La Légende espiègle
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La Légende espiègle
La Légende espiègle JeanClaude BUSCH Avertissement pour les petits (et pour les grands) A une grande personne, proposez le petit jeu suivant : vous lui nommez un personnage historique très connu et elle devra vous dire aussitôt tout ce qu'elle en sait. Essayons, par exemple, avec Attila... "Facile ! Ce chef des Huns fut si terrible que là où il galopait l'herbe ne repoussait plus; lui et ses cavaliers dormaient à cheval... Et puis ? Et puis... voyons..." Je parie que vous aurez à attendre avant d'obtenir d'autres renseignements instructifs... si vous en obtenez ! Prenons Charlemagne : "Naturellement ! Cet empereur à la barbe fleurie, couronné en l'an 800... Et Charles Martel ? Mais bien sûr ! Sa victoire à Poitiers en 732..." Mais qu'avaitil bien pu faire jusqu'à ce fameux jour ?... en quoi s'estil signalé après ?... On ne sait plus trop; en tout cas, il faut y réfléchir. Ainsi, on le voit, de l'Histoire de France, la mémoire retient le plus souvent quelques images simples et colorées, 2 amusantes ou tristes. Images si connues qu'elles se sont installées dans la légende populaire, si belles qu'à présent elles forment une merveilleuse aventure qui, des Gaulois à Napoléon en passant par Christophe Colomb, nous permet parfois de rêver. Tout estil bien vrai dans cette légende ? Oui et non... La preuve : de savants historiens ont démontré que Charlemagne n'avait jamais porté la barbe... Dommage : il y gagnait en majesté ! D'ailleurs, estil si important de savoir s'il est vrai ou non que le roi henri IV batifolait à quatre pattes sur le tapis pour amuser ses petitsenfants ? Si j'ai un plaisir bien réel à imaginer la scène, celleci n'estelle pas un peu vraie ? Et puis, la vérité de l'Histoire n'estelle pas ailleurs ? Par exemple dans la manière dont on a cherché à faire le bonheur des peuples... Aussi bien, puisque légende il y a, ajoutons ceci : n'avezvous jamais essayé d'arranger à votre façon une histoire qui vous est arrivée, de "broder", comme on dit si joliment, à seule fin d'imaginer, d'inventer quelque chose ?... C'est cette promenade au royaume de la fantaisie que je vous invite à faire à faire aujourd'hui, cheminant de siècle en siècle jusqu'à nos jours, à la rencontre des peuples, 3 des souverains, des inventeurs et de bien d'autres héros, à travers un passé qui est le nôtre. Chacun de ces petits poèmes à dire qu'on appelle des comptines, contient une part de vrai et une plus grande part d'espièglerie. Mais que toutes ces célébrités de l'Histoire nous pardonnent si, ensemble, nous rions d'elles un instant : la meilleure façon de leur rendre la vie n'estelle pas d'empêcher qu'on les oublie ? L'auteur 4 Dans la plaine Les Gaulois Se promènent, Et leurs oies Se promènent Dans les bois. Leurs gorets Se promènent En forêt, Le dimanche, Ils s'assoient Et les mangent. 5 Vercingétorix En valait bien dix (En prenant des risques) Ayant, tout petit, Un gros appétit, Très vite il grandit. Devenu beau gars, Joua les gros bras Parmi les Gaulois. Devenu monsieur, Faisait les gros yeux Aux Romains furieux... Mais César le sut Qui prit le dessus Sur le moustachu ! 6 "Souffle brise ou bise, C'est moi qui baptise Et qu'on se le dise !" Déclarait jadis Au douillet Clovis Rémi sans malice. Aussitôt Clovis Et ho et hisse ! (On s'y mit à six) Fut plongé dans l'eau Et hisse et ho ! Jusques au museau. 7 Les Rois fainéants N'en faites pas tant ! S'épuisaient si bien Bourrez les coussins ! Que le soir venu Tout est si ardu ! Ils confiaient la tâche Jamais de relâche ! A leurs serviteurs Un peu plus d'ardeur ! De bâiller pour eux Bonne nuit, Messieurs ! 8 Charles Martel Après Poitiers S'en fut jouer A la marelle. Sauta au ciel A clochepied Pour oublier Qu'il fut cruel. 