Zibeline n°13 en PDF

Transcription

Zibeline n°13 en PDF
3
1
Q
du 20/11 au 18/12/08
|
un gratuit qui se lit
Politique des musées de Marseille
Les Assises de la Culture
Politique culturelle
L’Arcade, l’Étang des Aulnes
Les Assises de la culture
Entretien avec Marie-Paul Vial
La Minoterie
Les Rencontres artistiques du var
4
5
6
7
8
Théâtre
Le Gymnase
La Criée, le Daki Ling, Le Marie-Jeanne
Le Merlan, Les Bernardines
Le Gyptis, le Toursky
Le Lenche, les ATP (Aix)
Martigues, Aix, Pays d’Aix
Aubagne, La Ciotat, Draguignan, Châteauvallon
Avignon, Le Revest-les-Eaux, le Massalia
Port-de-Bouc, Ouest Provence, Cavaillon
Nîmes
Gap, Avignon
9
10
11
12
13
14,15
16
17
18, 19
20
21
Danse
Draguignan, Dansem, Istres
BNM, MOD
Ballet d’Europe, Pavillon Noir
GTP
Martigues, Nîmes
22
23
24
25
26
Cirque
Comoni, Cavaillon, Martigues, Istres
28
Arts de la rue
Sirènes et midi net, La folle histoire, Small is beautiful
29
Musique
Concerts
Opéra
Concerts, agenda
30,31,32,33
34,35
36 à 47
Arts visuels
[Mac], Regards de Provence
Entretien avec Guy Limone, Vol de Nuits
Hôpital Caroline, Artothèque
3bisf, Vœux d’artistes
Arles, Gap, Vaison-la-Romaine
48
49
50
51
52
Cinéma
Les bureaux de Dieu
Festival Tous Courts, Horizontes del Sur
Institut Culturel Italien, Apt
Rendez-vous des quais, Alhambra, Vitrolles,
Arles, Images et Paroles Engagées
France Untimited Access, Polygone Étoilé, Châteauvallon
53
54
55
56
57
Livres
Laterna Magica, Histoire de l’œil, agenda
Belles Latinas, Belles étrangères
Fête du Livre (Aix), Trets, Aubagne
Librairie Le greffier de Saint Yves, Institut Culturel Italien
Livres
58
59
60,61
62
63,64,65
Philosophie
Livres
Conférences
66
67
Sciences et techniques
Sciences éco-comiques, RISC, agenda
68,69
Histoire
Les Rencontres d’Averroès
70,71,72
Éducation
Les femmes dans la littérature jeunesse
BJCEM, Averroès junior, ENSDM
Orchestre de Cannes
Les Zibulons
Rubrique des adhérents
73
74
75
76,77
78
Où sont
les œuvres ?
Une photo du Ground Zero en couverture de Zibeline, pour fêter
Obama! Et pour s’interroger sur cette béance laissée, qui cicatrise la blessure sans camoufler le mal. L’élection d’Obama prouve
le ressort du peuple américain, et nous réconcilie avec une Amérique qu’on croyait perdue. Les néocons’ qui tentaient de migrer
jusqu’à nous n’ont qu’à bien se tenir!
On attend l’œuvre au-delà de la victoire. Savons-nous ce
qu’Obama veut faire du monde ? L’unique préoccupation des médias est de savoir ce qu’il est. Noir (ou pas). Sympa (ou pas).
Charismatique (ou pas). Au PS aussi les simplifications médiatiques se substituent aux lignes de conduite. Les militants votent
pour des motions, des programmes, mais c’est la personne qui
mène la liste qui retient l’intérêt des caméras. Peu importe de savoir vers quel avenir on va, pourvu qu’on sache qui nous y mène.
Ségolène (ou pas).
Dans le monde culturel le virage est encore plus raide. Plus
amorcé. La programmation des lieux se fait au gré des projets,
des thématiques, se conçoit en axes, en concepts. Le corps, la
Méditerranée, la ville, le recyclable, l’oralité, l’étrangeté, le
sacré… sont déclinés sous toutes leurs formes et leurs genres,
depuis les petits lieux expérimentaux jusqu’aux grands festivals.
Les artistes doivent inscrire leurs projets dans des cadres que
des programmateurs éclairés leur imposent gentiment. Ils s’y
soumettent, condition sine qua none pour être exposés, écoutés,
diffusés, publiés, coproduits, accueillis.
Or ces thématiques obéissent souvent à des logiques de communication: poussés actuellement à la rentabilité, les programmateurs culturels doivent remplir les salles, donc vendre des places.
Et communiquer sur une œuvre, sur des œuvres multiples et singulières, est autrement plus difficile que de se défausser par une
thématique branchée.
Pourtant ce sont bien les œuvres qui marquent, qui restent, qui
comptent : les intitulés des festivals, slogans fugaces, devraient
servir à mettre en valeur la singularité, et non lisser la production artistique autour de concepts communs… Tout comme les
dirigeants politiques devraient être élus pour ce qu’ils veulent
faire de ce monde, et non pour ce que leur image personnelle dégage.
AGNÈS FRESCHEL
04
POLITIQUE CULTURELLE
ARCADE | ÉTANG DES AULNES
L’Arcade chez Milhaud
L’Agence Régionale des Arts du Spectacle retrouve
ses anciens murs, tout près de la Rotonde, dans
l’ancienne demeure de Darius Milhaud…
À sa création en 1974, l’ARCAM1 résidait
déjà au Logis du Bras d’Or. Mais lorsqu’en
2000 ses missions d’accompagnement
se sont élargies, passant de la danse et
la musique à l’ensemble du spectacle
vivant, elle a cédé la place au commissariat qui occupait déjà le rez-de-chaussée
du bâtiment.
Le 20 octobre 2008, l’ARCADE s’empare
de la totalité des murs restaurés et les
ouvre au public, aux artistes, au monde
professionnel de la culture. Et le Logis
apparaît comme un îlot de mémoire, un
refuge au cœur du nouveau Quartier
Sextius, univers urbanistique singulier
que l’on traverse comme un monde
virtuel, avec l’impression déstabilisante
de parcourir une maquette d’architecte…
Un lieu ressource
L’Agence, présidée par Alain Hayot2 et
par le Directeur Régional des Affaires
Culturelles, François Brouat, est le fruit
d’une collaboration entre l’État et la
Région. Mais la Ville d’Aix a financé une
grande partie des travaux d’aménagement, confirmant sa volonté explicite,
voire démonstrative, d’«investir dans la
culture, l’intelligence et la beauté»,
comme l’a expliqué Maryse Joissains3.
Si Marseille (Provence) est élue capitale
culturelle, l’Université, la Fac de Lettres,
le Rectorat, la DRAC et l’ARCADE
continuent d’habiter la petite ville, sans
doute parce qu’elle sait les retenir et
être fière d’être intellectuelle…
Car abriter l’Arcade n’est pas un mince
avantage : Messieurs Brouat et Hayot
ont rappelé le caractère unique, exceptionnel, de ce partenariat entre l’État et
la Région PACA. Depuis plus de trente
ans l’Agence aide à l’aménagement du
territoire par la Culture, organise la
formation professionnelle des métiers
du spectacle, dispense auprès du public
une information concrète et fiable sur
le spectacle vivant. Et veille à un équilibre
raisonné des budgets entre production,
diffusion et création. Observatoire
régional, plateforme d’accompagnement de l’emploi culturel, elle aide à
mieux comprendre, et donc à mieux
gérer, les arts du spectacle.
Le nouveau bâtiment
Au rez-de-chaussée, des bornes multimédias, des ordinateurs dispensent
pour le public des informations à la
carte sur l’offre de spectacles, les
compagnies et les lieux. L’endroit,
agréable, invite à la promenade le long
des vidéos permanentes (ouverture du
lundi au vendredi, 9h-12h30, 14h-18h).
Au premier étage les bureaux du
Le logis du bras d'or, nouveaux locaux de l'Arcade © X-D.R
personnel. Et au sous-sol des salles de
travail : pour accueillir les stagiaires en
formation professionnelle, des conférences, mais aussi des concerts, des
lectures, des moments conviviaux.
Ainsi, le soir de l’inauguration, la maison
de Darius Milhaud fut rendue à la
musique. Juste avant l’ensemble de
saxophones et le quatuor de mandolines, le Président Vauzelle fit entendre
sa note discordante en fustigeant le
désengagement actuel de l’État : la
culture n’est pas un luxe dont on
pourrait se passer en période de crise,
mais une nécessité absolue au maintien
de la cohésion sociale, de la vie en
commun. Dans ce refuge ouvert sur le
monde, qui veille à la mémoire et prépare l’avenir, on ne saurait qu’entendre
sa mise en garde…
AGNÈS FRESCHEL
04 42 21 78 00
www.arcade-paca.com
1
Agence Régionale pour la
Coordination des Activités musicales
et Chorégraphiques
2
Vice-Président du Conseil Régional
PACA délégué à la Culture et à la
Recherche
3
Maire d’Aix-en-Provence et
Présidente de la Communauté
d’Agglomérations du Pays d’Aix.
Les rois des Aulnes
C’était une promesse du Président Guérini lors des
Assises de la Culture tenues l’an dernier (voir Zib 4) :
le domaine départemental de l’Étang des Aulnes
allait être définitivement attribué aux artistes, pour
devenir un lieu de résidence et de création… C’est
© CG13
chose faite depuis le 16 octobre : le domaine y a
accueilli l’Agence de Voyages Imaginaires (Cie de
Philippe Car, voir page 16) pour qu’elle répète et crée
son nouveau spectacle, Le Bourgeois Gentilhomme. Le
lieu est accueillant et confortable, et tout y est fait
pour que les compagnies en résidence n’aient plus à
penser qu’à la création : chambres fonctionnelles,
décor naturel propice, cuisine sur place, et une salle
de répétition modulable et équipée qui permet de
concevoir techniquement la lumière et les sons dans
des conditions équivalentes à de grandes salles de
spectacle. Le lieu, géré directement par le
département, est unique en France en ce sens.
Une initiative saluée par Bernard Latarjet, à qui JeanNoël Guérini a renouvelé sa confiance totale et son
soutien sans faille, pour un projet de Marseille
Provence Capitale Culturelle qui «ne saurait se passer
de lui», et d’un «véritable rayonnement sur tout le
département, d’Arles à… Toulon !». Un avertissement
pour ceux qui souhaiteraient, une fois la victoire
accomplie, changer les axes du projet, son territoire
et l’équipe victorieuse ?
Le domaine de l’Étang des Aulnes, à Saint-Martin de
Crau, ne saura toutefois combler le manque criant de
salles de répétition pour nombre de compagnies
marseillaises, nomades par nécessité, à l’heure où la
Criée s’exile, où le studio Kelemenis met la clé sous la
porte de ses résidences de chorégraphes, et où la
Minoterie, terre d’accueil des compagnies régionales,
est plus que jamais menacée d’expulsion (voir page
6)… La liste d’attente des compagnies pour s’installer
en résidence est déjà longue !
A.F.
Domaine départemental de l’Etang des Aulnes
www.cg13.fr/modes-de-vie/culture
ASSISES RÉGIONALES
POLITIQUE CULTURELLE
Résister
et
construire
Les assises de la culture, organisées par la région PACA depuis six mois
dans les 6 départements, se sont conclues par une longue journée
au Dock des Suds, réunissant tous les acteurs culturels
autour de tables rondes et d’ateliers
L’ambiance
Autonomie
La prise de parole n’y fut pas facile, et de nombreux participants regrettèrent de ne pouvoir s’exprimer et trouver
ensemble des réponses à leur détresse. Visiblement désespérés, les artistes ont poussé des cris accusateurs de
douleur et de révolte, face à des responsables politiques
territoriaux… qui les soutiennent bien plus qu’ils ne les
oppriment.
Révoltés même contre ceux qui tenaient la tribune, pourtant acteurs culturels comme eux (plus gros ? plus soutenus?
plus parisiens ?), ceux qui écoutaient dans la salle ont
pris à partie… ceux-là même qui se réunissaient pour les
défendre.
Mais malgré les amertumes et insatisfactions, au milieu
d’accusations inutiles du public et de propos parfois lénifiants des intervenants, quelques paroles essentielles
furent prononcées. Ce qui, dans ce cadre, officialise l’acte
de résistance à la politique culturelle gouvernementale
actuelle : la voix de la région Paca est à ce titre essentielle
(voir encadré).
Catherine Marnas, qui pourtant travaille sur le territoire
gapençais depuis 15 ans et ne rechigne jamais à médiatiser son travail, rappela qu’un artiste avait le droit de ne
pas travailler en ce sens, et avait besoin de se nourrir hors
des territoires où le pouvoir public avait tendance à le
cantonner pour lui assigner une mission sociale. Thierry
Fabre, plus théoriquement, avança l’idée qu’il existe trois
«strates de culture» : une qui relève de l’anthropologie,
des arts du faire (cuisine, vêtements, convivialité) ; une qui
relève de la mémoire, du patrimoine, des héritages ; et une
autre qui produit des œuvres, intellectuelles ou artistiques. Cette troisième strate a une nécessité d’autonomie;
il affirma que celui qui crée est hors de la dimension politique, et qu’il y a un réel danger à vouloir subordonner la
création au politique : si on se méfie généralement des
volontés de subordination fascistes, les plus dangereuses
pour les artistes sont aujourd’hui les bien pensantes, celles
qui en voulant démocratiser l’art ne laissent plus aux artistes la place de décider de ce qu’ils veulent créer, imposant
leurs projets propres. Francis Peduzzi affirma lui aussi
que l’art est éminemment singulier et personnel, tandis
que dans l’autre atelier Hortense Archambault rappelait
que le Festival d’Avignon était né d’une idée d’artiste,
d’un manifeste esthétique (contre le théâtre bourgeois)
relayé ensuite par le politique. Et que les choses devaient
aller en ce sens.
Démocratisation
En matière de politique culturelle, divers éclaircissements
historiques et génériques furent amenés au cours des interventions. Guy Saes rappela que le ministère des affaires
culturelles était né à une époque où les œuvres de l’esprit
étaient censées participer au prestige de la France, et
que démocratiser la culture consistait alors à faire
connaître la «grande» culture au peuple, ce qui n’est plus
le cas au-jourd’hui. Michel Dufour, ancien secrétaire
d’État au patrimoine et à la décentralisation culturelle,
souligna que celle-ci n’avait pas été conçue pour
amener à l’actuel désengagement de l’État, mais pour
donner les clefs aux Régions afin qu’elles puissent mener
à bien la politique de la Nation à l’échelle territoriale.
Les questions de participation des artistes et des acteurs
culturels à la démocratisation de la culture, dont Nicolas
Sarkozy a dit qu’elle était un échec, se trouvèrent donc
posées en d’autres termes : si chacun s’accorda à reconnaître, ou à prôner, la nécessité d’une médiatisation de
la culture, les intervenants furent nombreux à refuser
la culpabilisation, prétexte actuel de la baisse des
subventions et de la destruction des compagnies
indépendantes.
Mise en commun
Des paroles qui rejoignaient donc le discours introductif de
Michel Vauzelle, affirmant la nécessité d’une indépendance des artistes, mais le danger extrême à supprimer
la compétence culturelle des Régions, ce qui est prévu par
la réforme des collectivités locales. Alain Hayot rappela
également la nécessité à produire une pensée construite
sur la culture, sa démocratisation et sa territorialité : il y
a urgence à construire un lieu de mise en commun où
l’État ne puisse plus séparer ses interventions, couper tel
budget, nommer un tel, en sauver un autre. Le service
public de la culture est particulier dans le sens où il introduit beaucoup de concurrence entre les acteurs culturels.
Il faut aujourd’hui, face au danger, dépasser les clivages
avoir une attitude commune.
AGNÈS FRESCHEL
05
L’Appel
À l’issue de ces journées,
la région Paca a lancé
un Appel officiel
à la résistance contre
la politique culturelle
gouvernementale
«Sous couvert de lutte contre le
déficit public, le gouvernement
conduit une action qui, décision
après décision, nous permet de
découvrir sa véritable logique :
démanteler les valeurs fondatrices
de la République avec destruction
pan par pan des services publics
dans leur mission de lutte contre les
inégalités et de régulation économique et sociale.
Cette politique est conduite avec
énergie et brutalité. Elle s’appuie sur
l’ultralibéralisme qui peut, lorsque ses intérêts vitaux sont en jeu,
se donner des aides publiques
considérables pour faire face aux
conséquences des crises financières
dont il est lui-même responsable.
[…] En organisant des assises
régionales de la culture, la Région
PACA a voulu manifester son refus
déterminé de cette politique à
partir d’une concertation générale».
La Région prend ensuite un
certain nombre d’engagements :
défense d’un projet de loi en matière d’art, de culture et de
territorialité affirmant la compétence de collectivités territoriales
et l’indépendance des artistes ;
promesse de rencontres régulières
en 2009, création d’une «conférence régionale du développement
artistique et culturel». Elle conclut
par un Appel à la résistance
nationale et invite «les élus et les
acteurs de la vie artistique et
culturelle des autres régions à la
rejoindre [pour] réaffirmer la place
centrale de l’art et de la culture
dans une société de liberté et de
progrès…».
Acte majeur donc, s’il est suivi
d’effets par les Régions, presque
toutes à gauche, qui pourraient se
transformer ainsi en instances de
résistance aux décisions centrales.
06
POLITIQUE CULTURELLE
ENTRETIEN AVEC MARIE-PAULE VIAL
Les musées
de Marseille
à l’horizon 2013
À mi-parcours de l’exposition Van Gogh-Monticelli,
Marie-Paule Vial, directrice des musées de
Marseille, fait le point sur la situation actuelle et
évoque sa gouvernance muséale à venir
Zibeline : L’exposition Van GoghMonticelli a débuté le 16 septembre,
peut-on déjà établir un premier bilan,
notamment par rapport à l’événement
Sous le soleil exactement ?
Marie-Paule Vial : Sur cette échelle
de comparaison, la fréquentation est
équivalente. On dépassera peut-être
les 140000 visiteurs de Sous le soleil
exactement avec quinze jours d’exposition supplémentaires. C’est donc
une très bonne réponse des visiteurs.
Ce qui me fait plaisir, c’est de voir le
public parler de peinture face aux
œuvres, on est là au cœur de notre
métier. La semaine dernière, un
gamin disait «Monticelli, je ne comprends pas, il fait des fleurs avec des
taches» : il avait donc bien regardé
la peinture. Je me dis que l’on ne
s’est pas trompé, même s’il y a des
déçus ou des râleurs… Et puis l’exposition bénéficie d’une belle campagne
de communication et d’une vraie
volonté de la Ville ; non seulement
cela se voit, mais cela se mesure en
retour.
Comment vous situez-vous face au
projet Picasso Cézanne à Aix l’an
prochain ?
Nous ne nous sommes pas concertés,
mais nous avons des propositions
alternatives. C’est donc excellent pour
la région, il n’y a ni concurrence ni
rivalité entre nous. On pourrait
imaginer des expositions en écho à
Picasso Cézanne comme cela fut le
cas avec Braque pendant l’Année
Cézanne. D’ailleurs, dans le cadre de
Marseille Provence 2013, nous avons
dans nos tiroirs des projets avec un
volet aixois et un volet marseillais.
C’est le développement logique et
normal des politiques culturelles des
villes. Nous devons approfondir nos
collaborations et la capitale culturelle
va nous permettre de le faire.
En dehors des événements, il est
difficile de lire la politique des
musées de Marseille : on distingue
mal l’identité du [MAC] par exemple
ou la baisse d’activités de GrobetLabadié. Qu’en est-il ?
On est à un moment où une réflexion
et des choix s’imposent à nous. De
manière générale, dans presque
toutes les capitales, les musées
développent une politique événementielle. On doit conserver ces
grandes expositions pour faire intelligemment œuvre de partage des
savoirs et des connaissances, mais ça
mobilise beaucoup de force, d’énergie
et d’argent. Cela impose de réduire la
voilure dans d’autres domaines…
Mais il n’y a pas que ça : après une
période creuse avec des postes à
pourvoir, les musées de Marseille ont
désormais des responsables avec un
regard neuf. Christine Poullain est
en charge du XXe siècle et des arts
d’aujourd’hui, elle chapeaute le
Musée Cantini et le [MAC] qui travaillera sur ses collections tout en
conservant une ou deux travées à des
expositions prospectives. On sort
ainsi de l’ambiguïté car, depuis 2004,
le [MAC] doit répondre aux missions
d’un musée et non pas à celles d’un
centre d’art. Il faut qu’il réaffirme la
richesse de ses collections, ce qui
n’empêchera pas, occasionnellement,
une grande exposition sur un artiste
du XXIe siècle. Ce sera donc plus clair.
Quant à Grobet-Labadié, la Ville vient
de recruter Christine Germain qui
dirigera également le musée de la
Faïence. Et Laurent Vedrine vient de
Marie-Paule Vial © Claude Almodovar
nous rejoindre en prenant la direction
du Musée d’Histoire. Avec cette
nouvelle équipe, on va pouvoir bâtir
une politique plus visible et plus
satisfaisante. Mon idée est de poursuivre notre travail sur les collections
car on a tendance à oublier la
richesse du patrimoine marseillais, et
mon souci de directeur est de le
rappeler.
Justement, quels sont les grands
axes que vous allez décliner à l’orée
2013 ?
On a déjà proposé une série d’expositions en lien avec les thématiques
choisies par Bernard Latarjet: en
2010, 2011 et 2013, les musées
présenteront une grande exposition
annuelle sur l’origine de Marseille, le
Port, le commerce ou les relations
avec les pays riverains. L’idée étant
de décliner dans chacun des musées
des expositions qui valorisent les
collections dans tous les domaines :
mode, art contemporain, Antiquité,
histoire… Une réunion est prévue le
4 décembre pour finaliser ces projets,
avec un point d’orgue en 2013. Ce
seront des opérations importantes
qui feront appel à des collaborations
à l‘étranger, certaines avec des
historiens prestigieux. Plutôt que
d’arriver en 2013 avec un gros coup,
j’ai pensé qu’il était préférable de
creuser ces thématiques au fur et
à mesure. Mais si l’on s’appuie sur
l’histoire de Marseille et ses spécificités, ce n’est pas seulement pour
regarder dans le rétroviseur, le XXIe
siècle sera présent. J’ai toujours
pensé cette opportunité comme une
dynamique, avec une vraie montée en
puissance fédératrice.
PROPOS RECUEILLIS
PAR MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
LA MINOTERIE
POLITIQUE CULTURELLE
07
Danger d’enlisement…
L’an dernier le milieu culturel et la presse s’étaient
émus et mobilisés, créant un comité de soutien et
de vigilance : la Minoterie était menacée d’expulsion. On leur avait promis un théâtre, pour
remplacer celui qu’ils avaient monté de leurs mains
et de leur âme. Mais si depuis les avis d’expulsion
d’une partie du théâtre sont arrivés (ils ont trois
baux différents…), le projet est aujourd’hui
bloqué… La volonté affichée par tous de reloger
les Minotiers sera-t-elle contrariée par des
problèmes de calendriers ?
Zibeline : Pensez-vous qu’en 2012, quand votre
théâtre actuel sera démoli, vous serez dans de
nouveaux murs ?
Pierrette Monticelli : Nous l’espérons ! Mais
actuellement le projet est bloqué ! Début octobre
le conseil municipal devait entériner la délégation
de maître d’ouvrage pour lancer les travaux. Mais
pour diverses raisons cela ne s’est pas fait. Dans
une réunion du conseil d’administration d’Euroméditerranée, le Conseil Général a, semble-t-il,
manifesté son étonnement devant l’absence de
réunion de concertation avec la Ville. Depuis une
réunion a été programmée… le 3 décembre, alors
qu’Euroméditerranée demandait des précisions
avant le 15 novembre pour intégrer ce projet dans
son plan de construction… Et d’autre part, un
arrêté d’expulsion de notre aile droite, c’est-à-dire
de nos bureaux, est arrivé pour septembre 2009…
bien sûr développer notre travail de proximité avec
les établissements scolaires, le programme Culture
à l’hôpital avec l’hôpital Desbieff, les ateliers pour
adultes… Nous serons sans doute encore plus
utiles dans la nouvelle configuration du quartier,
parce qu’il y aura besoin de ponts entre les
différentes classes sociales qui y habiteront, y
travailleront. Nous avons prévu des activités entre
midi et deux, pour les employés. Notre bibliothèque, le fait que nous ayons un lieu d’exposition,
un lieu de restauration, fait de nous autre chose
qu’un lieu de spectacle…
La programmation restera la même ?
Nous sommes conventionnés pour les écritures
contemporaines. Nous continuerons à travailler
dans cette voie, sans doute en changeant des
choses, en les développant surtout. Et en restant le
lieu d’accueil et de dialogue que nous avons réussi
à être…
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
Jésus de Marseille © Michel Guillerot
Bref vous avez peur de vous retrouver face à un
«c’est trop tard»…
L’incohérence des dates nous le fait craindre…
Est-ce le seul obstacle ? Sentez-vous des oppositions plus fondamentales ?
Implicitement, peut-être. Il semble que le projet
paraisse trop cher à certains. Il est cher. Mais d’une
part il l’est cent fois moins que le Silo, par exemple,
qui ne pose de problèmes à personne… et d’autre
part ce sera le seul outil culturel d’un quartier qui,
sans nous, risque de se transformer en désert à
partir de 18h. Il ne s’agit pas de sauver les
Minotiers, mais de créer un outil nécessaire, et qui
nous survivra…
Quel est votre projet artistique pour ce lieu ?
Continuer, et développer ce qui fait notre
particularité. Actuellement nous coproduisons ou
accueillons 12 compagnies par an, et 70 à 80
passent répéter dans nos murs. On l’a bien vu
lors de la mobilisation de l’année dernière, et
aujourd’hui encore avec le comité de soutien : les
compagnies de la région tiennent énormément à
notre existence… mais aussi les gens du quartier.
Car il faut veiller à la topologie de la Joliette ! Et
À venir à la Minoterie
Le Théâtre de la Joliette continue son soutien
aux compagnies régionales en programmant
A mon sujet de Charlie Kassab
du 20 au 22 nov (voir Zib 12)
Naissance des fantômes de Marie Darrieussecq,
un monologue habité de vidéo que tient
une femme abandonnée.
Par la cie Les gens d’en face
du 27 au 29 nov
Jésus de Marseille de Serge Valletti
par l’inénarrable et irrésistible
Christian Mazzucchini
du 11 au 20 déc.
Ai-je bien
vu une femme nue et
des lapins
blancs ?...
La jeune Cie En rang d’oignons a
cru bien faire à se livrant à de
l’écriture collective, mais s’y mettre
à plusieurs ne garantit pas la
réussite... Sous-titré «tragicomédie ménagère», le texte est
faible, parfois provocateur et sans
poésie. L’argument en est peu
convaincant : un couple fête tous
les jours l’anniversaire de sa
rencontre, il est prestidigitateur,
elle est mauvaise écrivaine
névrosée. Un ectoplasme et un
Avorton féminin interviennent avec
une histoire de sang et d’enfant
mort, et 2 lapins (vivants et
adorables) dans une boîte. De
temps en temps, un acteur chante
sur une musique originale de
Laurent Boudin, ce qui était peutêtre (avec les lapins) ce qu’il y avait
de mieux dans le spectacle. La
scénographie
n’est
pas
convaicante, les costumes plutôt
vilains et la nudité de l’Avorton peu
défendable. Le titre Ai-je bien vu le
méchant courir au fond de la scène
ou n’est-ce que le marié sacrifié de
ma belle-soeur ? aurait dû nous
mettre la puce à l’oreille !
CHRIS BOURGUE
Spectacle créé à la Minoterie du 4
au 8 nov
08
POLITIQUE CULTURELLE
Rencontres ouvertes
Dans le Var,
les 2e Rencontres
artistiques interrogent
les écritures contemporaines du spectacle
vivant en conjuguant
les propositions :
débats, spectacles
et actions
de transmission
La proposition est suffisamment rare
pour être soulignée : les Rencontres
artistiques du Var, organisées par le
Conseil général du 24 nov. au 3 déc.,
sont ouvertes aux collectivités territoriales, aux structures et associations
culturelles, aux professionnels… et
au public ! Des rencontres qui, pour
Françoise Longeard-Sanyas chargée de
mission à la direction des affaires
culturelles, «permettent de désenclaver
les compagnies et les structures, favorisent la circulation et fédèrent de
nouveaux partenariats».
En octobre dernier, le Conseil général
s’associait à l’Adiam 831 pour organiser à l’Espace des arts au Pradet la
rencontre professionnelle Danses et
compagnies… À partir d’interrogations
communes et en prenant appui sur les
acteurs de terrain, le Conseil général
conçoit ces rencontres, à la fois comme
une véritable courroie de transmission
entre professionnels, et comme une
vitrine des tendances actuelles de la
création contemporaine auprès du
public. Déjà, en 2007, les premières
rencontres avaient attiré 1200 spec-
tateurs et plus d’une centaine de
professionnels de la région PACA ; en
2008, gageons qu’elles retiendront
l’attention d’un plus grand nombre
encore du fait de leur inscription dans
le centre ville de Toulon.
Car la Direction des Affaires Culturelles
a souhaité ce glissement géographique
pour être au cœur de la cité, explique
Françoise Longeard-Sanyas, doublé
«d’un frottement avec des sensibilités
artistiques différentes». Pour preuve
l’Hôtel des arts, dédié aux arts visuels,
qui accueille des spectacles et des
installations, ou encore la salle de
concerts le Crep des Lices qui se prête
au jeu des débats.
À l’heure où les Actes des rencontres
2007 sont publiés, rappelant le champ
des réflexions menées alors sur les
écritures musicales, théâtrales, chorégraphiques et jeune public, l’édition
2008 met l’accent sur les nouvelles
écritures du spectacle vivant, et plus
particulièrement le théâtre d’objets et
les marionnettes. Un domaine moins
connu, et donc mis en lumière, à travers des spectacles (l’Autre compagnie,
Danièle Ors-Hagen, Ex Nihilo, compagnies Pseudonymo, Rouge Indigo,
Ariadone, Délices Dada, Théâtre de
cuisine et Théâtre des 4 vents, Trio
Chemirani, Melonious Quartet, Klang
05), des débats et des actions de
transmission artistique. Mais plus largement encore, en tissant des liens avec
ces multiples partenaires du département, de la région et au-delà, les
rencontres reflètent le désir du CG 83
de faire du Var «un territoire de haltes».
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Rencontres artistiques du Var :
Élargir le cercle des connaisseurs :
Les publics du spectacle vivant
le 28 nov en partenariat avec l’Arcade
Musiques du monde, la création entre
mémoire et futur le 30 nov
Théâtre d’objets,
théâtre de marionnettes :
Quelles nouvelles écritures ?
le 1er déc en partenariat avec le
Théâtre Massalia/Pôle jeune public
Le Revest les Eaux
Nouvelles écritures de la danse et
territoires le 2 déc en partenariat avec
le 3bisF à Aix et La Tannerie à Barjols
Les arts de la rue, êtes-vous sûr de
bien connaître ? le 3 déc, en
partenariat avec Karwan Marseille
www.var.fr
1
Adiam 83 : association
départementale d’information
et d’actions musicales et
chorégraphiques
Calle Obrapia, cie Ex-Nihilo © Henry Krul
Marxisme
léni… fiant
Bien sûr que cela fait du bien d’entendre parler politique sur les scènes.
Marxisme même, pas si courant. Mais
enfin ce Silence des communistes est
à peine du théâtre, et il devient trop
courant de voir des comédiens lire des
textes sans les connaître. Déchiffrer
des lettres sur scène reste un en-deça
du théâtre.
D’autant qu’ici le propos politique est
contestable. Non pas parce que ces
trois magnifiques personnages n’auraient pas de droit de repentir, ou de
revendication, de leur propre histoire :
les beautés des luttes du PCI, puis ses
lâchetés et ses abandons, son Silence,
font partie de l’Histoire, mais de celle
qui peut encore être dite par ses propres acteurs. Témoignage toujours
intéressant.
Mais quelques faiblesses théoriques
pointent ça et là : il est affirmé, sans
contradiction, que le marxisme est
inconciliable avec la démocratie, voire
avec la liberté. Qu’on ne peut envisager les luttes de l’avenir que par des
réformes, par l’adoucissement des
excès capitalistes, et non par le bouleversement de l’ordre établi. Encore
moins par la révolution. Ce qui est peut
être vrai, mais au moins discutable…
Bref Le Silence des Communistes est
par moment très anti-communiste !
Socialisant, mais applaudi à tour de
bras par un public d’anciens communistes et de syndicalistes actifs, dans
des lieux où autrefois vibraient des
réunions de cellules…
AGNÈS FRESCHEL
Le Silence des Communistes
a été programmé
par le Gymnase à l’Alhambra
du 14 au 17 oct
et par les Salins
à la Salle du grès (Martigues)
du 23 au 25 oct.
GYMNASE
THÉÂTRE
09
Les joies de la famille
ou de tangos, et de sons de la vie
quotidienne, claquements de portes,
sonneries de téléphone, qui donnent
le tempo à cette saga du trivial domestique.
Le public est pris à parti, mis à mal
parfois, assommé à coups d’oreillers,
aspergé, ébouriffé et finalement enseveli sous des rubans de papier blanc.
Mais il en redemande car cette famille
Semianyki, pas de doute, c’est la vie.
FRED ROBERT
La famille Semianyki,
création collective
de la troupe du Teatr Licedei,
a été représentée
au Théâtre du Gymnase
du 14 au 25 oct.
© Teatr Licedei
Affreux, sales, méchants… et tellement
drôles. Les membres du collectif russe
Teatr Licedei ont encanaillé le Gymnase, pendant 1h40 d’un spectacle
totalement déjanté et franchement
réjouissant. 1h40 de scènes mimées
burlesques, sans paroles mais pas
sans son, qui s’enchaînent à un rythme
soutenu pour représenter, façon clowns,
la vie de La famille Semianyki.
Dans la famille Loufdingue, je demande la mère. Mélange détonant de
Mère Ubu et de vamp de banlieue, l’indigne mène son monde à la baguette
tout en jouant les ingénues libertines
malgré son ventre proéminent de
femme en fin de grossesse.
Dans la famille Déjanté, je demande
le père. Alcoolique invétéré, constamment sur le point d’abandonner le foyer
conjugal, le grand échalas moustachu
retourne toujours au bercail, ce qui occasionne des scènes de retrouvailles
hilarantes.
Dans la famille Chtarbé, je demande
les enfants. Quatre, et même cinq à la
fin du spectacle. Quatre blafards, binoclards et coiffés d’un pétard, comme
papa et maman. De l’ado perturbé qui
joue de la scie et du pistolet au pervers
bébé bouclé, en passant par la fille
aînée agressive, aux tresses pointées
vers le ciel, et la cadette, lunaire souffre-douleur. On a même droit au retour
de la grand-mère en fantôme, dans
une scène fantasticomique du plus
joyeux effet.
La pétulante smala s’écharpe, se tabasse, s’embrasse à tour de bras, dans
une scénographie au naturel très élaboré. Tous les coups et bisous sont
permis, sur fond de romances, de rock
Waouh !
Un Feydeau ? Avec Bruno Solo et
Lea Drucker ? Dans le Zibeline précédent j’émettais de nombreuses
réserves… J’avais tort ! Terriblement !
En fait on a rarement vu un vaudeville
aussi bien monté ! Bon, il faut dire que
Le Système Ribadier est sans doute le
chef-d’œuvre du genre. Les répliques
fusent, décrochent, campent les personnages en deux phrases, regorgent
de bons mots, s’amusent de surenchères, d’invraisemblances, de quiproquos
et d’imbrications et d’accumulations…
Ce qui rend le texte d’autant plus
difficile à jouer : la moindre faute de
rythme, le moindre faux mouvement et
vous dérapez… Christian Bujeau a eu
l’intelligence de monter la comédie au
pied de la lettre : décor et costumes
d’époque, comédiens qui jouent les
personnages sans décalage, acceptant leurs excès. La poésie de JeanNoël Broutet en consul amoureux, le
cynisme prévenant et hypocrite de
Bruno Solo, et surtout la folie acariâtre
de Léa Drucker (sans oublier l’abattage
canaille de la bonne) font de ce spectacle un véritable régal. Pas simplement
un bon moment qui passerait sur vous
sans vous marquer : un de ces spectacles qui éblouissent, même ceux dont
ça n’est pas la tasse de thé !
Valse
hésitation
Le texte de Max Frisch, Biographie
sans Antoinette, est une variation autour du destin, du déterminisme et du
principe d’incertitude. Comment referait-on sa vie si on pouvait vraiment
revenir en arrière, avoir le choix d’agir
autrement ? La pièce procède par ellipses, revenant en arrière pour mieux
progresser, et montrer que les choix
faits étaient finalement, grosso modo,
les seuls possibles… Une recette qui,
depuis Jacques le fataliste, a permis
d’élever la digression, le retour en
arrière et le principe de variation au
rang d’outils narratifs précieux ! Mais
Thierry Lhermitte et Sylvie Testud,
dans les rôles principaux, sont un peu
lents, comme s’ils hésitaient entre
le vaudeville et la philosophie, entre
échanger rapidement les répliques,
et donner à sentir la gravité des émotions qui les traversent. Les comparses
en revanche, qui les mettent en jeu,
changent de décor, de perruque, de
personnage et de situation pour leur
faire revivre -et changer- les événements passés, sont époustouflants
d’énergie. Hélas peu communicative !
Un grand texte de Lars Norén,
dans une grande mise en scène :
Jean-Louis Martinelli (Directeur des
Amandiers de Nanterre) connaît
bien l’univers de l’auteur suédois, à
l’écriture violente, tendue, assourdissante. Mais Kliniken est un texte
encore plus violent que les autres.
Autobiographique, métaphorique
aussi, décrivant l’hôpital psychiatrique comme une allégorie du monde,
il porte pourtant en lui l’espoir de
la guérison par la parole, et l’urgence qu’il y a à la prendre, même
quand elle est «folle». Adolescent,
Lars Norén, après le décès de sa
mère, a été interné pour schizophrénie et a traversé l’univers
psychiatrique, bourré de psychotropes, mais «sain» d’esprit. Les
comédiens (Abbes Zahmani, Sylvie
Milhaus, Judith Henry, Zakariya
Gouram…) incarnent les malades
mentaux dans un univers clinique
privé de personnel soignant.
Du 1er au 6 déc.
Une autoévaluation en forme d’opérette : le troisième volet de la saga
marseillaise de Pierre Ascaride,
intitulé Et ta sœur ?, contrairement
à ce qu’on pourrait croire, mais pas
à ce qu’on pourrait attendre quand
on a vu les deux autres, ne parle
pas de sa célèbre sœur Ariane,
mais encore, et toujours, de lui.
Pierre. Frère de la susdite mais pas
seulement. Il arrive et il parle. De
son enfance, mais aussi de son
présent de comédien, d’auteur, de
directeur de la scène nationale de
Malakoff. Où l’on apprécie comme
partout le genre vivace du soliloque
marseillais à tendance autobiographique, de Caubère à Valletti !
Surtout quand, comme ici, il pousse
la chansonnette. Forcément marseillaise !
Du 16 au 20 déc.
A.F.
A.F.
A.F.
Le Système Ribadier
a été joué au Gymnase du 3 au 9 nov
À venir au Gymnase
Biographie sans Antoinette
est joué au Gymnase
jusqu’au 22 nov
Théâtre du Gymnase
04 91 24 35 34
0820 000 422
www.lestheatres.net
10
THÉÂTRE
LA CRIÉE | LE DAKI LING | LE MARIE JEANNE
La vérité est ailleurs?
Ah la bonne
soirée !
Le cid © Bellamy
Ça y est : après De Gaulle en mai et Nicomède la
Criée quitte ses murs pour proposer une saison de
stations migratoires. Le nombre de places offertes
au public sera nettement moins important, plus
dispersé dans le temps et l’espace… On espère donc
que les travaux, commencés très en retard,
s’arrêteront à la date prévue et ne priveront pas trop
longtemps la région d’un outil culturel essentiel. En
attendant, quelques-uns prêtent leurs salles à une
programmation hors les murs : cela commence au
Gymnase, qui accueille Le Cid mis en scène par
Alain Ollivier, dans un respect du texte de
Corneille, mais aussi une grande volonté de restituer
la force émotionnelle de la tragicomédie, et sa clarté
(du 25 au 29 nov).
Mais le Théâtre ne transformera pas ses couloirs en
corridors voués aux soupirs des fantômes : seules les
salles sont en travaux, et le hall accueillera des
rencontres, des lectures et des cabarets. Avec
d’abord une soirée d’inauguration surprise le 21 nov,
puis un cabaret portugais (du 4 au 6 déc) : Ninon
Bretecher et Emmanuelle Rozes liront des
poèmes de Sophia de Mello Breyner, et Cinda
Castel accompagnée par deux guitaristes (guitare
portugaise et classique) chantera du pur fado
lisboète. Le vrai parait-il, même si ni les habitants de
Porto ni surtout ceux de Coimbra ne l’entendent de
cette oreille !
Ainsi cette expulsion forcée sera l’occasion pour la
Criée d’expérimenter de petites formes : musicales,
poétiques, féminines… que désirer de plus !
AGNÈS FRESCHEL
La Criée
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Le Jardin des Muses est un lieu dont
chacun s’accorde à vanter la convivialité, la simplicité non feinte, les tarifs
abordables (5 euros), la programmation
familiale. Ce soir-là, pour l’inauguration
des Cabarets clowns dînatoires, on
découvrit aussi que la table était agréable : manger un bon chili à 4 euros en
attendant le spectacle, dans une
ambiance où les décibels ne vous
empêchent pas de converser, est
exceptionnel ! Quand en plus trois
clowns attachants y proposent un
spectacle de qualité -pas fignolé, fondé
sur des impros très fraîches, et dénotant malgré cela un vrai talent- vous ne
pouvez qu’être ravis. Car le côté presque artisanal du Daki Ling ne doit pas
dissimuler le professionnalisme des
artistes qui s’y produisent : ce soir-là
chacun des trois clowns (Prudence,
Vulcano et Francisco du Collectif
International des Clowns de Marseille) avait un personnage, une
présence singulière, et chaque numéro
s’organisait autour d’un canevas dramatique réel, pour construire un spectacle
court, mais d’un rythme endiablé et
hilarant à plusieurs reprises : une sorte
de laboratoire du clown, qui se reproduira souvent, et qu’on ne saurait que
vous conseiller d’expérimenter !
A.F.
Hauts en couleur
Dans ce drame burlesque et effroyable, revisité sous
forme de théâtre forain par le Chiendent théâtre et
la cie de l’Alcazar marionnettes, Barbe bleue devient
une histoire à miroirs. «L’histoire d’une histoire qui
raconte son histoire». Bigre ! Autant dire que tout se
L'effroyable drame de Barbe bleue © X-D.R
À venir au Daki Ling
retrouve sens dessus dessous, que l’ogre est une
ogresse, qu’il vaut mieux être ignorant que curieux,
que le temps n’est que du vent, et les cœurs des
fruits confits…
En décembre la compagnie CQFD proposera aux
enfants à partir de 6 ans une adaptation toute
personnelle du Pinocchio de Collodi. Celui-ci se
retrouve en effet propulsé en 1870 dans les rues de
la capitale, pendant le siège de Paris, en pleine guerre
franco-prussienne. Un Pinocch de Paname qui n’a
«pour seules valeurs que celles que lui apprend la rue
et la survie», qui parle l’argot comme tous ses
compagnons, et n’aura de cesse de prouver qu’il ne
faut pas avoir honte de ce que l’on est.
D.M.
L’effroyable drame de Barbe Bleue
du 21 au 23 nov
Pinnoch de Paname
du 17 au 21 déc
Théâtre Marie-jeanne
04 96 12 69 91
http://theatre.mariejeanne.free.fr
Un spectacle musical mettant en
scène Mémère, marionnette à taille
humaine manipulée et bruitée, musicalisée à vue. Par Latypique Cie, du 27
au 29 nov.
Un Malade imaginaire imaginé par la
cie le Souffle : avec trois comédiens
seulement, qui se partagent tous les
rôles et se changent là aussi à vue, les
coulisses constituant une fiction où
s’enchâsse la pièce de Molière (du 11
au 13 déc).
Sans oublier les matches d’impro du
Mithe (mouvement d’improvisation
théâtrale de Marseille), que la salle accueille régulièrement (les 15 et 17 nov,
les 1er et 15 déc).
Le Daki Ling
45 rue d’Aubagne
04 91 33 45 14
www.dakiling.com
LE MERLAN | LES BERNARDINES
THÉÂTRE
11
Autobio-radio-graphies
Sex, Rock
& Tragédie
Le Merlan poursuit sa saison avec un
temps fort autour du thème du corps
transparent
L’imagerie médicale, capable de lire en nos corps et
de donner à voir une représentation de nous-mêmes
que nous ne connaissons pas, change-t-elle notre
manière de nous percevoir, voire de nous connaître ?
Serions-nous capables de nous identifier dans des
radiographies comme un petit enfant, tout à coup, se
reconnaît dans un miroir ?
Pour décliner ce thème, plusieurs propositions en
vagabondages dans divers lieux : des documentaires
programmés par le Fid (voir page 57), des conférences scientifiques (voir page 69), des lectures et
des spectacles. Marion Baë en particulier propose
deux performances : Petit traité d’artnatomie sur le
squelette le 26 nov et Laborintime le 28 nov, à travers
lesquels la chorégraphe interroge l’imagerie médicale
ancienne, les écorchés. Mais François Cervantes
se promènera également dans l’univers médical, en
confrontant comédiens et personnel hospitalier aux
mêmes fictions (Ne respirez plus les 27 et 29 nov
avant le repas), ErikM proposera une installation
sonore et vidéo réalisée à partir de sons et d’images
chirurgicales (les 27 et 29 nov après la pause repas)…
L’opéra rock Nico Medea-Icon de
Philippe Vincent a posé ses instruments
sur les planches du théâtre des
Bernardines du 4 au 7 novembre. Un
concept original
Marion Bae © X-D.R
Une autre façon de dire le corps, et peut-être de
circonscrire la terreur que la maladie, et le savoir
médical, nous inspirent !
AGNÈS FRESCHEL
Le corps transparent
du 20 au 29 nov
Le Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
No No Ninetto
«Davoli» c’est aussi un nom d’ampli et c’est Maltinti
qui le dit. Aux petits pas d’une assonance aussi
fragile, comment mener à bien et faire résonner ce
Projet -la prudence du terme est engageanted’opéra-rock, «sonetto» musique et chanson, ode
informelle, polymorphe et transversale à l’acteur aimé
de Pasolini ?
L’ouverture est captivante : de l’ombre vague du
complot sortent 3 hommes, les musiciens, qui vont
rejoindre leurs instruments ; reste un corps à terre,
sac à patates que se disputent animus et anima (papa
et mamma) dans un bel affrontement tragique ;
partage et dispersion : du démembrement fondateur
de Pier Paolo pourrait naître Ninetto...
Hélas, manque de souffle, pesanteur des dialogues
sans horizon, (PPP a écrit ça ?), platitude des
situations (12 tableaux ? vraiment ?) et jeu d’acteur
brut de décoffrage entravent sérieusement la
résurrection. La musique libère par moments la
respiration, venue du haut des deux échafaudages de
chantier gentiment parés pour la scène ; Olivier
Maltinti, concepteur, metteur en scène, acteur, y
grimpe régulièrement pour faire sonner sa guitare et
Paola Comis l’accompagne parfois doucement. Un
peu opéra de trois sous, art pauvre assumé, certes,
et même revendiqué, esthétique du piquet et du
grillage où les miroirs sont des rétroviseurs de
Malagutti comme pour donner toute sa mesure à la
figure populaire de Ninetto. Mais l’évocation n’est pas
au rendez-vous, pas encore...
MARIE-JO DHÔ
Sonetto per Ninetto, d’après Hobby del sonetto
et Pétrole de Pier Paolo Pasolini, adapté et mis en
scène par Olivier Maltinti a été joué aux
Bernardines du 12 au 15 nov
Sonetto per Ninetto © Olivier Maltinti
Le rock et la tragédie ont au moins un terrain de jeu
commun : la mort. Nico, égérie d’Andy Warhol,
mannequin, chanteuse, actrice chez Philippe Garrel
ou inspiratrice du Velvet Underground de Lou Reed et
John Cale, offre un troublant miroir au matériauMédée de Heiner Müller : deux femmes fatales sont
mises en regard pour un rock sans concession,
résurgence contemporaine de la tragédie grecque.
Philippe Vincent, acteur et bassiste sur scène mais
surtout coutumier des textes de Müller entrechoque
deux mondes. La beauté silencieuse de Christa
Päffgen, alias Nico, rappelle le caractère vaniteux de
sa vie, au son des instruments présents sur scène.
Projections, micros et instrumentistes entourent
l’inépuisable Anne Ferret dans le double rôle titre.
Sa voix, son corps déhanché et son jeu font partie
d’un décor concert de rock néobaroque d’où elle
tente d’extirper son mal.
Allemagne, femme, mère, enfant…. Tous les
ingrédients mettent sur les rails de ce voyage
duettiste. L’harmonium si cher à la voix blanche est
omniprésent dans cette caverne à sons, qui se
soustrait cependant trop vite à l’alternance
chanson/texte pour devenir un champ bruitiste
expérimental. Malgré quelques longueurs, drogue,
tragédie et rock’n roll font bon ménage dans cette
course effrénée à l’autodestruction (et à la destruction d’une pauvre guitare) d’une destinée légendaire
fantasmagorique. Sur fond de cabaret expressionniste, une aventure singulière !
FRÉDÉRIC ISOLETTA
À venir aux Bernardines
Tatez-là si j’ai le cœur qui bat, une création collective
de huit jeunes comédiens emmenés par Aurélie
Leroux, autour de textes de Tchekhov. Une
préfiguration de ce travail avait été montrée l’an
dernier, et s’était révélée passionnante, comme si
l’essence des personnages de Tchekhov prenait
corps sur scène, un instant… Du 4 au 13 déc.
Séance, une création singulière «composée» par
Bruno Meyssat ; ses 4 comédiens proposent une
courte séance qui met le public en jeu, puis
recueillent les réactions des spectateurs… Du 16 au
20 dec.
