Du pluralisme politique au pluralisme médiatique: l`expérience

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Du pluralisme politique au pluralisme médiatique: l`expérience
Les travaux de premièr séminaire national sur:
la transition démocratique en Algérie
Par D. BOUADJIMI
Faculté des Sciences Politiques et de l’Information
Université d’Alger
D. Bouadjimi djamal Université d’Alger
Le pluralisme politique
est consacré en Algérie par la
constitution du 23 février 1989. Dans son article 40, elle stipule « Le
droit de créer des associations à caractère politique est reconnu. Ce
droit ne peut toutefois être invoqué pour attenter aux libertés
fondamentales, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale, à
l’indépendance du pays et à la souveraineté du peuple. »
Le pluralisme politique introduit en Algérie après la rupture d'octobre
a marqué le secteur des médias. Il est indéniable que par rapport à la
situation des médias avant 1988, de grands changements d'ordre
juridique et organisationnel sont intervenus. La présence de journaux
indépendants atteste de la vitalité de la presse algérienne. Le tirage,
près de deux millions de copies par jour, la diversité des journaux,
l'apparition d'une presse partisane, témoignent de l'ampleur des
bouleversements qui ont suivi la révolte d'octobre et dont la presse a
grandement profité.
En effet, à l'instar du pluralisme politique et de l'indépendance
de la justice, le pluralisme médiatique et la liberté de la presse
constituent les fondements même du système démocratique.
L’existence d’une presse libre, pluraliste où toutes les opinions et
tendances s’expriment est l’un des postulats de base pour tout
changement démocratique. Le rôle des médias est d’informer, de faire
connaître les faits qui sont l'enjeu du débat politique au sein de la
société. C'est à partir de là que peuvent être appliqués les principes de
tolérance, d'alternance au pouvoir et de souveraineté populaire. On ne
peut concevoir de démocratie sans multipartisme politique ou
pluralisme médiatique.
La loi 90-07 du 3 avril 1990 sur l’Information entraîne une
complète métamorphose du paysage médiatique algérien. Du moins en
ce qui concerne la presse écrite, car, si, juridiquement, cette nouvelle
loi concerne également la télévision, la radio et l’Agence Presse
Service, seule la presse écrite va en bénéficier.
Cette métamorphose va bouleverser aussi bien les structures
d’organisation que le marché de la presse. En ce sens ou elle redéfinit
le mode d’organisation de l’information : «L’exercice du droit à
l’information » est étendu aux « titres et organes appartenant ou créés
par les associations à caractère politique », d’une part, et aux « titres et
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Du pluralisme politique au pluralisme médiatique : l’expérience algérienne
organes créés par des personnes morales du droit algérien», c’est-àdire des sociétés privées, d’autre part(1).
Sur le plan de la liberté de la presse et des libertés d’expression et
d’opinion, le pays va connaître dans la période qui suivie
immédiatement l’application de cette loi, une ouverture sans
précédent. Une floraison de titres va paraître, toutes tendances
politiques et idéologiques confondus, reflétant ainsi la diversité
existante sur le terrain du fait de l’avènement du multipartisme
politique. Cette ouverture sera, malheureusement, très éphémère.
Quelques repères historiques :
La configuration du paysage médiatique d’avant 1988 est
facile à dresser dans la mesure ou les titres existant étaient tous la
priorité de l’Etat. Il n’existait aucun titre privé. (Période du parti
unique)
Ainsi sur un total de 49 titres, toutes périodicité confondue, le
tirage total était de 1 541 580 exemplaires avec une moyenne de 760
000 exemplaires/jour qui se répartissaient comme suit :
•
•
•
les quotidiens : 6 titres. En moyenne : 760 000
exemplaires/jour.
les hebdomadaires : 8 titres. En moyenne : 507 710
exemplaires/jour.
les autres périodiques (bimensuels, mensuels, trimestriels,
annuel…) : 35 titres pour une moyenne de 363 420
exemplaires.
