IBRIGA, Luc Marius - RAPPORT1
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IBRIGA, Luc Marius - RAPPORT1
Intégration économique et exercice du métier d'avocat Cotonou, Bénin Séminaire organisé par l’UIA en collaboration avec l’Ordre des Avocats du Bénin L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ET PLUS SPECIALEMENT LE DROIT DERIVE IBRIGA Luc Marius-UFR/SJP- Université OUAGA II 09 BP 1069 Ouagadougou Burkina Faso [email protected] © UIA 2013 INTRODUCTION Dans le monde en développement, l’Afrique est l’aire géographique qui abrite le plus grand nombre d’organisations d’intégration économique régionale. Le continent ne compte pas moins de quatorze groupements d’intégration économique régionale qui se distinguent par leur conception, leur étendue et leurs objectifs. Huit d'entre elles sont considérés par l’Union Africaine comme des Communautés Economiques Régionales (CER). Il s’agit de : - l'Union du Maghreb arabe (UMA), qui comprend cinq (5) membres ; le Marché commun de l'Afrique orientale et du Sud (MCAES, en anglais COMESA), qui comprend vingt (20) membres ; la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC), qui comprend dix (10) membres ; la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), qui comprend quinze (15) membres ; la Communauté de développement de l'Afrique australe (CDAA en anglais SADC), qui comprend quatorze (14) membres ; l'Autorité intergouvernementale pour développement (IGAD), qui comprend sept(7) membres situés en Afrique de l'Est ; la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CENSAD), qui comprend dix-huit (29) membres. la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), qui comprend trois (3) membres, dont deux font partie du MCAES, en anglais COMESA et l’autre de la CDAA, en anglais SADC) ; Six autres ont une envergure sous-régionale. Ce sont : - - - l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui comprend huit (8) membres, faisant tous partie de la CEDEAO ; l'Union du fleuve Mano (UFM, en anglais MRU), qui comprend trois (3) membres, faisant tous partie de la CEDEAO ; la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC), qui comprend six (6) membres, faisant tous partie de la CEEAC ; la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), qui comprend trois (3) membres, faisant tous partie de la CEEAC ; la Commission de l'océan indien (COI), qui comprend cinq (5) membres, dont quatre (4) font partie du COMESA et un de la SADC ; 'Union douanière d'Afrique australe (UDAA, en anglais SACU), qui comprend cinq (5) membres, faisant tous partie de la SADC et deux d'entre eux du COMESA. A ces processus d’intégration économique s’ajoute ceux d’unification du droit ou « d’intégration juridique » portés par l’ l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle 2 (OAPI), la Conférence interafricaine des marchés d'assurances (CIMA) et la Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale (CIPRES). Cette multiplicité de CER doublée de la multiple appartenance des Etats à ces groupements d’intégration régionale, dont les fonctions et les activités font souvent double emploi ou se chevauchent quand elles ne se contredisent pas1 interpelle et suggère d’investir la réflexion sur la compatibilité2 et la nécessaire mise en cohérence des différents schémas d’intégration tant il est vrai que l’intégration ne peut se réaliser dans le cadre d’un espace juridique diversifié3 et qu’il n’est pas de droit communautaire sans une unité de jurisprudence4. Or, force est de reconnaître que la configuration spatio-matérielle de ces organisations révèle un entrelacement de relations susceptibles de déboucher sur des contrariétés majeures. C’est donc tout naturellement que l’on est amené à craindre, sous l’angle de la production normative, qu’en définitive ne se construise un véritable labyrinthe juridique et procédural dans lequel se perdrait et le juge et le justiciable et qui déboucherait sur un déni de justice. Quels sont les types de normes produites par ces OIG d’intégration ?, Quels liens entretiennent-ils entre eux et avec les droits nationaux ? Existe-t-il une cohérence normative dans ce système d’enchevêtrement organique ? ces questionnements résonnent avec d’autant plus d’écho que le processus d’intégration en Afrique est traversé par trois tendances majeures que sont la supranationalisation des OIG d’intégration, l’imbrication des ordres juridiques communautaires et nationaux et la juridictionnalisation des processus d’intégration laissant entrevoir des risques potentiels de conflits de normes. A propos de la production normative, la typologie des sources des sources des droits communautaires africains fait ressortir trois catégories de sources à savoir : le droit primaire, le droit dérivé et le droit subsidiaire 1 Voy, A. BENHAMOU, « Les mutations du régionalisme dans les pays en développement », Revue Africaine de droit International Comparé, n°4, Tome 8, 1996, p.900. Voy., également CNUCED, Questions relatives à l’intégration régionale en Afrique, TD/B/39 (2)/ 11 février 1993. 