Fiche Alur : Lutte contre l`habitat indigne

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Fiche Alur : Lutte contre l`habitat indigne
Lutte contre l’habitat indigne :
permettre l’émergence d’un acteur unique
Il existe en France environ 420 0001 logements occupés considérés comme indignes.
La lutte contre l’habitat indigne est en matière de politique du logement une priorité
d’action de la puissance publique, qui a, à sa disposition, des outils incitatifs et
coercitifs. Ainsi, des logements qualifiés d’indignes peuvent être frappés d’arrêtés de
polices spéciales de la responsabilité du maire ou du préfet. Ces arrêtés visent à
imposer la réalisation de travaux et, autant que nécessaire, le relogement ou
l’hébergement temporaire des occupants dans un délai déterminé. Dans
l’éventualité où le propriétaire ne réalise pas les mesures prescrites dans le délai
imparti, le maire ou le préfet est en droit de les réaliser d’office, aux frais du
propriétaire. Ce volet coercitif se prolonge dans un panel de sanctions pénales
visant plus particulièrement les marchands de sommeil.
Le pouvoir de décision relève ainsi, selon la nature des mesures envisagées, du
préfet (insalubrité et saturnisme, etc.), du maire agissant au nom de l’État (police des
équipements communs des immeubles collectifs d’habitation) ou du maire agissant
au nom de la commune (péril, etc.). La dissociation du pouvoir de police (du ressort
exclusif du maire) et de certaines compétences en matière de logement (prises en
charge par une intercommunalité) vient parfois compliquer davantage encore la
définition et la mise en œuvre d’une politique locale efficace de lutte contre
l’habitat indigne (repérage, mesures incitatives, actions coercitives).
La mise en œuvre d’office des mesures prescrites en cas de non respect (travaux et,
le cas échéant, hébergement ou relogement) peut, à l’intérieur d’une même police,
incomber à un acteur différent de celui qui a le pouvoir d’édicter les mesures. La
police la plus utilisée, celle de l’insalubrité, (1331-26 du code de la santé publique
(CSP)) illustre bien cette complexité : si le maire est chargé d'exécuter les travaux
d’office (IV du L. 1331-29 du CSP), le préfet assure l'hébergement temporaire des
personnes et peut se substituer au maire pour les travaux d’office.
Cette complexité juridique et technique est un handicap fort pour la mise en œuvre
de la lutte contre l’habitat indigne, tant pour la prise des arrêtés de la compétence
du maire, que pour la mise en œuvre des mesures d'office prescrites par ses propres
arrêtés ou par les arrêtés préfectoraux pour lesquels les textes prévoient que les
travaux d’office sont réalisés par le maire2. Les services techniques (Direction
Départementale des Territoires (DDT), Direction Départementale de la Cohésion
1
Données « Filocom » 2011
Ainsi, le sondage réalisé auprès de maires en octobre 2012, fait ressortir que 83% des maires qui ont
répondu à l’enquête se sentent démunis, que ce soit juridiquement ou techniquement, pour faire face
aux situations d’habitat indigne (enquête réalisée conjointement par la Délégation interministérielle à
l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) et l’Association des maires de France (AMF) dans le
cadre du Forum des politiques de l’habitat privé en octobre 2012, auprès des communes adhérentes à
l’AMF - taux de retour de 3%, soit 426 questionnaires complétés).
2
1
Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014
Sociale (DDCS), préfecture, délégations territoriales des Agences Régionales de la
Santé (ARS) et services communaux d'hygiène et de santé (SCHS)) font ainsi état
dans le cadre de l’enquête habitat indigne de difficultés récurrentes rencontrées
dans le traitement de l’habitat indigne, liées notamment à la multiplicité des acteurs
et leur difficile coordination3.
L’article 75 de la loi Alur a ainsi pour ambition de faire émerger une autorité
compétente unique en matière de police spéciale en confiant au président de
l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), les prérogatives
détenues, par les maires des communes membres et par le préfet.
1. L’autorité compétente unique : le président de l’EPCI à
fiscalité propre compétent en matière d’habitat
L’autorité visée à l’article 75 est le président de l’EPCI à fiscalité propre compétent
en matière d’habitat.
