Zibeline n°13 en PDF
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3 1 Q du 20/11 au 18/12/08 | un gratuit qui se lit Politique des musées de Marseille Les Assises de la Culture Politique culturelle L’Arcade, l’Étang des Aulnes Les Assises de la culture Entretien avec Marie-Paul Vial La Minoterie Les Rencontres artistiques du var 4 5 6 7 8 Théâtre Le Gymnase La Criée, le Daki Ling, Le Marie-Jeanne Le Merlan, Les Bernardines Le Gyptis, le Toursky Le Lenche, les ATP (Aix) Martigues, Aix, Pays d’Aix Aubagne, La Ciotat, Draguignan, Châteauvallon Avignon, Le Revest-les-Eaux, le Massalia Port-de-Bouc, Ouest Provence, Cavaillon Nîmes Gap, Avignon 9 10 11 12 13 14,15 16 17 18, 19 20 21 Danse Draguignan, Dansem, Istres BNM, MOD Ballet d’Europe, Pavillon Noir GTP Martigues, Nîmes 22 23 24 25 26 Cirque Comoni, Cavaillon, Martigues, Istres 28 Arts de la rue Sirènes et midi net, La folle histoire, Small is beautiful 29 Musique Concerts Opéra Concerts, agenda 30,31,32,33 34,35 36 à 47 Arts visuels [Mac], Regards de Provence Entretien avec Guy Limone, Vol de Nuits Hôpital Caroline, Artothèque 3bisf, Vœux d’artistes Arles, Gap, Vaison-la-Romaine 48 49 50 51 52 Cinéma Les bureaux de Dieu Festival Tous Courts, Horizontes del Sur Institut Culturel Italien, Apt Rendez-vous des quais, Alhambra, Vitrolles, Arles, Images et Paroles Engagées France Untimited Access, Polygone Étoilé, Châteauvallon 53 54 55 56 57 Livres Laterna Magica, Histoire de l’œil, agenda Belles Latinas, Belles étrangères Fête du Livre (Aix), Trets, Aubagne Librairie Le greffier de Saint Yves, Institut Culturel Italien Livres 58 59 60,61 62 63,64,65 Philosophie Livres Conférences 66 67 Sciences et techniques Sciences éco-comiques, RISC, agenda 68,69 Histoire Les Rencontres d’Averroès 70,71,72 Éducation Les femmes dans la littérature jeunesse BJCEM, Averroès junior, ENSDM Orchestre de Cannes Les Zibulons Rubrique des adhérents 73 74 75 76,77 78 Où sont les œuvres ? Une photo du Ground Zero en couverture de Zibeline, pour fêter Obama! Et pour s’interroger sur cette béance laissée, qui cicatrise la blessure sans camoufler le mal. L’élection d’Obama prouve le ressort du peuple américain, et nous réconcilie avec une Amérique qu’on croyait perdue. Les néocons’ qui tentaient de migrer jusqu’à nous n’ont qu’à bien se tenir! On attend l’œuvre au-delà de la victoire. Savons-nous ce qu’Obama veut faire du monde ? L’unique préoccupation des médias est de savoir ce qu’il est. Noir (ou pas). Sympa (ou pas). Charismatique (ou pas). Au PS aussi les simplifications médiatiques se substituent aux lignes de conduite. Les militants votent pour des motions, des programmes, mais c’est la personne qui mène la liste qui retient l’intérêt des caméras. Peu importe de savoir vers quel avenir on va, pourvu qu’on sache qui nous y mène. Ségolène (ou pas). Dans le monde culturel le virage est encore plus raide. Plus amorcé. La programmation des lieux se fait au gré des projets, des thématiques, se conçoit en axes, en concepts. Le corps, la Méditerranée, la ville, le recyclable, l’oralité, l’étrangeté, le sacré… sont déclinés sous toutes leurs formes et leurs genres, depuis les petits lieux expérimentaux jusqu’aux grands festivals. Les artistes doivent inscrire leurs projets dans des cadres que des programmateurs éclairés leur imposent gentiment. Ils s’y soumettent, condition sine qua none pour être exposés, écoutés, diffusés, publiés, coproduits, accueillis. Or ces thématiques obéissent souvent à des logiques de communication: poussés actuellement à la rentabilité, les programmateurs culturels doivent remplir les salles, donc vendre des places. Et communiquer sur une œuvre, sur des œuvres multiples et singulières, est autrement plus difficile que de se défausser par une thématique branchée. Pourtant ce sont bien les œuvres qui marquent, qui restent, qui comptent : les intitulés des festivals, slogans fugaces, devraient servir à mettre en valeur la singularité, et non lisser la production artistique autour de concepts communs… Tout comme les dirigeants politiques devraient être élus pour ce qu’ils veulent faire de ce monde, et non pour ce que leur image personnelle dégage. AGNÈS FRESCHEL 04 POLITIQUE CULTURELLE ARCADE | ÉTANG DES AULNES L’Arcade chez Milhaud L’Agence Régionale des Arts du Spectacle retrouve ses anciens murs, tout près de la Rotonde, dans l’ancienne demeure de Darius Milhaud… À sa création en 1974, l’ARCAM1 résidait déjà au Logis du Bras d’Or. Mais lorsqu’en 2000 ses missions d’accompagnement se sont élargies, passant de la danse et la musique à l’ensemble du spectacle vivant, elle a cédé la place au commissariat qui occupait déjà le rez-de-chaussée du bâtiment. Le 20 octobre 2008, l’ARCADE s’empare de la totalité des murs restaurés et les ouvre au public, aux artistes, au monde professionnel de la culture. Et le Logis apparaît comme un îlot de mémoire, un refuge au cœur du nouveau Quartier Sextius, univers urbanistique singulier que l’on traverse comme un monde virtuel, avec l’impression déstabilisante de parcourir une maquette d’architecte… Un lieu ressource L’Agence, présidée par Alain Hayot2 et par le Directeur Régional des Affaires Culturelles, François Brouat, est le fruit d’une collaboration entre l’État et la Région. Mais la Ville d’Aix a financé une grande partie des travaux d’aménagement, confirmant sa volonté explicite, voire démonstrative, d’«investir dans la culture, l’intelligence et la beauté», comme l’a expliqué Maryse Joissains3. Si Marseille (Provence) est élue capitale culturelle, l’Université, la Fac de Lettres, le Rectorat, la DRAC et l’ARCADE continuent d’habiter la petite ville, sans doute parce qu’elle sait les retenir et être fière d’être intellectuelle… Car abriter l’Arcade n’est pas un mince avantage : Messieurs Brouat et Hayot ont rappelé le caractère unique, exceptionnel, de ce partenariat entre l’État et la Région PACA. Depuis plus de trente ans l’Agence aide à l’aménagement du territoire par la Culture, organise la formation professionnelle des métiers du spectacle, dispense auprès du public une information concrète et fiable sur le spectacle vivant. Et veille à un équilibre raisonné des budgets entre production, diffusion et création. Observatoire régional, plateforme d’accompagnement de l’emploi culturel, elle aide à mieux comprendre, et donc à mieux gérer, les arts du spectacle. Le nouveau bâtiment Au rez-de-chaussée, des bornes multimédias, des ordinateurs dispensent pour le public des informations à la carte sur l’offre de spectacles, les compagnies et les lieux. L’endroit, agréable, invite à la promenade le long des vidéos permanentes (ouverture du lundi au vendredi, 9h-12h30, 14h-18h). Au premier étage les bureaux du Le logis du bras d'or, nouveaux locaux de l'Arcade © X-D.R personnel. Et au sous-sol des salles de travail : pour accueillir les stagiaires en formation professionnelle, des conférences, mais aussi des concerts, des lectures, des moments conviviaux. Ainsi, le soir de l’inauguration, la maison de Darius Milhaud fut rendue à la musique. Juste avant l’ensemble de saxophones et le quatuor de mandolines, le Président Vauzelle fit entendre sa note discordante en fustigeant le désengagement actuel de l’État : la culture n’est pas un luxe dont on pourrait se passer en période de crise, mais une nécessité absolue au maintien de la cohésion sociale, de la vie en commun. Dans ce refuge ouvert sur le monde, qui veille à la mémoire et prépare l’avenir, on ne saurait qu’entendre sa mise en garde… AGNÈS FRESCHEL 04 42 21 78 00 www.arcade-paca.com 1 Agence Régionale pour la Coordination des Activités musicales et Chorégraphiques 2 Vice-Président du Conseil Régional PACA délégué à la Culture et à la Recherche 3 Maire d’Aix-en-Provence et Présidente de la Communauté d’Agglomérations du Pays d’Aix. Les rois des Aulnes C’était une promesse du Président Guérini lors des Assises de la Culture tenues l’an dernier (voir Zib 4) : le domaine départemental de l’Étang des Aulnes allait être définitivement attribué aux artistes, pour devenir un lieu de résidence et de création… C’est © CG13 chose faite depuis le 16 octobre : le domaine y a accueilli l’Agence de Voyages Imaginaires (Cie de Philippe Car, voir page 16) pour qu’elle répète et crée son nouveau spectacle, Le Bourgeois Gentilhomme. Le lieu est accueillant et confortable, et tout y est fait pour que les compagnies en résidence n’aient plus à penser qu’à la création : chambres fonctionnelles, décor naturel propice, cuisine sur place, et une salle de répétition modulable et équipée qui permet de concevoir techniquement la lumière et les sons dans des conditions équivalentes à de grandes salles de spectacle. Le lieu, géré directement par le département, est unique en France en ce sens. Une initiative saluée par Bernard Latarjet, à qui JeanNoël Guérini a renouvelé sa confiance totale et son soutien sans faille, pour un projet de Marseille Provence Capitale Culturelle qui «ne saurait se passer de lui», et d’un «véritable rayonnement sur tout le département, d’Arles à… Toulon !». Un avertissement pour ceux qui souhaiteraient, une fois la victoire accomplie, changer les axes du projet, son territoire et l’équipe victorieuse ? Le domaine de l’Étang des Aulnes, à Saint-Martin de Crau, ne saura toutefois combler le manque criant de salles de répétition pour nombre de compagnies marseillaises, nomades par nécessité, à l’heure où la Criée s’exile, où le studio Kelemenis met la clé sous la porte de ses résidences de chorégraphes, et où la Minoterie, terre d’accueil des compagnies régionales, est plus que jamais menacée d’expulsion (voir page 6)… La liste d’attente des compagnies pour s’installer en résidence est déjà longue ! A.F. Domaine départemental de l’Etang des Aulnes www.cg13.fr/modes-de-vie/culture ASSISES RÉGIONALES POLITIQUE CULTURELLE Résister et construire Les assises de la culture, organisées par la région PACA depuis six mois dans les 6 départements, se sont conclues par une longue journée au Dock des Suds, réunissant tous les acteurs culturels autour de tables rondes et d’ateliers L’ambiance Autonomie La prise de parole n’y fut pas facile, et de nombreux participants regrettèrent de ne pouvoir s’exprimer et trouver ensemble des réponses à leur détresse. Visiblement désespérés, les artistes ont poussé des cris accusateurs de douleur et de révolte, face à des responsables politiques territoriaux… qui les soutiennent bien plus qu’ils ne les oppriment. Révoltés même contre ceux qui tenaient la tribune, pourtant acteurs culturels comme eux (plus gros ? plus soutenus? plus parisiens ?), ceux qui écoutaient dans la salle ont pris à partie… ceux-là même qui se réunissaient pour les défendre. Mais malgré les amertumes et insatisfactions, au milieu d’accusations inutiles du public et de propos parfois lénifiants des intervenants, quelques paroles essentielles furent prononcées. Ce qui, dans ce cadre, officialise l’acte de résistance à la politique culturelle gouvernementale actuelle : la voix de la région Paca est à ce titre essentielle (voir encadré). Catherine Marnas, qui pourtant travaille sur le territoire gapençais depuis 15 ans et ne rechigne jamais à médiatiser son travail, rappela qu’un artiste avait le droit de ne pas travailler en ce sens, et avait besoin de se nourrir hors des territoires où le pouvoir public avait tendance à le cantonner pour lui assigner une mission sociale. Thierry Fabre, plus théoriquement, avança l’idée qu’il existe trois «strates de culture» : une qui relève de l’anthropologie, des arts du faire (cuisine, vêtements, convivialité) ; une qui relève de la mémoire, du patrimoine, des héritages ; et une autre qui produit des œuvres, intellectuelles ou artistiques. Cette troisième strate a une nécessité d’autonomie; il affirma que celui qui crée est hors de la dimension politique, et qu’il y a un réel danger à vouloir subordonner la création au politique : si on se méfie généralement des volontés de subordination fascistes, les plus dangereuses pour les artistes sont aujourd’hui les bien pensantes, celles qui en voulant démocratiser l’art ne laissent plus aux artistes la place de décider de ce qu’ils veulent créer, imposant leurs projets propres. Francis Peduzzi affirma lui aussi que l’art est éminemment singulier et personnel, tandis que dans l’autre atelier Hortense Archambault rappelait que le Festival d’Avignon était né d’une idée d’artiste, d’un manifeste esthétique (contre le théâtre bourgeois) relayé ensuite par le politique. Et que les choses devaient aller en ce sens. Démocratisation En matière de politique culturelle, divers éclaircissements historiques et génériques furent amenés au cours des interventions. Guy Saes rappela que le ministère des affaires culturelles était né à une époque où les œuvres de l’esprit étaient censées participer au prestige de la France, et que démocratiser la culture consistait alors à faire connaître la «grande» culture au peuple, ce qui n’est plus le cas au-jourd’hui. Michel Dufour, ancien secrétaire d’État au patrimoine et à la décentralisation culturelle, souligna que celle-ci n’avait pas été conçue pour amener à l’actuel désengagement de l’État, mais pour donner les clefs aux Régions afin qu’elles puissent mener à bien la politique de la Nation à l’échelle territoriale. Les questions de participation des artistes et des acteurs culturels à la démocratisation de la culture, dont Nicolas Sarkozy a dit qu’elle était un échec, se trouvèrent donc posées en d’autres termes : si chacun s’accorda à reconnaître, ou à prôner, la nécessité d’une médiatisation de la culture, les intervenants furent nombreux à refuser la culpabilisation, prétexte actuel de la baisse des subventions et de la destruction des compagnies indépendantes. Mise en commun Des paroles qui rejoignaient donc le discours introductif de Michel Vauzelle, affirmant la nécessité d’une indépendance des artistes, mais le danger extrême à supprimer la compétence culturelle des Régions, ce qui est prévu par la réforme des collectivités locales. Alain Hayot rappela également la nécessité à produire une pensée construite sur la culture, sa démocratisation et sa territorialité : il y a urgence à construire un lieu de mise en commun où l’État ne puisse plus séparer ses interventions, couper tel budget, nommer un tel, en sauver un autre. Le service public de la culture est particulier dans le sens où il introduit beaucoup de concurrence entre les acteurs culturels. Il faut aujourd’hui, face au danger, dépasser les clivages avoir une attitude commune. AGNÈS FRESCHEL 05 L’Appel À l’issue de ces journées, la région Paca a lancé un Appel officiel à la résistance contre la politique culturelle gouvernementale «Sous couvert de lutte contre le déficit public, le gouvernement conduit une action qui, décision après décision, nous permet de découvrir sa véritable logique : démanteler les valeurs fondatrices de la République avec destruction pan par pan des services publics dans leur mission de lutte contre les inégalités et de régulation économique et sociale. Cette politique est conduite avec énergie et brutalité. Elle s’appuie sur l’ultralibéralisme qui peut, lorsque ses intérêts vitaux sont en jeu, se donner des aides publiques considérables pour faire face aux conséquences des crises financières dont il est lui-même responsable. […] En organisant des assises régionales de la culture, la Région PACA a voulu manifester son refus déterminé de cette politique à partir d’une concertation générale». La Région prend ensuite un certain nombre d’engagements : défense d’un projet de loi en matière d’art, de culture et de territorialité affirmant la compétence de collectivités territoriales et l’indépendance des artistes ; promesse de rencontres régulières en 2009, création d’une «conférence régionale du développement artistique et culturel». Elle conclut par un Appel à la résistance nationale et invite «les élus et les acteurs de la vie artistique et culturelle des autres régions à la rejoindre [pour] réaffirmer la place centrale de l’art et de la culture dans une société de liberté et de progrès…». Acte majeur donc, s’il est suivi d’effets par les Régions, presque toutes à gauche, qui pourraient se transformer ainsi en instances de résistance aux décisions centrales. 06 POLITIQUE CULTURELLE ENTRETIEN AVEC MARIE-PAULE VIAL Les musées de Marseille à l’horizon 2013 À mi-parcours de l’exposition Van Gogh-Monticelli, Marie-Paule Vial, directrice des musées de Marseille, fait le point sur la situation actuelle et évoque sa gouvernance muséale à venir Zibeline : L’exposition Van GoghMonticelli a débuté le 16 septembre, peut-on déjà établir un premier bilan, notamment par rapport à l’événement Sous le soleil exactement ? Marie-Paule Vial : Sur cette échelle de comparaison, la fréquentation est équivalente. On dépassera peut-être les 140000 visiteurs de Sous le soleil exactement avec quinze jours d’exposition supplémentaires. C’est donc une très bonne réponse des visiteurs. Ce qui me fait plaisir, c’est de voir le public parler de peinture face aux œuvres, on est là au cœur de notre métier. La semaine dernière, un gamin disait «Monticelli, je ne comprends pas, il fait des fleurs avec des taches» : il avait donc bien regardé la peinture. Je me dis que l’on ne s’est pas trompé, même s’il y a des déçus ou des râleurs… Et puis l’exposition bénéficie d’une belle campagne de communication et d’une vraie volonté de la Ville ; non seulement cela se voit, mais cela se mesure en retour. Comment vous situez-vous face au projet Picasso Cézanne à Aix l’an prochain ? Nous ne nous sommes pas concertés, mais nous avons des propositions alternatives. C’est donc excellent pour la région, il n’y a ni concurrence ni rivalité entre nous. On pourrait imaginer des expositions en écho à Picasso Cézanne comme cela fut le cas avec Braque pendant l’Année Cézanne. D’ailleurs, dans le cadre de Marseille Provence 2013, nous avons dans nos tiroirs des projets avec un volet aixois et un volet marseillais. C’est le développement logique et normal des politiques culturelles des villes. Nous devons approfondir nos collaborations et la capitale culturelle va nous permettre de le faire. En dehors des événements, il est difficile de lire la politique des musées de Marseille : on distingue mal l’identité du [MAC] par exemple ou la baisse d’activités de GrobetLabadié. Qu’en est-il ? On est à un moment où une réflexion et des choix s’imposent à nous. De manière générale, dans presque toutes les capitales, les musées développent une politique événementielle. On doit conserver ces grandes expositions pour faire intelligemment œuvre de partage des savoirs et des connaissances, mais ça mobilise beaucoup de force, d’énergie et d’argent. Cela impose de réduire la voilure dans d’autres domaines… Mais il n’y a pas que ça : après une période creuse avec des postes à pourvoir, les musées de Marseille ont désormais des responsables avec un regard neuf. Christine Poullain est en charge du XXe siècle et des arts d’aujourd’hui, elle chapeaute le Musée Cantini et le [MAC] qui travaillera sur ses collections tout en conservant une ou deux travées à des expositions prospectives. On sort ainsi de l’ambiguïté car, depuis 2004, le [MAC] doit répondre aux missions d’un musée et non pas à celles d’un centre d’art. Il faut qu’il réaffirme la richesse de ses collections, ce qui n’empêchera pas, occasionnellement, une grande exposition sur un artiste du XXIe siècle. Ce sera donc plus clair. Quant à Grobet-Labadié, la Ville vient de recruter Christine Germain qui dirigera également le musée de la Faïence. Et Laurent Vedrine vient de Marie-Paule Vial © Claude Almodovar nous rejoindre en prenant la direction du Musée d’Histoire. Avec cette nouvelle équipe, on va pouvoir bâtir une politique plus visible et plus satisfaisante. Mon idée est de poursuivre notre travail sur les collections car on a tendance à oublier la richesse du patrimoine marseillais, et mon souci de directeur est de le rappeler. Justement, quels sont les grands axes que vous allez décliner à l’orée 2013 ? On a déjà proposé une série d’expositions en lien avec les thématiques choisies par Bernard Latarjet: en 2010, 2011 et 2013, les musées présenteront une grande exposition annuelle sur l’origine de Marseille, le Port, le commerce ou les relations avec les pays riverains. L’idée étant de décliner dans chacun des musées des expositions qui valorisent les collections dans tous les domaines : mode, art contemporain, Antiquité, histoire… Une réunion est prévue le 4 décembre pour finaliser ces projets, avec un point d’orgue en 2013. Ce seront des opérations importantes qui feront appel à des collaborations à l‘étranger, certaines avec des historiens prestigieux. Plutôt que d’arriver en 2013 avec un gros coup, j’ai pensé qu’il était préférable de creuser ces thématiques au fur et à mesure. Mais si l’on s’appuie sur l’histoire de Marseille et ses spécificités, ce n’est pas seulement pour regarder dans le rétroviseur, le XXIe siècle sera présent. J’ai toujours pensé cette opportunité comme une dynamique, avec une vraie montée en puissance fédératrice. PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE GODFRIN-GUIDICELLI LA MINOTERIE POLITIQUE CULTURELLE 07 Danger d’enlisement… L’an dernier le milieu culturel et la presse s’étaient émus et mobilisés, créant un comité de soutien et de vigilance : la Minoterie était menacée d’expulsion. On leur avait promis un théâtre, pour remplacer celui qu’ils avaient monté de leurs mains et de leur âme. Mais si depuis les avis d’expulsion d’une partie du théâtre sont arrivés (ils ont trois baux différents…), le projet est aujourd’hui bloqué… La volonté affichée par tous de reloger les Minotiers sera-t-elle contrariée par des problèmes de calendriers ? Zibeline : Pensez-vous qu’en 2012, quand votre théâtre actuel sera démoli, vous serez dans de nouveaux murs ? Pierrette Monticelli : Nous l’espérons ! Mais actuellement le projet est bloqué ! Début octobre le conseil municipal devait entériner la délégation de maître d’ouvrage pour lancer les travaux. Mais pour diverses raisons cela ne s’est pas fait. Dans une réunion du conseil d’administration d’Euroméditerranée, le Conseil Général a, semble-t-il, manifesté son étonnement devant l’absence de réunion de concertation avec la Ville. Depuis une réunion a été programmée… le 3 décembre, alors qu’Euroméditerranée demandait des précisions avant le 15 novembre pour intégrer ce projet dans son plan de construction… Et d’autre part, un arrêté d’expulsion de notre aile droite, c’est-à-dire de nos bureaux, est arrivé pour septembre 2009… bien sûr développer notre travail de proximité avec les établissements scolaires, le programme Culture à l’hôpital avec l’hôpital Desbieff, les ateliers pour adultes… Nous serons sans doute encore plus utiles dans la nouvelle configuration du quartier, parce qu’il y aura besoin de ponts entre les différentes classes sociales qui y habiteront, y travailleront. Nous avons prévu des activités entre midi et deux, pour les employés. Notre bibliothèque, le fait que nous ayons un lieu d’exposition, un lieu de restauration, fait de nous autre chose qu’un lieu de spectacle… La programmation restera la même ? Nous sommes conventionnés pour les écritures contemporaines. Nous continuerons à travailler dans cette voie, sans doute en changeant des choses, en les développant surtout. Et en restant le lieu d’accueil et de dialogue que nous avons réussi à être… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL Jésus de Marseille © Michel Guillerot Bref vous avez peur de vous retrouver face à un «c’est trop tard»… L’incohérence des dates nous le fait craindre… Est-ce le seul obstacle ? Sentez-vous des oppositions plus fondamentales ? Implicitement, peut-être. Il semble que le projet paraisse trop cher à certains. Il est cher. Mais d’une part il l’est cent fois moins que le Silo, par exemple, qui ne pose de problèmes à personne… et d’autre part ce sera le seul outil culturel d’un quartier qui, sans nous, risque de se transformer en désert à partir de 18h. Il ne s’agit pas de sauver les Minotiers, mais de créer un outil nécessaire, et qui nous survivra… Quel est votre projet artistique pour ce lieu ? Continuer, et développer ce qui fait notre particularité. Actuellement nous coproduisons ou accueillons 12 compagnies par an, et 70 à 80 passent répéter dans nos murs. On l’a bien vu lors de la mobilisation de l’année dernière, et aujourd’hui encore avec le comité de soutien : les compagnies de la région tiennent énormément à notre existence… mais aussi les gens du quartier. Car il faut veiller à la topologie de la Joliette ! Et À venir à la Minoterie Le Théâtre de la Joliette continue son soutien aux compagnies régionales en programmant A mon sujet de Charlie Kassab du 20 au 22 nov (voir Zib 12) Naissance des fantômes de Marie Darrieussecq, un monologue habité de vidéo que tient une femme abandonnée. Par la cie Les gens d’en face du 27 au 29 nov Jésus de Marseille de Serge Valletti par l’inénarrable et irrésistible Christian Mazzucchini du 11 au 20 déc. Ai-je bien vu une femme nue et des lapins blancs ?... La jeune Cie En rang d’oignons a cru bien faire à se livrant à de l’écriture collective, mais s’y mettre à plusieurs ne garantit pas la réussite... Sous-titré «tragicomédie ménagère», le texte est faible, parfois provocateur et sans poésie. L’argument en est peu convaincant : un couple fête tous les jours l’anniversaire de sa rencontre, il est prestidigitateur, elle est mauvaise écrivaine névrosée. Un ectoplasme et un Avorton féminin interviennent avec une histoire de sang et d’enfant mort, et 2 lapins (vivants et adorables) dans une boîte. De temps en temps, un acteur chante sur une musique originale de Laurent Boudin, ce qui était peutêtre (avec les lapins) ce qu’il y avait de mieux dans le spectacle. La scénographie n’est pas convaicante, les costumes plutôt vilains et la nudité de l’Avorton peu défendable. Le titre Ai-je bien vu le méchant courir au fond de la scène ou n’est-ce que le marié sacrifié de ma belle-soeur ? aurait dû nous mettre la puce à l’oreille ! CHRIS BOURGUE Spectacle créé à la Minoterie du 4 au 8 nov 08 POLITIQUE CULTURELLE Rencontres ouvertes Dans le Var, les 2e Rencontres artistiques interrogent les écritures contemporaines du spectacle vivant en conjuguant les propositions : débats, spectacles et actions de transmission La proposition est suffisamment rare pour être soulignée : les Rencontres artistiques du Var, organisées par le Conseil général du 24 nov. au 3 déc., sont ouvertes aux collectivités territoriales, aux structures et associations culturelles, aux professionnels… et au public ! Des rencontres qui, pour Françoise Longeard-Sanyas chargée de mission à la direction des affaires culturelles, «permettent de désenclaver les compagnies et les structures, favorisent la circulation et fédèrent de nouveaux partenariats». En octobre dernier, le Conseil général s’associait à l’Adiam 831 pour organiser à l’Espace des arts au Pradet la rencontre professionnelle Danses et compagnies… À partir d’interrogations communes et en prenant appui sur les acteurs de terrain, le Conseil général conçoit ces rencontres, à la fois comme une véritable courroie de transmission entre professionnels, et comme une vitrine des tendances actuelles de la création contemporaine auprès du public. Déjà, en 2007, les premières rencontres avaient attiré 1200 spec- tateurs et plus d’une centaine de professionnels de la région PACA ; en 2008, gageons qu’elles retiendront l’attention d’un plus grand nombre encore du fait de leur inscription dans le centre ville de Toulon. Car la Direction des Affaires Culturelles a souhaité ce glissement géographique pour être au cœur de la cité, explique Françoise Longeard-Sanyas, doublé «d’un frottement avec des sensibilités artistiques différentes». Pour preuve l’Hôtel des arts, dédié aux arts visuels, qui accueille des spectacles et des installations, ou encore la salle de concerts le Crep des Lices qui se prête au jeu des débats. À l’heure où les Actes des rencontres 2007 sont publiés, rappelant le champ des réflexions menées alors sur les écritures musicales, théâtrales, chorégraphiques et jeune public, l’édition 2008 met l’accent sur les nouvelles écritures du spectacle vivant, et plus particulièrement le théâtre d’objets et les marionnettes. Un domaine moins connu, et donc mis en lumière, à travers des spectacles (l’Autre compagnie, Danièle Ors-Hagen, Ex Nihilo, compagnies Pseudonymo, Rouge Indigo, Ariadone, Délices Dada, Théâtre de cuisine et Théâtre des 4 vents, Trio Chemirani, Melonious Quartet, Klang 05), des débats et des actions de transmission artistique. Mais plus largement encore, en tissant des liens avec ces multiples partenaires du département, de la région et au-delà, les rencontres reflètent le désir du CG 83 de faire du Var «un territoire de haltes». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI Rencontres artistiques du Var : Élargir le cercle des connaisseurs : Les publics du spectacle vivant le 28 nov en partenariat avec l’Arcade Musiques du monde, la création entre mémoire et futur le 30 nov Théâtre d’objets, théâtre de marionnettes : Quelles nouvelles écritures ? le 1er déc en partenariat avec le Théâtre Massalia/Pôle jeune public Le Revest les Eaux Nouvelles écritures de la danse et territoires le 2 déc en partenariat avec le 3bisF à Aix et La Tannerie à Barjols Les arts de la rue, êtes-vous sûr de bien connaître ? le 3 déc, en partenariat avec Karwan Marseille www.var.fr 1 Adiam 83 : association départementale d’information et d’actions musicales et chorégraphiques Calle Obrapia, cie Ex-Nihilo © Henry Krul Marxisme léni… fiant Bien sûr que cela fait du bien d’entendre parler politique sur les scènes. Marxisme même, pas si courant. Mais enfin ce Silence des communistes est à peine du théâtre, et il devient trop courant de voir des comédiens lire des textes sans les connaître. Déchiffrer des lettres sur scène reste un en-deça du théâtre. D’autant qu’ici le propos politique est contestable. Non pas parce que ces trois magnifiques personnages n’auraient pas de droit de repentir, ou de revendication, de leur propre histoire : les beautés des luttes du PCI, puis ses lâchetés et ses abandons, son Silence, font partie de l’Histoire, mais de celle qui peut encore être dite par ses propres acteurs. Témoignage toujours intéressant. Mais quelques faiblesses théoriques pointent ça et là : il est affirmé, sans contradiction, que le marxisme est inconciliable avec la démocratie, voire avec la liberté. Qu’on ne peut envisager les luttes de l’avenir que par des réformes, par l’adoucissement des excès capitalistes, et non par le bouleversement de l’ordre établi. Encore moins par la révolution. Ce qui est peut être vrai, mais au moins discutable… Bref Le Silence des Communistes est par moment très anti-communiste ! Socialisant, mais applaudi à tour de bras par un public d’anciens communistes et de syndicalistes actifs, dans des lieux où autrefois vibraient des réunions de cellules… AGNÈS FRESCHEL Le Silence des Communistes a été programmé par le Gymnase à l’Alhambra du 14 au 17 oct et par les Salins à la Salle du grès (Martigues) du 23 au 25 oct. GYMNASE THÉÂTRE 09 Les joies de la famille ou de tangos, et de sons de la vie quotidienne, claquements de portes, sonneries de téléphone, qui donnent le tempo à cette saga du trivial domestique. Le public est pris à parti, mis à mal parfois, assommé à coups d’oreillers, aspergé, ébouriffé et finalement enseveli sous des rubans de papier blanc. Mais il en redemande car cette famille Semianyki, pas de doute, c’est la vie. FRED ROBERT La famille Semianyki, création collective de la troupe du Teatr Licedei, a été représentée au Théâtre du Gymnase du 14 au 25 oct. © Teatr Licedei Affreux, sales, méchants… et tellement drôles. Les membres du collectif russe Teatr Licedei ont encanaillé le Gymnase, pendant 1h40 d’un spectacle totalement déjanté et franchement réjouissant. 1h40 de scènes mimées burlesques, sans paroles mais pas sans son, qui s’enchaînent à un rythme soutenu pour représenter, façon clowns, la vie de La famille Semianyki. Dans la famille Loufdingue, je demande la mère. Mélange détonant de Mère Ubu et de vamp de banlieue, l’indigne mène son monde à la baguette tout en jouant les ingénues libertines malgré son ventre proéminent de femme en fin de grossesse. Dans la famille Déjanté, je demande le père. Alcoolique invétéré, constamment sur le point d’abandonner le foyer conjugal, le grand échalas moustachu retourne toujours au bercail, ce qui occasionne des scènes de retrouvailles hilarantes. Dans la famille Chtarbé, je demande les enfants. Quatre, et même cinq à la fin du spectacle. Quatre blafards, binoclards et coiffés d’un pétard, comme papa et maman. De l’ado perturbé qui joue de la scie et du pistolet au pervers bébé bouclé, en passant par la fille aînée agressive, aux tresses pointées vers le ciel, et la cadette, lunaire souffre-douleur. On a même droit au retour de la grand-mère en fantôme, dans une scène fantasticomique du plus joyeux effet. La pétulante smala s’écharpe, se tabasse, s’embrasse à tour de bras, dans une scénographie au naturel très élaboré. Tous les coups et bisous sont permis, sur fond de romances, de rock Waouh ! Un Feydeau ? Avec Bruno Solo et Lea Drucker ? Dans le Zibeline précédent j’émettais de nombreuses réserves… J’avais tort ! Terriblement ! En fait on a rarement vu un vaudeville aussi bien monté ! Bon, il faut dire que Le Système Ribadier est sans doute le chef-d’œuvre du genre. Les répliques fusent, décrochent, campent les personnages en deux phrases, regorgent de bons mots, s’amusent de surenchères, d’invraisemblances, de quiproquos et d’imbrications et d’accumulations… Ce qui rend le texte d’autant plus difficile à jouer : la moindre faute de rythme, le moindre faux mouvement et vous dérapez… Christian Bujeau a eu l’intelligence de monter la comédie au pied de la lettre : décor et costumes d’époque, comédiens qui jouent les personnages sans décalage, acceptant leurs excès. La poésie de JeanNoël Broutet en consul amoureux, le cynisme prévenant et hypocrite de Bruno Solo, et surtout la folie acariâtre de Léa Drucker (sans oublier l’abattage canaille de la bonne) font de ce spectacle un véritable régal. Pas simplement un bon moment qui passerait sur vous sans vous marquer : un de ces spectacles qui éblouissent, même ceux dont ça n’est pas la tasse de thé ! Valse hésitation Le texte de Max Frisch, Biographie sans Antoinette, est une variation autour du destin, du déterminisme et du principe d’incertitude. Comment referait-on sa vie si on pouvait vraiment revenir en arrière, avoir le choix d’agir autrement ? La pièce procède par ellipses, revenant en arrière pour mieux progresser, et montrer que les choix faits étaient finalement, grosso modo, les seuls possibles… Une recette qui, depuis Jacques le fataliste, a permis d’élever la digression, le retour en arrière et le principe de variation au rang d’outils narratifs précieux ! Mais Thierry Lhermitte et Sylvie Testud, dans les rôles principaux, sont un peu lents, comme s’ils hésitaient entre le vaudeville et la philosophie, entre échanger rapidement les répliques, et donner à sentir la gravité des émotions qui les traversent. Les comparses en revanche, qui les mettent en jeu, changent de décor, de perruque, de personnage et de situation pour leur faire revivre -et changer- les événements passés, sont époustouflants d’énergie. Hélas peu communicative ! Un grand texte de Lars Norén, dans une grande mise en scène : Jean-Louis Martinelli (Directeur des Amandiers de Nanterre) connaît bien l’univers de l’auteur suédois, à l’écriture violente, tendue, assourdissante. Mais Kliniken est un texte encore plus violent que les autres. Autobiographique, métaphorique aussi, décrivant l’hôpital psychiatrique comme une allégorie du monde, il porte pourtant en lui l’espoir de la guérison par la parole, et l’urgence qu’il y a à la prendre, même quand elle est «folle». Adolescent, Lars Norén, après le décès de sa mère, a été interné pour schizophrénie et a traversé l’univers psychiatrique, bourré de psychotropes, mais «sain» d’esprit. Les comédiens (Abbes Zahmani, Sylvie Milhaus, Judith Henry, Zakariya Gouram…) incarnent les malades mentaux dans un univers clinique privé de personnel soignant. Du 1er au 6 déc. Une autoévaluation en forme d’opérette : le troisième volet de la saga marseillaise de Pierre Ascaride, intitulé Et ta sœur ?, contrairement à ce qu’on pourrait croire, mais pas à ce qu’on pourrait attendre quand on a vu les deux autres, ne parle pas de sa célèbre sœur Ariane, mais encore, et toujours, de lui. Pierre. Frère de la susdite mais pas seulement. Il arrive et il parle. De son enfance, mais aussi de son présent de comédien, d’auteur, de directeur de la scène nationale de Malakoff. Où l’on apprécie comme partout le genre vivace du soliloque marseillais à tendance autobiographique, de Caubère à Valletti ! Surtout quand, comme ici, il pousse la chansonnette. Forcément marseillaise ! Du 16 au 20 déc. A.F. A.F. A.F. Le Système Ribadier a été joué au Gymnase du 3 au 9 nov À venir au Gymnase Biographie sans Antoinette est joué au Gymnase jusqu’au 22 nov Théâtre du Gymnase 04 91 24 35 34 0820 000 422 www.lestheatres.net 10 THÉÂTRE LA CRIÉE | LE DAKI LING | LE MARIE JEANNE La vérité est ailleurs? Ah la bonne soirée ! Le cid © Bellamy Ça y est : après De Gaulle en mai et Nicomède la Criée quitte ses murs pour proposer une saison de stations migratoires. Le nombre de places offertes au public sera nettement moins important, plus dispersé dans le temps et l’espace… On espère donc que les travaux, commencés très en retard, s’arrêteront à la date prévue et ne priveront pas trop longtemps la région d’un outil culturel essentiel. En attendant, quelques-uns prêtent leurs salles à une programmation hors les murs : cela commence au Gymnase, qui accueille Le Cid mis en scène par Alain Ollivier, dans un respect du texte de Corneille, mais aussi une grande volonté de restituer la force émotionnelle de la tragicomédie, et sa clarté (du 25 au 29 nov). Mais le Théâtre ne transformera pas ses couloirs en corridors voués aux soupirs des fantômes : seules les salles sont en travaux, et le hall accueillera des rencontres, des lectures et des cabarets. Avec d’abord une soirée d’inauguration surprise le 21 nov, puis un cabaret portugais (du 4 au 6 déc) : Ninon Bretecher et Emmanuelle Rozes liront des poèmes de Sophia de Mello Breyner, et Cinda Castel accompagnée par deux guitaristes (guitare portugaise et classique) chantera du pur fado lisboète. Le vrai parait-il, même si ni les habitants de Porto ni surtout ceux de Coimbra ne l’entendent de cette oreille ! Ainsi cette expulsion forcée sera l’occasion pour la Criée d’expérimenter de petites formes : musicales, poétiques, féminines… que désirer de plus ! AGNÈS FRESCHEL La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com Le Jardin des Muses est un lieu dont chacun s’accorde à vanter la convivialité, la simplicité non feinte, les tarifs abordables (5 euros), la programmation familiale. Ce soir-là, pour l’inauguration des Cabarets clowns dînatoires, on découvrit aussi que la table était agréable : manger un bon chili à 4 euros en attendant le spectacle, dans une ambiance où les décibels ne vous empêchent pas de converser, est exceptionnel ! Quand en plus trois clowns attachants y proposent un spectacle de qualité -pas fignolé, fondé sur des impros très fraîches, et dénotant malgré cela un vrai talent- vous ne pouvez qu’être ravis. Car le côté presque artisanal du Daki Ling ne doit pas dissimuler le professionnalisme des artistes qui s’y produisent : ce soir-là chacun des trois clowns (Prudence, Vulcano et Francisco du Collectif International des Clowns de Marseille) avait un personnage, une présence singulière, et chaque numéro s’organisait autour d’un canevas dramatique réel, pour construire un spectacle court, mais d’un rythme endiablé et hilarant à plusieurs reprises : une sorte de laboratoire du clown, qui se reproduira souvent, et qu’on ne saurait que vous conseiller d’expérimenter ! A.F. Hauts en couleur Dans ce drame burlesque et effroyable, revisité sous forme de théâtre forain par le Chiendent théâtre et la cie de l’Alcazar marionnettes, Barbe bleue devient une histoire à miroirs. «L’histoire d’une histoire qui raconte son histoire». Bigre ! Autant dire que tout se L'effroyable drame de Barbe bleue © X-D.R À venir au Daki Ling retrouve sens dessus dessous, que l’ogre est une ogresse, qu’il vaut mieux être ignorant que curieux, que le temps n’est que du vent, et les cœurs des fruits confits… En décembre la compagnie CQFD proposera aux enfants à partir de 6 ans une adaptation toute personnelle du Pinocchio de Collodi. Celui-ci se retrouve en effet propulsé en 1870 dans les rues de la capitale, pendant le siège de Paris, en pleine guerre franco-prussienne. Un Pinocch de Paname qui n’a «pour seules valeurs que celles que lui apprend la rue et la survie», qui parle l’argot comme tous ses compagnons, et n’aura de cesse de prouver qu’il ne faut pas avoir honte de ce que l’on est. D.M. L’effroyable drame de Barbe Bleue du 21 au 23 nov Pinnoch de Paname du 17 au 21 déc Théâtre Marie-jeanne 04 96 12 69 91 http://theatre.mariejeanne.free.fr Un spectacle musical mettant en scène Mémère, marionnette à taille humaine manipulée et bruitée, musicalisée à vue. Par Latypique Cie, du 27 au 29 nov. Un Malade imaginaire imaginé par la cie le Souffle : avec trois comédiens seulement, qui se partagent tous les rôles et se changent là aussi à vue, les coulisses constituant une fiction où s’enchâsse la pièce de Molière (du 11 au 13 déc). Sans oublier les matches d’impro du Mithe (mouvement d’improvisation théâtrale de Marseille), que la salle accueille régulièrement (les 15 et 17 nov, les 1er et 15 déc). Le Daki Ling 45 rue d’Aubagne 04 91 33 45 14 www.dakiling.com LE MERLAN | LES BERNARDINES THÉÂTRE 11 Autobio-radio-graphies Sex, Rock & Tragédie Le Merlan poursuit sa saison avec un temps fort autour du thème du corps transparent L’imagerie médicale, capable de lire en nos corps et de donner à voir une représentation de nous-mêmes que nous ne connaissons pas, change-t-elle notre manière de nous percevoir, voire de nous connaître ? Serions-nous capables de nous identifier dans des radiographies comme un petit enfant, tout à coup, se reconnaît dans un miroir ? Pour décliner ce thème, plusieurs propositions en vagabondages dans divers lieux : des documentaires programmés par le Fid (voir page 57), des conférences scientifiques (voir page 69), des lectures et des spectacles. Marion Baë en particulier propose deux performances : Petit traité d’artnatomie sur le squelette le 26 nov et Laborintime le 28 nov, à travers lesquels la chorégraphe interroge l’imagerie médicale ancienne, les écorchés. Mais François Cervantes se promènera également dans l’univers médical, en confrontant comédiens et personnel hospitalier aux mêmes fictions (Ne respirez plus les 27 et 29 nov avant le repas), ErikM proposera une installation sonore et vidéo réalisée à partir de sons et d’images chirurgicales (les 27 et 29 nov après la pause repas)… L’opéra rock Nico Medea-Icon de Philippe Vincent a posé ses instruments sur les planches du théâtre des Bernardines du 4 au 7 novembre. Un concept original Marion Bae © X-D.R Une autre façon de dire le corps, et peut-être de circonscrire la terreur que la maladie, et le savoir médical, nous inspirent ! AGNÈS FRESCHEL Le corps transparent du 20 au 29 nov Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org No No Ninetto «Davoli» c’est aussi un nom d’ampli et c’est Maltinti qui le dit. Aux petits pas d’une assonance aussi fragile, comment mener à bien et faire résonner ce Projet -la prudence du terme est engageanted’opéra-rock, «sonetto» musique et chanson, ode informelle, polymorphe et transversale à l’acteur aimé de Pasolini ? L’ouverture est captivante : de l’ombre vague du complot sortent 3 hommes, les musiciens, qui vont rejoindre leurs instruments ; reste un corps à terre, sac à patates que se disputent animus et anima (papa et mamma) dans un bel affrontement tragique ; partage et dispersion : du démembrement fondateur de Pier Paolo pourrait naître Ninetto... Hélas, manque de souffle, pesanteur des dialogues sans horizon, (PPP a écrit ça ?), platitude des situations (12 tableaux ? vraiment ?) et jeu d’acteur brut de décoffrage entravent sérieusement la résurrection. La musique libère par moments la respiration, venue du haut des deux échafaudages de chantier gentiment parés pour la scène ; Olivier Maltinti, concepteur, metteur en scène, acteur, y grimpe régulièrement pour faire sonner sa guitare et Paola Comis l’accompagne parfois doucement. Un peu opéra de trois sous, art pauvre assumé, certes, et même revendiqué, esthétique du piquet et du grillage où les miroirs sont des rétroviseurs de Malagutti comme pour donner toute sa mesure à la figure populaire de Ninetto. Mais l’évocation n’est pas au rendez-vous, pas encore... MARIE-JO DHÔ Sonetto per Ninetto, d’après Hobby del sonetto et Pétrole de Pier Paolo Pasolini, adapté et mis en scène par Olivier Maltinti a été joué aux Bernardines du 12 au 15 nov Sonetto per Ninetto © Olivier Maltinti Le rock et la tragédie ont au moins un terrain de jeu commun : la mort. Nico, égérie d’Andy Warhol, mannequin, chanteuse, actrice chez Philippe Garrel ou inspiratrice du Velvet Underground de Lou Reed et John Cale, offre un troublant miroir au matériauMédée de Heiner Müller : deux femmes fatales sont mises en regard pour un rock sans concession, résurgence contemporaine de la tragédie grecque. Philippe Vincent, acteur et bassiste sur scène mais surtout coutumier des textes de Müller entrechoque deux mondes. La beauté silencieuse de Christa Päffgen, alias Nico, rappelle le caractère vaniteux de sa vie, au son des instruments présents sur scène. Projections, micros et instrumentistes entourent l’inépuisable Anne Ferret dans le double rôle titre. Sa voix, son corps déhanché et son jeu font partie d’un décor concert de rock néobaroque d’où elle tente d’extirper son mal. Allemagne, femme, mère, enfant…. Tous les ingrédients mettent sur les rails de ce voyage duettiste. L’harmonium si cher à la voix blanche est omniprésent dans cette caverne à sons, qui se soustrait cependant trop vite à l’alternance chanson/texte pour devenir un champ bruitiste expérimental. Malgré quelques