Fiche Alur : Lutte contre l`habitat indigne
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Fiche Alur : Lutte contre l`habitat indigne
Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique Il existe en France environ 420 0001 logements occupés considérés comme indignes. La lutte contre l’habitat indigne est en matière de politique du logement une priorité d’action de la puissance publique, qui a, à sa disposition, des outils incitatifs et coercitifs. Ainsi, des logements qualifiés d’indignes peuvent être frappés d’arrêtés de polices spéciales de la responsabilité du maire ou du préfet. Ces arrêtés visent à imposer la réalisation de travaux et, autant que nécessaire, le relogement ou l’hébergement temporaire des occupants dans un délai déterminé. Dans l’éventualité où le propriétaire ne réalise pas les mesures prescrites dans le délai imparti, le maire ou le préfet est en droit de les réaliser d’office, aux frais du propriétaire. Ce volet coercitif se prolonge dans un panel de sanctions pénales visant plus particulièrement les marchands de sommeil. Le pouvoir de décision relève ainsi, selon la nature des mesures envisagées, du préfet (insalubrité et saturnisme, etc.), du maire agissant au nom de l’État (police des équipements communs des immeubles collectifs d’habitation) ou du maire agissant au nom de la commune (péril, etc.). La dissociation du pouvoir de police (du ressort exclusif du maire) et de certaines compétences en matière de logement (prises en charge par une intercommunalité) vient parfois compliquer davantage encore la définition et la mise en œuvre d’une politique locale efficace de lutte contre l’habitat indigne (repérage, mesures incitatives, actions coercitives). La mise en œuvre d’office des mesures prescrites en cas de non respect (travaux et, le cas échéant, hébergement ou relogement) peut, à l’intérieur d’une même police, incomber à un acteur différent de celui qui a le pouvoir d’édicter les mesures. La police la plus utilisée, celle de l’insalubrité, (1331-26 du code de la santé publique (CSP)) illustre bien cette complexité : si le maire est chargé d'exécuter les travaux d’office (IV du L. 1331-29 du CSP), le préfet assure l'hébergement temporaire des personnes et peut se substituer au maire pour les travaux d’office. Cette complexité juridique et technique est un handicap fort pour la mise en œuvre de la lutte contre l’habitat indigne, tant pour la prise des arrêtés de la compétence du maire, que pour la mise en œuvre des mesures d'office prescrites par ses propres arrêtés ou par les arrêtés préfectoraux pour lesquels les textes prévoient que les travaux d’office sont réalisés par le maire2. Les services techniques (Direction Départementale des Territoires (DDT), Direction Départementale de la Cohésion 1 Données « Filocom » 2011 Ainsi, le sondage réalisé auprès de maires en octobre 2012, fait ressortir que 83% des maires qui ont répondu à l’enquête se sentent démunis, que ce soit juridiquement ou techniquement, pour faire face aux situations d’habitat indigne (enquête réalisée conjointement par la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) et l’Association des maires de France (AMF) dans le cadre du Forum des politiques de l’habitat privé en octobre 2012, auprès des communes adhérentes à l’AMF - taux de retour de 3%, soit 426 questionnaires complétés). 2 1 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 Sociale (DDCS), préfecture, délégations territoriales des Agences Régionales de la Santé (ARS) et services communaux d'hygiène et de santé (SCHS)) font ainsi état dans le cadre de l’enquête habitat indigne de difficultés récurrentes rencontrées dans le traitement de l’habitat indigne, liées notamment à la multiplicité des acteurs et leur difficile coordination3. L’article 75 de la loi Alur a ainsi pour ambition de faire émerger une autorité compétente unique en matière de police spéciale en confiant au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), les prérogatives détenues, par les maires des communes membres et par le préfet. 