Les Bernardines
04 91 24 30 40
www.theatre-bernardines.org
12
THÉÂTRE
GYPTIS | TOURSKY
Les enfants du siècle
Après Ruy Blas Françoise Chatôt
poursuit ses amours romantiques et
met en scène Musset : Les Caprices
de Marianne, pièce écrite par un jeune
homme fougueux, tout à la fois désabusé comme son siècle et plein
d’illusions comme à son âge, est sans
doute son œuvre la plus pure. Écrite
juste avant sa rencontre avec George
Sand, l’affrontement ne s’y noue pas
entre l’homme et la femme, ou l’homme et la Cité, mais entre un garçon
mélancolique et son double charmant
et débauché. La femme, elle, se défend
puis cède au charme. Elle n’y comprend rien, à cette lutte intestine que
se livrent Coelio et Octave, se tuant
mutuellement comme tous ceux qui
veulent se débarrasser de leur ombre…
La distribution des trois jeunes rôles
est idéale : d’abord parce qu’ils en ont
l’âge, ensuite parce qu’ils ont du talent,
enfin parce qu’ils ressemblent paradoxa-
lement aux rôles. Coelio (Grégoire
Roger) est ténébreux et digne, lent : il
complète son texte en prose avec des
extraits des Nuits, poèmes sombres de
Musset illuminé poursuivi par son
double noir… Alice Belaïdi campe une
Marianne surprenante, petite vierge
mate, rugueuse et butée ; Octave
(Guillaume Clausse) illumine la scène
de son charme sautillant et ivre, délicieusement inconsistant et bavard. Le
seul qui ait un corps, semble-t-il… en
dehors des trois danseurs de hip hop
(Cie Sun of the shade) qui breakent le
peuple et ses ivresses, les sbires et
leur violence.
Une grande unité se dégage de l’ensemble : la danse intervient comme un
théâtre de masque à la fois carnavalesque et lugubre, les scènes comiques
sont délestées de leurs lourdeurs,
les trois éléments de décor bougent
simplement pour ménager des espaces
Les caprices de Marianne © Agnes Mellon
symboliques… pour une interprétation
épurée de ce qui, malgré le romantisme et sa volonté de bigarrure,
ressemble en fait beaucoup à une
tragédie classique. Ou moderne ?
Les Caprices de Marianne
du 18 nov au 6 déc
Théâtre Gyptis
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
AGNÈS FRESCHEL
Où sont passées les cigarières ?
Rousseau
au loft
On s’en doutait… Inventer une rencontre imaginaire entre Voltaire et
Rousseau ne peut qu’aboutir à une
caricature. Et à ce jeu-là c’est forcément la pensée la plus complexe, et la
moins brillante, qui pâtit. Comme à la
télé, quand vous voyez qu’un intellectuel désemparé, ou un artiste timide,
est tourné en dérision par un amuseur
familier des écrans… Railler Rousseau
est facile : l’homme était atrabilaire et
proférait des bêtises factuelles quand
elles allaient à l’encontre des concepts
qu’il cherchait à mettre au jour. D’où ses
tocades contre les spectacles, l’éducation des filles… Mais qu’importe : il
fut le premier à remettre en cause la
propriété, et réclama l’égalité entre les
hommes. Ce qui n’est pas rien !
Quand le théâtre se met à jouer contre
l’intelligence et la culture, il y a de quoi
être en colère : apprendre au public
que Rousseau était un original à qui on
jetait des pierres n’a aucun intérêt.
D’autant que le dialogue, grossièrement cousu, est aussi franchement
mal joué…
A.F.
Voltaire/Rousseau
a été joué au Gyptis du 22 au 24 oct.
La Friche de la Belle de Mai se consacre à la culture depuis de longues
années, récupérant les lieux abandonnés par l’industrie. Chacun se
réjouit de son utilisation contemporaine et de la variété des arts qui s’y
pratiquent, lui accordant une nouvelle
vie. Mais quelle mémoire subsiste de
ces bâtiments ? Pas de plaque, ni de
commémoration, pas de discours ! Les
artistes affairés passent, les journalistes, les spectateurs… mais aucun
fantôme n’est suscité, aucune ombre
n’est convoquée, comme si l’on voulait
effacer le passé. Indifférence ? Gêne ?
Pendantdeuxannées,EdmondeFranchi
a mené des recherches, enquêté avec
sur les ouvrières des manufactures de
tabac de la Belle de Mai. Pourquoi ?
Parce que l’on ne s’occupe jamais des
gens simples, suggère Edmonde Franchi.
Reprenant la seule cigarière célèbre,
ce sont toutes les Carmen qu’elle
convoque dans cette évocation de la
Seita, les ouvrières des débuts qui roulent encore à la main (eh oui, il n’est
pas nécessaire d’aller à Cuba !), la
naissance du syndicat des cigarières
(1890), les grèves, les guerres, ces
destins de femmes que la grande histoire bouscule, la recette des spaghettis
bolognaise, les histoires d’amour interdites entre les Roméo et Juliette du temps
(une Italienne et un Marseillais !), la libé-
ration des femmes par l’indépendance
que leur apportait le travail, une allégorique Carmen avec son casque de
cyclo, âme déjantée des lieux…
Et là-dessus le parler marseillais, truculent, dans un spectacle construit
comme un plat de lasagnes, mêlant dans
ses étages, par trois, l’histoire de la quête
des témoignages de cigarières, passages inénarrables au téléphone !, des
scènes de la vie des cigarières, émouvantes, drôles, humaines, et le chœur
de l’académie du chant populaire magnifiquement dirigé par Alain Aubin qui
chante la cigarette et la fumée avec
humour. On rit beaucoup dans ce
spectacle sympathique et enlevé par la
verve inépuisable des acteurs, on se
souvient, des odeurs, des droits acquis,
et du numéro 10 de la rue bleue…
MARYVONNE COLOMBANI
Carmen Seita
a été créé au Toursky
les 6 et 7 nov
La pièce sera jouée le 28 nov à 21h
au complexe des Terres Blanches
à Bouc-Bel-Air
04 42 94 93 78
À venir au Toursky
Un programme prometteur et
chargé !
Le songe d’une nuit d’été, pièce fantastique de Shakespeare, par la Cie
Miranda qui aime le baroque foisonnant et ses masques. Les 21 et 22 nov.
La Femme rompue d’après Simone de
Beauvoir, un monologue d’Evelyne
Bouix, le 25 nov.
À la porte mis en scène par Marcel
Bluwal, d’après le roman de Vincent
Delecroix, avec Michel Aumont,
comédien de génie, dans le rôle du
professeur qui déambule et vitupère…
les 28 et 29 nov.
Dom Juan, mis en scène par JeanMarie Villégier les 5 et 6 déc. Une
mise en scène très remarquée cet été…
mais c’est déjà plein !
Les caméléons d’Achille, ou quand les
Achille Tonic en finissent avec le Show
Biz de Shirley et Dino pour revenir à
leur amours théâtrales, et mieux les
tourner en dérision ! du 11 au 13 déc.
Théâtre Toursky
0 820 300 033
www.toursky.org
LE LENCHE | LES ATP
THÉÂTRE
13
Hors des prisons les murs
Arret fixe © TNA
Le début de saison fut chargé au Lenche ! Le théâtre
National d’Alger, malgré les difficultés à obtenir les
visas, a pu jouer trois pièces, dont une pièce de
M’hamed Benguettaf, directeur du TNA. Arrêt fixe
est mis en scène par Ivan Romeuf. La pièce raconte
les trente ans d’emprisonnement d’Abdelkader,
rebelle anticolonial, mais aussi opposant au régime
après l’indépendance. La relation avec son gardien,
fraternelle, son rapport aux livres, à la culture, à la
poésie, la violence aussi qui surgit parfois, quand il
voudrait parler politique et que son gardien le retient…
tout cela tient dans le petit espace de la friche de
Lenche, rassurant pourtant, calfeutré de tapis
chatoyants. Mais quand on le libère, qu’on le renvoie
affublé d’un costume ridicule et étroit dans une
société muselée, aveugle, où son gardien n’a pas plus
de place que lui, c’est sur le béton nu que les deux
acteurs algériens vont montrer l’aridité de leur
souffrance. Avec un humour et une émotion qui
semblent pouvoir les sauver de tout. Une très belle
pièce.
Tchekhov
rapide
AGNES FRESCHEL
Arrêt fixe, créé au théâtre national d’Alger,
fut joué à la Friche de Lenche
du 4 au 8 nov
Faute de rythme
La création du duo de Serge Valletti, Cahin Caha, fut
moins réussie. Pourtant l’auteur en signe lui-même
la mise en scène. L’intrigue ressemble à celle du
Limier : deux hommes enfermés, ou deux faces du
même homme, jouent à qui va tuer l’autre… Il est
question d’imaginer la scène, de l’écrire, puis de la
jouer. Mais jusqu’où ? Dans ce duo de clowns
somme toute classique, malgré les retours en arrière,
la mise en abîme et l’inversion finale des rôles, il y a
un dominant ; atrabilaire, hargneux, hurlant, et un
dominé, bêta, gros, engoncé, au parler populaire
(Marseillais donc, chez Valletti). Le dominé est
excellent, étonné, roulant des yeux, disant des
énormités avec un naturel incroyable. Le nerveux l’est
trop, artificiellement, ce qui fatigue. D’autant que tous
les deux, bizarrement, instaurent un temps de pause
entre chaque réplique. Un silence. Court mais là.
Cahin Caha © Serge Alvarez
Chaque fois. Qui fait que rien ne s’enchaîne.
Dommage : le texte est drôle souvent, mais rien ne
nuit plus au comique que les fautes de rythme.
A.F.
Cahin Caha a été créé au Théâtre de lenche
par la Cie Les Rubens le 11 nov.
Elle sera jouée jusqu’au 22 nov.
À venir au théâtre de Lenche
La Cie Eclats de scène, qui lors d’une carte Blanche
la saison dernière a présenté plusieurs spectacles au
Lenche, revient jouer L’Atelier de Grumberg, la pièce
la plus jouée de son auteur, évocation d’un atelier de
couture dans les années qui suivent la guerre. S’y
côtoient des juifs et des non juifs, des jeunes qui
veulent vivre et d’autres marqués par le deuil ou
l’horreur, l’attente, l’absence. Du 26 nov au 6 dec.
Le cas Quichotte, une fantaisie musicale, avec
cinéma, bandonéoniste et trio d’acteurs masculin : il
ne s’agit plus d’un noble qui se prend pour un
chevalier errant mais d’un homme qui se prend pour
Quichotte ! Mis en scène par Laurent Vercelletto,
du 9 au 13 dec.
Tierra Madre, la vieille parle, un conte théâtral qui fait
parler toutes les voix qui sommeillent dans le corps
d’une vieille femme. Le conte est chanté et dit par
Marie Fouillet, mise en scène par Michel Touraille,
du 16 au 20 déc.
Espia a una mujer que se mata © X-D.R
Les Amis du Théâtre Populaire d’Aix poursuivent
une programmation d’une étonnante pertinence en
faisant venir au Théâtre des Ateliers la troupe
argentine de Daniel Veronese. Espia a una mujer
que se mata est un montage de texte autour d’Oncle
Vania, de Tchekhov. En concentrant le texte dans un
espace minuscule où les sept comédiens se gênent
sans cesse, en ajoutant des scènes contemporaines,
des allusions à la société argentine d’aujourd’hui, la
troupe s’approprie le texte devenu classique et nous
emmène dans sa réalité : la désespérance russe y
gagne en chair, en violence et en actualité…
A.F.
Espia a una mujer que se mata
Spectacle en espagnol surtitré
du 20 au 22 nov
Théâtre des Ateliers, Aix
04 42 26 83 98
www.atpaix.com
14
THÉÂTRE
MARTIGUES | AIX
Pléthore ne nuit pas
Les rendez-vous aux Salins ne vont pas manquer : en plus de programmations
musicale et chorégraphique exceptionnelles (voir pages 26 et 39), la Scène
Nationale de Martigues accueille Guy Cassiers, Edouard Baer, Jean Rochefort et
Patrick Pineau…
Si on connaît l’humoriste par ses passages télévisuels
et sa carrière cinématographique où il se garde bien
d’incarner des personnages, préférant exploiter le
sien, Edouard Baer présente à Martigues un one
man show particulier… Il s’agit de lire Un Pedigree de
Patrick Modiano (le 3 déc), texte autobiographique
ironique et secret, plein de pudeurs inattendues dans
une autobiographie… et dans la bouche de l’acteur.
Est-ce pour cela que chacun dit qu’il incarne l’auteur
à merveille ? Trois jours plus tard, un grand comédien
lui succèdera : Jean Rochefort se racontera, Entre
autres, le 6 déc (voir p 15).
Mais avant cela, Guy Cassiers. Le metteur en scène
bouleverse le Festival d’Avignon depuis trois éditions.
Chacune de ses mises en scène est un chef-d’œuvre:
le propos paraît limpide malgré une complexité
conceptuelle jamais contournée, les trajets dramatiques sont surprenants, les comédiens fabuleux, et
ses scénographies savent utiliser les outils vidéos et
numériques sans en être envahis… Ne ratez pas
Mefisto for ever (les 25 et 26 nov), premier volet de sa
trilogie sur les abus du Pouvoir, consacrée à un
comédien qui se laisse entraîner, par pragmatisme,
dans la défense du pouvoir nazi…
Enfin, Patrick Pineau s’empare des trois petites
pièces de Tchekhov : L’Ours, La Demande en Mariage
et Le Tragédien malgré lui sont un concentré du génie
de l’auteur russe, nouvelliste hors pair, et immense
dramaturge. Rien de plus efficace, drôle -et désespéré- que ces formes courtes (les 16 et 17 déc) !
AGNÈS FRESCHEL
Les Salins, Scène Nationale de Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
L’impossible
La surprise de la fac
Aller au théâtre Vitez est toujours une expérience
désarmante. Même si des sièges confortables ont
remplacé les bancs en bois de l’amphi, le public est
toujours composé d’étudiants de lettres et arts :
sympas, attentifs, aux chevelures et vêtements ornés
d’enluminures colorées, ils sont ici chez eux, et non
timides et déplacés comme dans les halls des autres
théâtres… La programmation aussi a de quoi
surprendre : quand elle s’associe avec les ATP d’Aix,
la salle du théâtre universitaire admet sur son plateau
sans coulisses des artistes d’exception comme TG
Stan ou Emma Dante. Quand elle s’associe à
Momaix, festival jeune public du Pays d’Aix, elle fait
venir des Cies aussi intéressantes que le Théâtre de
Cuisine (Anthologie du Théâtre d’Objets le 18 nov)
ou Vol Plané (à ne pas rater : Il y a quelque chose qui
marche derrière moi, spectacle burlesque avec Alexis
Moati et Serge Beaufils, le 28 nov). Mais la salle
remplit aussi d’autres missions, en dehors de
programmer avec pertinence des compagnies
professionnelles, elle est un formidable relais pour les
pratiques amateurs : celles des étudiants en théâtre
ou en musique, qui produisent des spectacles dans le
cadre de leur cursus, mais aussi celle des cies
amateurs du pays d’Aix. Ainsi du 6 au 14 décembre
se tiendra leur 6e festival…
De plus, le théâtre Vitez ne se contente pas de leur
offrir ses murs : la Bonne âme du Se-Tchouan présentée le 28 oct, par exemple, était une reprise de la
pièce présentée l’an dernier dans le cadre du
Festival 3 jours et plus. Les jeunes comédiens s’y
sont montrés remarquables d’intelligence, de professionnalisme dans les placements, les enchaînements,
Mephisto for ever © Koen Broos
le rythme. Le texte si difficile de Brecht, qui demande
à composer des personnages pour en sortir aussitôt,
et demeurer en et hors du personnage, était compris
avec une véritable finesse littéraire et des connaissances dramaturgiques évidentes. Les décors à deux
balles fonctionnaient, et même si certains comédiens
parlaient parfois franchement faux (comme un violon
joue faux, à côté de la note) la performance était
remarquable. Surtout celle de Shen-Té.
Ce qui démontre, comme s’acharne à le faire la directrice Danielle Bré depuis tant d’années, que le théâtre,
indissociable de sa pratique, se consomme mal assis
dans un fauteuil. Ou sur un banc !
AGNÈS FRESCHEL
Théâtre Vitez
Université de Provence
04 42 59 94 37
www.theatre.vitez.fr
La bonne ame du Se-Tchouan © Sylvie Kerjean
C’est l’histoire d’une famille juive après
la guerre, qui voudrait reprendre sa vie
d’avant. Son cabinet dentaire, son athéisme, sa manière d’être français… Mais
une de leur fille est morte, l’autre a été
raptée dans un couvent catholique où
ils l’avaient envoyée se réfugier. S’ils
récupèrent le cabinet qui leur avait été
confisqué, leur rapport aux policiers,
aux voisins, à leurs cousins qui se réfugient dans des gestes religieux, au
yiddish qui disparaît, et surtout à la
descendance qu’ils n’auront plus, à la
douleur, à l’impossibilité d’être, à ce
moment-là, juif et athée, les fait partir
vers Israël, l’Hébreu, les herbes amères
retrouvées, tandis qu’ils abandonnent
leur cabinet parisien à une belle
Sefarade…
La pièce de Grumberg, plus amusée
que L’Atelier, se situe à la même époque et explore la même mémoire :
celle des Juifs d’Europe après la catastrophe qui les décima, mais changea
aussi profondément leur rapport à la
religion, à la patrie et à la famille. La
pièce, écrite avec distance, invente un
merveilleux personnage en la personne du dentiste, et met en place un
système (brechtien ?) de commentaire
permanent, de coryphées qui s’adressent au public et introduisent une jolie
ironie. Une auto-dérision juive caractérisée ? Difficile à dire, quand l’histrion
de l’auteur lui-même, en jeune homme, déclare qu’une définition de la
judaïté est impossible…
PAYS D’AIX
THÉÂTRE 15
Attitude solitaire
La programmation éclectique du théâtre de Pertuis se poursuit avec le
spectacle de François Rollin, Seul.
L’irrésistible humoriste a adapté quatre
textes de Pierre Légaré, lui-même
humoriste canadien, compilés sous
forme de réflexions apparemment anodines mais totalement loufoques qui
ont fait, entre autres, la marque de
fabrique du célèbre «professeur Rollin».
Découverte, donc, de l’univers farfelu,
mais néanmoins percutant, d’un auteur
en proie aux grandes questions qui se
posent à l’homme moderne.
Puis la cie La Naïve ses deux dernières
créations, Mathieu trop court, François
trop long et Six hommes grimpent sur
la colline. Un diptyque sur l’amitié et la
mort, qui ne verse pas pour autant dans
le pathos. Le premier raconte l’histoire
d’une rencontre, celle de deux enfants
du même âge dont un est malade et
farouche, l’histoire d’une amitié remplie
de jeux, de conversations, de tristesse
et d’angoisse, mais aussi d’humour. Le
second réunit cinq amis de jeunesse
qui se retrouvent pour disperser, à sa
demande, les cendres du sixième
récemment décédé. Mais le temps a
passé ; ont-ils encore quelque chose
à partager, si ce n’est le récit de leurs
vies et, souvent, de leurs échecs ?
Beaucoup de pudeur dans cette tragicomédie enlevée, de l’humour aussi pour
révéler ces existences chaotiques.
D.M.
Seul
François Rollin
le 28 nov
Mathieu trop court, François trop long
le 2 déc
Six hommes grimpent sur la colline
le 5 déc
Compagnie La Naïve
Théâtre de Pertuis
04 90 79 56 37
www.ville-pertuis.fr
Francois Rollin © X-D.R.
Tout seul au monde…
retour
Bien sûr les comédiens sont remarquables, et la mise en scène de
Charles Tordjman colle à merveille à
l’auto-ironie amère du texte.
AGNÈS FRESCHEL
Vers toi terre promise, tragédie
dentaire a été créé au Jeu de Paume
le 14 nov, et est jouée
jusqu’au 22 nov
À venir au Jeu de Paume
Un cadeau de Noël pour les petits : la
violoncelliste Ophélie Gaillard a
imaginé un récital qui plonge dans la
rêverie et emmène au clair de la lune,
avec Colombine et Pierrot. Une fantaisie musicale qui mêle le mime aux
mélodies de Debussy et Janacek.
Pierrot Faché avec la lune,
le 3 déc (14 h et 19h).
Musical encore sera le récital de Jean
Rochefort : accompagné de son accordéoniste, l’homme à la voix chaleureuse
et à la distinction si naturelle dira les
textes qu’il aime (Prévert, Apollinaire,
primo Levi…), poussera la chansonnette surréaliste (Bobby Lapointe…),
mais évoquera aussi sa carrière, ses
amis, et l’impossible étoile de Don
Quichotte… Un autre vrai cadeau de
Noël. Entre autres du 9 au 20 déc
Un air de jazz, le hall d’un hôtel de troisième zone,
palace déclassé, New York de 1928, nous précise une
voix off, qui emprunte le ton détaché des polars à la
Humphrey Bogart. Une lumière magnifiquement traitée
accorde progressivement un relief au décor. Le
gardien de nuit (Claude Aufaure) somnole sur une
petite chaise, un dandy maigre au visage émacié
(Laurent Terzieff) entre, demande sa clé, chambre
412. Débute alors un long soliloque.
Erié Smith, revient de cinq jours de beuverie pendant
lesquels il a vainement tenté de noyer son chagrin.
Le gardien précédent de l’hôtel, Hughie, est mort. Il
s’épanche, volubile, grisé par ses propres mots, emporté
par l’enthousiasme des farces et des mystifications
passées, le souvenir de ses succès au jeu, aux
courses, auprès des femmes, «les petites pépées
des Folies Bergères», et surtout, le souvenir de ce
regard admiratif et béat, de cette écoute disponible et complaisante, complice, de Hughie.
Même si son nom le rapproche du précédent gardien, Hughes n’écoute pas, son attitude polie n’est
que surface vide. Apartés et didascalies en voix off
montrent son détachement agacé, son mal de
pieds, sa détestation d’une ville qu’il souhaite
détruite. Les deux voix solitaires se croisent, tressant
un duo improbable, les mots comblent le silence et
l’évident en même temps ; le sens se perd avec
l’abondance des explications. Pièce forte d’ Eugène
O’Neill, Hughie nous interroge sur le sens des
relations humaines, leur qualité, la solitude tragique de
l’existence. La pièce est portée magnifiquement par
des géants du théâtre.
À venir au théâtre de Rousset
La fin d’année s’annonce théâtrale. La cie In Pulverem
Revertis reprend sa dernière création, Insupportable
mais tranquille, mise en scène par Danielle Bré (le
25 nov). «Une évocation anthropologique des classes
moyennes en France aujourd’hui», une mise à l’épreuve
de la pensée des intellectuels de ce temps, une
parole fine qui est peut-être en panne finalement. En
tissant des extraits de textes de Jean Baudrillard,
Olivier Cadiot, Martin Crimp, Jean-Luc Lagarce ou
encore Rodrigo Garcia, ainsi que des chansons de
Philippe Katerine, Michel Berger ou Astor Piazzola, le
diagnostic de cette panne prend corps chez les
protagonistes, nos alter ego.
Puis la cie Sébastien Azzopardi s’empare de l’œuvre de Jules Verne, Le Tour du monde en 80 jours (le
6 déc). Adaptation loufoque et déjantée pour cinq
comédiens, truffée d’anachronismes, de bons mots,
de courtes scènes d’une inventivité à couper le
souffle pour rendre compte du long voyage de Phileas
Fogg et de son valet Passpartout. Accrochez-vous !
D.M.
Salle Emilien Ventre (Rousset)
04 42 29 82 53
Tour du monde © Valerie Lebeau
MARYVONNE COLOMBANI
A.F.
Théâtre du Jeu de Paume (Aix)
0820 000 422
www.lestheatres.net
Hughie a été joué
au Théâtre de Rousset
le 14 nov
www.rousset-fr.com
16
THÉÂTRE
AUBAGNE | LA CIOTAT | DRAGUIGNAN | CHÂTEAUVALLON
Histoire
d’écrits
Astre virtuel
À l’Escale, durant une heure, un homme
encore jeune, poète de son état, exprime
tout le dégoût de lui-même et du monde
qui l’entoure, dans un langage cru et
précis, hanté par la seule nécessité de
dire enfin la vérité.
Le contexte ? Une Corse autonome vers
laquelle revient ce jeune homme après
dix ans d’une absence obligée. Et tout
passe au crible de son regard cynique et
désespéré : les amis, l’idéologie politique,
le terrorisme, les touristes, l’écriture, le
sexe, l’ennui et le vide qui caractérisent
l’île en pleine déliquescence. Car cette
pièce tente de répondre à cette question: qu’est-ce qu’être corse en ce début
de XXIe siècle ?
Le jeu scénique est particulièrement
intelligent : une batterie de boîtes vides
qui permettent de figurer sommairement
les lieux et les objets des scènes évoquées (comptoir de bar, fauteuil, rue…)
et qui symbolisent l’instabilité du
monde et de l’esprit du personnage.
Le jeu de Christian Ruspini, d’une
force et d’une précision redoutables, fait
de son personnage un être attachant et
écœurant ; la voix-off qui scande les
scènes est magnifique.
Le sommet de la pièce ? La scène de
voyage dans le monde virtuel de 51
Pégase : moment unique, extrêmement
émouvant, qui met à nu la psyché collective corse. À ne pas rater.
FRANÇOIS RENUCCI
51 Pegasi prend sa source
dans le roman du même titre
de Marcu Biancarelli
aux éditions Albiana (www.albiana.fr).
À venir à l’Escale
C’est à partir d’un atelier d’écriture et de
jeu à la prison des Baumettes que
Frédéric Ortiz, metteur en scène du
théâtre Off a suscité auprès des détenus
des textes sur la prison, et des vocations
d’acteur. Histoire sensible que celle de
Zenagui Témini, matière première de
Quartier(s) d’isolement (le 5 déc).
L’auteur et comédien revient sur son parcours chaotique, de la misère des cités à
l’échec scolaire, et jusqu’à l’irrépressible
et progressive découverte du pouvoir de
la violence qui le mènera jusqu’à la prison.
Zenagui Témini livre un témoignage
sans concession sur sa vie où se mêlent
la révolte, l’insoumission, l’oppression,
mais aussi le courage et la rage de vivre.
D.M.
Quartier(s) d’isolement
L’Escale, MJC du Pays d’Aubagne
04 42 18 17 17
http://mjcaubagne.free.fr
La scène varoise accueille deux merveilles de Joël Pommerat en décembre:
Cet enfant et Le Petit Chaperon rouge.
La première met en scène des confrontations familiales, mots issus d’une
rencontre entre les comédiens de la
troupe et des femmes vivant dans une
cité en normandie. Évocation des tensions ordinaires du lien parent-enfant,
complexité de la filiation, des instants de
confrontation qui prennent forme lors de
brefs plans séquences, soutenus par une
mise en scène sobre et un travail soutenu sur la lumière. Dans Le Petit Chaperon
rouge, Joël Pommerat revisite le conte
populaire et tisse une histoire contemporaine pour enfants, explorant les liens
familiaux, mais aussi les peurs et la solitude en jouant superbement avec les
mots, la lumière et la musique. Fin novembre résonnera l’épopée de Fastafe, sous
la plume de Valère Novarina, dans une
mise en scène de Claude Buchvald (voir
ci-dessous).
D.M.
Falstafe
les 20, 21 et 22 nov
Cet enfant
les 5 et 6 déc
Le Petit chaperon rouge
du 16 au 20 déc
Châteauvallon, Ollioules (83)
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
51 Pegasi © X-D.R
Univers parallèles
Quand Valère Novarina s’empare d’une
œuvre de Shakespeare, Henri IV, et que
Claude Buchvald la met en scène, ça
donne Falstafe, une farce savoureuse sur
les mécanismes du pouvoir, ses dérives
et ses trahisons. Passant du rôle de héros
secondaire au premier rôle, Falstafe,
sous la plume de Novarina, devient un
être gargantuesque, jouisseur invétéré,
le seul vrai héros de cette tragi-comédie
fournie, accompagné de son compagnon
de débauche, le jeune prince Henri, fils
du roi d’Angleterre Henri IV, qui l’abandonnera dès son accession au pouvoir.
La comédie vire alors à la tragédie… La
langue de Novarina n’en sera que plus
savoureuse…
Auparavant, Jambenoix Mollet et
Falstafe © LoicVenon
Philippe Eustachon auront laissé leur
Grand Nain interroger la normalité et
l’altérité. Un monstre burlesque, digne,
est empêtré dans sa solitude, jusqu’à ce
qu’il découvre un corps, le corps d’un
étranger. L’Autre vient fissurer son univers, brise l’isolement. Cirque et théâtre
s’entremêlent dans cette évocation
cocasse et attendrissante du mythe de
Robinson. Puis les enfants se laisseront
porter par les histoires de la cie Agora
Theater et son Cheval de bleu, où le
grand-père et sa petite fille les guideront
dans un univers poétique.
D.M.
Falstafe
Le 25 nov
Le Grand nain
Le 21 nov
Le cheval de bleu
Le 6 déc
Théâtres en Dracénie (83)
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
Amours
mythiques
Quand la cie Agence de Voyages
Imaginaires de Philippe Car s’empare
du Roméo et Juliette de Shakespeare,
l’aventure est forcément au rendez-vous.
Sur scène l’histoire des amants de Vérone
est racontée par le clown blanc Séraphin, est jouée uniquement par Valérie
Bournet, accompagnée de deux musiciens-manipulateurs. Elle est tout à la fois
Roméo, Juliette, les Montaigu et les
Capulet, Escalus et la nourrice, elle est
la voix de tous dans tous ses éclats,
amoureuse et tragique, poétique et
dramatique. L’intrigue est la même, ou
peut-être pas, toujours est-il que ça parle
d’amour, ça c’est sûr.
D.M.
L’histoire d’amour de Roméo et Juliette
le 11 déc
Théâtre du Golfe (La Ciotat)
04 42 08 92 87
www.laciotat.com
AVIGNON | MASSALIA | LE REVEST
THÉÂTRE 17
Romantisme politique
Gérard Gélas au Chêne Noir met en scène un Musset engagé
Un mariage forcé par la raison d’État : le bonheur de
la fille du roi de Bavière est sacrifié. Dans un univers
où seules les malettes de billet semblent circuler
librement, sous la haute surveillance d’hommes
armés très noirs, la rêverie romantique n’a pas de
place. Seul l’esprit du bouffon, mort et usurpé par
Fantasio, fait rire la princesse. Le destin semble
cruellement se moquer de la liberté, depuis la cage
dorée de la princesse jusqu’au cachot du bouffon.
Par la voix lucide et cynique du fou du roi, improvisant
brillamment sans rien laisser perdre de son
personnage, le spectacle critique au vitriol les mœurs
politiques de notre temps et Christophe Alévêque
révèle un véritable talent pour l’exercice périlleux du
comédien improvisateur. La sublime langue de
Musset contraste avec la parole libre et moderne de
notre époque.
La mise en scène est cocasse et belle à la fois :
dérision de la musique (Téléphone, Tokio Hotel),
costumes de bouffonnerie... Le miroir grossissant du
spectacle agit comme un sérum de vérité. Les rois
ont leur bouffon attitré, d’ailleurs la pièce s’ouvre sur
l’injonction du roi à divertir le peuple : qu’on lui
procure du plaisir et il se laissera prendre à la
servitude douce de la tyrannie ! Si seulement on
pouvait lui ôter le souci de penser, le bonheur serait
à son comble !
Fantasio finira en prison car la fantaisie ne doit pas
entraver la bonne marche des affaires. Châtiant son
bouffon le roi, il nous rappelle au passage que la force
fait loi, sans faire cas de la justice. Le peuple se
résigne finalement à la guerre comme à une
fatalité : Fantasio prend le peuple à la racine de sa
lâcheté, montrant ainsi d’où les maîtres tiennent leur
pouvoir politique.
CAROLE ROSSI
Fantasio
jusqu’au 7 déc
À venir au Chêne Noir
Au programme en décembre deux mises en scène
de Mesguich, La Belle et la bête, d’après le conte de
Mme Leprince de Beaumont (le 17 déc), et Ruy Blas
de Victor Hugo (les 18 et 19 déc).
Une pauvre mais «Belle Enfant», un père faible et
aimant, deux sœurs cupides et envieuses, une Bête
laide mais riche dans un château au fond d’un bois
sombre, une vieille fée puissante et vindicative sont
les ingrédients d’un conte où les faux-semblants
mèneront jusqu’à la magique conclusion qui fera
s’assembler l’une et l’autre. L’essentiel n’est pas
visible avec les yeux…
Changement de décor avec un Ruy Blas modernisé
mais dont les vers ont été préservés. Exilé par la reine
d’Espagne, et déterminé à se venger, Don Salluste
charge son valet Ruy Blas de la séduire afin de la
compromettre et de se venger… Quelques anachronismes essaimés par Wiliam Mesguich rendent la
pièce plus légère, ce qui permet sûrement aux
Ruy Blas © X-D.R
comédiens, comme il le souhaite, «de défendre des
morceaux d’éloquence et de bravoure et [de] faire
pénétrer le spectateur du XXIe siècle dans des mondes
lointains que sont ceux de l’Espagne et de l’Italie d’il y
a quelques siècles». Des mondes pas forcément si
éloignés…
D.M.
Théâtre du Chêne Noir
04 90 82 40 57
www.chenenoir.fr
Après la préfiguration
Humeur, cie la S.O.U.P.E. © X-D.R
Les Comoni et le Massalia se sont alliés pour
proposer une «préfiguration» de la biennale jeune
public qu’ils veulent mettre en place : le public était
aux rendez-vous !
Un succès impressionnant pour le cirque Romanes
et le ciné-concert de Toulon (voir pages 28 et 38),
qui ont refusé du monde malgré les représentations
supplémentaires. Les formes théâtrales présentées
ont également atteint leurs objectifs : Georges dans
le garage a émerveillé les petits, le spectacle de la
cie Skappa (Moitié-Moitié) les a séduit par ses jeux
de couleur, sa simplicité et sa naïveté, sa convivialité,
et les Planteurs de Perles, spectacle musical joué par
des enfants, nettement plus lisible qu’à sa création
grâce à une voix off narrative, a permis de réentendre
la belle musique de Marianne Suner. Un court film
aussi, La Nuit de François Cervantes (Cie L’entreprise), a témoigné d’un travail d’écriture particulier
avec des collégiens : l’auteur leur a demandé d’écrire
leurs rêves, les a recueillis, réécrits, montés, puis
prêtés à l’image… Le tout formant un fort intéressant
panorama des désirs et angoisses que vivent les
enfants qui dorment…
À venir dans les pôles
Le Massalia en décembre recevra Appaix (voir page
23) et Pierre et le Loup (voir page 38).
Au Revest, un programme chargé :
La femme poisson, un spectacle musical de marionnettes par la Cie alsacienne la S.O.U.P.E.
les 25 et 26 nov ;
Humeur et vanités, un diptyque philosophique de la
même cie, qui tournera dans les Lycées de TPM
avant de se poser dans la salle du Revest .
Du 24 au 28 nov;
Valse Mathilda, une sculpture mobile pour les tout
petits, qui tournera dans les crèches et les écoles
maternelles, du 2 au 6 déc ;
Et puis Guignol, un ciné concert, un récital de
Robinson….
Maison des Comoni
Le Revest-les Eaux (83)
04 94 96 12 10
www.polejeunepublic.com
18
THÉÂTRE
PORT-DE-BOUC | OUEST PROVENCE | CAVAILLON
Dans tous les sens
À l’origine pièce radiophonique, John et Joe, que
l’auteure hongroise Agota Kristof écrivit en 1972
(en français), se transforme, grâce à la mise en scène
de Laurent Vercelletto, en un spectacle burlesque
et musical. Deux compères, éternels fauchés qui se
retrouvent au café pour boire des verres, vont mettre
à l’épreuve leur amitié pour une simple histoire de
billet de loterie. Pourquoi ? Parce que tout est une
histoire d’argent, et que «si l’on ne veut pas se faire
avoir, il s’agit d’en avoir». Eux n’en n’ont pas. Si ce
n’est que Joe a un billet, un billet de loterie que John
lui emprunte pour payer l’ardoise du jour. Le billet est
bien sûr gagnant… À qui revient alors le gain ?
Auparavant, Pierre Lericq et sa cie Les Epis Noirs,
auront enflammé la salle avec L’Odyssée des épis
noirs ou le monde à l’envers. Un spectacle ébouriffant
de théâtre musical, qui entremêle un Odyssée de
boulevard avec trois comédiens et trois musiciens et
l’épopée d’Ulysse. Enfin, seul en scène, Pierre Lericq
vous fera pénétrer son univers. Dans Le compas dans
l’œil, Paul, son personnage, est coupable. Coupable
d’avoir tué son père de 235 coups de compas. Et
face aux jurés imaginaires que représente le public,
Paul va raconter. Les souvenirs de son enfance et de
son adolescence ressurgissent, savoureux, de la
première télé à la première boum, des vacances à la
ferme à la découverte du théâtre. Irrévérencieux,
drôle, tendre, fou, à l’image de ce comédien hors
norme.
DOMINIQUE MARÇON
Le compas dans l’œil
Pierre Lericq
Le 25 nov
L’Odyssée des épis noirs
Pierre Lericq
Le 28 nov
John et Joe
mes Laurent Vercelletto
Les 2 et 3 déc
Théâtre Le Sémaphore
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphore-portdebouc.com
Le compas dans l'oeil © X-D.R
En plein décalage
Savoureux moment en perspective que cette
Correspondance de Groucho Marx adaptée pour le
théâtre par Patrice Leconte et jouée par Jean-Pierre
Marielle et Pierre Vanier. Figure emblématique de
l’absurde, de la fantaisie et de l’humour dévastateur,
Groucho Marx écrivait, répondait au courrier qu’il
recevait, laissant libre cours à son goût pour l’absurde
et la provocation ; les frères Warner, des critiques,
une revue de jardinage, son fils, un éditeur… peu
importait ! Jean-Pierre Marielle, grand admirateur luimême de Groucho Marx, se glisse dans cet esprit fin
et singulier, tandis que Pierre Vanier personnifie les
correspondants successifs et que le Groucho Trio
les accompagne sur scène.
Puis, en décembre, rendez-vous dans l’Atelier de
Jean-Claude Grumberg avec la cie Eclats de
Scènes (également au Théâtre de Lenche, voir page
Correspondance de Groucho Marx © Pascalito
13). Un atelier de confection, celui de monsieur Léon,
entre 1945 et 1952. Entre récit historique et
autobiographique, Grumberg livre un portrait fort et
émouvant d’une génération marquée par l’absence,
l’espérance et l’insouciance, au cœur d’une France
qui se relève, tant bien que mal, de la guerre et de la
shoah.
D.M.
Correspondance de Groucho Marx
mes Patrice Leconte
Le 28 nov
L’Atelier
Jean-Claude Grumberg
Le 9 déc
La Colonne (Miramas)
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
Correspondance de Groucho Marx
Les 18 et 19 déc
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Le 30 nov
Salle Emilien Ventre, Rousset
04 42 29 82 53
www.rousset-fr.com
Sonnez
le rappel !
Si vous n’avez pas encore vu la
dernière création de Didascalies and
Co, ne la ratez pas au terme de sa
tournée régionale, à Cavaillon. Dans sa
mise en scène de Ceux qui partent à
l’aventure, Renaud Marie Leblanc a
réussi à donner rythme et ironie au
texte en étoile de Noëlle Renaude,
qui change de niveau narratif et se rit
des conventions dramatiques, des
personnages et des vraisemblances.
Par un fléchage adéquat (au sens
propre du terme !) R. M. Leblanc rend
ces circonvolutions limpides. Par la
grâce aussi de ses jeunes comédiens,
d’une souplesse et d’une réactivité
rares… À ne pas rater, si l’on en croit
l’avis d’une Zibulone Gapençaise, à
consulter en page 80 !
A.F.
Ceux qui partent à l’aventure
du 20 au 25 nov
Scène Nationale de Cavaillon (84)
www.theatredecavaillon.com
les 18 et 19 nov
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
19
Grave et sobre
Dans un décor dépouillé, déboulant sur un plan incliné,
apparaît Dom Juan, empanaché, le visage maquillé de
blanc, un rien pathétique ; Sganarelle, valet philosophe
s’il en est, observe et se prépare. Le ton est donné :
pour sa première mise en scène, Philippe Torreton,
qui campe le personnage-clé, ne fera pas dans la
légèreté et sera sans complaisance. Dom Juan est un
être immature, porté par des pulsions quasi animales, se
moque des conventions, et des personnes, ce qui le
rend souvent lâche. En contrepoint Sganarelle, le valet
craintif et superstitieux apporte un peu d’humour, même
si l’on regrette que Jean-Paul Farré n’en fasse pas plus.
Et Done Elvire (Anne Bouvier) manque un peu d’ampleur et d’aplomb en femme offensée. Petit à petit Dom
Juan se dévoile, en proie aux doutes, la tension s’installe
et les scènes qui réunissent le maître et son valet sont
empreintes de profondeur, de gravité. Jusqu’à la reprise
: après l’entracte, on ne retrouve plus le rythme des
premières scènes, les silences de Dom Juan, prostré,
alourdissent le jeu ; attendue, la scène du commandeur
déçoit, point de statue mais un fracas de sons et de
lumières, une bâche qui se soulève et une tension qui,
du coup, n’est pas au rendez-vous.
Reste l’impression générale d’une grande sobriété mise
au service du texte, sur lequel s’appuient d’excellents
comédiens.
D.M.
À venir au Théâtre de Fos
Philippe Dorin n’est pas un inconnu pour les
spectateurs de Ouest Provence. Déjà présent dans la
programmation l’année dernière avec Sacré Silence (à
Fos) et Dans ma maison de papier… (à Istres), il revient
avec L’hiver quatre chiens mordent mes pieds et mes
mains, qui a reçu le Molière du spectacle jeune public et
a tourné partout en France et dans la région. Quatre
moments d’une histoire très contrastée, au fil de quatre
saisons de la vie, dans lesquelles évolueront cinq
personnages. Trois comédiens et deux enfants, en prise
avec le temps qu’il fait et le temps qui passe (le 25 nov).
Toujours en direction du jeune public, l’association
L’ombre chinoise crée La légende du prince Rama,
d’après le poème épique de Valmiki, le Ramayana. Un
récit des aventures du prince et de sa femme, la
princesse Sita, du roi-démon Rahwna et du singe
guerrier à queue de lion. Du théâtre d’ombre, de la
danse et du théâtre masqué, mis en scène et en jeu par
Carole Errante et Eric Meslay, ce dernier exposant
par ailleurs sa collection de marionnettes dans le hall
du théâtre du 1er au 4 décembre (les 9 et 10 déc).
Le 29 nov, Beyrouth Adrénaline livrera la vision de Hala
Ghosn, jeune auteur-metteur en scène sur la guerre
civile qui s’est déroulée dans son pays d’origine, le
Liban. Ici pas de décryptage, mais plutôt une vision
éclatée de la guerre au travers d’une famille qui tente
de se retrouver, entre Paris, pour ceux qui ont de la
Dom Juan © Pascal Gely Agence Bernand
chance, et le Liban, pour ceux qui y habitent ; et y vivent,
malgré les décalages, malgré l’absurdité des situations.
D.M.
Théâtre de Fos
04 42 11 01 99
www.scenesetcines.fr
Di qualita !
D.M.
À venir à l’Olivier
Le jeune public sera choyé en cette fin d’année, à
commencer par un spectacle librement inspiré de
l’œuvre de Perrault, Peau d’Âne. La cie Hippolyte a
mal au cœur reprend les grandes lignes du conte
Un Barbier de Seville © Nelly Blaya
L’Opéra éclaté, compagnie nationale de théâtre
lyrique et musical a fait grande impression lors de la
représentation d’Un Barbier de Séville à l’Olivier le 21
octobre. Sous la direction artistique d’Olivier
Desbordes, qui signe la mise en scène, les acteurschanteurs s’en donnent à cœur joie. Du texte de
Beaumarchais sont extraits de savoureux passages
que les comédiens jouent en français, agrémentés
des airs de l’opéra de Rossini, chantés en italien.
Légèrement en retrait, un petit orchestre de six
musiciens soutient le tout. Dans le décor imposant
d’une maison dont on ne voit que les six fenêtres, les
comédiens passent allégrement du chanté au parlé,
tous très convaincants, portés par une mise en scène
dynamique et par moments très drôle, Olivier
Desbordes s’approchant souvent de la comédia
dell’arte. Mêler l’opéra et le théâtre offre à tous une
excellente occasion de se familiariser avec le genre
lyrique.
(fuyant son père amoureux, la fille du roi s’enfuit
cachée sous une peau d’âne), pour se recentrer sur
cette peau, symbole d’une mue d’où sortiraient les
jeunes filles qui deviennent femmes. Seule dans ma
peau d’âne (le 28 nov) fait exploser les carapaces
pour laisser perler douceur et émotion.
Dans Le cheval de bleu (le 2 déc), il était une fois une
petite fille, qui perdait toujours tout, et son grandpère, qui trouvait toujours tout. Surtout des histoires,
des histoires de chevaux, sa passion, avec l’évocation
du cheval de bleu dans chacune. Et puis un jour, la
petite fille a perdu son grand-père. Mais pas ses
histoires, ni la poésie qui enrobe tout et fait revivre
tous les grands-pères et leurs histoires.
Pour les plus grands, enfin, il sera question de passion
espagnole avec Yerma, de Federico Garcia Lorca,
mis en scène par le compositeur toulousain Vicente
Pradal avec des comédiens de La Comédie
Française, deux musiciens et une chanteuse. Entre
références au flamenco et chants populaires, la
tragédie prendra forme jusqu’au drame final (le 10
déc).
L’Olivier (Istres)
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
20
THÉÂTRE
NÎMES
Sombres héros
Écrit en 1932, le texte de Ödön von Horvàth dramaturge de langue allemande dont les écrits,
jugés trop satiriques, furent interdits par les nazis-,
est d’une modernité incroyable.
Elisabeth n’a pas d’argent, elle a entendu dire qu’on
pouvait vendre son corps à la science de son vivant.
Devant le préparateur interloqué, elle ne démonte
pas, elle a besoin de cet argent pour acheter une
carte de VRP (elle travaille déjà sans) et gagner sa
vie. L’argent lui sera prêté, mais elle sera ensuite
accusée d’escroquerie, passera par la prison, sera
abandonnée par son fiancé, essaiera de se suicider
pour finir par mourir d’épuisement et de faim sur un
banc dans un poste de police. C’est à une lutte sans
merci pour s’en sortir, par tous les moyens possibles
(le mensonge en faisant partie), que se livre
Elisabeth ; face à elle les juges implacables, bourgeois
bien pensants, ne seront pas touchés par son innocence et son désespoir.
Devant des caisses dans lesquelles des reproductions anatomiques exposent les viscères ou les
corps écorchés se jouent les impostures, l’inévitable
déchéance d’une cosette broyée par le système.
Mais l’émotion a du mal à percer. Le jeu de Fabienne Bargelli peine à convaincre, face à la fragilité
touchante de François Kopania, son jeune amoureux que fera finalement plier le respect de l’ordre.
D.M.
Foi, amour, espérance à été joué
au théâtre Christian Liger, à Nîmes,
du 16 au 18 octobre
À venir à Nîmes
Les enfants seront particulièrement gâtés à Nîmes
avec deux programmes alléchants et radicalement
différents. Pour les petits dès 3 ans Cartoons Circus
(le 26 nov) offre un voyage dans le meilleur des
Foi, amour, esperance © Stephane Barbier
cartoons des années 20 à 30 ; une sélection opérée
par le musicien, chef d’orchestre et compositeur
Roberto Tricarri (que le théâtre avait déjà reçu en
2005 pour son magnifique Sous le ciel de Quichotte)
qui donnera à voir aussi bien Félix le Chat, little
Nemo, Gertie le dinosaure ou Flip la grenouille.
La musique de deux accordéonistes (R. Tricarri et
Didier Toffolini) jouera avec les personnages, sur
des rythmes jazz, classique ou s’inspirant de fanfares.
Les plus grands (dès 7 ans) auront eux à faire avec
l’inspecteur wolf, redoutable enquêteur qui accuse le
petit Poucet de meurtre… Olivier Rannou, metteur
en scène et interprète de L’affaire Poucet (le 10 déc)
joue avec le conte et ses codes avec un décalage
jubilatoire.
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.fr
Cartoon Circus © X-D.R
Frêle esquif
On était prévenus : Macha Makeïeff et Jérôme
Deschamps allaient effectuer un retour aux sources
lors de la création de Salle des fêtes au Théâtre de
Nîmes. Respectueux, c’est donc sur la pointe des
pieds que l’on a franchi le seuil du Macumba,
improbable salle des fêtes dans laquelle règne
Madame Gravotta. Ce lieu intemporel, au décor
grandiose et bigarré signé Macha Makeïeff, devient
rapidement le théâtre de tous les jeux, de toutes les
envies d’un petit monde pressé d’en découdre avec
la scène, malgré le vacarme extérieur. Le Macumba,
soirée prestige oblige, vibre d’un élan artistique
évident : chacun se prépare -l’une chantera, l’autre
dansera, un troisième jouera de la guitare ou de la
batterie-, musiciens, danseurs comme femme de
ménage et même l’ouvrier, sous l’œil noir implacable
d’une Lorella Gravotta survoltée et surprenante.
Les voilà donc à nouveau ces silhouettes nimbés de
fragilité, de nostalgie et de folie incongrue, voire de
cruauté. On les connaît, les reconnaît, et pourtant…
La troupe s’est renouvelée, notamment avec l’arrivée
de Tiphanie Bovay-Klameth, forte tête qui
© A. Chosson
baragouine un allemand rageur, totalement à l’aise
avec le mime et les borborygmes qui sont la marque
de fabrique de la cie.
C’est peut-être là que le bât tracasse un peu : si les
trouvailles comiques et scénographiques, la
rencontre avec ces héros du quotidien maladroits,
vulnérables mais émouvants sont plaisantes, elles ne
suffisent pas tout à fait à construire un spectacle
profond et cohérent. Alors que le burlesque original
de La Cour des Grands avait la saveur amère et
géniale des meilleurs Buster Keaton, Salle des Fêtes
a un petit goût de déjà-vu. Les fidèles restent donc
sur leur (grande) faim. Mais la salle était debout !
DOMINIQUE MARÇON
Salle des fêtes a été créé au Théâtre de Nîmes
du 12 au 14 nov
GAP | AVIGNON
THÉÂTRE
21
De la schizophrénie comme esthétique
Retour au desert © Pierre Grosbois
Depuis longtemps (toujours ?) Catherine Marnas met en scène des
personnages dédoublés, qui assument
à plusieurs, en même temps, un rôle.