longueurs, drogue, tragédie et rock’n roll font bon ménage dans cette course effrénée à l’autodestruction (et à la destruction d’une pauvre guitare) d’une destinée légendaire fantasmagorique. Sur fond de cabaret expressionniste, une aventure singulière ! FRÉDÉRIC ISOLETTA À venir aux Bernardines Tatez-là si j’ai le cœur qui bat, une création collective de huit jeunes comédiens emmenés par Aurélie Leroux, autour de textes de Tchekhov. Une préfiguration de ce travail avait été montrée l’an dernier, et s’était révélée passionnante, comme si l’essence des personnages de Tchekhov prenait corps sur scène, un instant… Du 4 au 13 déc. Séance, une création singulière «composée» par Bruno Meyssat ; ses 4 comédiens proposent une courte séance qui met le public en jeu, puis recueillent les réactions des spectateurs… Du 16 au 20 dec. Les Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org 12 THÉÂTRE GYPTIS | TOURSKY Les enfants du siècle Après Ruy Blas Françoise Chatôt poursuit ses amours romantiques et met en scène Musset : Les Caprices de Marianne, pièce écrite par un jeune homme fougueux, tout à la fois désabusé comme son siècle et plein d’illusions comme à son âge, est sans doute son œuvre la plus pure. Écrite juste avant sa rencontre avec George Sand, l’affrontement ne s’y noue pas entre l’homme et la femme, ou l’homme et la Cité, mais entre un garçon mélancolique et son double charmant et débauché. La femme, elle, se défend puis cède au charme. Elle n’y comprend rien, à cette lutte intestine que se livrent Coelio et Octave, se tuant mutuellement comme tous ceux qui veulent se débarrasser de leur ombre… La distribution des trois jeunes rôles est idéale : d’abord parce qu’ils en ont l’âge, ensuite parce qu’ils ont du talent, enfin parce qu’ils ressemblent paradoxa- lement aux rôles. Coelio (Grégoire Roger) est ténébreux et digne, lent : il complète son texte en prose avec des extraits des Nuits, poèmes sombres de Musset illuminé poursuivi par son double noir… Alice Belaïdi campe une Marianne surprenante, petite vierge mate, rugueuse et butée ; Octave (Guillaume Clausse) illumine la scène de son charme sautillant et ivre, délicieusement inconsistant et bavard. Le seul qui ait un corps, semble-t-il… en dehors des trois danseurs de hip hop (Cie Sun of the shade) qui breakent le peuple et ses ivresses, les sbires et leur violence. Une grande unité se dégage de l’ensemble : la danse intervient comme un théâtre de masque à la fois carnavalesque et lugubre, les scènes comiques sont délestées de leurs lourdeurs, les trois éléments de décor bougent simplement pour ménager des espaces Les caprices de Marianne © Agnes Mellon symboliques… pour une interprétation épurée de ce qui, malgré le romantisme et sa volonté de bigarrure, ressemble en fait beaucoup à une tragédie classique. Ou moderne ? Les Caprices de Marianne du 18 nov au 6 déc Théâtre Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com AGNÈS FRESCHEL Où sont passées les cigarières ? Rousseau au loft On s’en doutait… Inventer une rencontre imaginaire entre Voltaire et Rousseau ne peut qu’aboutir à une caricature. Et à ce jeu-là c’est forcément la pensée la plus complexe, et la moins brillante, qui pâtit. Comme à la télé, quand vous voyez qu’un intellectuel désemparé, ou un artiste timide, est tourné en dérision par un amuseur familier des écrans… Railler Rousseau est facile : l’homme était atrabilaire et proférait des bêtises factuelles quand elles allaient à l’encontre des concepts qu’il cherchait à mettre au jour. D’où ses tocades contre les spectacles, l’éducation des filles… Mais qu’importe : il fut le premier à remettre en cause la propriété, et réclama l’égalité entre les hommes. Ce qui n’est pas rien ! Quand le théâtre se met à jouer contre l’intelligence et la culture, il y a de quoi être en colère : apprendre au public que Rousseau était un original à qui on jetait des pierres n’a aucun intérêt. D’autant que le dialogue, grossièrement cousu, est aussi franchement mal joué… A.F. Voltaire/Rousseau a été joué au Gyptis du 22 au 24 oct. La Friche de la Belle de Mai se consacre à la culture depuis de longues années, récupérant les lieux abandonnés par l’industrie. Chacun se réjouit de son utilisation contemporaine et de la variété des arts qui s’y pratiquent, lui accordant une nouvelle vie. Mais quelle mémoire subsiste de ces bâtiments ? Pas de plaque, ni de commémoration, pas de discours ! Les artistes affairés passent, les journalistes, les spectateurs… mais aucun fantôme n’est suscité, aucune ombre n’est convoquée, comme si l’on voulait effacer le passé. Indifférence ? Gêne ? Pendantdeuxannées,EdmondeFranchi a mené des recherches, enquêté avec sur les ouvrières des manufactures de tabac de la Belle de Mai. Pourquoi ? Parce que l’on ne s’occupe jamais des gens simples, suggère Edmonde Franchi. Reprenant la seule cigarière célèbre, ce sont toutes les Carmen qu’elle convoque dans cette évocation de la Seita, les ouvrières des débuts qui roulent encore à la main (eh oui, il n’est pas nécessaire d’aller à Cuba !), la naissance du syndicat des cigarières (1890), les grèves, les guerres, ces destins de femmes que la grande histoire bouscule, la recette des spaghettis bolognaise, les histoires d’amour interdites entre les Roméo et Juliette du temps (une Italienne et un Marseillais !), la libé- ration des femmes par l’indépendance que leur apportait le travail, une allégorique Carmen avec son casque de cyclo, âme déjantée des lieux… Et là-dessus le parler marseillais, truculent, dans un spectacle construit comme un plat de lasagnes, mêlant dans ses étages, par trois, l’histoire de la quête des témoignages de cigarières, passages inénarrables au téléphone !, des scènes de la vie des cigarières, émouvantes, drôles, humaines, et le chœur de l’académie du chant populaire magnifiquement dirigé par Alain Aubin qui chante la cigarette et la fumée avec humour. On rit beaucoup dans ce spectacle sympathique et enlevé par la verve inépuisable des acteurs, on se souvient, des odeurs, des droits acquis, et du numéro 10 de la rue bleue… MARYVONNE COLOMBANI Carmen Seita a été créé au Toursky les 6 et 7 nov La pièce sera jouée le 28 nov à 21h au complexe des Terres Blanches à Bouc-Bel-Air 04 42 94 93 78 À venir au Toursky Un programme prometteur et chargé ! Le songe d’une nuit d’été, pièce fantastique de Shakespeare, par la Cie Miranda qui aime le baroque foisonnant et ses masques. Les 21 et 22 nov. La Femme rompue d’après Simone de Beauvoir, un monologue d’Evelyne Bouix, le 25 nov. À la porte mis en scène par Marcel Bluwal, d’après le roman de Vincent Delecroix, avec Michel Aumont, comédien de génie, dans le rôle du professeur qui déambule et vitupère… les 28 et 29 nov. Dom Juan, mis en scène par JeanMarie Villégier les 5 et 6 déc. Une mise en scène très remarquée cet été… mais c’est déjà plein ! Les caméléons d’Achille, ou quand les Achille Tonic en finissent avec le Show Biz de Shirley et Dino pour revenir à leur amours théâtrales, et mieux les tourner en dérision ! du 11 au 13 déc. Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org LE LENCHE | LES ATP THÉÂTRE 13 Hors des prisons les murs Arret fixe © TNA Le début de saison fut chargé au Lenche ! Le théâtre National d’Alger, malgré les difficultés à obtenir les visas, a pu jouer trois pièces, dont une pièce de M’hamed Benguettaf, directeur du TNA. Arrêt fixe est mis en scène par Ivan Romeuf. La pièce raconte les trente ans d’emprisonnement d’Abdelkader, rebelle anticolonial, mais aussi opposant au régime après l’indépendance. La relation avec son gardien, fraternelle, son rapport aux livres, à la culture, à la poésie, la violence aussi qui surgit parfois, quand il voudrait parler politique et que son gardien le retient… tout cela tient dans le petit espace de la friche de Lenche, rassurant pourtant, calfeutré de tapis chatoyants. Mais quand on le libère, qu’on le renvoie affublé d’un costume ridicule et étroit dans une société muselée, aveugle, où son gardien n’a pas plus de place que lui, c’est sur le béton nu que les deux acteurs algériens vont montrer l’aridité de leur souffrance. Avec un humour et une émotion qui semblent pouvoir les sauver de tout. Une très belle pièce. Tchekhov rapide AGNES FRESCHEL Arrêt fixe, créé au théâtre national d’Alger, fut joué à la Friche de Lenche du 4 au 8 nov Faute de rythme La création du duo de Serge Valletti, Cahin Caha, fut moins réussie. Pourtant l’auteur en signe lui-même la mise en scène. L’intrigue ressemble à celle du Limier : deux hommes enfermés, ou deux faces du même homme, jouent à qui va tuer l’autre… Il est question d’imaginer la scène, de l’écrire, puis de la jouer. Mais jusqu’où ? Dans ce duo de clowns somme toute classique, malgré les retours en arrière, la mise en abîme et l’inversion finale des rôles, il y a un dominant ; atrabilaire, hargneux, hurlant, et un dominé, bêta, gros, engoncé, au parler populaire (Marseillais donc, chez Valletti). Le dominé est excellent, étonné, roulant des yeux, disant des énormités avec un naturel incroyable. Le nerveux l’est trop, artificiellement, ce qui fatigue. D’autant que tous les deux, bizarrement, instaurent un temps de pause entre chaque réplique. Un silence. Court mais là. Cahin Caha © Serge Alvarez Chaque fois. Qui fait que rien ne s’enchaîne. Dommage : le texte est drôle souvent, mais rien ne nuit plus au comique que les fautes de rythme. A.F. Cahin Caha a été créé au Théâtre de lenche par la Cie Les Rubens le 11 nov. Elle sera jouée jusqu’au 22 nov. À venir au théâtre de Lenche La Cie Eclats de scène, qui lors d’une carte Blanche la saison dernière a présenté plusieurs spectacles au Lenche, revient jouer L’Atelier de Grumberg, la pièce la plus jouée de son auteur, évocation d’un atelier de couture dans les années qui suivent la guerre. S’y côtoient des juifs et des non juifs, des jeunes qui veulent vivre et d’autres marqués par le deuil ou l’horreur, l’attente, l’absence. Du 26 nov au 6 dec. Le cas Quichotte, une fantaisie musicale, avec cinéma, bandonéoniste et trio d’acteurs masculin : il ne s’agit plus d’un noble qui se prend pour un chevalier errant mais d’un homme qui se prend pour Quichotte ! Mis en scène par Laurent Vercelletto, du 9 au 13 dec. Tierra Madre, la vieille parle, un conte théâtral qui fait parler toutes les voix qui sommeillent dans le corps d’une vieille femme. Le conte est chanté et dit par Marie Fouillet, mise en scène par Michel Touraille, du 16 au 20 déc. Espia a una mujer que se mata © X-D.R Les Amis du Théâtre Populaire d’Aix poursuivent une programmation d’une étonnante pertinence en faisant venir au Théâtre des Ateliers la troupe argentine de Daniel Veronese. Espia a una mujer que se mata est un montage de texte autour d’Oncle Vania, de Tchekhov. En concentrant le texte dans un espace minuscule où les sept comédiens se gênent sans cesse, en ajoutant des scènes contemporaines, des allusions à la société argentine d’aujourd’hui, la troupe s’approprie le texte devenu classique et nous emmène dans sa réalité : la désespérance russe y gagne en chair, en violence et en actualité… A.F. Espia a una mujer que se mata Spectacle en espagnol surtitré du 20 au 22 nov Théâtre des Ateliers, Aix 04 42 26 83 98 www.atpaix.com 14 THÉÂTRE MARTIGUES | AIX Pléthore ne nuit pas Les rendez-vous aux Salins ne vont pas manquer : en plus de programmations musicale et chorégraphique exceptionnelles (voir pages 26 et 39), la Scène Nationale de Martigues accueille Guy Cassiers, Edouard Baer, Jean Rochefort et Patrick Pineau… Si on connaît l’humoriste par ses passages télévisuels et sa carrière cinématographique où il se garde bien d’incarner des personnages, préférant exploiter le sien, Edouard Baer présente à Martigues un one man show particulier… Il s’agit de lire Un Pedigree de Patrick Modiano (le 3 déc), texte autobiographique ironique et secret, plein de pudeurs inattendues dans une autobiographie… et dans la bouche de l’acteur. Est-ce pour cela que chacun dit qu’il incarne l’auteur à merveille ? Trois jours plus tard, un grand comédien lui succèdera : Jean Rochefort se racontera, Entre autres, le 6 déc (voir p 15). Mais avant cela, Guy Cassiers. Le metteur en scène bouleverse le Festival d’Avignon depuis trois éditions. Chacune de ses mises en scène est un chef-d’œuvre: le propos paraît limpide malgré une complexité conceptuelle jamais contournée, les trajets dramatiques sont surprenants, les comédiens fabuleux, et ses scénographies savent utiliser les outils vidéos et numériques sans en être envahis… Ne ratez pas Mefisto for ever (les 25 et 26 nov), premier volet de sa trilogie sur les abus du Pouvoir, consacrée à un comédien qui se laisse entraîner, par pragmatisme, dans la défense du pouvoir nazi… Enfin, Patrick Pineau s’empare des trois petites pièces de Tchekhov : L’Ours, La Demande en Mariage et Le Tragédien malgré lui sont un concentré du génie de l’auteur russe, nouvelliste hors pair, et immense dramaturge. Rien de plus efficace, drôle -et désespéré- que ces formes courtes (les 16 et 17 déc) ! AGNÈS FRESCHEL Les Salins, Scène Nationale de Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr L’impossible La surprise de la fac Aller au théâtre Vitez est toujours une expérience désarmante. Même si des sièges confortables ont remplacé les bancs en bois de l’amphi, le public est toujours composé d’étudiants de lettres et arts : sympas, attentifs, aux chevelures et vêtements ornés d’enluminures colorées, ils sont ici chez eux, et non timides et déplacés comme dans les halls des autres théâtres… La programmation aussi a de quoi surprendre : quand elle s’associe avec les ATP d’Aix, la salle du théâtre universitaire admet sur son plateau sans coulisses des artistes d’exception comme TG Stan ou Emma Dante. Quand elle s’associe à Momaix, festival jeune public du Pays d’Aix, elle fait venir des Cies aussi intéressantes que le Théâtre de Cuisine (Anthologie du Théâtre d’Objets le 18 nov) ou Vol Plané (à ne pas rater : Il y a quelque chose qui marche derrière moi, spectacle burlesque avec Alexis Moati et Serge Beaufils, le 28 nov). Mais la salle remplit aussi d’autres missions, en dehors de programmer avec pertinence des compagnies professionnelles, elle est un formidable relais pour les pratiques amateurs : celles des étudiants en théâtre ou en musique, qui produisent des spectacles dans le cadre de leur cursus, mais aussi celle des cies amateurs du pays d’Aix. Ainsi du 6 au 14 décembre se tiendra leur 6e festival… De plus, le théâtre Vitez ne se contente pas de leur offrir ses murs : la Bonne âme du Se-Tchouan présentée le 28 oct, par exemple, était une reprise de la pièce présentée l’an dernier dans le cadre du Festival 3 jours et plus. Les jeunes comédiens s’y sont montrés remarquables d’intelligence, de professionnalisme dans les placements, les enchaînements, Mephisto for ever © Koen Broos le rythme. Le texte si difficile de Brecht, qui demande à composer des personnages pour en sortir aussitôt, et demeurer en et hors du personnage, était compris avec une véritable finesse littéraire et des connaissances dramaturgiques évidentes. Les décors à deux balles fonctionnaient, et même si certains comédiens parlaient parfois franchement faux (comme un violon joue faux, à côté de la note) la performance était remarquable. Surtout celle de Shen-Té. Ce qui démontre, comme s’acharne à le faire la directrice Danielle Bré depuis tant d’années, que le théâtre, indissociable de sa pratique, se consomme mal assis dans un fauteuil. Ou sur un banc ! AGNÈS FRESCHEL Théâtre Vitez Université de Provence 04 42 59 94 37 www.theatre.vitez.fr La bonne ame du Se-Tchouan © Sylvie Kerjean C’est l’histoire d’une famille juive après la guerre, qui voudrait reprendre sa vie d’avant. Son cabinet dentaire, son athéisme, sa manière d’être français… Mais une de leur fille est morte, l’autre a été raptée dans un couvent catholique où ils l’avaient envoyée se réfugier. S’ils récupèrent le cabinet qui leur avait été confisqué, leur rapport aux policiers, aux voisins, à leurs cousins qui se réfugient dans des gestes religieux, au yiddish qui disparaît, et surtout à la descendance qu’ils n’auront plus, à la douleur, à l’impossibilité d’être, à ce moment-là, juif et athée, les fait partir vers Israël, l’Hébreu, les herbes amères retrouvées, tandis qu’ils abandonnent leur cabinet parisien à une belle Sefarade… La pièce de Grumberg, plus amusée que L’Atelier, se situe à la même époque et explore la même mémoire : celle des Juifs d’Europe après la catastrophe qui les décima, mais changea aussi profondément leur rapport à la religion, à la patrie et à la famille. La pièce, écrite avec distance, invente un merveilleux personnage en la personne du dentiste, et met en place un système (brechtien ?) de commentaire permanent, de coryphées qui s’adressent au public et introduisent une jolie ironie. Une auto-dérision juive caractérisée ? Difficile à dire, quand l’histrion de l’auteur lui-même, en jeune homme, déclare qu’une définition de la judaïté est impossible… PAYS D’AIX THÉÂTRE 15 Attitude solitaire La programmation éclectique du théâtre de Pertuis se poursuit avec le spectacle de François Rollin, Seul. L’irrésistible humoriste a adapté quatre textes de Pierre Légaré, lui-même humoriste canadien, compilés sous forme de réflexions apparemment anodines mais totalement loufoques qui ont fait, entre autres, la marque de fabrique du célèbre «professeur Rollin». Découverte, donc, de l’univers farfelu, mais néanmoins percutant, d’un auteur en proie aux grandes questions qui se posent à l’homme moderne. Puis la cie La Naïve ses deux dernières créations, Mathieu trop court, François trop long et Six hommes grimpent sur la colline. Un diptyque sur l’amitié et la mort, qui ne verse pas pour autant dans le pathos. Le premier raconte l’histoire d’une rencontre, celle de deux enfants du même âge dont un est malade et farouche, l’histoire d’une amitié remplie de jeux, de conversations, de tristesse et d’angoisse, mais aussi d’humour. Le second réunit cinq amis de jeunesse qui se retrouvent pour disperser, à sa demande, les cendres du sixième récemment décédé. Mais le temps a passé ; ont-ils encore quelque chose à partager, si ce n’est le récit de leurs vies et, souvent, de leurs échecs ? Beaucoup de pudeur dans cette tragicomédie enlevée, de l’humour aussi pour révéler ces existences chaotiques. D.M. Seul François Rollin le 28 nov Mathieu trop court, François trop long le 2 déc Six hommes grimpent sur la colline le 5 déc Compagnie La Naïve Théâtre de Pertuis 04 90 79 56 37 www.ville-pertuis.fr Francois Rollin © X-D.R. Tout seul au monde… retour Bien sûr les comédiens sont remarquables, et la mise en scène de Charles Tordjman colle à merveille à l’auto-ironie amère du texte. AGNÈS FRESCHEL Vers toi terre promise, tragédie dentaire a été créé au Jeu de Paume le 14 nov, et est jouée jusqu’au 22 nov À venir au Jeu de Paume Un cadeau de Noël pour les petits : la violoncelliste Ophélie Gaillard a imaginé un récital qui plonge dans la rêverie et emmène au clair de la lune, avec Colombine et Pierrot. Une fantaisie musicale qui mêle le mime aux mélodies de Debussy et Janacek. Pierrot Faché avec la lune, le 3 déc (14 h et 19h). Musical encore sera le récital de Jean Rochefort : accompagné de son accordéoniste, l’homme à la voix chaleureuse et à la distinction si naturelle dira les textes qu’il aime (Prévert, Apollinaire, primo Levi…), poussera la chansonnette surréaliste (Bobby Lapointe…), mais évoquera aussi sa carrière, ses amis, et l’impossible étoile de Don Quichotte… Un autre vrai cadeau de Noël. Entre autres du 9 au 20 déc Un air de jazz, le hall d’un hôtel de troisième zone, palace déclassé, New York de 1928, nous précise une voix off, qui emprunte le ton détaché des polars à la Humphrey Bogart. Une lumière magnifiquement traitée accorde progressivement un relief au décor. Le gardien de nuit (Claude Aufaure) somnole sur une petite chaise, un dandy maigre au visage émacié (Laurent Terzieff) entre, demande sa clé, chambre 412. Débute alors un long soliloque. Erié Smith, revient de cinq jours de beuverie pendant lesquels il a vainement tenté de noyer son chagrin. Le gardien précédent de l’hôtel, Hughie, est mort. Il s’épanche, volubile, grisé par ses propres mots, emporté par l’enthousiasme des farces et des mystifications passées, le souvenir de ses succès au jeu, aux courses, auprès des femmes, «les petites pépées des Folies Bergères», et surtout, le souvenir de ce regard admiratif et béat, de cette écoute disponible et complaisante, complice, de Hughie. Même si son nom le rapproche du précédent gardien, Hughes n’écoute pas, son attitude polie n’est que surface vide. Apartés et didascalies en voix off montrent son détachement agacé, son mal de pieds, sa détestation d’une ville qu’il souhaite détruite. Les deux voix solitaires se croisent, tressant un duo improbable, les mots comblent le silence et l’évident en même temps ; le sens se perd avec l’abondance des explications. Pièce forte d’ Eugène O’Neill, Hughie nous interroge sur le sens des relations humaines, leur qualité, la solitude tragique de l’existence. La pièce est portée magnifiquement par des géants du théâtre. À venir au théâtre de Rousset La fin d’année s’annonce théâtrale. La cie In Pulverem Revertis reprend sa dernière création, Insupportable mais tranquille, mise en scène par Danielle Bré (le 25 nov). «Une évocation anthropologique des classes moyennes en France aujourd’hui», une mise à l’épreuve de la pensée des intellectuels de ce temps, une parole fine qui est peut-être en panne finalement. En tissant des extraits de textes de Jean Baudrillard, Olivier Cadiot, Martin Crimp, Jean-Luc Lagarce ou encore Rodrigo Garcia, ainsi que des chansons de Philippe Katerine, Michel Berger ou Astor Piazzola, le diagnostic de cette panne prend corps chez les protagonistes, nos alter ego. Puis la cie Sébastien Azzopardi s’empare de l’œuvre de Jules Verne, Le Tour du monde en 80 jours (le 6 déc). Adaptation loufoque et déjantée pour cinq comédiens, truffée d’anachronismes, de bons mots, de courtes scènes d’une inventivité à couper le souffle pour rendre compte du long voyage de Phileas Fogg et de son valet Passpartout. Accrochez-vous ! D.M. Salle Emilien Ventre (Rousset) 04 42 29 82 53 Tour du monde © Valerie Lebeau MARYVONNE COLOMBANI A.F. Théâtre du Jeu de Paume (Aix) 0820 000 422 www.lestheatres.net Hughie a été joué au Théâtre de Rousset le 14 nov www.rousset-fr.com 16 THÉÂTRE AUBAGNE | LA CIOTAT | DRAGUIGNAN | CHÂTEAUVALLON Histoire d’écrits Astre virtuel À l’Escale, durant une heure, un homme encore jeune, poète de son état, exprime tout le dégoût de lui-même et du monde qui l’entoure, dans un langage cru et précis, hanté par la seule nécessité de dire enfin la vérité. Le contexte ? Une Corse autonome vers laquelle revient ce jeune homme après dix ans d’une absence obligée. Et tout passe au crible de son regard cynique et désespéré : les amis, l’idéologie politique, le terrorisme, les touristes, l’écriture, le sexe, l’ennui et le vide qui caractérisent l’île en pleine déliquescence. Car cette pièce tente de répondre à cette question: qu’est-ce qu’être corse en ce début de XXIe siècle ? Le jeu scénique est particulièrement intelligent : une batterie de boîtes vides qui permettent de figurer sommairement les lieux et les objets des scènes évoquées (comptoir de bar, fauteuil, rue…) et qui symbolisent l’instabilité du monde et de l’esprit du personnage. Le jeu de Christian Ruspini, d’une force et d’une précision redoutables, fait de son personnage un être attachant et écœurant ; la voix-off qui scande les scènes est magnifique. Le sommet de la pièce ? La scène de voyage dans le monde virtuel de 51 Pégase : moment unique, extrêmement émouvant, qui met à nu la psyché collective corse. À ne pas rater. FRANÇOIS RENUCCI 51 Pegasi prend sa source dans le roman du même titre de Marcu Biancarelli aux éditions Albiana (www.albiana.fr). À venir à l’Escale C’est à partir d’un atelier d’écriture et de jeu à la prison des Baumettes que Frédéric Ortiz, metteur en scène du théâtre Off a suscité auprès des détenus des textes sur la prison, et des vocations d’acteur. Histoire sensible que celle de Zenagui Témini, matière première de Quartier(s) d’isolement (le 5 déc). L’auteur et comédien revient sur son parcours chaotique, de la misère des cités à l’échec scolaire, et jusqu’à l’irrépressible et progressive découverte du pouvoir de la violence qui le mènera jusqu’à la prison. Zenagui Témini livre un témoignage sans concession sur sa vie où se mêlent la révolte, l’insoumission, l’oppression, mais aussi le courage et la rage de vivre. D.M. Quartier(s) d’isolement L’Escale, MJC du Pays d’Aubagne 04 42 18 17 17 http://mjcaubagne.free.fr La scène varoise accueille deux merveilles de Joël Pommerat en décembre: Cet enfant et Le Petit Chaperon rouge. La première met en scène des confrontations familiales, mots issus d’une rencontre entre les comédiens de la troupe et des femmes vivant dans une cité en normandie. Évocation des tensions ordinaires du lien parent-enfant, complexité de la filiation, des instants de confrontation qui prennent forme lors de brefs plans séquences, soutenus par une mise en scène sobre et un travail soutenu sur la lumière. Dans Le Petit Chaperon rouge, Joël Pommerat revisite le conte populaire et tisse une histoire contemporaine pour enfants, explorant les liens familiaux, mais aussi les peurs et la solitude en jouant superbement avec les mots, la lumière et la musique. Fin novembre résonnera l’épopée de Fastafe, sous la plume de Valère Novarina, dans une mise en scène de Claude Buchvald (voir ci-dessous). D.M. Falstafe les 20, 21 et 22 nov Cet enfant les 5 et 6 déc Le Petit chaperon rouge du 16 au 20 déc Châteauvallon, Ollioules (83) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com 51 Pegasi © X-D.R Univers parallèles Quand Valère Novarina s’empare d’une œuvre de Shakespeare, Henri IV, et que Claude Buchvald la met en scène, ça donne Falstafe, une farce savoureuse sur les mécanismes du pouvoir, ses dérives et ses trahisons. Passant du rôle de héros secondaire au premier rôle, Falstafe, sous la plume de Novarina, devient un être gargantuesque, jouisseur invétéré, le seul vrai héros de cette tragi-comédie fournie, accompagné de son compagnon de débauche, le jeune prince Henri, fils du roi d’Angleterre Henri IV, qui l’abandonnera dès son accession au pouvoir. La comédie vire alors à la tragédie… La langue de Novarina n’en sera que plus savoureuse… Auparavant, Jambenoix Mollet et Falstafe © LoicVenon Philippe Eustachon auront laissé leur Grand Nain interroger la normalité et l’altérité. Un monstre burlesque, digne, est empêtré dans sa solitude, jusqu’à ce qu’il découvre un corps, le corps d’un étranger. L’Autre vient fissurer son univers, brise l’isolement. Cirque et théâtre s’entremêlent dans cette évocation cocasse et attendrissante du mythe de Robinson. Puis les enfants se laisseront porter par les histoires de la cie Agora Theater et son Cheval de bleu, où le grand-père et sa petite fille les guideront dans un univers poétique. D.M. Falstafe Le 25 nov Le Grand nain Le 21 nov Le cheval de bleu Le 6 déc Théâtres en Dracénie (83) 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com Amours mythiques Quand la cie Agence de Voyages Imaginaires de Philippe Car s’empare du Roméo et Juliette de Shakespeare, l’aventure est forcément au rendez-vous. Sur scène l’histoire des amants de Vérone est racontée par le clown blanc Séraphin, est jouée uniquement par Valérie Bournet, accompagnée de deux musiciens-manipulateurs. Elle est tout à la fois Roméo, Juliette, les Montaigu et les Capulet, Escalus et la nourrice, elle est la voix de tous dans tous ses éclats, amoureuse et tragique, poétique et dramatique. L’intrigue est la même, ou peut-être pas, toujours est-il que ça parle d’amour, ça c’est sûr. D.M. L’histoire d’amour de Roméo et Juliette le 11 déc Théâtre du Golfe (La Ciotat) 04 42 08 92 87 www.laciotat.com AVIGNON | MASSALIA | LE REVEST THÉÂTRE 17 Romantisme politique Gérard Gélas au Chêne Noir met en scène un Musset engagé Un mariage forcé par la raison d’État : le bonheur de la fille du roi de Bavière est sacrifié. Dans un univers où seules les malettes de billet semblent circuler librement, sous la haute surveillance d’hommes armés très noirs, la rêverie romantique n’a pas de place. Seul l’esprit du bouffon, mort et usurpé par Fantasio, fait rire la princesse. Le destin semble cruellement se moquer de la liberté, depuis la cage dorée de la princesse jusqu’au cachot du bouffon. Par la voix lucide et cynique du fou du roi, improvisant brillamment sans rien laisser perdre de son personnage, le spectacle critique au vitriol les mœurs politiques de notre temps et Christophe Alévêque révèle un véritable talent pour l’exercice périlleux du comédien improvisateur. La sublime langue de Musset contraste avec la parole libre et moderne de notre époque. La mise en scène est cocasse et belle à la fois : dérision de la musique (Téléphone, Tokio Hotel), costumes de bouffonnerie... Le miroir grossissant du spectacle agit comme un sérum de vérité. Les rois ont leur bouffon attitré, d’ailleurs la pièce s’ouvre sur l’injonction du roi à divertir le peuple : qu’on lui procure du plaisir et il se laissera prendre à la servitude douce de la tyrannie ! Si seulement on pouvait lui ôter le souci de penser, le bonheur serait à son comble ! Fantasio finira en prison car la fantaisie ne doit pas entraver la bonne marche des affaires. Châtiant son bouffon le roi, il nous rappelle au passage que la force fait loi, sans faire cas de la justice. Le peuple se résigne finalement à la guerre comme à une fatalité : Fantasio prend le peuple à la racine de sa lâcheté, montrant ainsi d’où les maîtres tiennent leur pouvoir politique. CAROLE ROSSI Fantasio jusqu’au 7 déc À venir au Chêne Noir Au programme en décembre deux mises en scène de Mesguich, La Belle et la bête, d’après le conte de Mme Leprince de Beaumont (le 17 déc), et Ruy Blas de Victor Hugo (les 18 et 19 déc). Une pauvre mais «Belle Enfant», un père faible et aimant, deux sœurs cupides et envieuses, une Bête laide mais riche dans un château au fond d’un bois sombre, une vieille fée puissante et vindicative sont les ingrédients d’un conte où les faux-semblants mèneront jusqu’à la magique conclusion qui fera s’assembler l’une et l’autre. L’essentiel n’est pas visible avec les yeux… Changement de décor avec un Ruy Blas modernisé mais dont les vers ont été préservés. Exilé par la reine d’Espagne, et déterminé à se venger, Don Salluste charge son valet Ruy Blas de la séduire afin de la compromettre et de se venger… Quelques anachronismes essaimés par Wiliam Mesguich rendent la pièce plus légère, ce qui permet sûrement aux Ruy Blas © X-D.R comédiens, comme il le souhaite, «de défendre des morceaux d’éloquence et de bravoure et [de] faire pénétrer le spectateur du XXIe siècle dans des mondes lointains que sont ceux de l’Espagne et de l’Italie d’il y a quelques siècles». Des mondes pas forcément si éloignés… D.M. Théâtre du Chêne Noir 04 90 82 40 57 www.chenenoir.fr Après la préfiguration Humeur, cie la S.O.U.P.E. © X-D.R Les Comoni et le Massalia se sont alliés pour proposer une «préfiguration» de la biennale jeune public qu’ils veulent mettre en place : le public était aux rendez-vous ! Un succès impressionnant pour le cirque Romanes et le ciné-concert de Toulon (voir pages 28 et 38), qui ont refusé du monde malgré les représentations supplémentaires. Les formes théâtrales présentées ont également atteint leurs objectifs : Georges dans le garage a émerveillé les petits, le spectacle de la cie Skappa (Moitié-Moitié) les a séduit par ses jeux de couleur, sa simplicité et sa naïveté, sa convivialité, et les Planteurs de Perles, spectacle musical joué par des enfants, nettement plus lisible qu’à sa création grâce à une voix off narrative, a permis de réentendre la belle musique de Marianne Suner. Un court film aussi, La Nuit de François Cervantes (Cie L’entreprise), a témoigné d’un travail d’écriture particulier avec des collégiens : l’auteur leur a demandé d’écrire leurs rêves, les a recueillis, réécrits, montés, puis prêtés à l’image… Le tout formant un fort intéressant panorama des désirs et angoisses que vivent les enfants qui dorment… À venir dans les pôles Le Massalia en décembre recevra Appaix (voir page 23) et Pierre et le Loup (voir page 38). Au Revest, un programme chargé : La femme poisson, un spectacle musical de marionnettes par la Cie alsacienne la S.O.U.P.E. les 25 et 26 nov ; Humeur et vanités, un diptyque philosophique de la même cie, qui tournera dans les Lycées de TPM avant de se poser dans la salle du Revest . Du 24 au 28 nov; Valse Mathilda, une sculpture mobile pour les tout petits, qui tournera dans les crèches et les écoles maternelles, du 2 au 6 déc ; Et puis Guignol, un ciné concert, un récital de Robinson…. Maison des Comoni Le Revest-les Eaux (83) 04 94 96 12 10 www.polejeunepublic.com 18 THÉÂTRE PORT-DE-BOUC | OUEST PROVENCE | CAVAILLON Dans tous les sens À l’origine pièce radiophonique, John et Joe, que l’auteure hongroise Agota Kristof écrivit en 1972 (en français), se transforme, grâce à la mise en scène de Laurent Vercelletto, en un spectacle burlesque et musical. Deux compères, éternels fauchés qui se retrouvent au café pour boire des verres, vont mettre à l’épreuve leur amitié pour une simple histoire de billet de loterie. Pourquoi ? Parce que tout est une histoire d’argent, et que «si l’on ne veut pas se faire avoir, il s’agit d’en avoir». Eux n’en n’ont pas. Si ce n’est que Joe a un billet, un billet de loterie que John lui emprunte pour payer l’ardoise du jour. Le billet est bien sûr gagnant… À qui revient alors le gain ? Auparavant, Pierre Lericq et sa cie Les Epis Noirs, auront enflammé la salle avec L’Odyssée des épis noirs ou le monde à l’envers. Un spectacle ébouriffant de théâtre musical, qui entremêle un Odyssée de boulevard avec trois comédiens et trois musiciens et l’épopée d’Ulysse. Enfin, seul en scène, Pierre Lericq vous fera pénétrer son univers. Dans Le compas dans l’œil, Paul, son personnage, est coupable. Coupable d’avoir tué son père de 235 coups de compas. Et face aux jurés imaginaires que représente le public, Paul va raconter. Les souvenirs de son enfance et de son adolescence ressurgissent, savoureux, de la première télé à la première boum, des vacances à la ferme à la découverte du théâtre. Irrévérencieux, drôle, tendre, fou, à l’image de ce comédien hors norme. DOMINIQUE MARÇON Le compas dans l’œil Pierre Lericq Le 25 nov L’Odyssée des épis noirs Pierre Lericq Le 28 nov John et Joe mes Laurent Vercelletto Les 2 et 3 déc Théâtre Le Sémaphore 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com Le compas dans l'oeil © X-D.R En plein décalage Savoureux moment en perspective que cette Correspondance de Groucho Marx adaptée pour le théâtre par Patrice Leconte et jouée par Jean-Pierre Marielle et Pierre Vanier. Figure emblématique de l’absurde, de la fantaisie et de l’humour dévastateur, Groucho Marx écrivait, répondait au courrier qu’il recevait, laissant libre cours à son goût pour l’absurde et la provocation ; les frères Warner, des critiques, une revue de jardinage, son fils, un éditeur… peu importait ! Jean-Pierre Marielle, grand admirateur luimême de Groucho Marx, se glisse dans cet esprit fin et singulier, tandis que Pierre Vanier personnifie les correspondants successifs et que le Groucho Trio les accompagne sur scène. Puis, en décembre, rendez-vous dans l’Atelier de Jean-Claude Grumberg avec la cie Eclats de Scènes (également au Théâtre de Lenche, voir page Correspondance de Groucho Marx © Pascalito 13). Un atelier de confection, celui de monsieur Léon, entre 1945 et 1952. Entre récit historique et autobiographique, Grumberg livre un portrait fort et émouvant d’une génération marquée par l’absence, l’espérance et l’insouciance, au cœur d’une France qui se relève, tant bien que mal, de la guerre et de la shoah. D.M. Correspondance de Groucho Marx mes Patrice Leconte Le 28 nov L’Atelier Jean-Claude Grumberg Le 9 déc La Colonne (Miramas) 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr Correspondance de Groucho Marx Les 18 et 19 déc Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com Le 30 nov Salle Emilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com Sonnez le rappel ! Si vous n’avez pas encore vu la dernière création de Didascalies and Co, ne la ratez pas au terme de sa tournée régionale, à Cavaillon. Dans sa mise en scène de Ceux qui partent à l’aventure, Renaud Marie Leblanc a réussi à donner rythme et ironie au texte en étoile de Noëlle Renaude, qui change de niveau narratif et se rit des conventions dramatiques, des personnages et des vraisemblances. Par un fléchage adéquat (au sens propre du terme !) R. M. Leblanc rend ces circonvolutions limpides. Par la grâce aussi de ses jeunes comédiens, d’une souplesse et d’une réactivité rares… À ne pas rater, si l’on en croit l’avis d’une Zibulone Gapençaise, à consulter en page 80 ! A.F. Ceux qui partent à l’aventure du 20 au 25 nov Scène Nationale de Cavaillon (84) www.theatredecavaillon.com les 18 et 19 nov Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com 19 Grave et sobre Dans un décor dépouillé, déboulant sur un plan incliné, apparaît Dom Juan, empanaché, le visage maquillé de blanc, un rien pathétique ; Sganarelle, valet philosophe s’il en est, observe et se prépare. Le ton est donné : pour sa première mise en scène, Philippe Torreton, qui campe le personnage-clé, ne fera pas dans la légèreté et sera sans complaisance. Dom Juan est un être immature, porté par des pulsions quasi animales, se moque des conventions, et des personnes, ce qui le rend souvent lâche. En contrepoint Sganarelle, le valet craintif et superstitieux apporte un peu d’humour, même si l’on regrette que Jean-Paul Farré n’en fasse pas plus. Et Done Elvire (Anne Bouvier) manque un peu d’ampleur et d’aplomb en femme offensée. Petit à petit Dom Juan se dévoile, en proie aux doutes, la tension s’installe et les scènes qui réunissent le maître et son valet sont empreintes de profondeur, de gravité. Jusqu’à la reprise : après l’entracte, on ne retrouve plus le rythme des premières scènes, les silences de Dom Juan, prostré, alourdissent le jeu ; attendue, la scène du commandeur déçoit, point de statue mais un fracas de sons et de lumières, une bâche qui se soulève et une tension qui, du coup, n’est pas au rendez-vous. Reste l’impression générale d’une grande sobriété mise au service du texte, sur lequel s’appuient d’excellents comédiens. D.M. À venir au Théâtre de Fos Philippe Dorin n’est pas un inconnu pour les spectateurs de Ouest Provence. Déjà présent dans la programmation l’année dernière avec Sacré Silence (à Fos) et Dans ma maison de papier… (à Istres), il revient avec L’hiver quatre chiens mordent mes pieds et mes mains, qui a reçu le Molière du spectacle jeune public et a tourné partout en France et dans la région. Quatre moments d’une histoire très contrastée, au fil de quatre saisons de la vie, dans lesquelles évolueront cinq personnages. Trois comédiens et deux enfants, en prise avec le temps qu’il fait et le temps qui passe (le 25 nov). Toujours en direction du jeune public, l’association L’ombre chinoise crée La légende du prince Rama, d’après le poème épique de Valmiki, le Ramayana. Un récit des aventures du prince et de sa femme, la princesse Sita, du roi-démon Rahwna et du singe guerrier à queue de lion. Du théâtre d’ombre, de la danse et du théâtre masqué, mis en scène et en jeu par Carole Errante et Eric Meslay, ce dernier exposant par ailleurs sa collection de marionnettes dans le hall du théâtre du 1er au 4 décembre (les 9 et 10 déc). Le 29 nov, Beyrouth Adrénaline livrera la vision de Hala Ghosn, jeune auteur-metteur en scène sur la guerre civile qui s’est déroulée dans son pays d’origine, le Liban. Ici pas de décryptage, mais plutôt une vision éclatée de la guerre au travers d’une famille qui tente de se retrouver, entre Paris, pour ceux qui ont de la Dom Juan © Pascal Gely Agence Bernand chance, et le Liban, pour ceux qui y habitent ; et y vivent, malgré les décalages, malgré l’absurdité des situations. D.M. Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr Di qualita ! D.M. À venir à l’Olivier Le jeune public sera choyé en cette fin d’année, à commencer par un spectacle librement inspiré de l’œuvre de Perrault, Peau d’Âne. La cie Hippolyte a mal au cœur reprend les grandes lignes du conte Un Barbier de Seville © Nelly Blaya L’Opéra éclaté, compagnie nationale de théâtre lyrique et musical a fait grande impression lors de la représentation d’Un Barbier de Séville à l’Olivier le 21 octobre. Sous la direction artistique d’Olivier Desbordes, qui signe la mise en scène, les acteurschanteurs s’en donnent à cœur joie. Du texte de Beaumarchais sont extraits de savoureux passages que les comédiens jouent en français, agrémentés des airs de l’opéra de Rossini, chantés en italien. Légèrement en retrait, un petit orchestre de six musiciens soutient le tout. Dans le décor imposant d’une maison dont on ne voit que les six fenêtres, les comédiens passent allégrement du chanté au parlé, tous très convaincants, portés par une mise en scène dynamique et par moments très drôle, Olivier Desbordes s’approchant souvent de la comédia dell’arte. Mêler l’opéra et le théâtre offre à tous une excellente occasion de se familiariser avec le genre lyrique. (fuyant son père amoureux, la fille du roi s’enfuit cachée sous une peau d’âne), pour se recentrer sur cette peau, symbole d’une mue d’où sortiraient les jeunes filles qui deviennent femmes. Seule dans ma peau d’âne (le 28 nov) fait exploser les carapaces pour laisser perler douceur et émotion. Dans Le cheval de bleu (le 2 déc), il était une fois une petite fille, qui perdait toujours tout, et son grandpère, qui trouvait toujours tout. Surtout des histoires, des histoires de chevaux, sa passion, avec l’évocation du cheval de bleu dans chacune. Et puis un jour, la petite fille a perdu son grand-père. Mais pas ses histoires, ni la poésie qui enrobe tout et fait revivre tous les grands-pères et leurs histoires. Pour les plus grands, enfin, il sera question de passion espagnole avec Yerma, de Federico Garcia Lorca, mis en scène par le compositeur toulousain Vicente Pradal avec des comédiens de La Comédie Française, deux musiciens et une chanteuse. Entre références au flamenco et chants populaires, la tragédie prendra forme jusqu’au drame final (le 10 déc). L’Olivier (Istres) 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr 20 THÉÂTRE NÎMES Sombres héros Écrit en 1932, le texte de Ödön von Horvàth dramaturge de langue allemande dont les écrits, jugés trop satiriques, furent interdits par les nazis-, est d’une modernité incroyable. Elisabeth n’a pas d’argent, elle a entendu dire qu’on pouvait vendre son corps à la science de son vivant. Devant le préparateur interloqué, elle ne démonte pas, elle a besoin de cet argent pour acheter une carte de VRP (elle travaille déjà sans) et gagner sa vie. L’argent lui sera prêté, mais elle sera ensuite accusée d’escroquerie, passera par la prison, sera abandonnée par son fiancé, essaiera de se suicider pour finir par mourir d’épuisement et de faim sur un banc dans un poste de police. C’est à une lutte sans merci pour s’en sortir, par tous les moyens possibles (le mensonge en faisant partie), que se livre Elisabeth ; face à elle les juges implacables, bourgeois bien pensants, ne seront pas touchés par son innocence et son désespoir. Devant des caisses dans lesquelles des reproductions anatomiques exposent les viscères ou les corps écorchés se jouent les impostures, l’inévitable déchéance d’une cosette broyée par le système. Mais l’émotion a du mal à percer. Le jeu de Fabienne Bargelli peine à convaincre, face à la fragilité touchante de François Kopania, son jeune amoureux que fera finalement plier le respect de l’ordre. D.M. Foi, amour, espérance à été joué au théâtre Christian Liger, à Nîmes, du 16 au 18 octobre À venir à Nîmes Les enfants seront particulièrement gâtés à Nîmes avec deux programmes alléchants et radicalement différents. Pour les petits dès 3 ans Cartoons Circus (le 26 nov) offre un voyage dans le meilleur des Foi, amour, esperance © Stephane Barbier cartoons des années 20 à 30 ; une sélection opérée par le musicien, chef d’orchestre et compositeur Roberto Tricarri (que le théâtre avait déjà reçu en 2005 pour son magnifique Sous le ciel de Quichotte) qui donnera à voir aussi bien Félix le Chat, little Nemo, Gertie le dinosaure ou Flip la grenouille. La musique de deux accordéonistes (R. Tricarri et Didier Toffolini) jouera avec les personnages, sur des rythmes jazz, classique ou s’inspirant de fanfares. Les plus grands (dès 7 ans) auront eux à faire avec l’inspecteur wolf, redoutable enquêteur qui accuse le petit Poucet de meurtre… Olivier Rannou, metteur en scène et interprète de L’affaire Poucet (le 10 déc) joue avec le conte et ses codes avec un décalage jubilatoire. Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.fr Cartoon Circus © X-D.R Frêle esquif On était prévenus : Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps allaient effectuer un retour aux sources lors de la création de Salle des fêtes au Théâtre de Nîmes. Respectueux, c’est donc sur la pointe des pieds que l’on a franchi le seuil du Macumba, improbable salle des fêtes dans laquelle règne Madame Gravotta. Ce lieu intemporel, au décor grandiose et bigarré signé Macha Makeïeff, devient rapidement le théâtre de tous les jeux, de toutes les envies d’un petit monde pressé d’en découdre avec la scène, malgré le vacarme extérieur. Le Macumba, soirée prestige oblige, vibre d’un élan artistique évident : chacun se prépare -l’une chantera, l’autre dansera, un troisième jouera de la guitare ou de la batterie-, musiciens, danseurs comme femme de ménage et même l’ouvrier, sous l’œil noir implacable d’une Lorella Gravotta survoltée et surprenante. Les voilà donc à nouveau ces silhouettes nimbés de fragilité, de nostalgie et de folie incongrue, voire de cruauté. On les connaît, les reconnaît, et pourtant… La troupe s’est renouvelée, notamment avec l’arrivée de Tiphanie Bovay-Klameth, forte tête qui © A. Chosson baragouine un allemand rageur, totalement à l’aise avec le mime et les borborygmes qui sont la marque de fabrique de la cie. C’est peut-être là que le bât tracasse un peu : si les trouvailles comiques et scénographiques, la rencontre avec ces héros du quotidien maladroits, vulnérables mais émouvants sont plaisantes, elles ne suffisent pas tout à fait à construire un spectacle profond et cohérent. Alors que le burlesque original de La Cour des Grands avait la saveur amère et géniale des meilleurs Buster Keaton, Salle des Fêtes a un petit goût de déjà-vu. Les fidèles restent donc sur leur (grande) faim. Mais la salle était debout ! DOMINIQUE MARÇON Salle des fêtes a été créé au Théâtre de Nîmes du 12 au 14 nov GAP | AVIGNON THÉÂTRE 21 De la schizophrénie comme esthétique Retour au desert © Pierre Grosbois Depuis longtemps (toujours ?) Catherine Marnas met en scène des personnages dédoublés, qui assument à plusieurs, en même temps, un rôle. Dans Retour au désert le procédé atteint un paroxysme : les personnages sont systématiquement doublés, suivis, contredits, mimés, caricaturés, explicités, appuyés par leur double, ombres omniprésentes dont ils semblent tirer leur force. Et de surcroît ces ombres sont Brésiliennes, parlant une autre langue… Ce partage du texte, loin d’encombrer le propos, l’illumine : dans Retour au désert il est question de pays étranger, de relations binaires entre une mère et sa fille, une sœur et son frère, un garçon et son cousin, un serviteur arabe et son jeune patron. L’altérité, en jeu dans la langue de la pièce, brutale et châtiée, comique et violente, est ici projeté sur la scène, tandis que la fracture avec l’étranger semble se jouer au cœur de l’individuation, comme si chacun parlait tout à la fois deux langages labiles : les langues s’échangent, se reprennent, s’écrivent sur les murs, varient dans une remarquable fluidité, une complexité où tout, toujours, demeure compréhensible, pendant plus de deux heures de bilinguisme, avec un zeste d’arabe par-dessus, et des incursions fantasmatiques. L’enjeu de la pièce s’éclaire alors : la maison dont la sœur et le frère se disputent la propriété, l’héritage, n’est pas seulement une métaphore de l’Algérie ou de la France coloniale. Elle est, plus universellement, celle de la langue. C’est-à-dire du fondement même du théâtre de Koltès, qui parle beaucoup mais dont le sens se dissimule derrière les mots qui sont dits. Comme ces corps doubles qui fabriquent les personnages par l’espace qui les sépare. Les comédiens de la Cie Parnas sont comme toujours formidables. Les Brésiliens sont épatants, la scénographie mouvante efficace et belle : le spectacle a triomphé à Gap, et au Théâtre de la Ville. Bientôt à Marseille, qui subventionne une Cie qu’elle voit décidément trop peu ? À venir à Gap Une île, petite merveille de théâtre masqué par la cie L’Entreprise de François Cervantes (voir article sur notre site www.journalzibeline.com) les 21 et 22 nov. Regarde maman je danse, monologue autobiographique de et par Vanessa Van Durme, née homme et devenue femme, bouleversante. Les 28 et 29 nov. Jean-Jacques Rousseau, un montage de textes du philosophe taciturne, qui tempête dans son crâne pour mettre au jour ses concepts. Mis en scène par Michel Raskine, et interprété par… Marief Guittier ! Les 3 et 4 déc. Questo buio feroce, de la troupe de Pippo Delbono. Un des spectacles les plus émouvants de l’artiste, qui met en scène la mort comme une allégorie en marche, une estampe baroque… Le 13 déc. Scène nationale de la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.ville-gap.fr AGNÈS FRESCHEL Calaferte dans le texte La dernière création en date d’Alain Timar (mai 2008) invite à «un voyage en pays de Calaferte» avec trois comédiens qui jouent une multitude de personnages. Créée à partir d’une série de pièces courtes et de textes de l’écrivain, Je veux qu’on me parle est une succession de tranches de vie, d’histoires construites comme un miroir de nos propres habitudes de vie. S’appuyant sur les mots de Calaferte, Alain Timar raconte «une histoire où l’humour noir le dispute à la dérision, au sarcasme, au blasphème, à l’autodérision, mais aussi à la fraternité et au sourire empathique». Un kaléidoscope de l’humanité, «un puzzle à la fois vital et métaphysique» qui devrait réveiller les consciences ! Le Petit concert à manivelle, programmé à la suite, mettra lui aussi Calaferte à l’honneur : tiré de l’Abécédaire du Petit dictionnaire à manivelle, il devient «un matériau idéal pour ouvrir l’imaginaire et laisser libre cours aux interprétations» précise Guigou Chenevier qui signe la mise en scène, le jeu de batterie et de percus, et donne de la voix, accompagné de M. Klein (vibraphone, © Morgane Lechevrel percus, voix), L. Malric (piano, piano préparé, voix), E. Gilot (mise en espace sonore) et S. Jausserand (visuel). Il sera précédé d’une lecture de textes de l’écrivain, sous la direction d’Alain Timar. D.M. Je veux qu’on me parle mes Alain Timar Du 4 au 6 déc Petit dictionnaire à manivelle du 11 au 13 déc Théâtre des Halles, Avignon (84) 04 90 85 52 57 www.theatredeshalles.com 22 DANSE DANSEM | LES HIVERNALES | DRAGUIGNAN À fleur de peau Plongée dans le noir, la scène laisse deviner des contours nets grâce aux néons qui redessinent les bords. Rachid Ouramdane est immobile, debout, sur le côté, tandis qu’une voix s’élève. C’est celle de sa mère, dont on voit un peu du visage projeté sur un écran en fond de scène, qui raconte d’une voix douce son mari, la guerre d’Indochine durant laquelle, sous les bannières de l’armée française, il était allé combattre. C’est donc en tant que fils de colon que Rachid Ouramdane est allé au Vietnam, à Saigon, Haiphong, Hanoï, sur les traces de son père, questionnant la mémoire de personnes ayant vécu les conflits. D’autres visages apparaîtront, puis des images, des couleurs, mêlées aux sons, à la musique saturée. Partant des traces de ces violences de l’Histoire, il va danser une histoire personnelle, un autoportrait émouvant que souligne un langage du corps précis, maîtrisé. Des gestes rapides apparaître au bout des doigts des courbes hypnotisantes ; le corps vacille, s’effondre et se relève, poing levé ; la danse de Rachid Ouramdane questionne la mémoire, lui donne son corps. Décidément, dansem commence bien. DOMINIQUE MARÇON Loin a été dansé le 14 nov au Théâtre d’Arles dans le cadre du festival Dansem À venir au Festival Dansem Domestic Flight de Christophe Haleb les 19 et 20 nov (voir Zib 12) Les Bernardines Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre de Georges Appaix le 21 nov Théâtre Durance. Château-Arnoux Voyage d’hiver et Sacre du printemps d’Emanuel Gat le 22 nov (voir ci-dessous) Loin © P. Imbert Salle Benoit XII. Les Hivernales. Avignon Huit minutes de pose II. Vernissage et performance de Manon Avram. Un projet autour de photographies qui cherchent une vérité de l’être par un cadrage sans fard et un temps de pose long. Du 27 nov au 4 dec. La Friche UNDER # 2 Installation performance de Sabine de Viviès le 28 nov Studio Geneviève Sorin Atelier des corps siamois atelier de Karry Kamal Karry les 29 et 30 nov de 9h à 19h Studio du Merlan Soirée Vidéo Danse autour de Catherine Savy le 5 déc Studio Geneviève Sorin Nomadness, solo contemporain de la danseuse égyptienne Karima Mansour le 6 déc Espace 233, Istres D’Eux sens, duo d’Abou Lagraa le 6 déc (voir ci-dessous) Théâtre de L’Olivier, Istres Esse #3 - La matrice des anges, un quatuor de danseurs japonais dirigé par Karry Kamal Karry, chorégraphe d’origine comorienne installé depuis peu à Aix-en-Provence, le 10 déc Le Merlan Indigo, une pièce pour 6 danseurs de Paco Decina le 13 déc Le Merlan Schubert et Stravinsky Vers l’autre Le très beau duo créé par Abou Lagraa lors de la dernière biennale de Lyon s’inspire d’un poème persan d’Omar Khayyâm. Avec Nawal Lagraa, il danse un lent cheminement vers la fusion des corps séparés, D'eux sens © Eric Boudet attirés, différents, aquatiques. C’est en allant au bout de la fatigue, de la répétition, de l’épuisement, de la fureur, en se plongeant dans l’eau, en s’éreintant, en s’affrontant, en s’abandonnant, en se confrontant chacun à la solitude, que les corps semblent se trouver enfin, formant ensemble une coupe dont parle le poème. La scénographie, simple, repose sur des carrés de lumière franche, un fil d’eau qui coule, comme dans un patio intime où l’apaisement pourtant ne règne pas d’emblée. La danse est magnifique. Son esprit aussi. AGNÈS FRESCHEL D’eux sens sera dansé à l’Olivier le 6 déc dans le cadre de Dansem Emanuel Gat est déjà venu à Dansem, en 2000, avant d’être reconnu en France et en Europe comme un grand chorégraphe, et donc bien avant de s’installer à Istres. Il reprend ici, pour Dansem, les Hivernales (Avignon) mais aussi à Draguignan, deux pièces magnifiques où un duo masculin de danseurs jour un rôle essentiel : dans le Voyage d’Hiver (Schubert), le couple nous entraîne dans le trajet romantique du poète vers les sentiments glacés, l’abandon, la fascination haineuse, dans un jeu de regard impressionnant, comme si les danseurs étaient attachés par les yeux. Dans le Sacre du Printemps, ce sont encore deux hommes qui mènent la danse, manipulant trois femmes sur des pas de…. salsa. Ondulations qui, somme toute, conviennent parfaitement à la partition sauvage de Stravinsky. Deux très belles pièces ! A.F. Le Sacre du printemps et Le Voyage d’Hiver Emanuel Gat Le 22 nov Salle Benoit XII, Avignon (84) 04 90 82 33 12 www.hivernales-avignon.com Le 5 déc Théâtre en Dracénie, Draguignan (83) 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com BNM | MOD DANSE 23 Du son et du geste… L’entrée au répertoire du Ballet National de Marseille de Sextet de Thierry Malandain s’est révélée l’épisode majeur de la soirée du 24 octobre à l’Opéra municipal… sur une musique hallucinante de Steve Reich ! Les musiciens n’entretiennent pas toujours avec les danseurs des rapports harmonieux. Ainsi, Stravinsky s’est souvent plaint de l’incompétence des chorégraphes dans le traitement de la matière sonore… Les ballets les plus réussis sont ceux qui, le plus souvent, marient intelligemment les discours du son et du geste, se rapprochent par-là même de l’idéal d’Art total initié par Diaghilev. C’est ce que l’on a perçu lors de la découverte du Sextet de Thierry Malandain : notamment parce que le chorégraphe s’est approprié le langage à la fois complexe et minimaliste de Steve Reich. Au principe de répétition/variation cher à l’Américain, Malandain superpose une réflexion sur l’univers de la danse, dans ce qu’elle possède d’itératif, de cyclique, de ludique… Son «studio» encadré de barres de travail, est la matrice d’un dessein qui surgit du pur exercice quotidien pour scruter l’imaginaire des corps, chercher du sens, engendrer l’œuvre… À la complexité rythmique, échos millimétrés, changements de dynamiques, riffs de trois pour quatre, mesures bancales à onze temps, les danseurs répondent par une plastique hypnotique, virtuose et sans paillettes. Les architectures formelles s’emboîtent : c’est du grand art ! D’autant que, sur scène, l’ensemble Télémaque dirigé par Raoul Lay joue en direct, chose si rare aujourd’hui, et prend les mêmes risques que les danseurs : dire que l’opus est périlleux pour le chef, les percussionnistes et les pianistes est un euphémisme ! L’émotion partagée, risquée ensemble, tient chacun en haleine... Les deux autres pièces du programme se révèlent intéressantes : si le sensuel et rougeoyant Somewhere de Julien Lestel poursuit sa carrière en glorifiant les corps et le jusqu’au-boutisme gestuel néoclassique, la création de Yasuyuki Endo séduit par son originalité et sa virtuosité, peut-être un peu «m’as-tu vu». Seulement, les musiques ne sont pas de la qualité de celle de Reich. Les pièces enregistrées de Phil Glass possèdent un potentiel émotionnel un peu gâché par quelques clichés et des harmonies plates, quand un patchwork électropop hétérogène n’aide pas à la lisibilité du propos confus de Té To Té. Mais on loue évidemment la classe technique et expressive des solistes du Ballet National ! JACQUES FRESCHEL À venir au Ballet National de Marseille Carte blanche aux danseurs du Ballet National. Les 4 et 5 déc les danseurs du ballet présentent leurs créations, dans lesquelles ils s’impliquent comme chorégraphes et interprètes. Une pratique, initiée depuis l’arrivée de Sextet © Agnes Mellon Ballet National de Marseille 04 91 327 327 www.ballet-de-marseille.com Frédéric Flamand, qui connaît un succès grandissant, dans le Grand studio du Ballet. Pour prolonger sa collaboration avec l’ensemble Télémaque, le Studio accueillera le lendemain (le 6 déc) une ouverture soliste contemporaine, et romantique (voir page 39). Quant à l’École Nationale Supérieure de Danse, elle aura portes ouvertes le 13 déc (voir page 74). Happé(x) par la grâce Marseille objectif danse et le Massalia s’allient pour programmer les deux dernières créations de la Liseuse à Marseille… Pour tout vous dire, Appaix, à Zibeline, on en est fan. Collectivement : amoureux des mots, des pas, des notes, des performances plastiques, on reconnaît tous qu’il n’est un virtuose d’aucune de ces choses-là. Ou qu’en tout cas ce n’est pas la virtuosité qu’il ose. Parfois on se dit, parce que ça fait des années qu’on le suit, que là il se répète, fait moins bien, trop pareil. Oui, qu’on en a un peu marre, qu’on a envie d’aller voir ailleurs si son Rien que cette ampoule... © Marie Accomiato esprit s’y serait caché. Mais la saison dernière avec Question de Goût, son solo, et Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre, pour tous ses danseurs, il nous a à nouveau surpris. Par cette agréable familiarité qu’il instaure entre la scène et le public, projetés ensemble dans un univers partagé. Léger, maladroit, suggestif, pudique et étalé comme on avoue ses ressorts intimes. Si vous voulez vous y plonger, vous pouvez retrouver nos anciens articles sur notre site : www.journalzibeline.fr. Quant à nous, vivement qu’on y retourne ! A.F. Question de goût Les 9 et 10 déc Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre Les 12 et 13 déc Friche de la belle de Mai 04 95 04 96 42 www.marseille-objectif_danse.org http://massalia.lafriche.org 24 DANSE BALLET D’EUROPE | PAVILLON NOIR | GTP Jeune maturité Le ballet d’Europe a 5 ans seulement, et pourtant il fait partie du paysage comme un grand ! C’est une des rares compagnies de danse qui tourne à l’international, qui danse dans de grands théâtres parisiens, et les ballets nationaux y recrutent souvent les danseurs repérés et formés par Jean-Charles Gil… Ce qui permet au chorégraphe de renouveler sa cie et de se concentrer, comme ici, sur de très jeunes danseurs ou des solistes d’expérience… Pour fêter le premier temps de cet anniversaire (il y en aura quatre autres) le ballet présente à la Friche des Workshops, créations des danseurs Jean-Philippe Bayle, Florencia Gonzalez, Pierre Henrion, Ludovick le Floc’h, Christophe Roméro, Aline Richard et Fabrice Gallarague. Libres de leurs choix et de leur esthétique, ils déclinent cependant dans ces workshops une unité musicale autour de titres de musique actuelle. Et autour Ombres japonaises Ballet d'Europe © J.-C. Verchere des interprètes… puisque les chorégraphes deviennent danseurs des pièces de leurs camarades ! AGNÈS FRESCHEL Workshops les 28 et 29 nov à 20h Ballet d’europe 04 96 13 01 12 Friche de la Belle de Mai www.balletdeurope.org Démonstration virtuose Pockemon Crew a remporté des prix dans le monde entier. Ils sont huit. Huit feux follets sur une scène qui semble parfois être trop étroite pour leurs évolutions. Huit athlètes, huit acrobates, huit gymnastes, mais surtout huit danseurs! Le stade de la battle des concours de hip hop est ici dépassé Pockemon Crew -Cest ça la vie © Alloua Sayad dans une réelle recherche chorégraphique, qui donne ses lettres de noblesse à ce genre. Les mouvements très codés, tricks, footwork, freeze, locking, popping, phases, smurf… sont ici orchestrés dans un véritable propos. Une vidéo crée un fil conducteur, donnant un titre à chaque partie du spectacle. Il s’agit d’une autofiction, un récit de vie émouvant, (les premiers pas enfantins sont délicieux !) drôle, (même dans les passages les plus dramatiques, l’humour est toujours présent), fort de la somme des expériences des ces danseurs dont le bonheur de danser est communicatif. Le sourire ne les quitte pas, même pour les passages les plus difficiles. La salle les ovationne, et leur prestation lors d’un rappel débridé vous donne envie de les voir encore ! M.C. Dans l’obscurité une respiration s’élève. Une autre répond. Marionnettes citrouille. L’une dévore l’autre. Chant murmuré. Ombre. D’étranges esprits, lumières mobiles et virevoltantes semblent avoir choisi de se poser là. Incarnations ? Jeu lutin, mutin d’un Oberon japonais ? Un corps endormi dans la chute d’un long kimono rouge pendu aux cintres, peu à peu s’éveille, s’anime. Le chant porté par Dorothée Munyaneza, nimbe la scène d’une aura poignante et profondément humaine, le martèlement des pas tisse un réseau envoûtant de signes. Le rêve est initiation, d’ailleurs est-ce du rêve, ce lieu où la conscience et le merveilleux se rejoignent ? Le conte japonais de Miminashi Houichi met en scène un moine, ici un secrétaire kafkaïen, aux prises avec un fantôme. Dans cette chorégraphie, Kaori Ito utilise différents moyens d’expression, acrobaties, mimes, théâtre d’ombre, chant, danse enfin, avec une maîtrise sans faille, au profit d’un spectacle qui navigue avec subtilité entre les registres, du comique au drame, du jeu à la tragédie. On pourrait reprocher quelques longueurs, un propos qui parfois perd sa teneur, un sens qui échappe… Le spectacle de Kaori Ito reste d’une tenue remarquable, la chorégraphie est riche, technique et enlevée à la fois. Cette jeune chorégraphe a su faire partager sa vision poétique par une approche sensible du monde dans un univers onirique. Magique ! MARYVONNE COLOMBANI C’est ça la vie a été dansé du 4 au 7 nov Noctiluque a été créé les 24 et 25 oct. Voir la critique de nos Zibulons page 76 À venir au Pavillon Noir A journey into the future, création de Anuanga, jeune danseur chorégraphe du Kenya qui travaille sur les traditions Maasaï pour les amener vers la modernité. Les 27 et 28 nov. Les rêves de Karabine Klaxon, un quintette enchanté de Carolyn Carlson, bestiaire fantastique traversé de fantasmes comme un roman de Lewis Caroll. Du 4 au 8 déc. Que ma joie demeure, une pièce baroque et jubilatoire de Béatrice Massin, qui semble ici réinventer le plaisir de danser ensemble, dans une égalité homme/femme, un tourbillon de couleurs et juste ce qu’il faut de nostalgie douloureuse. Du 16 au 19 déc. Kaori Ito © Régina Mierzwa 25 Danse de musée Le Pays d’aix s’apprétant à fêter Picasso, le Grand Théâtre de Provence a invité le Ballet Europa à présenter son programme Picasso et la danse, fait de restitutions de pièces du début du siècle (le XXe) et de créations autour des costumes et décors que le peintre créa dans les années 20. La première vertu de l’entreprise est de donner une mémoire à la danse : en dehors de l’Opéra de Paris, où peut-on voir aujourd’hui des pièces du répertoire ? Pourquoi la danse se prive-t-elle d’une démarche patrimoniale que le théâtre, les arts plastiques, la musique explorent abondamment ? Certes la danse, art jeune, possède un répertoire classique et romantique pas toujours passionnant... mais plonger dans le répertoire moderne (ou baroque) est ravigorant. D’abord parce qu’on peut y voir, comme dans Parade (Satie/ Massine) ou Pulcinella (Stravinsky/ Massine, repris par Ana Maria Stekelman) combien la démarche de Diaghilev et des ballets Russes était révolutionnaire : la poésie, les personnages cubistes, la danse à peine dansée, statique, contrainte par des ses décors et ses couleurs distanciées, outrées, appelait sans doute une autre esthétique que ces conventions. Mais le public du GTP a adoré ! AGNÈS FRESCHEL Picasso et la danse a été donné au GTP le 18 oct Légende éculée Flamenco © M. Logvinov. costumes/sculptures somptueux de couleurs et d’humour, restent d’une modernité qu’on avait oubliée, et qu’aucun ballet aujourd’hui n’oserait se permettre sans se voir reprocher son minimalisme. Après cela les facéties de Thierry Malandain autour de Mercure (Satie/ Massine) sonnent comme un hommage : les trois tableaux plastiques se réfèrent à la chorégraphie originale mais en tirent les lignes vers un burlesque beaucoup plus contemporain... La seule déception de la soirée, relative, viendra du Quadro flamenco : les danses traditionnelles exécutées plus que magistralement par l’École de Flamenco du Conservatoire Royal de Madrid ne convoquent pas la même mémoire, et l’Espagne de Picasso, dans À fleur d’émotion Deux mots sur Blanche-Neige (pour le reste voir article sur notre site www.journalzibeline.fr) : les 5 représentations au GTP (du 12 au 16 nov), qui ont rassemblé plus de 10000 spectateurs, étaient pleines dès l’ouverture des réservations. Le public, les 5 fois, était debout, enthousiaste, emporté. Si à Lyon, lors de la création, le spectacle était encore un peu jeune, à Aix la pièce fut irréprochable. Certains moments (le duo final, la danse verticale des troglodytes, la pomme, le miroir..) sont d’une beauté à couper le souffle, à faire monter les larmes (bon Mahler y aide un peu). Blanche Neige © Agnes Mellon Angelin Preljocaj retrouve l’esprit qui avait présidé à Roméo et Juliette, et s’autocite d’ailleurs abondamment. Il abolit le sexe exhibé et l’amour de la violence qui avaient fait sa réputation sulfureuse, et une part de son succès. La pièce est intemporelle, classique dès sa création. Quant à la mise en place de l’intrigue, au Ballet de Cour abstrait du début, il est sans doute ce que la pièce contient de plus ardu : le chorégraphe introduit un vocabulaire gestuel contemporain, personnel (oblique, brisé, angulaire...) dans des mouvements d’ensemble au schéma spatiaux classiques, calqués sur les fugues et reprises musicales. C’est inattendu, et intéressant. D’ailleurs la pièce n’a pas fini de cheminer, de tourner, et de soulever les foules... Avec son mètre 63 et ses 50 kg, Fred Astaire n’a jamais été un séducteur mais son style entraînant a ravi les foules de tous âges. Avec l’évocation de sa carrière, Josette Baïz et ses danseurs de la Cie Grenade ont créé un spectacle enlevé et distrayant mais auquel il manque le petit quelque chose qui en fasse une création inoubliable. Présentée comme une cérémonie de remise de prix à grand spectacle avec présentateurs au micro, grands escaliers illuminés sous une nuit étoilée (belle scénographie de Dominique Drillot), tenues de soirées chics et noires, la démonstration ne convainc pas complètement. Le propos est superficiel et l’évocation des vrais rapports tendus de Fred Astaire et Ginger Rogers, alors qu’ils font rêver les Margot de l’époque, ne nous emballe pas ! Autre époque, autres tocades ! Cela n’enlève rien aux performances des 14 danseurs qui apportent une note d’humour à leurs mouvements parfois décalés et se donnent à fond. L’utilisation des escaliers est intéressante, permettant des sauts et des abandons. Le travail des claquettes est original avec de beaux ensembles rythmés. Et la musique jazz des années 40 accompagne joyeusement les danseurs qui visiblement se sont beaucoup amusés à faire revivre la légèreté rapide des chorégraphies de Fred Astaire. CHRIS BOURGUE A.F. Blanche Neige sera au Corum (Montpellier) les 17 et 18 déc Eden Club a été dansé au Grand Théâtre de Provence les 7 et 8 nov 26 DANSE MARTIGUES | NÎMES Tous les corps dansent Les Salins programment des propositions chorégraphiques d’esprit très divers. En commençant le 29 nov par un programme de Russell Maliphant, chorégraphe anglais à la danse subtile: le déjà mythique Push, un duo créé par Sylvie Guillem et le chorégraphe qui sera repris par Juliette Barton et Alexander Varona, un solo du danseur, Flux, et une pièce où les danseurs se mêlent à des images filmées, captées : Small boat est une pièce écrite pour retracer le parcours des migrants économiques, découvrant de l’autre côté de l’eau un nouveau monde où s’agitent des fantômes… Le Grupo Corpo s’installera sur la grande scène le 9 déc. La compagnie brésilienne a su s’inventer un style unique et flamboyant, précieux comme du néoclassique, spatialisé comme du contemporain, et énergique et rythmé comme de la samba… une somme époustouflante qui a marqué les mémoires depuis la création de Six ou sept pièces pour un ballet en 1994, sur la musique si brésilienne de… Phil Glass! Il serait dommage de rater cette re-prise par les 21 nouveaux danseurs, accompagnée de Breu, une création récente. Enfin la création de Au Bois Dormant, du 11 au 13 déc, au Conservatoire Henri Sauguet. Une préfiguration du spectacle avait été donnée au Studio Kelemenis durant le festival de Marseille et ses questions de danse (voir Zib 9). L’instant était particulièrement émouvant. Parce que le texte de Marie Desplechin sur la confrontation brutale avec l’univers de l’autisme est bouleversant, et qu’elle le dit mieux qu’une comédienne, comme un auteur bouleversé, bousculé par ce dont il parle ; parce que la danse de Thierry Niang, qui emprunte aux gestes des enfants autistes avec lesquels il a travaillé, en sublime les fermetures et les blocages ; parce que la musique de Benjamin Dupé à la guitare installe et développe encore d’autres rapports à la douleur… Parce que la présence de Patrick Chéreau a su insuffler sa cohérence à ces trajets qui se croisent? La présentation de l’œuvre en cours était, en juillet, saisissante. L’œuvre achevée aura-t-elle gagné en force ? AGNÈS FRESCHEL Scène nationale des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Thiery Niang © Agnes Mellon. Minimaliste Le terme de minimaliste est souvent employé pour désigner des propositions minimales, c’est-à-dire pauvres. Le minimalisme est tout autre chose : il consiste à se concentrer sur un schème, un élément, à gommer tout ce qui pourrait en perturber la perception pour laisser apparaître, par cet isolement, sa singularité. Brice Leroux, ancien danseur de Keersmaeker et très inspiré par ses pièces répétitives, est un minimaliste : dans le quatuor Gravitations (le 26 nov) les corps forment des ellipses, diverses, variables dans leur vitesse, qui se combinent à l’infini ; dans le quintet Quantum (le 28 nov) les danseurs sont plantés au sol, en ligne, et seuls leurs bras apparaissent dans la lumière… Des pièces poétiques construites autour d’un imaginaire scientifique : la gravitation des corps, les trajets des particules quantiques… A.F. Théâtre de l’Odéon, Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com Gravitations, Quatuor © X-D.R. 28 CIRQUE COMONI | CAVAILLON | SALINS | ISTRES Une histoire de famille À l’invitation de la Maison des Comoni, le clan Romanès a planté son chapiteau à Toulon et rajouté des séances supplémentaires, succès oblige Dès les lumières éteintes, une vingtaine d’artistes déboulent sur la piste aux sons du violon, de l’accordéon et des hourras qui ne cesseront pour ainsi dire jamais ! Dans un joyeux désordre et un rythme endiablé, ils dansent, ils chantent, ils sautent d’une corde à un trapèze, multiplient balles et ballons, alternent drôlerie et acrobatie. C’est ça le cirque Romanès, et ça dure depuis la première guerre mondiale… Sans paillettes ni starlettes, c’est avant tout une histoire de clan où les plus jeunes attendent leur tour assis sur les genoux de leurs aînés. Le public adore qui est pris par l’ambiance bon enfant et la chaleur communicative : le grand-père joue du violon, les filles défient le vide, la mère chante la nostalgie tsigane, le tout dans une course folle qui laisse à peine le temps de respirer. Certes, le public apprécie la virtuosité des jeunes femmes (équilibriste, contorsionniste ou fildefériste) mais sans jamais avoir la peur au ventre car le cirque Romanès ne joue pas dans cette catégorie-là. Ici, pas de roulement de tambour, pas de bête sauvage (une chèvre fera l’affaire avec beaucoup d’humour !). Pas de performance non plus ni d’exploit. Juste quelques numéros traditionnels à taille familiale, ponctués de chants et de musiques. Avec, en guise de Monsieur Loyal, un artiste à la silhouette dégingandée et à l’humour décalé, façon Mister Bean pour son côté «tombé des nues», qui marie avec brio les gags du clown, la maîtrise du jongleur et le mystère du magicien… Quand la lueur Maroquiné On a déjà vu Taoub (Tissu en arabe). Et on a été transportés. Par le talent des acrobates marocains, mais aussi et surtout par la chaleur qui émane de leur spectacle, humain malgré l’exploit. Aurélien Bory, leur metteur en piste, a réussi là un pari presque impossible : inventer une forme de cirque contemporain tout en conservant les particularités traditionnelles du groupe acrobatique de Tanger. De ses corps à corps, de ses Le cirque Romanes © X-D.R MARIE GODFRIN-GUIDICELLI Masculins féminine mouvements circulaires, de ses jeux dansés avec les costumes, les tissus. C’est beau, et chaud, et pleins d’arômes inhabituels… A.F. Taoub les 11 et 12 déc Scène Nationale de Cavaillon (84) 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com Trois pièces pour trois acrobates aux Salins : Mathurin Bolze et Hedi Thabet entament la soirée en forme de triptyque par un duo au sol, mais sur béquilles. Puis Chloé Moglia, trapéziste magique, propose deux numéros solitaires, séparée pour l’occasion de son acolyte Mélissa Von Vépy : un numéro où elle se balance au gré… d’un énorme crochet de boucher ; et un où elle évolue sur (sous, dans, autour…) d’une barre fixe. minutes montre en main entre les deux sonneries de sirènes vont permettre d’en faire le tour, dans un hommage parodique à un être dont on n’entendra que la voix, si tant est que ce soit la sienne. Portrait ludique et en creux d’un absent, réel ou fictif ? Réflexion sur le bien-fondé de ces sirènes auxquelles Lieux Publics donne, depuis quelques saisons déjà, une place d’honneur ? Ce mercredi 5 novembre, c’était le GdRA qui posait ces questions. FRED ROBERT Attention : ces acrobates-là sont sans doute parmi les plus fabuleux du monde: par leur technique, et par leur façon de le poétiser. A.F. Ali - Croc- Nimbus le 11 déc Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Tout à trace Rendez-vous avec Monsieur i Un peu avant midi, comme chaque premier mercredi du mois, la foule s’est rassemblée sur le parvis de l’Opéra. Que se passera-t-il aujourd’hui, lorsque les sirènes donneront le signal, dans cet espace carré, tout blanc, borné de huit plots, blancs aussi, et de hauteurs diverses, soutenant chacun un objet ? Cela va de la sirène en métal à la bouteille de plongée, en passant par la (vraie) poule morte, la quille miniature en bois de cèdre ou la lettre de doléances d’un habitant de Château-Gombert. Au milieu, une chaise, blanche également, et un Monsieur Loyal, vêtu de blanc forcément, qui évoque avec exaltation les objets exhibés et… un certain Monsieur i. Car tous les objets ont été prêtés (c’est du moins ce qu’on nous dit) par cet énigmatique personnage, et les 12 Rien dans les poches a été présenté du 20 oct au 4 nov à Toulon par le Pôle Jeune Public Toulon Provence Méditerranée des bougies pâlit, la fête se termine autour d’un vin chaud et de spécialités. Car c’est à une fête plus qu’à un spectacle que le public a été convié ! Marie Leblanc. Une préfiguration en forme de concentré succédané de la prochaine création de sa Cie Didascalies and Co. Alors, venez nombreux, quand mugiront les prochaines sirènes, pour renouer avec la tragédie grecque, revisité par Racine, Noëlle Renaude, et jetée sur le parvis ! Sirènes et midi net, Parvis de l’Opéra de Marseille. Prochaines sirènes le mercredi 5 décembre…. À midi net ! A l’Olivier, pour finir l’année, un spectacle virtuose, offert comme un cadeau de noël : les Sept doigts de la main est une cie de cirque québequois, des acrobates qui pratiquent les agrès les plus complexes, dans des spectacles où les techniques scénographiques contemporaines (vidéo, numérique…) éloignent l’acrobatie de sa théâtralité souvent nostalgique, et artisanale. Du «grand spectacle» de cirque, avec grands effets, dans la lignée du cirque contemporain canadien. A.F. À venir sur le Parvis Autre mois, autre registre. Un rendezvous à ne pas manquer avec la tragédie racinienne, dans une version de Phèdre revisitée (et très accélérée !) par Noëlle Renaude, mise en scène par Renaud Trace Les 13 et 14 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 55 24 77 www.scenesetcines.fr LIEUX PUBLICS | LA FOLLE HISTOIRE ARTS DE LA RUE 29 À quel fou se vouer ? Samedi 1er novembre. Salon. Midi au château de l’Emperi. Le temps nuageux n’incite pas à la baignade et pourtant les danseurs-comédiens d’Artonik vont se livrer à des jeux de plage pas toujours tendres. On the beach... Par un matin d’été des jeunes femmes se préparent à la baignade ; un homme cuve sa nuit, un autre joue de la guitare. Très vite les corps se heurtent et se jettent dans l’eau tandis qu’une femme tente de faire «pousser» des poupons/bébés sur le sable et qu‘une autre s’agite jusqu’à l’épuisement. Monde absurde, image sans complaisance de notre société : le rire est grinçant. 14h30. Ex Nihilo présente un Trajet de ville place de l’Europe. Onze hommes et femmes marchent, se croisent, s’ignorent, se jettent au sol et repartent. Bande-son de guitare basse et de voix qui donnent des ordres en plusieurs langues. Rythme intense. Un homme tombe, les jeunes spectateurs s’empressent à son secours. On respire : la jeunesse est spontanément belle ! 16h. Générik Vapeur : des hommes bleus envahissent l’espace, lancent des fumigènes, tirent une langue bleue et concupiscente aux passants qu’ils entraînent dans une promenade jouissive en roulant de gros bidons bleus dans un Bivouac assourdissant. Efficace ! Le soir. Ilotopie. Le ciel est lourd, mais les regards scrutent plutôt le plan d’eau Saint-Suspi, à peine éclairé. Des ombres furtives se dessinent, on devine un monde parallèle, grouillant. Et voilà que tout s’anime, s’illumine, voitures qui klaxonnent, lampadaires qui se dressent, frêles esquifs à peine éclairés, mécaniques impressionnantes… Tout circule, les êtres s’invectivent, la musique suit les effets d’artifices, quelques détonations ponctuent le tout. Ballottés au gré des tableaux, les spectateurs enthousiastes sortent à regret de ce monde onirique qui s’évapore sur l’eau, chimère éphémère qui nous aura transportés bien loin… Le dimanche 9 novembre. Salon. La ville accueille le grand final. Ils sont tous là, pour un défilé en ordre dispersé mené vélo battant par une patrouille de France survoltée, revue et corrigée par Génerik Vapeur : des hommes à têtes d’ânes servent à boire avec leurs pouces, les facteurs de No Tunes International déclament des courriers improbables, Ex Nihilo s’empare de la rue et danse avec les murs et le mobilier urbain, JeanGeorges Tartar(e) est là aussi… Emmenée la foule suit, hilare, et obéit aux injonctions décalées : avec plus ou moins d’Ordre et de Méthode, tout le monde se retrouve face au pré de la cie Artonik pour un clap de fin joyeux et chaleureux. …Avant cela, à Miramas À côté du bus-expo est posée une oreille rose géante et parlante ; calés en son creux deux enfants écoutent, amusés, d’autres enfants donner leur vision de l’espace urbain. Quelques minutes pour échapper au brouhaha ambiant. Car c’est jour de marché, et voilà que surgis- La cie Ex Nihilo © D.M sent les gens de couleurs de la Cie Ilotopie, la peau peinte, mutants évadés de quelque planète lointaine qui se faufilent entre les étals. Les réactions sont nombreuses, admiratives ou agressives : presque nus sous leurs couleurs, ces «gens» interpellent, remettent en cause la notion de l’Autre : différent, mais pas tant que ça justement… La Folle histoire des Arts de la rue a pris fin le 9 nov, après 6 semaines de festivités dans les B-d-R… …Avant cela, à Saint-Rémy Tour dans la ville avec No Tunes International pour un Rendez-vous particulier. Il s’agit d’honorer la mémoire d’un ami disparu en retournant sur les lieux où il a vécu. Évocation des premières amours, vin d’honneur et roses rouges ! Vous avez dit Folle Histoire ? C.B ET D.M Generik Vapeur © C.B Rues animées La 2e édition de la manifestation Small is beautiful organisée par Lieux Publics, centre national de création des arts de la rue a eu lieu à Saint-André, au cœur des quartiers nord, et dans le centre ville de Marseille. Pendant trois jours des artistes de rue européens furent invités avec une dizaine d’installations, de spectacles qu’on découvrait au détour d’une rue, sur une place ou sur le boulodrome. Ariane Numero © Agnes Mellon Le premier à attirer les regards, et les interrogations, fut le performeur allemand Johan Lorbeer en cantonnierbalayeur lévitant au-dessus du public, les bottes clouées au mur, le regard goguenard. Poésie suspendue, silencieuse, défi gravitationnel… On poursuit le chemin. Notre regard s’arrête alors sur un drôle de couple, assis par terre dans une rue. Sophie Leso et Marc de Pablo, silencieux, vont se mettre en mouvement, se rencontrer au gré d’une danse gracieuse, deux corps qui se frôlent et s’imbriquent, liés par un fil rouge dont la pelote se dévide doucement… «Silence is sexy»… On est d’accord. Un peu plus tard, sur le boulodrome, un drôle de tapage a commencé. Le Tony Clifton Circus y a installé son campement. Rubbish Rabbit démarre au son d’une guitare saturée et des harangues d’un des deux clowns de cette cie italienne. Le second commence déjà à s’échauffer, tandis qu’un traducteur, très drôle et volontairement approximatif, rend compte du délire ambiant. Ils sont fous, différents, et libres. Et se com- portent comme des enfants qu’on aurait lâchés une heure sans surveillance, bousillant tout ce qui leur tombe sous les mains, d’une barbie à un ananas, jusqu’à la menace finale qui se traduira par un visage (complice) entarté sous les rires soulagés d’un public conquis. Fin de journée, et changement de ton avec le spectacle sensible des comédiens allemands de Théâtre Fragile. We meet in Paradise, nous promettent des personnages masqués, traits effacés, sortis d’une caisse noire, apeurés, demandant silencieusement l’asile, attendant un geste… En repartant, on croise Ronan Tablantec (voir Zib n° 12), aux prises avec un public hilare. La journée se terminera avec un grand banquet de quartier, que demander de plus ? DOMINIQUE MARÇON Small is beautiful s’est déroulé les 23, 24 et 25 octobre à Marseille 30 MUSIQUE CONCERTS Épatant… et sans épate ! La 1276e séance de la Musique de Chambre de Marseille nous a fait découvrir, le 21 octobre, un trio russe pure souche : le Trio Equinox Lorsqu’ils s’installent sur scène, les membres du Trio Equinox ont un peu l’air de préretraités qui se piquent de faire de la musique pour meubler leur temps libre… Certes, l’habit fait souvent le moine… mais en l’occurrence, ce sont de grands musiciens qui se cachent sous cette mise réservée. Dès l’allegro du Trio n°1 de Beethoven, on sent toute la finesse du toucher de Dina Yoffe au clavier, la subtilité du timbre vaporeux d’Igor Kiritchenko au violoncelle, la solidité de Michael Vaiman au violon. Et quelle technique ! Ces trois-là font partie de la dernière génération de musiciens formés au «pays des soviets» : un piano chantant au son profond et à la percussion dosée, un violon plein d’aplomb à l’intonation sûre, un violoncelle au coup d’archet large… Et quelle cohésion, quel équilibre dans les pianissimi ! De fait, dans le Trio élégiaque de Rachmaninov, encore tout empreint de romantisme, le lyrisme flamboyant fait force de loi, et chaque instrument s’approprie la voix vibrante jusqu’au sommet pathétique ! Enfin, dans le chef d’œuvre qu’est le Trio n°1 de Brahms (sorte d’aboutissement du Beethoven éponyme écrit un demi-siècle auparavant), le souffle est brillant, le discours conduit en paliers sonores maîtrisés : du paroxysme à la sérénité retrouvée, de l’épique à la danse passionnée… Et tout ça sans un zeste d’esbroufe ! JACQUES FRESCHEL Concerts à 20h30 à l’auditorium de la Faculté de médecine de Marseille. Adhésions S.M.C.M. à l’Espace Culture 04 96 11 04 60 boutique Harmonia mundi 04 91 33 08 12 ou les soirs de concert À venir à la Société de Musique de chambre Igor Kiritchenko, Trio Equinox © X-D.R Après le violoncelliste François Salque et Eric la Sage au piano (le 18 nov), on attend le jeune et talentueux Quatuor Amadeo Modigliani dans Le lever de Soleil de Haydn et La Jeune fille et la Mort de Schubert (le 2 déc), avant un récital du pianiste Ronald Brautigam pour des Sonates de Haydn et les «Waldstein» & «Appassionata» de Beethoven (le 16 déc). Violons à l’abbaye Deux concerts du festival de SaintVictor ont proposé un double visage du violon : du baroque austère de Patrick Bismuth (le 23 octobre), au «diable» flamboyant de Nemanja Radulovic (le 13 novembre) Bach dans le texte Les Concertos brandebourgeois de Bach proposent une variété de dispositifs instrumentaux allant du «grosso» quasi strict, polyphonique et un peu archaïque, mêlant des lignes violes à de délicates parties d’altos (Concerto n°6), au «concertino» Patrick Bismuth © X-D.R ambigu, consacrant, pour ainsi dire, un véritable soliste : le violon (Concerto n°4) ou le clavecin (Concerto n°5). Patrick Bismuth (violon et alto) et son ensemble La Tempesta, ont livré, sur instruments et «diapason» anciens, une version de ces trois fameux opus pour le moins éloignée des interprétations lisses d’il y a quarante ans ! Au gré d’une machine rythmique qui avance sans cesse, les instrumentistes n’ont pas oublié de faire chanter les flûtes et les cordes (Bismuth adopte dans le Concerto en la mineur une technique assez classique dans l’usage des coups d’archet et du vibrato), danser les dynamiques, ni de proposer des tableaux sonores contrastés, lumineux, virtuoses ou épurés… En dépit d’une présence scénique un peu «en dedans» (paradoxale pour des musiciens de métier!), on retient, outre la maîtrise musicale de Bismuth, la qualité des phrasés de la violoncelliste Pauline Warnier et l’engagement chambriste de la claveciniste Hélène Dufour. Tchaïkovski… L’affiche variée permet aussi de découvrir un quintette moderne et abordable du compositeur italien Annunziata évoquant un vent qui souffle en Grèce (Meltemi). Les pièces baroques du programme mettent en exergue, peut-être davantage encore, le jeu généreux de Radulovic : des multiples ornementations sur la basse minimaliste et obstinée de Vitali (Chaconne en sol mineur) à l’impressionnante cadence à découvert, fougueuse et vibrante, des Trilles du diable de Tartini. Prodigues en bis, les artistes concluent par l’acrobatique final de l’Eté de Vivaldi et la Romance andalouse de Sarasate… Si Radulovic passe près de chez vous, ne le loupez pas ! JACQUES FRESCHEL Bête de scène Dès l’entame du fameux Prélude de Kreisler, on sent toute la puissance expressive du prodige Serbe. Nemanja Radulovic a juste 23 ans… mais quel métier ! Le violoniste fait le spectacle, tient la scène en communion avec le Quatuor Illico (et Stanislas Kuchinski à la contrebasse), communique son enthousiasme, varie les nuances, les couleurs, les phrasés… Le ton est ludique : c’est du violon champagne ! Le choix de pièces célèbres du répertoire ravit l’auditoire : l’élégant Rondo en la majeur de Schubert, l’épique et nostalgique Légende de Wieniawski ou le lyrique Souvenir d’un lieu cher de À venir à Saint Victor Le festival se clôt avec deux concerts: un récital du contre-ténor Max-Emmanuel Cencic dans Haendel et Scarlatti (le 27 nov.) avant un programme Beethoven. Olivier Charlier joue le Concerto pour violon et l’Orchestra Sinfonica di Sanremo (dir. André Bernard) l’Ouverture de Coriolan et sa 4e Symphonie (5 déc.). Festival de Saint-Victor. Concerts à 20h30. 