disposons
en France sont en quantité et en qualité bien
inférieures. Par ailleurs, nous ne disposons
pas non plus de la même capacité d’analyse
tant automatique qu’humaine de ces données.
Finalement, ces dispositifs semblent rentrer
en contradiction avec les principes de la CNIL.
Le débat sur ces questions est intense également aux Etats-Unis, qui voient aujourd’hui la
justice revenir sur la légalité de certaines pratiques dénoncées par Edward Snowden.
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Dans une économie mondiale globalisée, interconnectée et hyper-technologique, la France a
toujours un rôle important à jouer. Statisticiens
et mathématiciens de qualité, groupes industriels puissants et un écosystème de startups
dynamique font la force de la France à l’international. Né de volontés politiques, des acteurs
s’organisent pour donner une impulsion aux
startups hexagonales, et renforcer la présence
de la France sur des thématiques hautement
technologiques et ancrées dans l’innovation.
La mission a bénéficié
dès sa création d’un
fond de 200 millions
d’euros à destination
d’accélérateurs
d’entreprises.
La Mission French Tech participe à cette dynamique. Présentations.
La « Mission French Tech », a été mise en
place en 2013 par le Ministère délégué aux
PME, à l’innovation et à l’Économie numérique. La marque French Tech est devenue le
porte-drapeau des startups high-tech françaises, véhicule de leur image en France et à
l’étranger. Concrètement, la Mission French
Tech remplit deux rôles majeurs : la coordination, l’émulation et le rayonnement des
startups françaises, et la labellisation des
« Métropoles French Tech ».
Soutenue par la Direction générale des entreprises et la Direction générale du trésor du
Ministère de l’Economie et des Finances, le
Ministère des Affaires Etrangères, la Caisse
des Dépôts, Bpifrance, Ubifrance et l’AFII, la
mission a bénéficié dès sa création d’un fond
de 200 millions d’euros à destination d’accélérateurs d’entreprises.