1. L’autorité compétente unique : le président de l’EPCI à fiscalité propre compétent en matière d’habitat L’autorité visée à l’article 75 est le président de l’EPCI à fiscalité propre compétent en matière d’habitat. Les communautés d’agglomérations et les communautés urbaines sont obligatoirement compétentes en matière d’habitat (articles L5215-20-1 et L5216-5 du CGCT). Au 1er janvier 2014, on décompte 222 communautés d’agglomérations et 15 communautés urbaines. S'agissant des communautés de communes, l'habitat figure parmi les groupes de compétences optionnelles. Les communautés de communes à dotation générale de fonctionnement (DGF) bonifiée, relevant de l'article L 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), peuvent exercer le groupe de compétences "politique du logement social d'intérêt communautaire et action, par des opérations d'intérêt communautaire, en faveur du logement des personnes défavorisées". Elles sont donc nécessairement compétentes en matière d'habitat dès lors qu'elles ont opté pour ce groupe de compétences. Les communautés de communes de droit commun, relevant de l'article L. 5214-16 du CGCT, peuvent choisir le groupe de compétences "politique du logement et du cadre de vie". Ce groupe de compétences vise à la fois la politique du logement et celle du cadre de vie, qui forment deux compétences insécables. Une communauté de communes de droit commun est donc nécessairement compétente en matière d'habitat au titre de l'action "logement" dès lors qu'elle a opté pour le groupe de compétences "politique du logement et du cadre de vie". Ainsi, afin de déterminer juridiquement si une communauté de communes est compétente en matière d’habitat, il faut se référer à ses statuts. En pratique, il peut aussi être utile de se référer aux données de la Base nationale de l’intercommunalité (BANATIC), système d’information de référence sur les données relatives à l’intercommunalité. 3 Données déclaratives issues de l’enquête « habitat indigne » sur l’activité 2012. 2 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 Ainsi, dès lors qu’une communauté de communes a au moins une des compétences répertoriées dans BANATIC4 et énumérées dans l’encadré ci-après, elle est répertoriée comme compétente en matière d'habitat. C5505 Programme local de l’habitat C5510 Politique du logement non social C5515 Politique du logement social C5520 Politique du logement étudiant C5525 Action et aide financière en faveur du logement social d'intérêt communautaire C5530iiiiiAction en faveur du logement des personnes défavorisées par des opérations d’intérêt communautaire C5535 Opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) C5540 Amélioration du parc immobilier bâti d'intérêt communautaire C5545 Droit de préemption urbain (DPU) pour la mise en œuvre de la politique communautaire d'équilibre social de l'habitat C5550 Actions de réhabilitation et résorption de l’habitat insalubre C5555 Délégations des aides à la pierre (article 61 - Loi LRL) Selon les données BANATIC, sur 1903 communautés de communes, 1628 ont pris la compétence en matière d’habitat. Parmi l’ensemble de ces EPCI à fiscalité propre compétents en matière d’habitat, 85 sont au 15 avril 2014 délégataires des aides à la pierre. Les métropoles, EPCI à fiscalité propre, sont également obligatoirement compétentes en matière d’habitat. Il en est ainsi de la métropole Nice Côte d’Azur créée par décret du 17 octobre 2011 suite à la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Avec la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles du 28 janvier 2014, les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence, créées à compter du 1er janvier 2016 et les métropoles de Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes et Rouen créées à compter du 1er janvier 2015, seront également concernées. Cette loi prévoit également que d’autres EPCI situés dans un bassin de plus de 400 000 habitants (Brest et Montpellier) pourront aussi accéder à ce statut par décret, sous réserve d'un accord exprimé par deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci ou par la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population. L’article 75 est également applicable à la métropole de Lyon, mise en place à compter du 1er janvier 2015 par cette même loi, bien qu’elle soit une collectivité à statut particulier. 