MYTHO. mon site - michel leviant
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MYTHO Un film de Michel LEVIANT Scénario Michel LEVIANT 1 1. BOITE DE NUIT. INT / NUIT Une boîte de nuit à Orléans. GASPARD est assis au bord de la piste de danse avec ses collègues de l’agence immobilière où il travaille : DAVID, le pote de toujours, CLOTILDE, la grande bringue déjantée et VINCENT, le jeune loup aux dents longues, qui lève son verre pour trinquer. VINCENT J’espère que je vais pas trop vous manquer. DAVID Tu rigoles, je vais enfin avoir un bureau pour moi tout seul ! Mais GASPARD vient de repérer une jeune femme, belle comme un cœur, qui se démène joyeusement sur la piste, indifférente aux danseurs qui l’entourent. GASPARD Ouh la la ! Celle-là, c’est pour moi…! VINCENT Où ça ? GASPARD Droit devant ! Putain, t’as vu comment elle est gaulée ? C’est un feu d’artifice, cette meuf…! Sur la piste, la jeune femme improvise une sorte de danse délirante. CLOTILDE Moi, elle m’épuise, rien qu’à la regarder. VINCENT Depuis quand t’es jalouse ? Clotilde est jalouse…! La danseuse a une grâce incroyable. Avec un sourire radieux, elle virevolte dans la lumière des lasers. DAVID Ah ouais, c’est de la bonne came…! 2 CLOTILDE David, t’es marié, je te signale. GASPARD Pas touche ! C’est moi qui l’ai vue en premier…! DAVID Et la rouquine torride, là, que tu m’as chourave ? Ça t’a pas dérangé ! GASPARD Oui, elle a pas fait long feu…! Elle était dispo qu’à partir de 8 heures. Moi le soir, j’ai mes filles, c’est sacré. Subitement, il change d’expression. GASPARD Oh, merde, je les ai complètement zappées ! Du coup, il vérifie son portable. GASPARD Elles m’ont laissé au moins cinquante messages…! J’avais promis de les appeler pour leur dire bonne nuit. Rigolard, VINCENT prend CLOTILDE par la taille. VINCENT Bon, tu viens danser ? Tant pis je me dévoue…! En riant, CLOTILDE se dégage. CLOTILDE T’es gentil, j’ai déjà donné…! GASPARD est au téléphone : GASPARD Non, ma puce, avec la musique, j’ai rien entendu. Je t’ai expliqué, on fête le départ d’un collègue, il part au Canada. Pour une fois que je vous laisse toutes seules…! 3 Pour entendre, il est obligé de coller son portable à son oreille et de se boucher l’autre oreille. GASPARD Je sais pas, tu veux pas essayer de la consoler ? Quoi, la boite de somnifères, t’es folle…?! Attends, passe-moi ta sœur. Grisée par le rythme effréné de la musique, la jolie danseuse ondule, ses hanches marquent la cadence, ses bras dessinent de folles arabesques. GASPARD Ça va, ma chouchoute ? Non mais je comprends rien si tu pleures…! Oh, c’est terrible, ça…! Bon, ok, ok, j’arrive. La barbe, hein…! Oui, mon amour, j’arrive tout de suite…! Il raccroche et se tourne vers les autres. GASPARD L’heure est grave : Margot a fait un cauchemar, elle arrive pas à se rendormir. Non sans un regard de regret à la jeune femme qui danse, il récupère sa veste. VINCENT Oh, la vieille douille…! T’essayes même pas, tu te prends une veste direct ? GASPARD T’inquiète pas que je reviens, elle perd rien pour attendre…! Il finit son verre et file vers la sortie, non sans envoyer un baiser qui vole à la danseuse qui lui tourne le dos. VINCENT Dis donc, il est au taquet avec ses filles…! DAVID T’imagines, du jour au lendemain, tu te retrouves tout seul avec deux gamines sur les bras… 4 VINCENT Comment ça ? CLOTILDE Ah, t’es pas au courant ? Leur mère s’est barrée quand elles étaient toutes petites, je sais même pas si elles s’en souviennent. VINCENT Ah ouais ? Chaud…! DAVID Elle s’est cassée en Inde avec son prof de taïchi, elle a plus jamais donné de nouvelles. 2. DEVANT IMMEUBLE GASPARD. EXT / NUIT Dans le quartier de la cathédrale, la Twingo arrive en trombe et se gare dans un crissement de pneus devant un immeuble moderne. Se ruant hors de la voiture, GASPARD se précipite vers l’entrée. Il y a une fenêtre allumée au sixième étage. 3. APPARTEMENT GASPARD. INT / NUIT L’appartement est assez banal, avec ses meubles en faux rustique et ses rideaux assortis à la moquette. AURELIE a douze ans. Vautrée sur le canapé du living, en pyjamas, elle est tranquillement en train de se mettre du vernis à ongles à paillettes. En voyant arriver GASPARD, elle lui sourit : AURELIE T’aimes bien ? T’as vu, ça brille. GASPARD Ben, elle est où, Margot ? 5 Malicieuse, AURELIE souffle sur ses ongles pour les faire sécher. AURELIE Chut, elle dort. 4. APPARTEMENT GASPARD. CHAMBRE DES FILLES. INT / NUIT Sur la pointe des pieds, GASPARD entre dans la chambre des fillettes, avec AURELIE qui le suit. La petite MARGOT est sous sa couette décorée de kangourous. Elle a la tête cachée, mais il l’entend qui glousse. GASPARD C’est comme ça que tu dors, toi ? Hilare, MARGOT, dix ans, repousse sa couette. MARGOT Un câlin…! Quand GASPARD vient s’asseoir sur son lit, elle se blottit contre lui et le serre très fort. GASPARD Alors, c’était quoi, ce cauchemar ? MARGOT Non, c’était juste pour que tu viennes. Elle avoue ça avec une telle candeur que GASPARD ne peut s’empêcher de rire : GASPARD Ah ça, vous m’avez bien eu…! AURELIE aussi se couche. 6 AURELIE Papa, tu nous racontes une histoire ? GASPARD Non mais vous avez quel âge ? MARGOT S’il te plaît, s’il te plaît…! GASPARD Bon, mais alors vite fait, parce qu'il est super tard. Et il commence d’une voix lente, caverneuse : GASPARD « Il était une fois… Pour conclure à toute allure, d’une voix de fausset : GASPARD … Bref, ils se marièrent, ils eurent beaucoup d’enfants ! » Voilà, ça vous a plu ? Super ! Allez, faut que j’y retourne, tout le monde m’attend. MARGOT Oh, on vient avec toi ? GASPARD Dans tes rêves…! AURELIE C’est pas juste, nous aussi on veut danser…! Avec tendresse, GASPARD se penche pour embrasser les fillettes l’une après l’autre. GASPARD Allez, maintenant, dodo. Serrant son doudou comme si elle avait peur de le perdre, MARGOT s’inquiète : 7 MARGOT Mais tu vas pas repartir ? Tu nous laisses pas toutes seules ? GASPARD leur éteint la lumière. GASPARD Oh ben non, je vais nulle part. En plus, je suis nase. AURELIE Promis ? GASPARD Juré ! 5. BOITE DE NUIT. INT / NUIT Dans la boîte de nuit, la musique est à fond. Passablement éméchés, les collègues de GASPARD sont au bar en train d’écluser un dernier verre quand CLOTILDE l'aperçoit qui se fraye un chemin parmi les danseurs pour les rejoindre. GASPARD Putain, j’ai cru qu’elles s’endormiraient jamais…! La prochaine fois je prends une baby-sitter, ça sera plus simple. CLOTILDE Si tu cherches ta chérie, trop tard, elle vient de se barrer. Cachant sa déception, GASPARD fait signe au barman de lui servir la même chose qu’aux autres. GASPARD Quelle chérie ? VINCENT Vas-y, c’est ça ! Fais l’innocent…! GASPARD prétend : 8 GASPARD Ah, c’est vrai, je l’avais oubliée, celle-là…! VINCENT David a essayé de la pécho, il s’est pris un vent, t’aurais vu ça…! CLOTILDE Alors là, je confirme ! Dès que t’es parti, il lui a foncé dessus ! Je suis témoin. DAVID Et tu sais pas la meilleure ? Elle aussi, elle a flashé sur toi. GASPARD n’en croit pas un mot. GASPARD Ben, voyons…! DAVID Hein, Vincent ? J’ai été la brancher, elle m’a demandé pourquoi t’avais filé si vite…! Elle était dégoûtée…! GASPARD Mais vous lui avez pas dit que j’allais revenir ? VINCENT Oui, elle t’a attendu un moment, mais bon… Prenant le verre que le barman vient de poser en face de lui, GASPARD rigole : GASPARD Merde, pour une fois que je tombe sur la femme de ma vie…! Il lève son verre pour trinquer. GASPARD Allez, à mes amours…! 9 6. AGENCE IMMOBILIERE. EXT / JOUR Quelques jours plus tard. Dans une rue piétonnière du centre d’Orléans, des annonces d’appartements à vendre ou à louer sont affichées sur la vitrine de l’agence immobilière. 7. AGENCE IMMOBILIERE. INT / JOUR Dans les bureaux, une dizaine d'employés s'affairent, passent des coups de fil, tapent des dossiers. En costume cravate, GASPARD est au téléphone avec un client : GASPARD Le studio de la rue de la Loire ? Oui, vous avez de la chance, il est toujours à louer. Il remercie d’un sourire CLOTILDE qui lui apporte son courrier. GASPARD Par contre, il va partir très vite…! Vous savez que Sharon Stone y a habité quand elle était étudiante en France ? Mais une enveloppe rose pâle attire son attention. Intrigué, il l’ouvre et se met à lire la lettre d’un air incrédule. Du coup, il abrège son coup de fil : GASPARD Ah, désolé, j’ai un double appel. Le mieux, c’est de voir ça avec le syndic. Et il raccroche au nez de son client ! Mais VINCENT s’arrête devant le bureau. VINCENT Gaspard, tu te rends compte ? J moins 2 ! Les petites Québécoises, il paraît qu’elles sont pas frileuses…! 10 Comme GASPARD reste plongé dans sa lettre, il fait des grands gestes pour attirer son attention. VINCENT Oh, oh ! Il y a quelqu’un ? GASPARD Quoi, les petites Québécoises ? De quoi tu me parles ? Intrigué, VINCENT s’approche. VINCENT Elle est parfumée, ta lettre, ou je me fais des idées ? GASPARD exulte : GASPARD Vincent, tu vas pas me croire, c’est la fille de la boîte de nuit…! VINCENT Arrête, t’es pas sérieux ? Vérifiant la signature en bas de la lettre, GASPARD a un sourire attendri : GASPARD Angélique… Elle a dessiné un petit cœur pour faire le point sur le i. Mais il s’étonne : GASPARD C’est bizarre, comment elle m’a retrouvé ? VINCENT A tous les coups, c’est David qui lui a dit ton nom. GASPARD Oui, mais l’adresse ? Ça tient pas debout…! 11 VINCENT Ah, ben oui, tiens…? Oh, tel que je le connais, il a dû lui laisser la carte de l’agence, il la file à tout le monde. GASPARD Je pensais que vous déconniez, moi… VINCENT Fais voir. Mais GASPARD recule la lettre d'un geste vif, avant qu'il la prenne ! GASPARD Et puis quoi encore ! Tu veux une photocopie ? Voyant DAVID passer dans le couloir, VINCENT l’appelle : VINCENT David ! Elle lui a écrit…! DAVID Qui ça ? Au lieu de répondre, VINCENT commence à imiter la danse de la jeune femme, en mimant ses courbes voluptueuses. DAVID Non, c’est pas vrai ?! La meuf de l’autre soir ? Putain, j’hallucine ! GASPARD Elle me file rencart, elle veut qu’on se voie demain. DAVID Oh la la, ça pue l’arnaque…! Moi à ta place, je me méfierais. Mais GASPARD ne daigne même pas répondre. Avec un discret sourire, il hume le parfum de la lettre, avant de la replier soigneusement pour la remettre dans son enveloppe rose. 12 GASPARD Même pas eu besoin de la draguer…! La classe…! 8. APPARTEMENT GASPARD. CHAMBRE DE GASPARD. INT / NUIT Tout excitées, les filles de GASPARD l’aident à se faire beau pour son rendez-vous galant. GASPARD Vous êtes sûres que ça vous embête pas si je vous laisse encore toutes seules ? AURELIE On est pas toutes seules, il y a la télé…! Pendant qu’AURELIE lui arrange sa plus belle cravate, MARGOT se juche sur une chaise pour lui peigner les cheveux. GASPARD Aïe, tu me fais mal ! MARGOT On va les tirer en arrière, ça fait gangster, elle va kiffer. GASPARD J’ai aucune envie de ressembler à un gangster…! AURELIE Surtout oublie pas les fleurs. Plein de roses rouges ! C’est la couleur de l’amour…! GASPARD C’est peut-être trop, non ? 13 AURELIE Tais-toi, tu connais rien aux femmes…! 9. DEVANT UN SQUARE. EXT / NUIT Il tombe des cordes. Planqués dans une voiture garée de l’autre côté du carrefour, VINCENT, DAVID et CLOTILDE observent en douce GASPARD qui attend sous la pluie devant l’entrée d’un square, son gros bouquet de roses rouges à la main. CLOTILDE J’en reviens pas qu’il ait marché, j’avais peur qu’il reconnaisse mon écriture…! DAVID Demain quand on va lui dire, il va être vert…! Par la vitre baissée, il filme GASPARD avec son Smartphone. CLOTILDE Allez, on se montre ? On est vaches quand même ! VINCENT Mais non, tu vas voir, ça va être le premier à se marrer…! Tu te rappelles quand il m’a fait croire que je t’avais mise en cloque ? C’était pas mal non plus ! J’ai eu la trouille de ma vie…! En voyant une petite vieille longer le square en clopinant, DAVID rigole : DAVID Ah, voilà son rencart…! Dis donc, elle a pris un sacré coup de vieux. Las d’attendre, GASPARD donne son bouquet de roses à la petite vieille, avant de s’en aller tristement, sans se retourner. 