Les communautés d’agglomérations et les communautés urbaines sont
obligatoirement compétentes en matière d’habitat (articles L5215-20-1 et L5216-5 du
CGCT). Au 1er janvier 2014, on décompte 222 communautés d’agglomérations et 15
communautés urbaines.
S'agissant des communautés de communes, l'habitat figure parmi les groupes de
compétences optionnelles.
Les communautés de communes à dotation générale de fonctionnement (DGF)
bonifiée, relevant de l'article L 5214-23-1 du code général des collectivités
territoriales (CGCT), peuvent exercer le groupe de compétences "politique du
logement social d'intérêt communautaire et action, par des opérations d'intérêt
communautaire, en faveur du logement des personnes défavorisées". Elles sont donc
nécessairement compétentes en matière d'habitat dès lors qu'elles ont opté pour ce
groupe de compétences.
Les communautés de communes de droit commun, relevant de l'article L. 5214-16
du CGCT, peuvent choisir le groupe de compétences "politique du logement et du
cadre de vie". Ce groupe de compétences vise à la fois la politique du logement et
celle du cadre de vie, qui forment deux compétences insécables. Une communauté
de communes de droit commun est donc nécessairement compétente en matière
d'habitat au titre de l'action "logement" dès lors qu'elle a opté pour le groupe de
compétences "politique du logement et du cadre de vie".
Ainsi, afin de déterminer juridiquement si une communauté de communes est
compétente en matière d’habitat, il faut se référer à ses statuts.
En pratique, il peut aussi être utile de se référer aux données de la Base nationale de
l’intercommunalité (BANATIC), système d’information de référence sur les données
relatives à l’intercommunalité.
3
Données déclaratives issues de l’enquête « habitat indigne » sur l’activité 2012.
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Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014
Ainsi, dès lors qu’une communauté de communes a au moins une des compétences
répertoriées dans BANATIC4 et énumérées dans l’encadré ci-après, elle est
répertoriée comme compétente en matière d'habitat.
C5505
Programme local de l’habitat
C5510
Politique du logement non social
C5515
Politique du logement social
C5520
Politique du logement étudiant
C5525 Action et aide financière en faveur du logement social d'intérêt
communautaire
C5530iiiiiAction en faveur du logement des personnes défavorisées par des
opérations d’intérêt communautaire
C5535
Opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH)
C5540
Amélioration du parc immobilier bâti d'intérêt communautaire
C5545 Droit de préemption urbain (DPU) pour la mise en œuvre de la politique
communautaire d'équilibre social de l'habitat
C5550
Actions de réhabilitation et résorption de l’habitat insalubre
C5555
Délégations des aides à la pierre (article 61 - Loi LRL)
Selon les données BANATIC, sur 1903 communautés de communes, 1628 ont pris la
compétence en matière d’habitat.
Parmi l’ensemble de ces EPCI à fiscalité propre compétents en matière d’habitat, 85
sont au 15 avril 2014 délégataires des aides à la pierre.
Les métropoles, EPCI à fiscalité propre, sont également obligatoirement
compétentes en matière d’habitat. Il en est ainsi de la métropole Nice Côte d’Azur
créée par décret du 17 octobre 2011 suite à la loi du 16 décembre 2010 de réforme
des collectivités territoriales. Avec la loi de modernisation de l'action publique
territoriale et d'affirmation des métropoles du 28 janvier 2014, les métropoles du
Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence, créées à compter du 1er janvier 2016 et les
métropoles de Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes et
Rouen créées à compter du 1er janvier 2015, seront également concernées. Cette
loi prévoit également que d’autres EPCI situés dans un bassin de plus de 400 000
habitants (Brest et Montpellier) pourront aussi accéder à ce statut par décret, sous
réserve d'un accord exprimé par deux tiers au moins des conseils municipaux des
communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de
celles-ci ou par la moitié au moins des conseils municipaux des communes
représentant les deux tiers de la population.
L’article 75 est également applicable à la métropole de Lyon, mise en place à
compter du 1er janvier 2015 par cette même loi, bien qu’elle soit une collectivité à
statut particulier.