4 Le détail des données Banatic est accessible sous : http://www.collectivites-locales.gouv.fr/donneesbanatic-au-1er-janvier-2014 3 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 Lorsqu’une métropole délègue tout ou partie de ses compétences en matière d’habitat à un conseil de territoires, le président de la métropole délègue, pour les prérogatives des maires, ou peut subdéléguer, pour les prérogatives du préfet, au président du conseil de territoires les polices spéciales qui lui ont été confiées. LES EPCI concernés par l’article 75 de la loi Alur CU CA CC Métropole TOTAL EPCI Part de la population concernée EPCI concernés par le transfert 15 222 1628 1 1866 88% EPCI concernés par le transfert et la délégation 13 67 4 1 85 27% 2. Transfert automatique des polices spéciales des maires au président de l’EPCI compétent en matière d’habitat 2.1. Polices concernées Le transfert automatique des polices spéciales des maires au président de l’EPCI compétent en matière d’habitat concerne les polices spéciales relatives : • à la sécurité des établissements recevant du public aux fins d’hébergement (L123-3 du CCH), • aux équipements communs des immeubles collectifs d’habitation (L129-1 à 6 du CCH), • et au péril (L511-1 à 4 du CCH), police qui n’est pas restreinte aux immeubles d’habitation. Ce transfert ne concerne pas les pouvoirs de police générale que le maire détient en matière de salubrité et de sécurité en application de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et en application de l’article L. 1421-4 du CSP pour le contrôle administratif et technique des règles générales. 2.2. Champ d’application L’article 75 prévoit : • un transfert automatique de ces prérogatives des maires au président de l’EPCI compétent en matière d’habitat (sixième alinéa du A de la partie I de l’article L. 5211-9-2 du CGCT). • Une attribution directe de ces prérogatives au président de la métropole de Lyon (9 du I du L. 3642-2 du CGCT). 4 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 2.3. Mise en œuvre 2.3.1. Mécanisme du transfert Le transfert est automatique5, à l’exception de la future métropole de Lyon, dont le président se voit directement attribuer ces prérogatives par la loi. Cependant, dans un délai de six mois suivant la date de l'élection du président de l'établissement public de coopération intercommunale, un ou plusieurs maires peuvent s’opposer par notification à ce transfert. Puisque le maire agit en son nom propre, une délibération du conseil municipal n’est pas nécessaire pour que le maire puisse manifester son opposition : un courrier signé du maire avec accusé de réception suffit. L'opposition du maire au transfert vaut pour les trois polices spéciales précédemment citées et ne peut être limitée à une ou deux de ces polices. En effet, le dernier alinéa de la partie I de l'article L.5211-9-2 du CGCT prévoit le transfert au président de l'EPCI des trois polices spéciales de manière insécable. L’insécabilité des trois polices spéciales répond à l’objectif poursuivi par le législateur, dans le cadre de l’article 75 de la loi Alur, de créer un acteur unique de l’habitat indigne. En cas d’opposition d’un ou plusieurs maires au transfert, le président de l’EPCI peut décider de renoncer au transfert sur l’ensemble du territoire de l’intercommunalité. Il notifie alors sa renonciation à chacun des maires des communes membres dans un délai de six mois à compter de la réception de la première notification d'opposition. Cette renonciation est une prérogative propre du président de l’EPCI qu’il décidera de mettre en œuvre ou non selon la configuration locale (poids de la lutte contre l’habitat indigne dans l’action de la commune qui s’oppose au transfert, etc.). Si aucun maire ne s’oppose au transfert, le président de l’EPCI ne peut pas renoncer au transfert. Les transferts interviendront à l’expiration des délais d’opposition et de renonciation qui suivent la prochaine élection du président de l’EPCI (suivant promulgation de la loi). Les textes ne fixent pas de date particulière pour l’élection du président de l’EPCI. Ils se limitent à préciser qu’à partir de l’installation de l’organe délibérant et jusqu’à l’élection du président, les fonctions de président sont assurées par le doyen d’âge (L. 5211-9 du CGCT). Dans la pratique, l’élection du président intervient lors de la première réunion de l’assemblée délibérante de l’EPCI, c’est-à-dire au plus tard le vendredi de la quatrième semaine qui suit l’élection des