Répartition selon la langue :
Français : 17 titres (991 980 exemplaires ).
Arabe : 25 titres (526 800 exemplaires ).
A noter que 7 quotidiens étaient bilingues pour un tirage de 22 800
exemplaires.
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Avec la promulgation de la loi n° 90-07 du 3 avril 1990
relative à l’Information et des circulaires gouvernementales du 19
mars 1990 et du 4 avril 1990 permettant la création de journaux
privés, le pluralisme médiatique devient une réalité en Algérie. Réalité
avec laquelle doit composer aussi bien le pouvoir, les professionnels
de la presse et le public. C’est la fin de l’ère de la presse
monolithique ; le lectorat désormais se retrouve face à un éventail de
journaux qui reflètent la réalité de la scène politique, à savoir le
pluralisme politique.
L’article 4 de la circulaire relative à l’information d’avril 1990
stipule :
« L’exercice du droit à l’information est assuré notamment par :
- les titres et organes de l’information du secteur public
-les titres et organes appartenant ou crées par les associations à
caractères politiques
- les titres et organes créés par les personnes physiques ou morales de
droit algérien.
Il s’exerce sur tout support médiatique écrit,
radiophonique, sonore ou télévisuel. »
L’'article 14 précise que "l'édition de toute publication
périodique est libre". Il suffit aux partis politiques, aux associations
culturelles et aux individus de déposer une simple déclaration, un
mois avant la sortie du premier numéro, pour pouvoir lancer les titres
qu'ils veulent.
Enfin, l'article 28 stipule que le journaliste n'est plus tenu de travailler
dans les organes relevant du parti et de l'Etat et que le droit à
l'information n'est plus restreint dans le cadre du parti unique.
En résumé, les points saillants de ce code sont :
-
la fin du monopole sur les médias
- la libération du secteur des médias et la liberté de créer des
journaux partisans, indépendants ou privés.
- la liberté pour les journalistes de travailler en dehors des
titres du parti FLN et du gouvernement.
- la liberté de diffusion et de lancement de radios et de chaînes
de télévision privées, certes assorties de quelques conditions
administratives.
- la clause de conscience.
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Du pluralisme politique au pluralisme médiatique : l’expérience algérienne
- le droit d'accès aux sources de l'information.
- le droit au secret professionnel
- la fin du monopole de la diffusion, de la distribution et de
l'impression.
Le code de 1990 innove en créant une instance d'arbitrage et
d'éthique, le "Conseil supérieur de l'information" (CSI), composé de
douze membres dont trois représentent le président de la République,
trois autres nommés par l'Assemblée populaire nationale et six
journalistes élus par leurs pairs de la presse écrite et audiovisuelle. Ces
derniers doivent justifier de 15 ans d'ancienneté dans les médias. En
fait, cette exigence pénalise la nouvelle génération des journalistes qui
ne s'est pas compromise avec le monde des médias d'avant 1988.
Le code de l'information du 3 avril 1990 ne fait pas
l'unanimité parmi les professionnels des médias, les partis
politiques, les syndicats et les ligues des droits de l'homme. Mais
malgré les réserves émises ça et là contre certaines dispositions de
la loi de 1990, elle a été le fondement de la rupture avec les
mécanismes de l'ordre médiatique de l'ancien système. C'est par
rapport à la centralisation totale des moyens de l'information de
1962 à 1988 que l'article de loi de 1990 stipulant que désormais la
publication d'un périodique est libre, qu'il faudrait mesurer
l'ampleur des changements de monopole de l'Etat-parti sur
l'information.
La circulaire Hamrouche
La circulaire n°4 du chef du gouvernement, Mouloud
Hamrouche d'avril 1990, portant sur le régime d'exercice des
journalistes du secteur public a complété la loi de l'information de
1990. Auparavant, l'Etat et le parti FLN étaient les seuls employeurs
dans le domaine de l'information. A la faveur de cette circulaire, les
journalistes ont eu le choix entre deux possibilités :
-
quitter le secteur public pour aller travailler dans les
organes des partis politiques de leur choix.