2 « La compatibilité renvoie à une réalité plurielle […Elle] peut être minimale, réduite en quelque sorte à sa stricte expression. Elle se ramène alors à la possibilité d’une simple coexistence qui a lieu dans une certaine ignorance. […]. Elle peut être enrichie en se portant au-delà d’une simple juxtaposition et signifier l’existence entre éléments qu’elle implique, des liens de complémentarité, de l’idée de concours à une même fin. Le terme ultime du problème de la compatibilité réside, ce faisant, dans l’idée d’harmonie ». Voy, D.B. BA, « Le problème de la compatibilité entre l’U.E.M.O.A. et l’O.H.A.D.A. », in La libéralisation de l’économie dans le cadre de l’intégration régionale : le cas de l’U.E.M.O.A. , sous la direction de Pierre MEYER, Publication du CEEI N°3, Ouagadougou, Imprimerie Presses Africaines, 2001 p. 165. Cette question des rapports entre droits communautaires d’une part et entre droits communautaires et droit uniforme d’autre part été, depuis lors, été traitée par différents auteurs. A ce titre on peut citer : L.M. IBRIGA, « Le problème de la compatibilité entre l’U.E.M.O.A. et la C.E.D.E.AO. », in La libéralisation de l’économie dans le cadre de l’intégration régionale : le cas de l’U.E.M.O.A. , sous la direction de Pierre MEYER, Publication du CEEI N°3, Ouagadougou, Imprimerie Presses Africaines, 2001 pp.198-227 ; M.F. SAWADOGO, « Les conflits entre normes communautaires : aspects positifs et prospectifs », communication au colloque de l’université de Bordeaux IV sur La concurrence des organisations régionales en Afrique ; S.J. PRISO-ESSAWE, « les « espaces juridiques » de sécurisation des investissements en Afrique : entre droits communautaires et droit uniforme » in Revue Lamy Droit Civil, N67 – janvier 2010, pp.59-65 ; E.L. KANGAMBEGA et A.S. COULIBALY, « La concurrence et les conflits de juridictions des cours de justice des processus d’intégration en Afrique de l’Ouest », Cahiers du CEEI N°3, 2012. 3 E. CEREXHE, « L’intégration juridique comme facteur d’intégration régionale », Revue Burkinabè de Droit, n° 39 et 40, spécial vingtième anniversaire, thème : intégration régionale et droit, p.19. 4 R. LECOURT, Gazette du Palais, 1964, I, doctrine, pp. 49-54. 3 Le droit primaire constitue le « droit constitutionnel » des OIG d’intégration parce que ce droit détermine les compétences et pouvoirs des différents organes et la nature des actes pris par ces derniers Droit de nature conventionnelle, parce que soumis aux procédures d’élaboration du droit des traités (négociation, signature, ratification), le droit primaire est constitué par les Traités constitutifs des organisations d’intégration et des protocoles ou protocoles additionnels soumis au même processus d’élaboration que le droit originaire desdites organisations. Le droit dérivé est l’ensemble des actes émis par les différentes institutions communautaires sur le fondement des traités constitutifs. C’est droit sécrété par les organes mis en place par le droit primaire des OIG d’intégration. Il en est ainsi des actes émanant de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, du Conseil des Ministres ou de la Commission. Le droit subsidiaire, lui, est l’œuvre du juge communautaire. Il s’agit non seulement des principes généraux du droit dégagé par les différentes juridictions communautaires dans l’exercice de leur activité prétorienne d’interprétation et d’application des traités constitutifs de l’organisation à laquelle elles sont rattachées. Cette catégorie de revêt une importance capitale dans le domaine des droits fondamentaux dont le respect est affirmé par les Traités constitutifs5 à son article 3. Par ce biais, le juge communautaire devient un législateur supplétif chargé, le cas échéant de pallier les défaillances des sources formelles. Les développements dans la présente étude se focaliseront sur la deuxième catégorie de sources des droits communautaires à savoir le droit dérivé. De façon plus précise, l’étude, dans l’analyse dudit droit s’intéressera tout particulièrement au droit dérivé unilatéral, laissant de côté le droit dérivé conventionnel qui découle du treaty making power des OIG d’intégration6. Elle s’articulera autour de deux axes majeurs à savoir l’inventaire des normes dérivés des droits communautaires africains (I) et la la justiciabilité desdites normes(II) I)- L’INVENTAIRE DES NORMES DERIVEES DES DROITS COMMUNAUTAIRES L’inventaire des normes dérivées des droits communautaires s’attachera à identifier les dites règles et à en souligner les spécificités. A) La nomenclature des actes de droit dérivé unilatéral Elle est différente selon que nous sommes en présence d’OIG supranationales d’intégration ou d’organisations intergouvernementales de coopération. 