maires (L. 5211-6 du CGCT). L’élection des maires ayant lieu au plus tôt le vendredi et au plus tard le dimanche suivant le tour de scrutin à l'issue duquel le conseil municipal a été élu au complet (L. 122-8 du CGCT), c'est-à-dire entre le 4 et le 6 avril 2014, le président de l’EPCI a été élu au plus tard le 2 mai 2014 (sauf cas exceptionnel dans lequel l’exécutif est élu après l’installation de l’organe délibérant). S’il n’y a pas d’opposition des maires, le transfert sera donc effectif au plus tard le 2 novembre 2014 (sous réserve que l’exécutif ait été élu le jour de l’installation de l’organe délibérant). S’il y a opposition d’un ou plusieurs maires dans le délai d’opposition, la date d’entrée en vigueur du transfert dépend de la date de la première opposition et aura donc lieu dans un délai de six mois à compter de la réception de cette première notification d'opposition. 5 Transfert possible dans le projet de loi du gouvernement, il a été rendu automatique par les sénateurs en 1ère lecture. 5 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 L’absence de signature de la convention de transfert à la date d’entrée en vigueur du transfert, n’a aucun impact sur la pleine effectivité du transfert. À la date d’entrée en vigueur du transfert, le président de l’EPCI est pleinement investi des prérogatives de police et devient également responsable du stock d’arrêtés en cours pris antérieurement par les maires. Entrée en vigueur du transfert en l’absence d’opposition des maires: Délai de 6 mois pendant lequel un ou des maires peuvent notifier leur opposition le transfert devient pleinement effectif Rédaction de la convention de transfert Entrée en vigueur du transfert en cas d’opposition d’un ou plusieurs maires: délai de 6 mois pendant lequel le président de l’EPCI peut renoncer au transfert Délai de 6 mois pendant lequel un ou des maires peuvent notifier leur opposition 1ère opposition Autre opposition d’1 maire d’1 maire Élection du président de l’EPCI le transfert devient pleinement effectif Rédaction de la convention de transfert 2.3.2. Durée du transfert À chaque nouvelle élection du président d’EPCI, un maire ayant transféré ses prérogatives a la possibilité de revenir sur ce transfert en y faisant opposition et donc de mettre fin à ce transfert sur son territoire. Inversement, à chaque nouvelle élection du président d’EPCI, un maire qui s’était initialement opposé au transfert et qui ne manifeste pas son opposition, verra ses prérogatives de police spéciale transférées. 2.3.3. Moyens Pour l'exercice des polices transférées, les maires des communes membres de l’EPCI mettent les services ou parties de services des communes à la disposition du président de l'EPCI (cf. VII. de l’article L. 5211-9-2 du CGCT). Cette mise à disposition de services ou parties de service est à distinguer de la mise à disposition d’agents. En effet, un agent mis à disposition est en partie géré administrativement et fonctionnellement par le service d’accueil : il est soumis à l’autorité hiérarchique du service d’accueil6 qui l’évalue. Ce n’est pas le cas dans le cadre d’une mise à disposition de service où l’agent reste entièrement géré administrativement et fonctionnellement par son service de rattachement, mais travaille en partie ou complètement, selon ses missions, pour le compte d’un autre service. 6 Article 8 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux 6 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 Cette mise à disposition fait l’objet d’une convention entre les maires ayant transféré leurs prérogatives et le président de l’EPCI. Outre la mise à disposition du président de l’EPCI de services ou parties de services, les signataires devront convenir des procédures à suivre en cas de signalement ou de détection des logements indignes et des moyens financiers qu’ils envisagent de consacrer à cette politique. Un maire s’étant opposé au transfert ne peut donc être signataire de la convention. La conclusion de la convention de transfert ne conditionne pas l’entrée en vigueur du transfert. Concernant la métropole de Lyon, l’attribution directe par la loi des prérogatives de police spéciale au président de la Métropole, n’empêche pas la nécessité qu’une convention soit signée avec l’ensemble des maires. Cette convention n’aura pas pour objet de marquer l’accord des maires qui ne peuvent s’opposer, mais de déterminer les moyens qui seront mis à disposition du président de la métropole. 