- s'émanciper de la presse gouvernementale en se constituant
en collectifs et tenter "l'aventure intellectuelle". Cette formule
a été utilisée pour illustrer le principe de création des
publications indépendantes.
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Dans les deux cas, le gouvernement avance aux journalistes leurs
salaires de deux ans comme indemnité de licenciement. C'est cet
argent qui a servi de base tangible au lancement des titres
indépendants. Ce texte a permis le lancement de la presse
indépendante. On peut dire que cette dernière a démarré avec une
sorte de "sponsoring" de l'Etat.
La presse post-1988 : Evolution et tendances.
Avec la promulgation de la loi sur l’information de 1990, le
marché de la presse s’est libéré du monopole étatique et s’est
libéralisé.
1990 : lancement des premiers titres privés et de quelques
titres partisans.
Les premiers titres de presse privés apparus en 1990-1991
1. Le Jeune Indépendant : Hebdomadaire en français, 28 mars 1990.
2. Le Soir d’Algérie : Quotidien en français, 3 septembre 1990.
3. El Watan : Quotidien en français, 6 octobre 1990.
4. El Khabar : Quotidien en arabe, 1er novembre1990.
5. Alger Républicain : Quotidien en français, 22 novembre 1990.
6. Le Matin : Quotidien en français, 16 septembre 1991.
A la même période, les journaux partisans font aussi leur apparition.
El Mounqid, un hebdomadaire en langue arabe appartenant au FIS,
atteint des tirages de 500 000 exemplaires. Le RCD lance l'Avenir et
Assalu, un journal en langue berbère. Le FFS reprend Libre Algérie,
un journal fondé à Paris par Ali Mecili. Alger Républicain reparaît
avec une ligne éditoriale proche du PAGS. Le MDA fait sortir El Badil
tandis qu'El Châab, quotidien étatique de langue arabe et El
Moudjahid continuent de paraître sous l’égide du FLN.
1991 demeure l’année de référence pour apprécier l’ampleur de
l’expansion qu’a connu le paysage médiatique algérien :
De 49 titres en 1988, on passe à 74 titres en 1991 et les tirages ont
plus que doublé pour atteindre 1 437 000 exemplaires/jour répartis
comme suit :
- les quotidiens : 17 titres. Tirages :
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1 113 500 exemplaires.
Du pluralisme politique au pluralisme médiatique : l’expérience algérienne
- les hebdomadaires : 45 titres. Tirages :
1 798 000 exemplaires.
-les autres périodiques : 12 titres. Tirages :
648 000 exemplaires.
De 1991 à 1994 : on assiste encore à une nette évolution du nombre de
titres pour atteindre un total de 119 titres dont : - 27 quotidiens.
-59 hebdomadaires.
-33 autres périodiques.
Cependant on constate une réduction des tirages journaliers qui
passent à 905 528 exemplaires au lieu de 1 113 500 en 1991. Il en est
de même pour les hebdomadaires et les autres périodiques, on assiste à
une évolution des titres et à une baisse des tirages.
En 1992 toujours, le secteur comptait 103 titres tirés à un
million cent mille exemplaires parjour soit :
• Vingt quatre (24) quotidiens : 16 privés et 8 publics (13 en
français, 11 en arabe).
• Soixante cinq (65) hebdomadaires : 50 privés et 15 publics (32
en arabe, 30 en français, 3 bilingues).
• Quatorze (14) périodiques : 10mensuels, 2 trimestriels, 2
bimensuels (7 en français, 2 en arabe, 5 bilingues).
Tous ces organes émargeaient à un marché publicitaire en formation
estimé à un 1 milliard de dinars, essentiellement alimenté par le
portefeuille des annonces légales et de la communication sociale de
l’Etat géré par l’ANEP.