1°) Dans les organisations supranationales d’intégr ation 5 Article 3 du Traité de l’UEMOA, article du Traité la CEDEAO, préambule §.6du Traité CEMAC, article 4 c du Traité de la SADC, article du traité de l’UMA 6 En effet, le droit dérivé conventionnel résulte des accords passés par les organes des OIG d’intégration avec des partenaires extérieurs (Etats ou organisations internationales. Ces accords ne sont pas moins importants car ils font partie intégrante de l’ordre juridique communautaire à partir de leur entrée en vigueur mais se situent, dans la hiérarchie des normes communautaires et selon la CJCE, à un rang inférieur au droit primaire et supérieur au droit dérivé unilatéral que, ils avaient (Cf. CJCE, 30 avril 1974, Haegerman, Aff. 181/73, Rec.p.449 et CJCE, 12 décembre 1972, International Fruit Company, Aff. 21, 22, 23, 24/72, Rec.p.1219) ? Cependant ces accords sont non seulement divers mais surtout ne présentent pas de spécificité par rapport aux règles du droit des traités. 4 Trois organisations relèvent de cette première catégorie. Il s’agit de l’UEMOA, de la CEMAC et de la CEDEAO depuis la révision du traité intervenue en 20067. Dans ces trois organisations la nomenclature des actes de droit dérivé obligatoire comprend quatre types d’actes à savoir : l’acte additionnel, le règlement, la directive et la décision. - L’acte additionnel prévu aux articles 19 du Traité de l’UEMOA, 40 et 41al.1 du Traité révisé de la CEMAC et 9 §.1 et 2.a du Traité CEDEAO émane de la Conférence du Chef d’Etat et de Gouvernement. Ils sont annexés au Traité ; ils complètent celui-ci sans toutefois le modifier ; leur respect s’impose aux organes de l’Union ainsi qu’aux autorités des organes des Etats membres Leur autorité est très étendue Il convient de préciser que certains actes additionnels relèvent matériellement du droit primaire puisqu’ils ont le pouvoir de réviser la charte constitutive. Il en est ainsi des actes additionnels prévus aux articles 27 al. 3 et à l’article 105 et qui concernent respectivement la modification du nombre de commissaire et l’adjonction d’une autre langue de travail. - Le règlement est prévu aux articles 42 et 43 du Traité de l’UEMOA, 40 et 41 al.2 du Traité révisé de la CEMAC et 9 §.2 et 4 du Traité de la CEDEAO un acte adopté à la majorité soit par le Conseil des Ministres, soit par la Commission sur délégation. « les règlements ont une portée générale, ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicable dans tout Etat membre ». Par leur effet direct, ils sont à même de régir directement la situation juridique des particuliers. - La directive est un acte qui peut émaner du Conseil des Ministres ou de la Commission. Aux termes des articles 43 al.2 du traité de l’UEMOA, 41 al.3 du Traité révisé de la CEMAC et 9 §.5 du Traité de la CEDEAO, « les directives lient tout Etat membre quant au résultat à atteindre ». Les Etats sont tenus d’atteindre les résultats fixés mais restent libres de choisir les moyens pour y parvenir dans le délai imparti. La directive est donc un acte qui allie rigueur et souplesse, qui permet d’assurer l’harmonisation des législations alors que le règlement est la règle indiqué pour l’uniformisation. - La décision est un acte émanant du Conseil des Ministres ou de la Commission qui est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne référence faite aux articles du Traité de l’UEMOA 41 al4 du Traité révisé de la CEMAC et 9 §.6 du Traité de la CEDEAO. Il s’agit d’un acte de portée individuelle et ses destinataires sont des Etats ou des particuliers. Au-delà des différences inhérentes à la portée ou aux destinataires de ces actes, ceux-ci restent soumis à un régime commun se résumant par l’obligation de motivation et de publication8. Ainsi, chaque acte doit non seulement pouvoir être justifié en référence à l’intérêt communautaire, mais doit également faire l’objet 7 Avec l’adoption du Protocole A/SP.1/06/06 du 14juin 2006 portant amendement du traité révisé de la CEDEAO.. 8 Articles 44 et 45 du Traité de l’UEMOA, 42 et 43 du Traité révisé de la CEMAC, 12 du traité de la CEDEAO 5 d’une publicité par son insertion dans le Journal Officiel9 ou le Bulletin Officiel10 de l’organisation, point de départ de l’écoulement du délai d’opposabilité11. 2°)- Dans les organisations intergouvernementales d e coopération Il n’existe pas de dans cette deuxième catégorie d’organisation de nomenclature harmonisée. Certains traités sont fort laconiques sur la question. Tels sont les cas du traité de l’UMA qui évoque laconiquement à son article 6 que « le Conseil de la Présidence est seul habilité à prendre des décisions. Ses décisions sont prises à l'unanimité des membres » ou celui de la SADC qui mentionne en ses articles 10 §.8 et 11 §.6 les décisions sommet des chefs d’Etas et de Gouvernement et du Conseil des ministres. D’autre présente une construction plus élaborée ou accomplie comme le Traité de la COMESA qui distingue entre les directives et les décisions de la Conférence et les règlementations, directives et décisions du Conseil avec une mention très importante : ces actes ne s’impose par à la Cour de justice12. Concernant les actes dérivés émanant du Conseil, l’article 10 du traité précise : «[…] 2. Les réglementations sont contraignantes pour les Etats membres. 