14 10. APPARTEMENT GASPARD. INT / NUIT Quand il rentre chez lui, GASPARD trouve les fillettes endormies sur le canapé. Otant son manteau trempé, il éteint la télé qui est restée allumée et les porte dans leur lit, l’une après l’autre. Sans vraiment se réveiller, AURELIE chuchote d’une voix ensommeillée : AURELIE Ça lui a plu, les roses ? GASPARD Dors, ma chérie. Il se penche pour l’embrasser tendrement sur le front. GASPARD C’est vous que j’aime. 11. AGENCE IMMOBILIERE. INT / JOUR A l'agence immobilière, au lieu de travailler, VINCENT, DAVID et CLOTILDE sont réunis autour d’un ordinateur pour regarder la vidéo qu’ils ont tournée devant le square. DAVID On devrait carrément la foutre sur You Tube. Elle est collector, celle-là…! CLOTILDE rigole : CLOTILDE Après la meuf tombe dessus, elle craque sur lui…! 15 VINCENT Au fait, je vous ai pas dit ? J’y suis retourné à la boîte, il paraît que c’est une habituée. DAVID Oh, putain, quelle enflure ! Tu chasses tout seul, maintenant ? VINCENT D’après le videur, elle est serveuse dans une pizzeria rue Jeanne d’Arc, par là… Mais DAVID voit GASPARD arriver au bout du couloir. DAVID Faites gaffe, le voilà ! VINCENT a juste le temps d’éteindre l’écran ! Déjà, GASPARD les rejoint. Après son lapin de la veille, il tâche de faire bonne figure : GASPARD Ça bosse dur, on dirait…! VINCENT a du mal à garder son sérieux. VINCENT Ouh, j'en connais un qui a pas beaucoup dormi…! DAVID T’as assuré, j’espère ? Agacé, GASPARD grogne : GASPARD C’est pas vrai, vous pensez qu’à ça…! Les autres se consultent du regard. DAVID Ben… Oui. 16 Sans se douter qu’ils ne sont pas dupes, GASPARD en fait carrément trop : GASPARD Evidemment que j’ai assuré. Et puis alors c’est pas pour me vanter, mais c’est un coup d’enfer…! Avec un coup d’œil complice aux autres, VINCENT lui tape dans le dos, admiratif : VINCENT T’es le roi des lapins, toi…! 12. PIZZERIA. INT / JOUR Sur les murs de la pizzeria, une fresque naïve aux couleurs vives représente le Carnaval de Venise, avec ses foules masquées qui dansent et font la fête. GASPARD rejoint ses collègues qui sont déjà attablés. GASPARD Putain, pour se garer dans ce quartier…! Ça fait une heure que je tourne en rond. VINCENT Au moins ça va nous changer des kebabs. Il y a pas mal de monde dans le restaurant. FLO, la jeune femme de la boîte de nuit, sort de cuisine avec une pizza. En la voyant, CLOTILDE donne un coup de coude à DAVID, qui fait semblant de tomber des nues : DAVID Eh, Gaspard, c’est pas ta fiancée, là…?! GASPARD Hein, quoi…?! VINCENT Alors, ça pour une coïncidence…! 17 Tournant la tête, GASPARD, incrédule, aperçoit FLO qui sert des clients à l’autre bout du restaurant. Rigolard, DAVID s’extasie : DAVID Oh, qu’est-ce qu’elle est belle…! Et t’as vu comment elle porte bien les pizzas…! CLOTILDE T’as l’air surpris, tu savais pas qu’elle bossait là ? GASPARD Euh, si… Enfin, on a pas trop parlé boulot. Merde, ça me fait penser, j’ai oublié un truc à l’agence… Il va pour se lever, mais VINCENT le retient par le bras. VINCENT Te sauve pas comme ça, toi…! Tu vas nous la présenter…! DAVID Mademoiselle ! FLO, qui ne l’a pas entendu, ne se retourne pas. VINCENT Comment elle a écrit ça, déjà ? « Dans cette nuit d’ivresse, j’étais ivre de vous. » CLOTILDE « Pourquoi vous être enfui si vite ? » DAVID « Est-ce l’Amour qui vous fait peur ? » Subitement, GASPARD réalise, outré : GASPARD Bande de crevards ! C’est vous, la lettre ?! Ses collègues gloussent, ravis, et DAVID appelle à nouveau : 18 DAVID Mademoiselle ! GASPARD J’en reviens pas ! Vous avez quatre ans d’âge mental ! Repoussant brutalement sa chaise, il les plante là en bousculant au passage une serveuse, CARLOTTA, une belle Italienne au décolleté ravageur, qui manque de faire tomber le plateau qu'elle portait…! Sans même s’excuser, GASPARD sort précipitamment du restaurant, tandis que FLO s’approche, tout sourire, de la table de ses collègues : FLO Ça y est, vous avez fait votre choix ? Le monsieur ne mange pas avec vous, finalement ? 13. RUE. EXT / JOUR Au volant de sa Twingo, GASPARD furibond sort la lettre de sa poche. GASPARD Putain, je t’en foutrais, moi des petits cœurs sur les i ! Baissant sa vitre, il froisse la lettre pour la jeter par la fenêtre, sans réaliser qu’il brûle un feu rouge ! En voyant un camion déboucher de la rue transversale, il tente de freiner mais sa voiture part en tête à queue et percute l’arrière du camion dans un fracas de ferraille, avant de venir s’immobiliser juste sous un panneau de stationnement interdit. 14. A CHEZ FLO . INT / JOUR 14 B HOPITAL. INT / JOUR FLO habite un petit deux pièces à Saint Jean de la Ruelle, dans la banlieue d’Orléans, avec des affiches de vieux films qui dissimulent les fissures des murs. 19 Plongée dans un roman de la collection Harlequin, « Songes et Mensonges », sa fille LISE, onze ans, se gave de chips. FLO Lise, mais qu’est-ce que tu manges ? C’est des cochonneries, ça…! Tu aurais pu m’attendre, je t’ai ramené des lasagnes du restau. LISE C’est trop miam, les chips…! FLO T’as pris quoi ? Paprika ? Confisquées…! Récupérant le paquet, elle en profite pour grignoter quelques chips. FLO En plus, c’est mes préférées…! Avec un soupir, elle ôte ses mocassins. Sur son portable, elle compose un numéro qu’elle a noté sur un bout de papier. FLO Alors, ça te plaît, ce bouquin ? Ça va, c’est pas trop à l’eau de rose ? LISE Si, mais j’aime bien. FLO Allô ? C’est Florence. GASPARD Ah, vous avez dû faire un faux numéro… A l'autre bout du fil, GASPARD est dans son lit d’hôpital, encore un peu dans les vapes à cause des calmants qu’on lui a fait prendre. FLO Enfin Angélique, vous savez, la lettre d’amour… 20 Surpris, GASPARD murmure : GASPARD Angélique ? Intéressée, la petite LISE lève les yeux de son roman. FLO Je venais de servir vos collègues quand on les a prévenus pour l’accident. C’est pour ça, je voulais prendre de vos nouvelles. Ils étaient super emmerdés, vous savez, ils ont même pas fini leur pizza…! Se redressant péniblement sur un coude, GASPARD se cale contre ses oreillers. GASPARD Ça va, j’ai rien de cassé. Heureusement j’avais ma ceinture. FLO Ah bon ? Je croyais que vous aviez frôlé la mort ? GASPARD Non, je viens de passer des radios, en principe ils me laissent sortir demain. FLO C’est quand même dégueulasse ce qu’ils vous ont fait. Ils m’ont tout raconté, je suis vraiment navrée… GASPARD Oh, vous y êtes pour rien…! FLO Ben non, j’étais même pas au courant. GASPARD Avec eux, on arrête pas de se faire ce genre de plan foireux. Ça vole pas toujours très haut… Mi figue mi raisin, FLO remarque : 21 FLO C'est comme pour notre folle nuit d'amour. GASPARD Ah, ils vous ont raconté ça aussi…?! Terriblement embarrassé, il bredouille : GASPARD La honte, je sais même pas quoi vous dire…! FLO Il paraît que je suis un coup d’enfer ? Merci pour le compliment. Mais LISE interrompt leur conversation au téléphone pour demander : LISE Maman, ça veut dire quoi, "Je ne mens jamais, je rends la vérité plus grande pour qu'elle se voie de loin." ? FLO Attends, mon ange, pas maintenant. C’est ma fille qui lit « Songes et Mensonges »… GASPARD Tiens, je connais pas. C’est joli comme titre. FLO Oh, personne connaît. Moi, c’est mon livre de chevet. Pour ça, je suis une vraie midinette…! C’est l’Amour avec un grand A. Roméo et Juliette à côté, c’est du pipi de chat…! A part qu’il va pas jusqu’à se suicider pour elle. Là, je dois dire, vous avez fait fort…! GASPARD Qui vous a raconté ça…?! Je me suis pas suicidé. J’étais énervé, j’ai brûlé un feu. FLO Ah bon ? Je suis soulagée alors, ça m’ôte un poids…! A vrai dire, elle a l’air presque déçu. 22 FLO Parce que moi aussi, je suis passée par là… C’était mon premier chagrin d’amour, j’avais pas encore l’habitude. Eh puis non, la vie ça repart… GASPARD va pour répondre, mais il n’ose pas l’interrompre. FLO Voilà, je voulais juste vous dire ça : même si on y croit pas, un jour ou l’autre on regarde par la fenêtre et il y a le soleil qui revient. Comme la conversation a l’air partie pour s’éterniser, LISE récupère ses chips et se replonge dans la lecture de son roman. 15. DEVANT L’HOPITAL. EXT / JOUR Le lendemain matin, CLOTILDE est venue récupérer GASPARD à sa sortie de l’hôpital. GASPARD Les petites, ça va, elles ont pas été trop chiantes ? CLOTILDE Pas du tout, c’est des amours. Elles se sont super bien entendues avec mon chat…! Mais GASPARD se méfie : GASPARD Ote-moi d'un doute. La nana qui m'a téléphoné hier à l'hosto… Si c’est encore une de vos conneries, moi j’ai plus de bagnole à fracasser…! CLOTILDE Rigole pas avec ça, tu nous as foutu une de ces trouilles…! 23 Ils montent dans la voiture de CLOTILDE, qui démarre pour sortir du parking. CLOTILDE Tes filles, je leur ai pas dit pour l’accident, j’avais peur qu’elles s’inquiètent. Si elles te demandent, t’as bossé toute la nuit. GASPARD Oui, t’as bien fait. CLOTILDE Sauf qu’elles m’ont pas cru. Du coup, Margot s’est mis en tête que tu étais encore avec ta serveuse… GASPARD Ah ça, on est resté au moins trois plombes au téléphone. A la fin, ça a coupé, j’avais plus de batterie. Elle a une voix, c’est du miel. Ça fait sourire CLOTILDE : CLOTILDE Et toi, tu te sens l’âme d’une abeille, c’est ça ? GASPARD Tu parles, ça m’a foutu le bourdon, oui…! Après, j’ai pas pu fermer l’œil. J’ai même pas dragué l’infirmière, tu te rends compte ? Pourtant elle était canon…! CLOTILDE Ah oui, ça te ressemble pas. GASPARD Le pire, quand j’ai fini par m’endormir, j’ai rêvé d’Angélique…! Alors qu’elle existe même pas ! Je sais pas ce qu’ils m’ont filé comme médocs, c’est comme si j’avais chopé un virus ou je sais pas quoi…! Putain, j’espère que ça va me passer…! CLOTILDE Houlà, me dis pas que t’es in love…?! Tu nous l’avais jamais faite, celle-là…! 24 GASPARD Parle pas de malheur ! Moi, j’ai mes deux petites meufs, on a besoin de personne. CLOTILDE C’est pas ce qu’elles m’ont dit. Une nouvelle maman, je crois qu’elles seraient pas contre. GASPARD Oui, ben non ! Je replonge pas là-dedans…! Tandis que CLOTILDE se faufile adroitement dans les embouteillages, il reste perdu dans ses pensées, le regard dans le vague. CLOTILDE Non, c’est pas une blague, t’es vraiment in love ? GASPARD Alors ça, jamais ! Plutôt crever…! 16. AGENCE IMMOBILIERE. INT / JOUR Quand GASPARD arrive à l’agence immobilière avec CLOTILDE, aussitôt ses collègues l’entourent, visiblement soulagés qu’il soit sain et sauf. CLOTILDE Vous savez pas la meilleure ? Alléluia ! Gaspard s’est fait greffer un cœur ! Il est amoureux ! GASPARD Bon, Clotilde, ça va ! Qui lui a dit que je voulais me suicider, d’abord ? C’est la meilleure, celle-là…! VINCENT Te plains pas, c’est pour ça qu’elle t’a appelé. Elle voulait à tout prix te consoler, elle avait peur que tu recommences…! 25 DAVID Et alors, t’en es où avec elle ? GASPARD Nulle part ! Déjà elle a tiré un trait sur les mecs, elle a trop morflé. Pour elle, on est tous des menteurs, il y en a pas un qui sauve l’autre…! VINCENT N’empêche, elle t'a fait ses confidences, on dirait. GASPARD Oui, ça, elle m’a raconté sa vie. Avant elle habitait Dunkerque, ici elle connaît personne. Là c’est bon, je suis devenu sa meilleure copine…! Du coup pour me la taper, c’est même pas la peine que j’essaye…! CLOTILDE Attends, tu te contredis, là…! GASPARD C’est mort, elle m'a catalogué : le pauvre taré qui s’est vanté de l’avoir foutue dans son lit…! Merci, ça vous m’avez bien savonné la planche. Surtout qu’elle, l'idéal masculin c'est carrément Indiana Jones…! DAVID T’as qu’à dire qu’on lui a raconté des bobards. Comme pour la lettre. Tu nies tout en bloc. Moi avec ma femme, c’est ce que je fais toujours…! GASPARD Ouais, j’ai pas eu le réflexe. Avec les calmants, j’étais à moitié dans les vapes… VINCENT Me dis pas que tu vas laisser tomber ? Je te reconnais plus…! GASPARD Mais moi non plus, je me reconnais plus ! Avec elle, je suis rentré dans le mode loser, ça me coupe tous mes effets. J’ai l’impression que je vais faire une crise d’acné…! 