2.3.4. Carence du président de l’EPCI En cas de carence du président de l’EPCI, sur les polices du péril et de sécurité des hôtels meublés, le préfet peut se substituer à celui-ci après avoir mis en demeure, sans résultat, le président de l’EPCI (L. 2215-1 du CGCT). Dans ce cas, les frais afférents aux mesures prises par le préfet sont à la charge de l’EPCI défaillant. Lorsque la carence du président de l’EPCI porte sur le transfert de la police relative à la sécurité des équipements communs des immeubles collectifs, le préfet se substitue à l’EPCI dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles le préfet se substitue au maire qui, en tant qu’agent de l'Etat, refuse ou néglige d’accomplir un acte (L. 2122-34 du CGCT). Le remboursement des frais exposés par le préfet reste à la charge de l’EPCI. 3. Délégation des polices spéciales du préfet au président de l’EPCI 3.1. Champ d’application 3.1.1. Deux conditions préalables et cumulatives Pour que la délégation ait lieu : • Les maires des communes membres de l'EPCI à fiscalité propre doivent avoir transféré leurs prérogatives en matière de polices spéciales. L’opposition d’un ou plusieurs maires au transfert n’empêche pas que le préfet puisse déléguer ses prérogatives. Il limite simplement le territoire de la délégation (voir 3.1.2). • L’EPCI à fiscalité propre doit avoir signé avec l'État une convention de délégation des compétences en matière d’habitat (L. 301-5-1 du CCH). Le mécanisme de délégation est également applicable aux présidents des métropoles lorsqu’ils ont conclu une convention de délégation de compétence en matière d’habitat (L. 5217-2 pour les métropoles de droit commun, L. 5219-1 pour la métropole du Grand Paris et L. 3641-5 du CGCT pour la métropole de Lyon). 7 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 3.1.2. Territoire de la délégation Le préfet peut déléguer ses prérogatives de police spéciale au président de l’EPCI uniquement sur le territoire des communes ayant transféré. Ainsi, l’opposition d’un ou plusieurs maires n’empêche pas la délégation du moment qu’au moins un maire a transféré ses prérogatives et que le président de l’EPCI l’a accepté (cf 2.3.1). 3.2. Polices concernées La délégation porte sur les pouvoirs de polices spéciales du préfet suivants : • locaux impropres à l’habitation (L. 1331-22 du CSP), • locaux suroccupés du fait du logeur (L. 1331-23 du CSP), • locaux dangereux en raison de l’utilisation (L 1331-24 du CSP), • locaux insalubres (CSP : L 1331-26 et 1331-27 à 1331-30) • danger imminent sur locaux insalubres (L. 1331-26-1)7. Ainsi, la police de lutte contre le saturnisme (L1334-1 et suivants du CSP) et celle relative au danger sanitaire ponctuel (L1311-4 du CSP), du fait de leur spécificité sanitaire, ne sont pas concernées par la délégation et restent de la compétence du préfet. Le président d’EPCI aura en charge les nouveaux arrêtés ainsi que la gestion du stock d’arrêtés pris antérieurement à la délégation et en cours. 3.3. Mise en œuvre 3.3.1. Mécanisme de la délégation La délégation porte sur le territoire des communes dont les maires ont transféré leurs prérogatives au président de l’EPCI. Cette délégation peut intervenir sur demande de l’EPCI ou sur proposition du préfet, après avis simple du directeur général de l’agence régionale de santé. Le préfet peut refuser cette délégation pour des raisons motivées et l’accepter ultérieurement si les conditions sont réunies. Cette demande ou cette acceptation de la délégation par le président de l’EPCI est une prérogative propre de celui-ci. Il n’y a donc pas besoin de vote du conseil communautaire afin d’autoriser cette délégation. Cependant, la délégation impactera le budget de l’EPCI en termes de moyens humains et financiers, un vote du conseil sera donc nécessaire préalablement à la signature de la convention de délégation pour habiliter le président à la signer. Les arrêtés pris en vertu des polices déléguées doivent être notifiés au préfet et au directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS). Le président de l’EPCI, en cas de défaillance du propriétaire et, le cas échéant, après application de l’astreinte administrative prévue dans la loi (cf. fiche astreinte), procède à l'exécution d'office des mesures et travaux prescrits par l'arrêté et assure l'hébergement temporaire ou le relogement des occupants. 