3. Une directive est contraignante pour chaque Etat membre auquel elle s'adresse quant au résultat visé, mais non en ce qui concerne les moyens à mettre en œuvre. 4. Une décision est contraignante pour tous ceux à qui elle s'adresse ». Si les directives et les décisions font l’objet d’une notification, les règlementation par contre sont publiées au journal officiel du marché commun et entrent en vigueur à la date de leur publication ou à toute autre date ultérieure spécifiée dans lesdites réglementations13. Ces différences constatées dans la formulation de la nomenclature des actes de droit dérivé unilatéral sont également présentes en ce qui concerne les caractéristiques que présentent lesdits actes. B)- Les caractéristiques attachées aux actes de droit dérivé unilatéral L’articulation des ordres juridiques communautaires et nationaux met en évidence des modes de relation particuliers Ceux-ci vont de la substitution à la coexistence en passant par l’harmonisation et la coordination. La substitution correspond à l’hypothèse dans laquelle les compétences étant mises en commun, le droit correspondant ne peut qu’émaner des autorités communautaires à l’exclusion de toute intervention nationale. Dans ce cas de figure, le droit communautaire réalise une véritable intégration juridique et se présente formellement et matériellement comme un droit uniforme. Les systèmes de droits nationaux sont ainsi dans l’obligation de l’assimiler. 9 Dans la CEDEAO Dans l’UEMOA et la CEMAC 11 De par cette innovation, tous les actes de droit dérivé unilatéral bénéficient du caractère d’applicabilité immédiate. 10 12 13 Articles 8 §.3 et 9 §.3 du Traité de la COMESA Article 12 du Traité de la COMESA 6 Dans l’harmonisation, le droit national continue d’exister en tant que tel, mais se trouve privé de la possibilité de déterminer lui-même ses finalités ; “ il doit se modifier et évoluer en fonction d’exigences définies et imposées par le droit communautaire de sorte que les différents systèmes nationaux présentent entre eux un certain degré d’homogénéité et de cohérence découlant de finalités désormais communes ”14. La coordination, proche de l’harmonisation, s’en distingue par le fait que l’intégrité du droit national n’est pas altérée par le droit communautaire. Ce dernier n’agit que comme réducteur des disparités d’effets des droits nationaux. La coexistence, elle conduit à voir le droit communautaire et les droits nationaux régir le même objet mais dans des dimensions différentes (Cf. droit de la concurrence dans l’UE). Cette dernière situation conduit souvent à une juxtaposition de législations souvent préjudiciable aux justiciables. Si dans les organisations supranationales d’intégration les modes privilégiés sont la substitution et l’harmonisation, dans les organisations intergouvernementales le penchant va pour la coordination et la coexistence. En effet, le degré d’imbrication ou d’intégration des ordres juridiques déteint sur les caractéristiques des règles qui diffèrent d’un type d’organisation à l’autre. 1°)- Dans les organisations supranationales d’intég ration Le droit communautaire issu des OIG supranationales d’intégration le diffère du droit international d’une double manière : « parce que, pouvant être le résultat de décisions prises non à l’unanimité, mais à une majorité même qualifiée, il revêt un caractère supra-national ; parce que, ayant vocation à être immédiatement et directement applicable dans l’ordre juridique de chaque Etat membre, il revêt alors un caractère trans-national »15. Ainsi la notion de supranationalité repose sur trois critères fondamentaux : - le critère du mode décisionnel : la majorité : - le critère du mode de relations entre ordres juridiques : applicabilité immédiate et effet direct ; - le critère du rang du droit communautaire : la primauté. Ces trois critères se retrouvent dans l’UEMOA, la CEMAC et dans une moindre mesure dans la CEDEAO16. En effet, les traités d’intégration des années 1990 et les 14 Voy, BOULOUIS Jean, Droit institutionnel des communautés européenne, Paris Monchrestien, 2000, p.242. 15 TERRE François, Introduction générale au droit, Dalloz, 5e éd., 2000, n° 189. 16 Du fait des prescriptions de l’article 9 §.8 Qui affirme « Sauf dispositions contraires dans le présent protocole additionnel ou dans tout autre, les actes de la Communauté sont adoptés à l’unanimité, par consensus ou à la majorité des deux tiers. » 7 récentes évolutions de la CEDEAO17 , transcendent la technique classique d’une simple coordination entre souverainetés en instituant des organes communautaires dotés de pouvoirs d’intervention directe dans l’ordre interne de leurs Etats membres, en consolidant ou en octroyant directement des droits aux citoyens. A titre illustratif les systèmes normatifs de l’U.E.M.O.A, de la CEMAC et de la CEDEAO sont d’essence supranationale. Cette supranationalité est manifeste tant au regard des conditions d’insertion du droit communautaire dans l’ordonnancement juridique des Etats membres18 que du degré d’effet juridique que peuvent produire ces différentes normes communautaires. De ce point de vue, l’hétéronormativité