26 CLOTILDE Au pire, tu l’oublies. T’es pas le premier qui se sera pris un râteau. Après un long silence, GASPARD secoue la tête. Et d’un ton résolu : GASPARD Non, ma nuit d’amour, elle me la doit. Elle va pas s’en tirer comme ça…! VINCENT Ah yes ! Je commençais à m’inquiéter, moi. DAVID Et comment tu vas faire, si t’es sa meilleure copine ? GASPARD J’en sais rien, je vais bien trouver un truc. CLOTILDE Mais après tu vas la larguer ? GASPARD Tu m’étonnes, je vais me gêner…! Comme ça, au moins je me la sors du système, je pourrai tourner la page. Dossier suivant…! 17. PATINOIRE. EXT / JOUR Assis sur les gradins de la patinoire, GASPARD est plongé dans la lecture de « Songes et Mensonges» avec AURELIE et MARGOT, qui sont en train de chausser leurs patins à glace. MARGOT Papa, tu m’aides ? J'y arrive pas. 27 GASPARD Attends, mon cœur, tu vois bien que je révise. Regarde, j’ai encore tout ça à me coltiner… AURELIE T’es sûr qu’elle va venir au moins ? GASPARD Tous les dimanches elle vient patiner avec sa fille. En tout cas c’est ce qu’elle m’a dit au téléphone. Plus inquiet qu’il ne veut le montrer, il jette un regard alentour, avant de se replonger dans son bouquin. AURELIE C’est ta chaussette, faut la tirer…! Trébuchant un peu sur ses patins à glace, elle s’agenouille devant sa petite sœur pour l’aider. AURELIE Pousse ton pied ! Vas-y, pousse ! MARGOT Ah, mais ça glisse…! AURELIE la rattrape de justesse avant qu'elle se casse la figure. GASPARD Surtout, quand vous tombez, vous laissez jamais les mains sur la glace. Sinon on peut vous couper les doigts ! C’est super dangereux ! Prudemment, AURELIE se risque sur la patinoire. AURELIE Pourquoi tu viens pas avec nous ? Ça serait mieux. GASPARD T’es folle, je vais être ridicule…! 28 Subitement, son visage s’éclaire : GASPARD Tiens, les voilà ! Avec la petite fille là-bas, l’anorak rouge ! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------De l’autre côté de la patinoire, FLO patine avec la petite LISE. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------AURELIE Mais elle va pas te reconnaître ? GASPARD Tu sais, je l'ai vue danser, mais elle je suis sûr qu’elle m'a pas remarqué. MARGOT Comment elle a pu flasher sur toi, alors ? Gentiment, GASPARD lui ébouriffe les cheveux. GASPARD T’as rien compris, ma puce ! Ça, c’est les conneries de David, il m’a fait une blague. AURELIE Et au restau ? GASPARD Non, je suis parti avant qu’elle arrive à notre table. Il se lève, son roman à la main. GASPARD Surtout, vous oubliez pas, je m'appelle pas Gaspard, je m’appelle Hugo, ça fait plus aventurier. 29 MARGOT Et moi, je suis qui ? GASPARD Ben t’es Margot, tu changes pas de prénom…! MARGOT J’aime mieux m’appeler Céline ! GASPARD Arrête, après on va s’emmêler les pinceaux ! AURELIE Moi alors, c’est Jennifer ! Il y a pas de raison ! GASPARD Bon, ça suffit les caprices ! Margot, Aurélie, vous vous tenez par la main ! Allez hop ! Maintenant vous savez ce qui vous reste à faire ! MARGOT ET AURELIE Oui, papa ! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------LISE Maman, regarde ! Et la voilà qui s'élance, gracieuse, décrivant une large courbe autour de FLO. Pas très assurées sur leurs patins, AURELIE et MARGOT, main dans la main, foncent droit sur elle par derrière et la percutent de plein fouet ! Elles s’étalent toutes les trois sur la glace. AURELIE Oh, pardon ! MARGOT On l’a pas fait exprès ! Contournant la patinoire, GASPARD, ou plus exactement HUGO, accourt à toutes jambes, et d’un ton guttural, pour que FLO ne la reconnaisse pas sa voix : 30 HUGO Les filles, attention quand même ! MARGOT Papa, on a pas les mains coupées…! FLO Vous pourriez les surveiller…! C’est des dangers publics…! Mais en reconnaissant le roman qu’HUGO tient à la main, elle en oublie sa colère : FLO Ça alors…! Je suis dingue de ce bouquin. C’est sublime, non ? Moi ça me donne des frissons… HUGO Ah, moi aussi…! Là, j'en suis aux catacombes, quand ils jouent à pile ou face pour savoir où aller. FLO Et après quand elle se fait passer pour sa sœur jumelle… HUGO Non, non, non ! Surtout me dites rien ! Je suis à fond…! Sur la piste de patin à glace, les trois fillettes sont reparties patiner, joyeuses. FLO Elles doivent être contentes d’aller à la patinoire comme ça avec leur papa. HUGO Leur maman a disparu dans une avalanche quand elles étaient toutes petites. L’air mélancolique, il hoche la tête. 31 HUGO Dans la Cordillère des Andes. J’aurais jamais dû accepter qu’elle m’accompagne. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Tout en patinant, MARGOT et AURELIE n’y vont pas non plus de main morte : MARGOT Papa, c’est un vrai champion. Il a gagné plein de médailles, il sait plus où les mettre…! LISE jette un coup d’œil en direction d’HUGO qui est resté à bavarder avec FLO. Il dit à la jeune femme quelque chose qui la fait rire, on sent qu’elle est sous le charme. LISE Pourquoi il reste au bord, alors ? AURELIE Ben, là il y a trop de monde. Il lui faut la patinoire pour lui tout seul…! 18. RUE DE VERDUN. EXT / JOUR Lundi matin, DAVID et GASPARD longent à pied la rue de Verdun. DAVID Alors, c’est quoi, les news ? C’est un coup d’enfer ou pas, finalement ? GASPARD Minute, je suis pas aux pièces…! DAVID est tout déçu : 32 DAVID Ah bon ? Qu’est-ce que t’attends ? GASPARD A la patinoire, il y avait les petites, c’était pas pratique. Elles ont insisté pour venir. DAVID Merde, Gaspard, tu fais chier ! Avec Vincent, on a fait un pari. Là, il m’a appelé de Montréal pour savoir. J’avais misé sur toi, moi, j’avais parié qu’elle passerait pas le week-end…! Ils croisent trois minettes un peu trop maquillées, qui se trémoussent sur leurs talons hauts. Quand DAVID s’aperçoit que GASPARD ne daigne même pas leur accorder un regard, il est consterné : DAVID Putain, ça s’arrange pas, on dirait. Mal à l’aise, GASPARD avoue : GASPARD C’est encore pire qu’avant. DAVID T’inquiète…! Dès qu’elle sera passée à la casserole, tu pourras l’oublier. Mais ils arrivent en face d’un immeuble à la façade décrépite. Devant la porte cochère, un couple patiente. La jeune femme est très enceinte, et son mari est tout maigrichon. DAVID Tiens, c’est tes prochaines victimes. GASPARD Allez, à plus…! Je les sens bien, ces deux-là. Je vais en faire qu’une bouchée…! 33 Et il traverse rapidement la rue pour aller rejoindre ses clients. 19. ESCALIER APPART A LOUER. INT / JOUR L’appartement que GASPARD doit faire visiter au couple est au cinquième étage sans ascenseur. Tous les trois, ils gravissent péniblement les marches étroites de l’escalier. GASPARD Déjà ça vous fait du sport, pas besoin de vous payer un club de gym. Et quand il y aura le bébé, le landau, vous pouvez le laisser en bas dans le local des poubelles, c’est pratique. Trop essoufflée pour répondre, la jeune femme s’agrippe à la rampe branlante, sans lâcher la main de son mari qui l’aide à se hisser. 20. A. APPART A LOUER B. ARRET C. BUS D. DEVANT PIZZERIA. INT-EXT / JOUR L’appartement n’est pas très grand, mais surtout il est assez délabré. GASPARD Alors, ici vous avez la kitchenette. Vous me direz, elle est peut-être un peu exigüe. En même temps pour des jeunes mariés, c’est parfait, c’est… c’est plus intime. La main sur son ventre rond, la CLIENTE a un peu de mal à retrouver sa respiration. CLIENTE Ça fait des mois qu’on cherche, on commençait à désespérer. Mais le portable de GASPARD sonne. 34 GASPARD Vous m’excusez une seconde ? Quand il voit que c’est FLO qui l’appelle, il hésite un instant à décrocher. GASPARD Ah, Flo, je peux vous rappeler ? Là, je suis avec des clients… FLO Non, mais c’est inouï ce qui m’arrive, vous devinerez jamais ! Elle est à un arrêt de bus, à attendre pour aller à son travail. FLO Vous m’avez porté bonheur ! GASPARD se tourne vers ses clients. GASPARD Je vous laisse regarder, pour vous faire une première idée. Vous allez voir, il y a des placards partout, c’est idéal pour les rangements… Le portable à l’oreille, il baisse la voix : GASPARD Oui, Flo, allez-y, racontez…! FLO Vous vous rappelez l'autre jour ce que vous m’avez dit ? Que les hommes, c’était pas tous des menteurs… Que l’amour fou, c'était pas seulement dans les livres, il suffisait d'y croire…! Eh ben, c’est vous qui aviez raison ! Merci, merci, merci…! GASPARD Quoi, merci ? J’y suis pour rien…! FLO Si ! Parce que là, ça y est ! Enfin, j'espère. C’est pour ça, même si nous deux on se connaît à peine, c'est à vous que j'avais envie de le dire. 35 GASPARD prend un ton détaché pour demander : GASPARD Et c'est qui, l’heureux élu ? A l’autre bout du fil, FLO s’inquiète : FLO Vous êtes pas jaloux au moins ? GASPARD Vous voulez rire ? Moi c’est Angélique qui me faisait rêver. Au contraire, ça me fait plaisir…! CLIENT Excusez-moi, on ne trouve pas les placards. GASPARD Attendez, Flo, quittez pas. Surpris, il regarde autour de lui. GASPARD Les placards ? Ah, effectivement… Autant pour moi…! Sans se démonter, il explique : GASPARD C’est quand on a refait à neuf, on les a tous supprimés : ça gagne énormément d’espace, c’est quand même appréciable… CLIENT Ah, d’accord ? Ah oui, bien sûr, je comprends. Dès qu'il est reparti, GASPARD reprend sa conversation avec FLO : GASPARD Alors, dites moi tout…! Il est comment ? 36 FLO Merde, mon bus ! FLO court derrière le bus, qu’elle réussit à rattraper in extremis. Sans lâcher son portable, elle tambourine sur la vitre jusqu'à ce que le CHAUFFEUR se décide à lui ouvrir. FLO Figurez-vous qu’il a deux petites filles, elles ont l’âge de Lise. Ça s’invente pas un truc pareil…! Quand FLO grimpe dans le bus, le CHAUFFEUR remarque : CHAUFFEUR En principe on a pas le droit de monter entre les arrêts. En guise de réponse, FLO lui fait signe qu’elle est au téléphone, avant de partir s’asseoir au fond du bus, où elle s’installe à côté d’une grosse dame, qui se pousse à contrecœur. FLO Où j’en étais ? Ah oui, il s'appelle Hugo. Je vous jure, il a une vie fascinante, mais fascinante…! Du coin de l’œil, GASPARD surveille ses clients qui sont dans les toilettes en train de tirer la chasse pour s’assurer qu’elle fonctionne. FLO Attention, lui il m’a rien dit. C’est pas le genre à se vanter…! C’est les petites qui ont bavardé avec Lise. Voyant que la dame à côté d'elle ne perd pas un mot de ce qu’elle raconte, FLO se tourne de l’autre côté pour chuchoter : FLO Pour ça, elle est impayable…! Dès que je rencontre quelqu’un, elle fait mon espion…! GASPARD Non…?! 37 FLO Si ! Alors tout de suite elle a embarqué les filles, elle est partie patiner avec elles, elle leur a posé trente-six mille questions ! Elle leur a demandé ce qu’il faisait dans la vie, tout ça. Comme ça, moi je suis rassurée, je sais où je vais…! GASPARD Ah oui, bien joué. FLO Elle me fait rire, elle fait ça tout le temps…! A chaque fois que j’ai un coup de foudre…! Un peu contrarié, GASPARD se renseigne : GASPARD Mais ça vous arrive souvent ? FLO se lève d’un bond. FLO Attendez, attendez…! Elle est arrivée à son arrêt. Elle sort du bus, qui repart aussitôt. Traversant la rue sans regarder, elle se dirige à grandes enjambées vers la pizzeria où elle travaille. FLO Demain il m’a invitée à déjeuner, j’ai trop hâte…! GASPARD s’inquiète : GASPARD Et votre fille, vous en faites quoi, elle sera avec vous ? Ça la fait rire : FLO Gaspard, elle est à la cantine…! Ça se voit que vous avez pas d’enfants. Allez, bisou, faut que je file ! 38 Remettant le portable dans sa poche, elle se hâte d’entrer dans la pizzeria. 