04 91 05 84 48 – http://www.chez.com/saintvictor 31 Jésus est né en Provence Depuis sa création en 1986, l’ensemble des Festes d’Orphée s’attache à la diffusion du patrimoine provençal baroque. Aussi a-t-il proposé le 22 oct. une conférence à la Chapelle Ste Catherine, leur résidence permanente depuis 1998, ainsi qu’un concert à l’Eglise Saint Laurent. Cette soirée inaugurait la 11e saison des Festes d’Orphée avec pour thématique le Concert de Marseille. Après avoir abordé au cours de la conférence le concert marseillais baroque, créé sur le modèle du concert spirituel de Paris, Guy Laurent a élargi le sujet au répertoire provençal baroque, riche mais malheureusement sujet à peu d’études. L’auditoire a pu ainsi apprendre que l’opéra français n’a pas été l’apanage de Lully et de Rameau mais également d’André Campra et de Jean-Joseph Mouret, et que si Marseille était une ville moins alphabétisée que Paris au XVIIe et au XVIIIe siècles, sa vie culturelle et musicale était conséquente. Guy Laurent a même affirmé que, contrairement à ce que la fierté parisienne voudrait nous faire croire, il n’était pas impossible que le concert marseillais ait précédé le concert parisien ! Une petite heure plus tard, dans l’Eglise Saint Laurent, mitoyenne de la Chapelle Ste Catherine, l’ensemble instrumental soliste des Festes d’Orphée composé de flûtes, d’une viole de gambe, d’un clavecin, d’un orgue et d’un théorbe, a présenté des duos, des suites de danse du compositeur marseillais Pierre Gautier. On y a découvert avec plaisir une écriture complexe, un sens du rythme et du contrepoint qui n’ont en effet rien à envier à Lully. SUSAN BEL À venir aux Festes d’Orphée Marseille, Eglise Saint Laurent Il faudra attendre le 12 déc. pour redécouvrir le patrimoine provençal avec les motets de Noël de Auphand, Dupertuys et Archimbaud à 20h30. L’ensemble se consacrera également au baroque italien le 2 déc. avec des œuvres de Carissimi et Lotti, également à l’Eglise Saint Laurent. Choeur Festes d'Orphee © X-D.R Aix, Chapelle des Oblats Motets de Noël ainsi que les 16 et 18 déc. Splendeur du baroque italien le 25 nov. 04 42 99 37 11 www.orphee.org Une musique du cœur ! Voilà quarante qu’Henri Le 17bientôt octobre à l’Aans lcazar, la Tomasi est mortmusicale et, aussi curieux que conférence animée cela puisse paraître, aucune biograpar Claude Tomasi, auteur phie n’avait été publiée à son sujet… de la première biographie Nombreux pourtant sont ceux qui, sur son père Henri Tomasi, journalistes, interprètes ou musicoa rendudéfendent hommage à un grand logues, l’art singulier de ce e Corse né à Marseille. compositeur du XXNonobstant, siècle c’est peut-être de cela dont souffre l’image du musicien : de «régionalisme»… Il faut dire aussi que la production de Tomasi est contemporaine d’une avant-garde parisienne dédaigneuse des personnalités situées hors des «écoles» et créant, comme lui, des opus au lyrisme chaleureux, à la mélodie prégnante… et s’adres- sant au cœur ! De folklorisme, on n’en trouve point chez Tomasi et sa Méditerranée s’étend bien au-delà du delta du Nil et des colonnes d’Hercule… Toute la musique entendue ce jour-là, de Don Juan de Manara au Requiem pour la Paix, de la Symphonie du Tiers Monde au Silence de la Mer, jusqu’au Retour à Tipasa… a célébré l’art lumineux et sensuel d’un musicien universel. On a répondu présent pour la sortie du livre (pudiquement publié sous un pseudonyme par un fils qui se consacre avec amour à la réhabilitation de son père) : du comédien Frank Gétreau, au musicologue Lionel Pons... Défenseur de la première heure du compositeur, le Quintette à vents de Marseille a joué ses fameuses Variations sur un thème corse, quand le jeune Ensemble Pythéas a interprété deux mouvements de son Trio à cordes. Si bien qu’au bout de deux heures passionnantes, l’assemblée est sortie convaincue que la musique de cette personnalité riche et complexe devrait enfin résonner «hors les murs» et connaître une vraie reconnaissance nationale. Gageons que la sortie du livre y participera ! JACQUES FRESCHEL Livre + CD Henri Tomasi : un idéal méditerranéen aux éditions Albania 32 MUSIQUE CONCERTS Prophètes en leur pays Succès populaire pour le concert du Festival de Musique Baroque de Marseille le 7 novembre au Sacré-Cœur ! À une affluence record, deux solistes de l’Orchestre de l’Opéra ont répondu par de brillantes prestations On n’avait plus une place pour se poser… Debout dans l’entrée, les collatéraux et derrière le chœur, les derniers marseillais s’étaient massés pour entendre les fameuses Quatre saisons de Vivaldi. Des gardiens du temple ont même fini par barrer l’entrée aux retardataires ! Depuis qu’elle a initié son festival automnal, Jeanine Imbert décline une recette éprouvée : pour des concerts gratuits, elle fait appel à des talents locaux ! Car nul n’est besoin d’aller chercher loin ce que l’on a sous la main ! Dans la fosse de l’Opéra, on entend parfois un solo se détacher de la masse instrumentale. Céans, deux solistes de l’orchestre ont brillé tour à tour dans le Concerto n°9 de Boccherini et le «tube vivaldien». Jean-Eric Thiraud au violoncelle a allié une tendre expression à une puissante virtuosité, quand Rolland Muller, au violon, a fait une véritable démonstration. Dès l’attaque du populaire Printemps, on a adhéré à sa sonorité posée, son émission franche, une intonation et un vibrato sûrs. La palette de nuances et son aisance technique furent dignes d’un soliste nomade occupant le haut de l’affiche des grandes salles de concerts ! Certes, on s’est souvent éloigné des interprétations «baroques», surprenantes et bigarrées, données aujourd’hui par des ensembles jouant sur instruments anciens. Malgré des tempi allants ou quelque effet de texture (dans L’Hiver en particulier), Cyril Diederich, a dirigé «à la papa». Même le clavecin expert de Christine Lecoin n’a pas fait oublier que l’orchestre lyrique demeure plus à l’aise dans les phrasés de Brahms et Verdi ! On pourrait en sourire en snobinant… Mais ces artistes ne le méritent pas et ont offert un concert enthousiasmant ! JACQUES FRESCHEL Le festival se conclut par deux concerts gratuits où l’on entend Scarlatti et Vivaldi (20 nov), Bach et Haendel (23 nov) par des musiciens du Conservatoire Festival de Musique Ancienne Eglise du Sacré Cœur concerts à 20h30, entrée libre Trop facile ! Poulenc au Le 16 octobre au GTP, aux côtés de la star du violon Vadim Repin, on a pu découvrir un pianiste subtil : Itamar Golan Le concert du 15 novembre de la saison de musique de chambre de l’Opéra de Marseille a rempli le Grand Foyer et ravi l’auditoire La saison 2008-2009 au Grand Théâtre de Provence est ponctuée de rendez-vous immanquables. C’est que l’annonce de la venue de «Grands interprètes» tels que Vadim Repin, Boris Berezovsky (22 janv) ou Andréas Scholl (31 mars) a de quoi susciter l’intérêt des mélomanes et remplir travées et balcons ! Le récital du premier a connu un vif succès, si bien qu’au final, malgré trois bis, le public n’a pas voulu le laisser partir… Tout a commencé par la Sonate de Debussy : violon souverain, perfection de l’attaque et des intonations… Si l’on n’est pas surpris par le jeu royal Vadim Repin © Sasha Guzov. de Repin, sa voix moirée, furtivement enrouée, aussitôt suivie d’éclairs d’une pureté cristalline, on l’est davantage par les premiers accords du clavier. Lorsqu’il fixe le cadre harmonique, mâtiné de couleurs «impressionnistes», on comprend qu’Itamar Golan n’est pas un faire-valoir (l’Israélien a même parfois volé la vedette au Russe !). Son côté lutin, joueur, son souci constant de rendre l’exacte nuance, à l’écoute des dynamiques et respirations de Repin, ont visiblement séduit le public. Devant le rideau de fer baissé, afin que les sonorités chambristes ne se perdent pas dans les cintres, le duo a ensuite livré une stupéfiante version du Divertimento de Stravinsky. Piano orchestral et chant vibrant, rythmes essoufflés, frisant le tango, mise en place métronomique et imagination reine, ont généré un pas de deux bien réglé où le pianiste, placé au plus près du clavier, a établi un vrai rapport physique à l’instrument. Et quand, à l’abord de la monumentale «à Kreutzer», Golan a semblé quérir un illusoire sostenuto, alors que Repin imaginait une improbable euphonie, l’osmose a fonctionné… dans les haletantes suspensions du discours beethovénien ou la fougue virevoltante des incontournables variations ! JACQUES FRESCHEL À venir au Grand Théâtre de Provence Après les Wanderer dans les deux Trios de Schubert (le 20 nov), c’est un portrait en forme de puzzle que construit l’orchestre Les Siècles de François Xavier Roth. En formation de chambre, les musiciens rendent hommage aux dynasties «Bach et Mozart» (le 25 nov), jouent les Quintettes avec clarinette ou deux altos (4 déc). L’orchestre symphonique se joint à Paul Meyer pour le céleste Concerto pour clarinette (26 nov) avant de s’unir aux chœurs pour le somptueux Requiem (le 5 déc, jour anniversaire de la mort de Wolfi !). On n’oublie pas également le dernier spectacle musical iconoclaste d’Heiner Goebbels avec l’Hilliard Ensemble (les 11 et 12 déc) : sur des textes d’Eliot, de Becket et de Blanchot le quatuor vocal jouera un concert en trois parties, visitant et vivifiant l’histoire de la musique… avec sans nul doute, des inventions scénographiques spectaculaires… Grand Théâtre de Provence 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net De larges accords majestueux plantent un décor de jardin à la française, aux coloris ibériques… Dès l’incipit du Trio de Poulenc dédié à Falla, on sent dans le piano puissant et clair de Marie-France Arakelian, la pâte caractéristique de l’«école» Barbizet. De fait, la pianiste marseillaise en est l’une des plus éminente fille ! Plus loin dans l’Elégie, alors que le jeune corniste Julien Desplanque développe de somptueux phrasés feutrés, la pianiste dessine en contrebas des fresques aux touches subtiles, profondes et nettes, avance dans la partition, à pas mesurés, comme une promeneuse attentive au clair-obscur d’un soir qui hésite entre chien et loup… Point n’est besoin d’aller chercher aux antipodes des talents qui, chez nous, ne demandent qu’à éclore. Il suffit juste de les placer sous les limelights! C’est ce qu’a réalisé l’Opéra de Marseille avec ce brillant récital consacré à la musique de chambre de Francis Poulenc et JeanMichel Damase. On y a entendu de formidables solistes de l’Orchestre Philharmonique. Au hautbois suave et malicieux d’Armel Descotte, le basson de Stéphane Coutable a répondu par un chant ténébreux, la 33 Étonnant non ? L’ensemble Télémaque a donné le premier des concerts thématiques et historiques du cycle portraits composés à l’auditorium des archives départementales le 7 novembre Gérard Occello © Agnès Mellon zénith flûte de Jean-Marc Boissière par de vibrantes arabesques… Et quand la clarinette experte de Didier Gueirard s’est agrégée à l’ensemble pour le Sextuor, chef-d’œuvre du XXe siècle tour à tour martial ou dépouillé, lyrique et multicolore, Poulenc fut porté au pinacle par un jeu digne d’une formation constituée de longue date. Enfin, si la musique de Damase doit beaucoup à son aîné (clarté du contrepoint, élégance, science de l’écriture, subtilité harmonique…), c’est celle de Poulenc qui nous touche… C’est que derrière un double visage facétieux et mystique, sa musique aux assonances pastel hésite aussi entre le sourire et la plainte. Et que sous la surface, chez lui, les eaux profondes ne sont jamais très loin ! JACQUES FRESCHEL Marie-France Arakelian © X-D.R. Étonnant comme la musique contemporaine peut rassembler le public, parfois ! Les curieux, comme les mélomanes avertis, ont accueilli avec enthousiasme le concert intitulé timbre et texture proposant un parcours chez les musiciens du son. Ère du son, du timbre, le vingtième siècle n’en finit pas de surprendre par l’audace et l’inventivité dont ont fait preuve ses sculpteurs de sons. Sur scène, un quintette à cordes, en fond de salle un quatuor à vents, et dans le rôle du déambulateur interrogatif ? La trompette de Gérard Occello. Cette spatialisation souhaitée par le compositeur américain Charles Ives rend The unanswered question plus novatrice que sa partition, plaçant l’auditeur au centre des questions existentielles posées par le trompettiste sur fond de trame sonore étirée et continue des cordes quelque peu interrompues par le discours plus ardu des bois. Tout autant confondant par son alliage de timbres et son langage avant-gardiste, l’Octandre de Varèse sonne de manière précise telle une pièce de musique de chambre tout en contribuant à «réaliser la coloration des masses sonores», disait l’auteur. Qui aurait sans nul doute apprécié la grande qualité des instrumentistes de l’ensemble et de son chef Raoul Lay, donnant à cette musique une couleur et une finesse idoine. Qualité instrumentale retrouvée chez les cordes (bien que le très efficace contrebassiste J.-B. Rière soit présent dans l’Octandre) pour le trio à cordes de l’espagnol Luis De Pablo : il dévoile autour de la note pivot si bémol que l’«âme» de l’orchestre n’est pas pour autant délaissée à notre époque, offrant une écriture raffinée et aérienne si différente de la masse sonore dialoguant voulue par Régis Campo dans son trio pour cuivres Les Villes-lumières composé spécialement pour l’ensemble en 1994. Tour à tour, Jean Christophe Selmi et Benjamin Clasen ont fait état de leur virtuosité dans quelques extraits de Mikka «S» pour violon solo de Xénakis et dans la sonate pour alto solo de Ligeti, ces deux œuvres au demeurant fort difficiles d’exécution révélant l’ingéniosité et la richesse de ces partitions. Les explications claires et la direction précise du chef Raoul Lay ont contribué à la réussite de ce concert interactif très abouti, où une musique réputée difficile s’échangeait comme une évidence. FRÉDÉRIC ISOLETTA Virée choc C’est dans la salle de réunion de l’entreprise Cabus & Raulot, transformée pour l’occasion en scène de concert, qu’a eu lieu les 13 et 14 novembre, la dernière création «jeune public» de Symblêma percussions : Playblick Jean-Charles Charmet, directeur du distributeur marseillais de matériel électrique, s’inscrit de façon originale dans le projet de Mécènes du Sud visant à soutenir des projets préfigurant Marseille-Provence Capitale européenne de la culture 2013. Voici un an que Symblêma est en résidence dans les locaux qui bordent l’autorouteEst, que les percussionnistes travaillent à leur nouvelle création : Playblick. Après un prélude ludique, qui a vu une poignée de collaborateurs de l’entreprise s’essayer à frapper en mesure sur des congas, défiler en batucada fantaisiste au gré d’instruments loufoques de récupération, Frédéric Daumas, Damien Louis et Alain Huteau (le compositeur) ont fait leur entrée. Rapidement le trio a créé un climat onirique, grâce à des bouilles clownesques, silhouettes de théâtre dessinant une pantomime burlesque de ciné-muet. Trois marionnettes partent en voyage et font découvrir des musiques du monde. De leur valise/tambour, elles sortent un bric-à-brac cocasse, illico exploité pour sa vertu sonore, et nous emmènent au Brésil, en Afrique, en Chine ou à Bali… Au fil d’un jingle de cirque récurrent, les musiciens ménagent des séquences colorées, boisées ou métalliques, aux cymbales, gong, glockenspiel, bambous, wood-blocks, sifflet, triangle, crotales… S’ils font montre d’une virtuosité impressionnante (solos de batterie, ballets acro-batiques de mailloches sur vibraphone ou marimba), les trois percussionnistes règlent aussi des parenthèses contras-tées de bossa doucereuse, de course fougueuse ou de ragtime syncopé, avec pour savoureux climax une «batterie» de cuisine délirante se mouvant en boléro kaléidoscopique… Un spectacle bien ficelé qui séduira petits et grands ! JACQUES FRESCHEL 34 MUSIQUE OPÉRA L’Amour en voyage Le Voyage à Reims de Rossini a permis à de jeunes talents lyriques de se produire sur la scène de l’opéra d’Avignon grâce au Centre Français de promotion lyrique et à la collaboration de dix-sept maisons d’opéra Voyage a Reims © Alain Julien L’action du Voyage à Reims se situe dans une station thermale des Vosges méridionales et se présente comme une succession de tableaux dont le thème conducteur est… l’Amour ! Au fil des scènes légères, la beauté des voix des jeunes artistes a tonifié une partition peu entraînante et donné une certaine cohérence à un argument manquant de force. Jeux scéniques et touches d’humour à l’appui, ces chanteurs ont tout mis en œuvre pour nous conduire dans les contrées mystérieuses des «Voix de l’Amour» : une parisienne trop sûre d’elle, une poétesse enchanteresse, un allemand rigide, un français trop empressé ou encore un russe éméché… tous ces personnages ont défilé sur la scène et nous ont offert un panorama vocal très apprécié. De duos passionnés à un merveilleux sextuor, Oxana Shilova, Hye Myung Kang, Kleopatra Papatheo-logou, Istvan Kovacs, Gerardo Garciacano ou James Elliot ont fait preuve d’un talent et d’une présence dignes d’artistes expérimentés. C’est à Plombières-les-Bains que Rossini a planté le décor de son opéra : au XIXe siècle, cette station était un haut lieu touristique, et le Tout-Paris, ainsi que les Princes d’Europe s’y pressèrent. Le Voyage à Reims nous en livre d’ailleurs un portrait croustillant… Il ne faut pas oublier que cet opéra fut composé en l’honneur du couronnement de Charles X qui, par sa politique réactionnaire, fut rapidement détrôné au profit du Duc d’Orléans. Mise au placard, la partition du Voyage fut remaniée pour donner naissance au Comte Ory. Longtemps oublié, le manuscrit original fut retrouvé en 1970 à la bibliothèque du Conservatoire de Paris. Il a été dit que cet opéra est une «excroissance caricaturale» du bel canto rossinien… On y trouve 14 premiers rôles, et en effet, le chant y prime sur la dramaturgie ! CHRISTINE REY «Un orchestre ne doit jamais mourir !» Concert exceptionnel le 16 octobre en Avignon ! Pour sauver l’OLRAP (voir Zib 12), plus de 250 musiciens se sont réunis sous la baguette de Jonathan Schiffman, qui a su, avec art et adresse, diriger cet immense ensemble symphonique durant plus de trois heures. Les œuvres interprétées, choisies pour leur popularité et leur pouvoir expressif, ont permis d’entendre de merveilleux musiciens venus des quatre coins de France et d’Europe pour soutenir leurs confrères de l’orchestre. De Wagner à Ravel, l’OLRAP a transmis une émotion rare. Retenons la prestation du violoniste David Grimal dans les Airs bohémiens de Sarasate. Habité par la musique, le son pur, enchanteur et virtuose nous fait dire que sur scène il n’y avait pas un violon et un musicien, mais un seul «être» transcendé. Dans un autre répertoire, mais non moins époustouflant, le pianiste Vahan Mardirossian a conquis l’auditoire avec la Rapsody in blue par un jeu dynamique, virtuose et un humour contagieux… Notons également la participation exceptionnelle de Mikhail Rudy, très en forme dans le 1er mouvement du Concerto n°1 de Tchaïkovski : la symbiose entre le soliste et l’orchestre fut parfaite et il semble que le pianiste ait mis, ce soir, toute son âme russe profondément mouvante dans son interprétation. David Grimal © X-D.R Ce concert fut aussi exceptionnel grâce au soutien moral venu de partout : pendant qu’au dessus de la scène défilaient sur un bandeau des paroles de soutien de grands noms de la musique, se trouvaient, dehors, nombre de mélomanes qui, n’ayant pu avoir de places, ont écouté sa retransmission. Tout fut spectaculaire, et les nombreux bis ont montré combien la ville d’Avignon tenait à ses musiciens et à son orchestre! Une intervention de Jonathan Schiffman a marqué les esprits : «Ce soir, il n’y a qu’une famille, nous avons un combat pour la survie de la musique (…). Les chefs passent, les orchestres restent.» La liquidation judiciaire n’est plus à l’ordre du jour, mais l’orchestre n’est en sursis que pour 6 mois. Il semble qu’il y aura, de toutes façons, des licenciements. À l’heure où nous écrivons ces lignes, on attend avec impatience la visite de Christine Albanel (du 16 au 18 nov) dans la Cité des papes. La seconde partie nous a permis d’entendre de grandes voix comme la soprano Nathalie Manfrino dans La Bohème, Elisabeth Vidal dans l’Air des clochettes de Lakmé ou encore Woljtek Smilek dans la Ronde du veau d’or de Faust. C.R. 35 Le bouffon triomphe ! L’opéra Rigoletto de Verdi, dans une production qui avait déjà fait ses preuves à Marseille, Avignon ou Lausanne, a connu un vrai succès populaire à Toulon grâce à un excellent plateau vocal On connaissait l’habile mise en scène d’Arnaud Bernard conçue pour l’adaptation lyrique de Le Roi s’amuse d’Hugo. Glorifiant l’humanisme renaissant, un décor unique met en espace, au pied d’une monumentale bibliothèque, le cabinet d’étude du Duc de Mantoue, la tour/maison mobile de Gilda, tantôt géante ou maquette mise en perspective dans la «Cité idéale», et une barque/tombeau… Mais aussi experte soit l’idée directrice de ce Rigoletto-là, on n’oublie pas que la réussite de l’ouvrage tient avant tout à la valeur du plateau vocal. Au pied du Faron, le public varois a d’abord été saisi par la direction alerte de Giuliano Carella à la tête d’un orchestre et de chœurs d’hommes manifestement à l’aise dans un répertoire épousant l’expression naturelle des théâtres méridionaux. Sur la scène, dans le rôle-titre du bouffon, Marco di Felice a fait montre de qualités vocales et scéniques de premier plan : un timbre qui reste consistant sur tout le registre, des aigus clairs, une maîtrise adéquate de «l’aperto/coperto»… Voilà un vrai baryton verdien ! On a senti, dès l’entrée de Rosanna Savoia, l’écueil qui guettait la soprano dans l’abord du personnage de Gilda : celui d’épaissir sa pâte vocale. Avec métier, la musicienne, habituée à jongler avec les répertoires, a judicieusement allégé son timbre, adopté une conduite belcantiste des phrasés pour un emploi qui consacre l’innocence juvénile. La prise de rôle de Leonardo Capalba est plus contestable. Si les airs célèbres, entonnés sur des tempi fringants, ont été bien maîtrisés, les demi-teintes savamment dosées, une tendance à surjouer le mot a parfois altéré la ligne de chant et l’égalité des couleurs. Et l’engagement physique brouillon du ténor a nui à la noblesse donjuanesque du Duc… Cependant, au final, ces petits bémols ont été envoyés aux oubliettes ! Aux côtés de brillants seconds rôles (Taras Konoshenko/Sparafucile, Annie Vavrille/Magdalena, Leandro Lopez Garcia/Monterone…), le trio majeur et leur chef ont longtemps été salués sous les vivats. JACQUES FRESCHEL Rigoletto © Frederic Stephan de Toulon affiche un nouveau chefd’œuvre ! Un opus qui fait la part belle au contre-ténor (le rôle d’Oberon fut créé par Alfred Deller en 1960), aux voix d’enfants, multiplie les personnages secondaires et conserve la fantaisie de la pièce originelle. Rachid Ben Abdeslam et Maïra Kerey chantent le couple royal (Oberon/ Titania) sous la baguette de Steuart Bedford dans une mise en scène de Jean-Louis Martinoty. À venir à l’opéra de Toulon L’esthétique musicale évolue allègrement entre le lyrisme romantique de Verdi et le modernisme modéré de Benjamin Britten (1913-1976). Cependant, avec le Songe d’une nuit d’été (d’après Shakespeare), l’Opéra A Midsummer Night’s Dream le 7 déc à 14h30 les 5 et 9 déc à 20h Opéra de Toulon (84) 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr Brillants Brigands L’opéra d’Avignon a accueilli les 8 et 9 novembre, la compagnie Les Brigands qui a joué, après une longue tournée très applaudie, l’opéra bouffe éponyme d’Offenbach C’est en 1869 que le créateur de l’opéra bouffe compose Les Brigands. Dès sa création l’ouvrage reçoit mille louanges: le livret du tandem Meilhac & Halévy est alerte, plein de rebondissements et, comme toujours chez Les Brigands © Claire Besse. Offenbach, les personnages de l’opéra font allusion à de véritables personnalités bien connues de cette France du Second Empire. «Tout le théâtre d’Offenbach est parodie» nous rappelle Philippe Gut… et Nietzsche d’y voir «la forme suprême de la spiritualité» ! Comme pour ses autres ouvrages scéniques, Les Brigands reflète la joie de vivre et l’insouciance de cette époque : l’action se situe «entre le Duché de Mantoue et le royaume de Grenade» et des brigands tentent de faire fortune, au gré d’intrigues amoureuses et de rencontres italo-espagnoles. Le spectacle nous a offert une scène riche en couleurs : variété des costumes et des décors, ensembles vocaux dynamiques, livret truculent porté par une musique tourbillonnante, le tout joué par une troupe d’une vitalité, d’un entrain hors du commun et menée avec passion par le jeune chef Benjamin Lévy… Nous retiendrons le jeu de scène et les voix d’Emmanuelle Goizé (Fragoletto), Marie-Benédicte Souquet (Fiorella) et Christophe Crapez (Falsacappa). C.R. 36 MUSIQUE CONCERTS Plus d’une corde à sa harpe Depuis quatorze éditions de ses fameuses «Journées» d’octobre, Arles est devenue la Mecque de la harpe, le royaume d’Orphée et de ses disciples… médiévales, irlandaises et «Vivaldiennes», avant les cadences romantiques endiablées de Julien Marcou (Le Rossignol de Liszt...), pour finir avec les riffs ensorcelants de Nikolaz Cadoret (harpe électrique et bande sonore) qui ont fait fuir quelques conservateurs vers la Musique des maîtres à danser de Louis XIV à St Julien ! Dans toute cette ébullition, le calme hameau de Moules opta pour le charme de la mélodie française. Après Reynaldo Hahn (Pastiches galants), les cordes de Julien Marcou et Carl Ghazarossian (ténor) ont touché les nôtres, sonnant avec justesse dans les Poèmes d’Octobre de Massenet : Qu’importe fut enlevé, Belles frileuses ciselé et Pareil à oiseaux a clos le cycle en beauté. Le chanteur au timbre velouté qui s’ouvre dans l’aigu, a fait des miracles dans Clair de lune de Fauré ou l’Air de Mylio de Lalo, les Mélodies populaires grecques ou la coda acrobatique de la Vocalise en forme de Habanera. Comme nous l’a rappelé Armelle Gourlaën dans sa présentation : «Les fées existent dans le monde de la harpe !». PIERRE-ALAIN HOYET À venir au Méjean Le Quatuor Ebène et le pianiste Eric Le Sage interprètent le Quintette n°1 en ré mineur de Fauré et le Quintette op. 44 de Schumann. Chapelle Saint-Martin du Méjan (Arles) le 23 nov. à 11h (petit déj. offert à 10h). Deborah Henson-Conant © Roberto Coggiola Sous le parrainage de la «guitharpiste» invitée d’honneur Deborah Henson-Conant et sa Body Harp décapante, tous les styles (traditionnel, jazz, classique, baroque ou rock…) furent abordés, et de nombreux types de harpes (médiévale ou de concert, celtique, kora…) présentés au gré de manifestations très prisées. Au musée bleu de l’Arles Antique, avec D’Orphée à Jimi Hendrix, sous le regard bienveillant des Muses et d’Apollon, la «polyharpiste» Armelle Gourlaën a régalé son auditoire avec de délicates arabesques The Mozart I love… Pour clore son 20e festival de quatuors à cordes, la communauté du Pays de Fayence a proposé à Saint Raphaël un concert du Quatuor Kocian avec la participation du clarinettiste Michel Portal. Le concert s’est ouvert sur le fameux «Cavalier» de Haydn, que le quatuor a exécuté avec le talent qui lui est connu, malgré quelques fausses notes dues à l’humidité ambiante ce soir-là ! On a ensuite pu entendre le Quatuor n°1 de Schulhoff, compositeur dont les musiciens avaient une grande expérience puisqu’ils ont enregistré l’intégrale de ses quatuors. L’œuvre, peu évidente, trouvait tout son sens, portée par un bon phrasé, le ton juste Deux fois quatre mains pour un «week-end piano» alléchant ! Claire Désert et Emmanuel Strosser (le 5 déc. à 20h30) et les jumelles Florence & Isabelle Lafitte (le 7 déc. à 11h – petit déj…) interprètent des programmes variés. 04 90 49 56 78 www.lemejan.com Ces anges d’Anguélos Ce qui rend les voix d’enfants particulièrement émouvantes c’est peut-être leur fragilité. Il suffit qu’une petite fille attaque, avec une émotion à peine dissimulée, un délicat solo… et le plus dur des moustachus verse sa larme ! Montolivet s’est mobilisé le 15 novembre pour un concert organisé au profit de l’entretien du nouvel orgue qui orne son église, et le public a été enthousiasmé par les jeunes voix de la chorale Anguélos. Encore davantage que les parties chorales, polyphonies sacrées, gospel ou extraits d’opéras, ce sont les voix solistes qui ont particulièrement ému l’auditoire : le blond ténor Valentin et son déchirant Noël espagnol, l’aérienne soprano Clara dans un Ave maria comme tombé du ciel, Marie et son adorable Edelweiss cueilli sur les pentes du Tyrol, le sombre et sensible alto d’Arthur dans une mélodie tchèque, le timbre corsé de Maimouna pour un contre-chant repris en chœur par l’assemblée… On comprend pourquoi la Chorale Anguélos, lauréate du Concours de Draguignan 2008, est désormais demandée pour des concerts de prestige au Festival de Lacoste, à l’Opéra de Marseille, au Festival de Musique sacrée à St Michel… Ce soir-là, son chef Patrick Benoît nous a guidés à travers un mémorable voyage dans le patrimoine européen : en Ukraine, Hongrie, Autriche, Italie… au départ d’un versatile Jardin de France pour un retour en terre provençale sous les acclamations d’un public debout ! M.C. Prochain concerts de la Chorale Anguélos à Marseille : le 19 déc à 15h à l’Eglise St Laurent pour l’embrasement des Clochers du Panier (entrée libre) Quatuor Kocian © X-D.R et une utilisation parfaite des timbres. Beaucoup ont ensuite tiqué lorsque le quatuor et Michel Portal ont exécuté le Quintette en la majeur de W. A. Mozart. Il est certain que l’interprétation du clarinettiste, issu du jazz, n’est sans doute pas très fidèle aux règles classiques. Mais peu importe: le son sucré de la clarinette de Michel Portal se marie à merveille avec les mélodies rondes, doucesamères qui font des œuvres pour clarinette de Mozart de vrais chefs-d’œuvre de la musique de chambre. Et au fond, quoi de plus swing que les petits trilles en arpèges descendants mozartiens…. 38 MUSIQUE AVIGNON | TOULON Cinéma, musique et poésie diverse La clôture du festival Fimé#4 a eu lieu le 16 novembre dans un Opéra de Toulon rempli d’enfants. L’orchestre maison, dirigé par Raoul Lay, a joué en direct sur les images de films à la poésie diverse Pierre et le Loup de Susie Templeton Le spectacle, rappelant les grandes heures du cinéma muet, a débuté par des extraits de Relâche d’Erik Satie ayant servi de partition au film Entr’acte de René Clair (1924). Le film dadaiste met en scène, par association libre d’images, une véritable série de provocations ; une danseuse filmée sous son tutu, et qui se révèle porter une barbe, un corbillard tiré par un chameau, couvert de couronnes… de pain, et emmenant son cortège funèbre en une course folle… L’humour et l’aspect décalé des images ont certainement suscité l’interrogation chez les plus jeunes, mais n’ont pas échappé aux interprètes qui ont su donner à cette partition volontairement redondante une légèreté et une mélancolie rêveuses que le compositeur lui-même n’aurait pas reniées. Franck Pantin et Alexandre Faraudau ont ensuite interprété à quatre mains une transcription d’Une nuit sur le mont chauve sur le film du même nom d’Alexandre Alexeïeff et Claire Parker. À la clarté de la partition s’opposait une franche noirceur des images servies par la technique originale du mur d’épingles. Il n’est pas certain que les enfants aient apprécié ce type de poésie, sur une copie ancienne dont le contraste laisser trop mal apparaître les tableaux. Que l’on devinait beaux, pourtant, dans la pénombre ! Heureusement pour les plus jeunes, la projection du court métrage d’animation Pierre et le loup de Suzie Templeton, récompensé par un Oscar en 2008, accompagnée en direct par l’Orchestre de Toulon ProvenceMéditerranée à nouveau placé sous la direction de Raoul Lay, est venue brillamment clore ce Festival ! Toute la difficulté de l’exercice consistait à restituer une musique dans un cadre temporel contraint par la durée du film. Le chef et les musiciens s’en sont sortis de la plus belle façon, délivrant avec finesse la richesse harmonique des sonorités instrumentales, dissociant les personnages, mais aussi soulignant ici ou là les traits d’humour inhérents aux images. L’osmose entre le spectacle et les jeunes spectateurs fut totale ! Il faut dire que le film, d’une grande beauté plastique, à l’animation plus que minutieuse, dispense une émotion inattendue : Pierre y est un garçon russe pauvre entouré de menaces contemporaines, de chasseurs qui semblent des miliciens, de voyous, de verrous et d’armes. Le canard est dépenaillé, l’oiseau est une pie qui peine à voler, le chat est râpé et énorme… L’humour est là pourtant, et les enfants rient et s’effraient. Et les grands redécouvrent que la musique et l’histoire qui ont bercé leur enfance ne manquaient pas de cruauté… EMILIEN MOREAU ET MARYVONNE COLOMBANI Ce Ciné concert, créé à l’Opéra de Toulon avec son orchestre, sera programmé par le Théâtre Massalia du 16 au 19 déc, à la Friche Théâtre Massalia 04 95 04 95 70 www.massalia.lafriche.org Pierre et le Loup, Breakthru © 2006 Breakthu Peter Ldt & SE-ma-for Jeunes chanteurs La saison 2008-2009 des Apér’opéra d’Avignon s’est ouverte le 15 novembre Pour ce premier concert, au bénéfice d’Amnesty International, la salle du foyer de l’opéra, comble, a accueilli trois jeunes artistes lyriques, accompagnés au piano par l’excellente Nina Uhari. La première partie fut consacrée à des mélodies de Francis Poulenc et Jean-Michel Damase, interprétées par le baryton Ronan Debois, fraîchement sorti du CNSM de Paris : sa voix chaude et profonde, presque trop puissante pour ce genre d’œuvres (ou était-ce dû à l’étroitesse de la salle ?), a cependant enthousiasmé, tant l’interprétation était sincère. Les œuvres de Damase sont de vrais chefs-d’œuvre miniatures, et les mélodies de Poulenc, bien que ne reproduisant pas l’intimisme voulu par le compositeur, ont recueilli un torrent d’applaudissements : «il a la foi et le sens du texte» a conclu Alain Lanceron, directeur du CNIPAL. Les Mouvements perpétuels de Poulenc au piano seul ont terminé agréablement la première partie. La seconde partie nous a plongés dans le siècle baroque avec, pour commencer, deux airs d’Haendel interprétés par le baryton chinois Zheng Zhong Zhou, puis par la mezzo Majdouline Zerari. La voix du premier, légèrement voilée dans cet air, nous a, par la suite, enchantés dans le Largo at factotum du Barbier de Séville de Rossini pour lequel ses qualités -agilité, puissance et justesse vocale- se sont révélées. Il fut vivement applaudi. Majdouline Zerari a été très expressive: sa voix, son jeu , sa présence scénique sont incontestables. C’est une véritable artiste. Le merveilleux trio Non sento, sfrattate de l’opéra Il marito desperato de Cimarosa a réuni les trois artistes et a été interprété avec cœur et enthousiasme . Le public a grandement apprécié et l’air fut donné en bis… après quatre rappels ! CHRISTINE REY 39 Au Programme Télémaque au B.N.M. Dans le cadre d’Ouverture#11, après avoir donné «Carte blanche» aux danseurs du Ballet National de Marseille, Frédéric Flamand continue de développer d’intéressantes collaborations avec l’Ensemble Télémaque. Du coup c’est Raoul Lay qui donne Carte blanche à trois de ses musiciens ! Yann Le Roux-Sèdes (violon), Marilyn Pongy (cor) et Nicolas Mazmanian (piano) jouent Les Romantiques : opus de Brahms, Ligeti et Schnittke. MARSEILLE. Le 6 déc à 20h30 dans le Grand studio du B.N.M. 04 91 327 327 / www.ballet-de-marseille.com Mozart & Salieri La Compagnie Interlude, créée en 2002, joue Le directeur de théâtre d’après l’opéra comique éponyme de Mozart et Prima la musica de Salieri. Les dialogues parlés sont traduits en français par Jean-François Héron quand les airs conservés dans leur intégralité sont chantés dans les langues originales (allemand et italien). La mise en scène est signée Julien di Tommaso et l’accompagnement au piano réalisé par Jan Heiting. AIX. Le 6 déc à 17h au Théâtre du Jeu de Paume 04 42 99 12 12 www.concertsdaix.com Free… mais classe ! Les Concerts d’Aix annoncent la première édition d’un festival original. Jazz libre, c’est trois concerts 100% free jazz en trois lieux. Ce style musical qui se veut «sans contrainte» n’est pas pour autant donné à n’importe quel improvisateur. Sans talent, le «free» frôle parfois l’imposture ! Ce n’est pas le cas avec les affiches prévues : le clarinettiste Louis Sclavis (le 28 nov à 20h à la Fac. de droit – Amphi Portalis), le violoncelliste Vincent Courtois (le 29 nov à 16h au Musée Granet) et le trio Michel Portal (clarinette, saxophone), Daniel Humair (batterie) et le contrebassiste Bruno Chevillon (le 29 nov à 20h au Théâtre du Jeu de Paume) devraient faire rimer imagination et rigueur. AIX. Réservations au 06 03 58 02 13 et 04 42 99 12 12 www.concertsdaix.com Grimm et Messiaen Alors que l’Ensemble Télémaque célèbre ses 15 ans d’existence, son directeur artistique Raoul Lay est compositeur associé au Théâtre des Salins, Scène nationale de Martigues. C’est ainsi qu’après Monstres et bouts de chandelle, spectacle musical à voir en famille d’après deux contes des Frères Grimm (le 21 nov à 19h30) les martégaux et amateurs de la région découvrent un beau Portrait Messiaen. À la fois pédagogique et d’un haut niveau musical, cette invitation à plonger dans l’univers du compositeur, né il y a un siècle, connaît un vif succès depuis sa création au début de l’année (le 2 déc à 19h30) MARTIGUES. Les Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr / www.ensemble-telemaque.com Piazzolla Anthony Doux (bandonéon, accordéons), Zeljka Mandi (accordéon) et Danielle Stefan (chant) donnent Piazzolla Cantabile, un spectacle/concert qui mêle tango populaire et poésie. SEPTEMES-LES-VALLONS Le 21 nov à 20h30 au Centre Louis Aragon 04 91 96 31 00 MARSEILLE. Le 5 déc à 20h30 au Théâtre de l’Oeuvre 04 91 90 17 21 et le 6 déc à Ste Marguerite – Louisiana Club Jazz 04 91 41 46 36 Nuits Blanches en Compagnie 04 91 49 68 65 Requiem aeternam La Maîtrise des Bouches-du-Rhône et le chœur de chambre Asmarâ chantent le Requiem de Fauré. AIX. Le 22 nov à 20h30 Cathédrale St-Sauveur 04 91 11 78 42 /www.maitrise13.com Violoncelle & saxo Duos inédits pour saxophone (Jonathan Helton) et violoncelle (Steven Thomas). Ces professeurs de l’Université de Floride jouent Denisov, Chang, Elliott… MARSEILLE. Le 24 nov à 19h à l’Annexe Melchion du Conservatoire - Entrée libre. Falla, Lorca… et Tchaïkovski Avec la création de FlamencOpéra, le chanteur gitan Tchoune fait se rencontrer des artistes de formation flamenca et classique (le 26 nov à 20h - Cité du Livre). Claudia Sorokina (soprano), Florence Cabrita (piano) et Noël Cabrita dos Santos (violon) font chanter «l’âme russe» de Tchaïkovski (Le 11 déc à 18h30 - Musée des Tapisseries). AIX. Aix en Musique 04 42 21 69 69 / www.aixenmusique.fr Venise L’ensemble vocal Tactus et Musica Antiqua dirigés par Christian Mendoze programment Serenessima concert dédié aux maîtres du baroque vénitien : Gabrieli, Monteverdi, Bellinzani et Vivaldi. AIX. Le 28 nov à 20h30 à l’Église du Saint Esprit Forum Harmonia Mundi 04 42 38 18 91 / Tactus 06 25 47 40 75 Romanze Chants sacrés et Mélodies italiennes par Philippe Collomb (Ténor), Michèle Peladan (Mandoline) et Hartmut Lamsfuss (Piano) MARSEILLE. Le 29 nov à 20H30 Restaurant Au bout du quai 04 91 99 53 36 Autour de la Slovaquie L’orchestre de chambre de Bratislava présente Les Cordes des Carpates : opus du Slovaque Eugen Suchon et Dvorak, Janacek, Suk… MARSEILLE. Les 29 nov 2008 à 21h et 30 nov à 15h Station Alexandre 04 91 42 05 87 / www.station-alexandre.org Pianoforte Nuance aux Marteaux : un opus de Domenico Scarlatti et Mozart par Natalia Cherachova au pianoforte. MARSEILLE. Le 6 déc à 18h - Urban Gallery Baroques-Graffiti. 04 91 64 03 46 http://baroquesgraffiti.com Création Ad Fontes Canticorum crée Poésie Verticale de Denis Badault pour chœur, saxophones et piano, et chante Challulau et Rautavaara. AIX. Le 8 déc à 20h30 - Théâtre du Jeu de paume Rencontre avec les musiciens à 20h 04 42 99 12 12 www.concertsdaix.com Autour de Messiaen L’ensemble vocal de Roland Hayrabedian chante des pièces «modernes» de Messiaen, Ohana, Marti et… Le printemps de Claude le Jeune. DRAGUIGNAN. Le 9 déc à 20h Théâtre en Dracénies 04 94 50 59 59 / www.theatresendracenie.com Hommage à Varèse L’Ensemble C.Barré ? joue Octandre de Varèse, Pascal Dusapin (Cascando) et deux créations de Reibel et Mitru Ecalona-Mijares MARSEILLE. Le 16 déc à 19h30 Atelier / Studio du GMEM 04 96 20 60 10 – www.gmem.org JACQUES FRESCHEL 40 MUSIQUE CONCERTS | OPÉRA «Celeste Aïda !» On a l’habitude d’associer l’opéra populaire Aïda de Verdi à un péplum grandiloquent. Certes, le fameux Triomphe et ses «trompettes» se prêtent volontiers au grand spectacle… Cependant, nombre de scènes, dans cette œuvre, n’exigent que peu de moyens et se limitent à de simples dialogues entre les personnages. C’est peut-être justement cette intimité, brossée musicalement par un Verdi de la maturité, qui fait toute la force de l’ouvrage. On ne sait comment la scénographie des Chorégies d’Orange 2006 s’adaptera au plateau de la place Reyer. Gageons que la mise en espace de Charles Roubaud, le minimalisme des décors d’Emmanuelle Favre, les costumes de Katia Duflot habilement éclairés par Marc Delamézière, ainsi que les projections d’images mises en œuvre il y a deux ans, resserreront la tension autour des personnages, des passions qui les animent (amour, jalousie, sens du devoir, conflits internes…). Quant au plateau vocal… il est prometteur ! On attend Adina Aaron dans le rôle-titre de l’Ethiopienne et Béatrice Uria-Monzon pour la sombre et jalouse Amnéris. Walter Fraccaro (qui avait remplacé Alagna pour les représentations qui ont suivi sa mémorable sortie de scène à la Scala) chante l’héroïque général égyptien Radames et Ko Seng-Hyoun (qui triompha à Orange) l’esclave royal Amonasro. Nader Abassi dirige les chœurs et l’orchestre de l’Opéra. Concert symphonique Evelino Pido dirige la 9e symphonie en ut majeur (La Grande) de Schubert ainsi que le Concerto n°4 en sol majeur de Beethoven. C’est le pianiste italien Andrea Lucchesini, spécialiste du répertoire beethovénien (il a enregistré en 2004 l’intégralité de ses sonates) qui tient le clavier. JACQUES FRESCHEL Aïda Les 25, 27 nov, 2 et 5 déc. à 20h le 30 nov. à 14h30 et le 7 déc. à 17h Concert Pido/Lucchesini Le 12 déc. à 20h30 à l’Auditorium du Pharo Stars et jeunes talents Boris Berezovsky © Julien Mignot Deux grandes stars des scènes classiques sont annoncées au pied du palais papal. Le tsar des claviers Boris Berezovsky joue l’«Appassionata» de Beethoven, la «Wanderer – Fantaisie» de Schubert et l’épique Sonate en si mineur de Liszt (le 25 nov), quand la superbe soprano albanaise Inva Mula chante Bellini, Donizetti, Gounod Massenet et Verdi (en compagnie de l’OLRAP dir. Paolo Arrivabeni – le 12 déc). On attend également le Trio Jerusalem dans le Trio «à l’Archiduc» de Beethoven et le Quatuor pour la fin du temps de Messiaen (clarinette : Nicolas Baldeyrou, le 9 déc). Côté promotion de jeunes talents, outre les traditionnels «apér’musique» les samedis à 17h («Les heures baroques» - le 29 nov) et «apér’ opéra» (CNIPAL le 13 déc), on attend un alléchant Tremplin jeunes chanteurs (le 28 nov, entrée libre). J.F. Opéra-Théâtre, Avignon (84) 04 90 82 81 40 www.mairie-avignon.fr Noël de Pythéas L’Ensemble Pythéas, conduit du violon par Yann Le Roux-Sédes, annonce un concert de Noël qui devrait séduire un large public. Associés au ténor Laurent Blanchard, les musiciens proposent des pages célèbres comme le Canon de Pachelbel, l’Aria de la suite en ré majeur, «Schlummert eir» tiré de la Cantate BWV 82 de Bach ou Music for a while de Purcell, mais également des extraits des Variations Goldberg dans une version rare pour trio à cordes, des pages de Haendel, Mozart... J.F. Ensemble Pythéas Le 13 déc à 20h30 Eglise St-Ferréol (1er) 04 96 11 04 61 Espace Culture ou le soir du concert Adina Aaron © X-D.R Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr Gloria Puccini et quatuor à cordes Deux concerts sont annoncés au théâtre d’Aubagne. La Messa di Gloria de Puccini ainsi que des airs d’opéras sont chantés par Luca Lombardo (ténor), Claude Méloni (baryton). Les chœurs sont dirigés par Jean-Claude Latil et accompagnés au piano par MarieFrance Arakelian (le 22 nov). Le Quatuor Debussy (Victoire de la Musique en 2006) joue un programme éclectique de Chostakovitch à Webern (le 29 nov) J.F. Théâtre Comœdia, Aubagne. 04 42 18 19 88 www.aubagne.com Le piano roi Thomas et Anne Marie Girard jouent au piano le Concerto n°5 de Beethoven et le Concerto n°27 de Mozart avec l’OLRAP dirigé par Volker SchmidtGertenbach (Saint-Martin de Crau le 22 nov à 20h30 au centre culturel - 04 90 47 06 80). Toujours avec l’orchestre d’Avignon, dirigé cette fois par son jeune chef Jonathan Schiffman, Michel Bourdoncle interprète le Concerto n°20 de Mozart. On entend aussi Danse Sacrée et Danse Profane de Debussy et un hommage à Messiaen avec Les Trois Petites Liturgies de la Présence Divine et les Ondes Martenot de Claude Samuel Livine (Marseille, le 2 déc à 21h au Théâtre Toursky – 08 20 30 00 33). Le festival se conclut par un récital Chopin de Pierre Morabia et de jeunes pianistes du Conservatoire Darius Milhaud (Aix, le 19 déc à 20h30 – Cité du Livre - 04 42 16 11 70). J.F Festival Les Nuits pianistiques 06 16 77 60 89 www.lesnuitspianistiques.com Quatuor Debussy © Frederic Jean 41 The Grim Experience Croisement des arts Un Week-end classique fait résonner des Sonates pour violon (Alice Pierlot) et clavecin (Jean-Marc Aymes) de Mozart (le 21 nov), les fameux Quatuors du Soleil de Haydn par le Quatuor Rincontro (le 22 nov) et le Divertimento pour Trio à cordes K563 de Mozart par le Trio AnPaPié (le 23 nov). On part ensuite «sur les traces de Marie-Madeleine» (le 6 déc). Après une conférence de Marie Aubert autour du tableau La Prédication de Marie-Madeleine (à 16h au Musée du Vieux Marseille), on flâne aux abords du Panier avant d’écouter la diva baroque Maria Cristina Kiehr et le Concerto Soave (dir. Jean-Marc Aymes). On découvre un programme conçu par Catherine Cessac autour d’opus de Charpentier, Monteverdi, Agneletti et des textes de Bossuet et Bérulle (récitant : Benjamin Lazar). J.F. Euterpes Concerts à 20h30 Chapelle Sainte-Catherine 04 96 11 04 61 Espaceculture 04 91 33 08 12 Boutique Harmonia Mundi Euterpes 04 91 90 93 75 www.crab-paca.org Maria Cristina Kiehr et Jean-Marc Aymes © Marie Eve Brouet Après le succès des Fastes vénitiens de Jean Tubéry au Sacré-Cœur, le centre Régional d’Art Baroque Euterpes annonce quatre concerts sur l’esplanade de la Tourette. Après la soirée Meeting sonic (le 27 nov à 20h) qui voit se succéder la performance de Fouad Bouchoucha, les machines analogiques du duo RBNX et les guitares de Jean-Marc Montera, du collectif slovaque Urbsounds (synthé-boite à rythmesampler), on attend le désormais traditionnel Festival Nuits d’hiver (6e édition, du 11 au 21 déc). Dix jours de concerts, rencontres, tables rondes, projections à Montévidéo, l’Alcazar ou la médiathèque de Rousset et une pléiade de musiciens artistes/performers : Rova Saxophone Quartet, Jean-Pierre Drouet et Vinko Globokar, Ninh le Quan & Tony di Napoli, Dominique Grimaud… des musiques toujours Rova Saxophone Quartet © X-D.R surprenantes qui cherchent à explorer des territoires sonores nouveaux. J.F. Festival Nuits d’hiver Du 11 au 21 déc Grim 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com Beethoven& Monteverdi Décembre musical sera NÎMOIS !!! Les fans de Beethoven retiendront leur souffle avec l’Intégrale des sonates pour piano par un relais royal de pianistes sur une semaine : Claire Desert © Vincent Garnier Jean-Efflam Bavouzet ! Claire Désert! Abdel Rahman El Bacha, Ho Jeong Lee ! Andrei Korobeinikov ! JeanFrédéric Neuburger ! Emmanuel Strosser ! Un concept initié par René Martin qui a fait ses preuves à La Roque d’Anthéron et aux Folles Journées de Nantes : l’intégrale de Beethoven au piano en 10 concerts du 1er au 5 déc. Les amateurs d’opéra baroque pourront ensuite goûter à l’un des chefs-d’œuvre du XVIIe siècle : Le Retour d’Ulysse de Monteverdi. Une création rare, immanquable, réactualisée, relue par William Kentridge, jouée par des solistes rompus à ce répertoire et le Ricercar Consort Abdel Rahman El Bacha © Alvaro Yanez dirigé par Philippe Pierlot (les 11 et 12 déc à 20h)… En attendant le Chanteur de Mexi…iii….cooo, le 27 déc J.F. Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com 42 MUSIQUE FIESTA DES SUDS | BERRE L’ÉTANG | CHARLIE FREE Et toi, ta Fiesta ? Zoom sur la soirée du 24 octobre ce brouhaha désolant. Est-ce le lieu, si peu propice à une scène, qui est en cause ? Pas forcément quand nous venons d’écouter la prestation précédente… Mais coincé entre les palissades sous la passerelle ce n’est pas le rêve. Pourquoi ne pas alors se produire à l’intérieur ? Ou derrière le bâtiment, actuellement véritable déambulatoire gastronomique… ? Bien des questions qui mériteraient d’être posées. La Fiesta est un lieu de fête mais avant tout un festival musical. La qualité d’écoute et le confort du spectateur devraient être prises en compte… et aboutir à une remise en question. Quelques jours avant qu’Alain Bashung ne fasse des prouesses sous la passerelle de l’autoroute, la grande scène des Docks accueillait le funky hip hop Beat Assailant. Le rappeur d’Atlanta, gonflé par le succès de son second album Pressure, dégage une maturité et une aisance déconcertantes. Groove jazzy et rap perfectionné rythment un show huilé où instrumentistes acoustiques de très bon niveau (saxophone, trompette et trombone) échangent avec les platines de DJ Pfel. Seule la pauvre chanteuse à frou-frou ne trouve ni sa place ni sa voix dans cette parfaite harmonie mélodique et généreuse. Changement de ton avec les déjà anciens Asian Dub Fondation pour un nouveau melting-pot sonore, plus électro, plus punk rock mais surtout moins propre. La sonorisation exécrable rend la partition des londoniens parasitée et peu audible. Impossible de ressortir une ligne de basse ou même une rythmique de tambour dans FRÉDÉRIC ISOLETTA Beat Assailant © X-D.R. Down under the gloomy on-ramp freeway Faut-il remettre le couvert sur l’air de «la fiesta c’est plus ça ?» Il est vrai que caler la scène principale sous la bretelle de l’autoroute provoque un sentiment d’indisposition (heureusement passagère). Piliers mégalithiques dans l’axe de vision, rétrécissements sur les bords, sensation de plafond de plomb, ambiance gris-glauque, domination de l’ombre de la tour Hadid… Cependant, pour les vieux briscards du show-biz, il ne semble pas y avoir de lézard. Et, visiblement enjoué, Herbie Hancock en très bonne compagnie a superbement ignoré l’obstacle. En bon professionnel et pas seulement. Lui et ses comparses ont encore donné de leur personne. Avec cette élégance généreuse d’engager l’affaire dès l’entrée en scène pour, deux heures plus tard et quelques emprunts sur le timing d’Omara Portuando, répondre aux rappels sans calculer le sablier, frais et funky jusqu’au bout. Le public était là beaucoup pour la légende. Il a découvert Grégoire Maret, un harmoniciste transalpin stupéfiant. Ce genevois aux vibrantes références (Cassandra Wilson mais surtout Pat Metheny ou Steve Coleman) a progressivement imposé un souffle subtil, élégant, inspiré et puissant aussi. Poussé par ses coreligionnaires en vagues successives, le plus discret instrument scénique s’est arrogé de belles portions d’espace sonore. La prestation de Lionel Loueke à la guitare apparaissait par comparaison en retrait, le clavier portable du chef un jouet Bontempi, le solo de batterie de Kendrick Scott récupéré pour la forme, la scintillante trompette de Terence Blanchard perdant de son éclat et les formes de la contrebasse moins généreuses pour James Genus. Finalement le sextet nous faisait oublier les tonnes de béton au-dessus de nos têtes, avec pour une fois n’est pas coutume dans ces conditions d’écoute hostile, une sono très convenable même de loin, à côté des écrans mous. Près des piliers on s’est bien Maret. CLAUDE LORIN Herbie Hancock © Agnes Mellon 43 La petite fille qui voulait danser Dans l’ancien hall récemment réaménagé du Forum, Louis Winsberg et son nouveau format poursuivent l’exploration des métissages jazz-fusion tendus par la force flamenca plus les arabesques du Maghreb. Jubilation communicative ! Sucré Salé Nneka © Youri Lenquette Mi-figue, mi-raisin, la récolte de cette année à la Fiesta devait être l’aboutissement logique des Cultures passées, le prolongement mûri d’un défi à la Fête, lancé à Marseille il y a 16 éditions. L’équipe affichait un large sourire dès de la conférence de presse, qui réunissait de façon plutôt maladroite deux grandes dames de la musique latine : Calypso Rose et Omara Portuondo n’ont pas eu à pâlir de leurs prestations respectives, comme l’ensemble de la programmation qui n’a pas connu vraiment de fausse note. Mais fait nouveau, la foule rentre se coucher à 0h30, dommage pour la soirée hip-hop par exemple. Moins de soirées, moins d’artistes… si le choix y est, peu importe la quantité ! Si c’est l’occasion de belles découvertes, comme Tumi ou Nneka cette année, si on peut encore goûter les spécialités du coin (le show de Ba Cissoko, seul met local avec les galettes des DJ du 88,8 de la grenouille), on reste sur sa faim, et on repense avec nostalgie à la liesse des premières années. Chacun y ajoutera sa critique sur la convivialité, l’ordre de passage des artistes, et la cuisson de certains plats, «réchauffés» pour CQMD ou Baz Baz. On avait déjà coupé net son parfum salsa, jeté au panier ses recettes communautaires, la Fiesta de minots a fondu et les arts visuels sont aujourd’hui mis en boîte dans des containers. Plus étrange encore, on rajoute des éléments extérieurs (Trust, Dragon bal sont accueillis par la Fiesta) pour faire bonne figure. Nomade de par son origine, la Fiesta changera de lieu l’année prochaine, chantier du tramway oblige. Elle ne s’en soucie guère : si la sauce ne prend pas à chaque fois, elle reste un plat de résistance offert à tous les marseillais, l’occasion de se faire servir Vanessa Da mata sur le sable de Rio, Asian Dub Foundation à Notting Hill, et Maalesh à la terrasse d’une paillotte… X- RAY Ce soir-là, le public du Forum de Berre n’avait sûrement pas conscience d’un moment de petite exception. Lorsqu’un ensemble est en phase de rodage suite à une résidence de création, l’auditoire vit en direct les tentatives exploratoires et sonores du moment, les flottements comme les pics d’intensité. Dès les premières frappes du danseur, le martèlement rythmique des talonnades, sonnantes mais non trébuchantes, on comprend qu’on n’est pas ici pour voir un bon concert seulement. Danser d’emblée le flamenco avec un ballon entre les bottines n’est pas commun. Vous comprenez le symbole et la passion : Marseille, Marseille… L’idée est surprenante et quelque chose dit que c’est encore à travailler dans le jeu des rebonds, les glissements sinueux entre les jambes, les chocs et les sons construits par l’esprit fusion. Le ballon et le flamenco ça peut être le pied, puisqu’il s’agit et s’agitent de la danse et des sons, des corps tendus, de se renvoyer la balle au propre comme au figuré, Winsberg © X-D.R tenter des combinaisons complices à la figure entre les différents instrumentistes, le soutien de ponctuels «olé», l’intensité, la tension, les regards qui cherchent en l’autre un dépassement improbable mais désiré de la musique. Dans cette infernale machinerie, une seule jeune femme, Mona, se devait d’affirmer sa voie au chant et réussissait mieux encore à certains moments, son oud entre les bras, à exprimer les ondulations du Maghreb. Parce que ce projet qui mêle autant d’univers musicaux en évitant soigneusement le formatage world, écriture et improvisation, structuration et liberté, tradition et invention, s’impose le défi d’une ductile bienveillance envers toutes ses composantes. Et tout le monde s’y est mis ! La pitchoun de trois pommes au premier rang voulait danser aussi ! Affiché pour deux soirées, Marseille, Marseille faisait carton plein. Idem quelques semaines plus tard pour le concert à guichets fermés de Pura Fé. Ceci confirme le choix avisé d’une programmation qui se veut tant exigeante que conviviale. On attend donc la touche finale pour le hall/salle de concert avec un design signé Serge Puech, plasticien intervenant du Forum. La saison s’annonce bien ! CLAUDE LORIN Louis Winsberg a joué Marseille-Marseille les 17 et 18 octobre au Forum des Jeunes et de la culture de Berre www.forumdeberre.com www.louis.winsberg.com Trombone bulgare à Charlie Free Il est des moments que l’on gardera dans le cœur pendant longtemps et le concert du Horizons Quintet est un de ceux-là… Georgi Kornazov est tromboniste, d’origine bulgare. Il dit n’exister pleinement que lorsqu’il est sur scène, notamment avec le guitariste Manu Codjia, son complice depuis de nombreuses années, le savoureux saxo soprano Emile Parisien, Marc Buronfosse à la contrebasse et le batteur canadien Karl Jannuska. Un 3e album récemment enregistré est présenté ce soir-là : Viara (Espoir), «pas l’espoir dans le sens religieux du terme mais parce qu’il faut que le jazz existe et c’est pas évident en ce moment» nous dit Georgi. On est accroché et étonné par cette musique qui se renouvelle sans cesse au fil du concert et emmène de surprises en émois. On sent que chaque musicien est là, présent et nourri de l’autre pour apporter sa pierre à l’édifice commun. Les duos saxo/trombone débordant de lyrisme nous font subtilement deviner un substrat balkanique… mais avant tout mettent en évidence le talent de musiciens impliqués très physiquement dans leur art. La construction de ce jazz réussit à tenir en haleine tout au long de pièces telles que Véronique, Oblatsie (Nuages) ou Sianie (Rayonnement) joué sur un thème enfantin, fouillis évoluant en salsa avec des effets de guitare très cristallins... Une démesure d’ingéniosité. Et un CD indispensable ! DAN WARZY Ce concert a eu lieu au Moulin à Jazz à Vitrolles le 25 oct Georgi Kornazov’s Horizons Quintet Rèf : BMC CD 145 - Viara 44 MUSIQUE CONCERTS Familles méditerranéennes Dans le magnifique auditorium du Parc Chanot, la grand messe d’Averroès a communié l’identité méditerranéenne en musique : en trio, puis en duo, les musiciens ont prolongé, à leur façon, la perspective d’un rapprochement des peuples… Les Rencontres d’Averroès accompagnent traditionnellement leurs débats par une démarche culturelle : des lectures, des projections vidéo et, entre les Tables rondes (voir pages 70 et 71), un grand concert méditerranéen. Inviter chez elle la famille Chémirani était logique, comme pour lever un voile sur l’inspiration traditionnelle orientale et «vivre une Genèse à l’heure iranienne». En l’absence du père, la voix solennelle de la sœur équilibre les échos puissants du zarb tenus par ses deux frères : bien que pluri-instrumentistes, c’est en touchant la peau de cette percussion qu’ils semblent s’approcher d’une mystique ; on y entend presque un souffle ou une corde. Haroun Teboul, en complice, interviendra spontanément, pour relire un premier livre chargé d’Histoire. Dans l’autre famille, celle des Luths, DuOud complète la trinité acoustique par l’apport de l’ordinateur. Sonnant l’heure de l’Apocalypse -ce qui a fait peur à quelques brebis égarées-, ils ont envoyé «le Oud dans le monde des dinosaures», et s’en servent comme de Kalachnikovs pour visiter Zanzibar sur des rythmes Jungle, et honorer la mémoire de Gengis Kahn en hard rock. Une vision plus sombre, futuriste et moderne certes, mais magnifiée par le son de l’instrument légendaire. Trio Chemirani © X-D.R. X-RAY Yapataga Métal gagnant Grand messe sonore réussie sur la scène de l’Espace Julien le 28 oct avec la présence du groupe américain Suicidal Tendencies Si en sortant de ce concert on vous dit que les membres du groupe mythique californien arpentent les salles depuis 26 ans, vous aurez du mal à y croire tant la formation Suicidal Tendencies n’a pas pris une ride. Skate core ou skate punk certes, mais on trouve surtout une bonne dose de métal dans les veines du quintette explosif ! Produite par le Moulin, l’affiche a drainé une foule d’adeptes du prosélytisme vestimentaire : bandana sombre sur le crâne à l’image du chanteur Mike Muir sans oublier le bouc bien taillé de tous ces barbus. Succès unanime de la fosse au fond de salle, nos américains font des merveilles. Présence scénique volcanique et sonorisation très propre, une fougue contagieuse habite la scène. Les titres s’enchaînent et mettent en lumière les qualités instrumentales des musiciens, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce type de musique. Le batteur, nouveau venu dans ce monde tendancieux, se fera particulièrement remarquer, grâce à ses prouesses techni- ques et son art de varier et rendre attractif l’accompagnement rythmique, trop souvent dévolu à l’uniformité. Et; bien qu’il ne soit plus novice en la matière, l’entrain et la proximité des Suicidal avec le public fait plaisir à voir! Elle donne un côté convivial à un concert professionnel de grande qualité: certains groupes devraient s’en inspirer (du professionnalisme et/ou de la convivialité !). FRÉDÉRIC ISOLETTA Suicidal Tendencies © X-D.R. Le quatuor musical Volcano the bear a donné à Montévidéo un concert en formation réduite (deux musiciens…) des plus déroutants. On nous avait prédit de la déconstruction, des mélodies envoûtantes sur des bases folk, de l’improvisation. On assiste, un peu perplexes, à des jetés de chaînes sur une batterie, à des lancers de cymbales dans de la dînette en métal, et on craque quand, après quinze minutes passées à répéter «yapataga», le batteur martèle à en percer l’ouïe de tous ses auditeurs le même rythme insupportable pendant dix bonnes minutes. Comme ces petites gammes pentatoniques, ces chromatismes qui, plus qu’obsédants, s’avèrent carrément assommants. On ne sait que dire quand, après avoir servi à un spectateur un verre de vin, le batteur tape sur la bouteille avec ses baguettes avant de les jeter à l’autre bout de la scène en espérant toucher sa caisse claire, et que son acolyte vient le rejoindre pour jouer des percussions avec les verres en métal. Improviser revient donc, comme l’annonçait le programme, à délivrer «leurs imaginations, leurs délires»… On sent parfois pointer, d’un solo de clarinette ou de quelques rythmes aux percussions, une once de musicalité, parfois même des instincts mélodiques… Mais ces rares moments se voient régulièrement balayés par des cris, des sons crachés dans une trom- Volcano the bear © X-D.R. pette à travers un tuyau d’arrosage, un motif sur une bande son répété à l’infini. Que dire, sinon que Cage savait, il y a de cela quarante ans, pratiquer la déconstruction avec cent fois plus de technique, d’idées mais surtout de transgression ? Car rien de ce que nous a servi Volcano the bear n’avait le mérite minimal d’explorer un terrain nouveau… SUSAN BEL À venir au Grim Le 27 nov. : Soirée Meeting Sonic (20h), performance de Fouad Bouchoucha, Duo RBNX/Jean-Marc Montera (21h), collectif slovaque Urbsounds (22h). Du 11 au 21 déc. : Festival Nuit d’hiver #6 avec le Rova Saxophone Quartet, Jean-Pierre Drouet & Vinko Globokar, Ninh le Quan & Tony di Napoli, Dominique Grimaud, Nicolas Dick… GRIM 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com 45 Transes du bad boy de Bristol C’est dans une atmosphère envoûtante que Tricky, figure majeure de la scène trip hop anglaise, a emporté le public marseillais le 9 nov à L’Espace Julien La sortie de Knowle West Boy en juillet 2008 a fait événement. Album hommage au quartier d’enfance du musicien, il est aussi une célébration de toutes Tricky © P. Gondard. les influences musicales qui l’ont nourri depuis Maxinquaye en 1995. Hip hop, dub, punk, reggae, blues ou rock saturé de guitare, les étiquettes convoquées sont nombreuses pour décrire les compositions. Sur place, nous sommes embarqués dans l’univers sensuel et hypnotique du Tricky Kid de Knowle West. Sa présence est diffuse. Sur scène, la formation est classique : basse, guitare, clavier, batterie. La soirée débute par des titres du nouvel album parmi lesquels Puppy Toy, le très beau Joseph et la chanson cadencée Veronika, magnifiquement interprétée par la nouvelle chanteuse qui accompagne l’artiste. Puis cela s’élargit à des titres de Maxinquaye, de Nearly god et de Pre-millenium Tension. L’association du côté mouvant et habité du maître de cérémonie avec la présence éthérée de la jeune chanteuse est émouvante. Celui-là se mue en chef d’orchestre d’une sorte de rituel. Après une première partie efficace mais courte, nous entrons dans un deuxième set détonnant. On connaissait la réputation d’instabilité du lascar sur scène. Ce soir, les vibrations sont bonnes. Les morceaux s’allongent, s’improvisent et se terminent sur un geste symbolique invitant une partie de la salle sur scène. La relation au public est transformée : on ne vient pas consommer du beat mais vivre tous ensemble un trip ! DELF Celui qui fait parler les peaux Billy Cobham est très certainement un des batteurs de jazz les plus talentueux de notre époque. Michel Antonelli, acteur incontournable de la scène jazz marseillaise, a œuvré pour mettre en place cette master class, à mi-chemin entre concert et leçon. Un très grand nombre de batteurs étaient là pour admirer leur dieu. Billy Cobham, un bandeau jaune autour de la tête s’installe devant son Drum set et entreprend de partager ses pensées du bout de ses baguettes avec ses auditeurs subjugués. Il s’adresse ensuite au public : «Je suis devant un miroir qui réfléchit toutes mes pensées et ma sensibilité». Jouer de la batterie est pour lui comme une conversation avec des amis. Il nous dit qui il est. Tout est spontané, rien n’est construit d’avance. Des questions plus techniques sont abordées, comme le développement des capacités d’un batteur pour être ambidextre, l’endurance, la façon pour les musiciens de jouer ensemble et de se respecter mutuellement. L’objectif doit être de se focaliser sur ce qu’on ne sait pas bien faire ! Une invitation au travail. Séance de dédicaces pour la fin. Chacun aura eu l’occasion d’approcher Billy Cobham en toute simplicité. Ainsi Théo, un ado de 15 ans, se fait photographier aux côtés d’une idole. Il a déjà 10 ans de pratique et une volonté à toute épreuve. Dès l’âge de deux ans et demi il tapait sur des casseroles et demandait que le père Noël lui apporte... une batterie ! DAN WARZY Theo et Billy Cobham © D.W Cette soirée, co-organisée par le Cri du Port, l’école de musique Yamaha et la Baguetterie Marseillaise, a eu lieu à la Cité de la Musique le 5 nov Briser les murs Afrique, mon Afrique… Débute un spectacle au cours duquel les musiques venues de tous les horizons, soul, groove, blues, jazz, rap, hip hop, slam, world, folk se rejoignent et tissent un spectacle varié, qui a visiblement séduit un public qui comprenait de nombreux jeunes qui ont participé à des stages animés par le chanteurdanseur et poète marseillais. Les éclairages somptueux servent de cadre éloquent à ce «pur message», quelques bribes poétiques émergent, «ma plume écrit des vers au bout des larmes»… Les musiciens sont tous excellents : la basse efficace de Franck Galin, la batterie énergique de Ulrich Edorh, la guitare et le oud perlé de Christophe Isselée, le saxo fluide de Fred Buram, l’étonnante vielle de Pierre-Laurent Bertolino, l’époustouflante flûte de Miqueù Montanaro et son accordéon. Aux percussions et chœur, il y avait une magnifique chanteuse africaine, Sibounguilé Mbamba, dont le timbre de voix, la qualité de chant, (quelques tierces aériennes…) laissent le Ahamada Smis © Patrick Fabre regret de ne pas l’avoir entendue davantage. Ahamada Smis a ménagé aussi, dans ce spectacle éclectique, l’art de la rencontre. Il s’est livré à un duo complice avec son ami Boss one du groupe de Hip hop marseillais 3e œil. Mais sa prestation avec le grand prêtre des lieux, Richard Martin, a constitué le moment sans doute le plus fort du spectacle. Pieds nus et chaussures rouges unies sur la même scène par une poésie incantatoire, inspirée à l’évidence des Pink Floyd… «On vient briser les murs… Art, étendard de notre révolte !». Des Comores à l’Occident semblaient ainsi rouler les mots dans un élan fraternel. MARYVONNE COLOMBANI Ahamada Smis s’est produit au Toursky le 14 nov 46 MUSIQUE CONCERTS | AGENDA Migrations sonores Ça occupe ! Fin d’année chargée et éclectique à l’Espace Julien avec l’afro-beat de Femi Kuti et un 5e album à la clé (22/11). Dans un registre plus world-music, Soha (28/11) est à découvrir ! Place au skacore avec Voodoo Glow Skulls (25/11), au pop rock avec Fiction Plane (3/12), au rock avec Ten years After (5/12) et Aston Villa (12/12), et au métal de Dagoba (19/12). La chanson n’est pas délaissée avec Yves Jamait (27/11) et Anis (4/12). Un peu de douceur Rn’b pour Marc Antoine (11/12) et d’électro jazz pour Julien Lourau (6/12). Ouf ! La Ruche fait son trou dans le paysage marseillais des nouvelles musiques traditionnelles. Les Ya’zmen vous feront partager un afro bled music riche en sonorités et en promesse (22/11). La création Red Rails de Baltazar Montanaro Nagy ne manquera certainement pas de couleurs et d’inventivité : mélange subtil de musiques improvisés, traditionnelles et savantes (13/12). FRÉDÉRIC ISOLETTA F.I. Julien Lourau © X-D.R www.lemurduson.org www.espace-julien.com Le son de Cavaillon Sweet home ! Arthur H © Laurent Seroussi David Walters © Jeremie Pitot Cavaillon s’active en cette fin d’année. Une belle programmation vous attend au Grenier à Sons, mais également au théâtre de la ville et au théâtre des Doms situé chez les voisins avignonnais pour le festival Novembre en Chansons. La 4e édition de ce festival incontournable de l’automne illustre à merveille la chanson française. Après Kwal, Rimbaud, Sourigues, il faudra compter sur Ben Ricour et Alexandre Kinn (21/11) et l’intemporel Arthur H, à ne rater sous aucun prétexte (28/11). Hors festival, le folk blues d’Eric Bibb et le coup de cœur Mélissa Laveaux (5/12) animeront décembre que ponctuera le flamenco de Juan Carmona (12/12). La fanfare de Ceux qui marchent debout clôturera tout ça en rythme et en cuivre (19/12). La Meson vous invite à la seconde partie du cabaret klezmer yiddish de Stéphane Galeski (21/11) avant d’offrir une carte blanche au délicieux Bijan Chemirani (28 et 29/11). Musique de transe avec Lo Griyo (30/11)et son haïtien pour Dyaoule Pemba (5/12) avant d’accueillir l’artiste sud-africaine Sibongile Mbambo (6/12), la folk soul du duo David Walters/Gérald Toto (7/12) et la tablao flamenco de La Rubia (13/12). F.I. www.grenier-a-sons.org www.theatredecavaillon.com www.lesdoms.be F.I. www.lameson.com Moriarty © Lea Crespi Ça chauffe ! L’Usine, le café concert d’Istres nous promet une fin d’année époustouflante : Tryo (21/11), le duo épicé The Dø (22/11), le bon rock trempé du bassiste des Libertines Razorlight (4/12), le punk détraqué des déjantés Swinkels aux textes châtiés (5/12), le melting-pot Moriarty (17/12), les fameux Blérots de Ravel et le nouveau venu Patrice (19/12). F.I. 04 42 56 02 21 www.scenesetcines.fr Chez Plume Le Nomad’Café fête la sortie de l’album de Plume à l’occasion d’un concert de l’artiste le 28 nov à 20h30. Pop jazz engagé et découverte de la loopstation venez découvrir la chanson irréaliste de la petite Plume en regard des installations projections de l’artiste Jean-Patrick Pelletier. F.I. www.lenomad.com 47 Ça s’fête ! L’association Techné et le Grim présentent le 27 nov à 20h à Montévidéo Meeting Sonic. Installation sonore, réflexion, performance… Ne ratez pas Fouad Bouchoucha et JeanMarc Montéra, en duo avec RBNX du Collectif Urbsounds pour un aller retour entre l’impasse Montévidéo et Bratislava. Le Cargo de nuit, scène arlésienne reconnue et réputée, fête noël avant l’heure. Le puissant rock français de Mokaiesh (28/11), l’électro pop rock anglais des Chikinki (5/12), l’onirisme de Spleen (12/12) et le rock délirant de Raoul Petite (19/12) nous promettent de belles soirées du côté de la Camargue. hybridsound - Fouad Bouchoucha © X-D.R Bratislava / Marseille Spleen © X-D.R F.I. F.I. www.cargodenuit.com www.grim-marseille.com Au Programme MARSEILLE Balthazar : Pat the white (28/11), Really addictive sound, Dissonant nation (29/11), Festival hip hop culture : hip hop lives, c quoi ton flow (4/12), Lou seriol, original’occitania (5/12), RPZ, Popo chanel, Daf (6/12), Tcheaz & Wine : La Goutte, DJs A, Freeze & Facteur (13/12), Punjab (18/12), Boogie Balagan (19/12), Ragga Balèti de Noël (20/12) 04 91 42 59 57 www.aubalthazar.com games (28 et 29/11), Tambor y Canto (29/11) 04 91 42 99 79 www.elachedecuba.com Embobineuse : Pak, Stig Noise Sound System (25/10), Spectre, Sensational & Kouhei Matsunaga (28/10) 04 91 50 66 09 www.lembobineuse.biz Espace culturel Busserine : concert Kreol Babo B’Jalah (12/12) 04 91 58 09 27 Cabaret Aléatoire : Hermann Dune (20/11), Roots Manuva (23/11), La Chanson du dimanche (29/11), Puppetmastaz (2/12), The Black Angels (4/12), Jack de Marseille (20/12) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com Cité de la Musique : Moussu T e Lei Jovents rencontrent Arlee Léonard (jusqu’au 21/11), Autour du trio et du quatuor (21/11), 4e édition de Tambor y canto (27 au 30/11), Foliephonies (8/12), Hommage à Arthur Pétronio : ensemble musiques présentes, dirigé par D. Dahl avec J.-L. Beaumadier (flûte) et J.-C. Maurice (baryton) (12/12) 04 91 39 29 19 www.citemusique-marseille.com El ache de Cuba : Le bœuf par le collectif Maudit Comptoir (21/11), Soirée Body and Soul (22/11), Jam session (27/11), Musical bar and Espace Julien : Fat Freddys drop after Selecta Izmo & Mars Blackmon (21/11), Monster Magnet (26/11), Asa (10/12), Dagoba et invités (19/12) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com L’Affranchi : Zaho (21/11), Tunisiano (25/11), Neg’Marrons (28/11), Spleen (13/12) 04 91 35 09 19 www.l-affranchi.com La Machine à Coudre : Elektrolux (22/11), Uncommonmenfrommars, Ravi, Gravity Slave, OnOff, Second Shot (28/11), Kabu Ki BuddAH (12/12), The Great Smuc Zarma Orchestra, Devil Crockett, Demons (20/12) 04 91 55 62 65 www.lamachineacoudre.com Leda Atomica Musique : Les Inovendables : Loic Kessous, Libertalia (21/11), Jacques Dudon, Naomi Jean O’Sullivan (22/11), Alex Grillo, Daniel Biga (28/11), Pierre Gordeeff (28 et 19/11), Phil Spectrum et Sauvages Organismes Sonores (29/11), Pascal Ferrari, Robert Rossignol (5/12), Jérôme Désignaud, Henri et Idriss Agnel (6/12) ; Kabar Labolition (20/12) 04 96 12 09 80 http://ledatomica.mus.free.fr Paradox : Cabaret Le bar de la femme sans tête (28/11) 04 91 63 14 65 Le Lounge : Plastic Bag (21/11), Choking smokers (22/11) www.myspace.com/lelounge13 Station Alexandre : Orchestre de chambre slovaque Cappella istropolitana (29 et 30/11) 04 91 42 05 87 www.station-alexandre.org AIX Le Korigan : Kehlvin, Celeste (21/11), Babylon Pression (22/11), Dawta Jena & Urban Lions (29/11), Entombed, Brutal Rebirth, 666 Seconds of Chaos (10/12), Mad Sin, Citizen Go!!!, Dead Valdez (12/12) 04 42 54 23 37 Luynes AUBAGNE L’Escale : Kaly Live Dub, Dubmood versus Dj Facteur (29/11) 06 29 75 09 71 www.mjcaubagne.fr AVIGNON Théâtre des Doms : A nex cartography avec le Wang Wei Quartet et Yiphun Chiem (11/12) 04 90 14 07 99 www.lesdoms.be Ajmi : Jérémie Ternoy Trio (21/11), Wajdi Cherif (30/11), René Bottlang (7/12), Ben Aranov trio (12/12) 04 90 860 861 www.jazzalajmi.com VITROLLES Moulin à Jazz / Charlie free : Julien Laliier Quartet (29/11), 10e Nuit des Scènes du jazz : Christian Brazier Quartet (13/12) 04 42 79 63 60 www.charliefree.com SALON Portail coucou : Blaspheme (29/11), No Perfect, President King Kong, Clan D (6/12), Les soldats du funk (13/12), Boogie Balagan (20/12) 04 90 56 27 99 http://portail.coocoo.free.fr SIMIANE Office de la culture : Quintette Tanghost (22/11), Noosphere (13/12) 04 42 22 62 34 www.mairie-simiane-collongue.fr 48 ARTS VISUELS [MAC] | REGARDS DE PROVENCE Des îles d’art Au [mac], la promotion 2008 art et design de l’École supérieure des Beaux-Arts de Marseille confirme la vitalité de l’enseignement transdisciplinaire de cette institution originale Archipélique ? Le titre de l’exposition est emprunté à un néologisme selon l’injonction de l’écrivain Edouard Glissant : «Contre la prison des systèmes et des identités, sois fragile, ambigu, incertain, intuitif : archipélique». Chacun de ces jeunes artistes apparaîtrait donc comme un des îlots composant un archipel esthétique informel. Pourtant, rien ne trahit une quelconque des faiblesses énumérées ci-dessus, même si l’on repère des propositions prépondérantes. Pour vous en convaincre, poursuivez la visite avec les collections du musée : le [mac] expose son fonds abondant par roulement, et les jeunes artistes ne pâlissent pas d’y être confrontés ! Bon nombre de médiums sont présents -peinture, photographie, sculpture, dessin, assemblage- mais le principe de l’installation revient souvent, appliqué avec ambivalence par exemple à des tableaux sur toile et aussi au design. Dans ce cas particulier, deux projets interactifs s’offrent comme mise en espace (poétisée contre la volonté des auteurs ?) plutôt qu’en tant qu’objets. Dommage que le matériel informatique soit défaillant : aurait-on si peu de moyens qui réduisent dès le premier jour la pertinence du propos ? On partage l’amertume de Luc Jeand’heur, responsable du site informatique de l’école, qui accompagne notre visite ce jour-là. Bertrand, sans titre 2, 2008, huile sur toile, 250 x 2000cm. © C. Lorin S’exposer est déjà se donner comme fragile aux regards des autres, évitons de casser le boulot des jeunes (artistes) émergents ! P.S. : cette promo 2008 est au nombre de 36 ; pour éviter partialité et subjectivité rapide, j’ai dû n’en citer aucun. Mais vous les aurez tous sur le site de l’école ! CLAUDE LORIN Catalogue en cours d’impression Archipélique jusqu’au 11 janvier [mac] musée d’art contemporain 04 91 25 01 07 www.esbam.fr À la lumière de Jean-Baptiste Olive Une exposition et un catalogue raisonné remettent au goût du jour l’œuvre de l’une des figures de l’École provençale, Jean-Baptiste Olive, moins connu que ses pairs Après l’œuvre de Pierre Ambrogiani, tout en générosité et en exubérance, la Fondation Regards de Provence focalise son attention sur un autre maître de l’École provençale, Jean-Baptiste Olive (Marseille1848-Paris 1936). Curieusement, celui qui toute sa vie plaça sa ville natale au cœur de son œuvre la quitta très tôt pour s’installer à la capitale, avide de reconnaissance. Si le Vieux Port, le port de la Joliette, les calanques alentour, l’étang de Berre, le littoral de Martigues à Monaco furent l’épicentre de ses toiles, c’est dans son atelier parisien qu’il les réalisa de mémoire. Peut-être est-ce cette distanciation d’avec son sujet qui rend sa peinture moins sensuelle, comme légèrement «bridée», exceptées ses natures mortes, plus palpitantes de vie que ses marines ? Peintre minutieux, méthodique et donc rarement spontané, homme discret et solitaire, Jean-Baptiste Olive déclina des années durant les mêmes thèmes sans autre préoccupation que de «chercher ses ra- cines dans l’exaltation de son territoire provençal». Mais une exaltation neutre, exempte de discours social ou humain : jamais l’artiste ne représenta la vie grouillante du Vieux-Port par exemple, ou se laissa gagner par l’exercice du portrait. De même qu’il ne fut guère influencé par les époques et les écoles, «restant dans la transparence de tous les courants» comme le souligne Franck Baille, coauteur avec Magali Raynaud du catalogue raisonné de son œuvre (voir Zib 12). À peine quelques digressions vers l’impressionnisme, mais de manière marginale, et le voici très vite revenu à une facture et à un cadrage classiques. Comment expliquer alors l’engouement des galeristes et des collectionneurs qui, de son vivant, lui permirent de vivre de son art ? Certainement en raison de sa maîtrise technique, de son sens de la composition équilibrée, des effets de transparence et de lumière dans les paysages, la luxuriance de ses natures mortes héritée d’Antoine Vollon et de J.-B. Olive - Deux grenades -eclatees, verre Chardin. L’héritage, le mot est lâché : Jean-Baptiste Olive est simplement le digne héritier des peintres bourgeois marseillais et lyonnais qui trouvèrent grâce aux yeux des familles de marchands et de soyeux. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI Jean-Baptiste Olive jusqu’au 25 janvier Palais des arts, 1 place Carli (1er) 04 91 42 51 50 www.regards-de-provence.org ENTRETIEN AVEC GUY LIMONE | VOL DE NUITS ARTS VISUELS 49 Bonne limonade Désormais stabilisé dans ses murs, Le Château de Servières a invité Guy Limone pour la présentation de vidéos principalement, certaines montrées pour la première fois était important pour eux. L’œuvre choisie était projetée sur leur visage, le tout filmé en gros plan fixe. L’ensemble était monté ensuite par un technicien, car je veux intervenir le moins possible pour laisser la place à ceux sans qui l’œuvre n’existerait pas. Je propose le projet, le mets en place avec les personnes volontaires mais toute la partie technique est donnée à faire. Vous n’êtes donc pas un vidéaste ! Et ce genre de travail sociologique échappe par nature au statut habituel de l’œuvre d’art, au marché… C’est bien pour cela que ces pièces, comme celle réalisée au lycée Français de Rabat qu’on voit ici, étant collectives, doivent être présentées dans des lieux publics avant tout. Ce ne sont pas des pièces de galerie pour une collection privée. Elles doivent être rendues à la communauté. Revenir à Marseille, est-ce une manière d’inter-roger votre pratique qui a débuté dans cette ville ? En quelque sorte. Cela fait quelques années que j’ai entamé ce travail (les personnages collés sur les fluos, les pièces statistiques…) et je m’interroge sur la suite : mon statut d’artiste, représenté par une galerie internationale (Dominique Perrotin, ndlr), la nature de mon travail, la conception en atelier et à l’extérieur, certaines pièces ne sont pas faciles à exposer comme les disques qui posent problème aux collectionneurs… Ne parlons pas des œuvres qui utilisent des techniques fragiles, qui tombent facilement en panne ! Je ne sais pas si je continue avec la vidéo de cette façon. Mais contrairement au travail en atelier, j’ai besoin de retrouver l’énergie, la confrontation, la relation avec les gens. C’est pour cela aussi que l’expo s’appelle Entre nous. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CLAUDE LORIN Entre nous Guy Limone jusqu’au 20 décembre Ateliers d’Artistes de la ville de Marseille 04 91 85 42 78 www.chateaudeservières.org Zouak france 2008 guy limone Depuis son départ du Château de Servières, l’association éponyme cherchait un nouvel ancrage dans Marseille. C’est heureusement chose faite grâce à la convention signée avec la ville. La (trop) petite équipe (mais très motivée) emmenée par Muriel Robin prend désormais en charge les Ateliers d’artistes du boulevard Boisson. Pour son exposition de rentrée sous cette nouvelle responsabilité, le Château a invité un vétéran marseillais, installé désormais dans la première ville de France. Zibeline : Les Ateliers vous sont entièrement consacrés. Est-ce une rétrospective ? Guy Limone : Non, j’ai voulu montrer des pièces qu’on a peu ou pas vues jusqu’à maintenant. Essentiellement des vidéos. Vous êtes connu pour vos travaux sur les couleurs (le jaune équivalent à votre patronyme) ou à partir de statistiques. Retrouve-t-on les mêmes problématiques ici ? Non. Je présente une seule pièce conçue dans le principe des petits bonshommes enfilés verticalement, qui joue sur les productions mondiales du charbon, c’est la pièce générique de l’expo. Mais pour les vidéos, c’est différent parce qu’elles sont conçues avec la participation de plusieurs personnes, des collégiens et des lycéens le plus souvent, des adultes, de différentes origines aussi. Quelle est votre démarche à ce sujet ? Pour J’ai une installation dans la tête, dans le cadre du Frac Paca, j’avais fait des mini résidences en travaillant avec des classes d’arts plastiques au Lycée Marseilleveyre et au collège Fernand Léger (c’était prémonitoire !) à Berre. J’ai proposé aux élèves de choisir une œuvre dans le catalogue du Frac ou dans le patrimoine commun et de dire à leur façon ce qui Espaces en soi Vol de Nuits s’affirme comme «lieu d’échanges et de rencontres autour de l’image photographique, développe des actions à vocation culturelle et sociale, en articulant conjointement sa galerie et ses ateliers». Le projet confrontation[s], initié par Mireille Batby, propose à quatre duos d’artistes d’associer leurs pratiques spécifiques pour explorer les possibles entre espace public et la part privée contenue en chacun de nous. Ainsi, un photographe est associé à un danseur, une chorégraphe, une plasticienne-performeur ou un auteur. Chaque duo élabore un projet et développe ses propres problématiques en regard d’un lieu particulier : Bertrand Saugier et Elsa Gaudefroy explorent des conduits urbains, Aurore Valade avec Aline Maclet sont en résidence à l’hôtel Le Corbusier, Emmanuelle Germain et Manon Avram séjournent en hôpital avec le 3bisF, Loeiza Jacq et Astrid Lefèvre ont déjà arpenté la gare Saint Charles à la rencontre de ses usagers. Le suivi du projet est conforté de trois autres artistes Claire Béguier (affiches, flyers), le groupe MOI (journal papier) et Driss Aroussi (blog). La restitution des toutes ces expériences aura lieu en mai 2009, avec la présentation des travaux et recherches menés lors des ateliers amateurs de l’association et des workshops d’artistes. Etant donné la multiplicité des propositions et de l’évolution des projets, il est recommandé de se rendre régulièrement sur le site web de Vol de Nuits ! C.L. Claire Begier, serie de photos de chiottes, 2008 confrontation[s] jusqu’au 30 avril 2009 Vol de Nuits 04 91 47 94 58 www.voldenuits.com Claire Begier, serie de photos de chiottes, 2008 50 ARTS VISUELS ARTOTHÈQUE | HÔPITAL CAROLINE Art irrationnel Connu pour ses mises en scènes de poupées Barbie, Olivier Rebufa expose au Frioul un ensemble de pièces interrogeant sa relation fondamentale au sacré. Chacun est bienvenu Signe des temps ou réalisation de la prophétie de Malraux ? L’aspiration en début de ce siècle à un regain de spiritualité s’incarne particulièrement dans le monde de l’art. La tendance chamanique s’expose à New York (NeoHooDoo...), à Paris (Pollock et le Chamanisme) et… à Marseille avec, dans le cadre des Rencontres du Sacré, l’exposition résidence d’Olivier Rebuffa, KawatKamul, qui signifie faire une offrande à un Dieu. Loin des vibrations urbaines, Olivier Rebufa s’installe en résidence à l’hôpital Caroline sur l’île du Frioul et expose une partie de ses recherches sur les relations entre l’art, la photographie son médium d’élection, et le sacré. Il accueillera le visiteur pour y partager leurs expériences et réflexions. Initié aux rites animistes en Guinée Bissau, il travaille actuellement à ce rapprochement de l’image photographique, technologie moderne et occidentale, avec une possible charge spirituelle dont elle pourrait être porteuse. Parlant des images faites notamment en Afrique noire où il est né : «La plupart des artistes qui reviennent de là-bas ramènent des documents. J’essaie de mettre mes photos au service du rituel, savoir quel pouvoir elles pourraient contenir». Comment donc une œuvre d’art peut être investie de cette potentialité magique évoquée par François Bazzoli lors du débat organisé en ouverture des Rencontres à l’Espace Culture ? La photographie -et partant, les autres arts- peut- elle produire des images actives, et non pas seulement narratives et de réjouissance esthétique ? En ce sens, il s’agit de s’intéresser à «ce que l’objet fait plutôt que ce qu’il dit» remarque l’anthropologue Anne-Christine Taylor. À l’ère de la reproductibilité industrialisée, Walter Benjamin rappelait la présence de l’aura intrinsèque à l’œuvre d’art, plus tard Joseph Beuys et Ligia Clark avaient particulièrement insisté sur cette part de l’art, sur ses pouvoirs de guérison. Le manque de sens, de spiritualité insistent certains, serait-il le mal de ce siècle ? CLAUDE LORIN Avatars du dieu Mam, 2007. Techinque infographie 3D, tirages impression encres pigmantées avec gris gris de protection au dos du cadre, 120x120 cm Du 20 au 29 nov, à l’Espace Culture a lieu un cycle de conférences organisé par l’association Zingha autour du thème du sacré dans le cadre des Rencontres du sacré à Caroline, pour se clore sur un Retour de Caroline, La part du mythe dans l’histoire de l’homme, du 17 déc au 5 janv. Avatars du dieu Mam, 2007. Techinque infographie 3D, tirages impression encres pigmantées avec gris gris de protection au dos du cadre, 120x120 cm Kawat-Kamul Olivier Rebufa Hopital Caroline, île du Frioul jusqu’au 29 nov association Zingha 04 91 08 14 33 Espace Culture 04 96 11 04 60 www.espaceculture.net Rencontres fictives Pendant que Van Gogh et Monticelli trônent à la Vieille Charité, l’artothèque accroche en deux volets les œuvres de nos contemporains inspirés eux aussi par les maîtres. Avec la part belle donnée à Jean-Jacques Surian en première partie Pour ce premier rendez-vous -le second aura lieu en début 2009sont invités Olivier Bernex, Maurice Fanciello, Gabriel Delprat et JeanJacques Surian. Ce dialogue singulier montre comment ces artistes contemporains se sont emparés de l’œuvre et des éléments biographiques de leurs pairs pour fabriquer des mises en scènes travaillées par leurs esthétiques très personnelles. Par exemple, Le Voyage à Marseille, ensemble de dix-sept pièces réa- lisées entre 1999-2000 qui fait suite à la série Le Retour de Van Gogh conçue par Jean-Jacques Surian en 1975-1976, révèle en fictions parfois amusées, dans le style si caractéristique de l’auteur, les (im)possibles retrouvailles de Van Gogh avec Monticelli. L’artiste confectionne des mythologies improbables pour l’exégète de l’histoire de l’art, mais à haute teneur symbolique parfois : tel ce portrait de Van Gogh en marionnette jaune (les variations chromatiques du Hollandais res- treintes à un aplat uniforme) articulée et rattachée (prisonnière?) à un châssis sans toile (fenêtre ?), maigre pantin réduit à un mouvement mécanique étriqué ; ou encore Vincent et Monticelli à Marseille chez les putes rue Bouterie. Le voyage comme la rencontre ont bien eu lieu. Version iconoclaste ! Jean-Jacques Surian, O. Bernex, M. Fanciello, G.Delprat jusqu’au 19 déc CLAUDE LORIN La collection de la première artothèque créée en France dans un établissement scolaire, possède plus 365 œuvres dont quelques séries remarquables Van Gogh, Monticelli et autres rencontres Artothèque Antonin Artaud 04 91 06 38 05 http://www.lyc-artaud.ac-aixmarseille.fr/artotheque 3BIS F | VŒUX D’ARTISTES ARTS VISUELS 51 Journées particulières Les arts, la création, le partage, donc la culture en actes dans un service de psychiatrie, rappellent combien un hôpital ne peut être ni un lieu ni une pensée clos. Le projet Mémento d’Aurélie Pétrel ravive cette impérieuse nécessité au cœur du 3bisf Aurélie Pétrel est une jeune photographe (elle est née en 1980) dont le travail traduit déjà une solide expérience et une maturité surprenantes. En témoignent la pertinence de sa démarche et les échanges fructueux avec les participants de l’atelier qu’elle a commencé début octobre et qui se clôturera fin novembre avec l’installation Mémento, comprenant photographies, rétro projections et vidéo. Au lieu de travailler sur une thématique, elle a proposé tout de go de «décortiquer le processus créatif». Chacun était incité à rendre compte Machines - 2008/Photographie contre-collée sur dibond , 50 x 50 cm Barcelone - 2006/Diptyque, photographie contre-collée sur aluminium, 73 x 73 cm et 73 x 114 cm d’une journée au sein de l’établissement, réelle ou imaginée, du lever au coucher du soleil à travers croquis, dessins, photographies, provoquant ainsi interrogations et questionnements dont celui central de l’auteur et de la création. Lors de sessions ponctuelles, ils ont été amenés à aborder le statut de l’image et son analyse en fonction des expériences vécues, la présence du corps dans ses déplacements. En particulier ceux qu’Aurélie Pétrel désigne par les inter gestes, ceux-là même apparemment anodins exécutés entre deux actes particuliers. Une trentaine de scénarios à partir de story-boards ont débouché sur des mini clips vidéo de vingt secondes à sept minutes réalisés avec et par les stagiaires. À partir de cette matière première, la plasticienne a conçu une installation en trois éléments : sur un mur, un seul tirage photographique grand format ; au sol un important caisson lumineux de photos sur duratrans dont la forme anamorphosée (très étrange car indéterminée mais suggestive : sarcophage, vaisseau, monolithe atterri de 2001 L’Odyssée de l’Espace ?) est empruntée à la verrière zénithale qui éclaire la pièce ; enfin, sur le second mur, une vidéo condensant les expé- riences et les réalisations élaborées lors de cette résidence de création. D’où le titre du projet : Mémento. C.L. Mémento Aurélie Pétrel du 28 nov au 18 déc 3bis f lieu d’arts contemporains 04 42 16 17 75 www.3bisf.com www.aureliepetrel.com Chorégraphie - 2005/Tirage offset, 63 x 85,6 cm Les artistes ont un don À propos de l’acte du don, le philosophe Jacques Derrida insistait sur le fait que le premier des dons serait celui de la présence. Cette attitude particulièrement désintéressée dans le rapport de soi vers l’autre: ainsi le don «…n’est pas don d’une chose… mais qui donne sans rien donner». Si dans le don il y a beaucoup plus que le simple fait de donner -appelons cela générosité-, il n’en reste pas moins que l’économie nous rattrape face et dans la maladie. 