Dans Retour au désert le procédé
atteint un paroxysme : les personnages
sont systématiquement doublés, suivis,
contredits, mimés, caricaturés, explicités, appuyés par leur double, ombres
omniprésentes dont ils semblent tirer
leur force. Et de surcroît ces ombres
sont Brésiliennes, parlant une autre
langue…
Ce partage du texte, loin d’encombrer
le propos, l’illumine : dans Retour au
désert il est question de pays étranger,
de relations binaires entre une mère et
sa fille, une sœur et son frère, un
garçon et son cousin, un serviteur
arabe et son jeune patron. L’altérité, en
jeu dans la langue de la pièce, brutale
et châtiée, comique et violente, est ici
projeté sur la scène, tandis que la
fracture avec l’étranger semble se
jouer au cœur de l’individuation, comme si chacun parlait tout à la fois deux
langages labiles : les langues s’échangent, se reprennent, s’écrivent sur les
murs, varient dans une remarquable
fluidité, une complexité où tout, toujours,
demeure compréhensible, pendant
plus de deux heures de bilinguisme,
avec un zeste d’arabe par-dessus, et
des incursions fantasmatiques.
L’enjeu de la pièce s’éclaire alors : la
maison dont la sœur et le frère se disputent la propriété, l’héritage, n’est pas
seulement une métaphore de l’Algérie
ou de la France coloniale. Elle est, plus
universellement, celle de la langue.
C’est-à-dire du fondement même du
théâtre de Koltès, qui parle beaucoup
mais dont le sens se dissimule derrière
les mots qui sont dits. Comme ces
corps doubles qui fabriquent les personnages par l’espace qui les sépare.
Les comédiens de la Cie Parnas sont
comme toujours formidables. Les
Brésiliens sont épatants, la scénographie mouvante efficace et belle : le
spectacle a triomphé à Gap, et au
Théâtre de la Ville. Bientôt à Marseille,
qui subventionne une Cie qu’elle voit
décidément trop peu ?
À venir à Gap
Une île, petite merveille de théâtre
masqué par la cie L’Entreprise de
François Cervantes (voir article sur
notre site www.journalzibeline.com) les
21 et 22 nov.
Regarde maman je danse, monologue
autobiographique de et par Vanessa
Van Durme, née homme et devenue
femme, bouleversante.
Les 28 et 29 nov.
Jean-Jacques Rousseau, un montage
de textes du philosophe taciturne, qui
tempête dans son crâne pour mettre
au jour ses concepts. Mis en scène par
Michel Raskine, et interprété par…
Marief Guittier ! Les 3 et 4 déc.
Questo buio feroce, de la troupe de
Pippo Delbono. Un des spectacles
les plus émouvants de l’artiste, qui met
en scène la mort comme une allégorie
en marche, une estampe baroque… Le
13 déc.
Scène nationale de la Passerelle,
Gap
04 92 52 52 52
www.ville-gap.fr
AGNÈS FRESCHEL
Calaferte dans le texte
La dernière création en date d’Alain
Timar (mai 2008) invite à «un voyage
en pays de Calaferte» avec trois comédiens qui jouent une multitude de
personnages. Créée à partir d’une série
de pièces courtes et de textes de
l’écrivain, Je veux qu’on me parle est
une succession de tranches de vie,
d’histoires construites comme un miroir
de nos propres habitudes de vie.
S’appuyant sur les mots de Calaferte,
Alain Timar raconte «une histoire où
l’humour noir le dispute à la dérision, au
sarcasme, au blasphème, à l’autodérision, mais aussi à la fraternité et au
sourire empathique». Un kaléidoscope
de l’humanité, «un puzzle à la fois vital
et métaphysique» qui devrait réveiller
les consciences !
Le Petit concert à manivelle, programmé à la suite, mettra lui aussi Calaferte
à l’honneur : tiré de l’Abécédaire du
Petit dictionnaire à manivelle, il devient
«un matériau idéal pour ouvrir l’imaginaire
et laisser libre cours aux interprétations»
précise Guigou Chenevier qui signe
la mise en scène, le jeu de batterie et
de percus, et donne de la voix,
accompagné de M. Klein (vibraphone,
© Morgane Lechevrel
percus, voix), L. Malric (piano, piano
préparé, voix), E. Gilot (mise en espace
sonore) et S. Jausserand (visuel). Il sera
précédé d’une lecture de textes de
l’écrivain, sous la direction d’Alain
Timar.
D.M.
Je veux qu’on me parle
mes Alain Timar
Du 4 au 6 déc
Petit dictionnaire à manivelle
du 11 au 13 déc
Théâtre des Halles, Avignon (84)
04 90 85 52 57
www.theatredeshalles.com
22
DANSE
DANSEM | LES HIVERNALES | DRAGUIGNAN
À fleur de peau
Plongée dans le noir, la scène laisse deviner des
contours nets grâce aux néons qui redessinent les
bords. Rachid Ouramdane est immobile, debout,
sur le côté, tandis qu’une voix s’élève. C’est celle de
sa mère, dont on voit un peu du visage projeté sur
un écran en fond de scène, qui raconte d’une voix
douce son mari, la guerre d’Indochine durant laquelle,
sous les bannières de l’armée française, il était allé
combattre. C’est donc en tant que fils de colon que
Rachid Ouramdane est allé au Vietnam, à Saigon,
Haiphong, Hanoï, sur les traces de son père,
questionnant la mémoire de personnes ayant vécu
les conflits. D’autres visages apparaîtront, puis des
images, des couleurs, mêlées aux sons, à la musique
saturée. Partant des traces de ces violences de
l’Histoire, il va danser une histoire personnelle, un
autoportrait émouvant que souligne un langage du
corps précis, maîtrisé. Des gestes rapides apparaître
au bout des doigts des courbes hypnotisantes ; le
corps vacille, s’effondre et se relève, poing levé ; la
danse de Rachid Ouramdane questionne la mémoire,
lui donne son corps. Décidément, dansem
commence bien.
DOMINIQUE MARÇON
Loin a été dansé le 14 nov au Théâtre d’Arles
dans le cadre du festival Dansem
À venir au Festival Dansem
Domestic Flight de Christophe Haleb les 19 et 20
nov (voir Zib 12)
Les Bernardines
Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre de
Georges Appaix le 21 nov
Théâtre Durance. Château-Arnoux
Voyage d’hiver et Sacre du printemps d’Emanuel Gat
le 22 nov (voir ci-dessous)
Loin © P. Imbert
Salle Benoit XII. Les Hivernales. Avignon
Huit minutes de pose II. Vernissage et performance
de Manon Avram. Un projet autour de photographies qui cherchent une vérité de l’être par un
cadrage sans fard et un temps de pose long. Du 27
nov au 4 dec.
La Friche
UNDER # 2 Installation performance de Sabine de
Viviès le 28 nov
Studio Geneviève Sorin
Atelier des corps siamois atelier de Karry Kamal
Karry les 29 et 30 nov de 9h à 19h
Studio du Merlan
Soirée Vidéo Danse autour de Catherine Savy
le 5 déc
Studio Geneviève Sorin
Nomadness, solo contemporain de la danseuse
égyptienne Karima Mansour le 6 déc
Espace 233, Istres
D’Eux sens, duo d’Abou Lagraa le 6 déc
(voir ci-dessous)
Théâtre de L’Olivier, Istres
Esse #3 - La matrice des anges, un quatuor de
danseurs japonais dirigé par Karry Kamal Karry,
chorégraphe d’origine comorienne installé depuis
peu à Aix-en-Provence, le 10 déc
Le Merlan
Indigo, une pièce pour 6 danseurs
de Paco Decina le 13 déc
Le Merlan
Schubert et Stravinsky
Vers l’autre
Le très beau duo créé par Abou
Lagraa lors de la dernière biennale de
Lyon s’inspire d’un poème persan
d’Omar Khayyâm. Avec Nawal
Lagraa, il danse un lent cheminement
vers la fusion des corps séparés,
D'eux sens © Eric Boudet
attirés, différents, aquatiques. C’est en
allant au bout de la fatigue, de la
répétition, de l’épuisement, de la
fureur, en se plongeant dans l’eau, en
s’éreintant, en s’affrontant, en
s’abandonnant, en se confrontant
chacun à la solitude, que les corps
semblent se trouver enfin, formant
ensemble une coupe dont parle le
poème. La scénographie, simple,
repose sur des carrés de lumière
franche, un fil d’eau qui coule, comme
dans un patio intime où l’apaisement
pourtant ne règne pas d’emblée. La
danse est magnifique. Son esprit aussi.
AGNÈS FRESCHEL
D’eux sens sera dansé à l’Olivier
le 6 déc dans le cadre de Dansem
Emanuel Gat est déjà venu à
Dansem, en 2000, avant d’être
reconnu en France et en Europe
comme un grand chorégraphe, et donc
bien avant de s’installer à Istres. Il
reprend ici, pour Dansem, les
Hivernales (Avignon) mais aussi à
Draguignan, deux pièces magnifiques
où un duo masculin de danseurs jour
un rôle essentiel : dans le Voyage
d’Hiver (Schubert), le couple nous
entraîne dans le trajet romantique du
poète vers les sentiments glacés,
l’abandon, la fascination haineuse,
dans un jeu de regard impressionnant,
comme si les danseurs étaient
attachés par les yeux. Dans le Sacre du
Printemps, ce sont encore deux
hommes qui mènent la danse,
manipulant trois femmes sur des pas
de…. salsa. Ondulations qui, somme
toute, conviennent parfaitement à la
partition sauvage de Stravinsky. Deux
très belles pièces !
A.F.
Le Sacre du printemps et Le Voyage
d’Hiver
Emanuel Gat
Le 22 nov
Salle Benoit XII, Avignon (84)
04 90 82 33 12
www.hivernales-avignon.com
Le 5 déc
Théâtre en Dracénie, Draguignan
(83)
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
BNM | MOD
DANSE
23
Du son et du geste…
L’entrée au répertoire du Ballet
National de Marseille de Sextet
de Thierry Malandain s’est révélée
l’épisode majeur de la soirée
du 24 octobre à l’Opéra municipal…
sur une musique hallucinante
de Steve Reich !
Les musiciens n’entretiennent pas toujours avec les
danseurs des rapports harmonieux. Ainsi, Stravinsky
s’est souvent plaint de l’incompétence des chorégraphes dans le traitement de la matière sonore… Les
ballets les plus réussis sont ceux qui, le plus souvent,
marient intelligemment les discours du son et du geste,
se rapprochent par-là même de l’idéal d’Art total initié
par Diaghilev. C’est ce que l’on a perçu lors de la
découverte du Sextet de Thierry Malandain :
notamment parce que le chorégraphe s’est approprié
le langage à la fois complexe et minimaliste de Steve
Reich.
Au principe de répétition/variation cher à l’Américain,
Malandain superpose une réflexion sur l’univers de la
danse, dans ce qu’elle possède d’itératif, de cyclique,
de ludique… Son «studio» encadré de barres de travail,
est la matrice d’un dessein qui surgit du pur exercice
quotidien pour scruter l’imaginaire des corps, chercher
du sens, engendrer l’œuvre… À la complexité rythmique,
échos millimétrés, changements de dynamiques, riffs
de trois pour quatre, mesures bancales à onze temps,
les danseurs répondent par une plastique hypnotique,
virtuose et sans paillettes. Les architectures formelles
s’emboîtent : c’est du grand art ! D’autant que, sur
scène, l’ensemble Télémaque dirigé par Raoul Lay
joue en direct, chose si rare aujourd’hui, et prend les
mêmes risques que les danseurs : dire que l’opus est
périlleux pour le chef, les percussionnistes et les
pianistes est un euphémisme ! L’émotion partagée,
risquée ensemble, tient chacun en haleine...
Les deux autres pièces du programme se révèlent
intéressantes : si le sensuel et rougeoyant Somewhere
de Julien Lestel poursuit sa carrière en glorifiant les
corps et le jusqu’au-boutisme gestuel néoclassique, la
création de Yasuyuki Endo séduit par son originalité et
sa virtuosité, peut-être un peu «m’as-tu vu». Seulement,
les musiques ne sont pas de la qualité de celle de Reich.
Les pièces enregistrées de Phil Glass possèdent un
potentiel émotionnel un peu gâché par quelques clichés
et des harmonies plates, quand un patchwork électropop hétérogène n’aide pas à la lisibilité du propos
confus de Té To Té.
Mais on loue évidemment la classe technique et
expressive des solistes du Ballet National !
JACQUES FRESCHEL
À venir au Ballet National
de Marseille
Carte blanche aux danseurs du Ballet National. Les 4 et
5 déc les danseurs du ballet présentent leurs créations,
dans lesquelles ils s’impliquent comme chorégraphes
et interprètes. Une pratique, initiée depuis l’arrivée de
Sextet © Agnes Mellon
Ballet National de Marseille
04 91 327 327
www.ballet-de-marseille.com
Frédéric Flamand, qui connaît un succès grandissant,
dans le Grand studio du Ballet.
Pour prolonger sa collaboration avec l’ensemble
Télémaque, le Studio accueillera le lendemain (le 6 déc)
une ouverture soliste contemporaine, et romantique
(voir page 39).
Quant à l’École Nationale Supérieure de Danse, elle aura
portes ouvertes le 13 déc (voir page 74).
Happé(x) par la grâce
Marseille objectif danse et le Massalia s’allient pour programmer les deux dernières
créations de la Liseuse à Marseille…
Pour tout vous dire, Appaix, à Zibeline, on en est fan.
Collectivement : amoureux des mots, des pas, des
notes, des performances plastiques, on reconnaît tous
qu’il n’est un virtuose d’aucune de ces choses-là. Ou
qu’en tout cas ce n’est pas la virtuosité qu’il ose. Parfois
on se dit, parce que ça fait des années qu’on le suit, que
là il se répète, fait moins bien, trop pareil. Oui, qu’on en
a un peu marre, qu’on a envie d’aller voir ailleurs si son
Rien que cette ampoule... © Marie Accomiato
esprit s’y serait caché. Mais la saison dernière avec
Question de Goût, son solo, et Rien que cette ampoule
dans l’obscurité du théâtre, pour tous ses danseurs, il
nous a à nouveau surpris. Par cette agréable familiarité
qu’il instaure entre la scène et le public, projetés
ensemble dans un univers partagé. Léger, maladroit,
suggestif, pudique et étalé comme on avoue ses
ressorts intimes. Si vous voulez vous y plonger, vous
pouvez retrouver nos anciens articles sur notre site :
www.journalzibeline.fr. Quant à nous, vivement qu’on y
retourne !
A.F.
Question de goût
Les 9 et 10 déc
Rien que cette ampoule dans l’obscurité du théâtre
Les 12 et 13 déc
Friche de la belle de Mai
04 95 04 96 42
www.marseille-objectif_danse.org
http://massalia.lafriche.org
24
DANSE
BALLET D’EUROPE | PAVILLON NOIR | GTP
Jeune maturité
Le ballet d’Europe a 5 ans seulement,
et pourtant il fait partie du paysage
comme un grand ! C’est une des rares
compagnies de danse qui tourne à
l’international, qui danse dans de grands
théâtres parisiens, et les ballets nationaux y recrutent souvent les danseurs
repérés et formés par Jean-Charles
Gil… Ce qui permet au chorégraphe
de renouveler sa cie et de se concentrer, comme ici, sur de très jeunes
danseurs ou des solistes d’expérience…
Pour fêter le premier temps de cet anniversaire (il y en aura quatre autres)
le ballet présente à la Friche des
Workshops, créations des danseurs
Jean-Philippe Bayle, Florencia
Gonzalez, Pierre Henrion, Ludovick
le Floc’h, Christophe Roméro, Aline
Richard et Fabrice Gallarague.
Libres de leurs choix et de leur esthétique, ils déclinent cependant dans ces
workshops une unité musicale autour
de titres de musique actuelle. Et autour
Ombres
japonaises
Ballet d'Europe © J.-C. Verchere
des interprètes… puisque les chorégraphes deviennent danseurs des
pièces de leurs camarades !
AGNÈS FRESCHEL
Workshops
les 28 et 29 nov à 20h
Ballet d’europe
04 96 13 01 12
Friche de la Belle de Mai
www.balletdeurope.org
Démonstration virtuose
Pockemon Crew a remporté des prix dans le monde entier.
Ils sont huit. Huit feux follets sur une scène qui semble
parfois être trop étroite pour leurs évolutions. Huit athlètes,
huit acrobates, huit gymnastes, mais surtout huit danseurs!
Le stade de la battle des concours de hip hop est ici dépassé
Pockemon Crew -Cest ça la vie © Alloua Sayad
dans une réelle recherche chorégraphique, qui donne ses
lettres de noblesse à ce genre. Les mouvements très codés,
tricks, footwork, freeze, locking, popping, phases, smurf…
sont ici orchestrés dans un véritable propos. Une vidéo crée
un fil conducteur, donnant un titre à chaque partie du
spectacle. Il s’agit d’une autofiction, un récit de vie
émouvant, (les premiers pas enfantins sont délicieux !) drôle,
(même dans les passages les plus dramatiques, l’humour
est toujours présent), fort de la somme des expériences des
ces danseurs dont le bonheur de danser est communicatif.
Le sourire ne les quitte pas, même pour les passages les
plus difficiles. La salle les ovationne, et leur prestation lors
d’un rappel débridé vous donne envie de les voir encore !
M.C.
Dans l’obscurité une respiration s’élève.
Une autre répond. Marionnettes citrouille. L’une dévore l’autre. Chant
murmuré. Ombre. D’étranges esprits,
lumières mobiles et virevoltantes semblent avoir choisi de se poser là.
Incarnations ? Jeu lutin, mutin d’un
Oberon japonais ? Un corps endormi
dans la chute d’un long kimono rouge
pendu aux cintres, peu à peu s’éveille,
s’anime. Le chant porté par Dorothée
Munyaneza, nimbe la scène d’une
aura poignante et profondément humaine, le martèlement des pas tisse
un réseau envoûtant de signes. Le rêve
est initiation, d’ailleurs est-ce du rêve,
ce lieu où la conscience et le merveilleux se rejoignent ?
Le conte japonais de Miminashi
Houichi met en scène un moine, ici
un secrétaire kafkaïen, aux prises avec
un fantôme. Dans cette chorégraphie,
Kaori Ito utilise différents moyens
d’expression, acrobaties, mimes, théâtre d’ombre, chant, danse enfin, avec
une maîtrise sans faille, au profit d’un
spectacle qui navigue avec subtilité
entre les registres, du comique au
drame, du jeu à la tragédie. On pourrait
reprocher quelques longueurs, un
propos qui parfois perd sa teneur, un
sens qui échappe… Le spectacle de
Kaori Ito reste d’une tenue remarquable, la chorégraphie est riche,
technique et enlevée à la fois. Cette
jeune chorégraphe a su faire partager
sa vision poétique par une approche
sensible du monde dans un univers
onirique. Magique !
MARYVONNE COLOMBANI
C’est ça la vie a été dansé du 4 au 7 nov
Noctiluque a été créé
les 24 et 25 oct.
Voir la critique de nos Zibulons
page 76
À venir au Pavillon Noir
A journey into the future, création de Anuanga, jeune
danseur chorégraphe du Kenya qui travaille sur les traditions
Maasaï pour les amener vers la modernité. Les 27 et 28 nov.
Les rêves de Karabine Klaxon, un quintette enchanté de
Carolyn Carlson, bestiaire fantastique traversé de
fantasmes comme un roman de Lewis Caroll. Du 4 au 8 déc.
Que ma joie demeure, une pièce baroque et jubilatoire de
Béatrice Massin, qui semble ici réinventer le plaisir de
danser ensemble, dans une égalité homme/femme, un
tourbillon de couleurs et juste ce qu’il faut de nostalgie
douloureuse. Du 16 au 19 déc.
Kaori Ito © Régina Mierzwa
25
Danse de musée
Le Pays d’aix s’apprétant à fêter
Picasso, le Grand Théâtre de Provence
a invité le Ballet Europa à présenter son
programme Picasso et la danse, fait de
restitutions de pièces du début du
siècle (le XXe) et de créations autour
des costumes et décors que le peintre
créa dans les années 20.
La première vertu de l’entreprise est
de donner une mémoire à la danse : en
dehors de l’Opéra de Paris, où peut-on
voir aujourd’hui des pièces du répertoire ? Pourquoi la danse se prive-t-elle
d’une démarche patrimoniale que le
théâtre, les arts plastiques, la musique
explorent abondamment ? Certes la
danse, art jeune, possède un répertoire
classique et romantique pas toujours
passionnant... mais plonger dans le
répertoire moderne (ou baroque) est
ravigorant. D’abord parce qu’on peut y
voir, comme dans Parade (Satie/
Massine) ou Pulcinella (Stravinsky/
Massine, repris par Ana Maria
Stekelman) combien la démarche de
Diaghilev et des ballets Russes était
révolutionnaire : la poésie, les personnages cubistes, la danse à peine
dansée, statique, contrainte par des
ses décors et ses couleurs distanciées,
outrées, appelait sans doute une autre
esthétique que ces conventions. Mais
le public du GTP a adoré !
AGNÈS FRESCHEL
Picasso et la danse
a été donné au GTP
le 18 oct
Légende
éculée
Flamenco © M. Logvinov.
costumes/sculptures somptueux de
couleurs et d’humour, restent d’une
modernité qu’on avait oubliée, et
qu’aucun ballet aujourd’hui n’oserait se
permettre sans se voir reprocher son
minimalisme.
Après cela les facéties de Thierry
Malandain autour de Mercure (Satie/
Massine) sonnent comme un hommage : les trois tableaux plastiques se
réfèrent à la chorégraphie originale
mais en tirent les lignes vers un
burlesque beaucoup plus contemporain... La seule déception de la soirée,
relative, viendra du Quadro flamenco :
les danses traditionnelles exécutées
plus que magistralement par l’École de
Flamenco du Conservatoire Royal de
Madrid ne convoquent pas la même
mémoire, et l’Espagne de Picasso, dans
À fleur d’émotion
Deux mots sur Blanche-Neige (pour le
reste voir article sur notre site
www.journalzibeline.fr) : les 5
représentations au GTP (du 12 au 16
nov), qui ont rassemblé plus de 10000
spectateurs, étaient pleines dès
l’ouverture des réservations. Le public,
les 5 fois, était debout, enthousiaste,
emporté. Si à Lyon, lors de la création,
le spectacle était encore un peu jeune,
à Aix la pièce fut irréprochable.
Certains moments (le duo final, la
danse verticale des troglodytes, la
pomme, le miroir..) sont d’une beauté
à couper le souffle, à faire monter les
larmes (bon Mahler y aide un peu).
Blanche Neige © Agnes Mellon
Angelin Preljocaj retrouve l’esprit qui
avait présidé à Roméo et Juliette, et
s’autocite d’ailleurs abondamment. Il
abolit le sexe exhibé et l’amour de la
violence qui avaient fait sa réputation
sulfureuse, et une part de son succès.
La pièce est intemporelle, classique
dès sa création.
Quant à la mise en place de l’intrigue,
au Ballet de Cour abstrait du début, il
est sans doute ce que la pièce contient
de plus ardu : le chorégraphe introduit
un vocabulaire gestuel contemporain,
personnel (oblique, brisé, angulaire...)
dans des mouvements d’ensemble au
schéma spatiaux classiques, calqués
sur les fugues et reprises musicales.
C’est inattendu, et intéressant.
D’ailleurs la pièce n’a pas fini de
cheminer, de tourner, et de soulever les
foules...
Avec son mètre 63 et ses 50 kg, Fred
Astaire n’a jamais été un séducteur
mais son style entraînant a ravi les
foules de tous âges. Avec l’évocation
de sa carrière, Josette Baïz et ses
danseurs de la Cie Grenade ont créé
un spectacle enlevé et distrayant mais
auquel il manque le petit quelque
chose qui en fasse une création
inoubliable. Présentée comme une
cérémonie de remise de prix à grand
spectacle avec présentateurs au
micro, grands escaliers illuminés sous
une nuit étoilée (belle scénographie de
Dominique Drillot), tenues de
soirées chics et noires, la démonstration ne convainc pas complètement.
Le propos est superficiel et l’évocation
des vrais rapports tendus de Fred
Astaire et Ginger Rogers, alors qu’ils
font rêver les Margot de l’époque, ne
nous emballe pas ! Autre époque,
autres tocades !
Cela n’enlève rien aux performances
des 14 danseurs qui apportent une
note d’humour à leurs mouvements
parfois décalés et se donnent à fond.
L’utilisation des escaliers est intéressante, permettant des sauts et des
abandons. Le travail des claquettes est
original avec de beaux ensembles
rythmés. Et la musique jazz des
années 40 accompagne joyeusement
les danseurs qui visiblement se sont
beaucoup amusés à faire revivre la
légèreté rapide des chorégraphies de
Fred Astaire.
CHRIS BOURGUE
A.F.
Blanche Neige sera au Corum
(Montpellier) les 17 et 18 déc
Eden Club a été dansé
au Grand Théâtre de Provence
les 7 et 8 nov
26
DANSE
MARTIGUES | NÎMES
Tous les corps dansent
Les Salins programment des propositions chorégraphiques d’esprit très divers. En commençant le
29 nov par un programme de Russell Maliphant,
chorégraphe anglais à la danse subtile: le déjà
mythique Push, un duo créé par Sylvie Guillem et le
chorégraphe qui sera repris par Juliette Barton et
Alexander Varona, un solo du danseur, Flux, et une
pièce où les danseurs se mêlent à des images
filmées, captées : Small boat est une pièce écrite
pour retracer le parcours des migrants économiques,
découvrant de l’autre côté de l’eau un nouveau
monde où s’agitent des fantômes…
Le Grupo Corpo s’installera sur la grande scène le
9 déc. La compagnie brésilienne a su s’inventer un
style unique et flamboyant, précieux comme du
néoclassique, spatialisé comme du contemporain,
et énergique et rythmé comme de la samba… une
somme époustouflante qui a marqué les mémoires
depuis la création de Six ou sept pièces pour un
ballet en 1994, sur la musique si brésilienne de… Phil
Glass! Il serait dommage de rater cette re-prise par
les 21 nouveaux danseurs, accompagnée de Breu,
une création récente.
Enfin la création de Au Bois Dormant, du 11 au 13 déc,
au Conservatoire Henri Sauguet. Une préfiguration du spectacle avait été donnée au Studio
Kelemenis durant le festival de Marseille et ses
questions de danse (voir Zib 9). L’instant était particulièrement émouvant. Parce que le texte de Marie
Desplechin sur la confrontation brutale avec l’univers de l’autisme est bouleversant, et qu’elle le dit
mieux qu’une comédienne, comme un auteur bouleversé, bousculé par ce dont il parle ; parce que la
danse de Thierry Niang, qui emprunte aux gestes
des enfants autistes avec lesquels il a travaillé, en
sublime les fermetures et les blocages ; parce que la
musique de Benjamin Dupé à la guitare installe et
développe encore d’autres rapports à la douleur…
Parce que la présence de Patrick Chéreau a su
insuffler sa cohérence à ces trajets qui se croisent?
La présentation de l’œuvre en cours était, en juillet,
saisissante. L’œuvre achevée aura-t-elle gagné en
force ?
AGNÈS FRESCHEL
Scène nationale des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Thiery Niang © Agnes Mellon.
Minimaliste
Le terme de minimaliste est souvent employé pour
désigner des propositions minimales, c’est-à-dire
pauvres. Le minimalisme est tout autre chose : il
consiste à se concentrer sur un schème, un élément,
à gommer tout ce qui pourrait en perturber la perception pour laisser apparaître, par cet isolement, sa
singularité. Brice Leroux, ancien danseur de
Keersmaeker et très inspiré par ses pièces répétitives,
est un minimaliste : dans le quatuor Gravitations (le 26
nov) les corps forment des ellipses, diverses, variables dans leur vitesse, qui se combinent à l’infini ;
dans le quintet Quantum (le 28 nov) les danseurs sont
plantés au sol, en ligne, et seuls leurs bras apparaissent dans la lumière… Des pièces poétiques
construites autour d’un imaginaire scientifique : la
gravitation des corps, les trajets des particules
quantiques…
A.F.
Théâtre de l’Odéon, Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Gravitations, Quatuor © X-D.R.
28
CIRQUE
COMONI | CAVAILLON | SALINS | ISTRES
Une histoire de famille
À l’invitation de la Maison des Comoni, le clan Romanès a
planté son chapiteau à Toulon et rajouté des séances
supplémentaires, succès oblige
Dès les lumières éteintes, une vingtaine
d’artistes déboulent sur la piste aux sons
du violon, de l’accordéon et des hourras
qui ne cesseront pour ainsi dire jamais !
Dans un joyeux désordre et un rythme
endiablé, ils dansent, ils chantent, ils sautent d’une corde à un trapèze, multiplient
balles et ballons, alternent drôlerie et
acrobatie. C’est ça le cirque Romanès,
et ça dure depuis la première guerre
mondiale… Sans paillettes ni starlettes,
c’est avant tout une histoire de clan où
les plus jeunes attendent leur tour assis
sur les genoux de leurs aînés. Le public
adore qui est pris par l’ambiance bon
enfant et la chaleur communicative : le
grand-père joue du violon, les filles
défient le vide, la mère chante la nostalgie tsigane, le tout dans une course folle
qui laisse à peine le temps de respirer.
Certes, le public apprécie la virtuosité
des jeunes femmes (équilibriste, contorsionniste ou fildefériste) mais sans jamais
avoir la peur au ventre car le cirque
Romanès ne joue pas dans cette catégorie-là. Ici, pas de roulement de tambour,
pas de bête sauvage (une chèvre fera
l’affaire avec beaucoup d’humour !). Pas
de performance non plus ni d’exploit.
Juste quelques numéros traditionnels à
taille familiale, ponctués de chants et de
musiques. Avec, en guise de Monsieur
Loyal, un artiste à la silhouette dégingandée et à l’humour décalé, façon
Mister Bean pour son côté «tombé des
nues», qui marie avec brio les gags du
clown, la maîtrise du jongleur et le
mystère du magicien… Quand la lueur
Maroquiné
On a déjà vu Taoub (Tissu en arabe). Et
on a été transportés. Par le talent des
acrobates marocains, mais aussi et
surtout par la chaleur qui émane de leur
spectacle, humain malgré l’exploit.
Aurélien Bory, leur metteur en piste, a
réussi là un pari presque impossible :
inventer une forme de cirque contemporain tout en conservant les particularités
traditionnelles du groupe acrobatique de
Tanger. De ses corps à corps, de ses
Le cirque Romanes © X-D.R
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Masculins féminine
mouvements circulaires, de ses jeux
dansés avec les costumes, les tissus.
C’est beau, et chaud, et pleins d’arômes
inhabituels…
A.F.
Taoub
les 11 et 12 déc
Scène Nationale de Cavaillon (84)
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
Trois pièces pour trois acrobates aux
Salins : Mathurin Bolze et Hedi Thabet
entament la soirée en forme de triptyque
par un duo au sol, mais sur béquilles.
Puis Chloé Moglia, trapéziste magique,
propose deux numéros solitaires, séparée pour l’occasion de son acolyte
Mélissa Von Vépy : un numéro où elle se
balance au gré… d’un énorme crochet de
boucher ; et un où elle évolue sur
(sous, dans, autour…) d’une barre fixe.
minutes montre en main entre les deux
sonneries de sirènes vont permettre d’en
faire le tour, dans un hommage parodique à un être dont on n’entendra que la
voix, si tant est que ce soit la sienne.
Portrait ludique et en creux d’un absent,
réel ou fictif ? Réflexion sur le bien-fondé
de ces sirènes auxquelles Lieux Publics
donne, depuis quelques saisons déjà,
une place d’honneur ? Ce mercredi 5
novembre, c’était le GdRA qui posait ces
questions.
FRED ROBERT
Attention : ces acrobates-là sont sans
doute parmi les plus fabuleux du monde:
par leur technique, et par leur façon de
le poétiser.
A.F.
Ali - Croc- Nimbus
le 11 déc
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Tout à trace
Rendez-vous avec Monsieur i
Un peu avant midi, comme chaque
premier mercredi du mois, la foule s’est
rassemblée sur le parvis de l’Opéra. Que
se passera-t-il aujourd’hui, lorsque les
sirènes donneront le signal, dans cet
espace carré, tout blanc, borné de huit
plots, blancs aussi, et de hauteurs
diverses, soutenant chacun un objet ?
Cela va de la sirène en métal à la
bouteille de plongée, en passant par la
(vraie) poule morte, la quille miniature en
bois de cèdre ou la lettre de doléances
d’un habitant de Château-Gombert. Au
milieu, une chaise, blanche également,
et un Monsieur Loyal, vêtu de blanc
forcément, qui évoque avec exaltation les
objets exhibés et… un certain Monsieur
i. Car tous les objets ont été prêtés (c’est
du moins ce qu’on nous dit) par cet
énigmatique personnage, et les 12
Rien dans les poches a été présenté
du 20 oct au 4 nov à Toulon
par le Pôle Jeune Public Toulon
Provence Méditerranée
des bougies pâlit, la fête se termine
autour d’un vin chaud et de spécialités.
Car c’est à une fête plus qu’à un
spectacle que le public a été convié !
Marie Leblanc. Une préfiguration en
forme de concentré succédané de la
prochaine création de sa Cie Didascalies
and Co. Alors, venez nombreux, quand
mugiront les prochaines sirènes, pour
renouer avec la tragédie grecque, revisité
par Racine, Noëlle Renaude, et jetée sur
le parvis !
Sirènes et midi net,
Parvis de l’Opéra de Marseille.
Prochaines sirènes
le mercredi 5 décembre….
À midi net !
A l’Olivier, pour finir l’année, un spectacle
virtuose, offert comme un cadeau de
noël : les Sept doigts de la main est
une cie de cirque québequois, des acrobates qui pratiquent les agrès les plus
complexes, dans des spectacles où les
techniques scénographiques contemporaines (vidéo, numérique…) éloignent
l’acrobatie de sa théâtralité souvent
nostalgique, et artisanale. Du «grand
spectacle» de cirque, avec grands effets,
dans la lignée du cirque contemporain
canadien.
A.F.
À venir sur le Parvis
Autre mois, autre registre. Un rendezvous à ne pas manquer avec la tragédie
racinienne, dans une version de Phèdre
revisitée (et très accélérée !) par Noëlle
Renaude, mise en scène par Renaud
Trace
Les 13 et 14 déc
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 55 24 77
www.scenesetcines.fr
LIEUX PUBLICS | LA FOLLE HISTOIRE
ARTS DE LA RUE
29
À quel fou se vouer ?
Samedi 1er novembre. Salon.
Midi au château de l’Emperi. Le temps
nuageux n’incite pas à la baignade et
pourtant les danseurs-comédiens d’Artonik vont se livrer à des jeux de plage pas
toujours tendres. On the beach... Par un
matin d’été des jeunes femmes se préparent à la baignade ; un homme cuve sa
nuit, un autre joue de la guitare. Très vite
les corps se heurtent et se jettent dans
l’eau tandis qu’une femme tente de faire
«pousser» des poupons/bébés sur le
sable et qu‘une autre s’agite jusqu’à l’épuisement. Monde absurde, image sans
complaisance de notre société : le rire
est grinçant.
14h30. Ex Nihilo présente un Trajet de
ville place de l’Europe. Onze hommes
et femmes marchent, se croisent, s’ignorent, se jettent au sol et repartent.
Bande-son de guitare basse et de voix
qui donnent des ordres en plusieurs langues. Rythme intense. Un homme tombe,
les jeunes spectateurs s’empressent à
son secours. On respire : la jeunesse est
spontanément belle !
16h. Générik Vapeur : des hommes
bleus envahissent l’espace, lancent des
fumigènes, tirent une langue bleue et
concupiscente aux passants qu’ils entraînent dans une promenade jouissive en
roulant de gros bidons bleus dans un
Bivouac assourdissant. Efficace !
Le soir. Ilotopie. Le ciel est lourd, mais
les regards scrutent plutôt le plan d’eau
Saint-Suspi, à peine éclairé. Des ombres
furtives se dessinent, on devine un
monde parallèle, grouillant. Et voilà que
tout s’anime, s’illumine, voitures qui klaxonnent, lampadaires qui se dressent, frêles
esquifs à peine éclairés, mécaniques
impressionnantes… Tout circule, les êtres
s’invectivent, la musique suit les effets
d’artifices, quelques détonations ponctuent le tout. Ballottés au gré des
tableaux, les spectateurs enthousiastes
sortent à regret de ce monde onirique
qui s’évapore sur l’eau, chimère éphémère qui nous aura transportés bien
loin…
Le dimanche 9 novembre. Salon.
La ville accueille le grand final. Ils sont
tous là, pour un défilé en ordre dispersé
mené vélo battant par une patrouille de
France survoltée, revue et corrigée par
Génerik Vapeur : des hommes à têtes
d’ânes servent à boire avec leurs pouces,
les facteurs de No Tunes International
déclament des courriers improbables, Ex
Nihilo s’empare de la rue et danse avec
les murs et le mobilier urbain, JeanGeorges Tartar(e) est là aussi…
Emmenée la foule suit, hilare, et obéit
aux injonctions décalées : avec plus ou
moins d’Ordre et de Méthode, tout le
monde se retrouve face au pré de la cie
Artonik pour un clap de fin joyeux et
chaleureux.
…Avant cela, à Miramas
À côté du bus-expo est posée une oreille
rose géante et parlante ; calés en son
creux deux enfants écoutent, amusés,
d’autres enfants donner leur vision de
l’espace urbain. Quelques minutes pour
échapper au brouhaha ambiant. Car
c’est jour de marché, et voilà que surgis-
La cie Ex Nihilo © D.M
sent les gens de couleurs de la Cie
Ilotopie, la peau peinte, mutants évadés
de quelque planète lointaine qui se
faufilent entre les étals. Les réactions
sont nombreuses, admiratives ou agressives : presque nus sous leurs couleurs,
ces «gens» interpellent, remettent en
cause la notion de l’Autre : différent, mais
pas tant que ça justement…
La Folle histoire des Arts de la rue
a pris fin le 9 nov, après 6 semaines
de festivités dans les B-d-R…
…Avant cela, à Saint-Rémy
Tour dans la ville avec No Tunes International pour un Rendez-vous particulier.
Il s’agit d’honorer la mémoire d’un ami
disparu en retournant sur les lieux où il a
vécu. Évocation des premières amours,
vin d’honneur et roses rouges !
Vous avez dit Folle Histoire ?
C.B ET D.M
Generik Vapeur © C.B
Rues animées
La 2e édition de la manifestation Small is beautiful
organisée par Lieux Publics, centre national de
création des arts de la rue a eu lieu à Saint-André, au
cœur des quartiers nord, et dans le centre ville de
Marseille. Pendant trois jours des artistes de rue
européens furent invités avec une dizaine d’installations,
de spectacles qu’on découvrait au détour d’une rue, sur
une place ou sur le boulodrome.
Ariane Numero © Agnes Mellon
Le premier à attirer les regards, et les interrogations, fut
le performeur allemand Johan Lorbeer en cantonnierbalayeur lévitant au-dessus du public, les bottes clouées
au mur, le regard goguenard. Poésie suspendue,
silencieuse, défi gravitationnel… On poursuit le chemin.
Notre regard s’arrête alors sur un drôle de couple, assis
par terre dans une rue. Sophie Leso et Marc de
Pablo, silencieux, vont se mettre en mouvement, se
rencontrer au gré d’une danse gracieuse, deux corps
qui se frôlent et s’imbriquent, liés par un fil rouge dont
la pelote se dévide doucement… «Silence is sexy»… On
est d’accord.
Un peu plus tard, sur le boulodrome, un drôle de tapage
a commencé. Le Tony Clifton Circus y a installé son
campement. Rubbish Rabbit démarre au son d’une
guitare saturée et des harangues d’un des deux clowns
de cette cie italienne. Le second commence déjà à
s’échauffer, tandis qu’un traducteur, très drôle et
volontairement approximatif, rend compte du délire
ambiant. Ils sont fous, différents, et libres. Et se com-
portent comme des enfants qu’on aurait lâchés une
heure sans surveillance, bousillant tout ce qui leur tombe
sous les mains, d’une barbie à un ananas, jusqu’à la
menace finale qui se traduira par un visage (complice)
entarté sous les rires soulagés d’un public conquis.
Fin de journée, et changement de ton avec le spectacle
sensible des comédiens allemands de Théâtre Fragile.
We meet in Paradise, nous promettent des personnages
masqués, traits effacés, sortis d’une caisse noire,
apeurés, demandant silencieusement l’asile, attendant
un geste… En repartant, on croise Ronan Tablantec
(voir Zib n° 12), aux prises avec un public hilare. La
journée se terminera avec un grand banquet de quartier,
que demander de plus ?
DOMINIQUE MARÇON
Small is beautiful
s’est déroulé les 23, 24 et 25 octobre
à Marseille
30
MUSIQUE
CONCERTS
Épatant… et sans épate !
La 1276e séance
de la Musique de Chambre
de Marseille nous a fait
découvrir, le 21 octobre,
un trio russe pure souche :
le Trio Equinox
Lorsqu’ils s’installent sur scène, les
membres du Trio Equinox ont un peu
l’air de préretraités qui se piquent de
faire de la musique pour meubler leur
temps libre… Certes, l’habit fait souvent le moine… mais en l’occurrence,
ce sont de grands musiciens qui se
cachent sous cette mise réservée.
Dès l’allegro du Trio n°1 de Beethoven,
on sent toute la finesse du toucher
de Dina Yoffe au clavier, la subtilité
du timbre vaporeux d’Igor Kiritchenko
au violoncelle, la solidité de Michael
Vaiman au violon. Et quelle technique ! Ces trois-là font partie de la
dernière génération de musiciens
formés au «pays des soviets» : un piano chantant au son profond et à la
percussion dosée, un violon plein
d’aplomb à l’intonation sûre, un violoncelle au coup d’archet large… Et
quelle cohésion, quel équilibre dans
les pianissimi !
De fait, dans le Trio élégiaque de
Rachmaninov, encore tout empreint
de romantisme, le lyrisme flamboyant
fait force de loi, et chaque instrument s’approprie la voix vibrante
jusqu’au sommet pathétique ! Enfin,
dans le chef d’œuvre qu’est le Trio
n°1 de Brahms (sorte d’aboutissement du Beethoven éponyme écrit un
demi-siècle auparavant), le souffle
est brillant, le discours conduit en
paliers sonores maîtrisés : du paroxysme à la sérénité retrouvée, de
l’épique à la danse passionnée… Et
tout ça sans un zeste d’esbroufe !
JACQUES FRESCHEL
Concerts à 20h30 à l’auditorium de la
Faculté de médecine de Marseille.
Adhésions S.M.C.M. à l’Espace
Culture 04 96 11 04 60 boutique
Harmonia mundi 04 91 33 08 12 ou
les soirs de concert
À venir à la Société de
Musique de chambre
Igor Kiritchenko, Trio Equinox © X-D.R
Après le violoncelliste François
Salque et Eric la Sage au piano (le
18 nov), on attend le jeune et talentueux Quatuor Amadeo Modigliani
dans Le lever de Soleil de Haydn et La
Jeune fille et la Mort de Schubert (le
2 déc), avant un récital du pianiste
Ronald Brautigam pour des Sonates
de Haydn et les «Waldstein» &
«Appassionata» de Beethoven (le 16
déc).
Violons à l’abbaye
Deux concerts du festival de SaintVictor ont proposé un double visage
du violon : du baroque austère de
Patrick Bismuth (le 23 octobre), au
«diable» flamboyant de Nemanja
Radulovic (le 13 novembre)
Bach dans le texte
Les Concertos brandebourgeois de Bach proposent
une variété de dispositifs instrumentaux allant du
«grosso» quasi strict, polyphonique et un peu
archaïque, mêlant des lignes violes à de délicates
parties d’altos (Concerto n°6), au «concertino»
Patrick Bismuth © X-D.R
ambigu, consacrant, pour ainsi dire, un véritable
soliste : le violon (Concerto n°4) ou le clavecin
(Concerto n°5).
Patrick Bismuth (violon et alto) et son ensemble
La Tempesta, ont livré, sur instruments et
«diapason» anciens, une version de ces trois fameux
opus pour le moins éloignée des interprétations
lisses d’il y a quarante ans ! Au gré d’une machine
rythmique qui avance sans cesse, les instrumentistes n’ont pas oublié de faire chanter les
flûtes et les cordes (Bismuth adopte dans le
Concerto en la mineur une technique assez classique dans l’usage des coups d’archet et du
vibrato), danser les dynamiques, ni de proposer des
tableaux sonores contrastés, lumineux, virtuoses
ou épurés…
En dépit d’une présence scénique un peu «en
dedans» (paradoxale pour des musiciens de
métier!), on retient, outre la maîtrise musicale de
Bismuth, la qualité des phrasés de la violoncelliste
Pauline Warnier et l’engagement chambriste de la
claveciniste Hélène Dufour.
Tchaïkovski… L’affiche variée permet aussi de
découvrir un quintette moderne et abordable du
compositeur italien Annunziata évoquant un vent
qui souffle en Grèce (Meltemi). Les pièces baroques
du programme mettent en exergue, peut-être
davantage encore, le jeu généreux de Radulovic :
des multiples ornementations sur la basse minimaliste et obstinée de Vitali (Chaconne en sol
mineur) à l’impressionnante cadence à découvert,
fougueuse et vibrante, des Trilles du diable de
Tartini.
Prodigues en bis, les artistes concluent par l’acrobatique final de l’Eté de Vivaldi et la Romance
andalouse de Sarasate…
Si Radulovic passe près de chez vous, ne le loupez
pas !
JACQUES FRESCHEL
Bête de scène
Dès l’entame du fameux Prélude de Kreisler, on sent
toute la puissance expressive du prodige Serbe.
Nemanja Radulovic a juste 23 ans… mais quel
métier ! Le violoniste fait le spectacle, tient la
scène en communion avec le Quatuor Illico (et
Stanislas Kuchinski à la contrebasse), communique son enthousiasme, varie les nuances, les
couleurs, les phrasés… Le ton est ludique : c’est du
violon champagne !
Le choix de pièces célèbres du répertoire ravit
l’auditoire : l’élégant Rondo en la majeur de
Schubert, l’épique et nostalgique Légende de
Wieniawski ou le lyrique Souvenir d’un lieu cher de
À venir à Saint Victor
Le festival se clôt avec deux concerts: un récital
du contre-ténor Max-Emmanuel Cencic dans
Haendel et Scarlatti (le 27 nov.) avant un
programme Beethoven. Olivier Charlier joue le
Concerto pour violon et l’Orchestra Sinfonica di
Sanremo (dir. André Bernard) l’Ouverture de
Coriolan et sa 4e Symphonie (5 déc.).
Festival de Saint-Victor.
Concerts à 20h30.
04 91 05 84 48 – http://www.chez.com/saintvictor
31
Jésus est né en Provence
Depuis sa création en 1986, l’ensemble
des Festes d’Orphée s’attache à la diffusion du patrimoine provençal baroque.
Aussi a-t-il proposé le 22 oct. une
conférence à la Chapelle Ste Catherine,
leur résidence permanente depuis
1998, ainsi qu’un concert à l’Eglise
Saint Laurent. Cette soirée inaugurait
la 11e saison des Festes d’Orphée
avec pour thématique le Concert de
Marseille.
Après avoir abordé au cours de la
conférence le concert marseillais baroque, créé sur le modèle du concert
spirituel de Paris, Guy Laurent a élargi
le sujet au répertoire provençal baroque, riche mais malheureusement
sujet à peu d’études. L’auditoire a pu
ainsi apprendre que l’opéra français
n’a pas été l’apanage de Lully et de
Rameau mais également d’André
Campra et de Jean-Joseph Mouret, et
que si Marseille était une ville moins
alphabétisée que Paris au XVIIe et au
XVIIIe siècles, sa vie culturelle et musicale était conséquente.
Guy Laurent a même affirmé que,
contrairement à ce que la fierté parisienne voudrait nous faire croire, il
n’était pas impossible que le concert
marseillais ait précédé le concert
parisien !
Une petite heure plus tard, dans l’Eglise
Saint Laurent, mitoyenne de la
Chapelle Ste Catherine, l’ensemble
instrumental soliste des Festes
d’Orphée composé de flûtes, d’une
viole de gambe, d’un clavecin, d’un
orgue et d’un théorbe, a présenté des
duos, des suites de danse du compositeur marseillais Pierre Gautier. On y
a découvert avec plaisir une écriture
complexe, un sens du rythme et du
contrepoint qui n’ont en effet rien à
envier à Lully.
SUSAN BEL
À venir aux Festes d’Orphée
Marseille, Eglise Saint Laurent
Il faudra attendre le 12 déc. pour redécouvrir le patrimoine provençal avec
les motets de Noël de Auphand,
Dupertuys et Archimbaud à 20h30.
L’ensemble se consacrera également
au baroque italien le 2 déc. avec des
œuvres de Carissimi et Lotti, également à l’Eglise Saint Laurent.
Choeur Festes d'Orphee © X-D.R
Aix, Chapelle des Oblats
Motets de Noël ainsi
que les 16 et 18 déc.
Splendeur du baroque italien
le 25 nov.
04 42 99 37 11
www.orphee.org
Une musique du cœur !
Voilà
quarante
qu’Henri
Le 17bientôt
octobre
à l’Aans
lcazar,
la
Tomasi
est mortmusicale
et, aussi curieux
que
conférence
animée
cela puisse paraître, aucune biograpar
Claude Tomasi, auteur
phie n’avait été publiée à son sujet…
de
la
première
biographie
Nombreux
pourtant sont
ceux qui,
sur
son
père
Henri
Tomasi,
journalistes, interprètes ou
musicoa rendudéfendent
hommage
à un grand
logues,
l’art singulier
de ce
e
Corse
né à Marseille.
compositeur
du XXNonobstant,
siècle
c’est peut-être de cela dont souffre
l’image du musicien : de «régionalisme»… Il faut dire aussi que la
production de Tomasi est contemporaine d’une avant-garde parisienne
dédaigneuse des personnalités situées
hors des «écoles» et créant, comme
lui, des opus au lyrisme chaleureux, à
la mélodie prégnante… et s’adres-
sant au cœur !
De folklorisme, on n’en trouve point
chez Tomasi et sa Méditerranée s’étend
bien au-delà du delta du Nil et des
colonnes d’Hercule… Toute la
musique entendue ce jour-là, de Don
Juan de Manara au Requiem pour la
Paix, de la Symphonie du Tiers Monde
au Silence de la Mer, jusqu’au Retour
à Tipasa… a célébré l’art lumineux et
sensuel d’un musicien universel.
On a répondu présent pour la sortie
du livre (pudiquement publié sous un
pseudonyme par un fils qui se consacre avec amour à la réhabilitation
de son père) : du comédien Frank
Gétreau, au musicologue Lionel
Pons... Défenseur de la première
heure du compositeur, le Quintette à
vents de Marseille a joué ses fameuses Variations sur un thème corse,
quand le jeune Ensemble Pythéas a
interprété deux mouvements de son
Trio à cordes.
Si bien qu’au bout de deux heures
passionnantes, l’assemblée est sortie
convaincue que la musique de cette
personnalité riche et complexe devrait
enfin résonner «hors les murs» et
connaître une vraie reconnaissance
nationale. Gageons que la sortie du
livre y participera !