7 En première lecture, les sénateurs ont supprimé du dispositif de délégation la police du saturnisme. 8 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 Pour cette deuxième mission, le président de l’EPCI peut désigner l’occupant à reloger ou à héberger à un organisme HLM et en cas de refus de ce dernier, procéder à l’attribution d’un logement directement (L. 521-3-3 du CCH). En insalubrité remédiable où c’est le maire qui prend en charge les travaux d’office au nom de l’État en cas de défaillance du propriétaire (L1331-29 IV du CSP), c’est bien entendu le président de l’EPCI qui réalise les travaux d’office et non plus le maire. Les créances relatives aux travaux d'office, à l'hébergement ou au relogement des occupants sont recouvrés par l’EPCI comme en matière de contributions directes et sont garanties par le privilège immobilier spécial. 3.3.2. Durée Le texte n’impose pas de durée pour la convention de délégation des polices spéciales. Elle pourra être conclue pour la durée courante de la délégation de compétence en matière d’habitat, ce qui semble le plus logique. Toutefois, la convention de délégation des polices spéciales sera résiliée de plein droit avant son terme dans les deux cas suivants : • la délégation de compétence en matière d’habitat est dénoncée avant le terme prévu ; • il est mis fin au transfert des polices spéciales du maire au président de l’EPCI. 3.3.3. Moyens Le cadre d’intervention : le SILHIBAD Le président de l’EPCI auquel le préfet a délégué ses prérogatives en matière de polices spéciales exerce celles-ci dans le cadre d’un service intercommunal d’hygiène et de santé dédié à la lutte contre l’habitat indigne et les bâtiments dangereux (SILHIBAD). Le responsable du service intercommunal est compétent pour établir le rapport motivé qui, en insalubrité, est présenté à la Commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques (Coderst, L. 1331- 26 du CSP). La détermination des moyens : la convention de délégation Les conditions dans lesquelles le président de l’EPCI exerce les compétences qui lui ont été déléguées font l’objet d’une convention conclue entre le président de l’EPCI, le directeur général de l’ARS, le préfet et les maires qui ont effectivement transféré leurs prérogatives. Cette convention, qui tient compte du programme local de l’habitat, du projet régional de santé et des contrats locaux de santé, précise notamment les objectifs prioritaires de lutte contre l’habitat indigne, les moyens humains et financiers prévisionnels, les conditions du recours aux services de l’État ou de ses établissements publics, les conditions de mise en place de dispositifs d’observation, les conditions de son évaluation et de son exécution (rapport annuel). En matière de moyens financiers, la dotation générale de décentralisation (DGD) perçue par les 208 communes dotées d’un service communal d’hygiène et de santé (SCHS) ne peut être directement attribuée au SILHIBAD. 9 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 En effet, cette dotation est versée, dans les conditions définies par le décret n°84-1 du 10 décembre 1984, uniquement aux 208 communes qui disposaient d'un SCHS en 1983 (cette liste de bénéficiaires de la dotation est historique, fixée par l'arrêté interministériel du 9 septembre 1985, et les SCHS créés ultérieurement par des communes, de manière facultative, n'ont pas conduit au versement de crédits supplémentaires au titre de la DGD SCHS). En outre, elle est versée aux communes et non aux SCHS et est libre d’emploi (les crédits ne sont pas identifiés dans le budget de la commune qui peut donc consacrer une somme plus ou moins importante au fonctionnement de son SCHS). Enfin, les SCHS exercent nombre de compétences ne relevant pas de l’insalubrité, comme les vaccinations par exemple. Il faut cependant noter qu’en 2012, le montant alloué aux 208 SCHS bénéficiaires a atteint près de 91M€. L’impossibilité de transférer directement la DGD-SCHS au SILHIBAD n’empêche évidemment pas de faire mention dans la convention du montant perçu par les communes bénéficiaires sur le