9 Charlemagne à Roland Un jour disait, pleurant, Vers lui pointant son ongle : "Tu délaisses ton oncle, Tu ne viens plus chez moi ! Me dirastu pourquoi ? Tonton, je ne viens plus Car tu es trop barbu." 10 Pourquoi du traître Ganelon Riaientelles ? Riaiton ? N'avait qu'une bretelle Pour deux pantalons. Pourquoi du traître Ganelon Riaientelles ? Riaiton ? Il grimpait à l'échelle Tout à reculons. Pourquoi du traître Ganelon Ses copines riaientelles ? Ses copains riaientils donc ? C'est qu'il a, disaientelles, C'est qu'il a, disaiton, Presque autant de cervelle Que de poil aux talons. 11 Friands de poisson frit, Grands buveurs d'huile rance, Ils avaient les yeux gris Et forte corpulence. Sautant de leurs drakkars, Les Normands débarquèrent A minuit moins le quart, Tout couverts d'urticaire. 12 Godefroi de Bouillon, Agacé par les mouches, Gardait dedans sa bouche Une poignée d'oignons. Lors, en pleine Croisade, Devant Jérusalem, Au vent de son haleine Fuyaient les moucherons ! 13 Tirant sur sa pipe Jusqu'à perdre haleine, SaintLouis, sous son chêne, Rendit la justice De façon humaine. D'humaine façon, A qui réclamait, Ce roi juste et bon Lançait quelques ronds : Des ronds de fumée. 14 Si le roi des Huns, terrible Attila, Revenait par là, (Qu'atil, Attila ? Quelle hâte il a !) Dirais : "Haltelà !" Le ferais monter mon cheval de bois (Il n'irait pas loin) Lui ferais manger du vieux chocolat (Et même du foin) Dans la bassecour coucherait sans draps (Parmi les coincoins) Et si quel toupet ! voulait mon tabac, Il n'en aurait point. 15 Marco Polo qui visita Chapeau pointu, la pointe en bas La Chine, au loin, làbas, Sur son bateau avait souci Grain de maïs et grain de riz Du repas des souris, Les nourrissant, même en Carême Fouetter les oeufs, c'est un problème! De gros choux à la crème. 16 Abreuvé de victoires, Messire Du Guesclin Alla un beau matin A la fontaine boire. Epargné par les flèches, Mourut d'un trait d'eau fraîche. 17 L'imprimeur Gutemberg, Quel mauvais caractère ! Un seul mot de travers Provoquait sa colère. 18 En bas d'Orléans, Jeanne la Lorraine, Tout en combattant Loin de Domrémy, Regrettait sa laine Sol la si do mi Car elle avait mis Pour cette bataille La cotte de mailles De son bon ami. La maille a filé Sol la si do mi Messieurs les Anglais Se sont tous enfuis. La maille a filé, Les Anglais aussi. 19 Sire le roi Louis Onze Embêtait tout le monde. Il envoyait des claques Au prince d'Armagnac. Il lançait des quignons Au bon duc bourguignon, Et à ses prisonniers Faisait des piedsdenez. 20 Léonard de Vinci Savait beaucoup de choses, Et il sut peindre aussi La Joconde aux joues roses. 21 Trouvant le temps long, Longues les semaines, Christophe Colomb Le grand capitaine, Du mât d'artimon Au mât de misaine, Savonnait le pont, Rinçait la carène, Pêchait le triton Avec la sirène, Guettait l'horizon Où vont les baleines Et rêvait, diton, Aux Indes lointaines. 22 Sans peur et sans reproche, Le Chevalier Bayard Avait toujours en poche Un immense mouchoir. Par temps d'épaisse brume, Toujours il l'emmenait Pour combattre le rhume Qui lui pendait au nez. Quand il couchait dehors Et que venait le froid, De ce mouchoir, alors, Il se faisait un drap. Quand sonnait la victoire, Il le hissait bien haut Car alors son mouchoir Flottait comme un drapeau. 23 "Si la terre est ronde J'irai droit devant" Disait, en prenant Le chemin des ondes, Monsieur Magellan, Prénommé Fernand. Longue barbe au vent Oh ! qu'on ne la tonde ! Il prit son élan Vers les flots grondants Et sa barbe blonde Fit le tour du monde. 24 François Premier, A Marignan, Prit son panier Et mit dedans Trois soldats blonds Trois soldats bleus. Il fit un rond, Y mit le feu. Bonjour soldats, C'est moi François, C'est moi le Roi ! 25 Quand Copernic avait, De bon vin polonais, Bu plus qu'il ne voulait, Vermeil était son nez, Devant lui tout tournait : La table avec le verre, Saturne et Jupiter, Le soleil et la terre. 