4
Le détail des données Banatic est accessible sous : http://www.collectivites-locales.gouv.fr/donneesbanatic-au-1er-janvier-2014
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Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014
Lorsqu’une métropole délègue tout ou partie de ses compétences en matière
d’habitat à un conseil de territoires, le président de la métropole délègue, pour les
prérogatives des maires, ou peut subdéléguer, pour les prérogatives du préfet, au
président du conseil de territoires les polices spéciales qui lui ont été confiées.
LES EPCI concernés par l’article 75 de la loi Alur
CU
CA
CC
Métropole
TOTAL
EPCI
Part de la
population
concernée
EPCI
concernés par
le transfert
15
222
1628
1
1866
88%
EPCI
concernés par
le transfert et
la délégation
13
67
4
1
85
27%
2. Transfert automatique des polices spéciales des maires
au président de l’EPCI compétent en matière d’habitat
2.1. Polices concernées
Le transfert automatique des polices spéciales des maires au président de l’EPCI
compétent en matière d’habitat concerne les polices spéciales relatives :
•
à la sécurité des établissements recevant du public aux fins d’hébergement
(L123-3 du CCH),
•
aux équipements communs des immeubles collectifs d’habitation (L129-1 à 6
du CCH),
•
et au péril (L511-1 à 4 du CCH), police qui n’est pas restreinte aux immeubles
d’habitation.
Ce transfert ne concerne pas les pouvoirs de police générale que le maire détient
en matière de salubrité et de sécurité en application de l’article L. 2212-2 du code
général des collectivités territoriales et en application de l’article L. 1421-4 du CSP
pour le contrôle administratif et technique des règles générales.
2.2. Champ d’application
L’article 75 prévoit :
•
un transfert automatique de ces prérogatives des maires au président de
l’EPCI compétent en matière d’habitat (sixième alinéa du A de la partie I de
l’article L. 5211-9-2 du CGCT).
•
Une attribution directe de ces prérogatives au président de la métropole de
Lyon (9 du I du L. 3642-2 du CGCT).
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Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014
2.3. Mise en œuvre
2.3.1. Mécanisme du transfert
Le transfert est automatique5, à l’exception de la future métropole de Lyon, dont le
président se voit directement attribuer ces prérogatives par la loi.
Cependant, dans un délai de six mois suivant la date de l'élection du président de
l'établissement public de coopération intercommunale, un ou plusieurs maires
peuvent s’opposer par notification à ce transfert. Puisque le maire agit en son nom
propre, une délibération du conseil municipal n’est pas nécessaire pour que le maire
puisse manifester son opposition : un courrier signé du maire avec accusé de
réception suffit.
L'opposition du maire au transfert vaut pour les trois polices spéciales
précédemment citées et ne peut être limitée à une ou deux de ces polices. En effet,
le dernier alinéa de la partie I de l'article L.5211-9-2 du CGCT prévoit le transfert au
président de l'EPCI des trois polices spéciales de manière insécable. L’insécabilité
des trois polices spéciales répond à l’objectif poursuivi par le législateur, dans le
cadre de l’article 75 de la loi Alur, de créer un acteur unique de l’habitat indigne.
En cas d’opposition d’un ou plusieurs maires au transfert, le président de l’EPCI peut
décider de renoncer au transfert sur l’ensemble du territoire de l’intercommunalité. Il
notifie alors sa renonciation à chacun des maires des communes membres dans un
délai de six mois à compter de la réception de la première notification d'opposition.
Cette renonciation est une prérogative propre du président de l’EPCI qu’il décidera
de mettre en œuvre ou non selon la configuration locale (poids de la lutte contre
l’habitat indigne dans l’action de la commune qui s’oppose au transfert, etc.). Si
aucun maire ne s’oppose au transfert, le président de l’EPCI ne peut pas renoncer
au transfert.
Les transferts interviendront à l’expiration des délais d’opposition et de renonciation
qui suivent la prochaine élection du président de l’EPCI (suivant promulgation de la
loi). Les textes ne fixent pas de date particulière pour l’élection du président de
l’EPCI. Ils se limitent à préciser qu’à partir de l’installation de l’organe délibérant et
jusqu’à l’élection du président, les fonctions de président sont assurées par le doyen
d’âge (L. 5211-9 du CGCT). Dans la pratique, l’élection du président intervient lors de
la première réunion de l’assemblée délibérante de l’EPCI, c’est-à-dire au plus tard le
vendredi de la quatrième semaine qui suit l’élection des maires (L. 5211-6 du CGCT).