JACQUES FRESCHEL
Livre + CD Henri Tomasi : un idéal
méditerranéen aux éditions Albania
32
MUSIQUE
CONCERTS
Prophètes en leur pays
Succès populaire pour
le concert du Festival de
Musique Baroque de
Marseille le 7 novembre
au Sacré-Cœur ! À une
affluence record, deux
solistes de l’Orchestre
de l’Opéra ont répondu
par de brillantes
prestations
On n’avait plus une place pour se
poser… Debout dans l’entrée, les
collatéraux et derrière le chœur, les
derniers marseillais s’étaient massés
pour entendre les fameuses Quatre
saisons de Vivaldi. Des gardiens du
temple ont même fini par barrer
l’entrée aux retardataires !
Depuis qu’elle a initié son festival
automnal, Jeanine Imbert décline une
recette éprouvée : pour des concerts
gratuits, elle fait appel à des talents
locaux ! Car nul n’est besoin d’aller
chercher loin ce que l’on a sous la
main ! Dans la fosse de l’Opéra, on
entend parfois un solo se détacher de
la masse instrumentale. Céans, deux
solistes de l’orchestre ont brillé tour
à tour dans le Concerto n°9 de
Boccherini et le «tube vivaldien».
Jean-Eric Thiraud au violoncelle a
allié une tendre expression à une
puissante virtuosité, quand Rolland
Muller, au violon, a fait une véritable
démonstration. Dès l’attaque du
populaire Printemps, on a adhéré à sa
sonorité posée, son émission franche,
une intonation et un vibrato sûrs. La
palette de nuances et son aisance
technique furent dignes d’un soliste
nomade occupant le haut de l’affiche
des grandes salles de concerts !
Certes, on s’est souvent éloigné des
interprétations «baroques», surprenantes
et bigarrées, données aujourd’hui par
des ensembles jouant sur instruments
anciens. Malgré des tempi allants ou
quelque effet de texture (dans L’Hiver
en particulier), Cyril Diederich, a
dirigé «à la papa». Même le clavecin
expert de Christine Lecoin n’a pas
fait oublier que l’orchestre lyrique
demeure plus à l’aise dans les phrasés
de Brahms et Verdi ! On pourrait en
sourire en snobinant… Mais ces
artistes ne le méritent pas et ont
offert un concert enthousiasmant !
JACQUES FRESCHEL
Le festival se conclut par deux
concerts gratuits où l’on entend
Scarlatti et Vivaldi (20 nov), Bach et
Haendel (23 nov) par des musiciens
du Conservatoire
Festival de Musique Ancienne
Eglise du Sacré Cœur
concerts à 20h30, entrée libre
Trop facile !
Poulenc au
Le 16 octobre au GTP, aux côtés de la star du violon Vadim Repin,
on a pu découvrir un pianiste subtil : Itamar Golan
Le concert du 15 novembre
de la saison de musique
de chambre de l’Opéra de
Marseille a rempli le Grand
Foyer et ravi l’auditoire
La saison 2008-2009 au Grand
Théâtre de Provence est ponctuée de
rendez-vous immanquables. C’est que
l’annonce de la venue de «Grands
interprètes» tels que Vadim Repin,
Boris Berezovsky (22 janv) ou
Andréas Scholl (31 mars) a de quoi
susciter l’intérêt des mélomanes et
remplir travées et balcons ! Le récital
du premier a connu un vif succès, si
bien qu’au final, malgré trois bis, le
public n’a pas voulu le laisser
partir…
Tout a commencé par la Sonate de
Debussy : violon souverain, perfection de l’attaque et des intonations…
Si l’on n’est pas surpris par le jeu royal
Vadim Repin © Sasha Guzov.
de Repin, sa voix moirée, furtivement
enrouée, aussitôt suivie d’éclairs d’une
pureté cristalline, on l’est davantage
par les premiers accords du clavier.
Lorsqu’il fixe le cadre harmonique,
mâtiné de couleurs «impressionnistes», on comprend qu’Itamar
Golan n’est pas un faire-valoir
(l’Israélien a même parfois volé la
vedette au Russe !). Son côté lutin,
joueur, son souci constant de rendre
l’exacte nuance, à l’écoute des dynamiques et respirations de Repin, ont
visiblement séduit le public.
Devant le rideau de fer baissé, afin
que les sonorités chambristes ne se
perdent pas dans les cintres, le duo a
ensuite livré une stupéfiante version
du Divertimento de Stravinsky. Piano
orchestral et chant vibrant, rythmes
essoufflés, frisant le tango, mise en
place métronomique et imagination
reine, ont généré un pas de deux bien
réglé où le pianiste, placé au plus
près du clavier, a établi un vrai rapport physique à l’instrument.
Et quand, à l’abord de la monumentale «à Kreutzer», Golan a semblé
quérir un illusoire sostenuto, alors
que Repin imaginait une improbable
euphonie, l’osmose a fonctionné…
dans les haletantes suspensions du
discours beethovénien ou la fougue
virevoltante des incontournables
variations !
JACQUES FRESCHEL
À venir au Grand Théâtre
de Provence
Après les Wanderer dans les deux
Trios de Schubert (le 20 nov), c’est un
portrait en forme de puzzle que construit l’orchestre Les Siècles de
François Xavier Roth. En formation
de chambre, les musiciens rendent
hommage aux dynasties «Bach et
Mozart» (le 25 nov), jouent les
Quintettes avec clarinette ou deux
altos (4 déc). L’orchestre symphonique se joint à Paul Meyer pour le
céleste Concerto pour clarinette (26
nov) avant de s’unir aux chœurs pour
le somptueux Requiem (le 5 déc, jour
anniversaire de la mort de Wolfi !).
On n’oublie pas également le dernier
spectacle musical iconoclaste
d’Heiner Goebbels avec l’Hilliard
Ensemble (les 11 et 12 déc) : sur des
textes d’Eliot, de Becket et de
Blanchot le quatuor vocal jouera un
concert en trois parties, visitant et
vivifiant l’histoire de la musique…
avec sans nul doute, des inventions
scénographiques spectaculaires…
Grand Théâtre de Provence
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
De larges accords majestueux plantent un décor de jardin à la française,
aux coloris ibériques… Dès l’incipit
du Trio de Poulenc dédié à Falla, on
sent dans le piano puissant et clair
de Marie-France Arakelian, la pâte
caractéristique de l’«école» Barbizet.
De fait, la pianiste marseillaise en est
l’une des plus éminente fille ! Plus
loin dans l’Elégie, alors que le jeune
corniste Julien Desplanque développe de somptueux phrasés feutrés,
la pianiste dessine en contrebas des
fresques aux touches subtiles, profondes et nettes, avance dans la
partition, à pas mesurés, comme une
promeneuse attentive au clair-obscur
d’un soir qui hésite entre chien et
loup…
Point n’est besoin d’aller chercher
aux antipodes des talents qui, chez
nous, ne demandent qu’à éclore. Il
suffit juste de les placer sous les
limelights! C’est ce qu’a réalisé
l’Opéra de Marseille avec ce brillant
récital consacré à la musique de chambre de Francis Poulenc et JeanMichel Damase. On y a entendu de
formidables solistes de l’Orchestre
Philharmonique. Au hautbois suave
et malicieux d’Armel Descotte, le
basson de Stéphane Coutable a
répondu par un chant ténébreux, la
33
Étonnant non ?
L’ensemble Télémaque
a donné le premier des
concerts thématiques et
historiques du cycle
portraits composés à
l’auditorium des archives
départementales le 7
novembre
Gérard Occello © Agnès Mellon
zénith
flûte de Jean-Marc Boissière par de
vibrantes arabesques… Et quand la
clarinette experte de Didier Gueirard
s’est agrégée à l’ensemble pour le
Sextuor, chef-d’œuvre du XXe siècle
tour à tour martial ou dépouillé, lyrique et multicolore, Poulenc fut porté
au pinacle par un jeu digne d’une
formation constituée de longue date.
Enfin, si la musique de Damase doit
beaucoup à son aîné (clarté du
contrepoint, élégance, science de
l’écriture, subtilité harmonique…),
c’est celle de Poulenc qui nous
touche… C’est que derrière un
double visage facétieux et mystique,
sa musique aux assonances pastel
hésite aussi entre le sourire et la
plainte. Et que sous la surface, chez
lui, les eaux profondes ne sont jamais
très loin !
JACQUES FRESCHEL
Marie-France Arakelian © X-D.R.
Étonnant comme la musique contemporaine peut rassembler le public,
parfois ! Les curieux, comme les
mélomanes avertis, ont accueilli avec
enthousiasme le concert intitulé
timbre et texture proposant un
parcours chez les musiciens du son.
Ère du son, du timbre, le vingtième
siècle n’en finit pas de surprendre par
l’audace et l’inventivité dont ont fait
preuve ses sculpteurs de sons. Sur
scène, un quintette à cordes, en fond
de salle un quatuor à vents, et dans
le rôle du déambulateur interrogatif ?
La trompette de Gérard Occello.
Cette spatialisation souhaitée par le
compositeur américain Charles Ives
rend The unanswered question plus
novatrice que sa partition, plaçant
l’auditeur au centre des questions
existentielles posées par le
trompettiste sur fond de trame
sonore étirée et continue des cordes
quelque peu interrompues par le
discours plus ardu des bois.
Tout autant confondant par son
alliage de timbres et son langage
avant-gardiste, l’Octandre de Varèse
sonne de manière précise telle une
pièce de musique de chambre tout en
contribuant à «réaliser la coloration
des masses sonores», disait l’auteur.
Qui aurait sans nul doute apprécié la
grande qualité des instrumentistes de
l’ensemble et de son chef Raoul Lay,
donnant à cette musique une couleur
et une finesse idoine. Qualité
instrumentale retrouvée chez les
cordes (bien que le très efficace
contrebassiste J.-B. Rière soit présent
dans l’Octandre) pour le trio à cordes
de l’espagnol Luis De Pablo : il
dévoile autour de la note pivot si
bémol que l’«âme» de l’orchestre n’est
pas pour autant délaissée à notre
époque, offrant une écriture raffinée
et aérienne si différente de la masse
sonore dialoguant voulue par Régis
Campo dans son trio pour cuivres Les
Villes-lumières composé spécialement
pour l’ensemble en 1994.
Tour à tour, Jean Christophe Selmi
et Benjamin Clasen ont fait état de
leur virtuosité dans quelques extraits
de Mikka «S» pour violon solo de
Xénakis et dans la sonate pour alto
solo de Ligeti, ces deux œuvres au
demeurant fort difficiles d’exécution
révélant l’ingéniosité et la richesse de
ces partitions.
Les explications claires et la direction
précise du chef Raoul Lay ont
contribué à la réussite de ce concert
interactif très abouti, où une
musique
réputée
difficile
s’échangeait comme une évidence.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Virée choc
C’est dans la salle de réunion de l’entreprise Cabus & Raulot, transformée pour
l’occasion en scène de concert, qu’a eu lieu les 13 et 14 novembre,
la dernière création «jeune public» de Symblêma percussions : Playblick
Jean-Charles Charmet, directeur du
distributeur marseillais de matériel
électrique, s’inscrit de façon originale
dans le projet de Mécènes du Sud
visant à soutenir des projets préfigurant Marseille-Provence Capitale
européenne de la culture 2013. Voici
un an que Symblêma est en résidence
dans les locaux qui bordent l’autorouteEst, que les percussionnistes travaillent
à leur nouvelle création : Playblick.
Après un prélude ludique, qui a vu une
poignée de collaborateurs de l’entreprise s’essayer à frapper en mesure sur
des congas, défiler en batucada fantaisiste au gré d’instruments loufoques de
récupération, Frédéric Daumas, Damien
Louis et Alain Huteau (le compositeur)
ont fait leur entrée. Rapidement le trio
a créé un climat onirique, grâce à des
bouilles clownesques, silhouettes de
théâtre dessinant une pantomime
burlesque de ciné-muet.
Trois marionnettes partent en voyage
et font découvrir des musiques du
monde. De leur valise/tambour, elles
sortent un bric-à-brac cocasse, illico
exploité pour sa vertu sonore, et nous
emmènent au Brésil, en Afrique, en
Chine ou à Bali… Au fil d’un jingle de
cirque récurrent, les musiciens ménagent des séquences colorées, boisées
ou métalliques, aux cymbales, gong,
glockenspiel, bambous, wood-blocks,
sifflet, triangle, crotales… S’ils font
montre d’une virtuosité impressionnante (solos de batterie, ballets
acro-batiques de mailloches sur
vibraphone ou marimba), les trois
percussionnistes règlent aussi des
parenthèses contras-tées de bossa
doucereuse, de course fougueuse ou de
ragtime syncopé, avec pour savoureux
climax une «batterie» de cuisine
délirante se mouvant en boléro
kaléidoscopique…
Un spectacle bien ficelé qui séduira
petits et grands !
JACQUES FRESCHEL
34
MUSIQUE
OPÉRA
L’Amour en voyage
Le Voyage à Reims de Rossini
a permis à de jeunes talents lyriques
de se produire sur la scène de l’opéra
d’Avignon grâce au Centre Français
de promotion lyrique et à la
collaboration de dix-sept maisons
d’opéra
Voyage a Reims © Alain Julien
L’action du Voyage à Reims se situe dans une
station thermale des Vosges méridionales et se présente comme une succession de tableaux dont le
thème conducteur est… l’Amour ! Au fil des scènes
légères, la beauté des voix des jeunes artistes a
tonifié une partition peu entraînante et donné une
certaine cohérence à un argument manquant de
force. Jeux scéniques et touches d’humour à
l’appui, ces chanteurs ont tout mis en œuvre pour
nous conduire dans les contrées mystérieuses des
«Voix de l’Amour» : une parisienne trop sûre d’elle,
une poétesse enchanteresse, un allemand rigide,
un français trop empressé ou encore un russe éméché… tous ces personnages ont défilé sur la scène
et nous ont offert un panorama vocal très apprécié. De duos passionnés à un merveilleux sextuor,
Oxana Shilova, Hye Myung Kang, Kleopatra
Papatheo-logou, Istvan Kovacs, Gerardo Garciacano ou James Elliot ont fait preuve d’un talent et
d’une présence dignes d’artistes expérimentés.
C’est à Plombières-les-Bains que Rossini a planté le
décor de son opéra : au XIXe siècle, cette station
était un haut lieu touristique, et le Tout-Paris, ainsi
que les Princes d’Europe s’y pressèrent. Le Voyage
à Reims nous en livre d’ailleurs un portrait
croustillant… Il ne faut pas oublier que cet opéra
fut composé en l’honneur du couronnement de
Charles X qui, par sa politique réactionnaire, fut
rapidement détrôné au profit du Duc d’Orléans.
Mise au placard, la partition du Voyage fut remaniée
pour donner naissance au Comte Ory. Longtemps
oublié, le manuscrit original fut retrouvé en 1970
à la bibliothèque du Conservatoire de Paris. Il a été
dit que cet opéra est une «excroissance caricaturale» du bel canto rossinien… On y trouve 14
premiers rôles, et en effet, le chant y prime sur la
dramaturgie !
CHRISTINE REY
«Un orchestre ne doit jamais mourir !»
Concert exceptionnel le 16 octobre en Avignon !
Pour sauver l’OLRAP (voir Zib 12), plus de 250 musiciens se sont réunis sous la baguette de Jonathan
Schiffman, qui a su, avec art et adresse, diriger
cet immense ensemble symphonique durant plus
de trois heures.
Les œuvres interprétées, choisies pour leur popularité et leur pouvoir expressif, ont permis d’entendre
de merveilleux musiciens venus des quatre coins de
France et d’Europe pour soutenir leurs confrères de
l’orchestre. De Wagner à Ravel, l’OLRAP a transmis
une émotion rare.
Retenons la prestation du violoniste David Grimal
dans les Airs bohémiens de Sarasate. Habité par la
musique, le son pur, enchanteur et virtuose nous
fait dire que sur scène il n’y avait pas un violon et
un musicien, mais un seul «être» transcendé. Dans
un autre répertoire, mais non moins époustouflant,
le pianiste Vahan Mardirossian a conquis l’auditoire avec la Rapsody in blue par un jeu dynamique,
virtuose et un humour contagieux…
Notons également la participation exceptionnelle
de Mikhail Rudy, très en forme dans le 1er mouvement du Concerto n°1 de Tchaïkovski : la symbiose
entre le soliste et l’orchestre fut parfaite et il
semble que le pianiste ait mis, ce soir, toute son
âme russe profondément mouvante dans son interprétation.
David Grimal © X-D.R
Ce concert fut aussi exceptionnel grâce au soutien
moral venu de partout : pendant qu’au dessus de la
scène défilaient sur un bandeau des paroles de
soutien de grands noms de la musique, se trouvaient, dehors, nombre de mélomanes qui, n’ayant
pu avoir de places, ont écouté sa retransmission.
Tout fut spectaculaire, et les nombreux bis ont
montré combien la ville d’Avignon tenait à ses
musiciens et à son orchestre!
Une intervention de Jonathan Schiffman a marqué
les esprits : «Ce soir, il n’y a qu’une famille, nous
avons un combat pour la survie de la musique (…).
Les chefs passent, les orchestres restent.» La
liquidation judiciaire n’est plus à l’ordre du jour,
mais l’orchestre n’est en sursis que pour 6 mois. Il
semble qu’il y aura, de toutes façons, des
licenciements. À l’heure où nous écrivons ces
lignes, on attend avec impatience la visite de
Christine Albanel (du 16 au 18 nov) dans la Cité
des papes.
La seconde partie nous a permis d’entendre de
grandes voix comme la soprano Nathalie Manfrino
dans La Bohème, Elisabeth Vidal dans l’Air des
clochettes de Lakmé ou encore Woljtek Smilek
dans la Ronde du veau d’or de Faust.
C.R.
35
Le bouffon triomphe !
L’opéra Rigoletto de Verdi, dans une production
qui avait déjà fait ses preuves à Marseille, Avignon
ou Lausanne, a connu un vrai succès populaire à Toulon
grâce à un excellent plateau vocal
On connaissait l’habile mise en scène
d’Arnaud Bernard conçue pour l’adaptation lyrique de Le Roi s’amuse
d’Hugo. Glorifiant l’humanisme renaissant, un décor unique met en espace,
au pied d’une monumentale bibliothèque, le cabinet d’étude du Duc de
Mantoue, la tour/maison mobile de
Gilda, tantôt géante ou maquette
mise en perspective dans la «Cité
idéale», et une barque/tombeau…
Mais aussi experte soit l’idée directrice de ce Rigoletto-là, on n’oublie
pas que la réussite de l’ouvrage tient
avant tout à la valeur du plateau
vocal.
Au pied du Faron, le public varois a
d’abord été saisi par la direction
alerte de Giuliano Carella à la tête
d’un orchestre et de chœurs d’hommes manifestement à l’aise dans un
répertoire épousant l’expression naturelle des théâtres méridionaux.
Sur la scène, dans le rôle-titre du bouffon, Marco di Felice a fait montre de
qualités vocales et scéniques de
premier plan : un timbre qui reste
consistant sur tout le registre, des
aigus clairs, une maîtrise adéquate
de «l’aperto/coperto»… Voilà un vrai
baryton verdien !
On a senti, dès l’entrée de Rosanna
Savoia, l’écueil qui guettait la soprano dans l’abord du personnage de
Gilda : celui d’épaissir sa pâte vocale.
Avec métier, la musicienne, habituée
à jongler avec les répertoires, a judicieusement allégé son timbre, adopté
une conduite belcantiste des phrasés
pour un emploi qui consacre l’innocence juvénile.
La prise de rôle de Leonardo Capalba
est plus contestable. Si les airs célèbres, entonnés sur des tempi
fringants, ont été bien maîtrisés, les
demi-teintes savamment dosées, une
tendance à surjouer le mot a parfois
altéré la ligne de chant et l’égalité
des couleurs. Et l’engagement physique brouillon du ténor a nui à la
noblesse donjuanesque du Duc…
Cependant, au final, ces petits
bémols ont été envoyés aux oubliettes ! Aux côtés de brillants seconds
rôles (Taras Konoshenko/Sparafucile,
Annie Vavrille/Magdalena, Leandro
Lopez Garcia/Monterone…), le trio
majeur et leur chef ont longtemps été
salués sous les vivats.
JACQUES FRESCHEL
Rigoletto © Frederic Stephan
de Toulon affiche un nouveau chefd’œuvre !
Un opus qui fait la part belle au
contre-ténor (le rôle d’Oberon fut
créé par Alfred Deller en 1960), aux
voix d’enfants, multiplie les personnages secondaires et conserve la
fantaisie de la pièce originelle. Rachid
Ben Abdeslam et Maïra Kerey
chantent le couple royal (Oberon/
Titania) sous la baguette de Steuart
Bedford dans une mise en scène de
Jean-Louis Martinoty.
À venir à l’opéra de Toulon
L’esthétique musicale évolue allègrement entre le lyrisme romantique de
Verdi et le modernisme modéré de
Benjamin Britten (1913-1976).
Cependant, avec le Songe d’une nuit
d’été (d’après Shakespeare), l’Opéra
A Midsummer Night’s Dream
le 7 déc à 14h30
les 5 et 9 déc à 20h
Opéra de Toulon (84)
04 94 92 70 78
www.operadetoulon.fr
Brillants Brigands
L’opéra d’Avignon a accueilli les 8 et 9 novembre, la compagnie Les Brigands qui a joué,
après une longue tournée très applaudie, l’opéra bouffe éponyme d’Offenbach
C’est en 1869 que le créateur de
l’opéra bouffe compose Les Brigands.
Dès sa création l’ouvrage reçoit mille
louanges: le livret du tandem Meilhac
& Halévy est alerte, plein de rebondissements et, comme toujours chez
Les Brigands © Claire Besse.
Offenbach, les personnages de l’opéra
font allusion à de véritables personnalités bien connues de cette France
du Second Empire. «Tout le théâtre
d’Offenbach est parodie» nous rappelle Philippe Gut… et Nietzsche d’y
voir «la forme suprême de la spiritualité» ! Comme pour ses autres
ouvrages scéniques, Les Brigands
reflète la joie de vivre et l’insouciance
de cette époque : l’action se situe
«entre le Duché de Mantoue et le
royaume de Grenade» et des brigands
tentent de faire fortune, au gré d’intrigues amoureuses et de rencontres
italo-espagnoles.
Le spectacle nous a offert une scène
riche en couleurs : variété des costumes et des décors, ensembles vocaux
dynamiques, livret truculent porté par
une musique tourbillonnante, le tout
joué par une troupe d’une vitalité,
d’un entrain hors du commun et menée
avec passion par le jeune chef Benjamin Lévy… Nous retiendrons le jeu
de scène et les voix d’Emmanuelle
Goizé (Fragoletto), Marie-Benédicte
Souquet (Fiorella) et Christophe
Crapez (Falsacappa).
C.R.
36
MUSIQUE
CONCERTS
Plus d’une corde à sa harpe
Depuis quatorze éditions
de ses fameuses «Journées»
d’octobre, Arles est devenue
la Mecque de la harpe, le royaume
d’Orphée et de ses disciples…
médiévales, irlandaises et «Vivaldiennes», avant les
cadences romantiques endiablées de Julien Marcou
(Le Rossignol de Liszt...), pour finir avec les riffs
ensorcelants de Nikolaz Cadoret (harpe électrique
et bande sonore) qui ont fait fuir quelques
conservateurs vers la Musique des maîtres à danser
de Louis XIV à St Julien !
Dans toute cette ébullition, le calme hameau de
Moules opta pour le charme de la mélodie française. Après Reynaldo Hahn (Pastiches galants), les
cordes de Julien Marcou et Carl Ghazarossian
(ténor) ont touché les nôtres, sonnant avec
justesse dans les Poèmes d’Octobre de Massenet :
Qu’importe fut enlevé, Belles frileuses ciselé et Pareil
à oiseaux a clos le cycle en beauté. Le chanteur au
timbre velouté qui s’ouvre dans l’aigu, a fait des
miracles dans Clair de lune de Fauré ou l’Air de Mylio
de Lalo, les Mélodies populaires grecques ou la coda
acrobatique de la Vocalise en forme de Habanera.
Comme nous l’a rappelé Armelle Gourlaën dans sa
présentation : «Les fées existent dans le monde de
la harpe !».
PIERRE-ALAIN HOYET
À venir au Méjean
Le Quatuor Ebène et le pianiste Eric Le Sage
interprètent le Quintette n°1 en ré mineur de Fauré
et le Quintette op. 44 de Schumann.
Chapelle Saint-Martin du Méjan (Arles)
le 23 nov. à 11h (petit déj. offert à 10h).
Deborah Henson-Conant © Roberto Coggiola
Sous le parrainage de la «guitharpiste» invitée
d’honneur Deborah Henson-Conant et sa Body
Harp décapante, tous les styles (traditionnel, jazz,
classique, baroque ou rock…) furent abordés, et de
nombreux types de harpes (médiévale ou de
concert, celtique, kora…) présentés au gré de
manifestations très prisées.
Au musée bleu de l’Arles Antique, avec D’Orphée à
Jimi Hendrix, sous le regard bienveillant des Muses
et d’Apollon, la «polyharpiste» Armelle Gourlaën
a régalé son auditoire avec de délicates arabesques
The Mozart I love…
Pour clore son 20e festival de quatuors à cordes, la
communauté du Pays de Fayence a proposé à Saint
Raphaël un concert du Quatuor Kocian avec la
participation du clarinettiste Michel Portal.
Le concert s’est ouvert sur le fameux «Cavalier» de
Haydn, que le quatuor a exécuté avec le talent qui
lui est connu, malgré quelques fausses notes dues
à l’humidité ambiante ce soir-là ! On a ensuite
pu entendre le Quatuor n°1 de Schulhoff, compositeur dont les musiciens avaient une grande
expérience puisqu’ils ont enregistré l’intégrale de
ses quatuors. L’œuvre, peu évidente, trouvait tout
son sens, portée par un bon phrasé, le ton juste
Deux fois quatre mains pour un «week-end piano»
alléchant ! Claire Désert et Emmanuel Strosser (le
5 déc. à 20h30) et les jumelles Florence & Isabelle
Lafitte (le 7 déc. à 11h – petit déj…) interprètent
des programmes variés.
04 90 49 56 78
www.lemejan.com
Ces anges
d’Anguélos
Ce qui rend les voix d’enfants particulièrement
émouvantes c’est peut-être leur fragilité. Il suffit
qu’une petite fille attaque, avec une émotion à
peine dissimulée, un délicat solo… et le plus dur
des moustachus verse sa larme !
Montolivet s’est mobilisé le 15 novembre pour un
concert organisé au profit de l’entretien du nouvel
orgue qui orne son église, et le public a été
enthousiasmé par les jeunes voix de la chorale
Anguélos. Encore davantage que les parties
chorales, polyphonies sacrées, gospel ou extraits
d’opéras, ce sont les voix solistes qui ont
particulièrement ému l’auditoire : le blond ténor
Valentin et son déchirant Noël espagnol, l’aérienne
soprano Clara dans un Ave maria comme tombé du
ciel, Marie et son adorable Edelweiss cueilli sur les
pentes du Tyrol, le sombre et sensible alto d’Arthur
dans une mélodie tchèque, le timbre corsé de
Maimouna pour un contre-chant repris en chœur
par l’assemblée…
On comprend pourquoi la Chorale Anguélos,
lauréate du Concours de Draguignan 2008, est
désormais demandée pour des concerts de prestige
au Festival de Lacoste, à l’Opéra de Marseille, au
Festival de Musique sacrée à St Michel… Ce soir-là,
son chef Patrick Benoît nous a guidés à travers un
mémorable voyage dans le patrimoine européen :
en Ukraine, Hongrie, Autriche, Italie… au départ
d’un versatile Jardin de France pour un retour en
terre provençale sous les acclamations d’un public
debout !
M.C.
Prochain concerts de la Chorale Anguélos
à Marseille : le 19 déc à 15h à l’Eglise St Laurent
pour l’embrasement des Clochers du Panier
(entrée libre)
Quatuor Kocian © X-D.R
et une utilisation parfaite des timbres.
Beaucoup ont ensuite tiqué lorsque le quatuor et
Michel Portal ont exécuté le Quintette en la majeur
de W. A. Mozart. Il est certain que l’interprétation
du clarinettiste, issu du jazz, n’est sans doute pas
très fidèle aux règles classiques. Mais peu importe:
le son sucré de la clarinette de Michel Portal se
marie à merveille avec les mélodies rondes, doucesamères qui font des œuvres pour clarinette de
Mozart de vrais chefs-d’œuvre de la musique de
chambre. Et au fond, quoi de plus swing que les
petits trilles en arpèges descendants mozartiens….
38
MUSIQUE
AVIGNON | TOULON
Cinéma, musique et poésie diverse
La clôture du festival Fimé#4 a eu lieu le 16 novembre dans un Opéra de Toulon rempli d’enfants. L’orchestre maison,
dirigé par Raoul Lay, a joué en direct sur les images de films à la poésie diverse
Pierre et le Loup de Susie Templeton
Le spectacle, rappelant les grandes
heures du cinéma muet, a débuté par
des extraits de Relâche d’Erik Satie
ayant servi de partition au film
Entr’acte de René Clair (1924). Le film
dadaiste met en scène, par association
libre d’images, une véritable série de
provocations ; une danseuse filmée
sous son tutu, et qui se révèle porter
une barbe, un corbillard tiré par un
chameau, couvert de couronnes… de
pain, et emmenant son cortège funèbre
en une course folle… L’humour et
l’aspect décalé des images ont certainement suscité l’interrogation chez les
plus jeunes, mais n’ont pas échappé
aux interprètes qui ont su donner à
cette partition volontairement redondante une légèreté et une mélancolie
rêveuses que le compositeur lui-même
n’aurait pas reniées.
Franck Pantin et Alexandre Faraudau
ont ensuite interprété à quatre mains
une transcription d’Une nuit sur le mont
chauve sur le film du même nom
d’Alexandre Alexeïeff et Claire
Parker. À la clarté de la partition s’opposait une franche noirceur des images
servies par la technique originale du
mur d’épingles. Il n’est pas certain que
les enfants aient apprécié ce type de
poésie, sur une copie ancienne dont le
contraste laisser trop mal apparaître les
tableaux. Que l’on devinait beaux,
pourtant, dans la pénombre !
Heureusement pour les plus jeunes, la
projection du court métrage d’animation Pierre et le loup de Suzie
Templeton, récompensé par un Oscar
en 2008, accompagnée en direct par
l’Orchestre de Toulon ProvenceMéditerranée à nouveau placé sous la
direction de Raoul Lay, est venue
brillamment clore ce Festival ! Toute la
difficulté de l’exercice consistait à
restituer une musique dans un cadre
temporel contraint par la durée du film.
Le chef et les musiciens s’en sont sortis
de la plus belle façon, délivrant avec
finesse la richesse harmonique des
sonorités instrumentales, dissociant les
personnages, mais aussi soulignant ici
ou là les traits d’humour inhérents aux
images. L’osmose entre le spectacle et
les jeunes spectateurs fut totale !
Il faut dire que le film, d’une grande
beauté plastique, à l’animation plus
que minutieuse, dispense une émotion
inattendue : Pierre y est un garçon
russe pauvre entouré de menaces
contemporaines, de chasseurs qui
semblent des miliciens, de voyous, de
verrous et d’armes. Le canard est
dépenaillé, l’oiseau est une pie qui
peine à voler, le chat est râpé et
énorme… L’humour est là pourtant, et
les enfants rient et s’effraient. Et les
grands redécouvrent que la musique et
l’histoire qui ont bercé leur enfance ne
manquaient pas de cruauté…
EMILIEN MOREAU ET MARYVONNE COLOMBANI
Ce Ciné concert, créé à l’Opéra de
Toulon avec son orchestre, sera
programmé par le Théâtre Massalia du
16 au 19 déc, à la Friche
Théâtre Massalia
04 95 04 95 70
www.massalia.lafriche.org
Pierre et le Loup, Breakthru
© 2006 Breakthu Peter Ldt & SE-ma-for
Jeunes chanteurs
La saison 2008-2009 des Apér’opéra d’Avignon s’est ouverte
le 15 novembre
Pour ce premier concert, au bénéfice
d’Amnesty International, la salle du
foyer de l’opéra, comble, a accueilli
trois jeunes artistes lyriques, accompagnés au piano par l’excellente Nina
Uhari. La première partie fut consacrée à des mélodies de Francis Poulenc et
Jean-Michel Damase, interprétées par
le baryton Ronan Debois, fraîchement
sorti du CNSM de Paris : sa voix chaude
et profonde, presque trop puissante pour
ce genre d’œuvres (ou était-ce dû à
l’étroitesse de la salle ?), a cependant
enthousiasmé, tant l’interprétation
était sincère. Les œuvres de Damase
sont de vrais chefs-d’œuvre miniatures,
et les mélodies de Poulenc, bien que ne
reproduisant pas l’intimisme voulu par
le compositeur, ont recueilli un torrent
d’applaudissements : «il a la foi et le
sens du texte» a conclu Alain Lanceron,
directeur du CNIPAL. Les Mouvements
perpétuels de Poulenc au piano seul ont
terminé agréablement la première
partie.
La seconde partie nous a plongés dans le
siècle baroque avec, pour commencer,
deux airs d’Haendel interprétés par le
baryton chinois Zheng Zhong Zhou,
puis par la mezzo Majdouline Zerari.
La voix du premier, légèrement voilée
dans cet air, nous a, par la suite,
enchantés dans le Largo at factotum du
Barbier de Séville de Rossini pour lequel
ses qualités -agilité, puissance et
justesse vocale- se sont révélées. Il fut
vivement applaudi.
Majdouline Zerari a été très expressive:
sa voix, son jeu , sa présence scénique
sont incontestables. C’est une véritable
artiste.
Le merveilleux trio Non sento, sfrattate de
l’opéra Il marito desperato de Cimarosa
a réuni les trois artistes et a été interprété avec cœur et enthousiasme . Le
public a grandement apprécié et l’air
fut donné en bis… après quatre
rappels !
CHRISTINE REY
39
Au Programme
Télémaque
au B.N.M.
Dans le cadre d’Ouverture#11,
après avoir donné «Carte blanche»
aux danseurs du Ballet National de
Marseille, Frédéric Flamand
continue de développer
d’intéressantes collaborations avec
l’Ensemble Télémaque. Du coup
c’est Raoul Lay qui donne Carte
blanche à trois de ses musiciens !
Yann Le Roux-Sèdes (violon),
Marilyn Pongy (cor) et Nicolas
Mazmanian (piano) jouent Les
Romantiques : opus de Brahms,
Ligeti et Schnittke.
MARSEILLE. Le 6 déc à 20h30
dans le Grand studio du B.N.M.
04 91 327 327 /
www.ballet-de-marseille.com
Mozart & Salieri
La Compagnie Interlude, créée en
2002, joue Le directeur de théâtre
d’après l’opéra comique éponyme de
Mozart et Prima la musica de Salieri.
Les dialogues parlés sont traduits
en français par Jean-François
Héron quand les airs conservés dans
leur intégralité sont chantés dans
les langues originales (allemand et
italien). La mise en scène est
signée Julien di Tommaso et
l’accompagnement au piano réalisé
par Jan Heiting.
AIX. Le 6 déc à 17h
au Théâtre du Jeu de Paume
04 42 99 12 12
www.concertsdaix.com
Free… mais classe !
Les Concerts d’Aix annoncent la
première édition d’un festival
original. Jazz libre, c’est trois
concerts 100% free jazz en trois
lieux. Ce style musical qui se veut
«sans contrainte» n’est pas pour
autant donné à n’importe quel
improvisateur. Sans talent, le «free»
frôle parfois l’imposture ! Ce n’est
pas le cas avec les affiches prévues :
le clarinettiste Louis Sclavis
(le 28 nov à 20h à la Fac. de droit
– Amphi Portalis), le violoncelliste
Vincent Courtois (le 29 nov à 16h
au Musée Granet) et le trio Michel
Portal (clarinette, saxophone),
Daniel Humair (batterie) et le
contrebassiste Bruno Chevillon (le
29 nov à 20h au Théâtre du Jeu de
Paume) devraient faire rimer
imagination et rigueur.
AIX. Réservations au 06 03 58 02
13 et 04 42 99 12 12
www.concertsdaix.com
Grimm et Messiaen
Alors que l’Ensemble Télémaque
célèbre ses 15 ans d’existence, son
directeur artistique Raoul Lay est
compositeur associé au Théâtre des
Salins, Scène nationale de
Martigues. C’est ainsi qu’après
Monstres et bouts de chandelle,
spectacle musical à voir en famille
d’après deux contes des Frères
Grimm (le 21 nov à 19h30) les
martégaux et amateurs de la région
découvrent un beau Portrait
Messiaen. À la fois pédagogique et
d’un haut niveau musical, cette
invitation à plonger dans l’univers
du compositeur, né il y a un siècle,
connaît un vif succès depuis sa
création au début de l’année (le 2
déc à 19h30)
MARTIGUES. Les Salins
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr /
www.ensemble-telemaque.com
Piazzolla
Anthony Doux (bandonéon,
accordéons), Zeljka Mandi
(accordéon) et Danielle Stefan
(chant) donnent Piazzolla
Cantabile, un spectacle/concert
qui mêle tango populaire et
poésie.
SEPTEMES-LES-VALLONS
Le 21 nov à 20h30 au Centre Louis
Aragon 04 91 96 31 00
MARSEILLE. Le 5 déc à 20h30 au
Théâtre de l’Oeuvre 04 91 90 17
21 et le 6 déc à Ste Marguerite –
Louisiana Club Jazz
04 91 41 46 36
Nuits Blanches en Compagnie 04 91
49 68 65
Requiem aeternam
La Maîtrise des Bouches-du-Rhône
et le chœur de chambre Asmarâ
chantent le Requiem de Fauré.
AIX. Le 22 nov à 20h30 Cathédrale
St-Sauveur 04 91 11 78 42
/www.maitrise13.com
Violoncelle & saxo
Duos inédits pour saxophone
(Jonathan Helton) et violoncelle
(Steven Thomas). Ces professeurs
de l’Université de Floride jouent
Denisov, Chang, Elliott…
MARSEILLE. Le 24 nov à 19h à
l’Annexe Melchion du Conservatoire
- Entrée libre.
Falla, Lorca…
et Tchaïkovski
Avec la création de FlamencOpéra,
le chanteur gitan Tchoune fait se
rencontrer des artistes de formation
flamenca et classique (le 26 nov à
20h - Cité du Livre). Claudia
Sorokina (soprano), Florence
Cabrita (piano) et Noël Cabrita dos
Santos (violon) font chanter
«l’âme russe» de Tchaïkovski (Le
11 déc à 18h30 - Musée des
Tapisseries).
AIX. Aix en Musique
04 42 21 69 69 /
www.aixenmusique.fr
Venise
L’ensemble vocal Tactus et Musica
Antiqua dirigés par Christian
Mendoze programment
Serenessima concert dédié aux
maîtres du baroque vénitien :
Gabrieli, Monteverdi, Bellinzani et
Vivaldi.
AIX. Le 28 nov à 20h30 à l’Église
du Saint Esprit
Forum Harmonia Mundi 04 42 38 18
91 / Tactus 06 25 47 40 75
Romanze
Chants sacrés et Mélodies
italiennes par Philippe Collomb
(Ténor), Michèle Peladan
(Mandoline) et Hartmut Lamsfuss
(Piano)
MARSEILLE. Le 29 nov à 20H30 Restaurant Au bout du quai
04 91 99 53 36
Autour
de la Slovaquie
L’orchestre de chambre de Bratislava
présente Les Cordes des Carpates :
opus du Slovaque Eugen Suchon et
Dvorak, Janacek, Suk…
MARSEILLE. Les 29 nov 2008
à 21h et 30 nov à 15h Station Alexandre
04 91 42 05 87 /
www.station-alexandre.org
Pianoforte
Nuance aux Marteaux : un opus de
Domenico Scarlatti et Mozart par
Natalia Cherachova au pianoforte.
MARSEILLE. Le 6 déc à 18h - Urban
Gallery
Baroques-Graffiti.
04 91 64 03 46 http://baroquesgraffiti.com
Création
Ad Fontes Canticorum crée Poésie
Verticale de Denis Badault pour
chœur, saxophones et piano, et
chante Challulau et Rautavaara.
AIX. Le 8 déc à 20h30 - Théâtre du
Jeu de paume
Rencontre avec les musiciens à 20h
04 42 99 12 12 www.concertsdaix.com
Autour de Messiaen
L’ensemble vocal de Roland
Hayrabedian chante des pièces
«modernes» de Messiaen, Ohana,
Marti et… Le printemps de Claude le
Jeune.
DRAGUIGNAN. Le 9 déc à 20h
Théâtre en Dracénies
04 94 50 59 59 /
www.theatresendracenie.com
Hommage à Varèse
L’Ensemble C.Barré ? joue
Octandre de Varèse, Pascal
Dusapin (Cascando) et deux
créations de Reibel et Mitru
Ecalona-Mijares
MARSEILLE. Le 16 déc à 19h30 Atelier / Studio du GMEM
04 96 20 60 10 – www.gmem.org
JACQUES FRESCHEL
40
MUSIQUE
CONCERTS | OPÉRA
«Celeste Aïda !»
On a l’habitude d’associer l’opéra populaire Aïda de
Verdi à un péplum grandiloquent. Certes, le fameux
Triomphe et ses «trompettes» se prêtent volontiers
au grand spectacle… Cependant, nombre de
scènes, dans cette œuvre, n’exigent que peu de
moyens et se limitent à de simples dialogues entre
les personnages. C’est peut-être justement cette
intimité, brossée musicalement par un Verdi de la
maturité, qui fait toute la force de l’ouvrage.
On ne sait comment la scénographie des Chorégies
d’Orange 2006 s’adaptera au plateau de la place
Reyer. Gageons que la mise en espace de
Charles Roubaud, le minimalisme des décors
d’Emmanuelle Favre, les costumes de Katia Duflot
habilement éclairés par Marc Delamézière, ainsi
que les projections d’images mises en œuvre il y a
deux ans, resserreront la tension autour des
personnages, des passions qui les animent (amour,
jalousie, sens du devoir, conflits internes…).
Quant au plateau vocal… il est prometteur ! On
attend Adina Aaron dans le rôle-titre de
l’Ethiopienne et Béatrice Uria-Monzon pour la
sombre et jalouse Amnéris. Walter Fraccaro (qui
avait remplacé Alagna pour les représentations qui
ont suivi sa mémorable sortie de scène à la Scala)
chante l’héroïque général égyptien Radames et Ko
Seng-Hyoun (qui triompha à Orange) l’esclave
royal Amonasro. Nader Abassi dirige les chœurs et
l’orchestre de l’Opéra.
Concert symphonique
Evelino Pido dirige la 9e symphonie en ut majeur
(La Grande) de Schubert ainsi que le Concerto n°4
en sol majeur de Beethoven. C’est le pianiste italien
Andrea Lucchesini, spécialiste du répertoire
beethovénien (il a enregistré en 2004 l’intégralité
de ses sonates) qui tient le clavier.
JACQUES FRESCHEL
Aïda
Les 25, 27 nov, 2 et 5 déc. à 20h
le 30 nov. à 14h30 et le 7 déc. à 17h
Concert Pido/Lucchesini
Le 12 déc. à 20h30 à l’Auditorium du Pharo
Stars et jeunes talents
Boris Berezovsky © Julien Mignot
Deux grandes stars des scènes classiques sont annoncées au pied du
palais papal. Le tsar des claviers Boris
Berezovsky joue l’«Appassionata» de
Beethoven, la «Wanderer – Fantaisie»
de Schubert et l’épique Sonate en si
mineur de Liszt (le 25 nov), quand la
superbe soprano albanaise Inva Mula
chante Bellini, Donizetti, Gounod
Massenet et Verdi (en compagnie de
l’OLRAP dir. Paolo Arrivabeni – le 12
déc).
On attend également le Trio Jerusalem dans le Trio «à l’Archiduc» de
Beethoven et le Quatuor pour la fin
du temps de Messiaen (clarinette :
Nicolas Baldeyrou, le 9 déc).
Côté promotion de jeunes talents,
outre les traditionnels «apér’musique» les samedis à 17h («Les heures
baroques» - le 29 nov) et «apér’
opéra» (CNIPAL le 13 déc), on
attend un alléchant Tremplin jeunes
chanteurs (le 28 nov, entrée libre).
J.F.
Opéra-Théâtre, Avignon (84)
04 90 82 81 40
www.mairie-avignon.fr
Noël de Pythéas
L’Ensemble Pythéas, conduit du
violon par Yann Le Roux-Sédes,
annonce un concert de Noël qui devrait séduire un large public. Associés
au ténor Laurent Blanchard, les
musiciens proposent des pages célèbres comme le Canon de Pachelbel,
l’Aria de la suite en ré majeur,
«Schlummert eir» tiré de la Cantate
BWV 82 de Bach ou Music for a while
de Purcell, mais également des
extraits des Variations Goldberg dans
une version rare pour trio à cordes,
des pages de Haendel, Mozart...
J.F.
Ensemble Pythéas
Le 13 déc à 20h30
Eglise St-Ferréol (1er)
04 96 11 04 61
Espace Culture ou le soir du concert
Adina Aaron © X-D.R
Opéra de Marseille
04 91 55 11 10
http://opera.marseille.fr
Gloria Puccini
et quatuor à cordes
Deux concerts sont annoncés au
théâtre d’Aubagne.
La Messa di Gloria de Puccini ainsi que
des airs d’opéras sont chantés par
Luca Lombardo (ténor), Claude
Méloni (baryton). Les chœurs sont
dirigés par Jean-Claude Latil et
accompagnés au piano par MarieFrance Arakelian (le 22 nov).
Le Quatuor Debussy (Victoire de la
Musique en 2006) joue un programme éclectique de Chostakovitch
à Webern (le 29 nov)
J.F.
Théâtre Comœdia, Aubagne.
04 42 18 19 88
www.aubagne.com
Le piano roi
Thomas et Anne Marie Girard jouent
au piano le Concerto n°5 de Beethoven
et le Concerto n°27 de Mozart avec
l’OLRAP dirigé par Volker SchmidtGertenbach (Saint-Martin de Crau
le 22 nov à 20h30 au centre culturel
- 04 90 47 06 80). Toujours avec
l’orchestre d’Avignon, dirigé cette fois
par son jeune chef Jonathan Schiffman, Michel Bourdoncle interprète
le Concerto n°20 de Mozart. On entend aussi Danse Sacrée et Danse
Profane de Debussy et un hommage
à Messiaen avec Les Trois Petites
Liturgies de la Présence Divine et les
Ondes Martenot de Claude Samuel
Livine (Marseille, le 2 déc à 21h au
Théâtre Toursky – 08 20 30 00 33).
Le festival se conclut par un récital
Chopin de Pierre Morabia et de jeunes
pianistes du Conservatoire Darius
Milhaud (Aix, le 19 déc à 20h30 –
Cité du Livre - 04 42 16 11 70).
J.F
Festival Les Nuits pianistiques
06 16 77 60 89
www.lesnuitspianistiques.com
Quatuor Debussy © Frederic Jean
41
The Grim Experience
Croisement des arts
Un Week-end classique fait résonner
des Sonates pour violon (Alice
Pierlot) et clavecin (Jean-Marc
Aymes) de Mozart (le 21 nov), les
fameux Quatuors du Soleil de Haydn
par le Quatuor Rincontro (le 22 nov)
et le Divertimento pour Trio à cordes
K563 de Mozart par le Trio AnPaPié
(le 23 nov).
On part ensuite «sur les traces de
Marie-Madeleine» (le 6 déc). Après
une conférence de Marie Aubert
autour du tableau La Prédication de
Marie-Madeleine (à 16h au Musée du
Vieux Marseille), on flâne aux abords
du Panier avant d’écouter la diva
baroque Maria Cristina Kiehr et le
Concerto Soave (dir. Jean-Marc
Aymes). On découvre un programme
conçu par Catherine Cessac autour
d’opus de Charpentier, Monteverdi,
Agneletti et des textes de Bossuet et
Bérulle (récitant : Benjamin Lazar).
J.F.
Euterpes
Concerts à 20h30
Chapelle Sainte-Catherine
04 96 11 04 61
Espaceculture
04 91 33 08 12
Boutique Harmonia Mundi
Euterpes 04 91 90 93 75
www.crab-paca.org
Maria Cristina Kiehr et Jean-Marc Aymes © Marie Eve Brouet
Après le succès des Fastes
vénitiens de Jean Tubéry
au Sacré-Cœur, le centre
Régional d’Art Baroque
Euterpes annonce quatre
concerts sur l’esplanade
de la Tourette.
Après la soirée Meeting sonic (le 27
nov à 20h) qui voit se succéder la
performance de Fouad Bouchoucha,
les machines analogiques du duo
RBNX et les guitares de Jean-Marc
Montera, du collectif slovaque
Urbsounds (synthé-boite à rythmesampler), on attend le désormais
traditionnel Festival Nuits d’hiver
(6e édition, du 11 au 21 déc). Dix
jours de concerts, rencontres, tables
rondes, projections à Montévidéo,
l’Alcazar ou la médiathèque de
Rousset et une pléiade de musiciens
artistes/performers : Rova Saxophone Quartet, Jean-Pierre Drouet
et Vinko Globokar, Ninh le Quan &
Tony di Napoli, Dominique
Grimaud… des musiques toujours
Rova Saxophone Quartet © X-D.R
surprenantes qui cherchent à explorer
des territoires sonores nouveaux.
J.F.
Festival Nuits d’hiver
Du 11 au 21 déc
Grim
04 91 04 69 59
www.grim-marseille.com
Beethoven& Monteverdi
Décembre musical sera NÎMOIS !!!
Les fans de Beethoven retiendront
leur souffle avec l’Intégrale des
sonates pour piano par un relais
royal de pianistes sur une semaine :
Claire Desert © Vincent Garnier
Jean-Efflam Bavouzet ! Claire Désert!
Abdel Rahman El Bacha, Ho Jeong
Lee ! Andrei Korobeinikov ! JeanFrédéric Neuburger ! Emmanuel
Strosser ! Un concept initié par René
Martin qui a fait ses preuves à La
Roque d’Anthéron et aux Folles
Journées de Nantes : l’intégrale de
Beethoven au piano en 10 concerts
du 1er au 5 déc.
Les amateurs d’opéra baroque
pourront ensuite goûter à l’un des
chefs-d’œuvre du XVIIe siècle : Le
Retour d’Ulysse de Monteverdi. Une
création rare, immanquable, réactualisée, relue par William Kentridge,
jouée par des solistes rompus à ce
répertoire et le Ricercar Consort
Abdel Rahman El Bacha © Alvaro Yanez
dirigé par Philippe Pierlot (les 11 et
12 déc à 20h)…
En attendant le Chanteur de
Mexi…iii….cooo, le 27 déc
J.F.