du droit des ces trois organisations se vérifie avec la consécration par leurs traités respectifs du principe d’applicabilité directe19. Ce principe trouve à s’affirmer dans le régime juridique des actes des trois organisations, respectivement aux articles 9, 43 et 41 des Traités CEDEAO, U.E.M.O.A. et CEMAC. Quant à la primauté, contrairement à son origine prétorienne dans l’Union Européenne, elle est expressément affirmée par l’UEMOA et la CEMAC respectivement aux articles 6 et 44. Mieux, la jurisprudence de la Cour de justice de l’UEMOA issue de l’avis n° 001/2003 du 18 mars 2003 est venue confirmer cette précellence du droit communautaire sur les droits nationaux en affirmant sans ambages : : « La primauté bénéficie à toutes les normes communautaires, primaires comme dérivées, immédiatement applicables ou non, et s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales administratives, législatives juridictionnelles et, même constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans son intégralité sur ordres juridiques nationaux. Les Etats ont le devoir de veiller à ce qu’une norme de droit national incompatible avec une norme de droit communautaire qui répond aux engagements qu’ils ont pris, ne puisse pas être valablement opposée à celui-ci. Cette obligation est le corollaire de la supériorité de la norme communautaire sur la norme interne. Ainsi le juge national, en présence d’une contrariété entre le droit communautaire et une règle de droit interne, devra faire prévaloir le premier sur la seconde en appliquant l’un et en écartant l’autre ». En la matière et malgré l’amendement du Traité révisé, la CEDEAO ne peut malheureusement se prévaloir ni de disposition expresse de son Traité, ni d’une jurisprudence communautaire, ni de jurisprudence nationale affirmant le principe de primauté20. Cependant, avec la signature du Protocole A/SP1/06/06 de 2006, l’on 17 Cf. Protocoles A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006 portant amendement du traité révisé de la CEDEAO et A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P/17/91 relatif à la Cour de Justice 18 Article du Traité de l’UEMOA, 41 al.2 et 43 du Traité révisé de la CEMAC, 9 §.4 du Traité de la CEDEAO 20 Quelques éléments décelés ça et là permettent de soutenir cette affirmation. L’article 4 (i) prévoit, en effet, que les Hautes parties contractantes affirment et déclarent solennellement leur adhésion au principe de « reconnaissance et de respect des règles et principes juridiques de la Communauté ». L’article 5 §.3 dispose pour sa part que « chaque Etat Membre s’engage à honorer ses obligations aux termes du présent Traité et à respecter les décisions et les règlements de la Communauté ». Cela suppose que les Etats doivent prendre les dispositions pour rendre inapplicables leurs législations nationales contraires au droit communautaire. De même, aux termes de l’article 76 §.2, la décision de la Cour de Justice de la Communauté est exécutoire et sans appel. De ce fait, cette décision s’impose aux Etats membres, aux Institutions ainsi qu’aux personnes physiques et 8 peut présumer une réelle volonté des Etats membres d’adjoindre au droit CEDEAO un caractère de primauté21. Si les normes de droit dérivé unilatéral des OIG supranationales d’intégration présentent les caractères d’applicabilité immédiate, d’effet direct et de primauté, il en va autrement dans les OIG intergouvernementales de coopération. 2°)- Dans les organisations intergouvernementales d e coopération Du fait du mode de décision qui prévaut dans ces organisations – consensus22 ou unanimité23 – l’on se retrouve dans les mêmes conditions que celle du droit international classique : l’Etat ne peut se voir imposer des règles auxquels il n’a pas expressément souscrit. Dans ces circonstances, le pouvoir règlementaire reconnu à l’organisation reste tributaire des souverainetés étatiques. Le Traité de la COMESA esquisse une timide ouverture vers la supranationalité à son article 9 §.6 en entrevoyant la perspective d’une prise de décision à la majorité qualifiée des deux tiers. Mais cette fenêtre d’opportunité supranationale est immédiatement refermée puisque l’article 9 §.7 dispose que : « En cas d'objection d'un Etat membre contre une proposition présentée pour la décision du Conseil, cette proposition est, si l'objection n'est pas levée, soumise à la Conférence pour décision ». En outre ces actes s’adressent principalement aux Etats et ce faisant ne présentent pas un effet direct puisque ne pouvant pas être directement invoqués par les particuliers. Ce faisant, ils ne sont donc pas directement invocables par le particulier, du fait de la nécessaire intervention de l’Etat pour ouvrir une telle possibilité. Le seul caractère commun avec les règles des OIG supranationales d’intégration réside dans l’applicabilité immédiate puisque les normes sont soit publiées au journal officiel de l’organisation, soit notifié à leurs destinataires. L’inventaire ainsi dressé met à nu l’hétérogénéité de la nomenclature des normes dérivées des droits communautaires africains. Toutes choses qui laissent entrevoir une justiciabilité des plus problématique. morales de la Communauté. A notre connaissance, aucune juridiction nationale n’a eu à affirmer le principe de primauté. 