L’élection des maires ayant lieu au plus tôt le vendredi et au plus tard le dimanche
suivant le tour de scrutin à l'issue duquel le conseil municipal a été élu au complet
(L. 122-8 du CGCT), c'est-à-dire entre le 4 et le 6 avril 2014, le président de l’EPCI a
été élu au plus tard le 2 mai 2014 (sauf cas exceptionnel dans lequel l’exécutif est
élu après l’installation de l’organe délibérant).
S’il n’y a pas d’opposition des maires, le transfert sera donc effectif au plus tard le 2
novembre 2014 (sous réserve que l’exécutif ait été élu le jour de l’installation de
l’organe délibérant). S’il y a opposition d’un ou plusieurs maires dans le délai
d’opposition, la date d’entrée en vigueur du transfert dépend de la date de la
première opposition et aura donc lieu dans un délai de six mois à compter de la
réception de cette première notification d'opposition.
5
Transfert possible dans le projet de loi du gouvernement, il a été rendu automatique par les sénateurs
en 1ère lecture.
5
Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014
L’absence de signature de la convention de transfert à la date d’entrée en vigueur
du transfert, n’a aucun impact sur la pleine effectivité du transfert.
À la date d’entrée en vigueur du transfert, le président de l’EPCI est pleinement
investi des prérogatives de police et devient également responsable du stock
d’arrêtés en cours pris antérieurement par les maires.
Entrée en vigueur du transfert en l’absence d’opposition des maires:
Délai de 6 mois pendant lequel un ou des
maires peuvent notifier leur opposition
le transfert devient
pleinement effectif
Rédaction de
la convention
de transfert
Entrée en vigueur du transfert en cas d’opposition d’un ou plusieurs maires:
délai de 6 mois pendant lequel le président
de l’EPCI peut renoncer au transfert
Délai de 6 mois pendant lequel un ou des
maires peuvent notifier leur opposition
1ère opposition Autre opposition
d’1 maire
d’1 maire
Élection du
président
de l’EPCI
le transfert devient
pleinement effectif
Rédaction de
la convention
de transfert
2.3.2. Durée du transfert
À chaque nouvelle élection du président d’EPCI, un maire ayant transféré ses
prérogatives a la possibilité de revenir sur ce transfert en y faisant opposition et donc
de mettre fin à ce transfert sur son territoire. Inversement, à chaque nouvelle élection
du président d’EPCI, un maire qui s’était initialement opposé au transfert et qui ne
manifeste pas son opposition, verra ses prérogatives de police spéciale transférées.
2.3.3. Moyens
Pour l'exercice des polices transférées, les maires des communes membres de l’EPCI
mettent les services ou parties de services des communes à la disposition du
président de l'EPCI (cf. VII. de l’article L. 5211-9-2 du CGCT). Cette mise à disposition
de services ou parties de service est à distinguer de la mise à disposition d’agents. En
effet, un agent mis à disposition est en partie géré administrativement et
fonctionnellement par le service d’accueil : il est soumis à l’autorité hiérarchique du
service d’accueil6 qui l’évalue. Ce n’est pas le cas dans le cadre d’une mise à
disposition de service où l’agent reste entièrement géré administrativement et
fonctionnellement par son service de rattachement, mais travaille en partie ou
complètement, selon ses missions, pour le compte d’un autre service.
6
Article 8 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition
applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux
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Cette mise à disposition fait l’objet d’une convention entre les maires ayant transféré
leurs prérogatives et le président de l’EPCI. Outre la mise à disposition du président
de l’EPCI de services ou parties de services, les signataires devront convenir des
procédures à suivre en cas de signalement ou de détection des logements indignes
et des moyens financiers qu’ils envisagent de consacrer à cette politique. Un maire
s’étant opposé au transfert ne peut donc être signataire de la convention. La
conclusion de la convention de transfert ne conditionne pas l’entrée en vigueur du
transfert.
Concernant la métropole de Lyon, l’attribution directe par la loi des prérogatives de
police spéciale au président de la Métropole, n’empêche pas la nécessité qu’une
convention soit signée avec l’ensemble des maires. Cette convention n’aura pas
pour objet de marquer l’accord des maires qui ne peuvent s’opposer, mais de
déterminer les moyens qui seront mis à disposition du président de la métropole.