26 Saiton que Catherine De Médicis Roulait dans la farine Ses petitsfils ? Saiton que ses chaussettes Avaient des trous Plus gros que les fossettes Du loupgarou ? Saiton que la coquine, Pour mieux régner, Mettait dans ses narines Des araignées ? Et qui saura jamais Comme c'est bête! Qu'elle mourut de s'être Pincé le nez. 27 Bernard Palissy Façonna un pot Dans lequel il mit : Un bel escabeau, Deux chaises jolies, Trois fauteuils crapauds, Quatre immenses lits, Cinq tables d'ormeau, Six buffets de buis, Sept ou huit bureaux, Neuf ou dix tapis, Onze lavabos, Douze bancs vernis... Pour un beau cadeau Un cadeau de prix Offrez donc unpot "Bernard Palissy". 28 Ayant réuni ses meilleurs ministres, Henri Quatre aimait à faire le pitre. Il leur apprenait, au cours du conseil, A jouer aux billes avec des groseilles, A tirer la queue des huit chats royaux, A manger les prunes avec leurs noyaux. Mais le Béarnais seul avait le droit De faire des bruits avec ses dix doigts : Le pouce et l'index, pressés fortement, Crépitaient ainsi que du linge au vent. En frottant l'index et le petit doigt, Il faisait entendre un air de hautbois. L'annulaire, heurtant l'ongle du médius, Imitait très bien le cri de la puce. Et quand ses cinq doigts giflaient un ministre, Partout, au Palais, se brisaient les vitres. 29 Le bon Sully Eut le crédit Du roi Henri Car il fut l'homme Très économe De son royaume, Cachant des sous Dessus, dessous, Dans tous les trous (Gare aux filous !) Et des écus Dessous, dessus, Dans son bahut (Gare aux goulus !) 30 Le savant Galilée En procès répondit De l'horrible délit De lèsevérité: "O Juges, la gravitation... Chansons ! Et pourtant, la chute des corps... Encore ! Mais, j'ai bien vu dans ma lunette... Sornettes! D'ailleurs, mon maître Copernic... Bernique". 31 Bossuet, le prédicateur, Se disait : "Ma chaussure couine : Je l'enduirai d'un peu de beurre, Et s'il en reste, j'imagine Que je pourrai, pour mon quatre heures, En recouvrir une tartine." 32 La Fontaine, causant Avec des courtisans, Les trouva médisants. Il leur offrit du zan, Leur disant : "Goûtezen, Quel délice !" Mais ils mangèrent tant De réglisse Qu'ils eurent la jaunisse. Voilà, quand on médit, Comment on s'enlaidit ! 33 Le roi Louis Quatorzième, Ebloui Par luimême De se voir Au miroir Tout pareil Au Soleil ! 34 Un lapin qui a peur Du sifflement d'un train Fuit à toute vapeur : Merci Denis Papin. Quand la soupe a bouilli Et que la vapeur fuit, Les haricots sont cuits: Merci Papin Denis. 35 « Qui joue au ballon avec moi ? D'abord, cette boule, c'est quoi ? On y monte, on s'y penche, on monte... Mais qu'estce, qu'estce qu'il raconte ? Qui veut tout làhaut voyager ? Monter dans ce sphérique objet ? Ah non vraiment ! Peuton s'y fier ? » Ainsi causaiton avec Montgolfier. 36 Par un trou de serrure, Longtemps Louis Seize avait Vu le peuple français Dont la vie est si dure. "Donnezmoi ma jaquette Que j'aille lui parler !" On égara la clef, Il en perdit la tête. 37 C'est Jacques Bonhomme Qui mangeait sa pomme A la croqueausel Et dont l'escarcelle Contenait du vent Qu'est l'or des croquants. 38 Robespierre et Danton, D'éloquents avocats, Jouent à pincementon : Pincemi, pincemoi, Le premier qui rira En prison ira ! 39 Et tirant l'aiguille Et poussant le dé, Abattant des quilles D'un air décidé, Mangeant les lentilles Du frère cadet, Pêchant des anguilles Qu'elle pourfendait Et cassant les billes Dès qu'elle perdait, Cette jeune fille, Charlotte Corday, Fut d'une famille Où l'on se mordait ! 40 Jacquard, tisserand lyonnais, Fit autrefois un beau métier. Tissant très tôt, tissant très tard, Voici ce que tissa Jacquard : Le matin Du satin, Dans la nuit Du coutil Et le soir Du brocart; Certains jours Du velours Et parfois De la soie; Des voilettes Pour les fêtes Et souvent : Du tartan pour le Kurdistan, Du guingan pour l'Afghanistan, Du gourgouran pour Perpignan, Des caftans pour mahométans. 