territoire desquelles les polices sont déléguées. Cette dotation, versée par le budget de l’Etat, pourra être partiellement utilisée dans la négociation des moyens mis à disposition par ces communes. En matière de moyens humains, la convention prévoira les conditions de mise à disposition des services de l’État ou de ses établissements publics (ARS) ainsi que des SCHS et des parties de services des ARS. Comme décrit précédemment pour la convention de transfert, il s’agit là encore d’une mise à disposition de service ou partie de service et non d’une mise à disposition d’agents (voir 2.3.3). Ainsi, si la convention le décide, les inspecteurs de salubrité du SCHS pourront instruire des dossiers hors du territoire de la commune de rattachement du SCHS. Cependant, ces agents n’étant pas mis à disposition à titre individuel et continuant donc à exercer leurs fonctions dans leur administration d’origine, ils ne pourront constater des infractions en dehors du territoire communal. En effet, en l’état actuel du droit (article R1312-6 du code de la santé publique) : « les agents habilités ou assermentés [pour constater les infractions mentionnées à l’article L1312-1] exercent leurs prérogatives dans les limites territoriales de leur affectation ». Dans le cas de la métropole de Lyon, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) introduit un nouvel article L. 641-1 dans le code général des collectivités territoriales. Cet article dispose: « La métropole de Lyon exerce de plein droit, en lieu et place des communes situées sur son territoire, les compétences suivantes :[...] 6°j) Création et gestion de services de désinfection et de services d’hygiène et de santé ». Ainsi, à compter du 1er janvier 2015, les anciens services communaux d'hygiène et de santé du territoire de la métropole de Lyon n'existeront plus en droit. Leurs effectifs et leurs moyens seront des démembrements d'un unique service métropolitain d'hygiène et de santé. La métropole de Lyon reprendra les compétences des 3 SCHS qui relèvent du dernier alinéa de l’article L. 1422-1 du CSP ainsi que les compétences des autres SCHS situés sur son territoire. Les fonctionnaires et agents territoriaux non titulaires qui remplissent en totalité leurs fonctions dans un service transféré sont transférés à la métropole de Lyon. Ils relèvent de cette collectivité à statut particulier. Les modalités du transfert font l’objet d’une décision conjointe de la commune et de la métropole de Lyon, prise après avis des comités techniques compétents. 10 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 Enfin, il convient de distinguer cette convention de délégation des prérogatives de police du préfet de la convention de délégation des compétences en matière d’habitat qui est un préalable à la délégation des polices. En effet, si ces deux conventions se rapprochent par leur objet, elles n’ont pas les mêmes signataires (le directeur général de l’ARS n’est pas signataire d’une convention de délégation des aides à la pierre). Afin de fluidifier les processus d’approbation et de conclusion des conventions ou des avenants à la convention de délégation des aides à la pierre, il paraît donc souhaitable de maintenir deux conventions distinctes, mais de négocier de manière parallèle la convention relative à la lutte contre l’habitat indigne et la convention (ou l’avenant) de délégation des aides à la pierre, qui prévoit les crédits dédiés au parc privé, qui peuvent bénéficier aux propriétaires et aux EPCI qui réaliseront les travaux d’office. 3.3.4. Carence du président de l’EPCI En cas de carence du président de l’EPCI sur les compétences déléguées, le préfet se substitue à lui dans les conditions de l’article L. 2122-34 du CGCT. Le remboursement des frais exposés par le préfet reste à la charge de l’EPCI. 4. Possibilité de délégation au maire d’une commune d’un EPCI disposant d’un SCHS L’article 75 de la loi Alur prévoit également que le préfet peut déléguer ses pouvoirs de police spéciale en matière d’insalubrité à un maire d'une commune membre d'un EPCI lorsque cette commune est dotée d'un SCHS mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1422-1 du code de la santé publique, « sous réserve de l’article L. 52119-2 du code général des collectivités territoriales ». La délégation des