2.3.4. Carence du président de l’EPCI
En cas de carence du président de l’EPCI, sur les polices du péril et de sécurité des
hôtels meublés, le préfet peut se substituer à celui-ci après avoir mis en demeure,
sans résultat, le président de l’EPCI (L. 2215-1 du CGCT). Dans ce cas, les frais
afférents aux mesures prises par le préfet sont à la charge de l’EPCI défaillant.
Lorsque la carence du président de l’EPCI porte sur le transfert de la police relative à
la sécurité des équipements communs des immeubles collectifs, le préfet se substitue
à l’EPCI dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles le préfet se substitue
au maire qui, en tant qu’agent de l'Etat, refuse ou néglige d’accomplir un acte (L.
2122-34 du CGCT).
Le remboursement des frais exposés par le préfet reste à la charge de l’EPCI.
3. Délégation des polices spéciales du préfet au président
de l’EPCI
3.1. Champ d’application
3.1.1. Deux conditions préalables et cumulatives
Pour que la délégation ait lieu :
•
Les maires des communes membres de l'EPCI à fiscalité propre doivent avoir
transféré leurs prérogatives en matière de polices spéciales. L’opposition d’un
ou plusieurs maires au transfert n’empêche pas que le préfet puisse déléguer
ses prérogatives. Il limite simplement le territoire de la délégation (voir 3.1.2).
•
L’EPCI à fiscalité propre doit avoir signé avec l'État une convention de
délégation des compétences en matière d’habitat (L. 301-5-1 du CCH).
Le mécanisme de délégation est également applicable aux présidents des
métropoles lorsqu’ils ont conclu une convention de délégation de compétence en
matière d’habitat (L. 5217-2 pour les métropoles de droit commun, L. 5219-1 pour la
métropole du Grand Paris et L. 3641-5 du CGCT pour la métropole de Lyon).
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Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014
3.1.2. Territoire de la délégation
Le préfet peut déléguer ses prérogatives de police spéciale au président de l’EPCI
uniquement sur le territoire des communes ayant transféré. Ainsi, l’opposition d’un ou
plusieurs maires n’empêche pas la délégation du moment qu’au moins un maire a
transféré ses prérogatives et que le président de l’EPCI l’a accepté (cf 2.3.1).
3.2. Polices concernées
La délégation porte sur les pouvoirs de polices spéciales du préfet suivants :
•
locaux impropres à l’habitation (L. 1331-22 du CSP),
•
locaux suroccupés du fait du logeur (L. 1331-23 du CSP),
•
locaux dangereux en raison de l’utilisation (L 1331-24 du CSP),
•
locaux insalubres (CSP : L 1331-26 et 1331-27 à 1331-30)
•
danger imminent sur locaux insalubres (L. 1331-26-1)7.
Ainsi, la police de lutte contre le saturnisme (L1334-1 et suivants du CSP) et celle
relative au danger sanitaire ponctuel (L1311-4 du CSP), du fait de leur spécificité
sanitaire, ne sont pas concernées par la délégation et restent de la compétence du
préfet.
Le président d’EPCI aura en charge les nouveaux arrêtés ainsi que la gestion du
stock d’arrêtés pris antérieurement à la délégation et en cours.
3.3. Mise en œuvre
3.3.1. Mécanisme de la délégation
La délégation porte sur le territoire des communes dont les maires ont transféré leurs
prérogatives au président de l’EPCI.
Cette délégation peut intervenir sur demande de l’EPCI ou sur proposition du préfet,
après avis simple du directeur général de l’agence régionale de santé. Le préfet
peut refuser cette délégation pour des raisons motivées et l’accepter ultérieurement
si les conditions sont réunies. Cette demande ou cette acceptation de la délégation
par le président de l’EPCI est une prérogative propre de celui-ci. Il n’y a donc pas
besoin de vote du conseil communautaire afin d’autoriser cette délégation.
Cependant, la délégation impactera le budget de l’EPCI en termes de moyens
humains et financiers, un vote du conseil sera donc nécessaire préalablement à la
signature de la convention de délégation pour habiliter le président à la signer.