21. CASSE DE VOITURES. EXT / JOUR GASPARD n'étant plus motorisé, DAVID l’a accompagné dans la banlieue d’Orléans, à la casse où a échoué l’épave de sa Twingo, parmi des centaines d’autres carcasses. GASPARD Cet appart, c’est un vrai piège à cons…! Entre le voisin qui joue du saxo et la chaudière qui va exploser, j’en reviens pas d’avoir réussi à leur fourguer…! DAVID s’attarde un instant près d’une vieille moto avec un side-car. DAVID Tu crois qu’elle roule encore ? Toi qui parlais d’Indiana Jones… Mais GASPARD ouvre des yeux ronds en voyant une énorme grue en train de soulever sa Twingo. GASPARD Eh, mais à quoi il joue…?! Avant que la grue ne dépose l'épave dans le broyeur qui doit la transformer en un cube de ferraille, GASPARD se précipite. GASPARD Attendez, c’est la mienne ! Stop ! On arrête tout ! En le voyant accourir en agitant frénétiquement les bras, le grutier, qui n’est pas contrariant, laisse retomber l’épave aux pieds de GASPARD, qu’il manque d’écrabouiller…! GASPARD Merci ! Je vous la rends tout de suite…! 39 Passant le bras par la vitre fracassée de la portière, il récupère sur le siège arrière un mince dossier, qu’il tend à DAVID. GASPARD Demain ils signent à midi. DAVID Pourquoi tu me donnes ça ? GASPARD C’est les clients de la rue de Verdun, je viens de t’expliquer…! J’ai réussi à les embobiner mais ils peuvent encore changer d’avis. Si on leur décale le rendez-vous, ça risque de tout faire capoter. Sans comprendre où il veut en venir, DAVID feuillette le dossier. DAVID Ben, il m’a l’air nickel, ton dossier. GASPARD Tant mieux, parce que c’est toi qui t’y colles…! Moi je suis pas libre, je déjeune avec Flo. T’y vas, tu signes à ma place. DAVID J’ai pas que ça à foutre…! GASPARD Tu me dois bien ça, non ? Sans vous, je me serais jamais embringué là-dedans…! DAVID a refermé le dossier, mais GASPARD ne fait pas mine de le reprendre. GASPARD Des apparts à louer, il y en aura toujours. Moi c’est la perle rare, tu comprends ! J'y peux rien, tout à l’heure elle m’a appelé, j'avais le cœur qui battait à mille à l’heure ! C’est comme ça depuis la seconde où j’ai lu sa lettre ! 40 DAVID Sa lettre ?! Mais Gaspard, réveille-toi ! C’est pas elle qui l’a écrite, c’est nous ! Même qu’on s’y est mis à trois ! Et l'idée du parfum, c'est Clotilde…! GASPARD Ça, j’ai compris, je suis pas débile ! Sauf que ça change rien ! C’est ça qui est débile ! Les yeux brillants, il murmure d’une voix sourde : GASPARD David, c’est important. Avec un soupir, DAVID finit par acquiescer. DAVID Bon, mais alors tu me files ta com, on est bien d’accord ? GASPARD Plus ma gratitude éternelle…! Le jour du mariage, c’est toi qui seras mon témoin…! DAVID Attends, je croyais que tu voulais la larguer…?! GASPARD Moi oui. Pas Hugo. DAVID fronce les sourcils, perplexe : DAVID Qui c’est celui-là ? GASPARD a un mince sourire. GASPARD L’homme de sa vie. 41 22. RESTAURANT TIBETAIN. INT / JOUR HUGO et FLO déjeunent dans un petit restaurant aux murs décorés de tentures de soie mauve et de bibelots dorés. Avec des baguettes, ils dégustent un Shöl Lougsha, accompagné du thé tibétain traditionnel au beurre salé. Quand FLO se risque à en boire une gorgée, elle fait un peu la grimace. FLO Je connaissais pas du tout. Le thé, c’est normal le goût ? HUGO Ah oui, ça c’est le beurre rance. Il a repris sa voix grave d’aventurier. HUGO Mais on s’y fait, après c’est comme l’opium, on ne peut plus s’en passer…! Pour impressionner FLO, il vide sa tasse cul sec, et FLO manque de s’étrangler en voulant l’imiter. FLO Pas besoin d’aller au Tibet, on y est déjà…! Voyant arriver derrière elle le jeune SERVEUR aux yeux bridés qui se dirige vers leur table avec une théière pour les resservir, HUGO l’appelle dans un incompréhensible sabir qui se veut tibétain. FLO Tu lui as dit quoi ? HUGO Je lui ai demandé encore un peu de thé, comme tu as l’air d’aimer ça. Subjuguée, FLO regarde le SERVEUR qui arrive avec sa théière et commence à remplir leurs tasses, en s’excusant avec un fort accent méridional : 42 SERVEUR Désolé, je parle pas un mot de tibétain. Je suis de Montélimar, c’est mes grands-parents qui viennent du Tibet. 23. A. BUREAU AGENCE IMMOBILIERE. INT / JOUR B. PIZZERIA. INT / JOUR A l’agence immobilière, CLOTILDE est en train de photocopier un contrat, quand elle voit arriver GASPARD. CLOTILDE Eh, t’as vu l’heure ? Tu te la coules douce, hein…! GASPARD a un sourire d’excuse : GASPARD J’étais au Tibet, c’est le décalage horaire. CLOTILDE A propos, elle vient d’appeler. Elle m’a dit qu’elle arrivait pas à te joindre. GASPARD Normal, je m’étais mis en mode avion. Vu que j’étais avec elle. Il sort un portable de sa poche. GASPARD Ah ben non, ça c’est celui d’Hugo…! Je suis con, j’aurais pas dû prendre le même. Surprise, CLOTILDE le regarde sortir un second portable identique, qu’il rallume pour pouvoir téléphoner. GASPARD Qu’est-ce qu’elle me voulait ? 43 CLOTILDE Je sais pas, mais ça avait l’air urgent. 24. A. PIZZERIA. INT / JOUR B. BUREAU AGENCE IMMOBILIERE. INT / JOUR FLO fait la plonge dans la cuisine de la pizzeria, quand son portable sonne. Aussitôt, elle s’essuie les mains sur son tablier pour décrocher. CARLOTTA Ah non, Flo, pitié ! Comme si on était pas assez à la bourre…! Elle est en train de découper des tomates en fines rondelles pour le service du soir pendant que la petite LISE fait ses devoirs sur un coin de table. CARLOTTA Déjà à midi, la patronne m’a demandé où tu étais passée, après c’est moi qui me fait engueuler…! FLO Allô ? C’est gentil de me rappeler. A l’agence immobilière, GASPARD s’est installé dans son bureau pour passer son coup de fil. Sur l’écran de son ordinateur, est affichée la page d’un restaurant argentin. GASPARD Alors, ce déjeuner, pas trop déçue ? FLO Au contraire…! Je me retiens pour pas lui sauter au cou, je voudrais pas qu’il me prenne pour une folle…! GASPARD Vous retenez pas trop, quand même. FLO Quand je suis avec lui, j’ai l’impression que je vais m’envoler…! 44 Mais CARLOTTA est italienne et elle a le sang chaud : CARLOTTA Bon, Flo, basta ! Tu lâches ce téléphone ! En la voyant brandir son couteau de cuisine, FLO lui tourne le dos et chuchote dans son portable : FLO On se quitte plus. Ce soir on dîne encore ensemble. CARLOTTA Quoi, vous dînez ensemble ?! Non, mais t’abuses ! Et tu comptais me prévenir quand ? Ignorant l’interruption, FLO continue au téléphone : FLO On va en Patagonie, il paraît qu’ils servent de l’agneau de lait mariné grillé, je me régale d’avance. GASPARD Mmm, ça a pas l’air mauvais, il faudra que j’essaye. C’est vrai que le plat d’agneau de lait mariné grillé qu’on voit en photo sur son ordinateur a l’air succulent. FLO En fait, c’est pour ça que je vous appelais. J’aurais eu un petit service à vous demander : voilà, je cherche quelqu’un pour garder ma fille… Surprise, LISE a levé les yeux de son cahier. FLO Ça vous embêterait pas ? Je sais pas si vous êtes libre… Mais CARLOTTA lui arrache le portable des mains. 45 CARLOTTA Ciao, bello ! Les casseroles, elles vont pas se laver toutes seules ! Elle raccroche au nez de Gaspard et repart à couper furieusement ses tomates. FLO T’es conne ou quoi ? Je suis sûre qu’il allait dire oui ! 25. BUREAU AGENCE IMMOBILIERE. INT / JOUR Par précaution, GASPARD remet son portable en mode avion, en grognant : GASPARD Baby-sitter, et puis quoi encore ? Mais DAVID ravi s’encadre dans la porte de son bureau. DAVID Ça y est, mec, j’ai conclu ! L’esprit ailleurs, GASPARD le regarde sans comprendre. DAVID Le 36 rue de Verdun ! A la réflexion, ils hésitaient, je leur ai sorti le coup de Sharon Stone, ils ont signé tout de suite ! J’espère que ça en valait la peine, au moins. GASPARD Je la revois ce soir. DAVID Ah, c’est une affaire qui roule…! GASPARD a quand même un souci : 46 GASPARD L'ennui, c’est que je sais pas où aller. C’est notre première nuit, je vais pas la ramener chez moi. Il ressemble à rien, mon appart…! DAVID Pourquoi ? C’est cool, chez toi. GASPARD Tu rigoles, Hugo, il lui faut un endroit qui ait une âme, un truc romantique… Un peu comme dans « Songes et Mensonges », je sais pas si tu l’as lu… DAVID Jamais entendu parler. GASPARD Avec elle, c’est ma bible…! Tu veux les dix commandements comment séduire Flo, tu prends « Songes et Mensonges »…! Et là on passe au chapitre suivant. Alors il faut que je lui sorte le grand jeu…! Il me faudrait au moins le palais des Mille et une Nuits…! DAVID rigole : DAVID Oui, je vois le genre. Comme l’hôtel particulier de l’émir, quoi… Depuis le temps qu’on essaye de lui trouver un acheteur…! Subitement, le visage de GASPARD s’illumine. GASPARD Putain, tu me sauves la vie…! Le bousculant, il se rue dans le bureau de DAVID et commence à ouvrir tous ses tiroirs pour fouiller fébrilement à l’intérieur. GASPARD Les clés ! Où tu les as planquées ?! C’est l’idée du siècle ! En plus, c’est toi qui l’as eue ! 47 DAVID Non, là, tu vas trop loin ! GASPARD L’émir, on le voit jamais ! Entre son loft à Dubaï, son duplex à New York ! Il a carrément un château en Espagne…! Qu’est-ce qu’il en a à secouer d’un petit quinze pièces à Orléans ! On se demande même ce qu’il est venu foutre ici…! DAVID Et si tu te fais choper ? Imagine, il débarque ! Mais GASPARD a trouvé le trousseau de clés qu’il cherchait. GASPARD Les clés du paradis…! 26. RUE HOTEL PARTICULIER. EXT / NUIT Dans la nuit, on entend pétarader la moto qui approche et vient s’arrêter dans un dernier hoquet devant le portail d’un hôtel particulier magnifique, entouré d’un jardin. C’est la vieille moto avec le side-car que David avait repérée dans la casse de voitures. Jeans noir et blouson d’aviateur, HUGO a fière allure. S’extirpant du side-car avec son gros sac à main en bandoulière, FLO admire la façade de l’hôtel particulier. FLO Mais d’où tu sors cette baraque ?! Attends, j’y crois pas ! HUGO Je l’ai gagnée au poker. Avant, c’était à un émir arabe, il a fait tapis, j’ai tout raflé ! FLO Oh, la chance…! 48 HUGO Ça n’a rien à voir avec la chance. Tu mises sur rien, tu bluffes et bam…! Heureusement que j’ai gagné, d’ailleurs. Sinon il lapidait Aurélie et Margot…! Devant son air choqué, il a un rire insouciant : HUGO Je plaisante…! Mes petites princesses…! FLO a un sourire qui lui dessine une fossette. FLO C’est dingue, je crois tout ce qu’on me dit…! Un jour, ça me jouera des tours. Cherchant la bonne clé dans son trousseau, HUGO ouvre le lourd portail, qui grince sur ses gonds, et ils entrent dans le jardin. FLO N'empêche, l'émir, il devait l'avoir mauvaise…! HUGO Il en est pas à ça près…! Quand il est en croisière, il paraît qu’il verse des tonneaux de parfum dans la mer chaque fois qu’il veut se baigner, pour que les vagues sentent bon…! 27. HOTEL PARTICULIER. INT / NUIT A l'intérieur de l'hôtel particulier, ils parcourent les vastes pièces aux murs lambrissés, illuminées par des centaines de bougies. HUGO Au début, les petites arrêtaient pas de se perdre, après je les cherchais partout… Emerveillée, FLO regarde autour d’elle, les yeux étincelants. 49 FLO A propos, elles sont où ? HUGO Oh, elles avaient une pyjama party chez une copine. FLO Moi, la mienne je l’ai laissée à une collègue du restaurant. Elle a râlé, mais bon, c’est une Italienne… Lise va un peu l’aider en cuisine, elles s’entendent bien toutes les deux. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Ravie, FLO suit HUGO jusqu’à une chambre à coucher en rotonde éclairée par la pleine lune. Là aussi, il y a des bougies partout. Impressionnée par la taille du lit à baldaquin, elle s’étonne : FLO Oh la la, c’est quoi, ce lit ? HUGO explique gravement : HUGO C’était pour son harem. Soudain il s'arrête au milieu de la pièce, en faisant signe à FLO de ne pas faire le moindre bruit. Il chuchote : HUGO Tu as entendu ? FLO tend l’oreille, mais sans rien entendre. HUGO Tu entends pas la musique ? Traversant la pièce, dont le parquet luisant grince sous ses pas, il va ouvrir la porte-fenêtre qui donne sur un balcon. En veine de romantisme, il mime un archet pour tirer une mélodie imaginaire d’un violon invisible. 