21 Quelques éléments décelés ça et là permettent de soutenir cette affirmation. L’article 4 (i) prévoit, en effet, que les Hautes parties contractantes affirment et déclarent solennellement leur adhésion au principe de « reconnaissance et de respect des règles et principes juridiques de la Communauté ». L’article 5 §.3 dispose pour sa part que « chaque Etat Membre s’engage à honorer ses obligations aux termes du présent Traité et à respecter les décisions et les règlements de la Communauté ». Cela suppose que les Etats doivent prendre les dispositions pour rendre inapplicables leurs législations nationales contraires au droit communautaire. De même, aux termes de l’article 76 §.2, la décision de la Cour de Justice de la Communauté est exécutoire et sans appel. De ce fait, cette décision s’impose aux Etats membres, aux Institutions ainsi qu’aux personnes physiques et morales de la Communauté. 22 Articles 10 §.8 et 11 §.6 du Traité de la SADC ainsi que les articles 8 §.7 et 9 §.6 du Traité de la COMESA 23 Article 6 du Traité de l’UMA 9 II)- LA JUSTICIABILITE DES NORMES DERIVEES DES DROITS COMMUNAUTAIRES Peut-on établir une hiérarchie entre les normes dérivées des droits communautaires africains ? Toutes les normes du droit dérivé unilatéral communautaires peuventelles être déférées aux juridictions communautaires établies dans la plupart des organisations d’intégration ? La réponse à ces interrogations est malaisée tant il apparaît que ces organisations, même celles qui se réclament de la supranationalité, ne constituent pas des communautés de droit – certains actes semblant jouir d’une immunité juridictionnelle (B) mais en plus on peut établir aucune hiérarchie entre les normes ainsi produites. A)- l’absence d’une réelle cohérence normative L’un des constats majeurs auquel on aboutit à l’examen des sources des droits communautaires africains est l’absence d’une assise formelle de la hiérarchie des normes communautaires tant à l’intérieur d’un même ordre juridique communautaire qu’entre règles provenant d’ordres juridiques différents. En effet, ni les Traité constitutifs par l’intermédiaire de la nomenclature des actes communautaires, ni la jurisprudence communautaire ne fournit des indications sur la hiérarchie qui assied la cohérence normative de l’ordre juridique communautaire. Tout au plus peut-on référence faite au rôle des organes et au droit communautaire comparé, proposer la hiérarchie ci-dessous pour ce qui concerne l’ordonnancement juridique à l’intérieur d’un même ordre juridique : 1°)- Le traité constitutif et les protocoles additi onnels 2°)- Les actes additionnels (complètent le traité s ans le modifier – assimilables aux lois organiques) 3°)- Les principes généraux du droit 4°)- les actes de droit dérivé conventionnels (acco rds internationaux) 5°)- les actes de droit dérivé unilatéral - mesures de portée générale (droit dérivé de premier niveau) ; - mesures d’exécution (droit dérivé de deuxième rang). Une telle hiérarchisation est purement indicative puisque ne reposant sur aucun fondement juridique. C’est dire l’utilité qu’il y aura, en cas d’adaptation des Traités, de penser à établir une hiérarchie des normes communautaires. Mais ce qui semble possible à l’intérieur d’un meme ordre juridique devient inextricable quand cela met en présence plusieurs ordres juridiques au niveau supérieur de la superposition comme c’est le cas en Afrique. Le risque d’un conflit de normes n’est plus une vue de l’esprit mais un problème posé et à résoudre. Peut-on établir une hiérarchie entre les actes de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), qui comprend trois (3) membres, dont deux font partie du MCAES, en anglais COMESA et l’autre de la CDAA, en anglais SADC) avec les actes de la SADC et de la COMESA ? La même interrogation surgit quand on envisage les relations UEMOA-CEDEAO, CEMAC-CEEAC. Est-ce qu’un acte additionnel ou un règlement de la CEDEAO est supérieur à un acte additionnel ou un règlement de l’UEMOA ? En cas de contrariété entre règles provenant d’organisations différentes et 10 auxquelles appartient un même Etat, quelle solution peut-on envisager ? Face à une telle situation, il y a lieu de se demander dans quel sens les juges nationaux trancheront s’ils avaient à connaître d’une telle affaire ? « Comme le relève fort opportunément M. BA Demba : « De fait, le juge étatique, en tant qu’il est en même temps juge de droit commun des deux corps de règles, est placé devant un problème, a priori, insoluble. Chacun des deux corps de règles a vocation à s’appliquer et, en cas de contrariété entre eux, à imposer sa solution dans le règlement du litige»24. Ce n’est pas faire œuvre de prophète que d’affirmer que, du fait de la coexistence de normes contradictoires, le risque est grand de voir s’instaurer non seulement