1995 et 1996 : On assiste à une nette tendance à la chute avec
aussi bien une baisse du nombre de titres que des tirages : on passe à
19 quotidiens en 1996 pour un tirage de 546 398 exemplaires, contre
27 titres et 905 528 exemplaires en 1994.
Plusieurs facteurs entrent en jeu dans l’explication de cette
récession.
On peut citer :
-des facteurs économiques, liés notamment à la dure concurrence que
se livrent les journaux sur le marché de la presse, au marché de la
publicité qui n’est pas régulé de manière à faire bénéficier tous les
titres, à la défaillance du secteur de la diffusion ainsi qu’a
l’augmentation du prix de vente des journaux en plus de la
dégradation du pouvoir d’achat du citoyen …
-des facteurs professionnels : la majorité des titres n’a pas pu s’adapter
à la nouvelle donne de la presse privée qui nécessite la mobilisation de
moyens humains importants tant sur le plan professionnel que
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financier. Beaucoup d’entre-eux avaient démarré dans l’euphorie de la
nouvelle réglementation avec seulement le capital-social des
journalistes. De plus les effectifs rédactionnels étaient presque
exclusivement composés des journalistes membres fondateurs et de
quelques jeunes recrues souvent sans expériences. Ce qui ne
permettait pas un fonctionnement normal et professionnel d’un
journal. Ceci est encore plus vrai pour les quotidiens qui nécessitent
un apport de journalistes et d’assimilés important. (une trentaine de
journalistes au minimum)
A ces facteurs s’ajoute l’inexpérience des gestionnaires.
Dans la grande majorité des cas, c’est les journalistes eux-mêmes
qui se retrouvent contraints de gérer leurs entreprises sans avoir
été auparavant formé pour cette tache.
Dans beaucoup de cas, l’absence d’étude préalable de
marché se répercute négativement sur la maturité du projet.
-certains facteurs exogènes qui avaient négativement
influé sur le marché de la presse tels que l’ « occasionnalité » de
la lecture, l’hégémonie de l’audiovisuel (pénétration de la
parabole, oralité de la société algérienne qui privilégie l’image et
le son à l’écrit) ainsi que le taux élevé de l’analphabétisme…
-et enfin des facteurs politiques et qui sont les plus importants :
Liés particulièrement à la conjoncture politique vécue par le pays
depuis 1988, l«boom médiatique » d’après 1989 répondait à un réel
besoin en information. Les nouveaux journaux sont venus étancher
cette soif de liberté d’expression. Le lecteur qui était habitué à une
presse monolithique voit émerger une nouvelle presse qui répond
mieux à ses aspirations et à ses besoins de lecture, et dont le ton de
liberté l’enthousiaste.
Cependant à partir de 1992, avec l’interruption du processus électoral
et l’instauration de l’état d’urgence de nouvelles règles sont instaurées
pour baliser cette éphémère liberté d’expression et contrôler les écrits
en rapport avec l’information sécuritaire.
De plus, les mesures draconiennes imposées par le gouvernement
Belaid en vue de museler la presse privée par une orientation de la
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Du pluralisme politique au pluralisme médiatique : l’expérience algérienne
publicité et la suspension temporaire de certains journaux entraînent la
disparition pure et simple de certains titres.
Nombre de titres et volume du tirage de 1988 à 2004(2).
Si pendant la période du monopartisme, la presse publique – ainsi que
les organes officiels relevant du parti unique (El Moudjahid,
Révolution Africaine…) ou des organisation de masse ( Révolution et
travail, L’unité…) faisait cavalier seul sur la scène médiatique
algérienne. A l’ère du pluralisme, l’apparition de la presse privée ou
«indépendante » transforma radicalement le Paysage Médiatique
Algérien.
PMA : Avant 1988 :
Total : 49 titres pour quelques 750 000 exemplaires/jour dont :
• 6 quotidiens, tirage moyen : 5 à 600 000 expl/j.