11jours,111artistes,1111oeuvresuniques,à111euros (format 20x20cm, encadrées), c’est un bon calcul. Depuis 2003, Vœux d’artistes a pu redistribuer l’équivalent de 800000 euros en faveur des enfants hospitalisés dans les services d’oncologie pédiatrique de la région. Ces actions caritatives permettent en particulier d’améliorer les conditions d’accueil et de séjour, les équipements médicaux et de confort, la formation du personnel et la recherche. Plusieurs ateliers artistiques, en musique et arts plastiques, ont pu ainsi être créés apportant les © C.B bienfaits de l’art à l’hôpital. Et on aimerait croire que l’art puisse guérir, que donner simplement fasse que la vie ne leur soit pas reprise. Avec quelques doutes au moment des restructurations «nécessaires» des hôpitaux et des services de santé plus généralement, où le geste caritatif est encouragé quand les subsides publics diminuent. Les actes généreux de certains sont-ils vraiment, pour tous, désintéressés ? C.L. Vœux d’artistes jusqu’au 23 nov Maison de l’artisanat et des métiers d’art 04 91 54 80 54 www.maisondelartisanat.org www.vdart.fr 52 ARTS VISUELS ARLES | GAP | VAISON-LA-ROMAINE La ville psychologique On a pu voir son travail sur Pékin aux Rip en 2007, qui lui a valu plusieurs distinctions dont l’European publisher award 2006. La ville, l’urbain, l’architecture sont ses domaines de prédilection. Montrer des espaces construits où paradoxalement la personne est presque toujours rendue absente. Eviction des corps pour leur présence elliptique : avec Ambroise Tézenas les espaces sont rendus vacants, les objets posés comme en attente, les lumières séduisantes par leurs artifices, les cadrages dans l’aplomb des bâtiments et les clairs obscurs ourlés. Les lieux imposent la vue à distance. Pas d’images subtilisées à la volée malgré les heures arpentées dans les rues de Las Vegas, New York, Pékin, Bruxelles : la photo se pose à la chambre, le trépied comme ancrage au sol. L’instant décisif est une éternité avec Ambroise Tézenas. Le temps de pose s’impose, long ; un temps de pause, où le passant ne peut être retenu par l’image. On est loin de la distanciation des Thomas Struth ou Ruff. La ville, l’architecture sont tout à la fois sujet et objet Complet pour cause d’art contemporain L’hôtel Burrhus récidive pour sa deuxième année avec Supervues. Une quarantaine d’artistes sont conviés à investir cette fois-ci tout l’établissement, mais pour trois jours seulement. On n’est pas obligé d’y dormir mais on peut rêver ! Londres, Ambroise Tezenas de la matière photographique comme si Caravage et Hopper ne faisaient qu’un. Comme s’il fallait rendre toute la psychologie possible à l’urbain, voire lui conférer un inquiétant romantisme: «je traque le paysage sensible». La nuit de préférence, quand tout se calme. Le jour est brutal et bruyant Ambroise Tézenas du 21 novembre au 31 décembre Chapelle Saint-Martin du Méjean, Arles 04 90 49 56 78 www.lemejean.com www.ambroisetezenas.com Peut-on mettre de l’art partout ? Laurence et Jean-Baptiste Gurly, propriétaires de l’hôtel Burrhus à Vaison-la-Romaine, ne l’imaginent pas autrement en exposant depuis dix ans des œuvres d’art contemporain. La deuxième édition de ce mini évènement propose à près de trente cinq artistes d’intervenir dans l’ensemble du bâtiment, les chambres principalement, par tirage au sort. Les artistes retenus auront à relever «le défi de présenter leur travail dans un contexte propre à dévoiler la complexité des rapports qui lient la création aux espaces quotidiens…». L’art contemporain est porteur en terme d’image. Il peut être aussi déclencheur de projets singuliers, de questionnements, de débats, en s’offrant, telle est l’intention des propriétaires, à des publics non initiés, dans un espace qui ne lui est pas réservé. Dans ces trois jours il sera question de la diffusion de l’art contemporain en collaboration avec le Frac Paca. Petit déj’ inclus ? CLAUDE LORIN Sujets d’identité juxtaposent des profils d’individus en plan rapproché, tournés vers un extérieur invisible, hors champ, avec leur main ouverte comme un livre, où les traces de la vie apparaissent plus clairement encore que sur les corps toujours un peu apprêtés. Les sillons profonds, les alliances, les doigts tordus ou potelés, plein de promesses de croissance, sont comme un avant goût, l’indice de ce que les portraits, à Marguerite, Rosans, 2007 leur droite, vont dire. Derrière les têtes, les mains, la même toile, qui ménage une aura plus claire, comme chez les photographes qui fabriquent des clichés d’identité. Dans les Alpes, Jean-Noël Reichel s’est attaché aux enfants et aux anciens. Il les a fait parler d’abord, pour tenter de capturer un peu de leur être. Les clichés, exposés sur les murs mais aussi dans des vitrines comme des vestiges d’un musée archéologique, assument leur connotation anthropomorphique. Mais dégagent une émotion foudroyante : parce que la confrontation des âges extrêmes tient un discours sur le temps, et son passage. On pense au tableau Le vieil homme et l’enfant peint par Ghirlan-daio. Mais surtout parce que l’humanité des individus apparaît à tout coup, malgré la répétition du procédé. Ou grâce à lui, parce qu’en abolissant la variation de la pose le photographe parvient à circonscrire celle des sujets ? A.F. Identité(s) : Le passage Jean-Noël Reichel Galerie du théâtre, Gap (05) 04 92 52 52 52 C.L. Chambre n°40 Jacques Bosser, Galerie Eric Linard Avant les spectacles, les gapençais peuvent s’égarer dans le sous-sol du théâtre pour découvrir des expositions photographiques d’une régulière belle tenue. La galerie accueille jusqu’au 6 déc une exposition de Jean-Noël Reichel, conçue en résidence dans les Hautes-Alpes durant la saison dernière. Le photographe travaille depuis 2002 selon un mode unique : ses œuvres en diptyques Supervues, petite surface d’art contemporain les 12, 13 et 14 décembre Hotel Burrhus Vaison-la-romaine (83) www.supervues.com LES BUREAUX DE DIEU CINÉMA 53 Nous sommes les bureaux de Dieu Un local au Boulevard d’Athènes a fortement inspiré le décor du film de Claire Simon : dans cet appartement se trouve Le Planning Familial de Marseille © Shellac 15 conseillères et 6 médecins, soit l’équivalent de 16 salariés à temps plein, y mènent une dizaine d’entretiens par jour, soit plus de 200 par mois. En majorité, ce sont les 18-25 ans qui viennent consulter, un tiers pour des IVG, un tiers pour la contraception, un tiers pour des tests de grossesse. Nous avons rencontré Claire Ricciardi, Présidente du Planning Familial depuis 2006 Zibeline : Comment avez-vous rencontré Claire Simon ? Claire Ricciardi : Claire a commencé à fréquenter le Planning de Marseille en 2004. Le Planning de Grenoble était un peu réticent à se faire observer. Très vite, elle a assisté aux entretiens et les a enregistrés. Elle est revenue à Marseille à plusieurs reprises avec la co-scénariste, Natalia Rodriguez, toujours fascinée par ces histoires de vie qu’elle entendait. La réunion d’équipe autour du mariage forcé est inspirée d’un cas que nous avons eu à traiter ici. Elle nous avait exposé tout de suite sa volonté de réaliser une fiction et de faire tourner des «stars», Nicole Garcia, Nathalie Baye… Quand elle a parlé d’un casting avec Nathalie Baye, je lui ai demandé que ce soit elle qui interprète mon rôle. Elle a eu la gentillesse de me dire que c’était fait ! Quel a été l’accueil du film en interne ? Dans un premier temps, l’effet miroir du film a été difficile à encaisser. Au Conseil d’Administration National, les discussions ont été vives, voire houleuses ! La plupart trouvaient les conseillères du film très «psychologisantes» et ne supportaient pas cette image. Certaines trouvaient que le film, trop axé sur les entretiens d’IVG, faisait l’impasse sur les séances collectives, sur les autres combats du Planning. C’est vrai que les séances collectives en collège ou lycée par exemple traitent de bien d’autres sujets (sexisme, homophobie, sida…). Elles alimentent les entretiens mais ce ne sont pas ces moments que Claire a retenus. On a beaucoup parlé, on a pris de la distance. Ce n’est pas le film du Planning. C’est le regard de Claire Simon. Moi, je m’y retrouve absolument : elle a saisi la manière dont on fonctionne. Ce n’est pas un film sur le Planning, même si on va s’en servir. C’est un film sur une problématique universelle, le désir d’enfant, la création possible d’un enfant, d’où le titre… Oui, Claire Simon nous l’a montré, nous sommes les bureaux de Dieu. PROPOS RECUEILLIS PAR ANNIE GAVA INVENTAIRE 8 conseillères conjugales 2 médecins 1 conseiller stagiaire 9 «stars» dont Nicole Garcia, Nathalie Baye, Isabelle Carré, Rachida Brakni… 2 comédiens professionnels, Michel Boujenah et Emmanuel Mouret une trentaine de comédiennes non professionnelles une vingtaine de plans séquences un lieu unique 3 villes, Paris, Marseille, Lyon 7 années d’enregistrement une réalisatrice de talent et convaincue 2 heures de partage et d’émotion C’est le dernier film de Claire Simon, Les bureaux de Dieu, qu’on connaît aussi bien par ses documentaires, Récréations, Coûte que coûte, Mimi, que par ses fictions, Sinon oui, Ça brûle ! Ici, c’est par la fiction que la cinéaste a décidé de dresser un état des lieux : celui des femmes confrontées à leur désir, ou non désir, d’enfant. La fiction parce que «dans un documentaire, comment filmer ce qui est secret ? Ce qui se dit quand une femme vient au Planning familial parce que la grossesse qui s’annonce ne paraît pas possible ?». C’est donc en écrivant un scénario à partir des entretiens qu’elle a enregistrés entre 2000 et 2007, en construisant des personnages, que Claire Simon «exsude le réel», lui redonnant vie. Le spectateur est le témoin des entretiens, dont chaque parole a été, un jour, prononcée par une femme dans l’un des centres du Planning Familial, a été apprise par des comédiennes qui rencontrent devant la caméra des comédiennes non professionnelles, portant la parole d’une autre, sélectionnées lors d’un casting exigeant, après une série… d’entretiens. Une mise en abîme en quelque sorte. Le film est dans un lieu clos dont les seules échappées sont les balcons où l’on fume pendant les pauses, où l’on s’interroge sur ses capacités à écouter, comme Pierre (Emmanuel Mouret) qui se demande si les femmes accepteront de lui parler. Des pièces pleines de paroles chargées d’émotion, de débats cornéliens comme celui de cette femme qui ne sait si elle est enceinte de son mari ou d’un homme qui a été son amant, de déclarations d’amour comme celle de la prostituée bulgare, véritable héroïne tragique. Des pièces vides où Denise (Nicole Garcia) répète une scène d’Andromaque, où Marta (Isabelle Carré) danse… Des pièces où résonneront encore, quand l’écran se sera éteint, ces paroles de femmes qui concernent toutes les femmes… et les hommes ? A.G. 54 CINÉMA FESTIVAL TOUS COURTS | HORIZONTES DEL SUR Courons tous au Tous Courts ! Le Vacant de Julien Guetta Le mois de décembre est le mois qu’adorent les aficionados du court métrage ! En effet, se tient à Aix le Festival Tous Courts. Pour cette 26e édition, ils pourront y voir plus de deux cents courts métrages dont une soixantaine en compétition, choisis parmi les 1600 reçus, représentant 23 pays et répartis en dix programmes. Comme chaque année, en plus de cette compétition internationale, le menu est alléchant. Trois Carnets de voyage, proposés par Véronique Godard, Hélène Vayssières et Patrice Carré permettront de (re)voir de petits bijoux : entre autres, les décapants L’Ile aux Fleurs de Furtado et Des majorettes dans l’Espace de David Fourier, le superbe Hammam de Florence Miailhe ou le mythique Le Chien Andalou de Buñuel. Le Vacant de Julien Guetta Une sélection de cinq films donnera un aperçu de ce qu’a produit la Région Paca en 2007 2008. Le cinéma Aixpérimental aura pour thématique le journal intime : des pionniers aux héritiers, Stéphane Marti, Colas Ricard, Happy Carole, Lionel Soukaz, Jan Peters, France Dubois, Richard Beaune, Cécile Ravel, Philippe Katerine et bien d’autres. LaNuit duCourt,vendredi 5 décembre, sera féminine : quatre programmes réservés aux réalisatrices, dont une Carte Blanche aux Rencontres Films, Femmes et Méditerranée (voir Zib 10 et 11). Deux programmes sont réservés aux jeunes : Court élémentaire et Collège Tous Courts. Il y aura même une séance parents-enfants ! Et bien sûr, il y aura des rencontres avec les réalisateurs, des tables rondes pour parler des films… Où et quand ? Le Festival s’ouvrira le 1er décembre à 20 heures au Pasino avec le programme Courts par excellence dont Le Vacant de Julien Guetta, suivi d’un concert de Martin Rappeneau. Il se terminera le 6 décembre au Cinéma le Mazarin, à partir de 20h 30, avec la programmation du palmarès et la projection des films primés par le Jury professionnel et le Jury Jeunes. Durant le Festival les projections auront lieu au Mazarin, à la Cité du Livre et à l’École d’Art. Et si vous habitez le Pays d’Aix, en amont du Festival, du 24 au 28 novembre, vous pourrez aussi voir les courts métrages à Fuveau, La Roque d’Antheron, Lambesc et Trest. Alors, ne dites plus «on ne peut jamais voir jamais de courts métrages !» Courez au Tous Courts ! ANNIE GAVA www.aix-film-festival.com Vous avez dit «Fados» ? C’est en musique que s’est terminé le 7e festival de Cinéma espagnol de Marseille organisé par Horizontes Del Sur En effet, le 18 octobre, après un récital d’un musicien brésilien, Alexandre Manno, très sympathique, le jury a proclamé le palmarès : le grand prix a été attribué au film de Pere Fado de Carlos Saura Portabella, Le silence avant Bach, (voir Zib 10) ; deux mentions spéciales ont été données à Tiro en la cabeza de Jaime Rosales et Lo mejor de mi de la réalisatrice catalane Roser Aguiler. Le prix du public a été attribué à Todos estamos invitados de Manuel de Gutiérrez Aragón. Et c’est en musique qu’a continué la soirée de clôture avec le dernier film de Carlos Saura, Fados, après Flamenco en 1995 et Tango en 1998. Le fado, complainte qui interroge le destin contre lequel on ne peut rien -fado viendrait du fatum latin- aurait été colporté par les marins au long cours. Pour d’autres, il viendrait du lundum brésilien, mélange de rythmiques noires importées par les esclaves africains… Mettant le mot au pluriel, Carlos Saura annonce une approche variée, métissée du sujet : «Je voulais élargir l’univers du fado ; j’ai pris quelques libertés, celle d’inviter des artistes étrangers». Autre liberté, introduire dans son film des chorégraphies, ce que pourraient lui reprocher certains puristes : le fado s’écoute, point ! Les danseurs évoluent dans de superbes décors ; les corps nimbés d’une lumière d’or se reflètent dans des miroirs ou évoluent devant de images géantes projetées, visages mythiques ou vues de Lisbonne, dans une atmosphère nostalgique, très théâtralisée. Les séquences initiales et finales sont particulièrement réussies : des personnages qui portent des valises défilent en ombres chinoises, sur des images d’exil. La séquence qui clôt le film nous fait entendre un défi de chanteurs dans un décor de maison de fado, se terminant par un travelling avant sur l’iris de la caméra. La signature de Saura peut-être… A.G. Court, c’est court! Du 27 au 30 novembre se tiendront les 15e rencontres de courts métrages à Cabrières d’Avignon,organiséesparl’association Cinambule. Au programme, des courts d’Australie, des courts de Méditerranée, des courts animés, des courts expérimentaux, des premiers courts, des courts en docs, des courts faits par des élèves d’établissements du Vaucluse. Bref des courts pour tous les goûts ! Cinambule 04 90 71 14 84 http://cinambule.free.fr INSTITUT CULTUREL ITALIEN | APT CINÉMA 55 Una vita dolce Du 20 au 25 nov, l’Institut Culturel Italien présente un panorama de la production cinématographique italienne de ces trois dernières années Il Rabdomante de Fabrizio Cattani Un documentaire, débutera le cycle : I Nostri trentanni de Giovanna Taviani, un voyage à travers le cinéma italien, de la fin des années 50 à nos jours, avec cinq générations de réalisateurs, un florilège d’extraits de films et d’entretiens avec des monstres sacrés du cinéma qui reviennent sur leurs 30 ans. Trois autres documentaires au programme : Parole sante d’Ascanio Celestini, chronique de la révolte des opérateurs téléphoniques de Cinecittà qui n’ont pas accepté leurs conditions de travail… Il mio Paese de DanieleVicari, un voyage dans l’Italie d’aujourd’hui, ses difficultés dues à la crise économique. Enfin, Marcello una vita dolce d’Annarosa Morri et Mario Canale : interviews de Mastroianni, extraits de ses films, images de tournages, souvenirs de ses filles Barbara et Chiara, témoignages de gens qui l’ont connu se succèdent pour faire revivre un de plus grands comédiens du cinéma italien ; Sergio Castellitto prête sa voix à ce récit. Cinq fictions dans ce panorama. Pour la soirée inaugurale, le 21 nov, Il rabdomante de Fabrizio Cattani: Harja, une jeune femme de l’Est, en fuite, tente d’échapper à Cintanidd, chef mafieux, et trouve refuge chez Felice, un étrange personnage. Dans Piano solo de Riccardo Milani, le pianiste virtuose, Luca Flores, a tenté toute sa vie de lutter, par la musique, contre le souvenir obsédant de la mort de sa mère dans un accident de voiture. Lascia perdere Johnny! de Fabrizio Bentivoglio : à Caserta, en 1976, si Faustino Ciaramella ne trouve pas de travail d’ici la fin de l’année, il devra partir pour le service militaire. En attendant, il joue de la guitare dans un petit orchestre et rêve que l’imprésario Raffaele Niro lui offre un contrat. Au programme aussi Lezioni di cioccolato de Claudio Cupellini et Sonetaula de Salvatore Mereu. Et cerise sur le gâteau, en hommage à la Magnani, vingt photos de Divo Cavicchioli prises en 1962 sur le plateau de tournage de Mamma Roma de Pasolini. ANNIE GAVA Apt à l’heure africaine Du 6 au 11 nov s’est tenue la 6e édition du Festival des Cinémas d’Afrique du pays d’Apt. Comme l’an dernier, les rencontres et les films proposés par Dominique Wallon et son équipe ont connu un grand succès : plus de six mille spectateurs, parmi lesquels un grand nombre de lycéens et de collégiens, ont assisté aux projections des vingt-deux films issus de neuf pays, d’Égypte, du Tchad, du Maroc, du Congo, du Burkina, du Sénégal, de Mauritanie, de Tunisie et d’Algérie. Mascarades de Lyes Salem Ce sont les films algériens qui ont le plus séduit le jury lycéen, dirigé par Olivier Barlet, président d’Africultures : ils ont attribué le Prix du long métrage de fiction à Mascarades de Lyes Salem, une mention à La maison jaune d’Amor Hakkar et le Prix du film documentaire à Algérie, histoires à ne pas dire de Jean Pierre Lledo. Les cinéphiles d’Apt ont pu dialoguer avec les cinéastes présents : le franco-marocain, Daoud Aoulad-Syad, le plus bavard de tous qui a beaucoup parlé d’En attendant Pasolini, Jean-Pierre Lledo qui a fait beaucoup parler avec Algérie, histoires à ne pas dire, Leila Kilani et ses Lieux interdits et Angèle Diabang Brener et sa Griotte de Senghor. Ils ont pu assister aussi aux leçons de cinéma qu’ont données Mahamat Saleh Haroun dont a pu voir Sexe, gombo et beurre salé et Expectations ; Gaston Kaboré (voir encadré) et Lyes Salem, dont le court métrage Cousines avait obtenu le César du meilleur CM en 2005 et dont on a vu le premier long métrage, Mascarades. On ne peut que vous conseiller d’envisager un court séjour à Apt pour la 7e édition en 2009 ! ANNIE GAVA Institut Culturel Italien 04 91 48 51 94 www.iicmarsiglia.esteri.it La leçon de Gaston Kaboré Gaston Kaboré est le cinéaste qui a réalisé le premier long métrage du Burkina Faso, en 1982. Après des études d’histoire à la Sorbonne et de cinéma à l’ESEC, il décide de raconter l’Histoire en racontant des histoires. «Pendant ma maîtrise d’histoire, j’ai remarqué que l’Afrique était racontée en permanence par des anthropologues, des ethnologues, des sociologues… presque exclusivement non Africains». Il réalise Wênd Kûuni, (Le don de Dieu en 1982), récompensé par le César du film franco-phone. Cette année, à Apt, ont été présentés deux de ses films, Buud Yam,( une suite 15 ans après à Wênd Kûuni) et Rabi, réalisé en 1992, «le plus personnel de mes films» . Les deux films se situent à l’époque pré-coloniale, pour éviter d’avoir à traiter le traumatisme. Les deux films sont des films d’apprentissage, les deux films sont des contes. La musique et le passé Gaston Kaboré a donné une leçon de cinéma devant une salle captivée par ses mots simples et remplis d’humanité ; on l’aurait écouté très longtemps parler du rythme de ses films, de son rapport au temps. «Le temps de la réflexion, de l’imprégnation, déter-mine la longueur du plan. J’essaie de répondre à une musique intérieure, sans oublier le temps du silence, essayant de capter des choses très fragiles. J’essaie de filmer le temps des personnages». C’est aussi pour transmettre un message que Gaston Kaboré a fondé en 2003, à Ouagadougou, le Centre de formation audiovisuel, Imagine, qui permet aux plus jeunes d’apprendre le métier, de connaître le cinéma. «Ce qui manque le plus à l’Afrique, c’est la réappropriation de son passé : comprendre d’où l’on vient. On ne peut accéder à la modernité sans cela ! La modernité, c’est la tradition régénérée». 56 CINÉMA Au Programme ! À quai Quatre Rendez-vous des quais : ne les ratez pas ! Jeudi 27 novembre à partir de 18h30 Dans le cadre des 21e Instants Vidéo Nomades, projection d’œuvres sélectionnées par des stagiaires de l’atelier du Spectateur du Centre Pénitentiaire des Baumettes animé par Marc Mercier, dont Chic Point du Palestinien Sharif Waked et un film qu’ils ont réalisé, Ce qui nous réunit, ce qui nous sépare. Jeudi 11 décembre à 18 heures Les Archives départementales des Bouches-duRhône proposent la projection de Toni de Jean Renoir, entièrement tourné en extérieur, préfigurant le néo-réalisme. Philippe Mioche, spécialiste de l’histoire industrielle de la Provence, animera un débat après la projection. www.instantsvideo.com Vendredi 28 novembre à 19 heures Dans le cadre des vingt ans d’Extérieur Nuit, et à l’occasion de la sortie du DVD Tout Rozier, un hommage est rendu à Jacques Rozier, en sa présence : À 19 h Blue Jeans, et Ni figue, ni raisin n° 8 (de Corinthe) À 21 h, Les naufragés de l’île de la Tortue Dans une agence de voyages, Bonaventure (Pierre Richard) et Gros Nono (Maurice Risch) ont une idée : proposer à leurs clients une formule «Robinson, débrouille-toi» sur une île déserte ! Les premiers clients déchanteront rapidement... D’autres films de Jacques Rozier sont programmés dans d’autres lieux. Rendez-vous des Quais 31, bd d’Athènes (métro St Charles ) 04 91 14 13 87 www.rendezvousdesquais.org Toni de Jean Renoir Mercredi 10 décembre à partir de 14 heures Fotokino, dans le cadre de Laterna Magica (voir page 58) propose aux enfants de passer un moment avec La petite Taupe : un atelier qui leur permettra de créer une bande son sur un des films projetés. Fotokino 09 50 38 41 68 www.fotokino.org Extérieur nuit 04 91 33 50 88 Projections citoyennes L’association Images et Paroles Engagées propose des projections populaires de documentaires, dans le quartier de St André (16e arr), suivies de débats. Dans le cycle Musiques, images et paroles, après Il cantastorie d’Anne Alix , projeté le 30 octobre, ce sera Marokstar de Charlotte Ramette et Wamid Al Wahad sur la musique Gnawa, le vendredi 28 novembre à 18h30. Et samedi 13 décembre à 15h, Hip Hop Social Club de Joseph Marando, documentaire sur le groupe HH Syndikat. Images et Paroles Engagées 04 91 79 32 94 www.ipeprod.org À l’initiative des associations De Film en Aiguille et Attac Pays d'Arles : Lundi 1er décembre à 20h30 projection du film palestinien Intervention Divine d'Elia Suleiman, Lundi 15 décembre à 19h30, projection du film de Simone Bitton, Mur. Les projections seront suivies de débats. Cinéma Le Méjean www.local.attac.org/13/arles Droits de l’enfant Dans le cadre de l’anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant, le jeudi 20 novembre, Couleurs cactus présente la deuxième édition de 1, 2, 3… soleil ! pour sensibiliser, informer et débattre sur la situation des enfants dans le monde. Expositions photo et peinture, et projection d’un documentaire, Ezra de Newton Aduaka, (étalon d’or du Yenanga FESPACO 2007, voir Zib 4), un film sur la vie des enfants soldats. «Je suis un enfant de la guerre. Je suis né au Biafra, un pays qui n’a existé que trois ans sur la carte du monde, et dont l’histoire a par conséquent été oubliée. Pendant ces trois années, plus d’un million de Biafrais sont morts dans une guerre très brutale, que j’ai vécue lorsque j’étais enfant (… ). En Sierra Leone, j’ai rencontré des enfants qui étaient passés par l’enfer, des enfants qui avaient mené une guerre dont ils ne savaient rien, hormis les mensonges qu’on leur avait racontés. Je savais que cela faisait partie de mon histoire, de ce que je suis devenu…». Le jeudi 27 novembre à 20h30 au Cinéma Les lumières à Vitrolles. Le vendredi 29 novembre à 14h30 au CRDP Marseille. Couleurs Cactus 06 60 39 65 54 À l’Alhambra Trois rendez-vous à L’Estaque Jeudi 20 novembre à 20h30 Mariana Otero, (La loi du collège, Histoire d’un secret), membre de L’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion (ACID) vient régulièrement présenter des films «dans lesquels il y a une mise en scène du réalisateur comme personnage pour construire une relation au réel, et une représentation de ce réel. Ce sont des écritures à la première personne pour parler du monde. Ce sont des écritures où le «je» est construit : où le «je» devient un autre dans le film, pour le film.» Elle commencera le cycle par No London today, un documentaire de Delphine Deloget, une plongée dans l’errance et l’attente à Calais de jeunes réfugiés qui tentent de passer illégalement en Angleterre. Jeudi 27 novembre à 20h30 en présence du réalisateur J’ai un frère d’Emmanuel Vigier. Deux frères ne se sont pas vus depuis quatorze ans: Drazan s’est exilé à Marseille en 1992 et Dejan vit au Nord de la Bosnie, dans la partie serbe, à Bosanski Brod, ville industrielle détruite par la guerre. En 2007, Drazan décide de rendre visite à son frère à la frontière de la Croatie… (voir Zib 11). Vendredi 5 décembre à 21h en présence du réalisateur, Trous de mémoire de Jean-Michel Perez (voir Zib 5 et 11). Alhambra cine Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com ANNIE GAVA 57 Hollywood à Marseille? Pincez-moi, je rêve ! Ce «Voyage de découverte et d’inspiration» intitulé France : Unlimited Access a permis à dix scénaristes hollywoodiens de renom de découvrir des lieux singuliers entre Paris et la Région PACA. L’objectif de Film France est de faire découvrir des sites emblématiques ou des personnages de notre patrimoine susceptibles de déclencher des idées de scénarios et de tournages en France. Parmi eux : John August (Big Fish, Charlie et la Chocolaterie), Michael Brandt (Wanted), Micheal Dougherty (Le retour de Superman)… «On a besoin de gens confirmés pour être sur que d’éventuels projets puissant aboutir» explique Frank Priot de Film France. Il faut dire que les retombées économiques d’un tournage hollywoodien sont énormes, d’où cette vaste opération de séduction. Après un Paris insolite, les scénaristes ont pu visiter les îles des Embiez et de Bendor pour en savoir plus sur la saga Paul Ricard. À Marseille, ils sont accueillis au Centre Fleg pour découvrir l’histoire de Varian Fry, journaliste américain résistant, dont le réseau clandestin, établi à Marseille en 1940 et 41 a permis de sauver 2000 personnes (dont André Breton, Max Ernst et Marc Chagall). Un documentaire sur l’histoire singulière de ce New Yorkais est applaudi par tous les scénaristes. Après Duncan Tucker, John Lee Hancock, Derek Haas a Notre-Dame-de-la-Garde © Muriel B. le film de Jean-Claude Bringuier sur ce héros américain de la résistance, pourquoi pas un biopic à l’américaine qui le ferait sortir de la confidentialité ? Après un repas aux Goudes, les dix scénaristes se retrouvent sur une autre colline, moins familière que celle d’Hollywood, celle de la Garde. John Lee Hancock (Un monde parfait) est fasciné devant les ex-voto de la basilique qui sont comme autant de petits scénarios. Pour John, être à Marseille «c’est faire partie de l’Histoire». Duncan Tucker (Transamerica), pour sa part, voit assez bien Marseille comme lieu Reminiscences of a journey to Lithuania Dans le cadre de Hors Cases, avec l’association 360 et même plus, le Polygone Etoilé a accueilli le 22 oct le cinéaste et poète Jonas Mekas. Né en Lituanie en 1922, exilé aux EtatsUnis en 49, il fonde, entre autres en 1970, l’Anthology Film Archives, cinémathèque new yorkaise du cinéma indépendant et d’avant-garde. Mekas est un insecte nerveux. Depuis que la menace nazie l’a fait fuir de Lituanie, il est une personne déplacée à la Reminiscences of a journy to Lithuania de Jonas Mekas recherche de chez [lui]», confie-t-il. Il filme comme il vit, sans planifier. Ce journal, forme prisée par ce maître de l’expérimental, adopte par son perpétuel mouvement la vision de l’insecte qui ignore la direction à prendre l’instant d’après. Le mouvement est d’abord dans la structure : le film est un triptyque (Brooklyn, Seminiskiai, Vienne) entrecoupé de parenthèses sur la guerre et de micro -séquences numérotées. La technologie créant la forme, la mobilité de la caméra Bolex frappe. Accélérations et son off évoquent le muet. Le burlesque est récurrent. L’expérimentateur revient à l’enfance du cinéma dans sa recherche du passé perdu. La lenteur existe aussi. La voix est calme, le phrasé tend au silence, ponctué d’un mot. Et quand l’insecte s’immobilise, on sent comme un parfum d’éternité. ARMELLE MARIE de tournage car «il y a une énergie particulière dans cette ville multiculturelle à la fois moderne et ancienne». Donc, ne vous étonnez pas de croiser un jour Will Smith ou Johnny Depp sur le Vieux-Port ! MURIEL BENISTY Dans le corps Le Merlan a mis en place un cycle thématique Le Corps transparent (voir page 11) : Comment les nouvelles images viennent-elles bouleverser nos représentations et la perception que nous nous faisons de notre corps ? En partenariat avec le FID et le Cinéma Variétés, il nous propose une séance cinéma, le 20 nov à 19 h : Accoster d’Olivier Derousseau et Le Moindre Geste de Fernand Deligny, Josée Manenti et Jean-Pierre Daniel. A.G. Femmes sur écran Dans le cadre du Festival Portrait de femmes initié par les Chantiers du cinéma qui se déroule dans le Var, la scène de Châteauvallon, à Ollioules, fait l’ouverture avec les films de deux auteurs chinois majeurs : Wang Xiaoshai avec Une famille chinoise (le 24 nov) et Jiang Wen avec Le Soleil se lève aussi (le 25 nov). Le reste de la programmation se décline dans plusieurs villes du département du Var, où La Seyne, Six Fours, Toulon et SaintMandrier accueillent les projections de films français, chiliens, belges… Par ailleurs, en collaboration avec la cinémathèque de la danse, Châteauvallon programme Du lindy hop au hip hop, un aperçu en images des danses afro-américaines du XXe siècle (les 12 et 13 déc). D.M. Les Chantiers du cinéma 04 94 09 05 31 Châteauvallon (84) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com 58 LIVRES LATERNA MAGICA | HISTOIRE DE L’ŒIL | AGENDA Vos images d’enfants sur les murs Carnet Caterine Chardonnay (expo du Coq a l'ane) La manifestation emprunte son titre à l’autobiographie d’Ingmar Bergman (1987) qui, comme on le sait trop peu en France, n’était pas qu’un cinéaste, mais avant tout un directeur de théâtre, et à ses heures un très bel écrivain. C’est donc à une manifestation transdisciplinaire que nous invite la 5e édition de Laterna Magica… Organisé par Fotokino, le festival a pour ambition de mettre tous les arts visuels à la portée des enfants. Jose Parrondo en concert En particulier à travers le livre, et son rapport à l’image. Il réalise cet objectif en invitant durant trois semaines cinéastes et illustrateurs, en organisant des projections au cinéma Les Variétés, des expositions et des ateliers dans plusieurs galeries de Marseille, mais aussi des Rencontres autour de ces questions de l’image et de sa transmission. L’an dernier le thème du paysage intérieur était décliné sur les écrans et les murs de l’Alcazar, des galeries De Visu et Montgrand. Cette fois c’est l’absurde qui affirmera ses droits… et soulignera la «cocasserie du réel». Avec des intervenants précieux comme Jose Parrondo (illustrateur pour Le Rouergue et Milan presse), Blexbolex (illustrateur et auteur de BD), Catherine Chardonnay (auteur et illustratrice)… A.F. Laterna magica du 3 au 21 déc 09 50 38 41 68 www.fotokino.org Blexbolex, Rogaton man Au secours, les objets attaquent ! Le 7 novembre, alors qu’elle présentait devant le public attentif de L’Histoire de l’œil le résultat de très sérieuses recherches scientifiques concernant le rapport aux objets, la jeune conférencière Martine Schmurpf a été victime d’une agression violente de la part des dits objets, qui en ont eu assez de «se rebeller en douce» et ont décidé de lui clouer le bec ! Mais non, c’était pour rire ! Et mine de rien, pour méditer. L’endroit de l’objet, pseudo conférence et véritable solo pour comédienne, ordinateur et vidéoprojecteur, lance, en 55 minutes, un certain nombre de pistes, au fil d’un texte très écrit, mis en scène avec efficacité et drôlerie. Ton professoral, raisonnements par l’absurde, vidéos loufoques, on suit avec délices le discours didactico-ridicule de la conférencière interprétée par Clara Le Picard, qui est également la conceptrice du projet et son auteure. Un petit régal de performance à déguster entre amis, puisque la Compagnie À Table propose de venir organiser l’événement chez vous. Il suffit pour cela que vous disposiez d’un salon suffisamment grand doté d’un mur blanc et d’une quinzaine d’amis prêts à débourser entre 6 et 10 euros pour participer avec vous à l’aventure. Tentant, non ? FRED ROBERT L’endroit de l’objet Théâtre d’appartement Clara Le Picard mes Xavier Marchand 06 45 10 48 44 [email protected]. Au Programme AIX-EN-PROVENCE Cité du livre – 04 42 91 98 88 Fêter la poésie : rencontre avec Edouard Glissant, poète et écrivain martiniquais. Le 29 nov à 16h. Centre des écrivains du sud – 04 42 21 70 90 Rencontre à 3 voix en présence de Jean-Marie Blas de Roblès (qui vient d’obtenir le prix Médicis pour son livre Là où les tigres sont chez eux, édité chez Zulma), Catherine Cusset et Gilles Lapouge. Le 11 déc. Librairie Vents du sud – 04 42 23 03 38 Rencontre-lecture avec Alicia Fertig à l’occasion de la parution de son premier roman, Voix pour moi, aux éditions Elan Sud (le 20 nov à 19h) ; rencontredébat avec Christine Esclapez pour La musique comme parole des corps (L’Harmattan) et Francesco Spampinato pour Les métamorphoses du son, matérialité imaginative de l’écoute musicale (Harmattan) (le 25 nov à 19h). MARSEILLE BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34 Honoré Daumier ou l’irrévérence marseillaise : exposition qui présente des pièces majeures (lithographies, sculptures) que Jean Cherpin avait rassemblé en une collection unique. Jusqu’au 6 déc. Libraires du sud – 04 96 12 43 42 Rencontre avec Catherine Cusset dans le cadre des Itinérances littéraires, autour de son dernier ouvrage Un brillant avenir (Gallimard) : le 20 nov, à 18h30 à la librairie L’Attrape Mots (Marseille, 04 91 57 08 34) et le 21 nov à la librairie Mot à Mot (Pertuis, 04 90 79 02 04). Bibliothèque départementale de prêt – 04 91 08 62 08 Le livre jeunesse en Méditerranée : en partenariat avec l’association Libraires à Marseille, la librairie Regards, Approches, Cultures et territoires, le COBIAc et la Caravane du livre, parole est donnée à des auteurs, illustrateurs et éditeurs algériens, marocains, tunisiens, libanais et palestiniens. Les 12 et 13 déc. LES PENNES-MIRABEAU Association des amis des arts – 04 42 02 95 13 Salon du livre jeunesse : rencontres avec les auteurs, ateliers d’illustration, séance de dédicaces… Les 13 et 14 déc. PLAN DE CUQUES Bulles et fiction – 04 91 05 18 33 Festival de BD : bourse BD, expositions, séance de dédicaces… Les 29 et 30 nov. TOULON Conseil général du Var – 04 94 18 60 60 La Fête du livre aura pour thème Littérature et sensibilité gastronomique : débats, rencontres, spectacles de rues (avec les cies Tout’sambal et Antipodes), tables rondes… Les 21, 22 et 23 nov, sous chapiteau, Place d’Armes. BELLES LATINAS | BELLES ÉTRANGÈRES LIVRES 59 Aux rendez-vous des belles lettres Petit voyage en lettres étrangères, comme un arrière-goût de vacances à l’orée de l’hiver… Beaucoup de rencontres littéraires en ce début d’automne… Après les Correspondances de Manosque et Lire en Fête, les manifestations se sont poursuivies, ouvertes à la littérature contemporaine venue d’ailleurs. Côté cour, côté jardin C’est ainsi que le Festival Belles Latinas s’intitulait cette année, pour sa 7e édition. Invitées par le Centre National du Livre à participer aux animations de Lire en Fête, les Belles Latinas étaient présentes à Marseille dès le 12 oct, sous les chapiteaux des Littorales. D’autres rencontres ont eu lieu le weekend suivant au théâtre des Bernardines, lieu magique qu’on a plaisir à retrouver après une année de travaux. Dans l’ancienne chapelle reconvertie en théâtre, place à l’Amérique latine, en partenariat avec l’association Solidarité Marseille Amérique du Sud. La première des deux tables rondes organisées par Pascal Jourdana réunissait, sous le titre motivant de Inventer, résister, trois auteurs originaires d’Argentine et de Bolivie. Marcos Malavia, le Bolivien ; Nora Herman et Susana Lastreto, les Argentines. Tous trois résident en France, tous trois écrivent désormais en français, après un long silence : l’exil, pour deux d’entre eux du moins, les a longtemps contraints au mutisme. Sur la scène du théâtre, dans la pénombre quiète d’un samedi presque estival, ils évoquent avec humour et distance leur sort d’exilés, leur double culture et aussi les ombres de la dictature. Alors, on perçoit concrètement que pour eux, forcément, créer c’est résister. Susana Lastreto, dramaturge, n’a-t-elle pas fondé la compagnie GRRR (Groupe Rires, Rage et Résistance) ? Pour elle, comme pour Marcos Malavia, le théâtre est l’un des arts qui fait le plus de résistance et qu’on a le plus de mal à bâillonner. Nora Herman, sculptrice, dessinatrice, est également, quoiqu’elle s’en défende, poétesse, écrivaine. Son récent opus, Forêt de poche, révèle sa sensibilité originale et sa quête du Paradis perdu. Une manière de retrouver par le dessin et par les textes une mémoire du pays natal, envers et contre tout ; résister à l’oubli, en quelque sorte. Les 3 auteurs ont amusé, ému, captivé l’auditoire. Les lycéens (venus de Vendée !) avec leurs professeurs n’ont visiblement pas regretté le déplacement. D’autant qu’à l’issue de la deuxième table ronde, des animations plus festives étaient proposées : buffet puis concert donné par le Trio Milontango. Une soirée animée et très réussie. Duos d’auteurs Autre regard sur le monde, celui des Belles Etrangères ; pour célébrer dignement les 20 ans de la manifestation, le Cercle National du Livre a convié, du 8 au 22 nov et à travers toute la France, des auteurs de 10 pays étrangers. L’originalité de cette édition anniversaire tenait au fait que chaque pays était représenté par 2 auteurs. L’un, confirmé, avait déjà par le passé été l’invité des Belles Etrangères ; l’autre, moins connu, souvent pas ou peu traduit en français, était en quelque sorte parrainé par le premier. Une anthologie gratuite a d’ailleurs été diffusée par Actes Sud, qui rassemble les textes des 10 auteurs à découvrir, présentés par leurs «parrains». À Marseille, Turquie, Nouvelle-Zélande et Canada étaient à l’honneur. Le premier Jeudi du Comptoir de la saison a permis de rencontrer le romancier, essayiste et éditeur turc Enis Batur. Ce disciple de Borges, ami de Manguel, grand amateur de livres et de bibliothèques, «écrivain de l’écriture», a tenu à présenter son collègue et complice Yigit Batur Enis © X-D.R Bener. Celui-ci, bien que d’une famille d’écrivains, sans doute à cause de cela, est venu à la littérature sur le tard. Il a cependant toujours été en contact avec les mots et les livres, puisqu’il est interprète et traducteur ; on lui doit entre autres la traduction vers le turc de certaines œuvres de Koltès et surtout celle du Voyage au bout de la nuit, de Céline. Tous deux, guidés par les questions de Jourdana, ont régalé pendant une heure trop courte le public nombreux du Bouchon Marseillais. Quel plaisir de partager, même brièvement, leur passion pour la littérature, leur érudition souriante et leur humour subversif ! Deux autres rencontres ont eu lieu dans le cadre de ces Belles Etrangères exceptionnelles. Le CipM a accueilli deux poètes néo-zélandais, Jenny Bornholdt et Gregory O’Brien. Les ABD ont reçu les Canadiens Neil Bisoondath et Zoe Whitall, pour la 2e session du cycle «Écrivains en dialogue». Des initiatives qui rencontrent un succès de plus en plus vif. Serait-ce qu’en ces périodes de crise la littérature apporte, comme l’a souligné Enis Batur, des solutions ? Des perspectives en tout cas, et des ouvertures oxygénantes. FRED ROBERT À lire : Nora Herman, Forêt de poche, textes et croquis, éd. L’Inventaire (19 euros). Susana Lastreto, Dans l’ombre, suivi de Nuit d’été loin des Andes, théâtre, éd. La Fontaine (10 euros). Marcos Malavia, Tragaluz, roman, éd. L’Amandier (15 euros). Enis Batur ; La pomme (21,50 euros) ; Amer savoir (22,90 euros) ; D’autres chemins (23,90 euros), éditions Actes Sud ; D’une bibliothèque l’autre, essai préfacé par Alberto Manguel, éd. Bleu autour (10 euros). Greg O'Brien © Doris du Pont Zoe Whitall © Kelly Clipperton Cormorant 60 LIVRES FÊTE DU LIVRE | AUBAGNE | TRETS Journées avec Rushdie Depuis 1981, le département des Écritures Croisées organise la Fête du Livre. Annie Terrier concocte dans le plus grand secret le programme de ces journées d’exception durant lesquelles les géants de la littérature se côtoient et acceptent de se plier au jeu des conférences. Une foule de passionnés afflue dans l’ancienne fabrique d’allumettes, se presse autour des stands, s’agglutine dans l’amphithéâtre. La voix de ces êtres que seul le papier faisait vivre s’élève, doublée par celle du traducteur lorsque les écrivains ne sont pas francophones. Les conférences s’enchaînent, la verve des intervenants ne s’épuise pas. Aucune limite à l’érudition du héros de la fête, Salman Rushdie, qui, avec humour et simplicité, accumule les anecdotes, les digressions, vogue entre les auteurs, les siècles, toujours juste, toujours profond dans ce badinage élégant et érudit. Salman Rushdie pratique à la perfection l’art de la digression, tout concourt à alimenter le flux magique des mots dans lequel évolue le conteur. Car il est un conteur, un enchanteur, un jongleur de mots hors pair, dans son œuvre comme dans ses conférences, ou plutôt ses conversations. Autour de lui la culture se fait humble et évidente à la fois, les universitaires présents font assaut d’analyses pertinentes et fines, joutes oratoires dans laquelle chaque volte brille. Pierre Pachet et Marc Porée provoquent à tour de rôle, évoquant l’élitisme de classe en littérature, l’écart entre les ventes et la qualité, le choix de la langue, les influences et confluences… Sans illusion sur le nombre des lecteurs, Rushdie définit la bonne littérature par sa «capacité à faire entendre des choses que nous n’entendrions nulle part ailleurs». Si la littérature n’a jamais suscité qu’un intérêt minoritaire (elle n’est pas un média de masse), son impact n’a rien à voir avoir la quantité des ventes. Certains livres ont profondément marqué leur époque alors qu’ils ne connaissaient pas de gros succès de librairie, comme ceux de William Blake. Un grand texte ouvre des portes et induit une façon de percevoir le monde. Mais la lecture est avant tout un acte intime, comme l’écriture, ce besoin profondément humain de raconter une histoire, de laisser une trace. Le choix de la langue de l’écriture aussi importe : ainsi, l’anglais par sa flexibilité aurait la capacité de s’adapter à toutes les formes de pensée du monde. Avec humour, Rushdie remarque : «on est des post coloniaux, mais, je ne me sens pas tel». Altaf Tyrewala, quant à lui, souligne que l’anglais lui a permis de se distancier de sa réalité immédiate. M. Poree, P. Pachet, S. Rushdie, G. Meudal, A. Tyrewala © X-D.R «Y a-t-il des sujets prédestinés, comme le Cachemire, qui vous attendent ?» Il n’y a pas de sujet qui soit une obligation, Saul Bellow lors d’une controverse mémorable avec Günter Grass, affirmait «nous n’avons pas de responsabilités, que de l’inspiration !». Et lorsque les sources d’inspiration livresques sont évoquées, innombrables, de Calvino à Dante, de Lucrèce, Ovide à Boulgakov, Rushdie tranche : la question de l’influence s’amenuise au fil du temps, c’est l’humour qui reste l’élément essentiel, pour l’auteur comme pour le lecteur. À la question sur son inépuisable capacité d’enthou- siasme et d’émerveillement, de bonheur, Rushdie sourit encore : «il y a un magasin, mais je garde le secret de son adresse !». Puis, plus sérieusement : «il faut faire votre travail, l’art, c’est cacher le labeur pour montrer le plaisir». Celui des spectateurs de ces journées fut immense et enchanté… celui de Gabriel García Márquez, considéré à ce jour comme le représentant du réalisme magique. Altaf Tyrewala émet cependant, sourire aux lèvres, une réserve à cette analogie : l’intervention du surnaturel, très présente dans les romans sud américains, s’avère rarement nécessaire en Inde, tant tout ce qui s’y passe à chaque coin de rue peut paraître invraisemblable ! Salman Rushdie souligne également l’influence directe de Balzac : il s’est inspiré de l’entrée en matière d’Eugénie Grandet pour Shalimar le clown. Ses influences cinématographiques, son admiration sans bornes pour chaque film de Godard n’ont également jamais été relevés. Il confie au passage ses rêves secrets de devenir une rock star, sa participation à un album de U2, mais nie cependant toute collaboration avec Madonna ! À propos d’influence, Altaf Tyrewala avoue avec plaisir celle de Salman Rushdie sur son œuvre. Qui lui a renvoyé le compliment le plus sincère que puisse faire un écrivain : «J’ai tellement aimé ton roman (Aucun Dieu en vue, voir Zib 11) que j’aurais aimé l’avoir écrit moi-même.» MARYVONNE COLOMBANI Voir critique du dernier roman de Salman Rushdie, L’enchanteresse de Florence, page 64. L’homme aux Histoires Le 17 oct, Salman Rushdie a inauguré la Fête du Livre en compagnie de son traducteur Gérard Meudal et de l’écrivain Altaf Tyrewala. Une occasion pour l’amphithéâtre bondé d’aborder véritablement son œuvre. Chacun de ses dix romans mêle avec une habileté rarement égalée Histoire et histoires, épopées et contes, avec un humour tendre, un sens infaillible de l’image. Le roman est-il moribond ? Salman Rushdie sourit : il n’existe pas de genre plus riche ! Il se souvient, amusé, des (contre) indications de Lewis Carroll, selon lesquelles une bonne histoire commencerait par un début, passerait par un milieu et s’achèverait sur une fin. Il est évident que la transmission orale d’un conte ne se limite jamais à ce schéma : des modifications, des retours en arrière, des rapprochements avec un évènement récent renversent le récit et l’enrichis- sent tandis qu’il passe de main en main. Pensif, l’écrivain émet une hypothèse selon laquelle un conte pourrait partir de l’Inde, traverser l’Europe et naviguer jusqu’en Amérique du Sud. Ce qui expliquerait les ressemblances entre le style narratif de Salman Rushdie, combinant irrationnel et vraisemblable, et S. Rushdie © X-D.R SUSAN BEL 61 Un gant à relever Le théâtre des Ateliers participait aussi à la Fête du livre. Le titre des journées s’avérait être celui d’une conférence de Salman Rushdie, donnée à Yale en 2002, Franchissez la ligne. Alain Simon, directeur du théâtre, se livre à une lecture sobre et expressive qui sert magnifiquement le texte de Rushdie ; l’humour, l’ironie douce amère, la finesse, l’érudition prodigieuse de l’écrivain