une insécurité juridique consécutive au caractère plural du substrat juridique mais surtout un morcellement du litige, ce, du fait de la compétence d’attribution qui est celle du juge communautaire. Les règles classiques de conflits de lois trouvent difficilement à s’appliquer ici. Une situation d’autant plus préoccupante que les organisations en cause ne constituent pas de véritables communautés de droit. B)- L’inexistence de véritables communautés de droit Si bon nombre d’acte dérivé unilatéraux sont susceptibles d’être déférés au juge communautaire, certaine semble bénéficier d’une immunité juridictionnelle. Tel est le cas des actes additionnels 25qui de l’entendement de la Conférence des chefs d’Etats et de Gouvernement de l’UEMOA sont insusceptible d’être censuré par le juge communautaire. Cette affaire a donné lieu à une passe d’armes voire un bras de fer entre la conférence des chefs d’Etats et de gouvernement et la Commission d’une part et la Cour de justice d’autre part à propos de l’affaire YAÏ26. En effet et 24 BA Demba Boubacar, « Le problème de la compatibilité U.E.M.O.A.-O.H.A.D.A. », in La libéralisation de l’économie dans le cadre de l’intégration régionale : le cas de l’U.E.M.O.A. , sous la direction de Pierre MEYER, Publication du CEEI N°3, Ouagadougou, Imprimerie Presses Africaines, 2001 p. 186. 25 Voir les développements faits par BATCHASSI Y. et YOUGBARE R., in « Les actes additionnels de l’UEMOA : analyse juridique », in Les cahiers du CEEI, 1999, n°1. 26 Par acte additionnel n°06/2004 du 15 novembre 2004, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, par l’entremise de son Président en exercice, procédait à la nomination de Monsieur Jerôme BRO GREBE en qualité de membre de la Commission en remplacement de Monsieur Eugène YAÏ dont il achèvera le mandat. Par requêtes datées du 22 novembre 2004, Monsieur Eugène YAÏ saisit la Cour de justice de l’UEMOA en vue de l’obtention d’un sursis à exécution d’une part et de l’annulation de l’acte additionnel considéré d’autre part. La Cour de justice accorda le sursis à exécution et au fond, par son arrêt 03/2005 du 27 avril 2005 se déclare non seulement compétente pour connaître de l’acte additionnel en cause, mais l’annule pour inobservance de la procédure d’éviction. Malgré cette décision de la Cour de justice, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement prend un nouvel acte additionnel, l’acte additionnel n°01/2005/CCEG/UEMOA nommant Monsieur Jerôme BRO GREBE en qualité de membre de la Commission en remplacement de Monsieur Eugène YAÏ. La Cour est de nouveau saisie par M. Eugène YAÏ de deux requêtes aux fins de sursis à exécution et d’annulation dudit acte. Par ordonnance présidentielle N°5 du 2 juin 2005, la Cour ne fait pas droit au sursis à exécution arguant l’intérêt communautaire. Mais au fond elle statue dans le même sens que sa première décision, procédant à l’annulation de l’acte additionnel à elle déféré par son arrêt 01/2006 du 12 avril 2006. Faisant fi de cette décision de la Cour de justice, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement prend un troisième acte additionnel, l’acte additionnel n°04/2006 nommant Monsieur Jerôme BRO GREBE en qualité de membre de la Commission e en qualité de membre de la commission En remplacement de Monsieur Eugène YAÏ dont il achèvera le mandat. M. YAÏ introduit à nouveau un recours en annulation de l’acte additionnel n°04/2006 du 11 mai 2006 Entre temps son mandat arrive à expiration et la la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement par acte additionnel n°01/2007/CCEG/UEMOA du 20 janvier portant nomination des membres de la Commission de 11 concernant la justiciabilité desdits actes, une analyse des dispositions du traité article 19 et 42 et de certains actes de droit dérivé (article 27 – 2ème tiret) de l’Acte additionnel n°10/96 portant statut de la Cour de Ju stice aurait pu faire croire que les actes additionnels ne sont pas justiciables de la Cour de Justice tant en raison de la compétence d’attribution de la Cour que de la nature d’actes de gouvernement desdits actes. Mais depuis les trois arrêts de l’affaire YAÏ (arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, arrêt 01/2006 du 05 avril 2006 et arrêt 01/2008 du 30 avril 2008), la Cour de Justice a affirmé et réaffirmé sa compétence à connaître des actes additionnels faisant grief. Dans son arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, la Cour affirme: « Il est de doctrine et de jurisprudence constante que ״le recours en annulation peut être dirigé de manière générale, contre tous les actes ayant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci, quelle que soit leur dénomination“ […]. En l’espèce, il est évident que la nomination de Monsieur Jérôme Bro GREBE est de nature à porter grief à Monsieur Eugène YAÏ et qu’il a eu pour conséquence sa révocation. En tout état de cause, la compétence de la Cour en matière de contrôle de légalité ne saurait se limiter aux seuls actes cités par le Protocole additionnel n°1 et par le Règlement