50 Aussitôt, comme par magie, on entend vibrer les premières notes d’une musique tendre et mélancolique, jouée par des musiciens tziganes sortis de sous le couvert des arbres. Venue rejoindre HUGO sur le balcon, FLO en est si émue qu'elle a les larmes aux yeux. HUGO Les violons, je me demandais si c’était pas un peu ringard… Ça la fait rire : FLO C’est ringard à mort…! HUGO C’est des amis de longue date. On s’est rencontrés en Moldavie, je les ai aidés à franchir la frontière… Toute alanguie, FLO reste blottie dans ses bras, silencieuse, à écouter les violons tziganes qui enflamment la nuit de leurs accents passionnés. Du bout des doigts, HUGO effleure la chevelure de la jeune femme, et bientôt ils échangent un premier baiser langoureux. 28. PALIER GASPARD. INT / JOUR Le lendemain matin, de retour chez lui, GASPARD sort de l’ascenseur, tout guilleret, et entre dans son appartement en sifflotant gaiement. 24 A.B CHEZ GASPARD C CHEZ FLO. INT / JOUR GASPARD Ça va, les filles, vous avez été sages au moins ? 51 Venue l’accueillir, MARGOT l’embrasse sur les deux joues. MARGOT Un bisou pour Hugo. Un bisou pour Gaspard. Comme ça, il y a pas de jaloux…! GASPARD Je vous ai apporté des bons pains au chocolat…! J'avais peur que vous soyez déjà parties. MARGOT Non, c’est cool, les profs sont encore en grève. GASPARD lui tend le paquet de la boulangerie. GASPARD Bon, je vais vite me changer. C’est pas tout, ça, faut que j’aille bosser. Il a toujours son jeans noir et son blouson d’aviateur. GASPARD Elle est où, ta sœur ? MARGOT Dans notre chambre. Elle est avec Lise. Décontenancé, GASPARD bredouille : GASPARD Comment ça, avec Lise…?! Me dis pas qu’elle est ici…?! Avec un sourire gourmand, MARGOT mord dans son pain au chocolat, et la bouche pleine : MARGOT Elles sont en train de bavarder sur l’ordi. Viens voir, elle fait ta pub grave…! Prenant GASPARD par la main, elle le conduit vers la chambre qu’elle partage avec sa grande sœur. 52 MARGOT Au fait, on a effacé ta page Facebook. Ouf qu'on y a pensé…! Devant son air surpris, elle explique : MARGOT Les photos d'Hugo avec le nom de Gaspard, ça le fait pas…! GASPARD Ah ben oui, tu m'étonnes…! MARGOT Surtout que Lise est tout le temps sur internet. C'est normal, elle est fille unique… --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Adossée au mur de sa chambre, AURELIE est devant son ordinateur, branchée sur Skype. Sur l’écran, on voit LISE, qui est chez elle, devant l’ordinateur de sa mère : LISE Maman, depuis qu'on vous a rencontrés, elle m’a dit qu’elle refaisait confiance à l’amour. Du coup, ça lui fait super peur. AURELIE Papa aussi, c'est normal. Pourtant, il a jamais peur de rien…! Même une fois c’était dans le journal : il nous a sauvées dans un incendie…! Mais LISE s’inquiète : LISE J’espère qu’il va pas lui briser le cœur, après c’est moi qui la console. AURELIE a aperçu GASPARD. Elle lui fait discrètement signe de rester dans le couloir pour ne pas rentrer dans le champ de la webcam. 53 LISE Ce qui est bizarre, c’est que j’arrive pas à le trouver sur internet. J’ai tapé « patin à glace », « champion », et il y a rien du tout… AURELIE Normal. Il préfère rester incognito. LISE s’étonne : LISE Mais pourquoi ? AURELIE Pour avoir la paix, tiens…! Le patin à glace, c'est plus quand il était jeune. Maintenant, il écrit des romans super connus. Alors avec les paparazzi, tout ça, il en pouvait plus…! LISE Il a écrit quoi, comme roman ? AURELIE Oh, plein…! Je les ai pas tous lus…! Saisissant l’exemplaire de « Songes et Mensonges » sur sa table de nuit, elle le brandit devant la webcam. AURELIE Tiens, ça c’est lui…! C’est papa, il a pris un pseudo. Il nous en lit un peu tous les soirs. En voyant l’air hautement dubitatif de LISE, GASPARD échange un regard inquiet avec MARGOT. Réalisant qu’elle a gaffé, AURELIE chuchote pour se rattraper : AURELIE Surtout pas un mot à ta mère ! Il veut pas qu'on en parle…! LISE Ah, c’est pour ça à la patinoire, il a fait comme s’il était en train de le lire ? Je me disais aussi… Emue, elle murmure : 54 LISE Tu te rends compte ? Maman l’aimait déjà, même avant de le connaître. 30. DEVANT IMMEUBLE GASPARD. EXT / JOUR Toute pimpante, FLO traverse la rue et s’approche de l’immeuble de Gaspard. 31. APPARTEMENT GASPARD. INT / JOUR En entendant sonner l’interphone, GASPARD va voir qui c’est. 32. DEVANT IMMEUBLE GASPARD. EXT / JOUR FLO Gaspard ? C’est moi. Je passais dans le quartier, je me suis dit je vais lui faire la surprise. C’est vrai, on s’est jamais vu, ça devient ridicule…! 33. APPARTEMENT GASPARD. INT / JOUR Paniqué par cette visite inopinée, GASPARD bredouille : 55 GASPARD Comment vous avez eu l'adresse…?! 34. DEVANT IMMEUBLE GASPARD. EXT / JOUR FLO J'ai appelé l’agence immobilière, tiens…! Je sais pas pourquoi, j’arrive jamais à vous joindre. C'est au sixième, c'est ça ? 35. APPARTEMENT GASPARD. INT / JOUR MARGOT court vers la chambre : MARGOT Vite, vite ! Aurélie, raccroche ! Il y a sa mère qui rapplique ! Sur l'écran de l'ordinateur, LISE s'étonne : LISE Il y a qui, j’entends des voix ? AURELIE Pas du tout, c’est la télé, c’est « Plus Belle la Vie ». Dans l’urgence, elle improvise : AURELIE Attends, Lise, ça buggue ! T’es où ? Je te vois plus ! 56 A quatre pattes pour ne pas être filmée par la webcam, sa petite sœur débranche la prise de l’ordinateur. 36. HALL IMMEUBLE GASPARD. EXT / JOUR Souriante, FLO entre dans le hall de l'immeuble. 37. APPARTEMENT GASPARD. INT / JOUR Catastrophé, GASPARD fonce dans la salle de bains et commence à fouiller fébrilement dans l’armoire à pharmacie. GASPARD Aurélie, coince l’ascenseur ! Grouille avant qu’elle appuie sur le bouton ! 38. PALIER. INT / JOUR AURELIE se rue pour ouvrir la porte de l'ascenseur, qui est resté à l'étage. AURELIE Comment je fais ?! Si elle monte à pied, elle va me voir ! MARGOT Ça fait rien, elle nous connaît. 57 AURELIE Mais non, débilos ! C’est Hugo qui a des filles, ça peut pas être Gaspard ! 39. HALL DE L’IMMEUBLE. INT / JOUR Dans le hall de l’immeuble, FLO a beau appuyer sur le bouton de l’ascenseur, rien ne se passe. Alors, elle décide de monter à pied. 40. APPARTEMENT. GASPARD. INT / JOUR En voyant la minuterie s’allumer dans l'escalier, AURELIE rentre précipitamment dans l’appartement, en claquant la porte. AURELIE Au secours, elle arrive ! Tous aux abris ! GASPARD ressort de la salle de bain en s’enroulant à toute allure un bandage autour de la tête pour cacher sa figure, pendant que MARGOT fait prestement disparaître toutes leurs photos qui décorent le salon. GASPARD Vite, après vous vous planquez dans votre chambre ! MARGOT s'arrête sur une photo. MARGOT Oh, c'est mon anniversaire…! Quand tu m'as offert ma robe avec les coccinelles… GASPARD Oui, tu crois que c'est le moment ?! 58 AURELIE Papa, t'es encore habillé en Hugo ! GASPARD Merde, t’as raison ! Je suis en Hugo ! Ah, quel con ! Otant son blouson d’aviateur, il le roule en boule et la lance à AURELIE. GASPARD Cours me chercher mon jogging ! Et planque ça sous le lit ! 41. ESCALIER IMMEUBLE. INT / JOUR Arrivée au quatrième étage, FLO s’arrête un instant pour reprendre son souffle, puis elle recommence à gravir les marches. 42. APPARTEMENT. GASPARD. INT / JOUR La tête à moitié enroulée dans ses bandages, GASPARD est en train d’enfiler dans la panique son jogging par dessus ses jeans noirs. GASPARD Margot, file-moi mon vieux pull marron ! MARGOT Mais il est moche…! GASPARD Tant mieux qu’il est moche ! Déjà, on sonne à la porte. 59 GASPARD Allez, ouste ! Surtout vous bougez pas de la chambre ! Sous aucun prétexte ! MARGOT revient en courant récupérer le pain au chocolat pour sa grande sœur, qu’elle file rejoindre dans la chambre. 43. PALIER. INT / JOUR Quand GASPARD lui ouvre, FLO, toute essoufflée, a un geste de recul en voyant les bandages qui lui cachent entièrement la figure. FLO Oh la la, mais vous m’aviez dit que vous aviez rien…?! Aussi essoufflé qu'elle, GASPARD bredouille à travers ses pansements : GASPARD J’ai pas voulu vous inquiéter. Je suis quand même passé à travers le pare-brise… 44. APPARTEMENT. GASPARD. INT / JOUR Dans le living, FLO livide laisse son gros sac à main sur le canapé. FLO Ils disent quoi, les docteurs ? Vous allez… Vous risquez d’être défiguré ? Histoire de se différencier d’Hugo, GASPARD boite un peu à cause de son accident. 60 GASPARD Ils savent pas encore. Il faut déjà que ça cicatrise… Glissée dans le cadre d’un miroir, il repère une photo de lui que Margot a oubliée. Aussitôt, il montre la fenêtre à FLO pour détourner son attention. GASPARD Vous avez vu, on voit la cathédrale…! Le matin je suis réveillé par les cloches. FLO s’approche de la fenêtre et GASPARD en profite pour faire disparaître la photo compromettante entre deux coussins du canapé. Il était temps ! Déjà la jeune femme revient vers lui. FLO Je sais pas comment vous faites pour être si courageux… Moi, une goutte de sang, je m'évanouis…! Mais en s’asseyant sur le canapé, elle tombe sur la photo que GASPARD vient à peine de cacher entre les coussins. FLO Tiens, mais… C’est Hugo…?! Comment ça se fait que vous ayez sa photo…?! Vous vous connaissez…?! GASPARD Attendez, faites voir. Ah non, pas du tout…! L’air incrédule, FLO dévisage en silence GASPARD, catastrophé, qui ne sait trop quoi inventer pour justifier la présence de cette photo chez lui. Mais subitement, le visage de la jeune femme s’éclaire : FLO Oh, c’est trop mignon, ce qu’il a fait ! Cette nuit, il l’a glissée dans mon sac à main, il avait peur que je l’oublie…! Infiniment soulagé, GASPARD jette un coup d’œil au sac à main sur le canapé. GASPARD Ah oui, ça doit être ça, elle a dû glisser de votre sac. 61 Les yeux brillants, FLO contemple la photo : au bord de la mer, Gaspard est en maillot de bain, avec des lunettes de soleil. FLO C’est dommage les lunettes, vous verriez ses yeux…! Ils ont des reflets dorés. Chaque fois qu’il me regarde, ça me fait fondre. La tête enroulée dans ses pansements, GASPARD lui prend la photo des mains pour l’examiner. GASPARD Moi aussi, ils ont des reflets dorés, je vous ferai remarquer. Mais ça, tout le monde s’en tape…! Récupérant sa précieuse photo, FLO la range dans son sac à main. Elle s'étonne : FLO Vous, vous en avez pas, des photos ? Vous vous rendez compte, je sais même pas la tête que vous avez…! GASPARD Non, moi je suis l’homme invisible…! Il dit ça comme une plaisanterie, mais il y a de l'amertume dans sa voix. GASPARD Je les ai toutes balancées dans le vide-ordures. FLO Ah bon, mais pourquoi ? C’est trop bête…! GASPARD soupire en montrant ses bandages : GASPARD Je sais pas trop de quoi j’aurai l’air quand on va m'enlever ça, j’aime autant pas y penser… FLO le regarde, peinée de le voir si triste. 62 FLO Moi qui étais si contente de venir vous annoncer la bonne nouvelle… GASPARD Quelle bonne nouvelle ? Toute émue, FLO murmure : FLO C’est décidé, on va vivre ensemble. GASPARD ouvre des yeux ronds. GASPARD Avec Hugo…?! Elle rit de cette question idiote : FLO Non, avec vous…! Bien sûr, avec Hugo…! Vous verriez où il habite avec ses filles, c’est comme un rêve. Remarquez, je lui ai pas encore dit, mais je suis sûre qu’il sera partant. Cette nuit, c'était magique, on peut plus se quitter ! Je suis son harem à moi toute seule…! 45. BRASSERIE. INT / JOUR Accoudés au comptoir d’une brasserie, GASPARD et DAVID sont en train de boire une bière. CLOTILDE a pris une menthe à l’eau. CLOTILDE Gaspard, tu vas quand même pas t’installer chez l’émir avec elle ? Pince-moi, je rêve…! GASPARD Et pourquoi pas ? Au point où j’en suis…! 