• 8 hebdomadaires, tirage moyen : 650 000 expl/j.
• 35 autres périodiques au tirage modeste.
Caractéristiques : Presse entièrement publique (éditeurs publics,
institutions, parti et organisations de masses).
Après 1988 : Avènement du pluralisme.
*Nombre de titres crées entre 1989 et 2001 : 823 (en
moyenne une cinquantaine par an)
• Continuent de paraître en 2001 : 129
• Disparus : 694
Remarque importante : La répartition des quotidiens par
nature juridique se fait comme suit :
-Presse publique : 18%
-Presse privée : 82%
Ceci, bien entendu pour la presse écrite. Dans le domaine de
l’audiovisuel, et malgré la réglementation (cf. l’art. 4 de la loi de
l’information de 1990 qui stipule que «l’exercice du droit à
l’information… s’exerce par tout support médiatique écrit,
radiophonique, sonore ou télévisuel. », le champ reste fermé. Il reste
le domaine réservé de l’Etat.
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Dualité presse publique/presse privée
Les journalistes n'ont pas réussi à s'autonomiser du pouvoir
politique, puisqu'ils ne se considèrent plus comme de simples témoins
mais se perçoivent comme des acteurs politiques et prennent position
dans les débats politiques. La surpolitisation des débats en Algérie a
également éloigné les journalistes des préoccupations des citoyens. Ils
accordent ainsi une place prépondérante aux sujets politiques et aux
commentaires au détriment des reportages et des enquêtes
d'investigation. La presse indépendante, pour mériter ce vocable, doit
opérer sa séparation d'avec les différents protagonistes en place et
revenir à sa fonction originelle.
Les médias de l'après-octobre sont nés à un moment crucial de
l'évolution de la société. Les conditions, qui ont présidé à leur
naissance, ne doivent pas occulter l'histoire de trente années où les
médias jouaient le rôle de "courroie de transmission" entre le sommet
et la base. La phase de transition démocratique n'est pas seulement une
évolution dans le caractère politique, culturel, social et technique de
l'information mais une transformation radicale de son statut et de ses
fonctions.
Rapports Médias /Pratique politique
Il est évident que les médias ont une certaine influence sur les
masses. Sans reprendre toutes les théories classiques sur l’influence
des médias ( Walter Lippmann, et son livre Public Opinion qu’il
publia dès 1921 ; Harold D Lasswell et son concept de «piqûre
hypodermique » : Lazarsfeld, Robert K Merton, Mac Luhan , et
Elisabeth Noelle-Neumann qui réclame un retour au concept de la
puissance des médias.)
La communication politique étant la communication qui
s’établit entre les gouvernants et les gouvernés. Le rôle des Médias est
de servir de support au discours politique. Ils sont aussi «la courroie
de transmission » entre la classe politique dans son ensemble - c’est-àdire aussi bien les partis politiques d'opposition que le pouvoir- et les
masses populaires.
Les médias, qu’ils soient publics ou privés (indépendant) n’ont
théoriquement pas pour rôle majeur de jouer les bons office ni les
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Du pluralisme politique au pluralisme médiatique : l’expérience algérienne
directeurs de conscience. Ils doivent avant tout diffuser en toute
neutralité des informations dans le respect des règles de moralité
d’éthique et de déontologie. Les médias publics sont tenus au respect
du «service public ». Les médias indépendants, au respect des critères
professionnels reconnus par la profession tels que la vérité,
l’honnêteté, l’impartialité et l’équité vertus fondamentales que le
lecteur est endroit d’attendre.
En période électorale par exemple, ce rapport est mis en
exergue et prend toute son ampleur.
Cela est particulièrement vrai pour la presse partisane qui est
censée être le support par excellence de l’idéologie, du programme et
de la ligne politique de la formation politique qu’elle représente.