Les arrêtés pris en vertu des polices déléguées doivent être notifiés au préfet et au
directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS).
Le président de l’EPCI, en cas de défaillance du propriétaire et, le cas échéant,
après application de l’astreinte administrative prévue dans la loi (cf. fiche astreinte),
procède à l'exécution d'office des mesures et travaux prescrits par l'arrêté et assure
l'hébergement temporaire ou le relogement des occupants.
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En première lecture, les sénateurs ont supprimé du dispositif de délégation la police du saturnisme.
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Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014
Pour cette deuxième mission, le président de l’EPCI peut désigner l’occupant à
reloger ou à héberger à un organisme HLM et en cas de refus de ce dernier,
procéder à l’attribution d’un logement directement (L. 521-3-3 du CCH).
En insalubrité remédiable où c’est le maire qui prend en charge les travaux d’office
au nom de l’État en cas de défaillance du propriétaire (L1331-29 IV du CSP), c’est
bien entendu le président de l’EPCI qui réalise les travaux d’office et non plus le
maire.
Les créances relatives aux travaux d'office, à l'hébergement ou au relogement des
occupants sont recouvrés par l’EPCI comme en matière de contributions directes et
sont garanties par le privilège immobilier spécial.
3.3.2. Durée
Le texte n’impose pas de durée pour la convention de délégation des polices
spéciales. Elle pourra être conclue pour la durée courante de la délégation de
compétence en matière d’habitat, ce qui semble le plus logique. Toutefois, la
convention de délégation des polices spéciales sera résiliée de plein droit avant son
terme dans les deux cas suivants :
•
la délégation de compétence en matière d’habitat est dénoncée avant le
terme prévu ;
•
il est mis fin au transfert des polices spéciales du maire au président de l’EPCI.
3.3.3. Moyens
Le cadre d’intervention : le SILHIBAD
Le président de l’EPCI auquel le préfet a délégué ses prérogatives en matière de
polices spéciales exerce celles-ci dans le cadre d’un service intercommunal
d’hygiène et de santé dédié à la lutte contre l’habitat indigne et les bâtiments
dangereux (SILHIBAD).
Le responsable du service intercommunal est compétent pour établir le rapport
motivé qui, en insalubrité, est présenté à la Commission départementale
compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques
(Coderst, L. 1331- 26 du CSP).
La détermination des moyens : la convention de délégation
Les conditions dans lesquelles le président de l’EPCI exerce les compétences qui lui
ont été déléguées font l’objet d’une convention conclue entre le président de
l’EPCI, le directeur général de l’ARS, le préfet et les maires qui ont effectivement
transféré leurs prérogatives. Cette convention, qui tient compte du programme local
de l’habitat, du projet régional de santé et des contrats locaux de santé, précise
notamment les objectifs prioritaires de lutte contre l’habitat indigne, les moyens
humains et financiers prévisionnels, les conditions du recours aux services de l’État ou
de ses établissements publics, les conditions de mise en place de dispositifs
d’observation, les conditions de son évaluation et de son exécution (rapport
annuel).
En matière de moyens financiers, la dotation générale de décentralisation (DGD)
perçue par les 208 communes dotées d’un service communal d’hygiène et de santé
(SCHS) ne peut être directement attribuée au SILHIBAD.
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Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014
En effet, cette dotation est versée, dans les conditions définies par le décret n°84-1
du 10 décembre 1984, uniquement aux 208 communes qui disposaient d'un SCHS en
1983 (cette liste de bénéficiaires de la dotation est historique, fixée par l'arrêté
interministériel du 9 septembre 1985, et les SCHS créés ultérieurement par des
communes, de manière facultative, n'ont pas conduit au versement de crédits
supplémentaires au titre de la DGD SCHS). En outre, elle est versée aux communes et
non aux SCHS et est libre d’emploi (les crédits ne sont pas identifiés dans le budget
de la commune qui peut donc consacrer une somme plus ou moins importante au
fonctionnement de son SCHS). Enfin, les SCHS exercent nombre de compétences ne
relevant pas de l’insalubrité, comme les vaccinations par exemple.