connaissent ici un deuxième souffle. Alain Simon joue des silences, des interrogations muettes au public, s’efface pour servir ce grand texte. La transgression des frontières s’avère la condition même de l’évolution, et dans un vaste mouvement d’appropriation du monde, l’écrivain montre combien franchir les limites implique transformation, dépassement, enrichissement. Il dénonce, en même temps qu’il passe au scalpel, les intolérances, les étroitesses insupportables qui nous sont contemporaines. Analyse du monde, mais aussi véritable art poétique : la littérature, c’est la capacité de rapprocher, de trouver des échos, de nous fondre dans les multiples facettes de la réalité, abolissant le temps et l’espace. Les mécanismes les plus profonds de la littérature ne nous renvoient-ils pas à notre propre réalité ? Une analyse subtile du 11 Septembre nous renvoie à nos attitudes, nos responsabilités, à cette «époque frontière» dans laquelle nous avons le choix d’être des miroirs de l’intolérance et de la violence ou des défenseurs des principes de liberté, ne cédant pas à la peur que l’on tente de nous inculquer, restant nousmêmes. Relèverons-nous le gant ? «J’espère que nous passerons l’épreuve» conclut Salman Rushdie. MARYVONNE COLOMBANI Franchissez la ligne a été lu aux Ateliers (Aix) par Alain Simon Des planches et des créneaux La BD fait partie du paysage de Trets depuis 16 ans. Mêlée d’abord aux manifestations concernant les écrivains de Provence, elle a pris, depuis trois ans, un petit air d’indépendance, avec son propre festival, Des Remparts et des Bulles. Pendant deux jours, sous l’égide des services culturels de la ville et de la librairie d’Aix-en-Provence, Album, le château accueille sous ses voûtes romanes un choix éclectique d’une grande qualité. La première journée une foule de passionnés, souvent des adultes, se presse autour des artistes, nombreux, qui accordent à chacun commentaires et dédicaces. Puis les enfants déferlent, retrouvent leurs héros, découvrent de nouveaux graphismes. Il y a des ateliers, l’un qui présente les différentes techniques des coloristes de BD, l’autre, dirigé par Nathalie Demazeau, qui invite les plus petits à utiliser le pastel et la peinture en composant des portraits à la manière de Saulnier Blache. Le lendemain, plus calme, offre une bourse aux BD. Quelques artistes sont restés, pour le bonheur des visiteurs. La page blanche du livre se lisse d’un revers de main, quelques traits s’esquissent, aléatoires, pour le profane, et, comme par magie, naissent des personnages, des paysages, uniques. On se souviendra aussi de l’exposition de Olivier Thomas, l’auteur de Sans pitié. Chacun sera surpris du contraste entre l’univers sombre de la BD et celui des tableaux accrochés. Tous les supports et toutes les techniques sont employés avec bonheur, encre de chine, fusain, simples stylos feutre, huiles sur toile ou sur bois, comme cette belle tête émergeant de l’ombre… café musical, gros plans sur une guitare, expression concentrée du contrebassiste, convives joyeux dans l’atmosphère cordiale du lieu où se produit le Trio de la BD… Monde préparatoire aux histoires, certes, mais qui constituent un ensemble original et indépendant. M.C. La jeunesse a quinze ans Pour la quinzième année consécutive, le centre de congrès Agora d’Aubagne accueille les journées du livre jeunesse Les élèves des écoles, collèges et lycées rencontrent les écrivains sur lesquels ils ont travaillé ; les enfants assistent à des spectacles, comme Titi nounours et la soupe au pilipili, tre le loup… et des lectures, dont la qualité et l’originalité séduisent grands et petits. Des parcours sinuent entre les stands, le livre devient objet de quête, de surprise, de rire et d’émerveillement. De petits fascicules concoctés par les bibliothécaires de la médiathèque d’Aubagne et de la bibliothèque départementale guident les indécis ; des espaces de paroles, d’expression, de rencontres, permettent encore une approche dynamique et intelligente de la lecture. L’invitée d’honneur du salon, Suzanne Janssen présente un choix éclectique de planches originales de ses illustrations d’album, avec ses personnages aux têtes démesurées et expressives… Entretiens, chocolats littéraires, aiguisent l’appétit des lecteurs et apportent un regard souvent neuf sur la littérature jeunesse. La littérature ne mène-t-elle pas à tout, même aux sciences, avec les ateliers scientifiques et les ouvrages de vulgarisation ? Un genre gagne ses lettres de noblesse et une place de plus en plus large dans le paysage des livres, l’album. Un mini colloque lui est consacré le 15 nov. Les éditeurs parrainent leurs poulains, les libraires défendent leurs coups de cœur, et les visiteurs sont gagnés par l’effervescence. Tous, avec gentillesse et talent se plient à la cérémonie de la dédicace, conseillent les jeunes lecteurs et leurs parents. Le livre s’avère souvent récompense, on lui sacrifie son argent de poche, on découvre avec un infini plaisir de nouvelles œuvres d’un écrivain que l’on apprécie, on lui parle, il ou elle vous sourit, et c’est une voix encore plus vivante qui s’adresse à vous lorsque, enfin de retour, vous vous plongez avec délices dans Le Livre… M.C. Les journées du livre jeunesse se sont déroulées du 13 au 16 nov à Aubagne 62 LIVRES LIBRAIRIE LE GREFFIER DE SAINT YVES | ICI Pas si spécialistes ! Dans la petite rue Venture, en plein centre de Marseille, impossible de la louper. Devanture rouge sang, ornée d’un chat noir. Pourtant Le greffier de Saint-Yves n’est pas une librairie vouée aux sciences occultes ou à la fantasy ! À l’intérieur un ancien atelier de peintre ; sous les poutres imposantes, des étagères nombreuses garnissent les murs d’une harmonie en rouge et or qui n’est pas sans rappeler les tonalités des tribunaux. Depuis mars 2008, Hélène Thebault et André Tola proposent à une clientèle de professionnels ou d’étudiants un choix important d’ouvrages de droit. Mais pas seulement… Zibeline : Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre librairie ? Le Greffier de Saint Yves : SaintYves est le patron des professionnels du droit. Nous souhaitions garder une connotation juridique sans être austères. Quant au greffier, il évoque l’ambiance des prétoires et nous rappelle, à nous qui aimons les chats, que Gabin les nommait ainsi dans un film célèbre. Il nous a permis de trouver un logo déroutant ! Pourquoi une librairie spécialisée dans le droit ? Lorsque Brahic a fermé, tout près d’ici, il y a eu un vide énorme dans le quartier. Marseille est le plus jeune Barreau de France, le 4e aussi. Une librairie spécialisée est donc nécessaire dans le centre ville. Nous ne regrettons pas ce choix : le droit s’est révélé beaucoup plus vivant, beaucoup moins rigide que ce que nous croyions ! Les professionnels du droit se remettent constamment en question. Ils suivent des modules de formation continue et ne cessent d’acheter des ouvrages. Et à côté du droit pur et dur, nous proposons des livres de sociologie, de philosophie, d’histoire du droit, qui les intéressent beaucoup. On aperçoit, sur certaines étagères, des livres qui n’ont rien à voir avec le droit… Environ 25% des livres que nous proposons sortent de notre spécialité. Notre clientèle, essentiellement issue du milieu juridique, s’intéresse à la culture, achète volontiers les nouveautés littéraires et certains beaux livres. Nous travaillons aussi en partenariat avec les commerçants voisins, en particulier avec le salon de thé Luciole, ce qui explique la présence d’ouvrages sur le Les libraires du Greffier de Saint Yves ont aimé : Littérature : Mère et fille, un roman d’Eliette Abécassis (Albin Michel, 15,90 euros) Bêtes sans patrie d’Uzodinma Iweala (L’Olivier, 18 euros) Beaux livres : Ernest Pignon-Ernest (BärtschiSalomon, 59,95 euros) Evolution (Xavier Barral, Museum d’Histoire Naturelle, 49,90 euros) Et aussi, aux éditions de l’Epure, de charmants livrets non massicotés au prix de 6,50 euros, parmi lesquels L’huile d’olive, 10 façons de l’accommoder ou Les épluchures. Sans oublier leur meilleure vente, le livre que les avocats s’offrent entre eux et qui, paraît-il, les fait mourir de rire, ce qui est un comble pour Schopenhauer : L’art d’avoir toujours raison (Circé Poche, 6 euros). © Agnès Mellon thé et l’Orient. Nous venons de participer à l’opération Jardins de ville, et espérons collaborer prochainement avec le club de supporters qui nous fait face. Nous essayons de créer des ponts entre voisins, comme nous tentons de bâtir des ponts entre les disciplines. Après quelques mois d’existence, quel bilan dressez-vous de votre expérience ? Après des débuts difficiles, en raison de travaux importants dans la rue, nous sortons la tête de l’eau. Le milieu du droit commence à nous apprécier. La rentrée universitaire a fait venir les étudiants. Bref, l’enthousiasme reste entier ! Nous essayons de mettre en avant les titres que nous aimons. Les clients font de même et de ces échanges s’enrichit notre fonds. Nous prévoyons même de mettre en place des groupes de lecture. Le 30 oct, à l’Institut Culturel Italien, le comédien Pierre Palmi présentait une lecture, dirigée par Elisabetta Sbiroli (Cie Lalage), des Vêpres de la vierge bienheureuse. Un texte déroutant, obscur et minéral comme un bloc de jade, rugueux et fort de ses flamboyances, de son flot continu qui charrie avec lui des scories inidentifiables, apparaissant ça et là comme les jalons d’un chemin qui mène sans recours à la perte. Le texte est beau, magnifiquement traduit par Jean Paul Manganaro (voir cicontre), mais reste après la lecture parsemé de zones d’ombre. De quoi est-il question? D’un père qui parle au téléphone à son fils mort, de celui-ci, travesti, qui a rejoint le royaume des ombres (des squelettes plutôt) d’une mère, d’une sœur, de vols à la douane, d’un lynchage, d’un gros porc… Pierre Palmi bute sur les mots puis les expulse, fort comme un taureau blessé, droit dans les yeux, simple, éclairant par ses ruptures de ton les changements de voix, de niveaux dramatique, d’instant. Lui aussi, rugueux comme le texte, reste incompréhensible et fascinant. Reste à cette lecture à franchir le pas d’une mise en scène : ce sera chose faite en mars, aux Argonautes. En attendant, on peut lire le texte (la pièce ?) publiée aux Solitaires Intempestifs dans sa récente traduction française. PROPOS RECUEILLIS PAR FRED ROBERT AGNÈS FRESCHEL Coup de fil d’outre-tombe 63 Itinéraire d’un bandit sarde Le dernier ouvrage de Marcello Fois évoque le parcours de Samuele Stocchino, redoutable bandit du début du siècle dernier, qu’on surnommait le tigre de l’Ogliastra et que l’on craignait dans toute la Sardaigne, voire dans toute l’Italie. Malgré un ancrage historique évident, il ne s’agit pas pour autant d’une biographie, ni d’un document. Mémoire du vide s’annonce comme un roman, une fiction née de la vie d’un être tellement mythique dans l’inconscient collectif sarde qu’il a tout loisir de devenir un véritable personnage romanesque. Sous la plume puissante et poétique de Fois, l’existence de Samuele se fait destin ; l’ombre du fatum plane, énoncée par un coryphée, des voix off, lors de pauses dans le récit, qui font du bandit un héros, et de ses faits et gestes sanglants, une épopée. La fable suit son cours, comme un roman d’apprentissage à la Lesage ou un conte de Voltaire. Chaque chapitre est d’ailleurs introduit par un bref résumé des événements à venir. Enfance du héros et premiers signes de son élection : ici, une chute dans l’abîme dont le jeune Samuele sortira indemne. Hauts faits militaires et guerriers. Résurrection du héros, arraché de justesse à la mort, et retour sur la terre natale. Accomplissement impitoyable de la vengeance. Mort de la bien-aimée. Abandon de la lutte et mort du héros. Fois retrace les étapes fondatrices d’une légende. À travers la tragédie de Samuele, c’est également la Sardaigne qui est révélée. L’île originelle est, comme toujours, au centre de cette écriture, magistralement traduite par Jean-Paul Manganaro. Terre sauvage et aride, balayée par le vent, qui porte un peuple rude, à son image. Religion, superstitions et forces telluriques s’y mêlent dans une atmosphère souvent fantastique, que la lune, tout du long, baigne de sa splendeur glacée. Un magnifique plongeon dans le gouffre d’un cœur de loup. Mémoire du vide Marcello Fois éditions du Seuil, 18,50 euros FRED ROBERT Noire Catalogne L’homme est délicieux. Modeste et disert à la fois, Gildas Girodeau défend avec conviction sa terre, la Catalogne du Nord, autrement dit le Roussillon, dont il souligne les difficultés économiques et craint certains bouleversements environnementaux. Il parle avec pertinence du caractère social et politique du roman noir, de son inscription personnelle dans le cercle du «polar méditerranéen». Bref, il suscite l’envie de découvrir le quatrième de ses romans situé comme les autres en terre catalane. Alors, ni une ni deux, on se lance avec appétit dans la lecture de Nucléar Parano à Port-Vendres… Et on reste quelque peu sur sa faim. Ce court récit ne manque pourtant ni de morts suspectes, ni de suspense, ni de personnages attachants. Et cette affaire de crimes dans le milieu scientifique, ce qu’elle révèle sur les agissements mafieux de certaines grandes entreprises prêtes à tout, avec l’accord des politiques, pour accroître leurs bénéfices au mépris de l’environnement et des vies humaines, n’est pas sans intérêt. Le livre se lit d’ailleurs d’une traite. Pourtant, lorsqu’on l’a terminé, il s’évanouit. Comme les bulles de champagne, agréables mais éphémères. De ce polar du terroir catalan, peut-être attendait-on qu’il soit aussi capiteux qu’un vin des Corbières, aussi roboratif que le «riz à ma façon» que le héros, Paul Feder, mitonne amoureusement à bord de sa goélette. Un peu plus de chair, un peu plus de suc, voilà ce qu’on aurait apprécié d’un véritable «polar de résistance». Nucléar parano à Port-Vendres Gildas Girodeau Cap Béar Éditions, 8 euros FRED ROBERT Marseille en alphabet De A comme Alcazar à Z comme Zou, Zarma ou Zidane, Frédérique Marin nous convie à une balade en lettres et en aquarelles dans la cité phocéenne et ses alentours. Son Abécédaire, livret carré couleur safran, petit format pratique, se feuillette en tous sens. Majuscule colorée à gauche, illustration sur la page de droite, à chaque lettre de l’alphabet correspondent un ou plusieurs mots, évoqués en images par une artiste visiblement amoureuse de la ville. Des mots du patrimoine marseillais, illustrés dans des compositions colorées pleines de charme et de fantaisie. Noms de lieux, d’abord, avec par exemple l’Estaque à la lettre E, Le Vallon des Auffes à V, mais aussi les Quartiers Nord à Q. Noms communs chers aux Marseillais ensuite, comme le Pastis évidemment (mais à la lettre J comme Jaune !), l’OM forcément, la Sardine logiquement ; et aussi le F de Ferryboat, le G de Gabian et le D de Dégun. L’artiste lance également quelques clins d’œil à l’histoire, réelle ou imaginaire, de la ville. Ainsi, à I, on trouve If et son Monte-Christo ; à C, c’est tout le passé colonial de Marseille qui revit ; et à R comme Riou, le spectre de la grande peste de 1720. Frédérique Marin a même trouvé moyen d’illustrer la lettre K : K comme André Keck, le conducteur du fameux blindé qui libéra la Bonne Mère en 1944. Et à X, c’est Xénophile que l’on trouve… Bref, un fort joli parcours dans des images de Marseille… Pas d’Epinal ! F.R. Abécédaire marseillais Frédérique Marin éditions Jeanne Laffitte, 10 euros 64 LIVRES L’enfer à fond de train Depuis sa sortie, le dernier roman de Mathias Enard fait beaucoup parler et écrire ; les uns sont dithyrambiques, les autres le vouent aux gémonies. De quoi éveiller la curiosité et vous jeter dans le courant tumultueux de Zone ! Son illustre prédécesseur Apollinaire, dans le poème éponyme, ouvrait le recueil Alcools sur une errance dans Paris, balade désespérée en quête d’une impossible modernité, collage cubiste d’impressions et de digressions qui mêlait lieux et époques, légendes, Histoire et anecdotes. Une révolution poétique marquée formellement par l’abandon de la ponctuation. Enard à son tour relate une errance. Jouant des anaphores, des accumulations, des associations d’idées ou de souvenirs, gommant lui aussi majuscules et points, il nous embarque dans le convoi bringuebalant et apocalyptique de son narrateur. Francis Servain, un espion spécialiste de la zone méditerranéenne, et particulièrement de la mouvance islamiste en Algérie et au MoyenOrient, a raté son avion. Du coup, il prend le train de nuit pour Rome, afin d’y effectuer sa dernière mission. Le roman démarre en gare de Milan et sera sans arrêt jusqu’à Rome Termini. Durant les quelque 500 kms de ce voyage au bout de la nuit, le narrateur va devoir affronter ses démons sans pouvoir descendre de voiture : «il va falloir se laisser porter jusqu’à Rome et continuer la bataille, le combat contre les Troyens grands dompteurs de cavales, contre moi-même mes souvenirs et mes morts qui m’observent en ricanant». Dans cette évocation flamboyante et torturée, le passé guerrier de Francis en Bosnie resurgit, et avec lui toutes les guerres, tous les massacres, du sac de Troie au conflit israélo-palestinien, en passant par le génocide arménien ou la Guerre d’Espagne… Et le convoi qui emmène Francis vers son destin n’est pas sans en rappeler d’autres. Bref, c’est à une traversée des tragédies méditerranéennes que ce périple épique invite, à un parcours vertigineux aussi de la littérature, dont certains auteurs ou personnages reviennent en boucle, comme la cadence d’un train qui roule. Homère, Achille, Joyce, Genet, Céline et tous les autres, scandant la course vers l’abîme, à tombeau ouvert. Une fresque violente et splendide dont on ne sort pas indemne. Zone Mathias Enard Editions Actes Sud, 21,50 euros. FRED ROBERT Zone vient d’obtenir le Prix du Salon du Livre de Beyrouth Mathias Enard était présent aux Tables Rondes des Rencontres d’Averroès (voir page 70) Rushdie l’enchanteur Lorsque Gérard Meudal, son traducteur, présente le roman, c’est avec les accents de la fameuse lettre de Madame de Sévigné, «c’est le plus… le plus…» On sourit un peu, facilité oratoire de l’hyperbole, admiration parfois excessive pour ce que l’on a longuement travaillé… Puis on se pend aux volutes et aux estampes de la couverture de l’édition Plon… une plume semble avoir tracé les premiers mots… «Aux dernières lueurs du jour finissant, le lac miroitant…». Un monde digne des mille et une nuits s’ouvre alors. C’est un conte, une histoire, une fable, un voyage qui nous mène par toutes les terres connues et inconnues, l’empire Moghol au cœur des Indes merveilleuses, Florence, en proie aux rêves de puissance des Médicis, écrin précieux de l’Italie où la parfaite beauté d’une Simonetta inspire Botticelli, et le Mundus Novus de la Renaissance où l’or coule à flots, et où le temps se module à volonté (l’on peut même y vivre trois cents ans !)… Réflexions sur le pouvoir, la manière de régner, de transmettre, un trône, une histoire, la manière de vivre avec ou par ses rêves, la manière de les transcender, de les oublier aussi, pour vivre réellement, toutes les questions de l’humanité se retrouvent posées là. Qui y répond ? Le roi Moghol, Akbar, capable d’aimer une ombre, le blond arlequin qui sauve sa vie par des histoires, l’un des trois amis florentins, le Squelette, maîtresse des parfums, Jodha, la reine qui n’existe pas ou, plus fascinante encore, Qara Köz aux yeux noirs, l’enchanteresse ? Ce conte philosophique et fabuleux met en scène aussi bien Machiavel, Amerigo Vespucci, ou les terribles sorcières de la mer Caspienne, capables de lancer des sorts grâce à leurs mixtures composées de caviar et de pommes de terre (l’écrivain est libre de ses anachronismes, n’est-ce pas ?). Salman Rushdie s’amuse ainsi aux jeux de miroirs, aux échos, aux reflets qui lui permettent de tisser des liens subtils entre les histoires, les villes, les êtres, de dessiner une véritable fresque universelle. C’est un roman monde, un très grand roman ! MARYVONNE COLOMBANI Salman Rushdie était présent à la Fête du livre des Ecritures Croisées (voir page 60) L’enchanteresse de Florence Salman Rushdie Edition Plon, 23 euros 65 Ironie facile «Depuis que le peu d’esprit des fous a été réduit au silence, la petite folie des hommes sages se pavane au grand jour…». Cette jolie formule aurait de multiples axes de pertinence : celles des fous qui depuis des lustres dénoncent le capitalisme et des sages qui viennent d’en découvrir les malversations… Mais venons-en à nos moutons : c’est certainement à cette ironie shakespearienne que pensait Clément Rosset en composant cet écrit satirique en 1969 dont on se demande bien pourquoi les PUF le réédite. Quelle misère, pense Rosset à la lecture de plusieurs manuels de philosophie ! Comment des professeurs éminents de philosophie peuvent-ils écrire de telles niaiseries : «pour dialoguer il faut être deux… celui qui mélange matière et esprit mélange tout….». On en rigole au début puis le livre devient rapidement ennuyeux ; ironie inintéressante du pasticheur de manuels de philosophie sous le ton du naïf qui les prendrait au sérieux. Rosset nous lasse, il ne dit rien d’intéressant ; on le savait plus talentueux, mais à sa décharge il n’avait pas trente ans quand il commit ce livre. Par ailleurs on s’aperçoit bien vite qu’il est de mauvaise foi. Il est des philosophes à railler sérieusement tant ce qu’ils disent aux étudiant et lycéens peut se résumer parfois à : le scepticisme c’est pas bien, d’autres sont caricaturés alors même qu’ils défendent des thèses profondes et novatrices. On ne comprend alors pas la méthode de Rosset et on décroche : ainsi de la profonde esquisse d’une théorie des émotions de Sartre caricaturée par : «le peureux fuit devant l’ours…» À qui veut s’initier à la philosophie on conseillera l’Anti manuel de philosophie de Michel Onfray où la joie, l’impertinence et les éclats de rire sont au service de textes profonds et d’une pensée limpide et radicale. Si vous avez trouvé mieux faites le moi savoir. Vraiment! RÉGIS VLACHOS Contre les égarements Dans sa dernière livraison, La pensée de midi s’interroge sur les menaces de guerre qui s’accumulent sous les cieux méditerranéens Thierry Fabre pose la question de la réalité perçue au travers des médias : 10 soldats Français morts dans l’action suscitent un émoi que plus de 90 civils, femmes et enfants, morts sous un bombardement américain, toujours en Afghanistan, ne provoquent pas. Que sont donc ces guerres qui se mènent au nom de la liberté au travers du monde? Et la Méditerranée, lieu de déséquilibres et d’affrontements, devenue théâtre où s’exacerbent les rancunes et les haines, sombrera-t-elle dans la violence ? L’orage n’a pas éclaté mais il menace ! Comme dans un geste apotropaïque, le numéro convoque des esprits pour nous aider à comprendre, et pour -désir fou mais combien louable- demander à l’esprit de garantir contre les égarements. C’est d’abord Stéphane AudoinRouzeau, spécialiste de la violence de guerre, qui explicite la généralisation de la violence dans les sociétés, notamment après les grands conflits du XXe siècle. Mohammed Tozy s’inquiète de la violence islamiste. Qui sont ces jeunes djihadistes marocains qui se détruisent dans une explosion d’abord tournée vers eux-mêmes ? Quelles sont donc leurs motivations ? Moustapha Safouan nous livre de bien intéressantes réflexions sur l’Egypte : Nasser, le libérateur, a éteint les Lumières égyptiennes avant que Sadate ne lance les islamistes sur le devant de la scène. Violence encore au travers de la langue arabe classique, celle du Coran, qui permet de légitimer les pouvoirs contre le peuple. Remarquable enquête aussi de Michel Péraldi sur la condition migrante, où l’on peut comprendre quels espoirs se nichent chez ces hommes en partance, qui sont bien différents des épouvantails qu’exhibent trop souvent les T.V. Quant à la conclusion de Thierry Fabre, elle appelle à résister à l’esprit du temps, au mépris, au cynisme, à fonder une communauté méditerranée sur l’empathie, la compréhension et l’intelligence, à sortir de la guerre pour espérer la paix. RENÉ DIAZ Des rencontres autour de cette parution sont organisées à Marseille, Aix, Toulon (voir page 67). Désirs de guerre Espoirs de paix La pensée de Midi, n° 26 Actes Sud, 17 euros Ecrits satiriques Clément Rosset Editions Puf, 14 euros De la recherche à temps perdu C’est l’histoire d’une longue errance intérieure ; un homme, que les autres désigneront sous le nom de «Plisse», se retrouve à déambuler dans une grande ville qui pourrait être Marseille. Il se souvient d’être parti, d’avoir quitté une femme qui pourrait être la sienne. Le début du roman le trouve à la recherche d’une «petite caisse en bois», métaphore possible d’un lieu où se regrouper, se rassembler afin de tenter de restaurer une unité bien compromise. Suite à une rixe entre SDF, il atterrit dans un drôle d’institut où il est diagnostiqué «amnésique». Le texte, écrit essentiellement à la première personne, plonge le lecteur dans la conscience du personnage : les perceptions du dehors lui parviennent de manière fragmentée, incertaine et filandreuse. Les rencontres avec les autres patients qui pourraient être ceux de n’importe quel hôpital psychiatrique l’amènent parfois à se retrouver, le plus souvent à se perdre encore plus loin. Il y a là toute une galerie de malades mentaux, de personnel du monde psychiatrique assez ressemblants. On suit donc ce Plisse dans ses déambulations mentales et physiques, sans lien, sans objet : tout devient sensations, attention soutenue aux signaux émis par le corps. L’angoisse est omniprésente ; celle de savoir qui l’on est, ce que l’on a fait, ce que l’on va devenir. L’aspect forcément décousu de la narration se prolonge et s’amplifie par un usage continu de l’imparfait qui dilate à l’extrême le temps et fait de chaque instant une éternité. C’est sans doute une des faiblesses du roman ; le lecteur peut accepter d’être perdu, de suivre les pérégrinations d’un amnésique en quête de lui-même, sous conditions : soit de suppléer par la beauté de l’écriture à la traditionnelle succession narrative, soit d’être pris et emporté par la force des personnages, par l’originalité des actions. On reste là incertain, vaseux et flottant, comme quelqu’un qui aurait désappris à être. SYLVIA GOURION On peut attendre longtemps à l’horizontale Ivan Apostolo Presque lune, 19,50 euros 66 PHILOSOPHIE LIVRES | AGENDA Politique du savoir «Il ne peut y avoir révolution que là où il y a conscience.» On peut prendre appui sur cette belle formule de Jaurès pour déguster les neuf brillantes contributions de ce volume des éditions Parenthèses qui met à disposition les interventions de spécialistes au Conseil Général dans le cadre de l’échange et diffusion des savoirs durant la saison 2000-2001. Le thème était savoir et démocratie. Tiens, Jaurès justement, dont on fêtera bientôt le 150e anniversaire de la naissance. Il fait l’objet d’une contribution de Madeleine Rebérioux. On respire à se rappeler avec elle ce que signifiait le terme socialiste ! Au jour d’un congrès porté par des figures politiques converties au marché dans la plus totale apostasie de la cause du peuple et des luttes, il est bon de se rappeler Jaurès aux côtés des ouvriers à Carmaux, se faisant charger par la police… Simple anecdote qui cible la nécessité pour la pensée de se nourrir de l’action (et vice versa…). À cette condition d’empathie à la réalité sociale, les mots de Jaurès ont leur actualité : «l’humanité adviendra en passant par le socialisme» ; pourquoi le P.S. s’estil débarrassé de ces pratiques, et de la critique élémentaire du capitalisme qui s’en suit, et qui s’enfuit, à sa gauche dans le clan du postier ? Question de mémoire alors comme le rappelle Vernant, processus complexe, pluriel et dynamique : «il n’y a pas une mémoire qui serait un organe mais des productions intellectuelles qui utilisent les moyens qu’une civilisation se donne» ; mémoire ouvrière ou mémoire dominante : on choisit. Car il n’y a pas d’événement en soi, rappelle Vernant, il est toujours pris dans l’horizon du vécu dans lequel il a un sens. Choix politique de la mémoire alors ? À lire passionnément. Enjeu politique toujours avec Myriam Revault D’Allonnes qui vient s’inter- roger sur les valeurs normatives de l’idée de démocratie : sommes-nous vraiment sortis des définitions de Benjamin Constant qui décrivait la liberté des modernes comme la seule jouissance paisible de l’indépendance privée ? Une telle définition de la démocratie, si formelle, fait disparaître les conflits qui donnent consistance à l’existence politique. Question sociale toujours avec Robert Castel : il se penche sur l’État social au moment où la misère n’est plus vue comme une donnée congénitale de ceux qui la portent, mais comme une production sociale ; et aussi lorsque la gestion de la pauvreté devient une affaire publique arrachée à l’Église, administratrice principale de la charité. L’État a-t-il endossé ce rôle par souci humaniste, ou par volonté de contrôle politique de la violence sociale potentielle que produit le mode de production capitaliste ? Philosophie d’hippopotame Marcel Gauchet sera à l’hôtel du département pour une conférence à ne pas manquer sur une crise1, encore une ! celle de l’effondrement du sens des savoirs Les analyses de Marcel Gauchet sont une mine d’intelligibilité politique qui permet d’expliquer la crise à plusieurs niveaux de compréhension philosophique. Tout d’abord, la sortie du religieux il y a plus de deux siècles. L’ordre social n’est plus subi et imposé par un passé occulte et invisible qui définit, une fois pour toute, ce que les hommes doivent être. On découvre la société comme un artifice humain, et, par là-même, la politique devient l’affaire des hommes eux-mêmes : cela donne le passage de la transcendance à l’immanence. Monde désenchanté, sans son Merlin ou son Dieu. Petit hic ! Au cadre divin se sont substituées trois nouvelles idoles : le progrès, le peuple et la science. Outre le fait que ces idoles sont en crise, elles n’en demeurent pas moins des idoles puisque la croyance en la science est elle-même une croyance. C’est en ce sens ces croyances sont à leur tour frappées de décroyance… En fait cette sortie du religieux a un coût : on ne se débarrasse pas en deux siècles de deux millénaires au moins de domination religieuse. Non pas tant qu’elle resterait présente, ou que nous n’aurions pas trouvé, comme le disent les pitres réactionnaires des «valeurs» pour remplacer les siennes ; le coût de ce passage est l’invention de l’individu, invention qui ne va pas de soi et qui est le pivot des analyses de Gauchet. Nous nous sommes mis à croire à un individu libre, alors qu’ils est une production sociale : la crise de nos sociétés réside dans cet aveuglement sur la nature véritable de leur fonctionnement, au travers duquel on construit cet être hypothétique mais essentiellement valorisé qu’est l’individu autonome. Si l’on comprend que l’on n’est pas libre le libéralisme économique s’effondre ! Est-ce pour autant que cet exercice de lucidité porte en lui les velléités d’un ordre totalitaire comme seule alternative ? Binarité intellectuelle d’hippopotame, on vous disait en note liminaire ! R.V. Que nous arrive-t-il ? Sur l’effondrement du sens des savoirs : La conférence de Marcel Gauchet, historien et philosophe aura lieu le 4 décembre, à 18h45, à l’Hôtel du département, 04 96 11 24 50, www.cg13.fr 1 Cela n’a rien à voir avec le propos de Gauchet mais ça nous suggère une piste : et si la crise actuelle était justement celle de la connaissance ? N’avons-nous pas affaire en fait à un immense aveuglement depuis des années ? À un système qui va droit dans le mur mais qu’on laisse faire parce qu’il n’y en aurait pas d’autre, nous disent les penseurs à la binarité. On s’aveugle ou on comprend ? Prenons le pari de lire ce livre pour avoir savoir et conscience ! Et déterrer les conditions de possibilité d’une révolution, comme disait Jaurès ? REGIS VLACHOS Savoirs et démocratie Ed. Parenthèses, 18 euros 67 MARSEILLE Rencontres avec : - Aude de Kerros, L’Art caché, ouvrage paru aux éditions Eyrolles. Le 28 novembre à 18h. Espace Ecureuil, 04 91 54 01 01 Rencontre avec Emmanuel Laugier dans le cadre d’une conférence sur l’Approche de l’art sacré. Le 24 novembre à 18h. Leclere, maison de vente aux enchères, 04 91 50 00 00, www.damienleclere.auction.fr À l’occasion de la parution de son nouveau numéro Désirs de guerre… Espoirs de paix (voir page 65), la Pensée de midi organise trois rencontres-débats : Le 24 novembre à l’Institut d’Etudes Politiques (18h), à Aix, avec Stéphane Audoin-Rouzeau, historien, et Mohamed Tozy, politologue et anthropologue - Le 2 décembre à l’Institut culturel italien (18h30), à Marseille, avec Daniel Lindenberg, historien, Amara Lakhous, écrivain, Biancamaria Bruno, rédactrice en chef de la revue Lettera Internazionale et Mohamed Tozi - Le 3 décembre à la Faculté de droit de Toulon (18h30), avec Daniel Lindenberg, Biancamaria Bruno et Mohamed Tozi Toutes les rencontres seront animées par Thierry Fabre, rédacteur en chef de La Pensée de midi. 04 96 12 43 19, www.lapenseedemidi.org Double Jeu / Double Je, l’artiste et ses figures Soirée de clôture du colloque organisé par le Département des Arts Plastiques et des Sciences de l’Art de l’Université de Provence Aix-Marseille I. Performance de Dominique Angel et projections de vidéos-performances de Éric Duyckaerts, Rodney Graham, Arnaud Labelle-Rojoux, Jacques Lizène, Saverio Lucariello, Paul Mc Carthy, Ugo Rondinone, Roman Signer, Pierrick Sorin. Conférences Le 21 novembre à 20h30. Montévidéo, 04 91 37 97 35 www.montevideo-marseille.com Ils construisaient des bateaux – La construction navale à Port-de-Bouc et à La Ciotat (XIXe et XXe siècles) Conférence de Jean Domenichino. Le 25 novembre à 18h30. ABD Gaston Deferre, 04 91 08 61 00 www.biblio13.fr Exposition-événement de Michel Butor : présentation d’un choix de livres d’Artiste de Michel Butor, parution de Collecte, livre d’Artiste (Atelier Vis-à-Vis, coll. Vice-Versa). Exposition du 21 novembre au 20 décembre, lecture de Collecte le 21 novembre à 18h par Jean-Claude Niéto. Michel Butor sera présent lors du vernissage le 21 novembre à 17h 45 à la Galerie-Librairie Paradigme. Atelier Vis-à-Vis 04 91 33 20 80, http://ateliervisavis.com Israéliens et Palestiniens, des voix(es) pour la paix : rencontres/débats avec Shlomo Sand, historien, auteur de Comment le peuple juif fut inventé (Fayard) et Les mots et la terre (Fayard) ; Michel Warschawski, président du mouvement israélien Centre d’Information Alternative, auteur de À tombeau ouvert, la crise de la société israélienne (La Fabrique), Programmer le désastre (La Fabrique) et La révolution sioniste est morte, Voix israéliennes contre l’occupation 19672007 (La Fabrisue) ; et Issam Makhoul, sociologue et directeur du Centre d’études israéliennes et palestiniennes de Haïfa. Le 20 nov à 19h. Librairie Paidos 04 91 48 31 00 Le liber paradisius et les dispositions de libération de l’esclavage : Bologne 1257 : conférence de Giovanna Morelli, professeur d’histoire du droit médiéval et moderne à la faculté de Droit de l’Université de Bologne à l’occasion de la Journée mondiale des Droits de l’Homme. Le 10 déc à 18h à l’Institut culturel italien et le 11 déc à l’Universiré paul Valéry à Montpellier. Institut culturel italien, 04 91 48 51 94, www.iicmarsiglia.esteri.it Projections de vidéos du 1er au 5 déc de 13h à 17h. Conférence de Sylvie Coëllier sur Raphaël Zarka, en partenariat avec la Galerie Michel Rein/Paris. Le 4 décembre à 19h. 3bisf 04 42 16 14 75 www.3bisf.org AIX Lecture autour des textes de François Gilly à l’occasion de l’exposition de son travail intitulée La Sainte Victoire n’existe pas. Le Café des mots 04 42 21 67 52 Dans le cadre du cycle sur La Figure du Collectionneur, Maître Olivier Deblanc, avocat au barreau de Paris, anime une conférence sur La figure «juridique» du collectionneur : la recherche d’un statut du collectionneur. Le 20 décembre à 17h. Galerie La Non-Maison, 06 24 03 39 31, www.lanonmaison.com AVIGNON Exposition Animals, 17 toiles réalisées par 17 peintres siennois sur les 17 Contrades de Sienne. Jusqu’au 7 décembre. Théâtre du Chêne Noir, 04 90 86 58 11 www.chenenoir.fr ISTRES Rencontre-débat autour de la place du dessin dans l’art contemporain, à l’occasion de l’exposition d’Abdelkader Benchamma qui se déroule jusqu’au 21 décembre, avec C. Lorin, M. Barjol, C. Girieud, A. Benchamma, C. Boursault et N. Privat. Le 6 décembre de 14h à 18h. Centre d’art contemporain intercommunal à Istres, 04 42 55 17 10 68 SCIENCES ET TECHNIQUES © Tonkin Prod. Les Diafoirus de la corbeille Ô Zibeliniennes, zibeliniens, comme vous aujourd’hui j’écoute avec anxiété l’avis avisé des «scientifiques et techniciens» de la phynance, oracles très en vue des «Sciences Economiques». Dans les viscères d’équations complexes, de modèles non linéaires prétendument inexplicables, stochastiques, chaotiques, ergodiques et pour l’instant spasmodiques, ils cherchent la résolution scientifique du problème de la quadrature de la récession… Oh ! pardon ! de la «croissance négative» (si sic !). Ils quêtent la pierre philosophale des corbeilles d’abondance. Ils s’appliquent à lire dans les marcs thématiques de café, les signes rassurants de la «reprise», facteurs qui sonnent toujours deux fois à la porte de la divine et envoûtante Croissance. Ils lisent donc, dans les «baromètres mensuels», les indices du redémarrage. De la «prise de bénéfices» à l’«attente de l’index primordial» en passant par les «tendances des places mondiales», les gourous de la corbeille prédisent sur des modèles tous aussi infaillibles les étapes de la maladie ; nous en sommes au début, au milieu, à la fin. La pathologie sera longue, courte, infantile, sénile. Il faut «appliquer tel ou tel remède» de cheval, «injecter» tant et tant de milliards, «éponger» telle ou telle dette, endiguer telle «hémorragie» Sciences éco-comiques pour éviter «la fièvre des marchés». En «baissant ses taux directeurs», la banque centrale espère d’ailleurs la calmer ! Nos Diafoirus énarques se «penchent au chevet» de la «balance commerciale», on prend «le pouls du PIB», la «température de Wall Street», on tente de «réguler la tension des marchés». Et de fait, les docteurs Folamour de la phynance ayant eu bu la coupe pataphysique et mathématique jusqu’à la lie et l’hallali, se mutent en professeurs de médecine traditionnelle, allopathique, homéopathique mais toujours antipathique. Les Pères régulateurs La «note sera salée», car le contribuable devra mettre «la main à la poche», on tapera dans l’épargne populaire, il faudra faire appel à la «solidarité nationale» concepts considérés comme éculés voici encore quelques semaines par nos technocrates. Ils retournent leurs vestes et nous démontrent scientifiquement qu’en ces temps libéraux l’intervention de l’état redevient soudainement prépondérante : on privatise la poste et EDF (et son nucléaire) mais il est sain de re-nationaliser la banque. Le capitalisme invente la Sécurité Asociale pour payer les honoraires des docteurs du FMI ! (à ceux qui jouent au docteur avec leurs collaboratrices ?). Il faut dire que ces «spécialistes» prétendent qu’il ne s’agit pas d’une crise structurelle du système économique libéral mais seulement de la dérive de quelques brebis galeuses. Ce n’est qu’un étourdissement provoqué par de jeunes fous, et le malaise dans la civilisation se mue en crise d’adolescence, le docteur devient pédopsychiatre, et le pataphysicien psychologue. Malheureusement, dans ces secteurs, les honoraires ne sont plus conventionnés et les parachutes dorés qui évitent aux PDG indélicats de tomber dans de terribles déprimes, seront coûteux aux assurés peu rassurés. Mais tout va bien car le «Grenelle de l’environnement» veille au développement du capitalisme durable : les anciens CODEVI deviennent «compte épargne pour le développement durable» ; le prix des objets de consommation est assorti d’une «éco-taxe»… Ça y est! L’économiste s’est converti à l’éco-logique et brandit la menace environnementale pour justifier scientifiquement de nouveaux prélèvements obligatoires et profits non libératoires ! Taxe sur les gobelets, les sacs plastique, l’eau, l’air, les mouchoirs en papier… les ratons laveurs (et, qui sait, les Zibelines ?). La bio-science du profit est en train de naître. L’assuré est condamné à la santé à mort, il est taxé pour boire sa bibine, fumer son mégot et vivre ses fantaisies. Le grand inquisiteur du G8 le soumet à la question pour le laver de tout soupçon, l’absoudre du péché d’écoignominie et d’auto-imprudence. La pub Ubu France Inter le 26/10/2008, publicité : «Le passage à l’heure d’hiver c’est l’occasion de changer de montre !». Logique écrasante, implacable : pendant la semaine du blanc, on change de draps et de torchons. Au printemps, on refait les peintures. Et puis pourquoi pas : à la Saint Valentin, on change de copain ! Pour ton anniversaire, change de propriétaire ! Et pour la Toussaint, enterrez vos voisins ! Car enfin, pour que l’économie scientifique fonctionne, pour que les «bons modèles» opèrent, c’est au consommateur d’y mettre du sien. Ah la la la vie en rose, le rose qu’on vous propose, qui donne envie d’autres choses… Soufrez, salariés, que la banque se serve dans vos économies, sur votre travail pour le plus grand bonheur du maître de la phynance mondiale. Le grand modèle écocomique a parlé. Il a dit de faire le ménage dans la consommation des ménages, de tout jeter pour tout remplacer. Car il faut à tous la Déesse à aile illimitée, un télé faune au port détestable, l’écarte bleu, un crédit à taux variable, un lecteur dévidé, un homme cinéma, une berline décapotée, un porte ail électrique… le ratatine ordure et un coupe friture. Comme il faut que les entreprises soient libres de licencier massivement les travailleurs pour favoriser le pouvoir d’achat et l’emploi, a dit Laurence Parisot sur France Inter. Les Knock de la crise Les technocrates de l’économie nous imposent leurs «il faut» et «yaka» comme les médecins de Molière appliquaient le clystère. Ne restons pas malades de leur imaginaire. Guérissons-nous de leurs prescriptions délirantes et échappons à ces docteurs Knock de pacotille. Ne prenons plus leurs incantations pour des analyses scientifiques, leurs prophéties vénales pour des diagnostics infaillibles. L’économie n’est pas indépendante du politique. Réapproprions nous le politique, pour avoir enfin une chance de nous libérer de leur économie consumériste. YVES BERCHADSKY Au programme 69 Le 13 nov dernier débutaient les 3e Rencontres Internationales Sciences et Cinéma au CRDP à Marseille. La soirée d’ouverture offrait à 20h un «buffet des sciences» suivi par la séance 4 intitulée «Recherches», durant laquelle étaient projetés deux courts métrages accompagnés de débats avec des chercheurs, et le réalisateur Mathias Théry avec Etienne Chaillou (spécialiste du film d’animation) du second film de la soirée Cherche toujours. Les Zibelecteurs qui ont lu l’alexandrin article du Zib12 comprendront l’enthousiasme de votre humble servitesteur pour ce petit chefd’œuvre de poésie cinématographique ! Ce film n’est malheureusement pas encore distribué par la société Les films d’ici qui l’a produit à la demande de «Sauvons la Recherche» pour être diffusé sur ARTE dans une soirée Thema le dimanche 16 novembre avec, pour notre plus grand bonheur des rediffusions le 19 nov à 09h55 et le 26 nov à 5h. La scénographie de ce «reportage» sur le rêve de curiosité et les curiosités du rêve distille un subtil mélange des libertés infinies entre l’esthétique imaginaire du cinéaste et de l’idéal esthétique d’une modélisation rigoureuse du monde. Du brassage des sables émouvants de l’équipe Système hors équilibre de l’unité CNRS Matière et Systèmes Complexes, aux animations graphiques qui tentent de retracer les fantasmes de puissance du chercheur sur une connaissance sensuelle et vivante de l’univers sensible, s’écrit une fresque de la vie intérieure humaine d’une équipe de chercheurs passionnés. Rien de faux, tout d’onirique et au bout du désir de savoir… le doute… l’erreur profonde, vivante et prometteuse ! Cher Zibelrêveur ne manque pas les rediffusions de Cherche toujours sur ARTE et, au RISC de me répéter, encore bravo à l’entreprise de Polly Maggoo. À l’heure où le Zibelcurieux lit ces lignes, les lumières de la Fête de la Science 2008 commencent à décliner, mais il reste encore quelques jours jusqu’à l’extinction annuelle des feux le 23 nov pour profiter des belles animations et initiatives qui égayent encore le paysage scientifique régional. Et si d’aventure une escapade en Haute Provence vous sied, ne négligez surtout pas les manifestations de Digne Les Bains pour discuter des goûts et des couleurs et du musée préhistorique de Quinson dont nous ne cessons de vanter les mérites ! Pour faire son choix dans les abondants reliefs du banquet 2008 : www.fetedelascience.fr/deliaCMS/manifestation/programme/geographie_id-21 Et si Zibeline rappelait qu’en janvier 2003, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille et le Théâtre du Merlan scène nationale ont conclu un jumelage visant à favoriser le développement de projets artistiques au sein des hôpitaux ? Ce jumelage s’inscrivait dans le cadre de la convention partenariale signée en 1999 entre le Ministère de la Culture et le Ministère de la Santé pour le développement des activités culturelles à l’hôpital. Depuis, dans le cadre de ce partenariat, un ensemble d’initiatives communes ont été menées. Cette année, à l’Espace Ethique Méditerranéen, au cœur de l’Assistance Publique des Hôpitaux ou à l’Alcazar, au cœur de la ville de Marseille, les rencontres proposent d’explorer différents visages de l’imagerie médicale et d’offrir l’occasion d’échanges et de débats autour de personnalités diverses (sociologue, philosophe, anthropologue, radiologue, psychiatre, historien, écrivain ou metteur en scène). Le 28 nov, L’imagerie médicale à l’épreuve de l’éthique à l’Espace Ethique Méditerranéen, Hôpital Timone Adultes. Le 29 nov, Transparence du corps à la découverte du fœtus en gestation à l’Auditorium de la bibliothèque de l’Alcazar. Voir aussi, pour les Zinéphiles Théâtrovores, pages 11 et 57. 