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
42
MUSIQUE
FIESTA DES SUDS | BERRE L’ÉTANG | CHARLIE FREE
Et toi, ta Fiesta ?
Zoom sur la soirée du 24 octobre
ce brouhaha désolant. Est-ce le lieu, si peu propice
à une scène, qui est en cause ? Pas forcément
quand nous venons d’écouter la prestation précédente… Mais coincé entre les palissades sous la
passerelle ce n’est pas le rêve. Pourquoi ne pas
alors se produire à l’intérieur ? Ou derrière le
bâtiment, actuellement véritable déambulatoire
gastronomique… ? Bien des questions qui mériteraient d’être posées. La Fiesta est un lieu de
fête mais avant tout un festival musical. La qualité
d’écoute et le confort du spectateur devraient être
prises en compte… et aboutir à une remise en
question.
Quelques jours avant qu’Alain Bashung ne fasse des
prouesses sous la passerelle de l’autoroute, la
grande scène des Docks accueillait le funky hip hop
Beat Assailant. Le rappeur d’Atlanta, gonflé par le
succès de son second album Pressure, dégage une
maturité et une aisance déconcertantes. Groove
jazzy et rap perfectionné rythment un show huilé
où instrumentistes acoustiques de très bon niveau
(saxophone, trompette et trombone) échangent
avec les platines de DJ Pfel. Seule la pauvre
chanteuse à frou-frou ne trouve ni sa place ni sa
voix dans cette parfaite harmonie mélodique et
généreuse. Changement de ton avec les déjà
anciens Asian Dub Fondation pour un nouveau
melting-pot sonore, plus électro, plus punk rock
mais surtout moins propre. La sonorisation exécrable rend la partition des londoniens parasitée
et peu audible. Impossible de ressortir une ligne
de basse ou même une rythmique de tambour dans
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Beat Assailant © X-D.R.
Down under the gloomy on-ramp freeway
Faut-il remettre le couvert sur l’air de «la fiesta
c’est plus ça ?» Il est vrai que caler la scène principale sous la bretelle de l’autoroute provoque un
sentiment d’indisposition (heureusement passagère). Piliers mégalithiques dans l’axe de vision,
rétrécissements sur les bords, sensation de plafond
de plomb, ambiance gris-glauque, domination de
l’ombre de la tour Hadid… Cependant, pour les
vieux briscards du show-biz, il ne semble pas y
avoir de lézard. Et, visiblement enjoué, Herbie
Hancock en très bonne compagnie a superbement
ignoré l’obstacle. En bon professionnel et pas
seulement. Lui et ses comparses ont encore donné
de leur personne. Avec cette élégance généreuse
d’engager l’affaire dès l’entrée en scène pour, deux
heures plus tard et quelques emprunts sur le timing
d’Omara Portuando, répondre aux rappels sans
calculer le sablier, frais et funky jusqu’au bout. Le
public était là beaucoup pour la légende.
Il a découvert Grégoire Maret, un harmoniciste
transalpin stupéfiant. Ce genevois aux vibrantes
références (Cassandra Wilson mais surtout Pat
Metheny ou Steve Coleman) a progressivement imposé un souffle subtil, élégant, inspiré et puissant
aussi. Poussé par ses coreligionnaires en vagues
successives, le plus discret instrument scénique
s’est arrogé de belles portions d’espace sonore.
La prestation de Lionel Loueke à la guitare apparaissait par comparaison en retrait, le clavier
portable du chef un jouet Bontempi, le solo de
batterie de Kendrick Scott récupéré pour la forme,
la scintillante trompette de Terence Blanchard
perdant de son éclat et les formes de la contrebasse
moins généreuses pour James Genus. Finalement
le sextet nous faisait oublier les tonnes de béton
au-dessus de nos têtes, avec pour une fois n’est
pas coutume dans ces conditions d’écoute hostile,
une sono très convenable même de loin, à côté des
écrans mous. Près des piliers on s’est bien Maret.
CLAUDE LORIN
Herbie Hancock © Agnes Mellon
43
La petite fille qui voulait danser
Dans l’ancien hall récemment réaménagé du Forum, Louis Winsberg et son
nouveau format poursuivent l’exploration des métissages jazz-fusion tendus par
la force flamenca plus les arabesques du Maghreb. Jubilation communicative !
Sucré Salé
Nneka © Youri Lenquette
Mi-figue, mi-raisin, la récolte de cette année à la
Fiesta devait être l’aboutissement logique des
Cultures passées, le prolongement mûri d’un défi
à la Fête, lancé à Marseille il y a 16 éditions.
L’équipe affichait un large sourire dès de la conférence de presse, qui réunissait de façon plutôt
maladroite deux grandes dames de la musique
latine : Calypso Rose et Omara Portuondo n’ont
pas eu à pâlir de leurs prestations respectives,
comme l’ensemble de la programmation qui n’a pas
connu vraiment de fausse note. Mais fait nouveau,
la foule rentre se coucher à 0h30, dommage pour la
soirée hip-hop par exemple.
Moins de soirées, moins d’artistes… si le choix y est,
peu importe la quantité ! Si c’est l’occasion de belles
découvertes, comme Tumi ou Nneka cette année,
si on peut encore goûter les spécialités du coin (le
show de Ba Cissoko, seul met local avec les galettes des DJ du 88,8 de la grenouille), on reste sur
sa faim, et on repense avec nostalgie à la liesse des
premières années. Chacun y ajoutera sa critique sur
la convivialité, l’ordre de passage des artistes, et la
cuisson de certains plats, «réchauffés» pour CQMD
ou Baz Baz. On avait déjà coupé net son parfum
salsa, jeté au panier ses recettes communautaires,
la Fiesta de minots a fondu et les arts visuels sont
aujourd’hui mis en boîte dans des containers. Plus
étrange encore, on rajoute des éléments extérieurs
(Trust, Dragon bal sont accueillis par la Fiesta) pour
faire bonne figure.
Nomade de par son origine, la Fiesta changera de
lieu l’année prochaine, chantier du tramway oblige.
Elle ne s’en soucie guère : si la sauce ne prend pas
à chaque fois, elle reste un plat de résistance offert
à tous les marseillais, l’occasion de se faire servir
Vanessa Da mata sur le sable de Rio, Asian Dub
Foundation à Notting Hill, et Maalesh à la terrasse
d’une paillotte…
X- RAY
Ce soir-là, le public du Forum de Berre n’avait
sûrement pas conscience d’un moment de petite
exception. Lorsqu’un ensemble est en phase de
rodage suite à une résidence de création, l’auditoire
vit en direct les tentatives exploratoires et sonores
du moment, les flottements comme les pics
d’intensité. Dès les premières frappes du danseur, le
martèlement rythmique des talonnades, sonnantes
mais non trébuchantes, on comprend qu’on n’est
pas ici pour voir un bon concert seulement. Danser
d’emblée le flamenco avec un ballon entre les bottines n’est pas commun. Vous comprenez le symbole
et la passion : Marseille, Marseille…
L’idée est surprenante et quelque chose dit que c’est
encore à travailler dans le jeu des rebonds, les glissements sinueux entre les jambes, les chocs et les
sons construits par l’esprit fusion. Le ballon et le
flamenco ça peut être le pied, puisqu’il s’agit et
s’agitent de la danse et des sons, des corps tendus,
de se renvoyer la balle au propre comme au figuré,
Winsberg © X-D.R
tenter des combinaisons complices à la figure entre
les différents instrumentistes, le soutien de ponctuels «olé», l’intensité, la tension, les regards qui
cherchent en l’autre un dépassement improbable
mais désiré de la musique.
Dans cette infernale machinerie, une seule jeune
femme, Mona, se devait d’affirmer sa voie au chant
et réussissait mieux encore à certains moments,
son oud entre les bras, à exprimer les ondulations
du Maghreb. Parce que ce projet qui mêle autant
d’univers musicaux en évitant soigneusement le
formatage world, écriture et improvisation,
structuration et liberté, tradition et invention,
s’impose le défi d’une ductile bienveillance envers
toutes ses composantes.
Et tout le monde s’y est mis ! La pitchoun de trois
pommes au premier rang voulait danser aussi !
Affiché pour deux soirées, Marseille, Marseille faisait
carton plein. Idem quelques semaines plus tard
pour le concert à guichets fermés de Pura Fé. Ceci
confirme le choix avisé d’une programmation qui
se veut tant exigeante que conviviale. On attend
donc la touche finale pour le hall/salle de concert
avec un design signé Serge Puech, plasticien
intervenant du Forum. La saison s’annonce bien !
CLAUDE LORIN
Louis Winsberg a joué Marseille-Marseille
les 17 et 18 octobre au Forum des Jeunes
et de la culture de Berre www.forumdeberre.com
www.louis.winsberg.com
Trombone bulgare à Charlie Free
Il est des moments que l’on gardera dans le cœur pendant longtemps
et le concert du Horizons Quintet est un de ceux-là…
Georgi Kornazov est tromboniste, d’origine bulgare. Il dit n’exister pleinement que lorsqu’il est sur
scène, notamment avec le guitariste Manu Codjia,
son complice depuis de nombreuses années, le
savoureux saxo soprano Emile Parisien, Marc
Buronfosse à la contrebasse et le batteur canadien
Karl Jannuska.
Un 3e album récemment enregistré est présenté ce
soir-là : Viara (Espoir), «pas l’espoir dans le sens
religieux du terme mais parce qu’il faut que le jazz
existe et c’est pas évident en ce moment» nous dit
Georgi. On est accroché et étonné par cette
musique qui se renouvelle sans cesse au fil du
concert et emmène de surprises en émois. On sent
que chaque musicien est là, présent et nourri de
l’autre pour apporter sa pierre à l’édifice commun.
Les duos saxo/trombone débordant de lyrisme nous
font subtilement deviner un substrat balkanique…
mais avant tout mettent en évidence le talent de
musiciens impliqués très physiquement dans leur
art. La construction de ce jazz réussit à tenir en
haleine tout au long de pièces telles que Véronique,
Oblatsie (Nuages) ou Sianie (Rayonnement) joué
sur un thème enfantin, fouillis évoluant en salsa
avec des effets de guitare très cristallins... Une
démesure d’ingéniosité. Et un CD indispensable !
DAN WARZY
Ce concert a eu lieu au Moulin à Jazz
à Vitrolles le 25 oct
Georgi Kornazov’s Horizons Quintet
Rèf : BMC CD 145 - Viara
44
MUSIQUE
CONCERTS
Familles méditerranéennes
Dans le magnifique auditorium du Parc Chanot, la grand
messe d’Averroès a communié l’identité méditerranéenne
en musique : en trio, puis en duo, les musiciens ont
prolongé, à leur façon, la perspective d’un rapprochement
des peuples…
Les Rencontres d’Averroès accompagnent traditionnellement leurs débats
par une démarche culturelle : des lectures, des projections vidéo et, entre les
Tables rondes (voir pages 70 et 71), un
grand concert méditerranéen. Inviter
chez elle la famille Chémirani était
logique, comme pour lever un voile sur
l’inspiration traditionnelle orientale et
«vivre une Genèse à l’heure iranienne».
En l’absence du père, la voix solennelle
de la sœur équilibre les échos puissants
du zarb tenus par ses deux frères : bien
que pluri-instrumentistes, c’est en touchant la peau de cette percussion qu’ils
semblent s’approcher d’une mystique ;
on y entend presque un souffle ou une
corde. Haroun Teboul, en complice,
interviendra spontanément, pour relire
un premier livre chargé d’Histoire.
Dans l’autre famille, celle des Luths,
DuOud complète la trinité acoustique
par l’apport de l’ordinateur. Sonnant
l’heure de l’Apocalypse -ce qui a fait
peur à quelques brebis égarées-, ils ont
envoyé «le Oud dans le monde des dinosaures», et s’en servent comme de
Kalachnikovs pour visiter Zanzibar sur
des rythmes Jungle, et honorer la mémoire de Gengis Kahn en hard rock. Une
vision plus sombre, futuriste et
moderne certes, mais magnifiée par le
son de l’instrument légendaire.
Trio Chemirani © X-D.R.
X-RAY
Yapataga
Métal gagnant
Grand messe sonore réussie sur la scène de l’Espace Julien
le 28 oct avec la présence du groupe américain Suicidal
Tendencies
Si en sortant de ce concert on vous dit
que les membres du groupe mythique
californien arpentent les salles depuis
26 ans, vous aurez du mal à y croire
tant la formation Suicidal Tendencies
n’a pas pris une ride. Skate core ou skate
punk certes, mais on trouve surtout une
bonne dose de métal dans les veines du
quintette explosif !
Produite par le Moulin, l’affiche a drainé
une foule d’adeptes du prosélytisme
vestimentaire : bandana sombre sur le
crâne à l’image du chanteur Mike Muir
sans oublier le bouc bien taillé de tous
ces barbus. Succès unanime de la fosse
au fond de salle, nos américains font
des merveilles. Présence scénique volcanique et sonorisation très propre, une
fougue contagieuse habite la scène.
Les titres s’enchaînent et mettent en
lumière les qualités instrumentales des
musiciens, ce qui n’est pas toujours le
cas dans ce type de musique. Le batteur, nouveau venu dans ce monde
tendancieux, se fera particulièrement
remarquer, grâce à ses prouesses techni-
ques et son art de varier et rendre
attractif l’accompagnement rythmique,
trop souvent dévolu à l’uniformité. Et;
bien qu’il ne soit plus novice en la
matière, l’entrain et la proximité des
Suicidal avec le public fait plaisir à voir!
Elle donne un côté convivial à un concert professionnel de grande qualité:
certains groupes devraient s’en inspirer
(du professionnalisme et/ou de la
convivialité !).
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Suicidal Tendencies © X-D.R.
Le quatuor musical Volcano the bear a
donné à Montévidéo un concert en
formation réduite (deux musiciens…)
des plus déroutants. On nous avait
prédit de la déconstruction, des mélodies envoûtantes sur des bases folk, de
l’improvisation. On assiste, un peu
perplexes, à des jetés de chaînes sur
une batterie, à des lancers de cymbales
dans de la dînette en métal, et on
craque quand, après quinze minutes
passées à répéter «yapataga», le
batteur martèle à en percer l’ouïe de
tous ses auditeurs le même rythme
insupportable pendant dix bonnes
minutes. Comme ces petites gammes
pentatoniques, ces chromatismes qui,
plus qu’obsédants, s’avèrent carrément
assommants. On ne sait que dire quand,
après avoir servi à un spectateur un
verre de vin, le batteur tape sur la
bouteille avec ses baguettes avant de
les jeter à l’autre bout de la scène en
espérant toucher sa caisse claire, et que
son acolyte vient le rejoindre pour jouer
des percussions avec les verres en
métal. Improviser revient donc, comme
l’annonçait le programme, à délivrer
«leurs imaginations, leurs délires»…
On sent parfois pointer, d’un solo de
clarinette ou de quelques rythmes aux
percussions, une once de musicalité,
parfois même des instincts mélodiques… Mais ces rares moments se
voient régulièrement balayés par des
cris, des sons crachés dans une trom-
Volcano the bear © X-D.R.
pette à travers un tuyau d’arrosage, un
motif sur une bande son répété à
l’infini.
Que dire, sinon que Cage savait, il y a
de cela quarante ans, pratiquer la
déconstruction avec cent fois plus de
technique, d’idées mais surtout de
transgression ? Car rien de ce que nous
a servi Volcano the bear n’avait le
mérite minimal d’explorer un terrain
nouveau…
SUSAN BEL
À venir au Grim
Le 27 nov. : Soirée Meeting Sonic (20h),
performance de Fouad Bouchoucha,
Duo RBNX/Jean-Marc Montera (21h),
collectif slovaque Urbsounds (22h).
Du 11 au 21 déc. : Festival Nuit d’hiver
#6 avec le Rova Saxophone Quartet,
Jean-Pierre Drouet & Vinko Globokar,
Ninh le Quan & Tony di Napoli,
Dominique Grimaud, Nicolas Dick…
GRIM
04 91 04 69 59
www.grim-marseille.com
45
Transes du bad boy de Bristol
C’est dans une atmosphère envoûtante que Tricky, figure majeure de la scène trip hop anglaise,
a emporté le public marseillais le 9 nov à L’Espace Julien
La sortie de Knowle West Boy en juillet 2008 a fait
événement. Album hommage au quartier d’enfance
du musicien, il est aussi une célébration de toutes
Tricky © P. Gondard.
les influences musicales qui l’ont nourri depuis
Maxinquaye en 1995. Hip hop, dub, punk, reggae,
blues ou rock saturé de guitare, les étiquettes
convoquées sont nombreuses pour décrire les
compositions.
Sur place, nous sommes embarqués dans l’univers
sensuel et hypnotique du Tricky Kid de Knowle
West. Sa présence est diffuse. Sur scène, la
formation est classique : basse, guitare, clavier,
batterie. La soirée débute par des titres du nouvel
album parmi lesquels Puppy Toy, le très beau
Joseph et la chanson cadencée Veronika,
magnifiquement interprétée par la nouvelle
chanteuse qui accompagne l’artiste. Puis cela
s’élargit à des titres de Maxinquaye, de Nearly god
et de Pre-millenium Tension. L’association du côté
mouvant et habité du maître de cérémonie avec la
présence éthérée de la jeune chanteuse est
émouvante. Celui-là se mue en chef d’orchestre
d’une sorte de rituel. Après une première partie
efficace mais courte, nous entrons dans un
deuxième set détonnant. On connaissait la
réputation d’instabilité du lascar sur scène. Ce soir,
les vibrations sont bonnes. Les morceaux
s’allongent, s’improvisent et se terminent sur un
geste symbolique invitant une partie de la salle sur
scène. La relation au public est transformée : on
ne vient pas consommer du beat mais vivre tous
ensemble un trip !
DELF
Celui qui fait parler les peaux
Billy Cobham est très certainement un des
batteurs de jazz les plus talentueux de notre
époque. Michel Antonelli, acteur incontournable
de la scène jazz marseillaise, a œuvré pour mettre
en place cette master class, à mi-chemin entre
concert et leçon. Un très grand nombre de batteurs
étaient là pour admirer leur dieu. Billy Cobham, un
bandeau jaune autour de la tête s’installe devant
son Drum set et entreprend de partager ses
pensées du bout de ses baguettes avec ses
auditeurs subjugués.
Il s’adresse ensuite au public : «Je suis devant un
miroir qui réfléchit toutes mes pensées et ma
sensibilité». Jouer de la batterie est pour lui comme
une conversation avec des amis. Il nous dit qui il
est. Tout est spontané, rien n’est construit
d’avance.
Des questions plus techniques sont abordées,
comme le développement des capacités d’un
batteur pour être ambidextre, l’endurance, la façon
pour les musiciens de jouer ensemble et de se
respecter mutuellement. L’objectif doit être de se
focaliser sur ce qu’on ne sait pas bien faire ! Une
invitation au travail.
Séance de dédicaces pour la fin. Chacun aura eu
l’occasion d’approcher Billy Cobham en toute
simplicité. Ainsi Théo, un ado de 15 ans, se fait
photographier aux côtés d’une idole. Il a déjà 10
ans de pratique et une volonté à toute épreuve.
Dès l’âge de deux ans et demi il tapait sur des
casseroles et demandait que le père Noël lui
apporte... une batterie !
DAN WARZY
Theo et Billy Cobham © D.W
Cette soirée, co-organisée par le Cri du Port, l’école
de musique Yamaha et la Baguetterie Marseillaise,
a eu lieu à la Cité de la Musique le 5 nov
Briser les murs
Afrique, mon Afrique… Débute un spectacle au
cours duquel les musiques venues de tous les
horizons, soul, groove, blues, jazz, rap, hip hop,
slam, world, folk se rejoignent et tissent un
spectacle varié, qui a visiblement séduit un public
qui comprenait de nombreux jeunes qui ont
participé à des stages animés par le chanteurdanseur et poète marseillais. Les éclairages
somptueux servent de cadre éloquent à ce «pur
message», quelques bribes poétiques émergent,
«ma plume écrit des vers au bout des larmes»…
Les musiciens sont tous excellents : la basse
efficace de Franck Galin, la batterie énergique de
Ulrich Edorh, la guitare et le oud perlé de
Christophe Isselée, le saxo fluide de Fred Buram,
l’étonnante vielle de Pierre-Laurent Bertolino,
l’époustouflante flûte de Miqueù Montanaro et
son accordéon. Aux percussions et chœur, il y avait
une magnifique chanteuse africaine, Sibounguilé
Mbamba, dont le timbre de voix, la qualité de
chant, (quelques tierces aériennes…) laissent le
Ahamada Smis © Patrick Fabre
regret de ne pas l’avoir entendue davantage.
Ahamada Smis a ménagé aussi, dans ce spectacle
éclectique, l’art de la rencontre. Il s’est livré à un
duo complice avec son ami Boss one du groupe de
Hip hop marseillais 3e œil. Mais sa prestation avec
le grand prêtre des lieux, Richard Martin, a
constitué le moment sans doute le plus fort du
spectacle. Pieds nus et chaussures rouges unies sur
la même scène par une poésie incantatoire,
inspirée à l’évidence des Pink Floyd… «On vient
briser les murs… Art, étendard de notre révolte !».
Des Comores à l’Occident semblaient ainsi rouler les
mots dans un élan fraternel.
MARYVONNE COLOMBANI
Ahamada Smis s’est produit au Toursky le 14 nov
46
MUSIQUE
CONCERTS | AGENDA
Migrations
sonores
Ça occupe !
Fin d’année chargée et éclectique à l’Espace Julien
avec l’afro-beat de Femi Kuti et un 5e album à la
clé (22/11). Dans un registre plus world-music,
Soha (28/11) est à découvrir !
Place au skacore avec Voodoo Glow Skulls
(25/11), au pop rock avec Fiction Plane (3/12), au
rock avec Ten years After (5/12) et Aston Villa
(12/12), et au métal de Dagoba (19/12).
La chanson n’est pas délaissée avec Yves Jamait
(27/11) et Anis (4/12). Un peu de douceur Rn’b
pour Marc Antoine (11/12) et d’électro jazz pour
Julien Lourau (6/12). Ouf !
La Ruche fait son trou dans le
paysage marseillais des nouvelles
musiques traditionnelles. Les Ya’zmen
vous feront partager un afro bled
music riche en sonorités et en
promesse (22/11). La création Red
Rails de Baltazar Montanaro Nagy
ne manquera certainement pas de
couleurs et d’inventivité : mélange
subtil de musiques improvisés,
traditionnelles et savantes (13/12).
FRÉDÉRIC ISOLETTA
F.I.
Julien Lourau © X-D.R
www.lemurduson.org
www.espace-julien.com
Le son de Cavaillon
Sweet home !
Arthur H © Laurent Seroussi
David Walters © Jeremie Pitot
Cavaillon s’active en cette fin d’année. Une belle
programmation vous attend au Grenier à Sons,
mais également au théâtre de la ville et au
théâtre des Doms situé chez les voisins
avignonnais pour le festival Novembre en
Chansons. La 4e édition de ce festival
incontournable de l’automne illustre à merveille la
chanson française. Après Kwal, Rimbaud,
Sourigues, il faudra compter sur Ben Ricour et
Alexandre Kinn (21/11) et l’intemporel Arthur H,
à ne rater sous aucun prétexte (28/11). Hors
festival, le folk blues d’Eric Bibb et le coup de cœur
Mélissa Laveaux (5/12) animeront décembre que
ponctuera le flamenco de Juan Carmona (12/12).
La fanfare de Ceux qui marchent debout clôturera
tout ça en rythme et en cuivre (19/12).
La Meson vous invite à la seconde
partie du cabaret klezmer yiddish de
Stéphane Galeski (21/11) avant
d’offrir une carte blanche au délicieux
Bijan Chemirani (28 et 29/11).
Musique de transe avec Lo Griyo
(30/11)et son haïtien pour Dyaoule
Pemba (5/12) avant d’accueillir
l’artiste sud-africaine Sibongile
Mbambo (6/12), la folk soul du duo
David Walters/Gérald Toto (7/12) et
la tablao flamenco de La Rubia
(13/12).
F.I.
www.grenier-a-sons.org
www.theatredecavaillon.com
www.lesdoms.be
F.I.
www.lameson.com
Moriarty © Lea Crespi
Ça chauffe !
L’Usine, le café concert d’Istres nous promet une
fin d’année époustouflante : Tryo (21/11), le duo
épicé The Dø (22/11), le bon rock trempé du
bassiste des Libertines Razorlight (4/12), le punk
détraqué des déjantés Swinkels aux textes châtiés
(5/12), le melting-pot Moriarty (17/12), les
fameux Blérots de Ravel et le nouveau venu
Patrice (19/12).
F.I.
04 42 56 02 21
www.scenesetcines.fr
Chez Plume
Le Nomad’Café fête la sortie de
l’album de Plume à l’occasion d’un
concert de l’artiste le 28 nov à
20h30. Pop jazz engagé et
découverte de la loopstation venez
découvrir la chanson irréaliste de la
petite Plume en regard des
installations projections de l’artiste
Jean-Patrick Pelletier.
F.I.
www.lenomad.com
47
Ça s’fête !
L’association Techné et le Grim présentent le 27 nov à 20h à Montévidéo
Meeting Sonic. Installation sonore,
réflexion, performance… Ne ratez
pas Fouad Bouchoucha et JeanMarc Montéra, en duo avec RBNX du
Collectif Urbsounds pour un aller
retour entre l’impasse Montévidéo et
Bratislava.
Le Cargo de nuit, scène arlésienne
reconnue et réputée, fête noël avant
l’heure. Le puissant rock français de
Mokaiesh (28/11), l’électro pop rock
anglais des Chikinki (5/12),
l’onirisme de Spleen (12/12) et le
rock délirant de Raoul Petite
(19/12) nous promettent de belles
soirées du côté de la Camargue.
hybridsound - Fouad Bouchoucha © X-D.R
Bratislava / Marseille
Spleen © X-D.R
F.I.
F.I.
www.cargodenuit.com
www.grim-marseille.com
Au Programme
MARSEILLE
Balthazar : Pat the white (28/11),
Really addictive sound, Dissonant
nation (29/11), Festival hip hop
culture : hip hop lives, c quoi ton
flow (4/12), Lou seriol,
original’occitania (5/12), RPZ, Popo
chanel, Daf (6/12), Tcheaz & Wine :
La Goutte, DJs A, Freeze & Facteur
(13/12), Punjab (18/12), Boogie
Balagan (19/12), Ragga Balèti de
Noël (20/12)
04 91 42 59 57
www.aubalthazar.com
games (28 et 29/11), Tambor y
Canto (29/11)
04 91 42 99 79
www.elachedecuba.com
Embobineuse : Pak, Stig Noise
Sound System (25/10), Spectre,
Sensational & Kouhei Matsunaga
(28/10)
04 91 50 66 09
www.lembobineuse.biz
Espace culturel Busserine :
concert Kreol Babo B’Jalah (12/12)
04 91 58 09 27
Cabaret Aléatoire : Hermann Dune
(20/11), Roots Manuva (23/11), La
Chanson du dimanche (29/11),
Puppetmastaz (2/12), The Black
Angels (4/12), Jack de Marseille
(20/12)
04 95 04 95 09
www.cabaret-aleatoire.com
Cité de la Musique : Moussu T e Lei
Jovents rencontrent Arlee Léonard
(jusqu’au 21/11), Autour du trio et
du quatuor (21/11), 4e édition de
Tambor y canto (27 au 30/11),
Foliephonies (8/12), Hommage à
Arthur Pétronio : ensemble
musiques présentes, dirigé par D.
Dahl avec J.-L. Beaumadier (flûte)
et J.-C. Maurice (baryton) (12/12)
04 91 39 29 19
www.citemusique-marseille.com
El ache de Cuba : Le bœuf par le
collectif Maudit Comptoir (21/11),
Soirée Body and Soul (22/11), Jam
session (27/11), Musical bar and
Espace Julien : Fat Freddys drop
after Selecta Izmo & Mars Blackmon
(21/11), Monster Magnet (26/11),
Asa (10/12), Dagoba et invités
(19/12)
04 91 24 34 10
www.espace-julien.com
L’Affranchi : Zaho (21/11),
Tunisiano (25/11), Neg’Marrons
(28/11), Spleen (13/12)
04 91 35 09 19
www.l-affranchi.com
La Machine à Coudre : Elektrolux
(22/11), Uncommonmenfrommars,
Ravi, Gravity Slave, OnOff, Second
Shot (28/11), Kabu Ki BuddAH
(12/12), The Great Smuc Zarma
Orchestra, Devil Crockett, Demons
(20/12)
04 91 55 62 65
www.lamachineacoudre.com
Leda Atomica Musique : Les
Inovendables : Loic Kessous,
Libertalia (21/11), Jacques Dudon,
Naomi Jean O’Sullivan (22/11), Alex
Grillo, Daniel Biga (28/11), Pierre
Gordeeff (28 et 19/11), Phil
Spectrum et Sauvages Organismes
Sonores (29/11), Pascal Ferrari,
Robert Rossignol (5/12), Jérôme
Désignaud, Henri et Idriss Agnel
(6/12) ; Kabar Labolition (20/12)
04 96 12 09 80
http://ledatomica.mus.free.fr
Paradox : Cabaret Le bar de la
femme sans tête (28/11)
04 91 63 14 65
Le Lounge : Plastic Bag (21/11),
Choking smokers (22/11)
www.myspace.com/lelounge13
Station Alexandre : Orchestre de
chambre slovaque Cappella
istropolitana (29 et 30/11)
04 91 42 05 87
www.station-alexandre.org
AIX
Le Korigan : Kehlvin, Celeste
(21/11), Babylon Pression (22/11),
Dawta Jena & Urban Lions (29/11),
Entombed, Brutal Rebirth, 666
Seconds of Chaos (10/12), Mad Sin,
Citizen Go!!!, Dead Valdez (12/12)
04 42 54 23 37
Luynes
AUBAGNE
L’Escale : Kaly Live Dub, Dubmood
versus Dj Facteur (29/11)
06 29 75 09 71
www.mjcaubagne.fr
AVIGNON
Théâtre des Doms : A nex
cartography avec le Wang Wei
Quartet et Yiphun Chiem (11/12)
04 90 14 07 99
www.lesdoms.be
Ajmi : Jérémie Ternoy Trio (21/11),
Wajdi Cherif (30/11), René Bottlang
(7/12), Ben Aranov trio (12/12)
04 90 860 861
www.jazzalajmi.com
VITROLLES
Moulin à Jazz / Charlie free :
Julien Laliier Quartet (29/11), 10e
Nuit des Scènes du jazz : Christian
Brazier Quartet (13/12)
04 42 79 63 60
www.charliefree.com
SALON
Portail coucou : Blaspheme
(29/11), No Perfect, President King
Kong, Clan D (6/12), Les soldats du
funk (13/12), Boogie Balagan
(20/12)
04 90 56 27 99
http://portail.coocoo.free.fr
SIMIANE
Office de la culture : Quintette
Tanghost (22/11), Noosphere
(13/12)
04 42 22 62 34
www.mairie-simiane-collongue.fr
48
ARTS VISUELS
[MAC] | REGARDS DE PROVENCE
Des îles d’art
Au [mac], la promotion 2008 art et
design de l’École supérieure des
Beaux-Arts de Marseille confirme la
vitalité de l’enseignement transdisciplinaire de cette institution originale
Archipélique ? Le titre de l’exposition est emprunté
à un néologisme selon l’injonction de l’écrivain
Edouard Glissant : «Contre la prison des systèmes
et des identités, sois fragile, ambigu, incertain, intuitif : archipélique». Chacun de ces jeunes artistes
apparaîtrait donc comme un des îlots composant un
archipel esthétique informel. Pourtant, rien ne trahit
une quelconque des faiblesses énumérées ci-dessus,
même si l’on repère des propositions prépondérantes. Pour vous en convaincre, poursuivez la visite
avec les collections du musée : le [mac] expose son
fonds abondant par roulement, et les jeunes artistes
ne pâlissent pas d’y être confrontés !
Bon nombre de médiums sont présents -peinture,
photographie, sculpture, dessin, assemblage- mais
le principe de l’installation revient souvent, appliqué
avec ambivalence par exemple à des tableaux sur
toile et aussi au design. Dans ce cas particulier,
deux projets interactifs s’offrent comme mise en
espace (poétisée contre la volonté des auteurs ?)
plutôt qu’en tant qu’objets. Dommage que le
matériel informatique soit défaillant : aurait-on si
peu de moyens qui réduisent dès le premier jour la
pertinence du propos ? On partage l’amertume de
Luc Jeand’heur, responsable du site informatique
de l’école, qui accompagne notre visite ce jour-là.
Bertrand, sans titre 2, 2008, huile sur toile, 250 x 2000cm. © C. Lorin
S’exposer est déjà se donner comme fragile aux
regards des autres, évitons de casser le boulot des
jeunes (artistes) émergents !
P.S. : cette promo 2008 est au nombre de 36 ; pour
éviter partialité et subjectivité rapide, j’ai dû n’en
citer aucun. Mais vous les aurez tous sur le site de
l’école !
CLAUDE LORIN
Catalogue en cours d’impression
Archipélique
jusqu’au 11 janvier
[mac] musée d’art contemporain
04 91 25 01 07
www.esbam.fr
À la lumière de Jean-Baptiste Olive
Une exposition et un catalogue raisonné remettent au goût du jour
l’œuvre de l’une des figures de l’École provençale,
Jean-Baptiste Olive, moins connu que ses pairs
Après l’œuvre de Pierre Ambrogiani, tout en
générosité et en exubérance, la Fondation Regards
de Provence focalise son attention sur un autre
maître de l’École provençale, Jean-Baptiste Olive
(Marseille1848-Paris 1936). Curieusement, celui qui
toute sa vie plaça sa ville natale au cœur de son
œuvre la quitta très tôt pour s’installer à la capitale,
avide de reconnaissance. Si le Vieux Port, le port de
la Joliette, les calanques alentour, l’étang de Berre,
le littoral de Martigues à Monaco furent l’épicentre
de ses toiles, c’est dans son atelier parisien qu’il les
réalisa de mémoire. Peut-être est-ce cette distanciation d’avec son sujet qui rend sa peinture moins
sensuelle, comme légèrement «bridée», exceptées
ses natures mortes, plus palpitantes de vie que ses
marines ?
Peintre minutieux, méthodique et donc rarement
spontané, homme discret et solitaire, Jean-Baptiste
Olive déclina des années durant les mêmes thèmes
sans autre préoccupation que de «chercher ses ra-
cines dans l’exaltation de son territoire provençal».
Mais une exaltation neutre, exempte de discours
social ou humain : jamais l’artiste ne représenta la
vie grouillante du Vieux-Port par exemple, ou se
laissa gagner par l’exercice du portrait. De même
qu’il ne fut guère influencé par les époques et les
écoles, «restant dans la transparence de tous les
courants» comme le souligne Franck Baille,
coauteur avec Magali Raynaud du catalogue
raisonné de son œuvre (voir Zib 12). À peine
quelques digressions vers l’impressionnisme, mais
de manière marginale, et le voici très vite revenu à
une facture et à un cadrage classiques.
Comment expliquer alors l’engouement des galeristes et des collectionneurs qui, de son vivant, lui
permirent de vivre de son art ? Certainement en
raison de sa maîtrise technique, de son sens de la
composition équilibrée, des effets de transparence
et de lumière dans les paysages, la luxuriance de
ses natures mortes héritée d’Antoine Vollon et de
J.-B. Olive - Deux grenades -eclatees, verre
Chardin. L’héritage, le mot est lâché : Jean-Baptiste
Olive est simplement le digne héritier des peintres
bourgeois marseillais et lyonnais qui trouvèrent
grâce aux yeux des familles de marchands et de
soyeux.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Jean-Baptiste Olive
jusqu’au 25 janvier
Palais des arts, 1 place Carli (1er)
04 91 42 51 50
www.regards-de-provence.org
ENTRETIEN AVEC GUY LIMONE | VOL DE NUITS
ARTS VISUELS
49
Bonne limonade
Désormais stabilisé dans ses murs,
Le Château de Servières a invité
Guy Limone pour la présentation de
vidéos principalement, certaines
montrées pour la première fois
était important pour eux. L’œuvre choisie était projetée sur leur visage, le tout filmé en gros plan fixe.
L’ensemble était monté ensuite par un technicien, car
je veux intervenir le moins possible pour laisser la
place à ceux sans qui l’œuvre n’existerait pas. Je propose le projet, le mets en place avec les personnes
volontaires mais toute la partie technique est donnée
à faire.
Vous n’êtes donc pas un vidéaste ! Et ce genre de
travail sociologique échappe par nature au statut
habituel de l’œuvre d’art, au marché…
C’est bien pour cela que ces pièces, comme celle
réalisée au lycée Français de Rabat qu’on voit ici,
étant collectives, doivent être présentées dans des
lieux publics avant tout. Ce ne sont pas des pièces de
galerie pour une collection privée. Elles doivent être
rendues à la communauté.
Revenir à Marseille, est-ce une manière d’inter-roger
votre pratique qui a débuté dans cette ville ?
En quelque sorte. Cela fait quelques années que
j’ai entamé ce travail (les personnages collés sur
les fluos, les pièces statistiques…) et je m’interroge
sur la suite : mon statut d’artiste, représenté par une
galerie internationale (Dominique Perrotin, ndlr), la
nature de mon travail, la conception en atelier et à
l’extérieur, certaines pièces ne sont pas faciles à
exposer comme les disques qui posent problème aux
collectionneurs… Ne parlons pas des œuvres qui utilisent des techniques fragiles, qui tombent facilement
en panne ! Je ne sais pas si je continue avec la vidéo
de cette façon. Mais contrairement au travail en atelier,
j’ai besoin de retrouver l’énergie, la confrontation, la
relation avec les gens. C’est pour cela aussi que l’expo
s’appelle Entre nous.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CLAUDE LORIN
Entre nous
Guy Limone
jusqu’au 20 décembre
Ateliers d’Artistes de la ville de Marseille
04 91 85 42 78
www.chateaudeservières.org
Zouak france 2008 guy limone
Depuis son départ du Château de Servières, l’association éponyme cherchait un nouvel ancrage dans
Marseille. C’est heureusement chose faite grâce à la
convention signée avec la ville. La (trop) petite équipe
(mais très motivée) emmenée par Muriel Robin prend
désormais en charge les Ateliers d’artistes du boulevard Boisson.
Pour son exposition de rentrée sous cette nouvelle
responsabilité, le Château a invité un vétéran marseillais, installé désormais dans la première ville de
France.
Zibeline : Les Ateliers vous sont entièrement consacrés. Est-ce une rétrospective ?
Guy Limone : Non, j’ai voulu montrer des pièces qu’on
a peu ou pas vues jusqu’à maintenant. Essentiellement des vidéos.
Vous êtes connu pour vos travaux sur les couleurs (le
jaune équivalent à votre patronyme) ou à partir de
statistiques. Retrouve-t-on les mêmes problématiques ici ?
Non. Je présente une seule pièce conçue dans le principe des petits bonshommes enfilés verticalement,
qui joue sur les productions mondiales du charbon,
c’est la pièce générique de l’expo. Mais pour les vidéos,
c’est différent parce qu’elles sont conçues avec la
participation de plusieurs personnes, des collégiens
et des lycéens le plus souvent, des adultes, de différentes origines aussi.
Quelle est votre démarche à ce sujet ?
Pour J’ai une installation dans la tête, dans le cadre
du Frac Paca, j’avais fait des mini résidences en travaillant avec des classes d’arts plastiques au Lycée
Marseilleveyre et au collège Fernand Léger (c’était
prémonitoire !) à Berre. J’ai proposé aux élèves de
choisir une œuvre dans le catalogue du Frac ou dans
le patrimoine commun et de dire à leur façon ce qui
Espaces en soi
Vol de Nuits s’affirme comme «lieu d’échanges et de
rencontres autour de l’image photographique, développe des actions à vocation culturelle et sociale, en
articulant conjointement sa galerie et ses ateliers».
Le projet confrontation[s], initié par Mireille Batby,
propose à quatre duos d’artistes d’associer leurs pratiques spécifiques pour explorer les possibles entre
espace public et la part privée contenue en chacun de
nous.
Ainsi, un photographe est associé à un danseur, une
chorégraphe, une plasticienne-performeur ou un
auteur. Chaque duo élabore un projet et développe ses
propres problématiques en regard d’un lieu particulier : Bertrand Saugier et Elsa Gaudefroy explorent
des conduits urbains, Aurore Valade avec Aline
Maclet sont en résidence à l’hôtel Le Corbusier,
Emmanuelle Germain et Manon Avram séjournent
en hôpital avec le 3bisF, Loeiza Jacq et Astrid Lefèvre
ont déjà arpenté la gare Saint Charles à la rencontre
de ses usagers. Le suivi du projet est conforté de trois
autres artistes Claire Béguier (affiches, flyers), le
groupe MOI (journal papier) et Driss Aroussi (blog).
La restitution des toutes ces expériences aura lieu en
mai 2009, avec la présentation des travaux et recherches menés lors des ateliers amateurs de l’association
et des workshops d’artistes.
Etant donné la multiplicité des propositions et de
l’évolution des projets, il est recommandé de se
rendre régulièrement sur le site web de Vol de
Nuits !
C.L.
Claire Begier, serie de photos de chiottes, 2008
confrontation[s]
jusqu’au 30 avril 2009
Vol de Nuits
04 91 47 94 58
www.voldenuits.com
Claire Begier, serie de photos de chiottes, 2008
50
ARTS VISUELS
ARTOTHÈQUE | HÔPITAL CAROLINE
Art irrationnel
Connu pour ses mises en scènes
de poupées Barbie, Olivier Rebufa
expose au Frioul un ensemble
de pièces interrogeant sa relation
fondamentale au sacré.
Chacun est bienvenu
Signe des temps ou réalisation de la prophétie de
Malraux ? L’aspiration en début de ce siècle à un
regain de spiritualité s’incarne particulièrement
dans le monde de l’art. La tendance chamanique
s’expose à New York (NeoHooDoo...), à Paris
(Pollock et le Chamanisme) et… à Marseille avec,
dans le cadre des Rencontres du Sacré,
l’exposition résidence d’Olivier Rebuffa, KawatKamul, qui signifie faire une offrande à un Dieu.
Loin des vibrations urbaines, Olivier Rebufa
s’installe en résidence à l’hôpital Caroline sur l’île
du Frioul et expose une partie de ses recherches
sur les relations entre l’art, la photographie son
médium d’élection, et le sacré. Il accueillera le
visiteur pour y partager leurs expériences et
réflexions.
Initié aux rites animistes en Guinée Bissau, il
travaille actuellement à ce rapprochement de
l’image photographique, technologie moderne et
occidentale, avec une possible charge spirituelle
dont elle pourrait être porteuse. Parlant des
images faites notamment en Afrique noire où il
est né : «La plupart des artistes qui reviennent de
là-bas ramènent des documents. J’essaie de
mettre mes photos au service du rituel, savoir
quel pouvoir elles pourraient contenir».
Comment donc une œuvre d’art peut être investie
de cette potentialité magique évoquée par
François Bazzoli lors du débat organisé en
ouverture des Rencontres à l’Espace Culture ? La
photographie -et partant, les autres arts- peut-
elle produire des images actives, et non pas
seulement narratives et de réjouissance esthétique ? En ce sens, il s’agit de s’intéresser à «ce
que l’objet fait plutôt que ce qu’il dit» remarque
l’anthropologue Anne-Christine Taylor. À l’ère
de la reproductibilité industrialisée, Walter
Benjamin rappelait la présence de l’aura intrinsèque à l’œuvre d’art, plus tard Joseph Beuys et
Ligia Clark avaient particulièrement insisté sur
cette part de l’art, sur ses pouvoirs de guérison.
Le manque de sens, de spiritualité insistent
certains, serait-il le mal de ce siècle ?
CLAUDE LORIN
Avatars du dieu Mam, 2007. Techinque infographie 3D, tirages impression encres pigmantées avec gris gris de protection au dos du cadre, 120x120 cm
Du 20 au 29 nov, à l’Espace Culture a lieu un cycle
de conférences organisé par l’association Zingha
autour du thème du sacré dans le cadre des
Rencontres du sacré à Caroline, pour se clore sur
un Retour de Caroline, La part du mythe dans
l’histoire de l’homme, du 17 déc au 5 janv.
Avatars du dieu Mam, 2007. Techinque infographie 3D, tirages impression encres pigmantées avec gris gris de protection au dos du cadre, 120x120 cm
Kawat-Kamul
Olivier Rebufa
Hopital Caroline, île du Frioul
jusqu’au 29 nov
association Zingha
04 91 08 14 33
Espace Culture
04 96 11 04 60
www.espaceculture.net
Rencontres fictives
Pendant que Van Gogh et Monticelli trônent à la Vieille Charité, l’artothèque accroche en deux volets les œuvres
de nos contemporains inspirés eux aussi par les maîtres. Avec la part belle donnée à Jean-Jacques Surian en
première partie
Pour ce premier rendez-vous -le
second aura lieu en début 2009sont invités Olivier Bernex, Maurice
Fanciello, Gabriel Delprat et JeanJacques Surian. Ce dialogue
singulier montre comment ces
artistes contemporains se sont emparés de l’œuvre et des éléments
biographiques de leurs pairs pour
fabriquer des mises en scènes travaillées par leurs esthétiques très
personnelles.
Par exemple, Le Voyage à Marseille,
ensemble de dix-sept pièces réa-
lisées entre 1999-2000 qui fait suite
à la série Le Retour de Van Gogh
conçue par Jean-Jacques Surian en
1975-1976, révèle en fictions parfois
amusées, dans le style si caractéristique de l’auteur, les (im)possibles
retrouvailles de Van Gogh avec
Monticelli. L’artiste confectionne
des mythologies improbables pour
l’exégète de l’histoire de l’art, mais
à haute teneur symbolique parfois :
tel ce portrait de Van Gogh en
marionnette jaune (les variations
chromatiques du Hollandais res-
treintes à un aplat uniforme)
articulée et rattachée (prisonnière?)
à un châssis sans toile (fenêtre ?),
maigre pantin réduit à un mouvement mécanique étriqué ; ou encore
Vincent et Monticelli à Marseille
chez les putes rue Bouterie. Le
voyage comme la rencontre ont bien
eu lieu. Version iconoclaste !
Jean-Jacques Surian, O. Bernex,
M. Fanciello, G.Delprat
jusqu’au 19 déc
CLAUDE LORIN
La collection de la première
artothèque créée en France dans
un établissement scolaire, possède
plus 365 œuvres dont quelques
séries remarquables
Van Gogh, Monticelli
et autres rencontres
Artothèque Antonin Artaud
04 91 06 38 05
http://www.lyc-artaud.ac-aixmarseille.fr/artotheque
3BIS F | VŒUX D’ARTISTES
ARTS VISUELS
51
Journées particulières
Les arts, la création, le partage,
donc la culture en actes dans un
service de psychiatrie, rappellent
combien un hôpital ne peut être ni
un lieu ni une pensée clos. Le projet
Mémento d’Aurélie Pétrel ravive
cette impérieuse nécessité au cœur
du 3bisf
Aurélie Pétrel est une jeune photographe (elle est
née en 1980) dont le travail traduit déjà une solide
expérience et une maturité surprenantes. En
témoignent la pertinence de sa démarche et les
échanges fructueux avec les participants de l’atelier qu’elle a commencé début octobre et qui se
clôturera fin novembre avec l’installation Mémento,
comprenant photographies, rétro projections et
vidéo.
Au lieu de travailler sur une thématique, elle a
proposé tout de go de «décortiquer le processus
créatif». Chacun était incité à rendre compte
Machines - 2008/Photographie contre-collée sur dibond , 50 x 50 cm
Barcelone - 2006/Diptyque, photographie contre-collée sur aluminium, 73 x 73 cm et 73 x 114 cm
d’une journée au sein de l’établissement, réelle
ou imaginée, du lever au coucher du soleil à travers croquis, dessins, photographies, provoquant
ainsi interrogations et questionnements dont
celui central de l’auteur et de la création. Lors de
sessions ponctuelles, ils ont été amenés à aborder
le statut de l’image et son analyse en fonction des
expériences vécues, la présence du corps dans
ses déplacements. En particulier ceux qu’Aurélie
Pétrel désigne par les inter gestes, ceux-là
même apparemment anodins exécutés entre
deux actes particuliers. Une trentaine de scénarios à partir de story-boards ont débouché sur
des mini clips vidéo de vingt secondes à sept
minutes réalisés avec et par les stagiaires.
À partir de cette matière première, la plasticienne
a conçu une installation en trois éléments : sur
un mur, un seul tirage photographique grand
format ; au sol un important caisson lumineux de
photos sur duratrans dont la forme anamorphosée
(très étrange car indéterminée mais suggestive :
sarcophage, vaisseau, monolithe atterri de 2001
L’Odyssée de l’Espace ?) est empruntée à la
verrière zénithale qui éclaire la pièce ; enfin, sur le
second mur, une vidéo condensant les expé-
riences et les réalisations élaborées lors de cette
résidence de création. D’où le titre du projet :
Mémento.
C.L.
Mémento
Aurélie Pétrel
du 28 nov au 18 déc
3bis f lieu d’arts contemporains
04 42 16 17 75
www.3bisf.com
www.aureliepetrel.com
Chorégraphie - 2005/Tirage offset, 63 x 85,6 cm
Les artistes ont un don
À propos de l’acte du don, le philosophe Jacques
Derrida insistait sur le fait que le premier des dons
serait celui de la présence. Cette attitude particulièrement désintéressée dans le rapport de soi
vers l’autre: ainsi le don «…n’est pas don d’une
chose… mais qui donne sans rien donner».
Si dans le don il y a beaucoup plus que le simple fait
de donner -appelons cela générosité-, il n’en reste
pas moins que l’économie nous rattrape face et
dans la maladie.
11jours,111artistes,1111oeuvresuniques,à111euros
(format 20x20cm, encadrées), c’est un bon calcul.
Depuis 2003, Vœux d’artistes a pu redistribuer
l’équivalent de 800000 euros en faveur des enfants
hospitalisés dans les services d’oncologie pédiatrique de la région. Ces actions caritatives permettent
en particulier d’améliorer les conditions d’accueil
et de séjour, les équipements médicaux et de
confort, la formation du personnel et la recherche.
Plusieurs ateliers artistiques, en musique et arts
plastiques, ont pu ainsi être créés apportant les
© C.B
bienfaits de l’art à l’hôpital. Et on aimerait croire que
l’art puisse guérir, que donner simplement fasse
que la vie ne leur soit pas reprise. Avec quelques
doutes au moment des restructurations «nécessaires» des hôpitaux et des services de santé plus
généralement, où le geste caritatif est encouragé
quand les subsides publics diminuent. Les actes
généreux de certains sont-ils vraiment, pour tous,
désintéressés ?