Or en Algérie, l’émergence de la presse partisane fut éphémère. Si
dans l’euphorie de l’explosion des titres au début des années 90,
plusieurs titres émergèrent et prirent places sur les étals des kiosques,
cette présence avait été très brève et la quasi-totalité des titres
partisans a aujourd’hui disparu. Nombre d’entre-eux cependant étaient
antérieurs à la période pluraliste et paraissaient dans la clandestinité
depuis très longtemps à l’instar de « SAOUT ECHAAB » du PAGS ou
de «LIBRE ALGERIE » du FFS.
Certaines publications telles que « Libre Algérie » de FFS ou
« L’avenir » et « Assalu » du RCD eurent une parution plus longue,
mais irrégulière. Il en est de même pour les organes de la mouvance
islamiques, plus particulièrement ceux du HMS. Les publications du
FIS furent interdites en même temps que le parti. Mais continuent de
paraître de façon irrégulière à l’étranger.
Comment situer les différents organes de presse par rapport à
la scène politique algérienne ?
A la dualité, presse publique/presse privée, basée essentiellement sur
la nature juridique des organes, d’autres qualificatifs sont souvent
utilisés pour distinguer les médias algériens, selon la ligne éditoriale
suivie, l’idéologie ou tout simplement l’implication et les prises de
position politique de l’organe vis–a- vis de l’actualité nationale ; c’est
à dire en fonction de sa prise de position par rapport à l’arrêt du
processus électoral, à la lutte contre les groupes armés, à certains
événement qui ont marqué la scène nationale telle la plateformes de
Sant’Egidio … Ainsi on parlera de presse éradicatrice, de presse
conciliatrice etc…
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D. Bouadjimi djamal Université d’Alger
D’ailleurs, dès l’annonce des résultats du premier tour des élections
législatives, le 26 décembre 1991, une partie de la presse privée se
fera alors le porte-parole de la politique du gouvernement et certains
quotidiens comme El Watan et Le Matin s’interrogent sur
l’opportunité d’aller au bout du scrutin et demandent l’arrêt du
processus électoral. Ils titrent en Une, « Non au second tour »(3)
En février 1992, l’état d’urgence est proclamé et une politique dite
« sécuritaire » est mise sur place par le pouvoir.(4)
A Partir de là, la censure devient ainsi systématique, dès qu’un
journal met en cause la politique suivie par le pouvoir où aborde des
sujets inhérents à ce que l’on appellera désormais « l’information
sécuritaire »(5).
Des « comités de lecture », composés de fonctionnaires du
ministère, chargés de contrôler le contenu des journaux avant leur
mise sous presse sont placés dans les imprimeries dès le 11 février
1996 et contribueront à renforcer l’arsenal de contrôle même si pour le
pouvoir ces dispositions ne relèvent pas de la
«censure », mais «
fixent sans nuire aucunement aux droits à l’information et à la liberté
d’expression, les limites liées à des impératifs sécuritaires et d’intérêt
général que les médias sont tenus de respecter »(6).
Désormais, se succèdent les suspensions, saisies, menaces et
obstacles de toutes sortes contre la presse privée. Les saisies et
suspensions de journaux se font directement à l’imprimerie, avant
même le tirage.
A ces dispositifs va s’ajouter le monopole de l’État sur
l’impression et la publicité. Ce monopole lui permet d’exercer un
contrôle sur le contenu des journaux et permet suspendre leur
parution pour des « raisons économiques ». De 1994 à 1998, du fait de
l’état d’urgence et de la censure, la disparition de plusieurs titres a
entraîné une régression du tirage quotidien de la presse.
Peut-on réellement parler de liberté de la presse sans liberté de
l’imprimerie, de la diffusion et de la publicité ?
Situation actuelle
Aujourd’hui, quinze années après sa libéralisation partielle, le
secteur de la communication se trouve à la croisée des chemins et en
dépit de beaucoup de contraintes, il se présente comme un pôle en
pleine expansion, couvrant une gamme d’activités diversifiées,
employant des effectifs qualifiés et utilisant des techniques avancées.