04 91 11 19 20 www.merlan.org www.timone.univmrs.fr/medecine/actualite/CONGRES/actualite_con gres_ethique.htm Enfin, le 20 nov, se tiendra à l’Hôtel de Région à Marseille, 27, Place Jules Guesde, le 6e Forum Régional de Culture Scientifique et Technique «Sciences et citoyenneté» autour, cette année, du thème Les paradoxes du progrès. L’accès à cette manifestation se fait par entrée libre sur inscription. Le champ des publics concernés et invités s’est révélé les années précédentes assez large pour mériter que les Zibelcurieux (mais aussi les Zibelinstitutionnels) soient informés de sa tenue. www.asts.asso.fr/site/manif.php?id=184 70 HISTOIRE LES RENCONTRES D’AVERROÈS Souffrant parfois d’une absence de contradiction, d’un consensus de surface des intervenants, les Tables Rondes d’Averroès ont posé mille questions et suscité débats et conversations… quand l’assistance a pris la parole! Elle a posé les questions évitées par des intervenants… trop polis ? Les conditions Premiere Table ronde avec, de g. a d., Ali Ben Makhlouf, Jocelyne Dakhlia, Emmanuel Laurentin, Marwan Rashed © I. Lesieur_Espaceculture/Marseille Résumons les pensées… Entre Mahomet et Charlemagne, faille irréductible ou monde commun? Désireux d’expliciter le titre de la première table ronde, Emmanuel Laurentin rappela qu’il se référait à un article d’Henri Pirenne, paru en 1922. L’historien y avançait qu’une «rupture» avait eu lieu dans l’ensemble méditer-ranéen avec les conquêtes arabes. L’Islam s’imposait alors progressivement sur les terres acquises. Pirenne, rattaché au courant nationaliste, bouleversé par l’affron-tement meurtrier de 14-18, cherchait à trouver un sens au monde européen ébranlé. Pour expliquer le passage de l’empire romain, centré sur la Méditerranée, à un monde européen terrien et nordique, il émit qu’il résultait de la domination de l’islam en Méditerranée. Les participants furent unanimes pour réfuter cette hypothèse. Si la formulation des affrontements entre civilisations soutenue récemment par Huntington, ou la nécessité de définir une nouvelle Europe après la chute du mur de Berlin, ont pu réactiver cette idée, la rupture n’a jamais eu lieu ! Pour Marwan Rashed l’islam est bien une inflexion dans l’histoire de la Méditerranée. Le monde arabe ne rompt pas avec ce qui le précède. Il reprend les traditions grecques mais aussi persanes ou sanskrites. C’est cette fusion, cette production d’une synthèse nouvelle qui parvient à la rive chrétienne de la méditerranée septentrionale. L’exemple de la science astronomique le montre. Les arabes ont utilisé au départ la science sanskrite puis, lorsqu’elle s’avéra limitée, l’ont enrichie des découvertes grecques. Ali Ben Makhlouf renchérit : l’astronomie arabe se répand en Europe à travers l’école de Padoue. Elle conduit aux découvertes de Galilée. Insistant sur les continuités, Jocelyne Dakhlia évoqua la lingua franca, langue forgée sur les bords de la Méditerranée. Construite essentiellement à partir de langues romanes, elle est utilisée par les marins et les marchands comme par les prisonniers ou les esclaves. Langue d’un monde métissé, le monde musulman la pratiquait. Il ne s’est donc pas isolé, contrairement à ce que soutient Lewis, l’historien américain pour qui l’isolement est l’explication du déclin arabo-musulman ! Au contraire, ses sociétés sont ouvertes : le talent y est un mode de promotion, ce qui n’est pas le cas dans la chrétienté romaine. De la même façon, ajoute Marwan Rashed, un penseur arabe peut étudier de manière critique la révélation islamique au IXe siècle, et être qualifié, un siècle plus tard, de penseur subtil. Tolérance encore entre un ministre abasside et des traducteurs chrétiens : invités aimablement à la conversion, ils rétorquent avec une ironie mordante qu’il n’y a nulle supériorité de l’islam. Un tel échange, au même moment, sur la rive européenne de la Méditerranée, n’avait aucune chance d’exister ! La conclusion de la Table Ronde fut nette. La vision d’un orient arabe, étranger, fait d’obscurantisme et de rejet, bâti sur des préjugés très anciens, doit être abandonnée… Entre islam(s) et laïcité(s), fractures durables ou convergences possibles ? Abdennour Bidar, auteur d’un remarquable Pour un existentialisme musulman, affirme qu’il n’y a pas de fracture irrémédiable entre laïcité et islam. La question renvoie au problème du multiculturalisme : quelles sont les limites acceptables, dans des sociétés qui se Deuxième Table ronde avec, de g. ̀a d., Ali Maklouf, Jocelyne Dakhlia, Emmanuel Laurentin, Marwan Rashed© I. Lesieur_Espaceculture/Marseille sécularisent, des particularismes religieux ? Mustapha Chérif, ancien ministre algérien, précise que ces questions se posent dès lors qu’il s’agit de définir un «être en commun». Franck Fregosi note qu’en France il y a un accommodement raisonnable des musulmans avec les lois de la République, que l’adaptation à la laïcité est en train de se faire. Mais que les musulmans demandent aussi que la République intègre certains particularismes. Le problème surgit alors : lesquels sont acceptables ? Abdennour Bidar souligne que les horaires réservés dans les piscines, les médecins femmes… sont des demandes qui proviennent d’une fraction minoritaire. Cet islam très conservateur monopolise le débat. En fait les musulmans tâtonnent, partagés entre le souci de rester dans une filia-tion et celui de se penser en Europe. Pour Cengiz Aktar, le choix entre fracture et convergence dépendra de la capacité de l’Europe à se saisir de la candidature turque. Le gouvernement élu depuis 1970, la notion de «démocrate musulman» empruntée à celle de «démocrate chrétien», la laïcité turque calquée sur le modèle français, tout cela fait que la Turquie pourrait permettre de déplacer le débat, de lui donner une dimension concrète : pour obliger l’Europe à repenser la laïcité, y compris pour des pays comme la Pologne ; pour obliger les Turcs à admettre la laïcité comme une nécessité politique, et non comme une contrainte imposée par le haut et garantie par les militaires… Mustapha Cherif soutient que le monde musulman est celui qui s’oppose le plus franchement à la marchandisation, et que les musulmans se définissent souvent par ce droit à la résistance et à la singularisation. Il met en garde contre une confusion fréquente entre les théories, fraternelles, et les pratiques, violentes : le djihad n’est pas plus dans l’islam que le goulag dans Marx. Mais pour qu’il y ait réellement convergence, il faut bâtir une maison commune, une structure d’alerte contre les discriminations, une solidarité qui soit humaine et non religieuse. Abdennour Bidar, par une pirouette (sophiste ?), souligne la double chance de la confrontation entre islam 71 du débat et laïcité : elle peut permettre à l’islam de se remettre en mouvement et de sortir de l’absence d’exégèse dont il souffre, et à l’occident de poser à nouveau la question spirituelle. Il s’agit de trouver un sens commun de la liberté, de la justice, de la tolérance, de la laïcité. De produire des pensées métissées universelles, et non des systèmes valables dans des zones. Mais Franck Fregosi affirme que si la laïcité a des fondements philosophiques, elle existe par la loi, que l’État doit garantir la liberté de croire ou ne pas croire. Ce qu’Abdennour Bidar complète : la liberté de conscience n’est pas suffisante ; la liberté de penser est nécessaire, et l’État doit garantir pour chacun la possibilité de construire un sens critique… Par l’école, et tout ce qui permet à la pensée de circuler ! Entre Djihadisme et occidentalisme, nouvel affrontement des blocs et renaissance méditerranéenne L’ultime débat avait pour but de décrypter l’opposition entre islam et occident: une lecture du livre de Mathias Enard (voir page 64) fit surgir une Méditerranée de tueries, de cadavres et de tombes. L’auteur précisa que le partage y a aussi sa place : la Méditerranée fait rêver, même si parfois cela prend la forme du cauchemar. Nadia Yassine livra à son tour sa vision de la Méditerranée. Représentante d’un mouvement islamique marocain nonviolent, justice et spiritualité, elle affirma la nécessité du dialogue, tout en notant que cette zone était belligène depuis la nuit des temps, et que la guerre n’est pas propre à l’islam. Pour Mohamed Tozy, l’idée même de la Méditerranée actuelle est une fabrication essentialiste, liée à des singularités de cet espace comme la famille, la vengeance, le rapport au temps : c’est une méditerranée factice. En fait, elle est construite par la violence et la contrainte, alors qu’elle devrait être un choix d’avenir. Sur la sollicitation de Thierry Fabre qui menait les débats, Tozy décrivit le Djihadisme comme une idéologie, athée, récente. Le mot Djihad, qui renvoie à l’effort, n’est pas utilisé par les nationalistes maghrébins : ils employaient le mot résistance ; les palestiniens celui d’Intifada… La première définition notable est celle de Sayyed Qutb, militant des frères musulmans. Pour lui la société musulmane doit être nettoyée de l’influence occidentale. Mais la réalité violente du Djihad apparaît surtout avec la guerre du golfe. Les Salafistes, devant ce qu’ils considéraient comme une souillure, refusèrent de voir l’installation de l’armée américaine en Arabie Saoudite, et versèrent alors dans une protestation armée. Pour Nadia Yassine, le Djihadisme n’est pas un avatar de l’islamisme, et l’islamisme n’est pas une maladie de l’islam. Il s’agit d’une réponse dans un contexte de domination américaine, d’une crispation identitaire basée sur la religion. Troisième Table Ronde avec, de g. ̀a d. Mohammed Tozy, Thierry Fabre, Nadia Tassine et Mathias Enard© I. Lesieur_Espaceculture/Marseille Dans un monde qui se désécularise, elle affirme la nécessité d’un pacte islamique pour la société. La démocratie, la femme, l’échange et le refus de la violence doivent y avoir toute leur place. Il faut désamorcer la colère d’une jeunesse emportée par son mal-être : l’expérience soufi y a toute sa place. Mathias Enard intervient pour relever la fascination de la mort que l’on trouve dans ce type de mouvement (le Djihadisme). Pour lui l’adhésion à l’idéologie est moins déterminante que l’adhésion au groupe. Le «viva la muerte» de la légion espagnole ralliée à Franco l’illustrait à merveille ! Et Tozy rappelle combien le discours sur l’héroïsme prime pour les candidats au martyre. Face aux néo-conservateurs américains, symbolisés par Huntington et son «choc des civilisations», un courant antioccidental s’est largement développé, l’occidentalisme. Déjà présent chez les Russes du XIXe siècle, relayé récemment par les penseurs de l’islamisme radical, ce courant présente l’occident comme un modèle d’inhumanité avec ses mollesses et ses perversions, son esprit décadent. Yassine ne souscrit pas à cette vision monolithique : noirceurs et lumières se juxtaposent selon elle en Occident. Elle prétend que l’échange permettra d’éviter la confrontation et le repli sur soi. L’altermondialisme lui semble donc propice pour construire des relations nouvelles entre le Nord et le Sud. Enard pense que l’arrivée d’Obama permettra le triomphe du droit sur la force. Ces changements s’effectueront lentement. Il insiste aussi sur une évidence: l’islam et le monde arabe font partie de l’occident ! Dans ce cadre, la Méditerranée peut permettre de dépasser les clichés et les incompréhensions. L’union de la méditerranée est à construire dans un partage et une égalité entre les composantes. Difficile d’accepter dès lors le projet promu par Sarkozy qui créé un déséquilibre irrémédiable (nous avons les cerveaux, vous avez les bras…). Les fractures se situent surtout entre les riches et les pauvres, entre les démocraties et les dictatures, entre la présence ou l’absence de l’état de droit. Tozy pose comme préalable la mobilité des populations, tant du point de vue économique que culturel. Yassine rappelle que la pauvreté de la vie intellectuelle et l’absence d’élites capables de susciter une opposition contribue au maintien de pouvoirs autoritaires... RENE DIAZ ET AGNÈS FRESCHEL …et relayons les questions en suspens! Dans la salle, après le second débat une spectatrice s’émut de l’absence de femmes à la Table Ronde qui parlait de particularismes acceptables… et rappela qu’un des écueils à la convergence était la désappropriation de leur corps dont étaient victimes les femmes musulmanes… Elle dit encore que l’internationale des croyants qui s’était constituée, et dont parlait monsieur Chérif, n’était composée que d’hommes, ce qui était inacceptable… Quelqu’un ensuite revendiqua une spiritualité sans Pater Deus… un «libre penseur» se déclara horrifié… Le lendemain, face à Nadia Yacine, foulard sur la tête, qui affirmait qu’au Maroc tout le monde se dit musulman, quelqu’un demanda ce qu’il advenait des non musulmans dans une société islamique… Tozi compléta la question, sans y répondre, en disant que 5% des marocains n’étaient pas musulmans, et 15% des musulmans n’étaient pas pratiquants… Plus globalement, on s’étonna que ces Tables Rondes aient, sous prétexte de faire connaître la réalité de l’islam et de combattre les préjugés à son encontre (démarche évidemment nécessaire), renoncé à faire entendre la défense cohérente d’une philosophie matérialiste. Franck Fregosi affirma que «plus de foi n’est pas égal à moins d’intelligence». Mais finalement peu importe : le public, confronté à cette parole prudente mais savante, a pu faire son miel et s’interroger ! R.D ET A.F 72 HISTOIRE LES RENCONTRES D’AVERROÈS Vie et mort d’un poète engagé Au lendemain des Tables rondes, les Rencontres d’Averroès organisaient projection, débat et mise en espace autour de Kateb Yacine Kateb Yacine © X-D.R Le public présent malgré un beau ciel bleu, aurait sans doute réjoui Kateb Yacine (1929-1989) : il était à la fois populaire et intellectuel, manifestement francoalgérien, masculin-féminin, tous âges confondus, depuis l’ancien militant jusqu’au jeune étudiant. Tous étaient venus pour entendre parler de Kateb Yacine et, à travers lui, de l’Algérie, de ses luttes, de ses désespoirs mais aussi et surtout de sa formidable envie de vivre et d’être enfin libre. L’après-midi a commencé par un film documentaire de Kamal Dehane (1989, 55’), portrait de l’écrivain ; par fragments, il relatait les moments les plus importants de sa vie, personnelle bien sûr mais aussi publique. Sa famille d’abord qui lui a donné le goût des belles choses, poésie et musique confondues. Puis la révélation de sa vocation poétique, au bord de l’eau, face à l’immensité de la Nature. C’est là qu’il a compris qu’il serait poète, qu’il n’avait pas le choix, que tout son être aspirait à chanter le monde. Autre moment fondateur, les massacres de Sétif et d’Annaba, en 45. Kateb Yacine n’a que 16 ans et ne comprend pas grand-chose à cette violence : comme les autres adolescents, il crie «vive l’Indépendance» ce qui lui vaudra plusieurs mois de prison. C’est là que se formera sa conscience politique et, plus encore qu’il percevra l’âme du peuple algérien, à travers le visage et les souffrances des gens du peuple. Désormais, il a une mission. À sa sortie, il retrouve une mère, passionnément admirée, devenue folle de douleur suite au massacre d’une partie de sa famille. Ainsi, se confondent en lui le deuil de son premier amour et la naissance de son militantisme. La figure maternelle s’est élargie et a pris les dimensions d’un peuple. Il faut ajouter le coup de foudre ressenti pour la belle cousine impossible, mariée, Nedjma… Et tous les éléments de son itinéraire sont en place ; esprit de révolte, lutte contre le colonialisme, défense des femmes, lutte pour la reconnaissance de la culture berbère, lutte contre les nouveaux maîtres, autochtones cette fois… au moyen de la plus faible mais de la plus acérée des armes, l’écriture. Poésie mais aussi roman ou théâtre. En Français, quitte à traduire ensuite en berbère. Le rapport au français fut, pour Kateb Yacine, une autre histoire d’amour. Il explique qu’il s’est trouvé incapable de parler sa propre langue et que l’arabe imposé par le pouvoir après l’Indépendance ressemblait trop à une nouvelle forme de domination ; curieusement, l’ancienne langue de l’oppresseur est devenu un vecteur de libération. C’est là sans doute la première filiation entre Kateb Yacine et les auteurs contemporains venus débattre après le documentaire. Il a surtout été question des rapports entre poésie et politique, de l’Algérie, celle d’aujourd’hui qui se débat dans les convulsions d’une démocratie difficile, des langues aussi ; celle que l’on habite, celles qui les habitent, français, arabe, berbère… Kateb Yacine fait figure de père pour toute une génération de jeunes écrivains algériens, mais ils n’ont pas l’adoration facile… Certes, il est l’Intellectuel, le Poète, le Dramaturge… Toutefois, l’hommage que Areski Mellal et Mustapha Benfodil lui ont rendu ne lui aurait pas déplu ; loin de toute soumission, c’est l’esprit de Kateb Yacine qu’ils font revivre. Un esprit libre, insoumis, capable de toutes les remises en question. Le spectacle final l’a d’ailleurs bien prouvé ; à partir du livre de Bénamar Médiène, Kateb Yacine, le cœur entre les dents (Laffont, 2006), le metteur en scène Ziani Chérif Ayad (El Gosto Théâtre) a concocté un superbe monologue, Yacine répondant, post mortem à un lanceur de fatwa qui prétendait lui interdire sa terre natale comme lieu de son dernier repos… La bassesse ne connaît pas de limites et l’ironie féroce de Bénabar Médiène, ami du poète, a réglé son compte au pire des fanatismes, celui qui prétend se faire juge des hommes jusqu’après leur mort. Ce texte, brillant, tonique, iconoclaste et jubilatoire, porté par l’acteur Sid Ahmed Agoumi, a démontré, s’il en était besoin, l’humour féroce et roboratif des algériens. Puisse t-il les accompagner toujours. SYLVIA GOURION Le temps de l’écrit Les actes des Rencontres de l’an passé, La Méditerranée au temps du monde, sont publiés chez Parenthèses La première partie de l’opuscule concerne l’antiquité et le Moyen-Age. Didier Pralon ausculte, au travers de la Grèce, une Méditerranée familière ou dangereuse mais toujours proche et familière. A. Ben Abed évoque le rôle des Phéniciens, leur confrontation avec Rome, et, plus largement, l’édification d’un monde commun que le christianisme a encore unifié. Maurice Sartre insiste, lui, sur la centralité de la Méditerranée dans la conception romaine du monde. Dans l’épreuve du temps, sujet de la deuxième table ronde, Dominique Eddé évoque les deux concepts temps pour les arabes : le «waqt, c’est le temps qui passe entre le début et la fin d’une phrase» ; le «zamân, c’est le temps qui règne par-dessus la durée de la vie». Pour elle le rapport entre ces deux temps, liés l’un à l’autre a été perturbé, au XXe siècle. Le waqt a connu une accélération déstabilisante : il se réduit à l’instant ultime pour le poseur de bombe, tandis qu’il pouvait attendre la construction d’un État pour le participant à l’intifada palestienne. Histoire de temps encore avec Zaki Laïdi dont la mondialisation, marquée par l’uniformisation apparente, n’efface pas des temporalités très diverses. M. Farhi insiste sur l’effacement du temps. Les hommes politiques devraient inciter à oublier : c’est à cette seule condition que la réconciliation et un futur sans carnage pourront naître. Dernier volet, la Méditerranée dans la mondialisation. J.-C. Tourret montre que la diffusion de la culture américaine n’élimine pas les modes de vie et valeurs des autres ensembles culturels. S. Goumeziane, plus prosaïque, déplie les différences et les inégalités entre les rives de la Méditerranée et dépeint l’organisation déséquilibrée de cet ensemble solidaire. Quant à Michel Peraldi, il s’attache à défendre la mobilité des peuples dans l’espace méditerranéen. RENÉ DIAZ La Méditerranée au temps du monde, rencontres Averroès n° 14 direction Thierry Fabre Editions Parenthèses,12 euros LES FEMMES DANS LA LITTÉRATURE JEUNESSE EDUCATION 73 Le sexe des livres Propose-t-on les mêmes titres aux garçons et aux filles ? Que cache la différenciation sexuelle dans les livres pour enfants et ados ? «Pass’livres» est un comité de lecture formé de représentants du livre et de l’éducation qui se réunissent trimestriellement pour analyser la production éditoriale pour les 10-15 ans. La journée professionnelle du 23 oct a réuni à l’Alcazar bibliothécaires, enseignantes (les hommes brillaient par leur absence...), universitaires, écrivains pour parler de la représentation féminine dans la production éditoriale jeunesse. Au départ, un constat regrettable et inquiétant : les éditions Jeunesse renouent avec une tradition qu’on croyait dépassée, différencier les livres pour garçons et filles, la bibliothèque verte et la bibliothèque rose. Voilà que reviennent au grand galop les récits pour futurs conquérants ou jeunes filles rangées ! Peu à peu on s’oriente vers une sorte de ségrégation... Il y a peu de temps on entendait parler de retour à la non-mixité des écoles et à l’uniforme. Raison de plus pour être vigilants! Hélène Montardre parle d’un corpus de romans de 1975 à 1995. Dans les années 70 la situation de la femme a énormément évolué avec la pillule, l’autorité parentale partagée, l’IVG. Tout est prêt pour une nouvelle génération de filles. Mais à partir de 1985 le chômage s’installe, les femmes se mettent à temps partiel. Dans les années 90 les personnages féminins ne s’intéressent presque plus à à l’épanouissement personnel et professionnel et reviennent à des préoccupations d’ordre sentimental. Les éditions Milan s’identifient par les couleurs, les slogans «Interdit aux garçons !» On assiste à une régression et on impose un modèle de «petite femme» bien calibré! L’universitaire Nelly Chabrol-Gagne constate que les stéréotypes ont la vie dure, que les garçons et les filles ne sont toujours pas éduqués de la même manière et cite un grand classique toujours d’actualité, Du côté des petites filles de 1973 ! Comment le bébé puis l’enfant peut-il construire son identité ? Existe-t-il en dehors de la famille ? La femme peut-elle sortir de son rôle social de mère ? En conclusion, les bibliothécaires réaffirment leur volonté de faire lire de la qualité et insistent sur la nécessité de la diversité. La question reste posée : quelle société voulons-nous pour nos filles ? (et nos garçons, interdits d’émotion, forcément conquérants ?) CHRIS BOURGUE Les filles dans les livres Isabelle Vandenabeele crée des gravures artisanales sur bois et sans presse. Elle a commencé à faire des dessins et des planches sur le thème du Chaperon Rouge, en rouge et noir : «Quand le loup mange la grand-mère tout devient rouge. La dernière image, c’est la peau du loup, en carpette.» Et le livre s’appelle Rouge rouge petit chaperon rouge. Frisson de fille revisite le conte de Barbe bleue : Louise s’ennuie et retrouve un ancien copain de classe. Il la conduit dans son manoir où elle découvre les têtes décapitées de toutes ses copines qui rêvaient de princes Éditions du Rouergue, 18 euros Albums d’Isabelle Vandenabeele aux éditions du Rouergue (autour de 18 euros) Romans d’Isabelle Rossignol et Jérôme Lambert aux éditions de l’École des Loisirs (entre 6 et 11 euros) Pour les petits : Je veux un zizi de Laetitia Lesaffre, éditions Talents hauts (9,80 euros) charmants ! Elle s’échappe à cheval et retrouve le goût de la vraie vie. Aux deux couleurs du 1er album Isabelle a ajouté du bleu, le dessin est précis, cerné de noir. Pour Prélude à un amour brisé les dessins se sont enrichis de jaune et de vert et disent le refus du couple, de la maternité. Un homme et une femme n’ont pas les mêmes projets, et la femme part. Éditions du Rouergue, 16 euros Isabelle Rossignol parle du corps. Sa jeunesse s’était passée dans un univers où les rôles homme/femme étaient irrévocablement distribués. «J’ai écouté mes tripes, ce qui remontait de l’enfance». Elle écrit sur la différence. Une écriture vive et incisive comme son auteure qui sait appeler les choses par leur nom. Jérôme Lambert travaille depuis 8 ans à l’École des Loisirs avec Geneviève Brisac qui a bouleversé la littérature pour adolescents avec le roman-miroir, littérature de l’intime qui fait plutôt peur aux garçons. Interrogations sur la vie, l’identité sexuelle, les romans de Jérôme Lambert s’intéressent à l’ambiguïté, à l’attirance entre sexes semblables. Écrits pour les ados, ils questionnent aussi les adultes. C.B. 74 ÉDUCATION BJCEM | AVERROÈS | JUNIOR | ENSDM La 14e part à Skopje Averroès Junior travaille pour l’avenir ! Après ses éditions à Barcelone, Thessalonique, Bologne, Marseille, Valencia, Lisbonne, Turin, Rome, Sarajevo, Athènes, Naples et Bari, la prochaine Biennale des Jeunes Créateurs d’Europe et de Méditerranée se tiendra du 3 au 12 septembre 2009 à Skopje, capitale de la République de Macédoine Cette 14e édition ne se déroulera pas dans un lieu unique comme à Bari, mais investira divers espaces culturels et publics de Skopje, ce qui permettra à la ville une ouverture qu’elle n’a pas connue jusqu’ici. Le thème de la BJCEM 2009 choisi par ses organisateurs sera Les sept portes, référant aux sept routes qui mènent et partent de Skopje, semblables aux sept énergies vitales qui entrent et sortent du corps. Sept disciplines seront donc abordées : les Arts Visuels, les performances urbaines, les Images en mouvement, le Spectacle vivant (Théâtre, Danse), la Littérature et la Poésie, la Musique ainsi que la Gastronomie. 56 artistes français sélectionnés à partir du 9 janvier (date limite de dépôt des dossiers de candidature !) par des critiques, experts des domaines artistiques concernés, feront partie des 713 artistes ou plus provenant de 47 pays euro-méditerranéens qui y présenteront 420 productions (dont 32 françaises). Les créateurs ne doivent pas avoir entamé la trentaine (sauf pour la Musique, le Théâtre et la Danse, qui s’autorisent une limite de 35 ans) Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité à 25 000 exemplaires Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti Le dispositif Averroès Junior mis en place pour la 4e année consécutive se développe en élargissant le nombre d’établissements scolaires participant à l’aventure. Ainsi Port-de-Bouc, Arles, Martigues, Avignon, Embrun, Apt, s’ajoutent à Aix et Marseille. En partenariat avec le Rectorat, il s’agit de sensibiliser les jeunes générations à la complexité du monde méditerranéen. En projet : un site de ressources qui proposerait des comptes-rendus, des travaux d’élèves, des suggestions de lecture permettraient aux enseignants d’aborder le thème à n’importe quel moment de l’année pour un brassage culturel bénéfique. Le cibermagazine Le Méditerranéen sera mis en ligne en janvier 2009 pour étendre le programme à la culture scientifique avec la Direction de l’Enseignement et de la Recherche. En novembre et décembre, des courts métrages proposés par le Centre audiovisuel de la Communication Audiovisuelle et des films élargiront les horizons des élèves : nous en reparlerons ! et doivent provenir de Marseille, du Pays d’Aix et de l’agglomération Toulon Provence Méditerranée pour les Arts visuels et les Arts appliqués, de Marseille uniquement pour le Spectacle vivant, de la Région PACA pour la Musique, la Littérature, les Images en mouvements, les Interventions urbaines et uniquement de l’agglomération Toulon Provence Méditerranée pour la Gastronomie. Une autre sélection est prévue à Montpellier. Sept workshops référant aux sept disciplines artistiques seront mis en place à Skopje d’avril à mai 2009 et toute la sélection française sera également présentée du 2 avril au 17 mai à Montpellier, au Carré Sainte Anne. CHRIS BOURGUE SUSAN BEL Portes ouvertes Appel à candidature BJECM 2009 Règlement et inscriptions www.espaceculture.net Conformément aux habitudes prises depuis l’arrivée de Frédéric Flamand, puis de Jean-Christophe Paré, L’Ecole Nationale Supérieure de Danse propose aux marseillais de suivre le travail des élèves et de la classe d’insertion professionnelle. L’École ouvrira donc librement ses portes le samedi 13 décembre de 14 à 18 H. C.B. Rédactrice en chef Agnès Freschel [email protected] 06 09 08 30 34 Musique et disques Jacques Freschel [email protected] 06 20 42 40 57 Secrétaire de rédaction Dominique Marçon [email protected] 06 23 00 65 42 Musiques et disques Frédéric Isoletta [email protected] 06 03 99 40 07 Éducation Chris Bourgue [email protected] 06 03 58 65 96 Cinéma Annie Gava [email protected] 06 86 94 70 44 Arts Visuels Claude Lorin [email protected] 06 25 54 42 22 Philosophie Régis Vlachos [email protected] Livres Fred Robert [email protected] 06 82 84 88 94 Sciences et techniques Yves Berchadsky [email protected] Histoire et patrimoine René Diaz [email protected] Maquettiste Philippe Perotti [email protected] 06 19 62 03 61 Responsable commerciale Véronique Linais [email protected] 06 63 70 64 18 Ont également participé à ce numéro : Susan Bel, Delf, Armelle Marie, Muriel Bénisty, Maryvonne Colombani, Marie-Jo Dhô, Sylvia Gourion, Yamina Tahri, Dan Warzy, Marie Godfrin-Guidicelli, Pierre-Alain Hoyet, Christine Rey, Emmanuel Moreau, X-Ray Photographes : Agnès Mellon ORCHESTRE RÉGIONAL DE CANNES ÉDUCATION 75 Les musiciens retournent au Lycée ! Un projet inédit s’est concrétisé pour la 2e année consécutive en Région PACA : amener l’Orchestre Régional de Cannes dans les lycées généraux et professionnels, au plus près de la population scolaire © Elian BACHINI Comme l’an dernier, les quartiers Nord ont été mis à l’honneur. Durant trois jours l’Orchestre régional de Cannes a séjourné, répété et joué dans ces quartiers que l’on dit difficiles ! Le lycée Victor Hugo classé en ZEP (zone d’éducation prioritaire) au cœur de la cité, le lycée professionnel La Viste et le cinéma Alhambra de St Henri ont été choisis pour accueillir Philippe Bender et son orchestre. Un projet intégrateur De quoi s’agit-il exactement ? De faciliter l’accès à la culture et aux pratiques artistiques, de permettre la rencontre d’artistes dans l’exercice de leurs talents, de déclencher des intérêts et, pourquoi pas, des vocations chez les lycéens. En tous cas, changer leur perception du monde de la culture, de la musique «classique» et des adultes. Pour ouvrir des horizons ! Comment ? En mettant en place un partenariatentrelaRégionPACAetl’Orchestre de Cannes dirigé par Philippe Bender depuis 33 ans. Ce dernier est très attaché à sa mission de service public culturel auprès des jeunes et effectue une dizaine de concerts pédagogiques par an. «Je veux mettre la musique au plus près des jeunes. Et quoi de mieux que de les faire participer ! C’est ce que nous avons fait cette année en leur faisant dire les textes proposés puisque le thème de l’intervention est Musique et Théâtre». L’orchestre et ses 40 musiciens sont donc venus en résidence à Marseille pour donner 3 concerts sur 3 jours, précédés de répétitions commentées. Un programme varié Avant de commencer la répétition, Philippe Bender explique aux élèves l’importance de l’accord de tous les musiciens sur la note donnée par le premier violon. C’est lui qui a choisi le programme. Le premier mouvement de la 5e symphonie de Beethoven est donné en ouverture et bénéficie d’une écoute attentive, ainsi qu’un extrait du Bourgeois © Elian BACHINI Gentilhomme (scène 1, acte II) orchestré par Richard Strauss avec le Maître à danser et le Maître de Musique (d’après Lully), suivi d’un extrait d’Athalie de Jean Racine (sc.5, II) sur la musique de Félix Mendelssohn. L’extrait de la fameuse tirade du Nez de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, sur la musique de Marius Constant, a remporté un franc succès au lycée Victor Hugo avec 5 élèves enthousiastes de l’option Théâtre. C’est Philippe Bender lui-même qui présente l’œuvre d’André Tomasi, compositeur marseillais né à Mazargues dont est joué Retour à Tipasa sur le texte d’Albert Camus, hymne à la lumière et à la Méditerranée. Moment d’émotion forte tant les élèves de Terminale L qui l’ont lu y ont mis d’intensité. Pour finir, Bender présente le Pulcinella de Stravinski : cette fois un élève, Nassim, lit son propre texte façon Slam pendant qu’un autre, Mohamed, joue de la derbouka et accompagne l’orchestre sous l’œil bienveillant et la baguette précise du chef ! Ovation assurée ! Si l’on peut s’interroger sur la pertinence de mettre systématiquement des textes sur la musique plutôt que de la laisser écouter, on ne peut qu’être séduit par cette initiative qui a su captiver l’attention de ces jeunes peu habitués à ce type de musique. C’est ce que dit d’ailleurs Philippe Bender : «C’est vrai que les textes sont peut-être écoutés au détriment de la musique, mais ce qui est important c’est qu’ils aient ce contact ; les jeunes aiment les musiques étonnantes.» Isoletta, professeur de Musique du Lycée (et par ailleurs chroniqueur à Zibeline !) de préparer la venue de l’Orchestre non seulement à Victor Hugo, mais aussi à La Viste, en prenant les élèves en dehors des cours, jonglant avec les emplois du temps des uns et des autres, la compréhension des autres enseignants… Il s’est ainsi livré à une heure de sensibilisation avec chaque classe participante, expliquant l’orchestre, le timbre, donnant un éclairage sur les œuvres qui seraient entendues : «Il fallait préparer et convaincre ! Au début ils n’étaient pas chauds, mais ça prenait et après certains voulaient encore rester. Il a fallu faire travailler un minimum les textes choisis. Quelques profs de français ont joué le jeu… C’est Mohamed qui a fait la demande de jouer de la derbouka et Philippe Bender était partant : les échanges ont eu lieu dans les 2 sens ! Les élèves étaient ravis, les musiciens conquis !». Pour finir : le concert ! Cette fois c’est le vrai ! Le chef et les musiciens ont revêtu leurs habits de gala, Michel Vauzelle, président de la Région PACA, et Alain Hayot, Vice-président délégué à la culture, arrivent et félicitent parents et lycéens de leur présence. Lisette Narducci, maire du secteur, fait l’éloge du sens de la pédagogie de Philippe Bender. Le concert se déroule, le public est conquis, l’émotion circule. C’est gagné ! CHRIS BOURGUE Une initiation accélérée Tout cela a demandé un sérieux travail en amont ! Il n’était pas question de confronter les élèves aux musiciens sans préparation… Qu’à cela ne tienne ! Le Rectorat a demandé à Frédéric La résidence de l’orchestre s’est déroulée du 21 au 23 octobre 76 EDUCATION ZIBULONS Notre rubrique Zibulons s’élargit ! De Gap on se souvient de Ceux qui partent à l’aventure, le Lycée Périer (Marseille) est allé à la Criée, le Lycée Vauvenargues (Aix) au Pavillon Noir, et Victor Hugo (Marseille) a accueilli l’Orchestre de cannes… Ils s’essaient à l’interview, à la critique et au pastiche. Avec beaucoup de talent ! Karina Saïb, en classe de 2nde à Victor Hugo a interviewé Philippe Bender qui dirigeait l’Orchestre de Cannes (voir page 75) Karina Saïb : Quels sentiments vous procure la musique classique ? Philippe Bender : La musique peut m’apporter joie ou tristesse et au cours d’un concert, je peux passer d’un sentiment à l’autre. Elle fait partie intégrante de ma vie. Je ne m’imagine pas vivre sans ; elle me consume et me nourrit. Pourquoi avoir choisi le lycée Victor Hugo ? Ce n’est pas une coïncidence. D’abord il y avait sur place un prof de musique motivé, puis la population de ce lycée est majoritairement issue de populations défavorisées pour lesquelles la musique classique est souvent peu rencontrée. Quel est le but de cette action ? Montrer aux jeunes que le classique n’est pas destiné aux élites, que c’est une musique populaire, mère de toutes les musiques actuelles, Rap, Pop ou R’n’b ! Qui peut faire partie de leur quotidien et les émouvoir. Philippe Bender © X-D.R Ceux qui partent à l’aventure, le pastiche C’était bien hein Maryse Oui Manon mais je crois qu’Annie s’est ennuyée Ennuyée Annie ennuyée je ne pense pas Maeva Prête-moi ton épaule Stella Les sièges étaient confortables Quentin Cela n’empêche qu’Isabelle semblait heureuse Même avec la fatigue je ne pouvais dormir Gabriel Etrange composition Christelle Hey je le sais bien je le sais bien On ne comprend pas mieux Kael Et les gosses, y’avait des gosses, qu’est ce que t’as fais des gosses Hein ? 1 matin 2 cours, normal. La cantine odorée paella à 12h, l’ascension Cantine-Théatre, arrivée au Théâtre le Cadran avec plein 2 monde devant l’entrée qui s’agglutine... Petite attente avant 2 pénétrer dans le temple 2 la culture... Présentation des billets, tout est en règle, entrée dans la salle à 13h... Trouver 1 place et s’asseoir... Attente... Le théâtre se remplit... Attente... Puis, enfin, début du spectacle... 1h40 de spectacle... Fin... Acclamation... Pause... Rencontre... Fin... Sortie du théâtre... Tu m’écoutes Elisabeth ? Si si Moi j’ai presque manqué de m’endormir Quand même Julien ! Si si, je te jure, Clémence, des fois je me noyais dans le texte et au début j’ai eu du mal à bien comprendre qui était qui Mais petit à petit ça s’est amélioré Elodie ? Oui, mais le début était plutôt difficile Charles Je le comprends Abdel... MANON ROUX, LYCÉE DE BRIANÇON Ceux qui partent a l'aventure © Didascalies and co Noctiluque, le jeu des confrontations encombrent encore la chorégraphie. Même si la trame de fond demeure compréhensible, nombreux sont les passages durant lesquels saisir un fil devient insurmontable ! Peut-être la différence des cultures explique-t-elle cela, le ballet étant inspiré d’un récit de fantômes japonais. Mais la difficulté semble surtout provenir de l’extrême diversité du spectacle. Kaori Ito emprunte des chemins aussi variés que la danse, le cirque (jeu de trapèze), et le théâtre (exercices corporels et respiratoires). Le tout est fort décousu : on assiste à une succession de scènes, par-fois très contrastées, sur un vaste répertoire musical dans lequel se mêlent chants africains, musique baroque… La chorégraphe ne cache d’ailleurs pas ses sources d’inspiration : James Thiérrée, à qui le décor et l’utilisation d’un rideau rouge font écho, mais aussi Découflé, comme le confirment assurément les effets de mise en scène (nuages d’insectes, cadre multifonctions) et la théâtralité du ballet, ponctué de touches humoristiques. Elle s’inspire également de Preljocaj comme le montre un magnifique solo très nu et tout en ruptures. Aussi, le tableau auquel nous sommes confrontés, bien que d’une certaine profondeur, semble un peu étranger et flou. La chorégraphe paraît encore en recherche d’un style… JORIS GIOVANNANGELI ET BAPTISTE DUCLOUX, TERMINALE S. Les élèves du Lycée Vauvenargues (Aix) ont vu Noctiluque le 25 octobre au Pavillon Noir Noctiluque au Pavillon Noir © Agnes Mellon Noctiluque : ce qui brille la nuit. La salle est plongée dans l’obscurité, tandis que des souffles mystérieux semblent se répondre sur scène. Mais ce calme masque une violence insoupçonnée. Les deux lueurs qui se dessinent dans la pénombre se livrent rapidement à un combat. Peu à peu se met en place un cycle de tableaux saturés de détails. Puis le ballet s’articule autour de sujets existentiels tels que la dualité de l’Homme, à la fois tendre et sauvage, comme le soulignent les variations récurrentes du rythme. La chorégraphe japonaise s’attache vraisemblablement à représenter la lutte entre ses pulsions animales et sa part plus tempérée. Progressivement, laréflexionsedéplaceverslaquêtedel’amour,lajalousie, et la question du bonheur. On voit les danseurs convoiter un cœur, qui est parfois la seule source de lumière sur la scène. On ne saisit guère l’esthétique vers laquelle s’oriente la chorégraphe : l’épure est sans cesse associée à un univers surchargé, difficilement lisible pour le spectateur. Les décors, bien que d’une beauté certaine, De Gaulle en mai, théâtre politique De Gaulle en mai © Brigitte Enguerand Que peut évoquer ce titre ? Bureau présidentiel ? Décorum et personnages psychorigides engoncés dans des valeurs obsolètes ? Et bien voilà une mise en scène qui surprend ! Là où devraient se trouver le faste et l’honneur attendus dans cet environnement où évoluent ces figures emblématiques, Jean-Louis Benoît a choisi pour tout décor des armoires où se terrent ces grands noms de la politique! Mais, me diriez-vous, sontce donc là des manières de dénaturer l’histoire française ? Point de dénaturation ! Le metteur en scène ne fait que développer l’analogie ministres/vêtements pour montrer combien Foccart, De Gaulle, Pompidou, ou encore Fouchet se sont trouvés démunis face à la «révolte» étudiante. Le pari audacieux de transposer le Journal de l’Elysée tenu par J. Foccart en mai 68 et par la même susciter du plaisir à travers l’histoire est une réussite. PAUL 1RE S De Gaulle en mai, c’est l’incompréhension d’une génération vieillissante et pragmatique face à une jeunesse idéaliste : « Les maoistes coupent le pis des vaches !! ». Une pièce pleine d’ironie qui met en scène le Journal de l’Elysée du conseil- ler J. Foccart, une proposition jouant avec la double énonciation, particulièrement dans la première scène dans laquelle le Général de Gaulle adresse ses vœux aux Français, le 31 décembre 1967 : le décalage est frappant pour nous qui connaissons la suite […] Voilà une occasion de faire un peu d’histoire. On apprécie quelques allusions qui s’éloignent du sujet pour aborder «la question africaine de l’Elysée». Finalement, c’est une bonne surprise, audacieuse en cela qu’elle traite d’un sujet devenu sensible depuis un an. THÉO TERMINALE S LYCÉE PÉRIER (MARSEILLE) 78 FORMULAIRES D’ADHÉSION ANNUELLE ADHÉ REZ ! à l’amicale et recevez Zibeline chez vous! Cochez le type d’adhésion souhaité Adhésion individuelle (11N°) 1 exemplaire mensuel, 1 carte de membre nominative : 40€ Adhésion familiale 1 exemplaire mensuel, …cartes de membre nominatives : 60€ (autant de cartes de membres que de personnes vivant sous le même toit) Adhésions collectives 5 exemplaires mensuels, 1 carte de membre nominative : 60€ 10 exemplaires mensuels, 1 carte de membre nominative : 100€ 15 exemplaires mensuels, 1 carte nominative : 125€ Adhésions de groupes 5 exemplaires mensuels, 5 cartes nominatives : 100€ 10 exemplaires mensuels, 10 cartes nominatives : 140€ Nom du groupe ou Nom et Prénom de chaque membre : Profession : Adresse postale (1 par groupe) Mail Téléphone Chèques à libeller à l’ordre de : L’amicale Zibeline Adhésions à adresser à : L’amicale Zibeline 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Les cartes de membres vous seront adressées par retour de courrier LA RUBRIQUE DES ADHÉRENTS Nos partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages… Pour les places gratuites, téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte nominative). Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour l’adhérent) Le Grand Théâtre de Provence 5 invitations pour 2 personnes pour La famille Bach et Mozart le 25 nov à 20h30 5 invitations pour 2 personnes pour Mozart, la clarinette et l’alto le 4 déc à 20h30 5 invitations pour 2 personnes pour I went to the house but did not enter le 11 déc à 20h30 résa par mail : [email protected] La criée 10 invitations pour Le Cid (au Théâtre du Gymnase) mes Alain Ollivier le 27 nov à 20h 4 invitations pour CABARET ! CRIéE Poèmes et chants du Portugal le 4 déc à 20h et le 6 déc à 20h 04 96 17 80 31 (Bernadette Brisson) Théâtre du Gymnase 10 invitations par soir pour Kliniken de Lars Lorén mise en scène de J.-L. Martinelli le 2 déc à 20h30 le 3 déc à 19h le 4 déc à 20h30 le 5 déc à 20h30 le 6 déc à 20h30 résa par mail à [email protected] Théâtre Toursky 2 invitations pour 2 personnes pour Hommage à Messiaen le 2 déc à 21h 0820 300 033 L’Ensemble Télémaque 6 invitations pour le concert Ouvertures solistes Les Romantiques le 6 déc à 20h30 au Ballet National de Marseille 04 91 39 29 13 Le Festival Dansem 2 invitations pour Esse #3 - La matrice des anges de Karry Kamal Karry le 10 déc à 19h30 au Merlan 2 invitations pour Indigo de Paco Dècina le 13 déc à 20h30 au Merlan 04 91 55 68 06 Montévidéo tarif réduit à toutes les représentations 04 91 37 97 35 Les Bancs Publics 1 place offerte pour 1 place achetée pour tous les spectacles 04 91 64 60 00 Le Gyptis 5 invitations pour 2 personnes pour Les caprices de Marianne le 5 déc à 20h30 et pour tous les spectacles de la saison tarif réduit B (15€ au lieu de 24) à toutes les représentations 04 91 11 00 91 Les Salins (Martigues) 10 invitations pour Un Pedigree texte de Patrick Modiano avec Edouard Baer le 3 déc à 20h30 à confirmer avant le 26 nov au 04 42 49 02 00 Théâtre du Jeu de Paume (Aix) 10 invitations par soir pour Vers toi terre promise de J.-C. Grumberg le 21nov à 20h30 le 22 nov à 20h30 résa par mail à [email protected] Le Pavillon Noir (Aix) 2 invitations par soir pour Que ma joie demeure de Béatrice Massin le 16 déc à 20h30 le 17 déc à 20h30 le 18 déc à 20h30 le 19 déc à 20h30 04 42 93 48 00 GRIM tarif réduit pour tous les concerts (10€ au lieu de 12€) O4 91 04 69 59 Le Balthazar entrée gratuite pour tous les concerts du jeudi 04 91 42 59 57 Le Cargo de Nuit (Arles) 4 invitations pour le concert de Spleen le 12 déc résa par mail à [email protected] L’institut culturel italien vous offre 3 adhésions annuelles d’une valeur de 32 €, cette «carte adhérent» vous donnera accès à tous les services de l’Institut, médiathèque et programme culturel. demande par mail : [email protected] ou au 04 91 48 51 94 Librairie Maupetit (Marseille 1er) La Canebière 5% de réduction sur tous les livres Librairie L’écailler (Marseille 1er) 2 rue Barbaroux 5% de réduction sur tous les livres Le Greffier de Saint-Yves (Marseille 1er) librairie générale et juridique 10 rue Venture 5% de réduction sur tous les livres Librairie Regards (Marseille 2e) Centre de la Vieille Charité 5% de réduction sur tous les livres L’histoire de l’œil (Marseille 6e) 25 rue Fontange 5% de réduction sur tous les livres Librairie Imbernon (Marseille 8e) spécialisée en architecture La Cité Radieuse 280 bd Michelet, 3ème étage 5% de réduction sur tous les livres Librairie Arcadia (Marseille 12e) Centre commercial Saint Barnabé Village 30 rue des électriciens 5% de réduction sur tous les livres Librairie de Provence (Aix) 31 cours Mirabeau 5% de réduction sur tous les livres Librairie Au poivre d’Ane (La Ciotat) 12 rue des frères Blanchard 5% de réduction sur tous les livres La Pensée de Midi vous offre 3 exemplaires du dernier n° de la revue Le Mépris 5 exemplaires de Tanger, ville frontière 1 exemplaire de Beyrouth, XXIe siècle par mail : [email protected] Si vous souhaitez devenir partenaires et publier ici vos avantages, écrivez à [email protected]