C.L.
Vœux d’artistes
jusqu’au 23 nov
Maison de l’artisanat et des métiers d’art
04 91 54 80 54
www.maisondelartisanat.org
www.vdart.fr
52
ARTS VISUELS
ARLES | GAP | VAISON-LA-ROMAINE
La ville psychologique
On a pu voir son travail sur Pékin aux
Rip en 2007, qui lui a valu plusieurs
distinctions dont l’European publisher
award 2006. La ville, l’urbain, l’architecture sont ses domaines de prédilection.
Montrer des espaces construits où
paradoxalement la personne est presque toujours rendue absente.
Eviction des corps pour leur présence
elliptique : avec Ambroise Tézenas
les espaces sont rendus vacants, les
objets posés comme en attente, les
lumières séduisantes par leurs
artifices, les cadrages dans l’aplomb
des bâtiments et les clairs obscurs
ourlés. Les lieux imposent la vue à
distance. Pas d’images subtilisées à
la volée malgré les heures arpentées
dans les rues de Las Vegas, New York,
Pékin, Bruxelles : la photo se pose à la
chambre, le trépied comme ancrage
au sol. L’instant décisif est une éternité avec Ambroise Tézenas. Le temps
de pose s’impose, long ; un temps de
pause, où le passant ne peut être
retenu par l’image.
On est loin de la distanciation des
Thomas Struth ou Ruff. La ville, l’architecture sont tout à la fois sujet et objet
Complet
pour cause
d’art
contemporain
L’hôtel Burrhus récidive
pour sa deuxième année
avec Supervues.
Une quarantaine d’artistes
sont conviés à investir
cette fois-ci tout l’établissement, mais pour trois
jours seulement. On n’est
pas obligé d’y dormir mais
on peut rêver !
Londres, Ambroise Tezenas
de la matière photographique comme
si Caravage et Hopper ne faisaient
qu’un. Comme s’il fallait rendre toute
la psychologie possible à l’urbain,
voire lui conférer un inquiétant romantisme: «je traque le paysage sensible».
La nuit de préférence, quand tout se
calme.
Le jour est brutal et bruyant
Ambroise Tézenas
du 21 novembre au 31 décembre
Chapelle Saint-Martin du Méjean,
Arles
04 90 49 56 78
www.lemejean.com
www.ambroisetezenas.com
Peut-on mettre de l’art partout ?
Laurence et Jean-Baptiste Gurly,
propriétaires de l’hôtel Burrhus à
Vaison-la-Romaine, ne l’imaginent
pas autrement en exposant depuis dix
ans des œuvres d’art contemporain.
La deuxième édition de ce mini évènement propose à près de trente cinq
artistes d’intervenir dans l’ensemble
du bâtiment, les chambres principalement, par tirage au sort. Les artistes
retenus auront à relever «le défi de
présenter leur travail dans un contexte propre à dévoiler la complexité des
rapports qui lient la création aux
espaces quotidiens…».
L’art contemporain est porteur en
terme d’image. Il peut être aussi déclencheur de projets singuliers, de
questionnements, de débats, en
s’offrant, telle est l’intention des propriétaires, à des publics non initiés,
dans un espace qui ne lui est pas
réservé. Dans ces trois jours il sera
question de la diffusion de l’art
contemporain en collaboration avec le
Frac Paca. Petit déj’ inclus ?
CLAUDE LORIN
Sujets d’identité
juxtaposent des profils d’individus en
plan rapproché, tournés vers un extérieur invisible, hors champ, avec leur
main ouverte comme un livre, où les
traces de la vie apparaissent plus
clairement encore que sur les corps
toujours un peu apprêtés. Les sillons
profonds, les alliances, les doigts
tordus ou potelés, plein de promesses
de croissance, sont comme un avant
goût, l’indice de ce que les portraits, à
Marguerite, Rosans, 2007
leur droite, vont dire. Derrière les
têtes, les mains, la même toile, qui
ménage une aura plus claire, comme
chez les photographes qui fabriquent
des clichés d’identité.
Dans les Alpes, Jean-Noël Reichel s’est
attaché aux enfants et aux anciens. Il
les a fait parler d’abord, pour tenter de
capturer un peu de leur être. Les clichés, exposés sur les murs mais aussi
dans des vitrines comme des vestiges
d’un musée archéologique, assument
leur connotation anthropomorphique.
Mais dégagent une émotion foudroyante : parce que la confrontation
des âges extrêmes tient un discours
sur le temps, et son passage. On
pense au tableau Le vieil homme et
l’enfant peint par Ghirlan-daio. Mais
surtout parce que l’humanité des
individus apparaît à tout coup, malgré
la répétition du procédé. Ou grâce à
lui, parce qu’en abolissant la variation
de la pose le photographe parvient à
circonscrire celle des sujets ?
A.F.
Identité(s) : Le passage
Jean-Noël Reichel
Galerie du théâtre, Gap (05)
04 92 52 52 52
C.L.
Chambre n°40 Jacques Bosser, Galerie Eric Linard
Avant les spectacles, les gapençais
peuvent s’égarer dans le sous-sol du
théâtre pour découvrir des expositions photographiques d’une régulière
belle tenue. La galerie accueille jusqu’au 6 déc une exposition de
Jean-Noël Reichel, conçue en résidence dans les Hautes-Alpes durant
la saison dernière. Le photographe
travaille depuis 2002 selon un mode
unique : ses œuvres en diptyques
Supervues, petite surface d’art
contemporain
les 12, 13 et 14 décembre
Hotel Burrhus
Vaison-la-romaine (83)
www.supervues.com
LES BUREAUX DE DIEU
CINÉMA
53
Nous sommes les bureaux de Dieu
Un local au Boulevard d’Athènes a fortement inspiré le décor du film de Claire Simon :
dans cet appartement se trouve Le Planning Familial de Marseille
© Shellac
15 conseillères et 6 médecins, soit
l’équivalent de 16 salariés à temps
plein, y mènent une dizaine d’entretiens par jour, soit plus de 200 par
mois. En majorité, ce sont les 18-25
ans qui viennent consulter, un tiers
pour des IVG, un tiers pour la contraception, un tiers pour des tests de
grossesse.
Nous avons rencontré Claire Ricciardi,
Présidente du Planning Familial
depuis 2006
Zibeline : Comment avez-vous rencontré Claire Simon ?
Claire Ricciardi : Claire a commencé
à fréquenter le Planning de Marseille
en 2004. Le Planning de Grenoble était
un peu réticent à se faire observer. Très
vite, elle a assisté aux entretiens et
les a enregistrés. Elle est revenue à
Marseille à plusieurs reprises avec la
co-scénariste, Natalia Rodriguez, toujours fascinée par ces histoires de vie
qu’elle entendait. La réunion d’équipe
autour du mariage forcé est inspirée
d’un cas que nous avons eu à traiter ici.
Elle nous avait exposé tout de suite sa
volonté de réaliser une fiction et de
faire tourner des «stars», Nicole Garcia,
Nathalie Baye… Quand elle a parlé d’un
casting avec Nathalie Baye, je lui ai
demandé que ce soit elle qui interprète
mon rôle. Elle a eu la gentillesse de me
dire que c’était fait !
Quel a été l’accueil du film en interne ?
Dans un premier temps, l’effet miroir
du film a été difficile à encaisser. Au
Conseil d’Administration National, les
discussions ont été vives, voire houleuses ! La plupart trouvaient les
conseillères du film très «psychologisantes» et ne supportaient pas cette
image. Certaines trouvaient que le film,
trop axé sur les entretiens d’IVG, faisait
l’impasse sur les séances collectives,
sur les autres combats du Planning.
C’est vrai que les séances collectives
en collège ou lycée par exemple traitent de bien d’autres sujets (sexisme,
homophobie, sida…). Elles alimentent
les entretiens mais ce ne sont pas ces
moments que Claire a retenus.
On a beaucoup parlé, on a pris de la
distance. Ce n’est pas le film du
Planning. C’est le regard de Claire Simon. Moi, je m’y
retrouve absolument : elle a saisi la manière dont on
fonctionne.
Ce n’est pas un film sur le Planning, même si on va s’en
servir. C’est un film sur une problématique universelle, le
désir d’enfant, la création possible d’un enfant, d’où le titre…
Oui, Claire Simon nous l’a montré, nous sommes les bureaux
de Dieu.
PROPOS RECUEILLIS PAR ANNIE GAVA
INVENTAIRE
8 conseillères conjugales
2 médecins
1 conseiller stagiaire
9 «stars» dont Nicole Garcia, Nathalie Baye, Isabelle Carré,
Rachida Brakni…
2 comédiens professionnels, Michel Boujenah et Emmanuel
Mouret
une trentaine de comédiennes non professionnelles
une vingtaine de plans séquences
un lieu unique
3 villes, Paris, Marseille, Lyon
7 années d’enregistrement
une réalisatrice de talent et convaincue
2 heures de partage et d’émotion
C’est le dernier film de Claire Simon, Les bureaux de
Dieu, qu’on connaît aussi bien par ses documentaires,
Récréations, Coûte que coûte, Mimi, que par ses fictions,
Sinon oui, Ça brûle !
Ici, c’est par la fiction que la cinéaste a décidé de dresser un
état des lieux : celui des femmes confrontées à leur désir, ou
non désir, d’enfant. La fiction parce que «dans un documentaire, comment filmer ce qui est secret ? Ce qui se dit
quand une femme vient au Planning familial parce que la
grossesse qui s’annonce ne paraît pas possible ?».
C’est donc en écrivant un scénario à partir des entretiens
qu’elle a enregistrés entre 2000 et 2007, en construisant
des personnages, que Claire Simon «exsude le réel», lui
redonnant vie.
Le spectateur est le témoin des entretiens, dont chaque
parole a été, un jour, prononcée par une femme dans l’un
des centres du Planning Familial, a été apprise par des
comédiennes qui rencontrent devant la caméra des
comédiennes non professionnelles, portant la parole d’une
autre, sélectionnées lors d’un casting exigeant, après une
série… d’entretiens. Une mise en abîme en quelque sorte.
Le film est dans un lieu clos dont les seules échappées sont
les balcons où l’on fume pendant les pauses, où l’on
s’interroge sur ses capacités à écouter, comme Pierre
(Emmanuel Mouret) qui se demande si les femmes
accepteront de lui parler.
Des pièces pleines de paroles chargées d’émotion, de
débats cornéliens comme celui de cette femme qui ne sait
si elle est enceinte de son mari ou d’un homme qui a été
son amant, de déclarations d’amour comme celle de la
prostituée bulgare, véritable héroïne tragique.
Des pièces vides où Denise (Nicole Garcia) répète une scène
d’Andromaque, où Marta (Isabelle Carré) danse…
Des pièces où résonneront encore, quand l’écran se sera
éteint, ces paroles de femmes qui concernent toutes les
femmes… et les hommes ?
A.G.
54
CINÉMA
FESTIVAL TOUS COURTS | HORIZONTES DEL SUR
Courons tous au Tous Courts !
Le Vacant de Julien Guetta
Le mois de décembre est le mois qu’adorent les
aficionados du court métrage !
En effet, se tient à Aix le Festival Tous
Courts. Pour cette 26e édition, ils
pourront y voir plus de deux cents
courts métrages dont une soixantaine
en compétition, choisis parmi les 1600
reçus, représentant 23 pays et répartis
en dix programmes.
Comme chaque année, en plus de
cette compétition internationale, le
menu est alléchant.
Trois Carnets de voyage, proposés
par Véronique Godard, Hélène Vayssières et Patrice Carré permettront de
(re)voir de petits bijoux : entre autres,
les décapants L’Ile aux Fleurs de
Furtado et Des majorettes dans
l’Espace de David Fourier, le superbe
Hammam de Florence Miailhe ou le
mythique Le Chien Andalou de Buñuel.
Le Vacant de Julien Guetta
Une sélection de cinq films donnera un
aperçu de ce qu’a produit la Région
Paca en 2007 2008.
Le cinéma Aixpérimental aura pour
thématique le journal intime : des pionniers aux héritiers, Stéphane Marti,
Colas Ricard, Happy Carole, Lionel
Soukaz, Jan Peters, France Dubois,
Richard Beaune, Cécile Ravel, Philippe
Katerine et bien d’autres.
LaNuit duCourt,vendredi 5 décembre,
sera féminine : quatre programmes
réservés aux réalisatrices, dont une
Carte Blanche aux Rencontres Films,
Femmes et Méditerranée (voir Zib 10
et 11).
Deux programmes sont réservés aux
jeunes : Court élémentaire et Collège
Tous Courts. Il y aura même une
séance parents-enfants !
Et bien sûr, il y aura des rencontres
avec les réalisateurs, des tables rondes
pour parler des films…
Où et quand ?
Le Festival s’ouvrira le 1er décembre à
20 heures au Pasino avec le programme Courts par excellence dont Le
Vacant de Julien Guetta, suivi d’un
concert de Martin Rappeneau.
Il se terminera le 6 décembre au Cinéma le Mazarin, à partir de 20h 30, avec
la programmation du palmarès et la projection des films primés par le Jury
professionnel et le Jury Jeunes.
Durant le Festival les projections auront
lieu au Mazarin, à la Cité du Livre et
à l’École d’Art.
Et si vous habitez le Pays d’Aix, en amont
du Festival, du 24 au 28 novembre, vous
pourrez aussi voir les courts métrages à Fuveau, La Roque d’Antheron,
Lambesc et Trest.
Alors, ne dites plus «on ne peut jamais
voir jamais de courts métrages !»
Courez au Tous Courts !
ANNIE GAVA
www.aix-film-festival.com
Vous avez dit «Fados» ?
C’est en musique
que s’est terminé
le 7e festival de
Cinéma espagnol
de Marseille organisé
par Horizontes Del Sur
En effet, le 18 octobre, après un récital
d’un musicien brésilien, Alexandre
Manno, très sympathique, le jury a
proclamé le palmarès : le grand prix
a été attribué au film de Pere
Fado de Carlos Saura
Portabella, Le silence avant Bach, (voir
Zib 10) ; deux mentions spéciales ont
été données à Tiro en la cabeza de
Jaime Rosales et Lo mejor de mi de la
réalisatrice catalane Roser Aguiler.
Le prix du public a été attribué à Todos
estamos invitados de Manuel de
Gutiérrez Aragón.
Et c’est en musique qu’a continué la
soirée de clôture avec le dernier film de
Carlos Saura, Fados, après Flamenco
en 1995 et Tango en 1998.
Le fado, complainte qui interroge le destin contre lequel on ne peut rien -fado
viendrait du fatum latin- aurait été colporté par les marins au long cours.
Pour d’autres, il viendrait du lundum
brésilien, mélange de rythmiques noires
importées par les esclaves africains…
Mettant le mot au pluriel, Carlos Saura
annonce une approche variée, métissée du sujet : «Je voulais élargir l’univers
du fado ; j’ai pris quelques libertés, celle
d’inviter des artistes étrangers».
Autre liberté, introduire dans son film
des chorégraphies, ce que pourraient
lui reprocher certains puristes : le fado
s’écoute, point ! Les danseurs évoluent
dans de superbes décors ; les corps
nimbés d’une lumière d’or se reflètent
dans des miroirs ou évoluent devant
de images géantes projetées, visages
mythiques ou vues de Lisbonne, dans
une atmosphère nostalgique, très
théâtralisée.
Les séquences initiales et finales sont
particulièrement réussies : des personnages qui portent des valises défilent
en ombres chinoises, sur des images
d’exil. La séquence qui clôt le film nous
fait entendre un défi de chanteurs dans
un décor de maison de fado, se
terminant par un travelling avant sur
l’iris de la caméra. La signature de
Saura peut-être…
A.G.
Court,
c’est court!
Du 27 au 30 novembre se
tiendront les 15e rencontres de
courts métrages à Cabrières
d’Avignon,organiséesparl’association Cinambule. Au programme,
des courts d’Australie, des courts
de Méditerranée, des courts
animés, des courts expérimentaux, des premiers courts, des
courts en docs, des courts faits
par des élèves d’établissements
du Vaucluse. Bref des courts
pour tous les goûts !
Cinambule
04 90 71 14 84
http://cinambule.free.fr
INSTITUT CULTUREL ITALIEN | APT
CINÉMA
55
Una vita dolce
Du 20 au 25 nov, l’Institut Culturel
Italien présente un panorama
de la production cinématographique
italienne de ces trois dernières années
Il Rabdomante de Fabrizio Cattani
Un documentaire, débutera le cycle : I Nostri trentanni
de Giovanna Taviani, un voyage à travers le cinéma
italien, de la fin des années 50 à nos jours, avec cinq
générations de réalisateurs, un florilège d’extraits de
films et d’entretiens avec des monstres sacrés du
cinéma qui reviennent sur leurs 30 ans.
Trois autres documentaires au programme : Parole
sante d’Ascanio Celestini, chronique de la révolte
des opérateurs téléphoniques de Cinecittà qui n’ont
pas accepté leurs conditions de travail… Il mio Paese
de DanieleVicari, un voyage dans l’Italie d’aujourd’hui, ses difficultés dues à la crise économique.
Enfin, Marcello una vita dolce d’Annarosa Morri et
Mario Canale : interviews de Mastroianni, extraits
de ses films, images de tournages, souvenirs de ses
filles Barbara et Chiara, témoignages de gens qui l’ont
connu se succèdent pour faire revivre un de plus
grands comédiens du cinéma italien ; Sergio Castellitto prête sa voix à ce récit.
Cinq fictions dans ce panorama. Pour la soirée inaugurale, le 21 nov, Il rabdomante de Fabrizio Cattani:
Harja, une jeune femme de l’Est, en fuite, tente
d’échapper à Cintanidd, chef mafieux, et trouve
refuge chez Felice, un étrange personnage.
Dans Piano solo de Riccardo Milani, le pianiste
virtuose, Luca Flores, a tenté toute sa vie de lutter,
par la musique, contre le souvenir obsédant de la
mort de sa mère dans un accident de voiture. Lascia
perdere Johnny! de Fabrizio Bentivoglio : à Caserta,
en 1976, si Faustino Ciaramella ne trouve pas de
travail d’ici la fin de l’année, il devra partir pour le
service militaire. En attendant, il joue de la guitare
dans un petit orchestre et rêve que l’imprésario
Raffaele Niro lui offre un contrat. Au programme
aussi Lezioni di cioccolato de Claudio Cupellini et
Sonetaula de Salvatore Mereu.
Et cerise sur le gâteau, en hommage à la Magnani,
vingt photos de Divo Cavicchioli prises en 1962 sur le
plateau de tournage de Mamma Roma de Pasolini.
ANNIE GAVA
Apt à l’heure africaine
Du 6 au 11 nov s’est tenue la 6e édition du Festival
des Cinémas d’Afrique du pays d’Apt. Comme
l’an dernier, les rencontres et les films proposés par
Dominique Wallon et son équipe ont connu un grand
succès : plus de six mille spectateurs, parmi lesquels
un grand nombre de lycéens et de collégiens, ont
assisté aux projections des vingt-deux films issus de
neuf pays, d’Égypte, du Tchad, du Maroc, du Congo,
du Burkina, du Sénégal, de Mauritanie, de Tunisie et
d’Algérie.
Mascarades de Lyes Salem
Ce sont les films algériens qui ont le plus séduit le
jury lycéen, dirigé par Olivier Barlet, président
d’Africultures : ils ont attribué le Prix du long métrage
de fiction à Mascarades de Lyes Salem, une
mention à La maison jaune d’Amor Hakkar et le Prix
du film documentaire à Algérie, histoires à ne pas dire
de Jean Pierre Lledo.
Les cinéphiles d’Apt ont pu dialoguer avec les
cinéastes présents : le franco-marocain, Daoud
Aoulad-Syad, le plus bavard de tous qui a beaucoup
parlé d’En attendant Pasolini, Jean-Pierre Lledo qui
a fait beaucoup parler avec Algérie, histoires à ne pas
dire, Leila Kilani et ses Lieux interdits et Angèle
Diabang Brener et sa Griotte de Senghor.
Ils ont pu assister aussi aux leçons de cinéma qu’ont
données Mahamat Saleh Haroun dont a pu voir
Sexe, gombo et beurre salé et Expectations ; Gaston
Kaboré (voir encadré) et Lyes Salem, dont le court
métrage Cousines avait obtenu le César du meilleur
CM en 2005 et dont on a vu le premier long métrage,
Mascarades.
On ne peut que vous conseiller d’envisager un court
séjour à Apt pour la 7e édition en 2009 !
ANNIE GAVA
Institut Culturel Italien
04 91 48 51 94
www.iicmarsiglia.esteri.it
La leçon de
Gaston Kaboré
Gaston Kaboré est le cinéaste qui a réalisé le
premier long métrage du Burkina Faso, en 1982.
Après des études d’histoire à la Sorbonne et de
cinéma à l’ESEC, il décide de raconter l’Histoire
en racontant des histoires. «Pendant ma maîtrise
d’histoire, j’ai remarqué que l’Afrique était racontée
en permanence par des anthropologues, des
ethnologues, des sociologues… presque exclusivement non Africains». Il réalise Wênd Kûuni, (Le
don de Dieu en 1982), récompensé par le César
du film franco-phone. Cette année, à Apt, ont été
présentés deux de ses films, Buud Yam,( une suite
15 ans après à Wênd Kûuni) et Rabi, réalisé en
1992, «le plus personnel de mes films» .
Les deux films se situent à l’époque pré-coloniale,
pour éviter d’avoir à traiter le traumatisme. Les
deux films sont des films d’apprentissage, les
deux films sont des contes.
La musique et le passé
Gaston Kaboré a donné une leçon de cinéma
devant une salle captivée par ses mots simples
et remplis d’humanité ; on l’aurait écouté très
longtemps parler du rythme de ses films, de son
rapport au temps. «Le temps de la réflexion, de
l’imprégnation, déter-mine la longueur du plan.
J’essaie de répondre à une musique intérieure,
sans oublier le temps du silence, essayant de
capter des choses très fragiles. J’essaie de filmer
le temps des personnages».
C’est aussi pour transmettre un message que
Gaston Kaboré a fondé en
2003, à
Ouagadougou, le Centre de formation
audiovisuel, Imagine, qui permet aux plus jeunes
d’apprendre le métier, de connaître le cinéma.
«Ce qui manque le plus à l’Afrique, c’est la
réappropriation de son passé : comprendre d’où
l’on vient. On ne peut accéder à la modernité sans
cela ! La modernité, c’est la tradition régénérée».
56
CINÉMA
Au Programme !
À quai
Quatre Rendez-vous des quais : ne les ratez pas !
Jeudi 27 novembre à partir de 18h30
Dans le cadre des 21e Instants Vidéo Nomades,
projection d’œuvres sélectionnées par des stagiaires
de l’atelier du Spectateur du Centre Pénitentiaire des
Baumettes animé par Marc Mercier, dont Chic Point
du Palestinien Sharif Waked et un film qu’ils ont
réalisé, Ce qui nous réunit, ce qui nous sépare.
Jeudi 11 décembre à 18 heures
Les Archives départementales des Bouches-duRhône proposent la projection de Toni de Jean
Renoir, entièrement tourné en extérieur, préfigurant
le néo-réalisme.
Philippe Mioche, spécialiste de l’histoire industrielle
de la Provence, animera un débat après la projection.
www.instantsvideo.com
Vendredi 28 novembre à 19 heures
Dans le cadre des vingt ans d’Extérieur Nuit, et à
l’occasion de la sortie du DVD Tout Rozier, un hommage est rendu à Jacques Rozier, en sa présence :
À 19 h Blue Jeans, et Ni figue, ni raisin n° 8 (de Corinthe)
À 21 h, Les naufragés de l’île de la Tortue
Dans une agence de voyages, Bonaventure
(Pierre Richard) et Gros Nono (Maurice Risch)
ont une idée : proposer à leurs clients une formule
«Robinson, débrouille-toi» sur une île déserte ! Les
premiers clients déchanteront rapidement...
D’autres films de Jacques Rozier sont programmés
dans d’autres lieux.
Rendez-vous des Quais
31, bd d’Athènes (métro St Charles )
04 91 14 13 87
www.rendezvousdesquais.org
Toni de Jean Renoir
Mercredi 10 décembre à partir de 14 heures
Fotokino, dans le cadre de Laterna Magica (voir page
58) propose aux enfants de passer un moment avec
La petite Taupe : un atelier qui leur permettra de créer
une bande son sur un des films projetés.
Fotokino
09 50 38 41 68
www.fotokino.org
Extérieur nuit
04 91 33 50 88
Projections
citoyennes
L’association Images et Paroles Engagées propose
des projections populaires de documentaires, dans le
quartier de St André (16e arr), suivies de débats.
Dans le cycle Musiques, images et paroles, après
Il cantastorie d’Anne Alix , projeté le 30 octobre, ce
sera Marokstar de Charlotte Ramette et Wamid Al
Wahad sur la musique Gnawa, le vendredi 28
novembre à 18h30.
Et samedi 13 décembre à 15h, Hip Hop Social Club
de Joseph Marando, documentaire sur le groupe HH
Syndikat.
Images et Paroles Engagées
04 91 79 32 94
www.ipeprod.org
À l’initiative des associations De Film en Aiguille et
Attac Pays d'Arles : Lundi 1er décembre à 20h30
projection du film palestinien Intervention Divine
d'Elia Suleiman, Lundi 15 décembre à 19h30,
projection du film de Simone Bitton, Mur.
Les projections seront suivies de débats.
Cinéma Le Méjean
www.local.attac.org/13/arles
Droits de l’enfant
Dans le cadre de l’anniversaire de la convention
internationale des droits de l’enfant, le jeudi 20
novembre, Couleurs cactus présente la deuxième
édition de 1, 2, 3… soleil ! pour sensibiliser, informer
et débattre sur la situation des enfants dans le
monde.
Expositions photo et peinture, et projection d’un
documentaire, Ezra de Newton Aduaka, (étalon
d’or du Yenanga FESPACO 2007, voir Zib 4), un film
sur la vie des enfants soldats.
«Je suis un enfant de la guerre. Je suis né au Biafra, un
pays qui n’a existé que trois ans sur la carte du monde,
et dont l’histoire a par conséquent été oubliée.
Pendant ces trois années, plus d’un million de Biafrais
sont morts dans une guerre très brutale, que j’ai vécue
lorsque j’étais enfant (… ). En Sierra Leone, j’ai
rencontré des enfants qui étaient passés par l’enfer,
des enfants qui avaient mené une guerre dont ils ne
savaient rien, hormis les mensonges qu’on leur avait
racontés. Je savais que cela faisait partie de mon
histoire, de ce que je suis devenu…».
Le jeudi 27 novembre à 20h30 au Cinéma Les
lumières à Vitrolles.
Le vendredi 29 novembre à 14h30 au CRDP
Marseille.
Couleurs Cactus
06 60 39 65 54
À l’Alhambra
Trois rendez-vous à L’Estaque
Jeudi 20 novembre à 20h30
Mariana Otero, (La loi du collège, Histoire d’un
secret), membre de L’Association du Cinéma
Indépendant pour sa Diffusion (ACID) vient
régulièrement présenter des films «dans lesquels il y
a une mise en scène du réalisateur comme personnage pour construire une relation au réel, et une
représentation de ce réel. Ce sont des écritures à la
première personne pour parler du monde. Ce sont des
écritures où le «je» est construit : où le «je» devient un
autre dans le film, pour le film.»
Elle commencera le cycle par No London today, un
documentaire de Delphine Deloget,
une plongée dans l’errance et l’attente à Calais de
jeunes réfugiés qui tentent de passer illégalement en
Angleterre.
Jeudi 27 novembre à 20h30 en présence du
réalisateur
J’ai un frère d’Emmanuel Vigier.
Deux frères ne se sont pas vus depuis quatorze ans:
Drazan s’est exilé à Marseille en 1992 et Dejan vit au
Nord de la Bosnie, dans la partie serbe, à Bosanski
Brod, ville industrielle détruite par la guerre. En 2007,
Drazan décide de rendre visite à son frère à la
frontière de la Croatie… (voir Zib 11).
Vendredi 5 décembre à 21h en présence du
réalisateur, Trous de mémoire de Jean-Michel
Perez (voir Zib 5 et 11).
Alhambra cine Marseille
04 91 03 84 66
www.alhambracine.com
ANNIE GAVA
57
Hollywood à Marseille?
Pincez-moi, je rêve ! Ce «Voyage de
découverte et d’inspiration» intitulé
France : Unlimited Access a permis
à dix scénaristes hollywoodiens de
renom de découvrir des lieux singuliers entre Paris et la Région PACA.
L’objectif de Film France est de faire
découvrir des sites emblématiques ou
des personnages de notre patrimoine
susceptibles de déclencher des idées
de scénarios et de tournages en France.
Parmi eux : John August (Big Fish, Charlie
et la Chocolaterie), Michael Brandt
(Wanted), Micheal Dougherty (Le
retour de Superman)… «On a besoin de
gens confirmés pour être sur que d’éventuels projets puissant aboutir» explique
Frank Priot de Film France. Il faut dire
que les retombées économiques d’un
tournage hollywoodien sont énormes,
d’où cette vaste opération de séduction.
Après un Paris insolite, les scénaristes
ont pu visiter les îles des Embiez et
de Bendor pour en savoir plus sur la
saga Paul Ricard. À Marseille, ils sont
accueillis au Centre Fleg pour découvrir l’histoire de Varian Fry, journaliste
américain résistant, dont le réseau clandestin, établi à Marseille en 1940 et 41
a permis de sauver 2000 personnes
(dont André Breton, Max Ernst et Marc
Chagall). Un documentaire sur l’histoire
singulière de ce New Yorkais est applaudi par tous les scénaristes. Après
Duncan Tucker, John Lee Hancock, Derek Haas a Notre-Dame-de-la-Garde © Muriel B.
le film de Jean-Claude Bringuier sur
ce héros américain de la résistance,
pourquoi pas un biopic à l’américaine
qui le ferait sortir de la confidentialité ?
Après un repas aux Goudes, les dix
scénaristes se retrouvent sur une autre
colline, moins familière que celle d’Hollywood, celle de la Garde. John Lee
Hancock (Un monde parfait) est fasciné devant les ex-voto de la basilique
qui sont comme autant de petits scénarios. Pour John, être à Marseille «c’est
faire partie de l’Histoire». Duncan
Tucker (Transamerica), pour sa part,
voit assez bien Marseille comme lieu
Reminiscences
of a journey to Lithuania
Dans le cadre de Hors Cases, avec l’association 360 et même plus, le Polygone
Etoilé a accueilli le 22 oct le cinéaste et
poète Jonas Mekas.
Né en Lituanie en 1922, exilé aux EtatsUnis en 49, il fonde, entre autres en 1970,
l’Anthology Film Archives, cinémathèque
new yorkaise du cinéma indépendant et
d’avant-garde.
Mekas est un insecte nerveux. Depuis
que la menace nazie l’a fait fuir de Lituanie, il est une personne déplacée à la
Reminiscences of a journy to Lithuania de Jonas Mekas
recherche de chez [lui]», confie-t-il. Il filme
comme il vit, sans planifier. Ce journal,
forme prisée par ce maître de l’expérimental, adopte par son perpétuel mouvement
la vision de l’insecte qui ignore la direction à prendre l’instant d’après.
Le mouvement est d’abord dans la structure : le film est un triptyque (Brooklyn,
Seminiskiai, Vienne) entrecoupé de parenthèses sur la guerre et de micro
-séquences numérotées. La technologie
créant la forme, la mobilité de la caméra
Bolex frappe. Accélérations et son off
évoquent le muet. Le burlesque est
récurrent. L’expérimentateur revient à
l’enfance du cinéma dans sa recherche
du passé perdu.
La lenteur existe aussi. La voix est calme,
le phrasé tend au silence, ponctué d’un
mot. Et quand l’insecte s’immobilise, on
sent comme un parfum d’éternité.
ARMELLE MARIE
de tournage car «il y a une énergie particulière dans cette ville multiculturelle à
la fois moderne et ancienne».
Donc, ne vous étonnez pas de croiser
un jour Will Smith ou Johnny Depp sur
le Vieux-Port !
MURIEL BENISTY
Dans le corps
Le Merlan a mis en place un cycle
thématique Le Corps transparent (voir
page 11) : Comment les nouvelles
images viennent-elles bouleverser nos
représentations et la perception que
nous nous faisons de notre corps ?
En partenariat avec le FID et le Cinéma
Variétés, il nous propose une séance
cinéma, le 20 nov à 19 h : Accoster
d’Olivier Derousseau et Le Moindre
Geste de Fernand Deligny, Josée
Manenti et Jean-Pierre Daniel.
A.G.
Femmes sur écran
Dans le cadre du Festival Portrait de
femmes initié par les Chantiers du
cinéma qui se déroule dans le Var, la
scène de Châteauvallon, à Ollioules,
fait l’ouverture avec les films de deux
auteurs chinois majeurs : Wang
Xiaoshai avec Une famille chinoise (le
24 nov) et Jiang Wen avec Le Soleil se
lève aussi (le 25 nov). Le reste de la
programmation se décline dans plusieurs villes du département du Var, où
La Seyne, Six Fours, Toulon et SaintMandrier accueillent les projections
de films français, chiliens, belges…
Par ailleurs, en collaboration avec la
cinémathèque de la danse, Châteauvallon programme Du lindy hop au hip
hop, un aperçu en images des danses
afro-américaines du XXe siècle (les 12
et 13 déc).
D.M.
Les Chantiers du cinéma
04 94 09 05 31
Châteauvallon (84)
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
58
LIVRES
LATERNA MAGICA | HISTOIRE DE L’ŒIL | AGENDA
Vos images d’enfants sur les murs
Carnet Caterine Chardonnay (expo du Coq a l'ane)
La manifestation emprunte son titre à
l’autobiographie d’Ingmar Bergman
(1987) qui, comme on le sait trop peu
en France, n’était pas qu’un cinéaste,
mais avant tout un directeur de théâtre,
et à ses heures un très bel écrivain. C’est
donc à une manifestation transdisciplinaire que nous invite la 5e édition de
Laterna Magica… Organisé par Fotokino, le festival a pour ambition de mettre
tous les arts visuels à la portée des enfants.
Jose Parrondo en concert
En particulier à travers le livre, et son
rapport à l’image. Il réalise cet objectif
en invitant durant trois semaines cinéastes et illustrateurs, en organisant des
projections au cinéma Les Variétés,
des expositions et des ateliers dans plusieurs galeries de Marseille, mais aussi
des Rencontres autour de ces questions
de l’image et de sa transmission. L’an
dernier le thème du paysage intérieur
était décliné sur les écrans et les murs de
l’Alcazar, des galeries De Visu et Montgrand. Cette fois c’est l’absurde qui
affirmera ses droits… et soulignera la
«cocasserie du réel». Avec des intervenants précieux comme Jose Parrondo
(illustrateur pour Le Rouergue et Milan
presse), Blexbolex (illustrateur et auteur
de BD), Catherine Chardonnay (auteur
et illustratrice)…
A.F.
Laterna magica
du 3 au 21 déc
09 50 38 41 68
www.fotokino.org
Blexbolex, Rogaton man
Au secours, les objets attaquent !
Le 7 novembre, alors qu’elle présentait
devant le public attentif de L’Histoire
de l’œil le résultat de très sérieuses recherches scientifiques concernant le
rapport aux objets, la jeune conférencière Martine Schmurpf a été victime
d’une agression violente de la part des
dits objets, qui en ont eu assez de «se
rebeller en douce» et ont décidé de lui
clouer le bec !
Mais non, c’était pour rire ! Et mine de
rien, pour méditer. L’endroit de l’objet,
pseudo conférence et véritable solo pour
comédienne, ordinateur et vidéoprojecteur, lance, en 55 minutes, un
certain nombre de pistes, au fil d’un texte
très écrit, mis en scène avec efficacité et
drôlerie. Ton professoral, raisonnements
par l’absurde, vidéos loufoques, on suit
avec délices le discours didactico-ridicule
de la conférencière interprétée par Clara
Le Picard, qui est également la conceptrice du projet et son auteure.
Un petit régal de performance à déguster entre amis, puisque la Compagnie À
Table propose de venir organiser l’événement chez vous. Il suffit pour cela que
vous disposiez d’un salon suffisamment
grand doté d’un mur blanc et d’une
quinzaine d’amis prêts à débourser
entre 6 et 10 euros pour participer avec
vous à l’aventure. Tentant, non ?
FRED ROBERT
L’endroit de l’objet
Théâtre d’appartement
Clara Le Picard
mes Xavier Marchand
06 45 10 48 44
[email protected].
Au Programme
AIX-EN-PROVENCE
Cité du livre – 04 42 91 98 88
Fêter la poésie : rencontre avec Edouard
Glissant, poète et écrivain martiniquais.
Le 29 nov à 16h.
Centre des écrivains du sud – 04 42 21 70 90
Rencontre à 3 voix en présence de Jean-Marie
Blas de Roblès (qui vient d’obtenir le prix Médicis
pour son livre Là où les tigres sont chez eux, édité chez
Zulma), Catherine Cusset et Gilles Lapouge.
Le 11 déc.
Librairie Vents du sud – 04 42 23 03 38
Rencontre-lecture avec Alicia Fertig à l’occasion de
la parution de son premier roman, Voix pour moi,
aux éditions Elan Sud (le 20 nov à 19h) ; rencontredébat avec Christine Esclapez pour La musique
comme parole des corps (L’Harmattan) et Francesco
Spampinato pour Les métamorphoses du son,
matérialité imaginative de l’écoute musicale
(Harmattan) (le 25 nov à 19h).
MARSEILLE
BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34
Honoré Daumier ou l’irrévérence marseillaise :
exposition qui présente des pièces majeures
(lithographies, sculptures) que Jean Cherpin avait
rassemblé en une collection unique. Jusqu’au 6 déc.
Libraires du sud – 04 96 12 43 42
Rencontre avec Catherine Cusset dans le cadre
des Itinérances littéraires, autour de son dernier
ouvrage Un brillant avenir (Gallimard) : le 20 nov, à
18h30 à la librairie L’Attrape Mots (Marseille, 04
91 57 08 34) et le 21 nov à la librairie Mot à Mot
(Pertuis, 04 90 79 02 04).
Bibliothèque départementale de prêt –
04 91 08 62 08
Le livre jeunesse en Méditerranée : en partenariat
avec l’association Libraires à Marseille, la librairie
Regards, Approches, Cultures et territoires, le
COBIAc et la Caravane du livre, parole est donnée à
des auteurs, illustrateurs et éditeurs algériens,
marocains, tunisiens, libanais et palestiniens.
Les 12 et 13 déc.
LES PENNES-MIRABEAU
Association des amis des arts – 04 42 02 95 13
Salon du livre jeunesse : rencontres avec les auteurs,
ateliers d’illustration, séance de dédicaces…
Les 13 et 14 déc.
PLAN DE CUQUES
Bulles et fiction – 04 91 05 18 33
Festival de BD : bourse BD, expositions, séance
de dédicaces… Les 29 et 30 nov.
TOULON
Conseil général du Var – 04 94 18 60 60
La Fête du livre aura pour thème Littérature et
sensibilité gastronomique : débats, rencontres,
spectacles de rues (avec les cies Tout’sambal et
Antipodes), tables rondes…
Les 21, 22 et 23 nov,
sous chapiteau, Place d’Armes.
BELLES LATINAS | BELLES ÉTRANGÈRES
LIVRES
59
Aux
rendez-vous
des belles lettres
Petit voyage en lettres étrangères, comme un arrière-goût
de vacances à l’orée de l’hiver…
Beaucoup de rencontres littéraires en ce
début d’automne… Après les Correspondances de Manosque et Lire en Fête, les
manifestations se sont poursuivies, ouvertes à la littérature contemporaine
venue d’ailleurs.
Côté cour, côté jardin
C’est ainsi que le Festival Belles Latinas
s’intitulait cette année, pour sa 7e édition. Invitées par le Centre National du
Livre à participer aux animations de Lire
en Fête, les Belles Latinas étaient présentes à Marseille dès le 12 oct, sous les
chapiteaux des Littorales.
D’autres rencontres ont eu lieu le weekend suivant au théâtre des Bernardines,
lieu magique qu’on a plaisir à retrouver
après une année de travaux. Dans l’ancienne chapelle reconvertie en théâtre,
place à l’Amérique latine, en partenariat
avec l’association Solidarité Marseille
Amérique du Sud. La première des deux
tables rondes organisées par Pascal
Jourdana réunissait, sous le titre motivant de Inventer, résister, trois auteurs
originaires d’Argentine et de Bolivie.
Marcos Malavia, le Bolivien ; Nora Herman et Susana Lastreto, les Argentines.
Tous trois résident en France, tous trois
écrivent désormais en français, après un
long silence : l’exil, pour deux d’entre eux
du moins, les a longtemps contraints au
mutisme. Sur la scène du théâtre, dans
la pénombre quiète d’un samedi presque estival, ils évoquent avec humour
et distance leur sort d’exilés, leur double
culture et aussi les ombres de la dictature. Alors, on perçoit concrètement
que pour eux, forcément, créer c’est
résister. Susana Lastreto, dramaturge,
n’a-t-elle pas fondé la compagnie
GRRR (Groupe Rires, Rage et Résistance) ? Pour elle, comme pour Marcos
Malavia, le théâtre est l’un des arts qui
fait le plus de résistance et qu’on a le
plus de mal à bâillonner. Nora Herman,
sculptrice, dessinatrice, est également,
quoiqu’elle s’en défende, poétesse, écrivaine. Son récent opus, Forêt de poche,
révèle sa sensibilité originale et sa quête
du Paradis perdu. Une manière de retrouver par le dessin et par les textes une
mémoire du pays natal, envers et contre
tout ; résister à l’oubli, en quelque sorte.
Les 3 auteurs ont amusé, ému, captivé
l’auditoire. Les lycéens (venus de Vendée !)
avec leurs professeurs n’ont visiblement
pas regretté le déplacement. D’autant
qu’à l’issue de la deuxième table ronde,
des animations plus festives étaient proposées : buffet puis concert donné par le
Trio Milontango. Une soirée animée et
très réussie.
Duos d’auteurs
Autre regard sur le monde, celui des
Belles Etrangères ; pour célébrer dignement les 20 ans de la manifestation, le
Cercle National du Livre a convié, du 8
au 22 nov et à travers toute la France,
des auteurs de 10 pays étrangers.
L’originalité de cette édition anniversaire tenait au fait que chaque pays était
représenté par 2 auteurs. L’un, confirmé, avait déjà par le passé été l’invité des
Belles Etrangères ; l’autre, moins connu, souvent pas ou peu traduit en
français, était en quelque sorte parrainé
par le premier. Une anthologie gratuite
a d’ailleurs été diffusée par Actes Sud,
qui rassemble les textes des 10 auteurs à
découvrir, présentés par leurs «parrains».
À Marseille, Turquie, Nouvelle-Zélande
et Canada étaient à l’honneur. Le premier Jeudi du Comptoir de la saison a
permis de rencontrer le romancier, essayiste et éditeur turc Enis Batur. Ce
disciple de Borges, ami de Manguel,
grand amateur de livres et de bibliothèques, «écrivain de l’écriture», a tenu à
présenter son collègue et complice Yigit
Batur Enis © X-D.R
Bener. Celui-ci, bien que d’une famille
d’écrivains, sans doute à cause de cela,
est venu à la littérature sur le tard. Il a
cependant toujours été en contact avec
les mots et les livres, puisqu’il est interprète et traducteur ; on lui doit entre
autres la traduction vers le turc de certaines œuvres de Koltès et surtout celle
du Voyage au bout de la nuit, de Céline.
Tous deux, guidés par les questions de
Jourdana, ont régalé pendant une heure
trop courte le public nombreux du Bouchon Marseillais. Quel plaisir de partager,
même brièvement, leur passion pour la
littérature, leur érudition souriante et
leur humour subversif !
Deux autres rencontres ont eu lieu dans
le cadre de ces Belles Etrangères exceptionnelles. Le CipM a accueilli deux
poètes néo-zélandais, Jenny Bornholdt
et Gregory O’Brien. Les ABD ont reçu
les Canadiens Neil Bisoondath et Zoe
Whitall, pour la 2e session du cycle
«Écrivains en dialogue». Des initiatives
qui rencontrent un succès de plus en
plus vif. Serait-ce qu’en ces périodes de
crise la littérature apporte, comme l’a
souligné Enis Batur, des solutions ? Des
perspectives en tout cas, et des ouvertures oxygénantes.
FRED ROBERT
À lire :
Nora Herman, Forêt de poche, textes
et croquis, éd. L’Inventaire (19 euros).
Susana Lastreto, Dans l’ombre, suivi
de Nuit d’été loin des Andes, théâtre,
éd. La Fontaine (10 euros).
Marcos Malavia, Tragaluz, roman,
éd. L’Amandier (15 euros).
Enis Batur ; La pomme (21,50 euros)
; Amer savoir (22,90 euros) ; D’autres
chemins (23,90 euros), éditions Actes
Sud ; D’une bibliothèque l’autre, essai
préfacé par Alberto Manguel, éd. Bleu
autour (10 euros).
Greg O'Brien © Doris du Pont
Zoe Whitall © Kelly Clipperton Cormorant
60
LIVRES
FÊTE DU LIVRE | AUBAGNE | TRETS
Journées avec Rushdie
Depuis 1981, le département des
Écritures Croisées organise la Fête du
Livre. Annie Terrier concocte dans le
plus grand secret le programme de ces
journées d’exception durant lesquelles
les géants de la littérature se côtoient et
acceptent de se plier au jeu des conférences. Une foule de passionnés afflue
dans l’ancienne fabrique d’allumettes,
se presse autour des stands, s’agglutine
dans l’amphithéâtre. La voix de ces êtres
que seul le papier faisait vivre s’élève,
doublée par celle du traducteur lorsque
les écrivains ne sont pas francophones.
Les conférences s’enchaînent, la verve
des intervenants ne s’épuise pas.
Aucune limite à l’érudition du héros
de la fête, Salman Rushdie, qui, avec
humour et simplicité, accumule les
anecdotes, les digressions, vogue entre les
auteurs, les siècles, toujours juste, toujours profond dans ce badinage élégant
et érudit. Salman Rushdie pratique à la
perfection l’art de la digression, tout
concourt à alimenter le flux magique
des mots dans lequel évolue le conteur.
Car il est un conteur, un enchanteur,
un jongleur de mots hors pair, dans son
œuvre comme dans ses conférences, ou
plutôt ses conversations. Autour de lui
la culture se fait humble et évidente à la
fois, les universitaires présents font
assaut d’analyses pertinentes et fines,
joutes oratoires dans laquelle chaque
volte brille. Pierre Pachet et Marc Porée
provoquent à tour de rôle, évoquant l’élitisme de classe en littérature, l’écart entre
les ventes et la qualité, le choix de la
langue, les influences et confluences…
Sans illusion sur le nombre des lecteurs,
Rushdie définit la bonne littérature par
sa «capacité à faire entendre des choses que
nous n’entendrions nulle part ailleurs». Si
la littérature n’a jamais suscité qu’un intérêt minoritaire (elle n’est pas un média
de masse), son impact n’a rien à voir avoir
la quantité des ventes. Certains livres
ont profondément marqué leur époque alors qu’ils ne connaissaient pas de
gros succès de librairie, comme ceux de
William Blake. Un grand texte ouvre des
portes et induit une façon de percevoir
le monde.
Mais la lecture est avant tout un acte
intime, comme l’écriture, ce besoin profondément humain de raconter une
histoire, de laisser une trace. Le choix de
la langue de l’écriture aussi importe :
ainsi, l’anglais par sa flexibilité aurait la
capacité de s’adapter à toutes les formes
de pensée du monde. Avec humour,
Rushdie remarque : «on est des post coloniaux, mais, je ne me sens pas tel». Altaf
Tyrewala, quant à lui, souligne que
l’anglais lui a permis de se distancier de
sa réalité immédiate.
M. Poree, P. Pachet, S. Rushdie, G. Meudal, A. Tyrewala © X-D.R
«Y a-t-il des sujets prédestinés, comme le
Cachemire, qui vous attendent ?» Il n’y a
pas de sujet qui soit une obligation, Saul
Bellow lors d’une controverse mémorable avec Günter Grass, affirmait «nous
n’avons pas de responsabilités, que de
l’inspiration !». Et lorsque les sources
d’inspiration livresques sont évoquées,
innombrables, de Calvino à Dante, de
Lucrèce, Ovide à Boulgakov, Rushdie
tranche : la question de l’influence s’amenuise au fil du temps, c’est l’humour
qui reste l’élément essentiel, pour l’auteur comme pour le lecteur. À la question
sur son inépuisable capacité d’enthou-
siasme et d’émerveillement, de bonheur,
Rushdie sourit encore : «il y a un magasin, mais je garde le secret de son adresse !».
Puis, plus sérieusement : «il faut faire
votre travail, l’art, c’est cacher le labeur pour
montrer le plaisir».
Celui des spectateurs de ces journées fut
immense et enchanté…
celui de Gabriel García Márquez, considéré à ce jour comme le représentant
du réalisme magique.
Altaf Tyrewala émet cependant, sourire
aux lèvres, une réserve à cette analogie :
l’intervention du surnaturel, très présente dans les romans sud américains,
s’avère rarement nécessaire en Inde, tant
tout ce qui s’y passe à chaque coin de
rue peut paraître invraisemblable !
Salman Rushdie souligne également
l’influence directe de Balzac : il s’est
inspiré de l’entrée en matière d’Eugénie
Grandet pour Shalimar le clown. Ses
influences cinématographiques, son
admiration sans bornes pour chaque
film de Godard n’ont également jamais
été relevés. Il confie au passage ses rêves
secrets de devenir une rock star, sa participation à un album de U2, mais nie
cependant toute collaboration avec
Madonna !
À propos d’influence, Altaf Tyrewala
avoue avec plaisir celle de Salman
Rushdie sur son œuvre. Qui lui a
renvoyé le compliment le plus sincère
que puisse faire un écrivain : «J’ai
tellement aimé ton roman (Aucun Dieu
en vue, voir Zib 11) que j’aurais aimé
l’avoir écrit moi-même.»
MARYVONNE COLOMBANI
Voir critique du dernier roman
de Salman Rushdie,
L’enchanteresse de Florence, page 64.
L’homme aux Histoires
Le 17 oct, Salman Rushdie a inauguré
la Fête du Livre en compagnie de son
traducteur Gérard Meudal et de l’écrivain Altaf Tyrewala. Une occasion pour
l’amphithéâtre bondé d’aborder véritablement son œuvre.
