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RÉGION À LA UNE 3 MERCREDI 22 AVRIL 2015 COURRIER PICARD ÉCONOMIE Attachés aux pièces détachées Le centre de recyclage et de valorisation de véhicules en fin de vie de Cramaille (Aisne) a reçu la visite de deux députés. Gros plan sur une filière généralement discrète. ar le passé, nos sociétés menaient entre elles une guerre de tranchées. On est devenus les meilleurs amis depuis 2003 », raconte Patrick Poincelet, fondateur de SPDO, avec son frère Daniel, et président national des recycleurs de l’auto depuis 2001. Aujourd’hui, leurs enfants, les deux sœurs Virginie Capitaine, Caroline Michalik, filles de Patrick et le cousin de celles-ci, Vincent Poincelet, fils de Daniel, ont repris l’affaire à Cramaille entre Soissons et ChâteauThierry. Mais les repreneurs trentenaires, qui ont pourtant baigné dans le milieu de la casse auto, affrontent bien des difficultés avec les banques (lire ci-dessous). SPDO, comme SEVP Auto à SaintQuentin et à Amiens, font partie d’un même réseau commercial baptisé Caréco, spécialisé dans la vente de pièces détachées, d’occasion et neuves. Ces sociétés dominent le marché dans la région. « On a fédéré nos services depuis 2003, on a des relations courtoises en bonne intelligence, avec un besoin de s’unir pour répondre aux problématiques professionnelles », souligne Patrick Poincelet, dont l’influence dans la filière n’est pas contestable (ci-contre). Si la région Picardie compte 68 centres VHU (véhicules hors d’usage), près d’une voiture sur deux « bonnes pour la casse » échappe encore aux structures agréées. P Des casses sauvages L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) avait recensé en 2008 20 sites illé- 3 QUESTIONS À PATRICK POINCELET, vice-président du Conseil national des professions automobiles depuis 2014. « Le parc automobile vieillit » ▶ C’est quoi le Conseil national des professions automobiles ? Le CNPA Un conteneur avec des centaines de moteurs allait prendre la destination de la Turquie. (Photo FRED HASLIN) gaux en Picardie et la tendance se confirmerait. « Il suffit de voir les casses sauvages le long de la RN 2 entre l’Aisne et la région parisienne, et les filières clandestines d’exportation de voitures », soupirent les gérants. Les députés en mission parlementaire Serge Letchimy, et Jacques Krabal, ont même été estomaqués par la proportion de VHU qui passe par la filière illégale. Le phénomène est estimé à 500 000 voitures dans le pays, récupérées par des ferrailleurs et bricoleurs du dimanche qui ne s’embarrassent ni de la réglementation administrative, ni des exigences environnementales contre les pollutions. « Sur le terrain, les automobilistes doivent eux-mêmes rayer leur carte grise, avec la mention datée “cédé pour destruction” », rappelle le Quand les banques rechignent Les trois enfants trentenaires qui reprennent l’activité de leurs pères fondateurs de la société SPDO, sont confrontés à la frilosité des banques. La cession est officielle depuis le 22 janvier 2015, la Banque publique d’investissement leur apporte 400 000 euros, le maximum, mais les banques privées sollicitées refusent depuis des mois de leur accorder le prêt complémentaire de 400 000 euros. Six banques locales qui ont travaillé avec les parents, refusent le prêt. « Compte tenu du taux d’intérêt trop bas, elles nous demandent 40 % de la valeur de l’emprunt, soit 180 000 €. Quel jeune dispose de cette somme pour démarrer ? C’est affolant ! », reprochent les repreneurs. « Heureusement que nos parents sont derrière nous, mais c’est anormal. Et dans moins d’un an les impôts nous tomberont dessus. Il nous faut le prêt avant. » L’entreprise a beau avoir 38 ans d’histoire, peser 5,5 M € de chiffres d’affaires, employer 43 salariés et donc faire vivre autant de familles, les jeunes repreneurs ne disposent pas pour le moment du soutien des banques privées. Alerté et consterné par la situation, le député Jacques Krabal entend peser de tout son poids sur les banques frileuses. Et il y a, semble-t-il, urgence. Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). Ces pratiques n’ont évidemment pas cours dans un centre agréé. Le site de Cramaille, comme les autres, dispose de plusieurs sources d’approvisionnement : les compagnies d’assurances pour les véhicules accidentés, les voitures en fin de vie, les primes à la casse. SPDO pèse de tout son poids dans le sud Aisne, mais aussi les départements voisins de l’Oise, la Marne et les Ardennes. « On a un très bon taux de recyclage à 93 % », assure une gérante. Un conteneur d’une centaine de moteurs vendus de 70 à 300 € se préparait pour la Turquie. Un semi-remorque doté d’un compacteur mobile était attendu pour écraser des carcasses désossées et évacuer des centaines d’épaves. Dont des véhicules incendiés, « le fléau » des pros de l’auto cassée. NICOLAS TOTET représente la filière aval de l’automobile. À côté des constructeurs et des équipementiers, c’est toute la filière des services de l’automobile, des réparateurs aux stations-service, de la formation, des écoles, de la distribution rapide et des casses. Cette filière représente 22 métiers différents, 115 000 entreprises et 400 000 emplois ; le 5e secteur de l’économie française. ▶ Qu’en est-il du recyclage des voitures ? Notre branche recyclage exporte dans dix pays du monde différents. Depuis le 1er janvier 2015, l’Europe impose de recycler les VHU (véhicules hors d’usage) à 95 % de leur masse, contre 85 % en 2006. Nos obligations réglementaires nous obligent à trouver des débouchés et des marchés, pour tout recycler à l’exception des déchets ultimes d’un véhicule réduit en poussières. Il y a trois types de valorisation, la réutilisation, le recyclage de matières (acier, verre et plastique) et la valorisation énergétique ou de substitution. ▶ Quelle est la situation du parc automobile français ? On constate un vieillissement du parc. Avec la crise, l’âge moyen du parc auto français est actuellement de 8 ans et demi, contre 7 ans il y a dix ans. Sur 35 millions de véhicules en circulation, 17 millions ont plus de huit ans et demi. L’âge moyen de destruction d’un véhicule est de 15 ans. PRÉ-RAPPORT MI-MAI, DÉFINITIF FIN JUILLET LE CHIFFRE LA PHRASE ▶Le site de Cramaille a accueilli Le nombre de centres VHU 68 (véhicules hors d’usage) agréés en Picardie, 21 dans l’Aisne, 27 dans « Sur plus de quatre millions de transactions d’automobiles d’occasion, deux millions de véhicules ont plus de onze ans d’âge » le député PS de Martinique, Serge Letchimy, et le député local Jacques Krabal (Radical). ▶Mandaté par le ministère de l’Écologie, M. Letchimy rendra un rapport sur « les conditions d’émergence de l’économie circulaire dans le secteur automobile ». l’Oise et 20 dans la Somme. Ils ont traité 46 172 véhicules en 2013. Patrick Poincelet, fondateur de SPDO à Cramaille TRE02.