On est loin des 30 titres et des 700.000 exemplaires/jour de 1990.
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Du pluralisme politique au pluralisme médiatique : l’expérience algérienne
De plus, aujourd’hui, un nombre important de titres algériens (en
Arabe et en français) sont sur Internet (plus de 30 titres), deux
agences de presse écrite (APS et AAI), une agence de photos de
presse, ainsi que la télévision et la radio.
A noter que ce chiffre reste aléatoire du fait de l'apparition de
nouveaux journaux en ligne.
Il est à remarquer que les médias algériens avaient, du fait même de la
conjoncture politique et sécuritaire qu’a traversé le pays, pris
conscience très tôt, par rapport à d’autres pays même occidentaux, que
ce nouveau média est pour eux une fenêtre sur le monde et surtout un
moyen de déjouer la censure et les interdiction de publication.
En 2004, la presse écrite tous statuts confondus (EPIC, SARL,
EURL, SPA) compte 250 titres dont 46 quotidiens 40 privés et 6
publics (26 en français, 20 en arabe), tirant en période de pointe
jusqu'à 2.000.000 d’exemplaires/jour, lus par 7 millions de lecteurs.
Le secteur public restructuré en holding (Groupe Presse
Communication) pour stopper le recul de ses journaux, coiffe six (06 )
titres tirant à 100.000 exemplaires/jour auxquels s’ajoutent six (06)
sociétés d’impression, deux (02)
sociétés de diffusion, une (01)
société de publicité et une (01) société d’importation de papier
journal.
Le marché publicitaire également connaît un bond en avant. Il
est évalué, pour la même année 2004, à 4 milliards de DA dont trois
pour la presse écrite (les plus grandes parts revenant à 12 titres dont
10 privés) et un milliard pour l’audiovisuel (800 millions de DA pour
la télévision et 200 millions pour la radio).
On est certes, loin de la situation qui prévalait pendant l’ère
du monopartisme en Algérie. Aujourd’hui, la presse algérienne
pluraliste dans le sens ou toutes les opinions et tendances peuvent plus
ou moins s’exprimer, est considérée comme parmi les plus libre du
monde arabe, mais on est également loin de la période qui suivit
immédiatement l’avènement du multipartisme et du pluralisme
médiatique et qui précéda l’arrêt du processus électoral et ou la liberté
d’expression et d’opinion a avait atteint son point culminant.
Note:
(1) Loi n° 90-07 du 3 avril 1990, Journal officiel de la République algérienne
(J.O.R.A.), n° 14, 4 avril 1990, p. 395
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(2) Source : Ministère de la Communication.
(3) Cf. El Watan, 31 décembre 1991. Voir également Alger républicain, 1er janvier
1992.
(4) Décret 92-44 du 9 février 1992.
Son article 5 stipule que le ministère de
l’Intérieur peut prononcer le placement de toute personne majeure dont l’activité
s’avère dangereuse pour l’ordre public, la sécurité publique ou le bon
fonctionnement des services publics. Ainsi plusieurs journalistes et responsables
d’organes de presse sont arrêtés et envoyés dans les cinq centres de détention
administratifs ouverts par les autorités dans le Sud du pays.
(5) Arrêté interministériel « relatif au traitement de l’information » du 7 juin 1994,
signé par les ministères de l’Intérieur et de la Communication, et adressé aux
éditeurs et responsables de la presse nationale. Cet arrêté ne sera jamais publié au
Journal officiel. Classé « confidentiel », il définit en détail les « lignes rouges » que
la presse est tenue de ne pas franchir.
(6) Cf. GHEZALI Salima, « De la presse bâillonnée à une presse schizophrène »,
interview
par
Bernard
DEBORD,
watch.org/farticle/ghezali2.htm>.
- 15 -
avril
1999,
<www.algeria-