Chacun de ses dix romans mêle avec
une habileté rarement égalée Histoire
et histoires, épopées et contes, avec un
humour tendre, un sens infaillible de
l’image. Le roman est-il moribond ?
Salman Rushdie sourit : il n’existe pas
de genre plus riche !
Il se souvient, amusé, des (contre) indications de Lewis Carroll, selon lesquelles
une bonne histoire commencerait par
un début, passerait par un milieu et
s’achèverait sur une fin. Il est évident
que la transmission orale d’un conte
ne se limite jamais à ce schéma : des
modifications, des retours en arrière,
des rapprochements avec un évènement
récent renversent le récit et l’enrichis-
sent tandis qu’il passe de main en main.
Pensif, l’écrivain émet une hypothèse
selon laquelle un conte pourrait partir
de l’Inde, traverser l’Europe et naviguer
jusqu’en Amérique du Sud. Ce qui
expliquerait les ressemblances entre le
style narratif de Salman Rushdie, combinant irrationnel et vraisemblable, et
S. Rushdie © X-D.R
SUSAN BEL
61
Un gant
à relever
Le théâtre des Ateliers participait
aussi à la Fête du livre. Le titre des
journées s’avérait être celui d’une conférence de Salman Rushdie, donnée à
Yale en 2002, Franchissez la ligne. Alain
Simon, directeur du théâtre, se livre à
une lecture sobre et expressive qui sert
magnifiquement le texte de Rushdie ;
l’humour, l’ironie douce amère, la finesse, l’érudition prodigieuse de l’écrivain
connaissent ici un deuxième souffle.
Alain Simon joue des silences, des interrogations muettes au public, s’efface
pour servir ce grand texte.
La transgression des frontières s’avère la
condition même de l’évolution, et dans
un vaste mouvement d’appropriation
du monde, l’écrivain montre combien
franchir les limites implique transformation, dépassement, enrichissement.
Il dénonce, en même temps qu’il passe
au scalpel, les intolérances, les étroitesses
insupportables qui nous sont contemporaines. Analyse du monde, mais aussi
véritable art poétique : la littérature,
c’est la capacité de rapprocher, de trouver des échos, de nous fondre dans les
multiples facettes de la réalité, abolissant
le temps et l’espace. Les mécanismes les
plus profonds de la littérature ne nous
renvoient-ils pas à notre propre réalité ?
Une analyse subtile du 11 Septembre
nous renvoie à nos attitudes, nos responsabilités, à cette «époque frontière» dans
laquelle nous avons le choix d’être des
miroirs de l’intolérance et de la violence
ou des défenseurs des principes de liberté, ne cédant pas à la peur que l’on
tente de nous inculquer, restant nousmêmes. Relèverons-nous le gant ? «J’espère
que nous passerons l’épreuve» conclut
Salman Rushdie.
MARYVONNE COLOMBANI
Franchissez la ligne a été lu
aux Ateliers (Aix) par Alain Simon
Des planches et des créneaux
La BD fait partie du paysage de Trets depuis 16 ans.
Mêlée d’abord aux manifestations concernant les
écrivains de Provence, elle a pris, depuis trois ans, un
petit air d’indépendance, avec son propre festival, Des
Remparts et des Bulles. Pendant deux jours, sous
l’égide des services culturels de la ville et de la librairie
d’Aix-en-Provence, Album, le château accueille sous
ses voûtes romanes un choix éclectique d’une grande
qualité. La première journée une foule de passionnés,
souvent des adultes, se presse autour des artistes,
nombreux, qui accordent à chacun commentaires et
dédicaces. Puis les enfants déferlent, retrouvent leurs
héros, découvrent de nouveaux graphismes. Il y a des
ateliers, l’un qui présente les différentes techniques des
coloristes de BD, l’autre, dirigé par Nathalie
Demazeau, qui invite les plus petits à utiliser le pastel
et la peinture en composant des portraits à la manière
de Saulnier Blache. Le lendemain, plus calme, offre
une bourse aux BD. Quelques artistes sont restés, pour
le bonheur des visiteurs. La page blanche du livre se
lisse d’un revers de main, quelques traits s’esquissent,
aléatoires, pour le profane, et, comme par magie,
naissent des personnages, des paysages, uniques.
On se souviendra aussi de l’exposition de Olivier
Thomas, l’auteur de Sans pitié. Chacun sera surpris
du contraste entre l’univers sombre de la BD et celui
des tableaux accrochés. Tous les supports et toutes les
techniques sont employés avec bonheur, encre de
chine, fusain, simples stylos feutre, huiles sur toile ou
sur bois, comme cette belle tête émergeant de
l’ombre… café musical, gros plans sur une guitare,
expression concentrée du contrebassiste, convives
joyeux dans l’atmosphère cordiale du lieu où se
produit le Trio de la BD… Monde préparatoire aux
histoires, certes, mais qui constituent un ensemble
original et indépendant.
M.C.
La jeunesse a quinze ans
Pour la quinzième année consécutive, le centre de congrès Agora d’Aubagne accueille
les journées du livre jeunesse
Les élèves des écoles, collèges et lycées rencontrent les
écrivains sur lesquels ils ont travaillé ; les enfants
assistent à des spectacles, comme Titi nounours et la
soupe au pilipili, tre le loup… et des lectures, dont la
qualité et l’originalité séduisent grands et petits. Des
parcours sinuent entre les stands, le livre devient objet
de quête, de surprise, de rire et d’émerveillement. De
petits fascicules concoctés par les bibliothécaires de la
médiathèque d’Aubagne et de la bibliothèque
départementale guident les indécis ; des espaces de
paroles, d’expression, de rencontres, permettent encore
une approche dynamique et intelligente de la lecture.
L’invitée d’honneur du salon, Suzanne Janssen
présente un choix éclectique de planches originales de
ses illustrations d’album, avec ses personnages aux têtes
démesurées et expressives… Entretiens, chocolats
littéraires, aiguisent l’appétit des lecteurs et apportent
un regard souvent neuf sur la littérature jeunesse. La
littérature ne mène-t-elle pas à tout, même aux
sciences, avec les ateliers scientifiques et les ouvrages
de vulgarisation ?
Un genre gagne ses lettres de noblesse et une place de
plus en plus large dans le paysage des livres, l’album.
Un mini colloque lui est consacré le 15 nov. Les
éditeurs parrainent leurs poulains, les libraires
défendent leurs coups de cœur, et les visiteurs sont
gagnés par l’effervescence. Tous, avec gentillesse et
talent se plient à la cérémonie de la dédicace,
conseillent les jeunes lecteurs et leurs parents. Le livre
s’avère souvent récompense, on lui sacrifie son argent
de poche, on découvre avec un infini plaisir de
nouvelles œuvres d’un écrivain que l’on apprécie, on
lui parle, il ou elle vous sourit, et c’est une voix encore
plus vivante qui s’adresse à vous lorsque, enfin de
retour, vous vous plongez avec délices dans Le Livre…
M.C.
Les journées du livre jeunesse se sont déroulées
du 13 au 16 nov à Aubagne
62
LIVRES
LIBRAIRIE LE GREFFIER DE SAINT YVES | ICI
Pas si spécialistes !
Dans la petite rue Venture, en plein
centre de Marseille, impossible de la
louper. Devanture rouge sang, ornée
d’un chat noir. Pourtant Le greffier de
Saint-Yves n’est pas une librairie vouée
aux sciences occultes ou à la fantasy ! À
l’intérieur un ancien atelier de peintre ;
sous les poutres imposantes, des
étagères nombreuses garnissent les murs
d’une harmonie en rouge et or qui n’est
pas sans rappeler les tonalités des
tribunaux. Depuis mars 2008, Hélène
Thebault et André Tola proposent à
une clientèle de professionnels ou
d’étudiants un choix important
d’ouvrages de droit. Mais pas
seulement…
Zibeline : Pourquoi avoir choisi ce
nom pour votre librairie ?
Le Greffier de Saint Yves : SaintYves est le patron des professionnels du
droit. Nous souhaitions garder une
connotation juridique sans être
austères. Quant au greffier, il évoque
l’ambiance des prétoires et nous
rappelle, à nous qui aimons les chats,
que Gabin les nommait ainsi dans un
film célèbre. Il nous a permis de trouver
un logo déroutant !
Pourquoi une librairie spécialisée dans
le droit ?
Lorsque Brahic a fermé, tout près d’ici,
il y a eu un vide énorme dans le
quartier. Marseille est le plus jeune
Barreau de France, le 4e aussi. Une
librairie spécialisée est donc nécessaire
dans le centre ville. Nous ne regrettons
pas ce choix : le droit s’est révélé
beaucoup plus vivant, beaucoup moins
rigide que ce que nous croyions ! Les
professionnels du droit se remettent
constamment en question. Ils suivent
des modules de formation continue et
ne cessent d’acheter des ouvrages. Et à
côté du droit pur et dur, nous
proposons des livres de sociologie, de
philosophie, d’histoire du droit, qui les
intéressent beaucoup.
On aperçoit, sur certaines étagères, des
livres qui n’ont rien à voir avec le
droit…
Environ 25% des livres que nous
proposons sortent de notre spécialité.
Notre clientèle, essentiellement issue du
milieu juridique, s’intéresse à la culture,
achète volontiers les nouveautés
littéraires et certains beaux livres. Nous
travaillons aussi en partenariat avec les
commerçants voisins, en particulier
avec le salon de thé Luciole, ce qui
explique la présence d’ouvrages sur le
Les libraires du Greffier
de Saint Yves ont aimé :
Littérature :
Mère et fille, un roman d’Eliette
Abécassis (Albin Michel, 15,90 euros)
Bêtes sans patrie d’Uzodinma Iweala
(L’Olivier, 18 euros)
Beaux livres :
Ernest Pignon-Ernest (BärtschiSalomon, 59,95 euros)
Evolution (Xavier Barral, Museum
d’Histoire Naturelle, 49,90 euros)
Et aussi, aux éditions de l’Epure, de
charmants livrets non massicotés au
prix de 6,50 euros, parmi lesquels
L’huile d’olive, 10 façons de
l’accommoder ou Les épluchures.
Sans oublier leur meilleure vente, le
livre que les avocats s’offrent entre eux
et qui, paraît-il, les fait mourir de rire,
ce qui est un comble pour
Schopenhauer : L’art d’avoir toujours
raison (Circé Poche, 6 euros).
© Agnès Mellon
thé et l’Orient. Nous venons de
participer à l’opération Jardins de ville,
et espérons collaborer prochainement
avec le club de supporters qui nous fait
face. Nous essayons de créer des ponts
entre voisins, comme nous tentons de
bâtir des ponts entre les disciplines.
Après quelques mois d’existence, quel
bilan dressez-vous de votre expérience ?
Après des débuts difficiles, en raison de
travaux importants dans la rue, nous
sortons la tête de l’eau. Le milieu du
droit commence à nous apprécier. La
rentrée universitaire a fait venir les
étudiants. Bref, l’enthousiasme reste
entier ! Nous essayons de mettre en
avant les titres que nous aimons. Les
clients font de même et de ces échanges
s’enrichit notre fonds. Nous prévoyons
même de mettre en place des groupes
de lecture.
Le 30 oct, à l’Institut Culturel Italien, le comédien Pierre Palmi présentait une
lecture, dirigée par Elisabetta Sbiroli (Cie Lalage), des Vêpres de la vierge
bienheureuse. Un texte déroutant, obscur et minéral comme un bloc de jade,
rugueux et fort de ses flamboyances, de son flot continu qui charrie avec lui des
scories inidentifiables, apparaissant ça et là comme les jalons d’un chemin qui mène
sans recours à la perte.
Le texte est beau, magnifiquement traduit par Jean Paul Manganaro (voir cicontre), mais reste après la lecture parsemé de zones d’ombre. De quoi est-il
question? D’un père qui parle au téléphone à son fils mort, de celui-ci, travesti, qui
a rejoint le royaume des ombres (des squelettes plutôt) d’une mère, d’une sœur, de
vols à la douane, d’un lynchage, d’un gros porc… Pierre Palmi bute sur les mots
puis les expulse, fort comme un taureau blessé, droit dans les yeux, simple, éclairant
par ses ruptures de ton les changements de voix, de niveaux dramatique, d’instant.
Lui aussi, rugueux comme le texte, reste incompréhensible et fascinant.
Reste à cette lecture à franchir le pas d’une mise en scène : ce sera chose faite en mars,
aux Argonautes. En attendant, on peut lire le texte (la pièce ?) publiée aux
Solitaires Intempestifs dans sa récente traduction française.
PROPOS RECUEILLIS PAR FRED ROBERT
AGNÈS FRESCHEL
Coup de fil d’outre-tombe
63
Itinéraire d’un bandit sarde
Le dernier ouvrage de Marcello Fois évoque le
parcours de Samuele Stocchino, redoutable bandit du
début du siècle dernier, qu’on surnommait le tigre de
l’Ogliastra et que l’on craignait dans toute la Sardaigne,
voire dans toute l’Italie. Malgré un ancrage historique
évident, il ne s’agit pas pour autant d’une biographie,
ni d’un document. Mémoire du vide s’annonce
comme un roman, une fiction née de la vie d’un être
tellement mythique dans l’inconscient collectif sarde
qu’il a tout loisir de devenir un véritable personnage
romanesque. Sous la plume puissante et poétique de
Fois, l’existence de Samuele se fait destin ; l’ombre du
fatum plane, énoncée par un coryphée, des voix off,
lors de pauses dans le récit, qui font du bandit un
héros, et de ses faits et gestes sanglants, une épopée.
La fable suit son cours, comme un roman
d’apprentissage à la Lesage ou un conte de Voltaire.
Chaque chapitre est d’ailleurs introduit par un bref
résumé des événements à venir. Enfance du héros et
premiers signes de son élection : ici, une chute dans
l’abîme dont le jeune Samuele sortira indemne. Hauts
faits militaires et guerriers. Résurrection du héros,
arraché de justesse à la mort, et retour sur la terre
natale. Accomplissement impitoyable de la vengeance.
Mort de la bien-aimée. Abandon de la lutte et mort du
héros. Fois retrace les étapes fondatrices d’une légende.
À travers la tragédie de Samuele, c’est également la
Sardaigne qui est révélée. L’île originelle est, comme
toujours, au centre de cette écriture, magistralement
traduite par Jean-Paul Manganaro. Terre sauvage et
aride, balayée par le vent, qui porte un peuple rude, à
son image. Religion, superstitions et forces telluriques
s’y mêlent dans une atmosphère souvent fantastique,
que la lune, tout du long, baigne de sa splendeur
glacée.
Un magnifique plongeon dans le gouffre d’un cœur
de loup.
Mémoire du vide
Marcello Fois
éditions du Seuil,
18,50 euros
FRED ROBERT
Noire Catalogne
L’homme est délicieux. Modeste et disert à la fois,
Gildas Girodeau défend avec conviction sa terre, la
Catalogne du Nord, autrement dit le Roussillon, dont
il souligne les difficultés économiques et craint certains
bouleversements environnementaux. Il parle avec
pertinence du caractère social et politique du roman
noir, de son inscription personnelle dans le cercle du
«polar méditerranéen». Bref, il suscite l’envie de
découvrir le quatrième de ses romans situé comme les
autres en terre catalane. Alors, ni une ni deux, on se
lance avec appétit dans la lecture de Nucléar Parano à
Port-Vendres… Et on reste quelque peu sur sa faim.
Ce court récit ne manque pourtant ni de morts
suspectes, ni de suspense, ni de personnages
attachants. Et cette affaire de crimes dans le milieu
scientifique, ce qu’elle révèle sur les agissements
mafieux de certaines grandes entreprises prêtes à tout,
avec l’accord des politiques, pour accroître leurs
bénéfices au mépris de l’environnement et des vies
humaines, n’est pas sans intérêt. Le livre se lit d’ailleurs
d’une traite.
Pourtant, lorsqu’on l’a terminé, il s’évanouit. Comme
les bulles de champagne, agréables mais éphémères.
De ce polar du terroir catalan, peut-être attendait-on
qu’il soit aussi capiteux qu’un vin des Corbières, aussi
roboratif que le «riz à ma façon» que le héros, Paul
Feder, mitonne amoureusement à bord de sa goélette.
Un peu plus de chair, un peu plus de suc, voilà ce
qu’on aurait apprécié d’un véritable «polar de
résistance».
Nucléar parano
à Port-Vendres
Gildas Girodeau
Cap Béar Éditions,
8 euros
FRED ROBERT
Marseille en alphabet
De A comme Alcazar à Z comme Zou, Zarma ou
Zidane, Frédérique Marin nous convie à une balade
en lettres et en aquarelles dans la cité phocéenne et ses
alentours. Son Abécédaire, livret carré couleur safran,
petit format pratique, se feuillette en tous sens.
Majuscule colorée à gauche, illustration sur la page de
droite, à chaque lettre de l’alphabet correspondent un
ou plusieurs mots, évoqués en images par une artiste
visiblement amoureuse de la ville. Des mots du
patrimoine marseillais, illustrés dans des compositions
colorées pleines de charme et de fantaisie. Noms de
lieux, d’abord, avec par exemple l’Estaque à la lettre
E, Le Vallon des Auffes à V, mais aussi les Quartiers
Nord à Q. Noms communs chers aux Marseillais
ensuite, comme le Pastis évidemment (mais à la lettre
J comme Jaune !), l’OM forcément, la Sardine logiquement ; et aussi le F de Ferryboat, le G de Gabian
et le D de Dégun. L’artiste lance également quelques
clins d’œil à l’histoire, réelle ou imaginaire, de la ville.
Ainsi, à I, on trouve If et son Monte-Christo ; à C,
c’est tout le passé colonial de Marseille qui revit ; et à
R comme Riou, le spectre de la grande peste de 1720.
Frédérique Marin a même trouvé moyen d’illustrer la
lettre K : K comme André Keck, le conducteur du
fameux blindé qui libéra la Bonne Mère en 1944. Et
à X, c’est Xénophile que l’on trouve…
Bref, un fort joli parcours dans des images de
Marseille… Pas d’Epinal !
F.R.
Abécédaire
marseillais
Frédérique
Marin
éditions
Jeanne Laffitte,
10 euros
64
LIVRES
L’enfer à fond de train
Depuis sa sortie, le dernier roman de Mathias
Enard fait beaucoup parler et écrire ; les uns sont
dithyrambiques, les autres le vouent aux gémonies.
De quoi éveiller la curiosité et vous jeter dans le
courant tumultueux de Zone ! Son illustre
prédécesseur Apollinaire, dans le poème éponyme,
ouvrait le recueil Alcools sur une errance dans Paris,
balade désespérée en quête d’une impossible
modernité, collage cubiste d’impressions et de
digressions qui mêlait lieux et époques, légendes,
Histoire et anecdotes. Une révolution poétique
marquée formellement par l’abandon de la
ponctuation.
Enard à son tour relate une errance. Jouant des
anaphores, des accumulations, des associations
d’idées ou de souvenirs, gommant lui aussi
majuscules et points, il nous embarque dans le
convoi bringuebalant et apocalyptique de son
narrateur. Francis Servain, un espion spécialiste de
la zone méditerranéenne, et particulièrement de la
mouvance islamiste en Algérie et au MoyenOrient, a raté son avion. Du coup, il prend le train
de nuit pour Rome, afin d’y effectuer sa dernière
mission.
Le roman démarre en gare de Milan et sera sans
arrêt jusqu’à Rome Termini. Durant les quelque
500 kms de ce voyage au bout de la nuit, le
narrateur va devoir affronter ses démons sans
pouvoir descendre de voiture : «il va falloir se laisser
porter jusqu’à Rome et continuer la bataille, le
combat contre les Troyens grands dompteurs de
cavales, contre moi-même mes souvenirs et mes morts
qui m’observent en ricanant». Dans cette évocation
flamboyante et torturée, le passé guerrier de
Francis en Bosnie resurgit, et avec lui toutes les
guerres, tous les massacres, du sac de Troie au
conflit israélo-palestinien, en passant par le
génocide arménien ou la Guerre d’Espagne… Et le
convoi qui emmène Francis vers son destin n’est
pas sans en rappeler d’autres.
Bref, c’est à une traversée des tragédies
méditerranéennes que ce périple épique invite, à
un parcours vertigineux aussi de la littérature, dont
certains auteurs ou personnages reviennent en
boucle, comme la cadence d’un train qui roule.
Homère, Achille, Joyce, Genet, Céline et tous les
autres, scandant la course vers l’abîme, à tombeau
ouvert. Une fresque violente et splendide dont on
ne sort pas indemne.
Zone
Mathias Enard
Editions Actes Sud, 21,50 euros.
FRED ROBERT
Zone vient d’obtenir le Prix du Salon du Livre
de Beyrouth
Mathias Enard était présent aux Tables Rondes des
Rencontres d’Averroès (voir page 70)
Rushdie l’enchanteur
Lorsque Gérard Meudal, son traducteur, présente
le roman, c’est avec les accents de la fameuse lettre
de Madame de Sévigné, «c’est le plus… le plus…»
On sourit un peu, facilité oratoire de l’hyperbole,
admiration parfois excessive pour ce que l’on a
longuement travaillé… Puis on se pend aux
volutes et aux estampes de la couverture de
l’édition Plon… une plume semble avoir tracé les
premiers mots… «Aux dernières lueurs du jour
finissant, le lac miroitant…».
Un monde digne des mille et une nuits s’ouvre
alors. C’est un conte, une histoire, une fable, un
voyage qui nous mène par toutes les terres connues
et inconnues, l’empire Moghol au cœur des Indes
merveilleuses, Florence, en proie aux rêves de
puissance des Médicis, écrin précieux de l’Italie où
la parfaite beauté d’une Simonetta inspire
Botticelli, et le Mundus Novus de la Renaissance
où l’or coule à flots, et où le temps se module à
volonté (l’on peut même y vivre trois cents ans !)…
Réflexions sur le pouvoir, la manière de régner, de
transmettre, un trône, une histoire, la manière de
vivre avec ou par ses rêves, la manière de les
transcender, de les oublier aussi, pour vivre
réellement, toutes les questions de l’humanité se
retrouvent posées là. Qui y répond ? Le roi
Moghol, Akbar, capable d’aimer une ombre, le
blond arlequin qui sauve sa vie par des histoires,
l’un des trois amis florentins, le Squelette,
maîtresse des parfums, Jodha, la reine qui n’existe
pas ou, plus fascinante encore, Qara Köz aux yeux
noirs, l’enchanteresse ?
Ce conte philosophique et fabuleux met en scène
aussi bien Machiavel, Amerigo Vespucci, ou les
terribles sorcières de la mer Caspienne, capables de
lancer des sorts grâce à leurs mixtures composées
de caviar et de pommes de terre (l’écrivain est libre
de ses anachronismes, n’est-ce pas ?). Salman
Rushdie s’amuse ainsi aux jeux de miroirs, aux
échos, aux reflets qui lui permettent de tisser des
liens subtils entre les histoires, les villes, les êtres, de
dessiner une véritable fresque universelle. C’est un
roman monde, un très grand roman !
MARYVONNE COLOMBANI
Salman Rushdie était présent à la Fête du livre
des Ecritures Croisées (voir page 60)
L’enchanteresse de Florence
Salman Rushdie
Edition Plon, 23 euros
65
Ironie facile
«Depuis que le peu d’esprit des fous a été réduit
au silence, la petite folie des hommes sages se
pavane au grand jour…». Cette jolie formule aurait
de multiples axes de pertinence : celles des fous qui
depuis des lustres dénoncent le capitalisme et des sages
qui viennent d’en découvrir les malversations… Mais
venons-en à nos moutons : c’est certainement à cette
ironie shakespearienne que pensait Clément Rosset
en composant cet écrit satirique en 1969 dont on se
demande bien pourquoi les PUF le réédite. Quelle
misère, pense Rosset à la lecture de plusieurs manuels
de philosophie ! Comment des professeurs éminents
de philosophie peuvent-ils écrire de telles niaiseries :
«pour dialoguer il faut être deux… celui qui mélange
matière et esprit mélange tout….». On en rigole au
début puis le livre devient rapidement ennuyeux ;
ironie inintéressante du pasticheur de manuels de
philosophie sous le ton du naïf qui les prendrait au
sérieux. Rosset nous lasse, il ne dit rien d’intéressant ;
on le savait plus talentueux, mais à sa décharge il
n’avait pas trente ans quand il commit ce livre. Par
ailleurs on s’aperçoit bien vite qu’il est de mauvaise foi.
Il est des philosophes à railler sérieusement tant ce
qu’ils disent aux étudiant et lycéens peut se résumer
parfois à : le scepticisme c’est pas bien, d’autres sont
caricaturés alors même qu’ils défendent des thèses
profondes et novatrices. On ne comprend alors pas la
méthode de Rosset et on décroche : ainsi de la
profonde esquisse d’une théorie des émotions de Sartre
caricaturée par : «le peureux fuit devant l’ours…»
À qui veut s’initier à la philosophie on conseillera l’Anti
manuel de philosophie de Michel Onfray où la joie,
l’impertinence et les éclats de rire sont au service de
textes profonds et d’une pensée limpide et radicale. Si
vous avez trouvé mieux faites le moi savoir. Vraiment!
RÉGIS VLACHOS
Contre les égarements
Dans sa dernière livraison, La pensée de midi s’interroge
sur les menaces de guerre qui s’accumulent
sous les cieux méditerranéens
Thierry Fabre pose la question de la
réalité perçue au travers des médias :
10 soldats Français morts dans l’action
suscitent un émoi que plus de 90
civils, femmes et enfants, morts sous un
bombardement américain, toujours en
Afghanistan, ne provoquent pas. Que
sont donc ces guerres qui se mènent au
nom de la liberté au travers du monde?
Et la Méditerranée, lieu de déséquilibres et d’affrontements, devenue théâtre
où s’exacerbent les rancunes et les haines,
sombrera-t-elle dans la violence ?
L’orage n’a pas éclaté mais il menace !
Comme dans un geste apotropaïque, le
numéro convoque des esprits pour nous
aider à comprendre, et pour -désir fou
mais combien louable- demander à l’esprit de garantir contre les égarements.
C’est d’abord Stéphane AudoinRouzeau, spécialiste de la violence de
guerre, qui explicite la généralisation de
la violence dans les sociétés, notamment
après les grands conflits du XXe siècle.
Mohammed Tozy s’inquiète de la
violence islamiste. Qui sont ces jeunes
djihadistes marocains qui se détruisent
dans une explosion d’abord tournée vers
eux-mêmes ? Quelles sont donc leurs
motivations ? Moustapha Safouan
nous livre de bien intéressantes réflexions sur l’Egypte : Nasser, le libérateur, a éteint les Lumières égyptiennes
avant que Sadate ne lance les islamistes
sur le devant de la scène. Violence
encore au travers de la langue arabe classique, celle du Coran, qui permet de
légitimer les pouvoirs contre le peuple.
Remarquable enquête aussi de Michel
Péraldi sur la condition migrante, où
l’on peut comprendre quels espoirs se
nichent chez ces hommes en partance,
qui sont bien différents des épouvantails
qu’exhibent trop souvent les T.V. Quant
à la conclusion de Thierry Fabre, elle
appelle à résister à l’esprit du temps, au
mépris, au cynisme, à fonder une communauté méditerranée sur l’empathie,
la compréhension et l’intelligence, à
sortir de la guerre pour espérer la paix.
RENÉ DIAZ
Des rencontres autour de cette
parution sont organisées à Marseille,
Aix, Toulon (voir page 67).
Désirs de guerre
Espoirs de paix
La pensée de
Midi, n° 26
Actes Sud,
17 euros
Ecrits satiriques
Clément Rosset
Editions Puf, 14 euros
De la recherche
à temps perdu
C’est l’histoire d’une longue errance
intérieure ; un homme, que les autres
désigneront sous le nom de «Plisse», se
retrouve à déambuler dans une grande
ville qui pourrait être Marseille. Il se
souvient d’être parti, d’avoir quitté une
femme qui pourrait être la sienne. Le
début du roman le trouve à la recherche
d’une «petite caisse en bois», métaphore
possible d’un lieu où se regrouper, se
rassembler afin de tenter de restaurer une
unité bien compromise. Suite à une rixe
entre SDF, il atterrit dans un drôle d’institut où il est diagnostiqué «amnésique».
Le texte, écrit essentiellement à la
première personne, plonge le lecteur
dans la conscience du personnage : les
perceptions du dehors lui parviennent
de manière fragmentée, incertaine et
filandreuse. Les rencontres avec les
autres patients qui pourraient être ceux
de n’importe quel hôpital psychiatrique
l’amènent parfois à se retrouver, le plus
souvent à se perdre encore plus loin. Il
y a là toute une galerie de malades
mentaux, de personnel du monde
psychiatrique assez ressemblants. On
suit donc ce Plisse dans ses déambulations mentales et physiques, sans
lien, sans objet : tout devient sensations,
attention soutenue aux signaux émis
par le corps. L’angoisse est omniprésente ; celle de savoir qui l’on est, ce
que l’on a fait, ce que l’on va devenir.
L’aspect forcément décousu de la
narration se prolonge et s’amplifie par
un usage continu de l’imparfait qui
dilate à l’extrême le temps et fait de
chaque instant une éternité. C’est sans
doute une des faiblesses du roman ; le
lecteur peut accepter d’être perdu, de
suivre les pérégrinations d’un amnésique en quête de lui-même, sous
conditions : soit de suppléer par la
beauté de l’écriture à la traditionnelle
succession narrative, soit d’être pris et
emporté par la force des personnages,
par l’originalité des actions. On reste là
incertain, vaseux et flottant, comme
quelqu’un qui aurait désappris à être.
SYLVIA GOURION
On peut attendre longtemps
à l’horizontale
Ivan Apostolo
Presque lune, 19,50 euros
66
PHILOSOPHIE
LIVRES | AGENDA
Politique du savoir
«Il ne peut y avoir révolution que là où il y a conscience.»
On peut prendre appui sur cette belle
formule de Jaurès pour déguster les neuf
brillantes contributions de ce volume
des éditions Parenthèses qui met à disposition les interventions de spécialistes au
Conseil Général dans le cadre de l’échange
et diffusion des savoirs durant la saison
2000-2001.
Le thème était savoir et démocratie. Tiens,
Jaurès justement, dont on fêtera bientôt
le 150e anniversaire de la naissance. Il
fait l’objet d’une contribution de
Madeleine Rebérioux. On respire à se
rappeler avec elle ce que signifiait le
terme socialiste ! Au jour d’un congrès
porté par des figures politiques converties au marché dans la plus totale
apostasie de la cause du peuple et des
luttes, il est bon de se rappeler Jaurès aux
côtés des ouvriers à Carmaux, se faisant
charger par la police… Simple anecdote qui cible la nécessité pour la pensée
de se nourrir de l’action (et vice versa…).
À cette condition d’empathie à la réalité
sociale, les mots de Jaurès ont leur actualité : «l’humanité adviendra en passant
par le socialisme» ; pourquoi le P.S. s’estil débarrassé de ces pratiques, et de la
critique élémentaire du capitalisme qui
s’en suit, et qui s’enfuit, à sa gauche dans
le clan du postier ?
Question de mémoire alors comme le
rappelle Vernant, processus complexe,
pluriel et dynamique : «il n’y a pas une
mémoire qui serait un organe mais des
productions intellectuelles qui utilisent
les moyens qu’une civilisation se donne» ;
mémoire ouvrière ou mémoire dominante : on choisit. Car il n’y a pas
d’événement en soi, rappelle Vernant,
il est toujours pris dans l’horizon du
vécu dans lequel il a un sens. Choix
politique de la mémoire alors ? À lire
passionnément.
Enjeu politique toujours avec Myriam
Revault D’Allonnes qui vient s’inter-
roger sur les valeurs normatives de l’idée
de démocratie : sommes-nous vraiment
sortis des définitions de Benjamin
Constant qui décrivait la liberté des
modernes comme la seule jouissance
paisible de l’indépendance privée ?
Une telle définition de la démocratie,
si formelle, fait disparaître les conflits
qui donnent consistance à l’existence
politique.
Question sociale toujours avec Robert
Castel : il se penche sur l’État social au
moment où la misère n’est plus vue comme une donnée congénitale de ceux
qui la portent, mais comme une production sociale ; et aussi lorsque la gestion
de la pauvreté devient une affaire
publique arrachée à l’Église, administratrice principale de la charité. L’État
a-t-il endossé ce rôle par souci humaniste, ou par volonté de contrôle politique
de la violence sociale potentielle que produit le mode de production capitaliste ?
Philosophie d’hippopotame
Marcel Gauchet sera à l’hôtel
du département pour une
conférence à ne pas manquer
sur une crise1, encore une !
celle de l’effondrement du
sens des savoirs
Les analyses de Marcel Gauchet sont
une mine d’intelligibilité politique qui
permet d’expliquer la crise à plusieurs
niveaux de compréhension philosophique. Tout d’abord, la sortie du religieux
il y a plus de deux siècles. L’ordre social
n’est plus subi et imposé par un passé
occulte et invisible qui définit, une fois
pour toute, ce que les hommes doivent
être. On découvre la société comme
un artifice humain, et, par là-même, la
politique devient l’affaire des hommes
eux-mêmes : cela donne le passage de la
transcendance à l’immanence. Monde
désenchanté, sans son Merlin ou son
Dieu.
Petit hic ! Au cadre divin se sont substituées trois nouvelles idoles : le progrès,
le peuple et la science. Outre le fait
que ces idoles sont en crise, elles n’en
demeurent pas moins des idoles puisque
la croyance en la science est elle-même
une croyance. C’est en ce sens ces
croyances sont à leur tour frappées de
décroyance…
En fait cette sortie du religieux a un
coût : on ne se débarrasse pas en deux
siècles de deux millénaires au moins de
domination religieuse. Non pas tant
qu’elle resterait présente, ou que nous
n’aurions pas trouvé, comme le disent
les pitres réactionnaires des «valeurs»
pour remplacer les siennes ; le coût de
ce passage est l’invention de l’individu,
invention qui ne va pas de soi et qui est
le pivot des analyses de Gauchet.
Nous nous sommes mis à croire à un
individu libre, alors qu’ils est une production sociale : la crise de nos sociétés
réside dans cet aveuglement sur la
nature véritable de leur fonctionnement, au travers duquel on construit cet
être hypothétique mais essentiellement
valorisé qu’est l’individu autonome. Si
l’on comprend que l’on n’est pas libre le
libéralisme économique s’effondre !
Est-ce pour autant que cet exercice de
lucidité porte en lui les velléités d’un ordre
totalitaire comme seule alternative ?
Binarité intellectuelle d’hippopotame,
on vous disait en note liminaire !
R.V.
Que nous arrive-t-il ? Sur
l’effondrement du sens des savoirs :
La conférence de Marcel Gauchet,
historien et philosophe
aura lieu le 4 décembre, à 18h45,
à l’Hôtel du département,
04 96 11 24 50,
www.cg13.fr
1
Cela n’a rien à voir avec le propos
de Gauchet mais ça nous suggère
une piste : et si la crise actuelle
était justement celle de la
connaissance ? N’avons-nous pas
affaire en fait à un immense
aveuglement depuis des années ? À un
système qui va droit dans le mur
mais qu’on laisse faire parce qu’il n’y
en aurait pas d’autre, nous disent
les penseurs à la binarité.
On s’aveugle ou on comprend ? Prenons
le pari de lire ce livre pour avoir savoir
et conscience ! Et déterrer les conditions
de possibilité d’une révolution, comme
disait Jaurès ?
REGIS VLACHOS
Savoirs et démocratie
Ed. Parenthèses, 18 euros
67
MARSEILLE
Rencontres avec :
- Aude de Kerros, L’Art caché,
ouvrage paru aux éditions Eyrolles.
Le 28 novembre à 18h.
Espace Ecureuil,
04 91 54 01 01
Rencontre avec Emmanuel Laugier
dans le cadre d’une conférence sur
l’Approche de l’art sacré.
Le 24 novembre à 18h.
Leclere, maison de vente aux enchères,
04 91 50 00 00,
www.damienleclere.auction.fr
À l’occasion de la parution de son
nouveau numéro Désirs de guerre…
Espoirs de paix (voir page 65), la
Pensée de midi organise trois
rencontres-débats :
Le 24 novembre à l’Institut
d’Etudes Politiques (18h), à Aix,
avec Stéphane Audoin-Rouzeau,
historien, et Mohamed Tozy,
politologue et anthropologue
- Le 2 décembre à l’Institut culturel
italien (18h30), à Marseille, avec
Daniel Lindenberg, historien,
Amara Lakhous, écrivain,
Biancamaria Bruno, rédactrice en
chef de la revue Lettera Internazionale
et Mohamed Tozi
- Le 3 décembre à la Faculté de
droit de Toulon (18h30), avec
Daniel Lindenberg, Biancamaria
Bruno et Mohamed Tozi
Toutes les rencontres seront animées
par Thierry Fabre, rédacteur en chef
de La Pensée de midi.
04 96 12 43 19,
www.lapenseedemidi.org
Double Jeu / Double Je, l’artiste
et ses figures
Soirée de clôture du colloque organisé
par le Département des Arts
Plastiques et des Sciences de l’Art de
l’Université de Provence Aix-Marseille
I. Performance de Dominique Angel
et projections de vidéos-performances
de Éric Duyckaerts, Rodney Graham,
Arnaud Labelle-Rojoux, Jacques
Lizène, Saverio Lucariello, Paul Mc
Carthy, Ugo Rondinone, Roman
Signer, Pierrick Sorin.
Conférences
Le 21 novembre à 20h30.
Montévidéo,
04 91 37 97 35
www.montevideo-marseille.com
Ils construisaient des bateaux – La
construction navale à Port-de-Bouc
et à La Ciotat (XIXe et XXe siècles)
Conférence de Jean Domenichino.
Le 25 novembre à 18h30.
ABD Gaston Deferre,
04 91 08 61 00
www.biblio13.fr
Exposition-événement de Michel
Butor : présentation d’un choix de
livres d’Artiste de Michel Butor,
parution de Collecte, livre d’Artiste
(Atelier Vis-à-Vis, coll. Vice-Versa).
Exposition du 21 novembre au 20
décembre, lecture de Collecte le 21
novembre à 18h par Jean-Claude
Niéto. Michel Butor sera présent lors
du vernissage le 21 novembre à 17h
45 à la Galerie-Librairie Paradigme.
Atelier Vis-à-Vis
04 91 33 20 80,
http://ateliervisavis.com
Israéliens et Palestiniens, des
voix(es) pour la paix :
rencontres/débats avec Shlomo
Sand, historien, auteur de Comment
le peuple juif fut inventé (Fayard)
et Les mots et la terre (Fayard) ;
Michel Warschawski, président du
mouvement israélien Centre
d’Information Alternative, auteur de
À tombeau ouvert, la crise de la société
israélienne (La Fabrique), Programmer
le désastre (La Fabrique) et La
révolution sioniste est morte, Voix
israéliennes contre l’occupation 19672007 (La Fabrisue) ; et Issam
Makhoul, sociologue et directeur du
Centre d’études israéliennes et
palestiniennes de Haïfa.
Le 20 nov à 19h.
Librairie Paidos
04 91 48 31 00
Le liber paradisius et les dispositions
de libération de l’esclavage : Bologne
1257 : conférence de Giovanna
Morelli, professeur d’histoire du droit
médiéval et moderne à la faculté de
Droit de l’Université de Bologne à
l’occasion de la Journée mondiale des
Droits de l’Homme. Le 10 déc à 18h
à l’Institut culturel italien
et le 11 déc à l’Universiré
paul Valéry à Montpellier.
Institut culturel italien,
04 91 48 51 94,
www.iicmarsiglia.esteri.it
Projections de vidéos
du 1er au 5 déc de 13h à 17h. Conférence de Sylvie Coëllier
sur Raphaël Zarka, en partenariat avec
la Galerie Michel Rein/Paris. Le 4 décembre à 19h.
3bisf
04 42 16 14 75
www.3bisf.org
AIX
Lecture autour des textes de
François Gilly à l’occasion de
l’exposition de son travail intitulée
La Sainte Victoire n’existe pas.
Le Café des mots
04 42 21 67 52
Dans le cadre du cycle sur La Figure
du Collectionneur, Maître Olivier
Deblanc, avocat au barreau de Paris,
anime une conférence sur La figure
«juridique» du collectionneur : la
recherche d’un statut du collectionneur.
Le 20 décembre à 17h.
Galerie La Non-Maison,
06 24 03 39 31,
www.lanonmaison.com
AVIGNON
Exposition Animals, 17 toiles réalisées
par 17 peintres siennois sur les 17
Contrades de Sienne. Jusqu’au 7
décembre.
Théâtre du Chêne Noir,
04 90 86 58 11
www.chenenoir.fr
ISTRES
Rencontre-débat autour de la place
du dessin dans l’art contemporain, à
l’occasion de l’exposition
d’Abdelkader Benchamma qui se
déroule jusqu’au 21 décembre, avec
C. Lorin, M. Barjol, C. Girieud, A.
Benchamma, C. Boursault et N.
Privat. Le 6 décembre de 14h à 18h.
Centre d’art contemporain
intercommunal à Istres,
04 42 55 17 10
68
SCIENCES ET TECHNIQUES
© Tonkin Prod.
Les Diafoirus
de la corbeille
Ô Zibeliniennes, zibeliniens, comme
vous aujourd’hui j’écoute avec
anxiété l’avis avisé des «scientifiques
et techniciens» de la phynance,
oracles très en vue des «Sciences
Economiques». Dans les viscères
d’équations complexes, de modèles
non linéaires prétendument inexplicables, stochastiques, chaotiques,
ergodiques et pour l’instant spasmodiques, ils cherchent la résolution
scientifique du problème de la
quadrature de la récession… Oh !
pardon ! de la «croissance négative»
(si sic !). Ils quêtent la pierre
philosophale des corbeilles d’abondance. Ils s’appliquent à lire dans les
marcs thématiques de café, les signes
rassurants de la «reprise», facteurs
qui sonnent toujours deux fois à la
porte de la divine et envoûtante
Croissance.
Ils lisent donc, dans les «baromètres
mensuels», les indices du redémarrage. De la «prise de bénéfices» à
l’«attente de l’index primordial» en
passant par les «tendances des places
mondiales», les gourous de la corbeille prédisent sur des modèles tous
aussi infaillibles les étapes de la
maladie ; nous en sommes au début,
au milieu, à la fin. La pathologie sera
longue, courte, infantile, sénile. Il
faut «appliquer tel ou tel remède» de
cheval, «injecter» tant et tant de
milliards, «éponger» telle ou telle
dette, endiguer telle «hémorragie»
Sciences
éco-comiques
pour éviter «la fièvre des marchés». En «baissant ses
taux directeurs», la banque centrale espère d’ailleurs la
calmer ! Nos Diafoirus énarques se «penchent au chevet»
de la «balance commerciale», on prend «le pouls du PIB»,
la «température de Wall Street», on tente de «réguler la
tension des marchés».
Et de fait, les docteurs Folamour de la phynance ayant eu
bu la coupe pataphysique et mathématique jusqu’à la lie
et l’hallali, se mutent en professeurs de médecine
traditionnelle, allopathique, homéopathique mais toujours
antipathique.
Les Pères régulateurs
La «note sera salée», car le contribuable devra mettre «la
main à la poche», on tapera dans l’épargne populaire, il
faudra faire appel à la «solidarité nationale» concepts
considérés comme éculés voici encore quelques semaines
par nos technocrates. Ils retournent leurs vestes et nous
démontrent scientifiquement qu’en ces temps libéraux
l’intervention de l’état redevient soudainement prépondérante : on privatise la poste et EDF (et son nucléaire)
mais il est sain de re-nationaliser la banque.
Le capitalisme invente la Sécurité Asociale pour payer
les honoraires des docteurs du FMI ! (à ceux qui jouent
au docteur avec leurs collaboratrices ?). Il faut dire que
ces «spécialistes» prétendent qu’il ne s’agit pas d’une
crise structurelle du système économique libéral mais
seulement de la dérive de quelques brebis galeuses. Ce
n’est qu’un étourdissement provoqué par de jeunes fous,
et le malaise dans la civilisation se mue en crise
d’adolescence, le docteur devient pédopsychiatre, et le
pataphysicien psychologue. Malheureusement, dans ces
secteurs, les honoraires ne sont plus conventionnés et
les parachutes dorés qui évitent aux PDG indélicats de
tomber dans de terribles déprimes, seront coûteux aux
assurés peu rassurés. Mais tout va bien car le «Grenelle de
l’environnement» veille au développement du capitalisme
durable : les anciens CODEVI deviennent «compte épargne pour le développement durable» ; le prix des objets
de consommation est assorti d’une «éco-taxe»… Ça y est!
L’économiste s’est converti à l’éco-logique et brandit la
menace environnementale pour justifier scientifiquement
de nouveaux prélèvements obligatoires et profits non
libératoires ! Taxe sur les gobelets, les sacs plastique,
l’eau, l’air, les mouchoirs en papier… les ratons laveurs
(et, qui sait, les Zibelines ?).
La bio-science du profit est en train de naître. L’assuré
est condamné à la santé à mort, il est taxé pour boire sa
bibine, fumer son mégot et vivre ses fantaisies. Le
grand inquisiteur du G8 le soumet à la question pour
le laver de tout soupçon, l’absoudre du péché d’écoignominie et d’auto-imprudence.
La pub Ubu
France Inter le 26/10/2008, publicité : «Le passage
à l’heure d’hiver c’est l’occasion de changer de
montre !». Logique écrasante, implacable : pendant
la semaine du blanc, on change de draps et de
torchons. Au printemps, on refait les peintures. Et
puis pourquoi pas : à la Saint Valentin, on change
de copain ! Pour ton anniversaire, change de
propriétaire ! Et pour la Toussaint, enterrez vos
voisins !
Car enfin, pour que l’économie scientifique
fonctionne, pour que les «bons modèles» opèrent,
c’est au consommateur d’y mettre du sien. Ah la la
la vie en rose, le rose qu’on vous propose, qui
donne envie d’autres choses… Soufrez, salariés,
que la banque se serve dans vos économies, sur
votre travail pour le plus grand bonheur du maître
de la phynance mondiale. Le grand modèle écocomique a parlé. Il a dit de faire le ménage dans la
consommation des ménages, de tout jeter pour
tout remplacer. Car il faut à tous la Déesse à aile
illimitée, un télé faune au port détestable, l’écarte
bleu, un crédit à taux variable, un lecteur dévidé,
un homme cinéma, une berline décapotée, un porte
ail électrique… le ratatine ordure et un coupe
friture. Comme il faut que les entreprises soient
libres de licencier massivement les travailleurs pour
favoriser le pouvoir d’achat et l’emploi, a dit
Laurence Parisot sur France Inter.
Les Knock de la crise
Les technocrates de l’économie nous imposent leurs
«il faut» et «yaka» comme les médecins de Molière
appliquaient le clystère. Ne restons pas malades
de leur imaginaire. Guérissons-nous de leurs
prescriptions délirantes et échappons à ces
docteurs Knock de pacotille. Ne prenons plus leurs
incantations pour des analyses scientifiques, leurs
prophéties vénales pour des diagnostics infaillibles.
L’économie n’est pas indépendante du politique.
Réapproprions nous le politique, pour avoir enfin
une chance de nous libérer de leur économie
consumériste.
YVES BERCHADSKY
Au programme
69
Le 13 nov dernier débutaient les 3e Rencontres
Internationales Sciences et Cinéma au CRDP à
Marseille. La soirée d’ouverture offrait à 20h un
«buffet des sciences» suivi par la séance 4 intitulée «Recherches», durant laquelle étaient projetés
deux courts métrages accompagnés de débats
avec des chercheurs, et le réalisateur Mathias
Théry avec Etienne Chaillou (spécialiste du film
d’animation) du second film de la soirée Cherche
toujours. Les Zibelecteurs qui ont lu l’alexandrin
article du Zib12 comprendront l’enthousiasme de
votre humble servitesteur pour ce petit chefd’œuvre de poésie cinématographique ! Ce film
n’est malheureusement pas encore distribué par
la société Les films d’ici qui l’a produit à la demande de «Sauvons la Recherche» pour être diffusé
sur ARTE dans une soirée Thema le dimanche 16
novembre avec, pour notre plus grand bonheur des
rediffusions le 19 nov à 09h55 et le 26 nov à 5h.
La scénographie de ce «reportage» sur le rêve de
curiosité et les curiosités du rêve distille un subtil
mélange des libertés infinies entre l’esthétique
imaginaire du cinéaste et de l’idéal esthétique
d’une modélisation rigoureuse du monde. Du brassage des sables émouvants de l’équipe Système
hors équilibre de l’unité CNRS Matière et Systèmes Complexes, aux animations graphiques qui
tentent de retracer les fantasmes de puissance du
chercheur sur une connaissance sensuelle et vivante de l’univers sensible, s’écrit une fresque de la
vie intérieure humaine d’une équipe de chercheurs
passionnés. Rien de faux, tout d’onirique et au bout
du désir de savoir… le doute… l’erreur profonde,
vivante et prometteuse ! Cher Zibelrêveur ne
manque pas les rediffusions de Cherche toujours
sur ARTE et, au RISC de me répéter, encore bravo
à l’entreprise de Polly Maggoo.
À l’heure où le Zibelcurieux lit ces lignes, les
lumières de la Fête de la Science 2008 commencent à décliner, mais il reste encore quelques jours
jusqu’à l’extinction annuelle des feux le 23 nov
pour profiter des belles animations et initiatives qui
égayent encore le paysage scientifique régional.
Et si d’aventure une escapade en Haute Provence
vous sied, ne négligez surtout pas les manifestations de Digne Les Bains pour discuter des goûts
et des couleurs et du musée préhistorique de
Quinson dont nous ne cessons de vanter les
mérites !
Pour faire son choix dans les abondants reliefs du
banquet 2008 : www.fetedelascience.fr/deliaCMS/manifestation/programme/geographie_id-21
Et si Zibeline rappelait qu’en janvier 2003, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille et le
Théâtre du Merlan scène nationale ont conclu
un jumelage visant à favoriser le développement
de projets artistiques au sein des hôpitaux ? Ce
jumelage s’inscrivait dans le cadre de la convention partenariale signée en 1999 entre le Ministère
de la Culture et le Ministère de la Santé pour le
développement des activités culturelles à l’hôpital. Depuis, dans le cadre de ce partenariat, un
ensemble d’initiatives communes ont été menées.
Cette année, à l’Espace Ethique Méditerranéen,
au cœur de l’Assistance Publique des Hôpitaux ou
à l’Alcazar, au cœur de la ville de Marseille, les rencontres proposent d’explorer différents visages de
l’imagerie médicale et d’offrir l’occasion d’échanges
et de débats autour de personnalités diverses
(sociologue, philosophe, anthropologue, radiologue, psychiatre, historien, écrivain ou metteur en
scène).