de procédures. Enfin, il résulte de l’ensemble de ces considérations, que la Cour de Justice est compétente pour apprécier la légalité de l’Acte additionnel n°06/2004 du 15 novembre 2004 ». A l’occasion de cette affaire, la cour a consenti à limiter ses prérogatives aux seuls actes additionnels de portée individuelle. Mais ce qu’il convient de souligner ici, et qui pose un problème de pratique institutionnelle, c’est le refus de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de se soumettre aux décisions de la Cour malgré les prescriptions de l’article 20 du Protocole additionnel N°1 selon lesquelles : « Les décisions de la Cour ont force obligatoire sur tout l’espace UEMOA et s’imposent à tous ».. Cette situation s’apparente à celle plus grave qu’à connu le tribunal de la SADC suite à ses décisions les cas d’expropriation de fermiers blancs au Zimbabwe: décisions favorables auxdits fermiers mais que le gouvernement du Zimbabwe a catégoriquement refusé d’exécuter les décisions du Tribunal. Face à cette situation de fronde contre l’autorité du tribunal de la part du Zimbabwe, celui a renvoyé l’affaire au Sommet des chefs d’Etats et de Gouvernement, organe suprême de la SADC pour une décision. Lors de leur réunion d’août 2010 les chefs d’Etats et de Gouvernement n’ont pas trouver mieux que de suspendre le tribunal en attendant , disent-ils, la révision de ses compétences. La politique a eu raison du droit. Comme le souligne fort pertinemment Servaas Van den Bosch : « La pratique très répandue dans les Etats membres de faire fi des décisions de justice, ou de remplacer les juges critiques par ceux qui sont favorables au régime, se s’invite aujourd’hui au niveau de la SADC. La création du Tribunal de la SADC comme une cour libérale et accessible était un pas en avant. Maintenant, le tribunal risque d’être étranglé et tué »27 l’UEMOA par lequel elle nomme M. Jerôme BRO GREBE en qualité de membre de la Commission. La Cour déclare le recours irrecevable sur le fondement de la jurisprudence de la CJCE (L’arrêt du 13 décembre 1984, affaire Méyer épouse HANSER contre Comité Economique et Social) qui affirme que : « le recours en annulation contre une décision d’une institution communautaire n’est pas recevable, dès lors qu’une décision antérieure avait donné satisfaction au requérant ». 27 VAN DEN BOSCH Servaas « La SADC effrayée par son propre tribunal » in http://www.ips.org/fr/afriqueaustrale-la-sadc-effrayee-par-son-propre-tribunal/ 12 CONCLUSION Il résulte de ce qui précède que la production normative dans les droits communautaires africains ne se fait pas selon une construction rationnelle obéissant à des règles évidentes ou prévisibles. La cohérence normative et institutionnelle de des OIG d’intégration mérite d’être revisitée afin de donner aux ordres juridiques communautaires toute leur efficacité. Il importe de corriger les lacunes d’où résulte des situations susceptibles de provoquer au mieux des chevauchements juridiques, au pire des incertitudes quant à la valeur juridique réelle des différentes catégories de normes. Il est impérieux de dépasser la simple définition organique des actes communautaires, de clarifier les champs de compétences des organes et d’apporter plus de rigueur et de précision dans la rédaction des dispositions des Traités. Le cas des actes additionnels est illustratif de cette situation. La double fonction, normative et d’impulsion, qu’assume la Conférence des Chefs d’Etat rend hasardeux toute tentative de systématisation d’autant qu’il n’existe aucun critère précis permettant de distinguer les actes additionnels pris dans le cadre du pouvoir d’impulsion de ceux relevant de la fonction normative. Les actes additionnels interviennent dans trois grands domaines qui en droit n’emportent pas les mêmes conséquences juridiques28.Il faut que la clarté et la cohérence accompagnent la production normative surtout dans un contexte de multi appartenance des Etats aux OIG d’intégration. Il importe d’avoir toujours présent à l’esprit que trop de normes tuent la norme. « Qui dit inflation dit dévalorisation : quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite… »29 La norme n’est plus respectée, parce que le citoyen ne parvient plus à suivre les multiples variations, ou ne comprend pas son langage « flou » ou ésotérique, ce qui peut le conduire à la fuir en fraudant sans aucune mauvaise conscience30L Les OIG d’intégration devrait s’en souvenir car la cohérence des systèmes d’intégration est cruciale pour l’avenir de l’intégration en Afrique. 28 Ils interviennent à la fois en tant qu’acte d’impulsion (de caractère éminemment politique), acte de nomination (de portée individuelle), et acte d'application du traité (correspondant à la catégorie des actes additionnels complétant le traité sans le modifier, portée générale). Pour plus de clarté il faudrait donner à ces trois catégories d’actes des dénominations différentes. 29 CE français, rapport public 1991. 30 BERGEAL Catherine, Savoir rédiger un texte normatif, 2ème édition, Berger Levrault 13