41 Napoléon Premier Etait un bon marcheur : ParisMoscou à pied Ne lui faisait pas peur. Mais ses soldats aussi, Rompus, fourbus, moulus, De Moscou à Paris A pied sont revenus. 42 La tête à Newton Reçut une pomme Que Guillaume Tell Fendit d'une flèche Et que Parmentier Mangea en purée. 43 Monsieur LouisPhilippe Portait simples nippes : Et l'on courait voir Sa casquette en poire, Et l'on prenait note De sa redingote En criant "Youpi ! Le beau parapluie !" 44 Un rocher Lui suffit Où il fit (Très fâché) Force vers Fort sévères... En un mot, C'est Hugo. 45 C'est Chopin Qui se pâme, Qui se plaint A sa femme Qu'à Venise Aux canaux Pleins d'eau grise Son piano Fait des gammes Si parfaites Que son âme Est en fête... 46 Pasteur, plus d'une fois, A reçu la fessée Car il trempait les doigts Dans sa tasse de lait. "Ah ! petit garnement, T'estu lavé les mains ? Pas encore, maman, Je le ferai demain". 47 Jules Ferry fut très sérieux Qui conseilla aux vieux messieurs, Pour y voir clair, pour y voir mieux, De chausser lunettes de fer, Pour y voir mieux, pour y voir clair, Quand on consulte l'annuaire; De chausser lunettes de bois Pour y voir grand, pour y voir droit, Quand il faut observer les lois; De chausser lunettes d'argent Pour y voir droit, pour y voir grand, Quand on veut gouverner les gens. 48 Avec cinq cents millions Jules Verne fut homme A voler en ballon Pour plaire à la Bégum, Fit naviguer une île Au moyen d'une hélice Et flotter une ville Pour amuser ses fils, Puis en quatrevingts jours Réussit la gageure De faire avec amour Le tour de l'Aventure. 49 Assis sur sa chaise, Van Gogh, très à l'aise, Avec son crayon Lançait des rayons, Avec son pinceau Larguait des bateaux, Avec son oreille Voyait des soleils. 50 "Très mauvais pour ma bile Et pas bon pour mes reins !" Disait Buffalo Bill Au grand Chef OeildeChien. "Hugh ! hugh !" dit le PeauRouge, Puis refermant la bouche Dans un jet de fumée, Rangea son calumet... 51 Quand Blériot atterrit A Douvres d'outreManche, On cria à Paris : "Ca y est, c'est dans la manche !" 52 Dansez, petits pains, V'là Charlie Chaplin Qu'a raté son train ! Tout au bout du Quai O.K. ! Avec les ballots Hello ! Lâche ton paquet Pose ton fardeau Hé ! hé ! Oh ! oh ! Tu as le hoquet, Charlot ! 53 Un jour, le général de Gaulle Grimpa sur ses propres épaules Et proclama : "Dieu! que c'est beau, La douce France vue d'en haut !" 54 Comme autour du melon Dans un vol solitaire Gravite le frelon, Le premier homme à faire Tout autour de la Terre Une révolution (Une heure et des poussières : Un record de champion ! Dirent les magazines) Portait le joli nom De Youri Gagarine. 55 Quand Picasso Pablo Composait un tableau, Il le voulait très beau. "Arrangez vos dentelles Afin d'être plus belle !" Disaitil au modèle. S'il peignait un monsieur, Il dessinait trois boeufs Et leur tirait la queue. S'il peignait une dame Il lui faisait, très calme, Un nez d'hippopotame, Et pour peindre une fleur Il croquait en couleurs Le contour de son coeur. JeanClaude BUSCH 1976 56 Table Avertissement 2 Les Gaulois Vercingétorix Clovis Les Rois fainéants Charles Martel Charlemagne Ganelon Les Normands Godefroi de Bouillon Saint Louis Attila Marco Polo Du Guesclin Gutemberg Jeanne d'Arc 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 57 Louis Onze Léonard de Vinci Christophe Colomb Bayard Magellan François 1er Copernic Catherine de Médicis Bernard Palissy Henri Quatre Sully Galilée Bossuet La Fontaine Louis Quatorze Denis Papin Montgolfier Louis Seize Jacques Bonhomme Robespierre et Danton Charlotte Corday Jacquard 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 58 Napoléon Premier Newton, Guillaume Tell, Parmentier LouisPhilippe Victor Hugo Chopin Pasteur Jules Ferry Jules Verne Van Gogh Buffalo Bill Blériot Charlie Chaplin De Gaulle Gagarine Picasso 59 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56