Le 28 nov, L’imagerie médicale à l’épreuve de l’éthique
à l’Espace Ethique Méditerranéen, Hôpital Timone
Adultes.
Le 29 nov, Transparence du corps à la découverte
du fœtus en gestation à l’Auditorium de la bibliothèque de l’Alcazar.
Voir aussi, pour les Zinéphiles Théâtrovores,
pages 11 et 57.
04 91 11 19 20
www.merlan.org
www.timone.univmrs.fr/medecine/actualite/CONGRES/actualite_con
gres_ethique.htm
Enfin, le 20 nov, se tiendra à l’Hôtel de Région à
Marseille, 27, Place Jules Guesde, le 6e Forum
Régional de Culture Scientifique et Technique
«Sciences et citoyenneté» autour, cette année, du
thème Les paradoxes du progrès. L’accès à cette
manifestation se fait par entrée libre sur inscription. Le champ des publics concernés et invités
s’est révélé les années précédentes assez large
pour mériter que les Zibelcurieux (mais aussi les
Zibelinstitutionnels) soient informés de sa
tenue.
www.asts.asso.fr/site/manif.php?id=184
70
HISTOIRE
LES RENCONTRES D’AVERROÈS
Souffrant parfois d’une
absence de contradiction,
d’un consensus de surface
des intervenants, les
Tables Rondes d’Averroès
ont posé mille questions
et suscité débats et
conversations… quand
l’assistance a pris la
parole! Elle a posé les
questions évitées par des
intervenants… trop polis ?
Les conditions
Premiere Table ronde avec, de g. a d., Ali Ben Makhlouf, Jocelyne Dakhlia,
Emmanuel Laurentin, Marwan Rashed © I. Lesieur_Espaceculture/Marseille
Résumons les pensées…
Entre Mahomet et Charlemagne,
faille irréductible
ou monde commun?
Désireux d’expliciter le titre de la première table ronde,
Emmanuel Laurentin rappela qu’il se référait à un article d’Henri Pirenne, paru en 1922. L’historien y
avançait qu’une «rupture» avait eu lieu dans l’ensemble
méditer-ranéen avec les conquêtes arabes. L’Islam
s’imposait alors progressivement sur les terres
acquises. Pirenne, rattaché au courant nationaliste,
bouleversé par l’affron-tement meurtrier de 14-18,
cherchait à trouver un sens au monde européen
ébranlé. Pour expliquer le passage de l’empire romain,
centré sur la Méditerranée, à un monde européen terrien
et nordique, il émit qu’il résultait de la domination de
l’islam en Méditerranée. Les participants furent unanimes pour réfuter cette hypothèse. Si la formulation
des affrontements entre civilisations soutenue récemment par Huntington, ou la nécessité de définir
une nouvelle Europe après la chute du mur de Berlin,
ont pu réactiver cette idée, la rupture n’a jamais eu
lieu !
Pour Marwan Rashed l’islam est bien une inflexion
dans l’histoire de la Méditerranée. Le monde arabe ne
rompt pas avec ce qui le précède. Il reprend les traditions grecques mais aussi persanes ou sanskrites.
C’est cette fusion, cette production d’une synthèse
nouvelle qui parvient à la rive chrétienne de la
méditerranée septentrionale. L’exemple de la science
astronomique le montre. Les arabes ont utilisé au
départ la science sanskrite puis, lorsqu’elle s’avéra
limitée, l’ont enrichie des découvertes grecques. Ali
Ben Makhlouf renchérit : l’astronomie arabe se répand
en Europe à travers l’école de Padoue. Elle conduit aux
découvertes de Galilée.
Insistant sur les continuités, Jocelyne Dakhlia évoqua la lingua franca, langue forgée sur les bords de la
Méditerranée. Construite essentiellement à partir de
langues romanes, elle est utilisée par les marins et
les marchands comme par les prisonniers ou les esclaves. Langue d’un monde métissé, le monde musulman
la pratiquait. Il ne s’est donc pas isolé, contrairement
à ce que soutient Lewis, l’historien américain pour qui
l’isolement est l’explication du déclin arabo-musulman !
Au contraire, ses sociétés sont ouvertes : le talent y est
un mode de promotion, ce qui n’est pas le cas dans la
chrétienté romaine. De la même façon, ajoute Marwan
Rashed, un penseur arabe peut étudier de manière
critique la révélation islamique au IXe siècle, et être
qualifié, un siècle plus tard, de penseur subtil. Tolérance
encore entre un ministre abasside et des traducteurs
chrétiens : invités aimablement à la conversion, ils
rétorquent avec une ironie mordante qu’il n’y a nulle
supériorité de l’islam. Un tel échange, au même moment, sur la rive européenne de la Méditerranée, n’avait
aucune chance d’exister !
La conclusion de la Table Ronde fut nette. La vision
d’un orient arabe, étranger, fait d’obscurantisme et de
rejet, bâti sur des préjugés très anciens, doit être
abandonnée…
Entre islam(s) et laïcité(s),
fractures durables ou convergences
possibles ?
Abdennour Bidar, auteur d’un remarquable Pour un
existentialisme musulman, affirme qu’il n’y a pas de
fracture irrémédiable entre laïcité et islam. La question
renvoie au problème du multiculturalisme : quelles
sont les limites acceptables, dans des sociétés qui se
Deuxième Table ronde avec, de g. ̀a d., Ali Maklouf, Jocelyne Dakhlia,
Emmanuel Laurentin, Marwan Rashed© I. Lesieur_Espaceculture/Marseille
sécularisent, des particularismes religieux ? Mustapha
Chérif, ancien ministre algérien, précise que ces questions se posent dès lors qu’il s’agit de définir un «être
en commun». Franck Fregosi note qu’en France il y a un
accommodement raisonnable des musulmans avec les
lois de la République, que l’adaptation à la laïcité est
en train de se faire. Mais que les musulmans demandent
aussi que la République intègre certains particularismes.
Le problème surgit alors : lesquels sont acceptables ?
Abdennour Bidar souligne que les horaires réservés
dans les piscines, les médecins femmes… sont des
demandes qui proviennent d’une fraction minoritaire.
Cet islam très conservateur monopolise le débat. En
fait les musulmans tâtonnent, partagés entre le souci
de rester dans une filia-tion et celui de se penser en
Europe.
Pour Cengiz Aktar, le choix entre fracture et convergence dépendra de la capacité de l’Europe à se saisir
de la candidature turque. Le gouvernement élu depuis
1970, la notion de «démocrate musulman» empruntée
à celle de «démocrate chrétien», la laïcité turque calquée
sur le modèle français, tout cela fait que la Turquie
pourrait permettre de déplacer le débat, de lui donner
une dimension concrète : pour obliger l’Europe à
repenser la laïcité, y compris pour des pays comme la
Pologne ; pour obliger les Turcs à admettre la laïcité
comme une nécessité politique, et non comme une
contrainte imposée par le haut et garantie par les
militaires…
Mustapha Cherif soutient que le monde musulman est
celui qui s’oppose le plus franchement à la marchandisation, et que les musulmans se définissent souvent
par ce droit à la résistance et à la singularisation. Il
met en garde contre une confusion fréquente entre les
théories, fraternelles, et les pratiques, violentes : le
djihad n’est pas plus dans l’islam que le goulag dans
Marx. Mais pour qu’il y ait réellement convergence,
il faut bâtir une maison commune, une structure
d’alerte contre les discriminations, une solidarité qui
soit humaine et non religieuse.
Abdennour Bidar, par une pirouette (sophiste ?), souligne la double chance de la confrontation entre islam
71
du débat
et laïcité : elle peut permettre à l’islam
de se remettre en mouvement et de sortir
de l’absence d’exégèse dont il souffre,
et à l’occident de poser à nouveau la
question spirituelle. Il s’agit de trouver
un sens commun de la liberté, de la justice, de la tolérance, de la laïcité. De
produire des pensées métissées universelles, et non des systèmes valables dans
des zones.
Mais Franck Fregosi affirme que si la
laïcité a des fondements philosophiques, elle existe par la loi, que l’État
doit garantir la liberté de croire ou ne
pas croire. Ce qu’Abdennour Bidar
complète : la liberté de conscience n’est
pas suffisante ; la liberté de penser est
nécessaire, et l’État doit garantir pour
chacun la possibilité de construire un
sens critique… Par l’école, et tout ce
qui permet à la pensée de circuler !
Entre Djihadisme
et occidentalisme,
nouvel affrontement
des blocs et renaissance
méditerranéenne
L’ultime débat avait pour but de décrypter l’opposition entre islam et occident:
une lecture du livre de Mathias Enard
(voir page 64) fit surgir une Méditerranée de tueries, de cadavres et de
tombes. L’auteur précisa que le partage
y a aussi sa place : la Méditerranée fait
rêver, même si parfois cela prend la
forme du cauchemar.
Nadia Yassine livra à son tour sa vision
de la Méditerranée. Représentante d’un
mouvement islamique marocain nonviolent, justice et spiritualité, elle
affirma la nécessité du dialogue, tout
en notant que cette zone était belligène
depuis la nuit des temps, et que la
guerre n’est pas propre à l’islam.
Pour Mohamed Tozy, l’idée même de la
Méditerranée actuelle est une fabrication essentialiste, liée à des singularités
de cet espace comme la famille, la vengeance, le rapport au temps : c’est une
méditerranée factice. En fait, elle est
construite par la violence et la contrainte,
alors qu’elle devrait être un choix d’avenir.
Sur la sollicitation de Thierry Fabre
qui menait les débats, Tozy décrivit le
Djihadisme comme une idéologie, athée,
récente. Le mot Djihad, qui renvoie à
l’effort, n’est pas utilisé par les nationalistes maghrébins : ils employaient le mot
résistance ; les palestiniens celui d’Intifada… La première définition notable est
celle de Sayyed Qutb, militant des frères
musulmans. Pour lui la société musulmane doit être nettoyée de l’influence
occidentale. Mais la réalité violente du
Djihad apparaît surtout avec la guerre
du golfe. Les Salafistes, devant ce qu’ils
considéraient comme une souillure, refusèrent de voir l’installation de l’armée
américaine en Arabie Saoudite, et versèrent alors dans une protestation armée.
Pour Nadia Yassine, le Djihadisme n’est
pas un avatar de l’islamisme, et l’islamisme n’est pas une maladie de l’islam.
Il s’agit d’une réponse dans un contexte
de domination américaine, d’une crispation identitaire basée sur la religion.
Troisième Table Ronde avec, de g. ̀a d. Mohammed Tozy, Thierry Fabre,
Nadia Tassine et Mathias Enard© I. Lesieur_Espaceculture/Marseille
Dans un monde qui se désécularise, elle
affirme la nécessité d’un pacte islamique
pour la société. La démocratie, la femme, l’échange et le refus de la violence
doivent y avoir toute leur place. Il faut
désamorcer la colère d’une jeunesse emportée par son mal-être : l’expérience
soufi y a toute sa place.
Mathias Enard intervient pour relever
la fascination de la mort que l’on trouve
dans ce type de mouvement (le Djihadisme). Pour lui l’adhésion à l’idéologie est
moins déterminante que l’adhésion au
groupe. Le «viva la muerte» de la légion
espagnole ralliée à Franco l’illustrait à
merveille ! Et Tozy rappelle combien le discours sur l’héroïsme prime pour les
candidats au martyre.
Face aux néo-conservateurs américains,
symbolisés par Huntington et son
«choc des civilisations», un courant antioccidental s’est largement développé,
l’occidentalisme. Déjà présent chez les
Russes du XIXe siècle, relayé récemment
par les penseurs de l’islamisme radical,
ce courant présente l’occident comme un
modèle d’inhumanité avec ses mollesses
et ses perversions, son esprit décadent.
Yassine ne souscrit pas à cette vision
monolithique : noirceurs et lumières se
juxtaposent selon elle en Occident. Elle
prétend que l’échange permettra d’éviter la confrontation et le repli sur soi.
L’altermondialisme lui semble donc propice pour construire des relations
nouvelles entre le Nord et le Sud.
Enard pense que l’arrivée d’Obama permettra le triomphe du droit sur la force.
Ces changements s’effectueront lentement. Il insiste aussi sur une évidence:
l’islam et le monde arabe font partie de
l’occident ! Dans ce cadre, la Méditerranée peut permettre de dépasser les
clichés et les incompréhensions. L’union
de la méditerranée est à construire dans
un partage et une égalité entre les
composantes. Difficile d’accepter dès
lors le projet promu par Sarkozy qui
créé un déséquilibre irrémédiable (nous
avons les cerveaux, vous avez les bras…).
Les fractures se situent surtout entre les
riches et les pauvres, entre les démocraties et les dictatures, entre la présence
ou l’absence de l’état de droit. Tozy
pose comme préalable la mobilité des
populations, tant du point de vue économique que culturel. Yassine rappelle
que la pauvreté de la vie intellectuelle
et l’absence d’élites capables de susciter
une opposition contribue au maintien de
pouvoirs autoritaires...
RENE DIAZ ET AGNÈS FRESCHEL
…et relayons
les questions en suspens!
Dans la salle, après le second débat une spectatrice s’émut de l’absence de
femmes à la Table Ronde qui parlait de particularismes acceptables… et rappela
qu’un des écueils à la convergence était la désappropriation de leur corps dont
étaient victimes les femmes musulmanes… Elle dit encore que l’internationale
des croyants qui s’était constituée, et dont parlait monsieur Chérif, n’était
composée que d’hommes, ce qui était inacceptable…
Quelqu’un ensuite revendiqua une spiritualité sans Pater Deus… un «libre
penseur» se déclara horrifié… Le lendemain, face à Nadia Yacine, foulard sur
la tête, qui affirmait qu’au Maroc tout le monde se dit musulman, quelqu’un
demanda ce qu’il advenait des non musulmans dans une société islamique…
Tozi compléta la question, sans y répondre, en disant que 5% des marocains
n’étaient pas musulmans, et 15% des musulmans n’étaient pas pratiquants…
Plus globalement, on s’étonna que ces Tables Rondes aient, sous prétexte de
faire connaître la réalité de l’islam et de combattre les préjugés à son encontre
(démarche évidemment nécessaire), renoncé à faire entendre la défense
cohérente d’une philosophie matérialiste. Franck Fregosi affirma que «plus de
foi n’est pas égal à moins d’intelligence». Mais finalement peu importe : le public,
confronté à cette parole prudente mais savante, a pu faire son miel et
s’interroger !
R.D ET A.F
72
HISTOIRE
LES RENCONTRES D’AVERROÈS
Vie et mort d’un poète engagé
Au lendemain des Tables rondes, les Rencontres d’Averroès organisaient
projection, débat et mise en espace autour de Kateb Yacine
Kateb Yacine © X-D.R
Le public présent malgré un beau ciel bleu, aurait sans
doute réjoui Kateb Yacine (1929-1989) : il était à la
fois populaire et intellectuel, manifestement francoalgérien, masculin-féminin, tous âges confondus,
depuis l’ancien militant jusqu’au jeune étudiant. Tous
étaient venus pour entendre parler de Kateb Yacine
et, à travers lui, de l’Algérie, de ses luttes, de ses
désespoirs mais aussi et surtout de sa formidable
envie de vivre et d’être enfin libre.
L’après-midi a commencé par un film documentaire de
Kamal Dehane (1989, 55’), portrait de l’écrivain ; par
fragments, il relatait les moments les plus importants
de sa vie, personnelle bien sûr mais aussi publique. Sa
famille d’abord qui lui a donné le goût des belles
choses, poésie et musique confondues. Puis la
révélation de sa vocation poétique, au bord de l’eau,
face à l’immensité de la Nature. C’est là qu’il a compris
qu’il serait poète, qu’il n’avait pas le choix, que tout
son être aspirait à chanter le monde.
Autre moment fondateur, les massacres de Sétif et
d’Annaba, en 45. Kateb Yacine n’a que 16 ans et ne
comprend pas grand-chose à cette violence : comme
les autres adolescents, il crie «vive l’Indépendance»
ce qui lui vaudra plusieurs mois de prison. C’est là que
se formera sa conscience politique et, plus encore qu’il
percevra l’âme du peuple algérien, à travers le visage
et les souffrances des gens du peuple. Désormais, il a
une mission. À sa sortie, il retrouve une mère,
passionnément admirée, devenue folle de douleur
suite au massacre d’une partie de sa famille. Ainsi, se
confondent en lui le deuil de son premier amour et la
naissance de son militantisme. La figure maternelle
s’est élargie et a pris les dimensions d’un peuple.
Il faut ajouter le coup de foudre ressenti pour la belle
cousine impossible, mariée, Nedjma… Et tous les
éléments de son itinéraire sont en place ; esprit de
révolte, lutte contre le colonialisme, défense des femmes, lutte pour la reconnaissance de la culture berbère,
lutte contre les nouveaux maîtres, autochtones cette
fois… au moyen de la plus faible mais de la plus
acérée des armes, l’écriture. Poésie mais aussi roman
ou théâtre. En Français, quitte à traduire ensuite en
berbère.
Le rapport au français fut, pour Kateb Yacine, une
autre histoire d’amour. Il explique qu’il s’est trouvé
incapable de parler sa propre langue et que l’arabe imposé par le pouvoir après l’Indépendance ressemblait
trop à une nouvelle forme de domination ; curieusement, l’ancienne langue de l’oppresseur est devenu
un vecteur de libération.
C’est là sans doute la première filiation entre Kateb
Yacine et les auteurs contemporains venus débattre
après le documentaire. Il a surtout été question des
rapports entre poésie et politique, de l’Algérie, celle
d’aujourd’hui qui se débat dans les convulsions d’une
démocratie difficile, des langues aussi ; celle que l’on
habite, celles qui les habitent, français, arabe,
berbère…
Kateb Yacine fait figure de père pour toute une génération de jeunes écrivains algériens, mais ils n’ont pas
l’adoration facile… Certes, il est l’Intellectuel, le
Poète, le Dramaturge… Toutefois, l’hommage que
Areski Mellal et Mustapha Benfodil lui ont rendu
ne lui aurait pas déplu ; loin de toute soumission,
c’est l’esprit de Kateb Yacine qu’ils font revivre. Un
esprit libre, insoumis, capable de toutes les remises
en question.
Le spectacle final l’a d’ailleurs bien prouvé ; à partir
du livre de Bénamar Médiène, Kateb Yacine, le cœur
entre les dents (Laffont, 2006), le metteur en scène
Ziani Chérif Ayad (El Gosto Théâtre) a concocté un
superbe monologue, Yacine répondant, post mortem
à un lanceur de fatwa qui prétendait lui interdire sa
terre natale comme lieu de son dernier repos… La
bassesse ne connaît pas de limites et l’ironie féroce de
Bénabar Médiène, ami du poète, a réglé son compte
au pire des fanatismes, celui qui prétend se faire juge
des hommes jusqu’après leur mort. Ce texte, brillant,
tonique, iconoclaste et jubilatoire, porté par l’acteur
Sid Ahmed Agoumi, a démontré, s’il en était besoin,
l’humour féroce et roboratif des algériens. Puisse t-il
les accompagner toujours.
SYLVIA GOURION
Le temps de l’écrit
Les actes des Rencontres de
l’an passé, La Méditerranée
au temps du monde, sont
publiés chez Parenthèses
La première partie de l’opuscule
concerne l’antiquité et le Moyen-Age.
Didier Pralon ausculte, au travers de la
Grèce, une Méditerranée familière ou
dangereuse mais toujours proche et
familière. A. Ben Abed évoque le rôle
des Phéniciens, leur confrontation avec
Rome, et, plus largement, l’édification
d’un monde commun que le christianisme a encore unifié. Maurice Sartre
insiste, lui, sur la centralité de la Méditerranée dans la conception romaine du
monde.
Dans l’épreuve du temps, sujet de la
deuxième table ronde, Dominique Eddé
évoque les deux concepts temps pour
les arabes : le «waqt, c’est le temps qui
passe entre le début et la fin d’une
phrase» ; le «zamân, c’est le temps qui
règne par-dessus la durée de la vie».
Pour elle le rapport entre ces deux
temps, liés l’un à l’autre a été perturbé,
au XXe siècle. Le waqt a connu une
accélération déstabilisante : il se réduit
à l’instant ultime pour le poseur de
bombe, tandis qu’il pouvait attendre la
construction d’un État pour le participant à l’intifada palestienne. Histoire
de temps encore avec Zaki Laïdi dont
la mondialisation, marquée par l’uniformisation apparente, n’efface pas des
temporalités très diverses. M. Farhi
insiste sur l’effacement du temps. Les
hommes politiques devraient inciter à
oublier : c’est à cette seule condition
que la réconciliation et un futur sans
carnage pourront naître.
Dernier volet, la Méditerranée dans la
mondialisation. J.-C. Tourret montre
que la diffusion de la culture américaine n’élimine pas les modes de vie et
valeurs des autres ensembles culturels.
S. Goumeziane, plus prosaïque, déplie
les différences et les inégalités entre
les rives de la Méditerranée et dépeint
l’organisation déséquilibrée de cet
ensemble solidaire. Quant à Michel
Peraldi, il s’attache à défendre la
mobilité des peuples dans l’espace
méditerranéen.
RENÉ DIAZ
La Méditerranée au temps du monde,
rencontres Averroès n° 14
direction Thierry Fabre
Editions Parenthèses,12 euros
LES FEMMES DANS LA LITTÉRATURE JEUNESSE
EDUCATION
73
Le sexe des livres
Propose-t-on les
mêmes titres aux
garçons et aux filles ?
Que cache la
différenciation sexuelle
dans les livres pour
enfants et ados ?
«Pass’livres» est un comité de lecture
formé de représentants du livre et de
l’éducation qui se réunissent trimestriellement pour analyser la production
éditoriale pour les 10-15 ans. La journée professionnelle du 23 oct a
réuni à l’Alcazar bibliothécaires, enseignantes (les hommes brillaient par leur
absence...), universitaires, écrivains pour
parler de la représentation féminine
dans la production éditoriale jeunesse.
Au départ, un constat regrettable et inquiétant : les éditions Jeunesse renouent
avec une tradition qu’on croyait dépassée, différencier les livres pour garçons
et filles, la bibliothèque verte et la bibliothèque rose. Voilà que reviennent
au grand galop les récits pour futurs
conquérants ou jeunes filles rangées ! Peu à peu on s’oriente vers une
sorte de ségrégation... Il y a peu de
temps on entendait parler de retour à
la non-mixité des écoles et à l’uniforme. Raison de plus pour être vigilants!
Hélène Montardre parle d’un corpus
de romans de 1975 à 1995. Dans les
années 70 la situation de la femme a
énormément évolué avec la pillule,
l’autorité parentale partagée, l’IVG.
Tout est prêt pour une nouvelle génération de filles. Mais à partir de 1985
le chômage s’installe, les femmes se
mettent à temps partiel. Dans les années 90 les personnages féminins ne
s’intéressent presque plus à à l’épanouissement personnel et professionnel
et reviennent à des préoccupations
d’ordre sentimental. Les éditions Milan
s’identifient par les couleurs, les
slogans «Interdit aux garçons !» On assiste à une régression et on impose un
modèle de «petite femme» bien calibré!
L’universitaire Nelly Chabrol-Gagne
constate que les stéréotypes ont la vie
dure, que les garçons et les filles ne
sont toujours pas éduqués de la même
manière et cite un grand classique
toujours d’actualité, Du côté des
petites filles de 1973 ! Comment le
bébé puis l’enfant peut-il construire
son identité ? Existe-t-il en dehors de
la famille ? La femme peut-elle sortir de
son rôle social de mère ?
En conclusion, les bibliothécaires réaffirment leur volonté de faire lire de la
qualité et insistent sur la nécessité de
la diversité. La question reste posée :
quelle société voulons-nous pour
nos filles ? (et nos garçons, interdits
d’émotion, forcément conquérants ?)
CHRIS BOURGUE
Les filles dans les livres
Isabelle Vandenabeele crée des
gravures artisanales sur bois et sans
presse. Elle a commencé à faire des
dessins et des planches sur le thème
du Chaperon Rouge, en rouge et noir :
«Quand le loup mange la grand-mère
tout devient rouge. La dernière image,
c’est la peau du loup, en carpette.» Et
le livre s’appelle Rouge rouge petit
chaperon rouge.
Frisson de fille revisite le conte de
Barbe bleue : Louise s’ennuie et retrouve un ancien copain de classe. Il la
conduit dans son manoir où elle découvre les têtes décapitées de toutes
ses copines qui rêvaient de princes
Éditions du Rouergue, 18 euros
Albums d’Isabelle Vandenabeele
aux éditions du Rouergue
(autour de 18 euros)
Romans d’Isabelle Rossignol
et Jérôme Lambert aux éditions
de l’École des Loisirs
(entre 6 et 11 euros)
Pour les petits : Je veux un zizi de
Laetitia Lesaffre,
éditions Talents hauts (9,80 euros)
charmants ! Elle s’échappe à cheval et
retrouve le goût de la vraie vie. Aux
deux couleurs du 1er album Isabelle a
ajouté du bleu, le dessin est précis,
cerné de noir.
Pour Prélude à un amour brisé les dessins se sont enrichis de jaune et de
vert et disent le refus du couple, de la
maternité. Un homme et une femme
n’ont pas les mêmes projets, et la
femme part.
Éditions du Rouergue, 16 euros
Isabelle Rossignol parle du corps. Sa
jeunesse s’était passée dans un univers où les rôles homme/femme étaient
irrévocablement distribués. «J’ai écouté
mes tripes, ce qui remontait de l’enfance». Elle écrit sur la différence. Une
écriture vive et incisive comme son
auteure qui sait appeler les choses par
leur nom.
Jérôme Lambert travaille depuis 8 ans
à l’École des Loisirs avec Geneviève
Brisac qui a bouleversé la littérature
pour adolescents avec le roman-miroir,
littérature de l’intime qui fait plutôt
peur aux garçons. Interrogations sur la
vie, l’identité sexuelle, les romans de
Jérôme Lambert s’intéressent à l’ambiguïté, à l’attirance entre sexes
semblables. Écrits pour les ados, ils
questionnent aussi les adultes.
C.B.
74
ÉDUCATION
BJCEM | AVERROÈS | JUNIOR | ENSDM
La 14e part à Skopje
Averroès Junior
travaille pour
l’avenir !
Après ses éditions à Barcelone, Thessalonique, Bologne, Marseille, Valencia, Lisbonne, Turin, Rome, Sarajevo, Athènes, Naples et Bari, la prochaine
Biennale des Jeunes Créateurs d’Europe et de
Méditerranée se tiendra du 3 au 12 septembre
2009 à Skopje, capitale de la République de Macédoine
Cette 14e édition ne se déroulera pas
dans un lieu unique comme à Bari,
mais investira divers espaces culturels
et publics de Skopje, ce qui permettra
à la ville une ouverture qu’elle n’a pas
connue jusqu’ici. Le thème de la
BJCEM 2009 choisi par ses organisateurs sera Les sept portes, référant
aux sept routes qui mènent et partent
de Skopje, semblables aux sept
énergies vitales qui entrent et sortent
du corps. Sept disciplines seront donc
abordées : les Arts Visuels, les performances urbaines, les Images en
mouvement, le Spectacle vivant
(Théâtre, Danse), la Littérature et la
Poésie, la Musique ainsi que la
Gastronomie.
56 artistes français sélectionnés à
partir du 9 janvier (date limite de dépôt
des dossiers de candidature !) par des
critiques, experts des domaines artistiques concernés, feront partie des 713
artistes ou plus provenant de 47 pays
euro-méditerranéens qui y présenteront 420 productions (dont 32
françaises). Les créateurs ne doivent
pas avoir entamé la trentaine (sauf
pour la Musique, le Théâtre et la Danse,
qui s’autorisent une limite de 35 ans)
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième jeudi du mois
Edité à 25 000 exemplaires
Edité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse | n°11
13009 Marseille
Dépôt légal : janvier 2008
Directrice de publication
Agnès Freschel
Imprimé par Rotimpress
17181 Aiguaviva (Esp.)
photo couverture
© Agnès Mellon
Conception maquette
Max Minniti
Le dispositif Averroès Junior mis en place pour la 4e
année consécutive se développe en élargissant le
nombre d’établissements scolaires participant à
l’aventure. Ainsi Port-de-Bouc, Arles, Martigues, Avignon, Embrun, Apt, s’ajoutent à Aix et Marseille. En
partenariat avec le Rectorat, il s’agit de sensibiliser
les jeunes générations à la complexité du monde méditerranéen. En projet : un site de ressources qui proposerait des comptes-rendus, des travaux d’élèves,
des suggestions de lecture permettraient aux enseignants d’aborder le thème à n’importe quel moment
de l’année pour un brassage culturel bénéfique. Le
cibermagazine Le Méditerranéen sera mis en ligne en
janvier 2009 pour étendre le programme à la culture
scientifique avec la Direction de l’Enseignement et
de la Recherche. En novembre et décembre, des
courts métrages proposés par le Centre audiovisuel
de la Communication Audiovisuelle et des films élargiront les horizons des élèves : nous en reparlerons !
et doivent provenir de Marseille, du
Pays d’Aix et de l’agglomération
Toulon Provence Méditerranée
pour les Arts visuels et les Arts appliqués, de Marseille uniquement pour
le Spectacle vivant, de la Région
PACA pour la Musique, la Littérature,
les Images en mouvements, les
Interventions urbaines et uniquement
de l’agglomération Toulon Provence
Méditerranée pour la Gastronomie.
Une autre sélection est prévue à
Montpellier.
Sept workshops référant aux sept
disciplines artistiques seront mis en
place à Skopje d’avril à mai 2009 et
toute la sélection française sera
également présentée du 2 avril au 17
mai à Montpellier, au Carré Sainte
Anne.
CHRIS BOURGUE
SUSAN BEL
Portes ouvertes
Appel à candidature BJECM 2009
Règlement et inscriptions
www.espaceculture.net
Conformément aux habitudes prises depuis l’arrivée de Frédéric Flamand,
puis de Jean-Christophe Paré, L’Ecole Nationale Supérieure de Danse
propose aux marseillais de suivre le travail des élèves et de la classe d’insertion professionnelle.
L’École ouvrira donc librement ses portes le samedi 13 décembre de 14 à
18 H.
C.B.
Rédactrice en chef
Agnès Freschel
[email protected]
06 09 08 30 34
Musique et disques
Jacques Freschel
[email protected]
06 20 42 40 57
Secrétaire de rédaction
Dominique Marçon
[email protected]
06 23 00 65 42
Musiques et disques
Frédéric Isoletta
[email protected]
06 03 99 40 07
Éducation
Chris Bourgue
[email protected]
06 03 58 65 96
Cinéma
Annie Gava
[email protected]
06 86 94 70 44
Arts Visuels
Claude Lorin
[email protected]
06 25 54 42 22
Philosophie
Régis Vlachos
[email protected]
Livres
Fred Robert
[email protected]
06 82 84 88 94
Sciences et techniques
Yves Berchadsky
[email protected]
Histoire et patrimoine
René Diaz
[email protected]
Maquettiste
Philippe Perotti
[email protected]
06 19 62 03 61
Responsable commerciale
Véronique Linais
[email protected]
06 63 70 64 18
Ont également participé à ce numéro :
Susan Bel, Delf, Armelle Marie, Muriel Bénisty, Maryvonne Colombani,
Marie-Jo Dhô, Sylvia Gourion,
Yamina Tahri, Dan Warzy, Marie
Godfrin-Guidicelli, Pierre-Alain
Hoyet, Christine Rey, Emmanuel
Moreau, X-Ray
Photographes : Agnès Mellon
ORCHESTRE RÉGIONAL DE CANNES
ÉDUCATION
75
Les musiciens
retournent
au Lycée !
Un projet inédit s’est concrétisé pour la 2e année
consécutive en Région PACA : amener l’Orchestre
Régional de Cannes dans les lycées généraux et
professionnels, au plus près de la population scolaire
© Elian BACHINI
Comme l’an dernier, les quartiers Nord
ont été mis à l’honneur. Durant trois
jours l’Orchestre régional de Cannes a
séjourné, répété et joué dans ces
quartiers que l’on dit difficiles ! Le lycée
Victor Hugo classé en ZEP (zone d’éducation prioritaire) au cœur de la cité, le
lycée professionnel La Viste et le cinéma
Alhambra de St Henri ont été choisis
pour accueillir Philippe Bender et son
orchestre.
Un projet intégrateur
De quoi s’agit-il exactement ? De faciliter
l’accès à la culture et aux pratiques
artistiques, de permettre la rencontre
d’artistes dans l’exercice de leurs talents,
de déclencher des intérêts et, pourquoi
pas, des vocations chez les lycéens. En
tous cas, changer leur perception du
monde de la culture, de la musique «classique» et des adultes. Pour ouvrir des
horizons !
Comment ? En mettant en place un partenariatentrelaRégionPACAetl’Orchestre
de Cannes dirigé par Philippe Bender
depuis 33 ans. Ce dernier est très
attaché à sa mission de service public
culturel auprès des jeunes et effectue
une dizaine de concerts pédagogiques
par an. «Je veux mettre la musique au plus
près des jeunes. Et quoi de mieux que de
les faire participer ! C’est ce que nous
avons fait cette année en leur faisant dire
les textes proposés puisque le thème de
l’intervention est Musique et Théâtre».
L’orchestre et ses 40 musiciens sont
donc venus en résidence à Marseille
pour donner 3 concerts sur 3 jours, précédés de répétitions commentées.
Un programme varié
Avant de commencer la répétition,
Philippe Bender explique aux élèves
l’importance de l’accord de tous les
musiciens sur la note donnée par le
premier violon. C’est lui qui a choisi le
programme.
Le premier mouvement de la 5e symphonie de Beethoven est donné en
ouverture et bénéficie d’une écoute
attentive, ainsi qu’un extrait du Bourgeois
© Elian BACHINI
Gentilhomme (scène 1, acte II) orchestré
par Richard Strauss avec le Maître à
danser et le Maître de Musique (d’après
Lully), suivi d’un extrait d’Athalie de Jean
Racine (sc.5, II) sur la musique de Félix
Mendelssohn.
L’extrait de la fameuse tirade du Nez de
Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand,
sur la musique de Marius Constant, a
remporté un franc succès au lycée Victor
Hugo avec 5 élèves enthousiastes de
l’option Théâtre. C’est Philippe Bender
lui-même qui présente l’œuvre d’André
Tomasi, compositeur marseillais né à
Mazargues dont est joué Retour à Tipasa
sur le texte d’Albert Camus, hymne à la
lumière et à la Méditerranée. Moment
d’émotion forte tant les élèves de Terminale L qui l’ont lu y ont mis d’intensité.
Pour finir, Bender présente le Pulcinella
de Stravinski : cette fois un élève,
Nassim, lit son propre texte façon Slam
pendant qu’un autre, Mohamed, joue de
la derbouka et accompagne l’orchestre
sous l’œil bienveillant et la baguette
précise du chef ! Ovation assurée !
Si l’on peut s’interroger sur la pertinence
de mettre systématiquement des textes
sur la musique plutôt que de la laisser
écouter, on ne peut qu’être séduit par
cette initiative qui a su captiver l’attention
de ces jeunes peu habitués à ce type de
musique. C’est ce que dit d’ailleurs
Philippe Bender : «C’est vrai que les
textes sont peut-être écoutés au détriment de la musique, mais ce qui est
important c’est qu’ils aient ce contact ; les
jeunes aiment les musiques étonnantes.»
Isoletta, professeur de Musique du
Lycée (et par ailleurs chroniqueur à Zibeline !) de préparer la venue de l’Orchestre
non seulement à Victor Hugo, mais
aussi à La Viste, en prenant les élèves
en dehors des cours, jonglant avec les
emplois du temps des uns et des autres,
la compréhension des autres enseignants…
Il s’est ainsi livré à une heure de
sensibilisation avec chaque classe participante, expliquant l’orchestre, le
timbre, donnant un éclairage sur les
œuvres qui seraient entendues : «Il fallait
préparer et convaincre ! Au début ils
n’étaient pas chauds, mais ça prenait et
après certains voulaient encore rester. Il
a fallu faire travailler un minimum les
textes choisis. Quelques profs de français
ont joué le jeu… C’est Mohamed qui a
fait la demande de jouer de la derbouka
et Philippe Bender était partant : les
échanges ont eu lieu dans les 2 sens !
Les élèves étaient ravis, les musiciens
conquis !».
Pour finir : le concert !
Cette fois c’est le vrai ! Le chef et les
musiciens ont revêtu leurs habits de gala,
Michel Vauzelle, président de la Région
PACA, et Alain Hayot, Vice-président
délégué à la culture, arrivent et félicitent
parents et lycéens de leur présence.
Lisette Narducci, maire du secteur, fait
l’éloge du sens de la pédagogie de
Philippe Bender. Le concert se déroule,
le public est conquis, l’émotion circule.
C’est gagné !
CHRIS BOURGUE
Une initiation accélérée
Tout cela a demandé un sérieux travail
en amont ! Il n’était pas question de
confronter les élèves aux musiciens
sans préparation… Qu’à cela ne tienne !
Le Rectorat a demandé à Frédéric
La résidence de l’orchestre
s’est déroulée du 21 au 23 octobre
76
EDUCATION
ZIBULONS
Notre rubrique Zibulons s’élargit ! De Gap on se souvient de Ceux qui partent à l’aventure, le Lycée Périer (Marseille) est allé à la Criée, le Lycée Vauvenargues (Aix)
au Pavillon Noir, et Victor Hugo (Marseille) a accueilli l’Orchestre de cannes…
Ils s’essaient à l’interview, à la critique et au pastiche. Avec beaucoup de talent !
Karina Saïb, en classe de 2nde à Victor Hugo a interviewé Philippe Bender
qui dirigeait l’Orchestre de Cannes (voir page 75)
Karina Saïb : Quels sentiments vous
procure la musique classique ?
Philippe Bender : La musique peut
m’apporter joie ou tristesse et au cours
d’un concert, je peux passer d’un sentiment à l’autre. Elle fait partie intégrante
de ma vie. Je ne m’imagine pas vivre
sans ; elle me consume et me nourrit.
Pourquoi avoir choisi le lycée Victor
Hugo ?
Ce n’est pas une coïncidence. D’abord
il y avait sur place un prof de musique
motivé, puis la population de ce lycée
est majoritairement issue de populations défavorisées pour lesquelles la
musique classique est souvent peu
rencontrée.
Quel est le but de cette action ?
Montrer aux jeunes que le classique
n’est pas destiné aux élites, que c’est
une musique populaire, mère de toutes
les musiques actuelles, Rap, Pop ou
R’n’b ! Qui peut faire partie de leur
quotidien et les émouvoir.
Philippe Bender © X-D.R
Ceux qui partent à l’aventure, le pastiche
C’était bien hein Maryse
Oui Manon mais je crois qu’Annie s’est ennuyée
Ennuyée Annie ennuyée je ne pense pas Maeva
Prête-moi ton épaule Stella
Les sièges étaient confortables Quentin
Cela n’empêche qu’Isabelle semblait heureuse
Même avec la fatigue je ne pouvais dormir Gabriel
Etrange composition Christelle
Hey je le sais bien je le sais bien
On ne comprend pas mieux Kael
Et les gosses, y’avait des gosses, qu’est ce que t’as
fais des gosses
Hein ?
1 matin 2 cours, normal. La cantine odorée paella à
12h, l’ascension Cantine-Théatre, arrivée au
Théâtre le Cadran avec plein 2 monde devant
l’entrée qui s’agglutine... Petite attente avant 2
pénétrer dans le temple 2 la culture... Présentation
des billets, tout est en règle, entrée dans la salle à
13h... Trouver 1 place et s’asseoir... Attente... Le
théâtre se remplit... Attente... Puis, enfin, début du
spectacle... 1h40 de spectacle... Fin...
Acclamation... Pause... Rencontre...
Fin... Sortie du théâtre...
Tu m’écoutes Elisabeth ?
Si si
Moi j’ai presque manqué de m’endormir
Quand même Julien !
Si si, je te jure, Clémence, des fois je me noyais
dans le texte et au début j’ai eu
du mal à bien comprendre qui était qui
Mais petit à petit ça s’est amélioré Elodie ?
Oui, mais le début était plutôt difficile Charles
Je le comprends Abdel...
MANON ROUX, LYCÉE DE BRIANÇON
Ceux qui partent a l'aventure © Didascalies and co
Noctiluque, le jeu des confrontations
encombrent encore la chorégraphie. Même si la trame
de fond demeure compréhensible, nombreux sont les
passages durant lesquels saisir un fil devient insurmontable ! Peut-être la différence des cultures
explique-t-elle cela, le ballet étant inspiré d’un récit de
fantômes japonais. Mais la difficulté semble surtout
provenir de l’extrême diversité du spectacle.
Kaori Ito emprunte des chemins aussi variés que la
danse, le cirque (jeu de trapèze), et le théâtre (exercices corporels et respiratoires). Le tout est fort
décousu : on assiste à une succession de scènes,
par-fois très contrastées, sur un vaste répertoire
musical dans lequel se mêlent chants africains,
musique baroque… La chorégraphe ne cache
d’ailleurs pas ses sources d’inspiration : James
Thiérrée, à qui le décor et l’utilisation d’un rideau
rouge font écho, mais aussi Découflé, comme le
confirment assurément les effets de mise en scène
(nuages d’insectes, cadre multifonctions) et la
théâtralité du ballet, ponctué de touches
humoristiques. Elle s’inspire également de Preljocaj
comme le montre un magnifique solo très nu et tout
en ruptures.
Aussi, le tableau auquel nous sommes confrontés,
bien que d’une certaine profondeur, semble un peu
étranger et flou. La chorégraphe paraît encore en
recherche d’un style…
JORIS GIOVANNANGELI ET BAPTISTE DUCLOUX, TERMINALE S.
Les élèves du Lycée Vauvenargues (Aix) ont vu
Noctiluque le 25 octobre au Pavillon Noir
Noctiluque au Pavillon Noir © Agnes Mellon
Noctiluque : ce qui brille la nuit. La salle est plongée
dans l’obscurité, tandis que des souffles mystérieux
semblent se répondre sur scène. Mais ce calme
masque une violence insoupçonnée. Les deux lueurs
qui se dessinent dans la pénombre se livrent rapidement à un combat. Peu à peu se met en place un
cycle de tableaux saturés de détails.
Puis le ballet s’articule autour de sujets existentiels
tels que la dualité de l’Homme, à la fois tendre et sauvage, comme le soulignent les variations récurrentes
du rythme. La chorégraphe japonaise s’attache vraisemblablement à représenter la lutte entre ses pulsions
animales et sa part plus tempérée. Progressivement,
laréflexionsedéplaceverslaquêtedel’amour,lajalousie,
et la question du bonheur. On voit les danseurs
convoiter un cœur, qui est parfois la seule source de
lumière sur la scène.
On ne saisit guère l’esthétique vers laquelle s’oriente
la chorégraphe : l’épure est sans cesse associée à
un univers surchargé, difficilement lisible pour le spectateur. Les décors, bien que d’une beauté certaine,
De Gaulle en mai,
théâtre politique
De Gaulle en mai © Brigitte Enguerand
Que peut évoquer ce titre ? Bureau
présidentiel ? Décorum et personnages psychorigides engoncés dans
des valeurs obsolètes ? Et bien voilà
une mise en scène qui surprend ! Là où
devraient se trouver le faste et l’honneur attendus dans cet environnement
où évoluent ces figures emblématiques, Jean-Louis Benoît a choisi
pour tout décor des armoires où se
terrent ces grands noms de la
politique! Mais, me diriez-vous, sontce donc là des manières de dénaturer
l’histoire française ?
Point de dénaturation ! Le metteur en
scène ne fait que développer l’analogie
ministres/vêtements pour montrer
combien Foccart, De Gaulle, Pompidou,
ou encore Fouchet se sont trouvés
démunis face à la «révolte» étudiante.
Le pari audacieux de transposer le Journal de l’Elysée tenu par J. Foccart en
mai 68 et par la même susciter du plaisir
à travers l’histoire est une réussite.
PAUL 1RE S
De Gaulle en mai, c’est l’incompréhension d’une génération vieillissante
et pragmatique face à une jeunesse
idéaliste : « Les maoistes coupent le
pis des vaches !! ».
Une pièce pleine d’ironie qui met en
scène le Journal de l’Elysée du conseil-
ler J. Foccart, une proposition jouant
avec la double énonciation, particulièrement dans la première scène dans
laquelle le Général de Gaulle adresse
ses vœux aux Français, le 31 décembre
1967 : le décalage est frappant pour
nous qui connaissons la suite […]
Voilà une occasion de faire un peu
d’histoire. On apprécie quelques allusions qui s’éloignent du sujet pour
aborder «la question africaine de
l’Elysée». Finalement, c’est une bonne
surprise, audacieuse en cela qu’elle
traite d’un sujet devenu sensible
depuis un an.
THÉO TERMINALE S LYCÉE PÉRIER (MARSEILLE)
78
FORMULAIRES D’ADHÉSION ANNUELLE
ADHÉ
REZ !
à l’amicale et recevez
Zibeline chez vous!
Cochez le type d’adhésion souhaité
Adhésion individuelle (11N°)
1 exemplaire mensuel,
1 carte de membre nominative : 40€
Adhésion familiale
1 exemplaire mensuel,
…cartes de membre nominatives : 60€
(autant de cartes de membres que de personnes
vivant sous le même toit)
Adhésions collectives
5 exemplaires mensuels, 1 carte de membre nominative : 60€
10 exemplaires mensuels, 1 carte de membre nominative : 100€
15 exemplaires mensuels, 1 carte nominative : 125€
Adhésions de groupes
5 exemplaires mensuels, 5 cartes nominatives : 100€
10 exemplaires mensuels, 10 cartes nominatives : 140€
Nom du groupe ou
Nom et Prénom de chaque membre :
Profession :
Adresse postale (1 par groupe)
Mail
Téléphone
Chèques à libeller à l’ordre de :
L’amicale Zibeline
Adhésions à adresser à :
L’amicale Zibeline
76 avenue de la Panouse | n°11
13009 Marseille
Les cartes de membres vous seront adressées
par retour de courrier
LA RUBRIQUE DES ADHÉRENTS
Nos partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages… Pour les places gratuites,
téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte
nominative). Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour
l’adhérent)
Le Grand Théâtre de Provence
5 invitations pour 2 personnes
pour La famille Bach et Mozart
le 25 nov à 20h30
5 invitations pour 2 personnes
pour Mozart, la clarinette et l’alto
le 4 déc à 20h30
5 invitations pour 2 personnes
pour I went to the house but did
not enter
le 11 déc à 20h30
résa par mail :
[email protected]
La criée
10 invitations
pour Le Cid (au Théâtre du
Gymnase)
mes Alain Ollivier
le 27 nov à 20h
4 invitations
pour CABARET ! CRIéE Poèmes et
chants du Portugal
le 4 déc à 20h et le 6 déc à 20h
04 96 17 80 31
(Bernadette Brisson)
Théâtre du Gymnase
10 invitations par soir
pour Kliniken de Lars Lorén
mise en scène de J.-L. Martinelli
le 2 déc à 20h30
le 3 déc à 19h
le 4 déc à 20h30
le 5 déc à 20h30
le 6 déc à 20h30
résa par mail à
[email protected]
Théâtre Toursky
2 invitations pour 2 personnes
pour Hommage à Messiaen
le 2 déc à 21h
0820 300 033
L’Ensemble Télémaque
6 invitations
pour le concert Ouvertures solistes Les Romantiques
le 6 déc à 20h30
au Ballet National de Marseille
04 91 39 29 13
Le Festival Dansem
2 invitations
pour Esse #3 - La matrice des anges
de Karry Kamal Karry
le 10 déc à 19h30 au Merlan
2 invitations
pour Indigo de Paco Dècina
le 13 déc à 20h30 au Merlan
04 91 55 68 06
Montévidéo
tarif réduit
à toutes les représentations
04 91 37 97 35
Les Bancs Publics
1 place offerte pour 1 place
achetée
pour tous les spectacles
04 91 64 60 00
Le Gyptis
5 invitations pour 2 personnes
pour Les caprices de Marianne
le 5 déc à 20h30
et pour tous les spectacles de la
saison
tarif réduit B (15€ au lieu de 24)
à toutes les représentations
04 91 11 00 91
Les Salins (Martigues)
10 invitations
pour Un Pedigree
texte de Patrick Modiano avec
Edouard Baer le 3 déc à 20h30
à confirmer avant le 26 nov
au 04 42 49 02 00
Théâtre du Jeu de Paume (Aix)
10 invitations par soir
pour Vers toi terre promise
de J.-C. Grumberg
le 21nov à 20h30
le 22 nov à 20h30
résa par mail à
[email protected]
Le Pavillon Noir (Aix)
2 invitations par soir
pour Que ma joie demeure
de Béatrice Massin
le 16 déc à 20h30
le 17 déc à 20h30
le 18 déc à 20h30
le 19 déc à 20h30
04 42 93 48 00
GRIM
tarif réduit
pour tous les concerts
(10€ au lieu de 12€)
O4 91 04 69 59
Le Balthazar
entrée gratuite
pour tous les concerts du jeudi
04 91 42 59 57
Le Cargo de Nuit (Arles)
4 invitations
pour le concert de Spleen
le 12 déc
résa par mail à
[email protected]
L’institut culturel italien
vous offre
3 adhésions annuelles
d’une valeur de 32 €, cette «carte
adhérent» vous donnera accès à
tous les services de l’Institut,
médiathèque et programme
culturel.
demande par mail :
[email protected]
ou au 04 91 48 51 94
Librairie Maupetit (Marseille 1er)
La Canebière
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie L’écailler (Marseille 1er)
2 rue Barbaroux
5% de réduction
sur tous les livres
Le Greffier de Saint-Yves
(Marseille 1er)
librairie générale et juridique
10 rue Venture
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie Regards (Marseille 2e)
Centre de la Vieille Charité
5% de réduction
sur tous les livres
L’histoire de l’œil (Marseille 6e)
25 rue Fontange
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie Imbernon (Marseille 8e)
spécialisée en architecture
La Cité Radieuse
280 bd Michelet, 3ème étage
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie Arcadia (Marseille 12e)
Centre commercial
Saint Barnabé Village
30 rue des électriciens
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie de Provence (Aix)
31 cours Mirabeau
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie Au poivre d’Ane (La
Ciotat)
12 rue des frères Blanchard
5% de réduction
sur tous les livres
La Pensée de Midi
vous offre
3 exemplaires du dernier n°
de la revue Le Mépris
5 exemplaires de Tanger, ville
frontière
1 exemplaire de Beyrouth,
XXIe siècle
par mail :
[email protected]
Si vous souhaitez
devenir partenaires
et publier ici vos avantages,
écrivez à
[email protected]