Il faut cependant noter qu’en 2012, le montant alloué aux 208 SCHS bénéficiaires a
atteint près de 91M€. L’impossibilité de transférer directement la DGD-SCHS au
SILHIBAD n’empêche évidemment pas de faire mention dans la convention du
montant perçu par les communes bénéficiaires sur le territoire desquelles les polices
sont déléguées. Cette dotation, versée par le budget de l’Etat, pourra être
partiellement utilisée dans la négociation des moyens mis à disposition par ces
communes.
En matière de moyens humains, la convention prévoira les conditions de mise à
disposition des services de l’État ou de ses établissements publics (ARS) ainsi que des
SCHS et des parties de services des ARS. Comme décrit précédemment pour la
convention de transfert, il s’agit là encore d’une mise à disposition de service ou
partie de service et non d’une mise à disposition d’agents (voir 2.3.3).
Ainsi, si la convention le décide, les inspecteurs de salubrité du SCHS pourront
instruire des dossiers hors du territoire de la commune de rattachement du SCHS.
Cependant, ces agents n’étant pas mis à disposition à titre individuel et continuant
donc à exercer leurs fonctions dans leur administration d’origine, ils ne pourront
constater des infractions en dehors du territoire communal. En effet, en l’état actuel
du droit (article R1312-6 du code de la santé publique) : « les agents habilités ou
assermentés [pour constater les infractions mentionnées à l’article L1312-1] exercent
leurs prérogatives dans les limites territoriales de leur affectation ».
Dans le cas de la métropole de Lyon, la loi de modernisation de l'action publique
territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) introduit un nouvel article
L. 641-1 dans le code général des collectivités territoriales. Cet article dispose: « La
métropole de Lyon exerce de plein droit, en lieu et place des communes situées sur
son territoire, les compétences suivantes :[...] 6°j) Création et gestion de services de
désinfection et de services d’hygiène et de santé ».
Ainsi, à compter du 1er janvier 2015, les anciens services communaux d'hygiène et
de santé du territoire de la métropole de Lyon n'existeront plus en droit. Leurs
effectifs et leurs moyens seront des démembrements d'un unique service
métropolitain d'hygiène et de santé. La métropole de Lyon reprendra les
compétences des 3 SCHS qui relèvent du dernier alinéa de l’article L. 1422-1 du CSP
ainsi que les compétences des autres SCHS situés sur son territoire. Les fonctionnaires
et agents territoriaux non titulaires qui remplissent en totalité leurs fonctions dans un
service transféré sont transférés à la métropole de Lyon. Ils relèvent de cette
collectivité à statut particulier. Les modalités du transfert font l’objet d’une décision
conjointe de la commune et de la métropole de Lyon, prise après avis des comités
techniques compétents.
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Loi Alur : Lutte contre l’habitat indigne : permettre l’émergence d’un acteur unique / juin 2014
Enfin, il convient de distinguer cette convention de délégation des prérogatives de
police du préfet de la convention de délégation des compétences en matière
d’habitat qui est un préalable à la délégation des polices. En effet, si ces deux
conventions se rapprochent par leur objet, elles n’ont pas les mêmes signataires (le
directeur général de l’ARS n’est pas signataire d’une convention de délégation des
aides à la pierre). Afin de fluidifier les processus d’approbation et de conclusion des
conventions ou des avenants à la convention de délégation des aides à la pierre, il
paraît donc souhaitable de maintenir deux conventions distinctes, mais de négocier
de manière parallèle la convention relative à la lutte contre l’habitat indigne et la
convention (ou l’avenant) de délégation des aides à la pierre, qui prévoit les crédits
dédiés au parc privé, qui peuvent bénéficier aux propriétaires et aux EPCI qui
réaliseront les travaux d’office.
3.3.4. Carence du président de l’EPCI
En cas de carence du président de l’EPCI sur les compétences déléguées, le préfet
se substitue à lui dans les conditions de l’article L. 2122-34 du CGCT.
Le remboursement des frais exposés par le préfet reste à la charge de l’EPCI.
4. Possibilité de délégation au maire d’une commune d’un
EPCI disposant d’un SCHS
L’article 75 de la loi Alur prévoit également que le préfet peut déléguer ses pouvoirs
de police spéciale en matière d’insalubrité à un maire d'une commune membre
d'un EPCI lorsque cette commune est dotée d'un SCHS mentionné au dernier alinéa
de l’article L. 1422-1 du code de la santé publique, « sous réserve de l’article L. 52119-2 du code général des collectivités territoriales ».