polices de l’insalubrité à un maire d’une commune dotée d’un tel SCHS peut donc intervenir sous la réserve que le maire n’ait pas au préalable transféré ses pouvoirs de police spéciale au président de l’EPCI dont il est membre, en application de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales. Il reviendra au préfet d’examiner en opportunité l’intérêt de cette délégation, en recherchant la meilleure efficacité de l’intervention à moyen et long terme par la mutualisation des moyens. Ainsi, cette possibilité n’est pas en principe l’option à privilégier. Lorsque l’EPCI est délégataire des aides à la pierre et que les maires disposant d’un SCHS se sont opposés au transfert de leurs prérogatives, il n’est pas opportun que le préfet délègue ses prérogatives au(x) maire(s) concerné(s). 63 SCHS sont sur le territoire d’un EPCI délégataire des aides à la pierre. 11 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014 5. Gestion du contentieux Concernant les polices transférées du L123-3 et L511-1 et suivants, le président de l’EPCI est responsable du contentieux qui pourrait découler des arrêtés qu’il aura pris. Pour la police des équipements communs (L129-1 et suivants du CCH), bien que ce soit une police transférée, comme le maire agit actuellement au nom de l’État, le président de l’EPCI agira aussi au nom de l’État. L’État reste donc responsable en cas de contentieux. Il en est de même pour l’ensemble des polices déléguées pour lesquelles le président de l’EPCI agit au nom de l’État. En particulier, les recours gracieux et les recours contentieux de première instance portant sur des arrêtés pris en application des procédures d’insalubrité sont traités par le président EPCI ; les recours hiérarchiques et les recours contentieux de seconde instance restent de la compétence de la direction générale de la santé. Le contentieux de seconde instance qui serait lié aux travaux d’office et l’ensemble du contentieux de seconde instance relatif à la police des équipements communs qui relève de la direction de l’habitat de l’urbanisme et des paysages. La convention de délégation pourra ainsi déterminer, avec l’accord des différentes parties, que les services mis à disposition du président de l’EPCI seront en charge de la gestion de ce contentieux. 6. Le cas de la Métropole du Grand Paris (MGP) La MGP prévue par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, sera mise en place à compter du 1er janvier 2016. La MGP sera un EPCI à fiscalité propre qui regroupera la commune de Paris, l’ensemble des communes des départements de petite couronne, ainsi que, sous certaines conditions, et dans le cadre d’une démarche volontaire, des communes limitrophes du Grand Paris et situées dans un département de grande couronne. D’ici là, en Île-de-France comme sur le reste du territoire, les transferts des pouvoirs de police au profit des présidents d’EPCI à fiscalité propre compétents en matière d’habitat interviendront à l’expiration des délais d’opposition et, éventuellement, de renonciation qui suivront la prochaine élection du président de l’EPCI. La commune de Paris, qui ne fait pas partie d’une intercommunalité, ne sera donc pas concernée par l’article 75 de la loi Alur. En revanche, les EPCI à fiscalité propre compétents en matière d’habitat seront concernés, y compris en petite couronne. À la création de la MGP, le président de la métropole sera concerné par les transferts des prérogatives de police prévus à l’article 75 de la loi Alur. Ainsi, il pourrait être envisagé que le transfert et la délégation aux présidents des EPCI, avant la création de la MGP, constituent une préfiguration de l’architecture des services qui se mettra en place à la création de la MGP. Cependant, il existe une spécificité pour Paris où les pouvoirs de police du maire en matière d’habitat sont exercés par le préfet de police et non par le maire. Du fait notamment de cette spécificité, le VI de l’article 75 de la loi Alur complète l’article 12 de la loi MAPTAM relatif à la mission de préfiguration du Grand Paris. Ainsi, cette mission devra élaborer un rapport qui proposera « des solutions aux situations particulières relatives aux polices spéciales de l’habitat au sein de la Métropole du Grand Paris ». 12 Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014