La délégation des polices de l’insalubrité à un maire d’une commune dotée d’un tel
SCHS peut donc intervenir sous la réserve que le maire n’ait pas au préalable
transféré ses pouvoirs de police spéciale au président de l’EPCI dont il est membre,
en application de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales.
Il reviendra au préfet d’examiner en opportunité l’intérêt de cette délégation, en
recherchant la meilleure efficacité de l’intervention à moyen et long terme par la
mutualisation des moyens. Ainsi, cette possibilité n’est pas en principe l’option à
privilégier. Lorsque l’EPCI est délégataire des aides à la pierre et que les maires
disposant d’un SCHS se sont opposés au transfert de leurs prérogatives, il n’est pas
opportun que le préfet délègue ses prérogatives au(x) maire(s) concerné(s). 63 SCHS
sont sur le territoire d’un EPCI délégataire des aides à la pierre.
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5. Gestion du contentieux
Concernant les polices transférées du L123-3 et L511-1 et suivants, le président de
l’EPCI est responsable du contentieux qui pourrait découler des arrêtés qu’il aura
pris.
Pour la police des équipements communs (L129-1 et suivants du CCH), bien que ce
soit une police transférée, comme le maire agit actuellement au nom de l’État, le
président de l’EPCI agira aussi au nom de l’État. L’État reste donc responsable en cas
de contentieux. Il en est de même pour l’ensemble des polices déléguées pour
lesquelles le président de l’EPCI agit au nom de l’État. En particulier, les recours
gracieux et les recours contentieux de première instance portant sur des arrêtés pris
en application des procédures d’insalubrité sont traités par le président EPCI ; les
recours hiérarchiques et les recours contentieux de seconde instance restent de la
compétence de la direction générale de la santé. Le contentieux de seconde
instance qui serait lié aux travaux d’office et l’ensemble du contentieux de seconde
instance relatif à la police des équipements communs qui relève de la direction de
l’habitat de l’urbanisme et des paysages. La convention de délégation pourra ainsi
déterminer, avec l’accord des différentes parties, que les services mis à disposition
du président de l’EPCI seront en charge de la gestion de ce contentieux.
6. Le cas de la Métropole du Grand Paris (MGP)
La MGP prévue par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et
d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, sera mise en place à
compter du 1er janvier 2016. La MGP sera un EPCI à fiscalité propre qui regroupera la
commune de Paris, l’ensemble des communes des départements de petite
couronne, ainsi que, sous certaines conditions, et dans le cadre d’une démarche
volontaire, des communes limitrophes du Grand Paris et situées dans un
département de grande couronne.
D’ici là, en Île-de-France comme sur le reste du territoire, les transferts des pouvoirs
de police au profit des présidents d’EPCI à fiscalité propre compétents en matière
d’habitat interviendront à l’expiration des délais d’opposition et, éventuellement, de
renonciation qui suivront la prochaine élection du président de l’EPCI. La commune
de Paris, qui ne fait pas partie d’une intercommunalité, ne sera donc pas concernée
par l’article 75 de la loi Alur. En revanche, les EPCI à fiscalité propre compétents en
matière d’habitat seront concernés, y compris en petite couronne.
À la création de la MGP, le président de la métropole sera concerné par les
transferts des prérogatives de police prévus à l’article 75 de la loi Alur. Ainsi, il pourrait
être envisagé que le transfert et la délégation aux présidents des EPCI, avant la
création de la MGP, constituent une préfiguration de l’architecture des services qui
se mettra en place à la création de la MGP.
Cependant, il existe une spécificité pour Paris où les pouvoirs de police du maire en
matière d’habitat sont exercés par le préfet de police et non par le maire. Du fait
notamment de cette spécificité, le VI de l’article 75 de la loi Alur complète l’article
12 de la loi MAPTAM relatif à la mission de préfiguration du Grand Paris. Ainsi, cette
mission devra élaborer un rapport qui proposera « des solutions aux situations
particulières relatives aux polices spéciales de l’habitat au sein de la Métropole du
Grand Paris ».
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