63 DAVID Parce que tu vas te faire virer ! Franchement, je t'ai jamais vu en faire autant pour foutre une gonzesse dans ton pieu ! Surtout que c’est déjà fait ! GASPARD T’as rien compris, c’est absolument pas pour ça. Au départ, je dis pas, mais là je donnerais ma vie pour elle. Enfin, moi peut-être pas. Mais Hugo, il hésiterait pas une seconde…! Les deux autres se regardent, perplexes. CLOTILDE Ça c’est plus de la drague, c’est de la schizophrénie…! Accoudé au zinc à côté d’eux, un PETIT VIEUX, qui a trop bu, marmonne : PETIT VIEUX Moi, ma femme, je l’ai tuée. Elle l'avait bien cherché…! BARMAN Emile, embête pas les gens…! Sans leur prêter attention, GASPARD soupire : GASPARD Avec les bougies, les violons, tout ça, j’y peux rien il s’est passé un truc. Elle aussi elle a trouvé ça magique, c’est elle-même qui me l’a dit… L’air songeur, il contemple les bulles dans son verre de bière. GASPARD On s’est joué la scène du balcon, c’était comme au théâtre : tout est faux, on a des masques, mais c’est vrai quand même, d’un seul coup il n’y a plus de mensonge. CLOTILDE Parle pour toi, c'est pas elle qui ment…! Sans les écouter, le PETIT VIEUX poursuit son soliloque : 64 PETIT VIEUX Le mensonge, ça vous ronge. C’est pour ça, valait mieux que je la tue… Il vide son verre d’une lampée. L’air blasé, le BARMAN lui en remplit un autre. DAVID Le jour où elle va voir que tout ça c’est du vent, tu te rends compte la baffe qu'elle va se prendre ? CLOTILDE Et les petites ? Tu les embarques là-dedans ! GASPARD Tu rigoles, elles sont ravies…! D’abord, à qui la faute ? « Une nouvelle maman, je crois qu’elles seraient pas contre »…! C’est pas toi qui m’a sorti ça ? Moi, l’amour, rien que l’idée, ça me faisait gerber ! DAVID Arrête ! Ce que tu fais, c’est le contraire de l'amour ! GASPARD Dixit Casanova ! Mireille, ça fait douze ans que t’es avec, ça t’a jamais empêché d’aller voir ailleurs…! DAVID Laisse Mireille en dehors de ça, tu veux bien ? Je la fais peut-être cocue, mais au moins quand je rentre, elle sait avec qui elle dort…! Le PETIT VIEUX marmonne : PETIT VIEUX Moi, pareil, j’étais cocu. D’accord, on était jeunes, mais c’est pas une excuse…! Je me suis juré de lui faire la peau…! Et là, ça y est, elle est morte. BARMAN Ah ouais, et comment t’as fait ? Et le PETIT VIEUX, sombrement : 65 PETIT VIEUX J’ai attendu. 46. FETE FORAINE. EXT / NUIT Au son d'une joyeuse ritournelle, les autos tamponneuses s'entrechoquent sous les guirlandes d'ampoules multicolores. Surexcitées, AURELIE, MARGOT et LISE se poursuivent avec des cris hystériques. HUGO et FLO se serrent dans la même voiture. C’est lui qui conduit, le bras passé autour des épaules de la jeune femme. Mais il remarque qu’elle n’a pas l’air de partager l’allégresse générale. HUGO Tu es toute rêveuse. FLO Non, c’est rien, j’ai un copain qui vient d’avoir un accident de bagnole, je pensais à lui. Il a failli y rester. Pris de court, HUGO donne un grand coup de volant pour éviter MARGOT qui essayait sournoisement de les tamponner par derrière. HUGO C’est drôle, tu m'en as jamais parlé. LISE Maman ! Regarde ! Plus vite que l'éclair ! Hilare, elle emboutit joyeusement l’auto tamponneuse d’AURELIE. FLO Si tu veux, je te le présente. Je suis sûre que tu vas l’adorer. HUGO a un cri du cœur : HUGO Oh, ben non, ça va pas être possible…! 66 Devant l’air surpris de FLO, il tente de se justifier : HUGO Je veux dire, s'il a flashé sur toi je me mets à sa place, il doit avoir aucune envie de me rencontrer… FLO Comment tu sais ça, toi ? La main sur le volant, HUGO zigzague entre les autos tamponneuses en essayant de les esquiver. FLO Hein, d’où tu sors qu’il a flashé sur moi ? MARGOT Papa ! Lise elle le fait exprès, elle arrête pas de me rentrer dedans ! FLO Hugo, fais gaffe ! On fonce droit dans le mur ! Trop tard ! Leur auto tamponneuse percute de plein fouet la bordure de la piste ! Impossible pour HUGO de faire marche arrière. HUGO Tout le monde flashe sur toi, non ? Tu dois avoir l’habitude. Le sentant inquiet, FLO se blottit contre lui pour le rassurer. FLO Le pauvre, si tu le voyais…! Je te jure, il fait pitié. 67 47. QUAI DE LOIRE. EXT / NUIT Après la musique pimpante de la fête, le silence de la nuit. La tête cachée par son pansement et le pansement caché par un chapeau et une grosse écharpe, GASPARD se promène avec FLO. Comme il traîne la patte, elle ralentit pour l'attendre. FLO N’empêche, ça vous fait du bien de prendre un peu l’air, non ? Au lieu de rester chez vous à broyer du noir… GASPARD Oui, pour que tout le monde me regarde… FLO Qui va vous voir ? Il y a personne…! Ils longent le quai de Loire. En regardant scintiller les eaux sombres du fleuve, FLO a un sourire songeur. FLO Hugo, il paraît qu'il a fait le tour du monde à la voile en solitaire. Enfin, je suis pas allée vérifier… Elle se tourne vers GASPARD. FLO Vous savez, je me demande s’il est pas un peu mytho… Des fois, il me raconte des trucs à dormir debout…! Je sais pas où il va chercher tout ça… GASPARD s’inquiète : GASPARD Mais… Vous l’aimez quand même ? FLO Vous voulez rire, je suis sur mon petit nuage…! GASPARD a du mal à cacher son soulagement. 68 FLO Tiens, hier j’ai eu le malheur de lui dire que j’en avais marre du bus, bing, il m’a offert sa moto…! GASPARD Ah oui, carrément ? FLO Au début je voulais pas l’accepter, du coup il a fait genre que c’était une vieille épave récupérée à la casse…! Et moi, j’ai fait semblant de le croire…! GASPARD Mais vous savez conduire une moto ? FLO Oh, il m’a montré dans les petites rues. C’était tellement romantique ! Pour ça, il est pire que moi…! Elle a un sourire ému. FLO L’autre jour, il a commencé à me caresser les pieds avec une plume de paon, ça me chatouillait, c’était l’horreur… GASPARD se vexe : GASPARD Ah, ça vous a pas plu, la plume de paon ? FLO J'avais trop envie de rigoler ! Alors, j'ai fait l'air de rien, la belle endormie… Devant son silence boudeur, elle s'inquiète : FLO Ça vous embête que je vous raconte tout ça ? Avec vos pansements, on sait jamais la tête que vous faites. GASPARD Mais non, pourquoi vous voulez que ça m’embête ? 69 FLO Tant mieux, parce qu’il tient absolument à faire votre connaissance. GASPARD ne s'attendait pas à ça…! GASPARD Ah, voilà autre chose…! FLO Là, on va bientôt pendre la crémaillère, ça serait l'occasion. J'ai peur qu'il soit jaloux. S’il vous rencontre, ça va tout de suite le rassurer… GASPARD a un petit rire désabusé. Craignant de l’avoir offensé, FLO passe son bras sous le sien pour se faire pardonner. GASPARD Non, sincèrement, je me sens pas le courage. FLO C’est un bal masqué, ça va vous changer les idées. On sera tous déguisés, vous avez qu’à venir en momie, ni vu, ni connu…! Elle se fait câline : FLO Allez, pour me faire plaisir…! J’ai déjà dit à tout le monde que vous veniez, vous allez quand même pas nous faire faux bond…! Et elle ajoute, malicieuse : FLO En plus, la cerise sur le gâteau, j'ai plein de copines célibataires. Avec un peu de chance, vous aussi vous allez rencontrer l'âme sœur…! 70 48. JARDIN DE L’HOTEL PARTICULIER. EXT / NUIT La fête bat son plein dans le jardin de l’hôtel particulier de l'émir, décoré de lampions, où se bousculent une cinquantaine de convives, tous déguisés. Costumée en danseuse de flamenco, FLO papillonne au milieu des mousquetaires, des chefs indiens et des princesses orientales. En voyant une momie couverte de bandages des pieds à la tête se frayer un chemin en boitant dans la foule des invités, elle vient à sa rencontre, joyeuse : FLO Je suis trop contente, je pensais pas que vous viendriez…! Déguisée en geisha, CLOTILDE est venue avec la momie. CLOTILDE Je sais pas si vous vous souvenez de moi, je suis une collègue de Gaspard. J’étais là le jour de l’accident… FLO Oh, avec le maquillage, je vous avais pas reconnue…! Toute mignonne avec ses ailes de fée Clochette, MARGOT passe entre les convives avec une assiette de petits fours. MARGOT Qui veut des petits apéros rikikis ? Sinon, c’est moi qui les mange…! FLO Margot, ma petite chatte, t'aurais pas vu ton père ? Je vais lui présenter Gaspard. MARGOT Euh, non… Moi aussi je le cherche. Mais CARLOTTA s'approche en ondulant, déguisée en Cléopâtre. FLO Ah, ça c’est Carlotta. La reine des pizzas. 71 Très en beauté avec ses yeux maquillés à l'égyptienne, CARLOTTA sourit à la momie. FLO Cléopâtre et la momie, vous êtes faits l'un pour l'autre…! Mais dans un cliquetis de ferraille, un chevalier en armure surgit derrière FLO, le heaume baissé. Elle se retourne et lui sourit tendrement : FLO Mon amour, tu joues à cache cache ? Je me demandais où tu étais passé…! Avec un grincement lugubre, HUGO soulève la visière de son casque. HUGO Alors, c'est vous, le fameux Gaspard ? Le chevalier et la momie échangent une poignée de main : bandages et gantelet d’acier. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Assises sur les marches du perron, AURELIE, en Reine des Neiges, et LISE, en Petit Chaperon Rouge, s’amusent à faire des bulles de savon en regardant danser les invités. LISE Maman a dû insister pour qu’il vienne, il voulait rien savoir. AURELIE Oui, c’est bien qu’ils se rencontrent. Comme ça, au moins c’est fait. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------A l'autre bout du jardin, la momie s’est plantée devant le buffet, quand HUGO vient la rejoindre. 72 HUGO David, vas-y mollo sur la sangria…! On est pas encore sortis de l'auberge. Avec ses bandages, DAVID est obligé de se servir d’une paille pour pouvoir goûter à la sangria. DAVID Pourquoi, t'as peur que je te voie double ? Passe un costaud en tenue de joueur de rugby, son ballon ovale sous le bras. DAVID T’as vu, j’ai rameuté toute mon équipe de rugby, avec femmes et enfants…! Toi qui avais peur de pas avoir assez de monde… HUGO Tu me diras, il y en a qui se sont pas foulés question déguisement…! DAVID se remplit un nouveau verre de sangria. DAVID Putain, ces verres de contact, ça me fait un mal de chien. Regarde, je chiale, on dirait une gonzesse…! HUGO Eh, t’avais qu’à pas avoir les yeux bleus ! J’y peux rien, Hugo et moi, on a des reflets dorés, c’est ça qui la fait fondre…! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------FLO est restée à bavarder avec CLOTILDE, qui fait mine d’être très impressionnée par l’hôtel particulier. CLOTILDE En fait, la pizzeria, vous avez une chaîne de restaurants, c'est ça ? Moi j’avais pas tilté, je vous prenais pour la serveuse…! Mais AURELIE les rejoint. 73 AURELIE Vite, il y a Lise qui boit tout le champagne, après elle va être soûle ! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Sous les lampions multicolores, MARGOT vient à la rencontre d’HUGO. MARGOT Tiens, papa, je t’ai gardé le dernier ! Elle lui tend son assiette où il n’y a plus qu’un seul petit four, qu’HUGO déguste d’un air gourmand. HUGO Mmm, c’est le meilleur. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Resté seul devant le buffet, DAVID écarte un peu ses bandages pour mieux boire sa sangria, tandis que LISE s’emploie à vider systématiquement toutes les coupes où reste un fond de champagne. FLO les rejoint. FLO Lise, ça suffit le champagne, tu crois pas ? LISE Je bois que les bulles…! FLO Oui, ben va jouer avec tes copines, ça sera mieux…! DAVID suit des yeux la fillette qui s’en va en zigzaguant pour faire l’ivrogne. FLO Venez, pourquoi vous restez dans votre coin ? C’est la fête…! Inquiète qu’il ne lui réponde pas, elle s’approche. 74 FLO En tout cas, ça a l'air d'aller avec Hugo. J’avoue, j’avais un peu la trouille… Elle se penche vers lui, complice : FLO Vous devriez inviter Carlotta à danser, je crois qu'elle demande que ça…! Mais à travers les pansements, elle s’aperçoit qu’il a les yeux noyés de larmes. Sans se douter que c’est à cause de ses verres de contact, elle se désole : FLO Gaspard, me dites pas que vous pleurez ? Comme DAVID garde un prudent silence, FLO se méprend : FLO Oh, j'aurais jamais dû insister pour que vous veniez. Moi, je pensais que ça vous ferait plaisir de rencontrer des gens… Dans l’impossibilité de répondre, DAVID se contente de hocher tristement la tête. FLO Je comprends que vous soyez angoissé, mais vous allez voir, bientôt, tout ça, ça ne sera plus qu'un mauvais souvenir. La chirurgie esthétique, maintenant ils font des miracles…! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------En se tenant par la main, Fantômette, le Petit Chaperon Rouge et la fée Clochette dansent une ronde endiablée autour d'HUGO, quand FLO vient les rejoindre. FLO Le pauvre Gaspard…! Nous on est là à faire la bringue, et lui il va avoir des cicatrices horribles, je suis sûre qu'il va rester défiguré…! 75 49. HOTEL PARTICULIER. INT / NUIT Dans la chambre à coucher en rotonde, DAVID, qui a un peu forcé sur la sangria, est vautré sur l'immense lit à baldaquin avec CARLOTTA, visiblement aussi éméchée que lui, dont il a retroussé la longue jupe dorée. Mais l'arrivée d'HUGO interrompt leurs ébats. DAVID T’as vu, je suis en train de l’emballer…! Enfin, c’est plutôt elle qui me déballe…! Tiens, regarde, comme un yoyo ! Hilare, il commence à rouler sur le large matelas pour se rapprocher d’HUGO et la bandelette que CARLOTTA était en train de défaire se déroule au fur et à mesure, ce qui la fait glousser de rire…! HUGO se penche pour chuchoter à l'oreille de DAVID : HUGO Là, c’est bon, Flo nous a vus ensemble. Maintenant si tu pouvais te tirer… Mais brusquement il remarque que la momie a les yeux bleus. Catastrophé, il chuchote : HUGO Eh, qu’est-ce que t’as foutu de tes lentilles ?! T’es con ou quoi ? Tu vas tout faire foirer ! D'une poigne de fer, il saisit DAVID par le bras pour le faire se relever. HUGO Allez zou ! Tu dis au revoir à la dame, on y va…! Mais DAVID se rebiffe : DAVID Et si j’ai pas envie ? Merde, tu fais chier…! 76 HUGO Mec, combien de fois je t’ai sauvé la mise avec Mireille ? Tu veux que je lui racontes, tes petites poufiasses siliconées ? Tu sais que j’ai la liste, hein ! Je suis pas sûr qu’elle apprécierait…! DAVID Eh, c’est quoi ce chantage ? Tu ferais pas ça ! HUGO On parie ? Ils ont élevé la voix. Le regard embrumé, CARLOTTA se redresse sur le lit. CARLOTTA Quoi, siliconée ? Outragée, elle brandit à deux mains sa poitrine opulente. CARLOTTA Tâtez-moi ça ! C’est de la pure mozzarella ! 50. JARDIN HOTEL PARTICULIER. EXT / NUIT Dans le jardin, les fillettes se poursuivent au milieu des invités en se faisant des passes avec le ballon de rugby. HUGO et DAVID s’esquivent tous les deux par une porte dérobée, à l’arrière du bâtiment. DAVID Sérieux, t’as vraiment la liste ? Ça fait rire HUGO : HUGO De tes nanas ? Oui, ça s’appelle l’annuaire…! 77 DAVID En tout cas, la prochaine fois, c’est sans moi ! Tu te démerdes tout seul. Mais FLO les a vus de loin et se dirige vers eux. DAVID Merde, je fais quoi ? Elle va voir mes yeux ! HUGO Attends, laisse-moi faire. Elle croit que je suis jaloux, on va se fâcher une bonne fois pour toutes, ça va régler le problème. Se frayant un chemin entre les convives, FLO n’est plus qu’à une dizaine de mètres. HUGO Surtout, pas un mot, tu dis rien ! Tu te contentes de faire les gestes…! Comme on ne voit ni la bouche de la momie, ni celle du chevalier, ça lui permet de jouer à la fois les deux rôles d’une altercation, changeant de voix quand il passe de l’un à l’autre. Ça commence par GASPARD, qui braille d’une voix pâteuse : GASPARD « Je bois sans y prendre plaisir ! Pour être saoul, pour ne plus voir ma gueule ! » Pour enchaîner avec la voix d’HUGO : HUGO Gaspard, c’est vous qui saoulez tout le monde…! Navrée de les entendre se disputer ainsi, FLO n’ose pas s’approcher. GASPARD Hugo, c’est la fête ! Allez, tous en chœur ! Et de vociférer de plus belle : 78 GASPARD « Je bois dès que j’ai des loisirs ! Pour pas me dire qu’il faudrait en finir ! » HUGO Bon, vous croyez pas qu’il serait temps de rentrer chez vous ? Je vais vous commander un taxi. GASPARD Oh, ça va, le tas de ferraille ! Avec ta plume de paon…! Ulcéré, HUGO soulève son heaume pour jeter un regard incrédule à FLO. HUGO C'est toi qui lui as parlé de ça…?! Dans sa fureur, il bouscule la momie, qui se prend les pieds dans ses pansements et s’étale de tout son long ! Atterrée, FLO se précipite : FLO Hugo, mais arrête ! T’es vraiment odieux ! Tu trouves qu’il est pas assez amoché comme ça…?! Au premier étage de l’hôtel particulier, surgit CARLOTTA, titubante, qui se raccroche au balcon de fer forgé pour garder l’équilibre ! Outragée d'avoir été laissée en plan, elle commence à injurier en italien la momie qui s’enfuit en boitillant. En tombant, DAVID s'est tordu la cheville et il n'a même plus besoin de faire semblant. LISE Maman, qu'est-ce qu'elle dit, Carlotta ? FLO Elle parle trop vite, j’y comprends rien ! Je crois qu’elle va lui envoyer un tueur de la mafia pour lui couper… Non, ça je peux pas traduire, c'est un mot que je connais pas…! Du coup, HUGO en rajoute : 79 HUGO Ah, ça m'étonne pas ! Il a essayé de la violer ! Si j’étais pas arrivé à temps…! FLO Hugo, c'est ridicule ! J’y crois pas une seconde ! Et elle se lance à la poursuite de DAVID ! FLO Gaspard ! Gaspard, partez pas comme ça ! Gaspard ! HUGO Florence, reviens ! Gêné par son armure, il n'a aucun moyen de la suivre. HUGO Je te préviens, c'est lui ou moi ! Tu choisis ! Mais FLO ne se retourne même pas. LISE Maman, où tu vas ?! Je viens avec toi ! Tandis que la fillette part en courant derrière sa mère, CLOTILDE rejoint HUGO. CLOTILDE Elle amoureuse de lui ou quoi ? HUGO Oh, pas du tout. Mais ils sont amis. Tristement, il soulève son heaume. HUGO Si elle le rattrape, je suis mal barré. 80 CLOTILDE David ? Tu rigoles, entraîné comme il est…! Pour ça, le rugby, ça a du bon. 51. RUE. EXT / NUIT Voyant FLO lancée à ses trousses, la momie accélère sa course en boitant de plus belle ! FLO Gaspard, arrêtez ! Je suis désolée ! Il connaît pas sa force, je suis sûre qu'il voulait pas vous faire mal…! Gênée par ses talons hauts, elle se laisse peu à peu distancer. LISE Maman ! Attends-moi ! En l'entendant, FLO se retourne. FLO Attention, tu vas te faire écraser…! Du coup, c'est elle qui manque de se faire renverser par une limousine blanche qui réussit à l'éviter de justesse…! Elle a perdu un de ses escarpins, que LISE vient lui rapporter, toute essoufflée. LISE T'as vu, t’es comme Cendrillon. Les larmes aux yeux, FLO récupère tristement sa chaussure, renonçant à poursuivre la momie, qui disparaît dans une rue latérale. 81 52. JARDIN HOTEL PARTICULIER. EXT / NUIT Inquiètes, MARGOT et AURELIE ont rejoint leur père qui est toujours avec CLOTILDE. GASPARD C’est foutu, elle va pas revenir. CLOTILDE N’empêche, j’aurais jamais cru qu’elle choisirait Gaspard. Mais la limousine blanche se gare devant le portail du jardin. AURELIE Papa, t’as vu l’émir ? Il est top, son déguisement…! Catastrophé, GASPARD regarde l’EMIR descendre de voiture avec son chauffeur qui lui tient la portière. MARGOT Moi, je trouve, on dirait un fantôme avec son drap. Stupéfait, l'EMIR reste là, à contempler d’un air incrédule son jardin envahi d'intrus, qui dansent une folle farandole en piétinant sans vergogne ses parterres de roses. GASPARD Les filles, là je crois qu’on vient de fêter mon pot de départ. 53. APPARTEMENT GASPARD. INT / JOUR Dans l'appartement de GASPARD, le tapis est roulé, les étagères sont vides, il n’y a plus de rideaux aux fenêtres. Le cœur serré, CLOTILDE regarde GASPARD faire ses cartons avec AURELIE et MARGOT qui l'aident. 82 CLOTILDE On vire pas les gens comme ça, c’est nul. AURELIE On s'en fiche ! Agent immobilier, c’est ça qui était nul…! GASPARD Surtout pour finir à la rue. CLOTILDE Et les petites, comment tu vas faire ? Avec l'école, tout ça… AURELIE rigole : AURELIE Tant mieux, on a qu'à partir en vacances ! MARGOT Ici, c'est moche. On s'est trop habitué au luxe maintenant…! CLOTILDE a sorti un contrat de son sac. CLOTILDE Alors, voilà, je t'ai pris le contrat type, vu que t'es pressé de vendre… GASPARD J’espère que tu vas en tirer un bon prix. Qu’on ait le temps de voir venir. Parce qu’Hugo, tu verrais comme il claque son fric, ça il en a rien à secouer… Saisissant le stylo qu'elle lui tend, il signe le contrat sans même le lire. Mais AURELIE lui fait remarquer : AURELIE T'as signé Hugo. GASPARD Merde t'as raison ! L’appart, c’est Gaspard…! Heureusement CLOTILDE a un autre exemplaire du contrat. 83 GASPARD Il était temps que ça s’arrête. Je me regarde dans la glace, je sais plus lequel c'est…! Cette fois, à l’emplacement indiqué, il signe Gaspard. CLOTILDE Et Flo, tu l’as revue ? Le visage fermé, GASPARD fait signe que non. GASPARD Depuis l’autre nuit, j’ai plus aucune nouvelle. CLOTILDE Tu devrais peut-être l'appeler, c'est trop bête. GASPARD J'ai essayé, qu'est-ce que tu crois ? Elle voit que c'est Hugo, elle décroche pas…! Par contre, Gaspard, elle le harcèle, elle arrête pas de me relancer…! CLOTILDE Mais tu lui réponds pas ? GASPARD Bien sûr que non ! Gaspard, il est temps qu'il disparaisse une bonne fois pour toutes ! Il prend un ton de confidence : GASPARD Tu te rappelles Alexandrakis, tu sais, l’espèce de malfrat ? Tout tatoué, là…! Celui qui voulait investir dans l’immobilier pour blanchir son argent ? CLOTILDE Il achètera jamais ici, c’est trop petit. GASPARD Non, il va m’avoir des faux papiers pour Hugo. J’étais sûr qu’il connaissait du monde. 84 CLOTILDE Mais t'es pas bien ?! C'est un coup à finir en taule…! MARGOT a un rire insouciant : MARGOT Ça fait rien, il s'évadera…! CLOTILDE Ce que je comprends pas, c'est pourquoi tu largues pas plutôt Hugo ? Si elle a choisi Gaspard… GASPARD Ah oui, et je fais comment ? Je vais pas garder des pansements jusqu'à la fin de mes jours…! Entendant sonner l’interphone, il a un instant de flottement. GASPARD Dis donc, ils sont vachement en avance…! Il referme un carton et se tourne vers CLOTILDE : GASPARD Tiens, tu leur ouvres ? C’est les déménageurs. Les filles, vous mettez vos sacs dans l'entrée…! AURELIE et MARGOT filent vers leur chambre. GASPARD Allez, tout le monde sur le pont, on se dépêche ! Affolée, CLOTILDE revient annoncer : CLOTILDE C’est elle ! C'est Flo ! GASPARD Flo ?! Me dis pas que tu l'as laissé entrer…?! 85 CLOTILDE Ben, tu m'as dit d'ouvrir…! GASPARD Aux déménageurs, imbécile ! Tu le fais exprès ou quoi…?! Il se rue vers la salle de bains pour en ressortir aussitôt. GASPARD Putain, où on a foutu les pansements ?! Il y a plus rien dans l'armoire à pharmacie ! AURELIE C’est David qui les a gardés…! Déjà, ça sonne à la porte. GASPARD Tu me la vires, hein ! Moi, j’habite plus ici ! CLOTILDE Mais je lui dis quoi ?! Je la connais à peine…! GASPARD Tu fais comme tout le monde ! T'improvises ! Je sais pas, je suis parti en voyage, t’as aucune idée quand je rentre ! 54. A. PALIER B. CHEZ GASPARD. CHAMBRE C. SALON. INT / JOUR Sur le palier, FLO attend avec LISE. Elle s'apprête à sonner de nouveau quand la porte finit par s’ouvrir. Surprise de trouver CLOTILDE toute seule chez Gaspard, FLO s'étonne encore plus de voir l'état de l'appartement, avec les cartons qui s’entassent dans tous les coins. FLO Il est où Gaspard ? Il répond pas au téléphone, je me suis inquiétée…! 86 CLOTILDE Oh, il vient juste de partir. Moi, j'étais passée lui dire au revoir. Là, j’attends les déménageurs. LISE Mais il revient bientôt ? CLOTILDE Ah, vous êtes pas au courant ? Il a eu une promotion, il part au Québec…! FLO la regarde, incrédule. FLO C’est pas possible, il m'aurait prévenue…! CLOTILDE Ça s’est décidé très vite. Ils cherchaient quelqu’un, il a sauté sur l’occasion…! FLO Il est quand, son avion ? CLOTILDE Je sais pas, là il a dû décoller… FLO a sorti son portable. FLO J’appelle Orly ! Je peux pas le laisser partir comme ça…! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Réfugié dans la chambre des gamines, GASPARD échange un regard anxieux avec AURELIE et MARGOT. Dehors, on entend les cloches de la cathédrale qui sonnent le glas pour un enterrement. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------LISE va regarder à la fenêtre. Son portable à la main, FLO rejoint CLOTILDE dans l’entrée. 87 FLO Il y a un avion qui part à midi. Ça va, j’ai le temps d’y arriver. Au moins pour lui dire adieu…! Elle est assez angoissée : FLO J’aurais jamais dû le faire venir à cette fête…! Déjà qu’il était dépressif ! Après s’il lui arrive quelque chose… --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Dans la chambre des filles, GASPARD entasse en vrac dans une grosse valise tout ce qui lui tombe sous la main : des vêtements d'enfant, des manuels scolaires, des jouets. Trouvant "Songes et Mensonges" sur la table de nuit, MARGOT rajoute le livre dans la valise. MARGOT Tiens, oublie pas ton bouquin, si tu pars en voyage…! CLOTILDE vient les rejoindre, toute contente : CLOTILDE Ça y est, la voie est libre ! Quel talent…! Vincent qui est à Montréal, c’est ça qui m’a inspirée ! Au moins elle ira pas te chercher là-bas…! GASPARD C’est malin ! Tu pouvais pas lui dire que l’avion, c’était hier…! Maintenant je suis forcé d'y aller. CLOTILDE Gaspard, tu me dis improvise, moi j'improvise ! La prochaine fois, tu te démerdes tout seul…! Mais elle s’interrompt en voyant GASPARD rabattre le couvercle de sa valise. CLOTILDE Attends, tu vas où avec ça ? 88 GASPARD Margot, va appeler l’ascenseur. Je pars au Canada, tiens, banane…! CLOTILDE Arrête, tu déconnes ? GASPARD Clotilde, j’ai pas le choix ! Imagine, elle arrive à Orly et j’y suis pas ! CLOTILDE T’as qu’à lui téléphoner ! Tu lui dis que t’as pris un autre vol…! Le visage résolu, GASPARD soulève la valise et la pose par terre. GASPARD Non, tu l’as entendue, elle se fait un sang d’encre. Elle veut me faire ses adieux, je lui dois bien ça. 55. RUES ORLEANS. MOTO. EXT / JOUR Chevauchant la vieille moto pétaradante, FLO fonce dans les rues d’Orléans, avec LISE dans son side-car. 56. PALIER GASPARD. INT / JOUR Sur le palier, AURELIE ouvre la porte de l’ascenseur. GASPARD Les filles, vous restez là. Quand les déménageurs arrivent, vous leur donnez l’adresse du garde-meubles, ok ? 89 En le voyant rejoindre CLOTILDE dans l'ascenseur avec sa valise et son passeport à la main, MARGOT s’inquiète : MARGOT Papa, mais tu reviens ? Tu pars pas pour de vrai ? GASPARD Bien sûr que je reviens…! T’es folle ou quoi ? C'est Gaspard qui s'en va ! Là, on va juste vérifier qu'il rate pas son avion…! 57. AUTOROUTE. MOTO. EXT / JOUR Sur l’autoroute, les joues rosies par le vent qui lui fouette la figure, FLO roule en direction d’Orly. LISE Va plus vite ! Sinon il va s’envoler avant qu’on arrive…! Facile à dire ! En attaquant une côte, la moto peine à gravir la pente. FLO a beau tourner à fond la manette des gaz, elle ne dépasse pas le soixante. 58. AUTOROUTE. VOITURE CLOTILDE. EXT / JOUR Dans la voiture de CLOTILDE, GASPARD finit de mettre ses pansements. GASPARD Le pharmacien, je lui ai demandé s’il aurait pas un remède contre l’amour, il m’a dit « On voit que vous connaissez pas ma femme…! » Mais CLOTILDE aperçoit la moto avec le side-car. 90 CLOTILDE Tiens, les voilà ! GASPARD Accélère ! Fouillant dans la boite à gants, il en sort une carte routière. Au moment où ils doublent la moto, il la déploie devant son visage pour éviter que FLO ne puisse les reconnaître au passage. CLOTILDE Franchement, plus t'attends pour lui avouer… GASPARD Tu rigoles ! Je lui avoue, c’est mort ! CLOTILDE Mais c’est déjà mort ! T’as bien vu, Hugo, elle en veut plus…! GASPARD Arrête, elle est folle de lui ! Sauf qu’elle s’en rend même pas compte, cette conne ! 59. AEROPORT. INT / JOUR A Orly, il y a la queue devant le guichet d’enregistrement. Le visage bandé, GASPARD double tout le monde sans vergogne avec sa lourde valise. GASPARD Pardon, c’est une urgence ! J’ai ma chaudière qui a explosé, je suis brûlé au troisième degré…! En arrivant au guichet, il demande d’une voix pressante : 91 GASPARD Vite, s’il vous plaît, un billet pour Montréal…! J’espère qu’il vous reste des places, c’est pour une greffe ! J'étais sur la liste d'attente, ils viennent d’appeler, ils vont me refaire tout le visage…! Quand il sort son passeport, l’HOTESSE examine la photo, mais avec les pansements, elle a du mal à comparer. HOTESSE Monsieur, je ne suis pas sûre qu’on vous laisse passer au contrôle… Du coup, GASPARD fait mine de baisser le pansement pour lui montrer sa figure. GASPARD Vous me prenez pour un terroriste ou quoi ? Je suis brûlé, j'ai plus de nez, vous voulez voir ? Moi, je vous montre, hein, il y a pas de souci…! Jetant un coup d’œil sur la file d’attente qui s’allonge, l’autre bredouille, effrayée : HOTESSE Non, non, je vous crois sur parole…! Euh, couloir ou hublot ? 60. DEVANT L’AEROPORT. EXT / JOUR Arrivée à son tour à Orly, FLO gare sa moto n’importe comment, à cheval sur le trottoir, et part en courant derrière LISE qui a déjà bondi hors du side-car pour se précipiter vers les portes vitrées de l’aéroport. 92 61. AEROPORT. INT / JOUR A l’intérieur de l’aéroport, FLO cherche GASPARD des yeux dans la foule des voyageurs, mais c'est LISE qui le repère : LISE Maman, maman ! Il est là-bas ! C’est moi qui l’a vu ! Echevelée, FLO vient rejoindre GASPARD au moment où il pose sa valise sur le tapis roulant du guichet d'embarquement. LISE Ouf, on a cru qu’on allait te rater ! FLO J’étais folle d’inquiétude que vous rappeliez pas…! Avant de partir, je voulais absolument que vous sachiez, j'ai jamais cru que vous étiez un violeur…! Pas un seul instant…! Autour d’eux, les voyageurs les regardent. Mal à l’aise, GASPARD marmonne : GASPARD Oh, j’étais à moitié bourré, enfin c’est pas une excuse. FLO Non, mais Carlotta m’a tout raconté. C'est vous qui avez pas voulu d'elle, c'est ça qui l'a énervée…! GASPARD J’avoue, je me rappelle plus très bien… FLO C’est pour ça que vous vous en allez ? A cause de cette histoire ? GASPARD Mais non, ça n’a rien à voir…! Depuis le temps que je rêve d’aller au Canada… Il y a des chances qu'il faut pas laisser passer dans la vie. 93 Il la prend par les épaules. GASPARD Et vous, votre chance, c'est Hugo. FLO Cette espèce de brute…?! Vous avez vu comment il vous a traité ? J'aurais jamais cru ça de lui…! GASPARD C'est parce qu'il vous aime…! Il a voulu vous protéger, protéger les filles…! Attendez, en plus on était dans votre lit ! Je trouve ça chevaleresque, ce qu'il a fait ! Hugo, c'est un vrai chevalier ! Moi, je suis jamais qu'une momie…! Emue, FLO le regarde. FLO J'en reviens pas que vous le défendiez. GASPARD C'est pas lui que je défends, c'est vous, Flo. C'est vous deux ! Je vous souhaite tout le bonheur du monde avec vos trois fillettes…! Je vous jure, il y a rien qui pourrait me rendre plus heureux…! Mais un haut parleur annonce l’embarquement des passagers pour Montréal. Les larmes aux yeux, FLO serre GASPARD dans ses bras. Après avoir embrassé LISE, il se hâte de partir, en n’oubliant pas de traîner quand même un peu la jambe. LISE Bon voyage ! Bye bye…! Tenant sa fille par la main, FLO, le cœur serré, regarde GASPARD s’éloigner dans la foule sans se retourner, et disparaître en direction des portes d’embarquement. 94 62. DEVANT L’AEROPORT. EXT / JOUR Quand FLO ressort de l'aéroport avec LISE, elles s’arrêtent, désemparées, en voyant le camion de la fourrière embarquer la vieille moto. Mais FLO aperçoit CLOTILDE, qui patiente près de sa voiture en attendant le retour de Gaspard. FLO Ben, qu’est-ce que vous faites là, vous…?! Ne sachant comment justifier sa présence, CLOTILDE s’embrouille un peu dans ses explications : CLOTILDE Euh, tout à l’heure vous êtes partie si vite j'ai pas eu le temps de vous demander… Si c'est pas indiscret, votre hôtel particulier, vous êtes propriétaire ou bien vous louez ? Parce que si un jour vous aviez le projet de le vendre… LISE Il est pas à nous, il est à Hugo, et là ils se parlent plus…! CLOTILDE compatit : CLOTILDE Oh, vous faisiez un si beau couple… FLO Hier, j'y suis retournée, je voulais récupérer nos affaires. Il a fait changer la serrure du portail. J'ai sonné, il m'a même pas ouvert…! Elle a du mal à retenir ses larmes. FLO J'avais deux hommes dans ma vie, je les ai perdus tous les deux…! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 95 L’avion en partance pour le Canada roule jusqu’en bout de piste, avant de s’élancer dans le tonnerre de ses réacteurs pour décoller et prendre de l’altitude. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Quand GASPARD ressort de l’aéroport en finissant de dénouer ses pansements, il suit des yeux l’avion qui s’éloigne dans le ciel nuageux. GASPARD Bon débarras…! Comme ça au moins on l'aura plus dans les pattes, l’éclopé…! Avisant une poubelle, il y jette les pansements. Mais il s’étonne de ne pas voir la voiture de CLOTILDE. GASPARD Merde, où elle est passée…?! 63. AUTOROUTE. VOITURE CLOTILDE. EXT / JOUR Au volant de sa voiture, sur la route qui les ramène à Orléans, CLOTILDE écoute patiemment FLO se lamenter : FLO Tout ça, c’est ma faute ! Si j’avais pas dit à Cléopâtre de foncer sur la momie, ça serait jamais arrivé ! Maintenant il va se retrouver tout seul au fin fond du Canada, au milieu des caribous ! CLOTILDE Oui, vous croyez pas que vous dramatisez un peu ? FLO Et Hugo, c'est encore pire ! Un amour pareil, j’ai attendu ça toute ma vie ! C'était comme un rêve, il devançait tous mes désirs…! Et là, c'est fini ! Je le reverrai plus jamais ! 96 Quand son portable sonne, CLOTILDE ne décroche pas. LISE s’étonne : LISE Tu réponds pas ? CLOTILDE Jamais au volant, c’est dangereux. 64. DEVANT L’AEROPORT. EXT / JOUR En tombant sur la messagerie, GASPARD râle : GASPARD Clotilde, t’aurais pu m’attendre…! En plus mon billet, ils refusent de le rembourser, ça m’a coûté cinq cents euros, tes conneries ! 65. A RUE GASPARD EXT / SOIR B TOILETTES DE CHEZ FLO. INT / SOIR Devant l’immeuble de Gaspard, les déménageurs ont fini de tout charger. AURELIE et MARGOT les regardent claquer les portières arrière et remonter dans leur camion, qui démarre juste au moment où arrive dans la rue le taxi qui ramène GASPARD. GASPARD Ça va, mes chéries, j’ai pas été trop long ? MARGOT serre son doudou sur son cœur. MARGOT Là-haut, il y a plus rien. 97 Dès qu’il a payé le taxi, GASPARD vient les rejoindre. AURELIE Je t’ai juste gardé ton blouson d’aviateur. GASPARD Ah ben oui, t’as bien fait ! Au moment où AURELIE lui tend le blouson d’Hugo, le téléphone sonne. GASPARD jongle un instant entre ses deux portables avant de décrocher le bon. GASPARD Clotilde, mais t’es où…?! Je t’ai laissé je sais pas combien de messages…! Dans l’appartement de FLO, CLOTILDE s’est enfermée dans les toilettes pour téléphoner. Sur une étagère, s’entassent au petit bonheur des dizaines de romans de la collection Harlequin. Elle chuchote d’un air de conspirateur : CLOTILDE Je suis chez Flo, mais ça va pas du tout…! Ça fait une heure que j'improvise, je sais plus quoi lui dire ! GASPARD Bon, tu bouges pas, j’arrive ! CLOTILDE Qui ça ? Hugo ou Gaspard ? GASPARD Hugo ! Gaspard, il est au Canada ! Faut suivre…! 66. VENISE. GONDOLE. EXT / JOUR A Venise, un pâle soleil allume des reflets d’or aux fenêtres des palais. A bord d'une gondole qui longe le Grand Canal, FLO est tendrement blottie dans les bras 98 d’HUGO, avec AURELIE, MARGOT et LISE, ravies d’être à nouveau toutes les trois réunies. FLO J’arrive pas à y croire, qu’on est là tous ensemble… Emu, HUGO murmure d’une voix sourde : HUGO J’ai cru que je t’avais perdue pour toujours. FLO Gaspard, si tu savais comme il a pris ta défense…! Après tout ce que tu lui as fait…! Ça, je l’oublierai jamais, Gaspard. Mais j’y peux rien, c'est toi que j'aime, mille fois toi et un milliard de fois toi…! LISE a l'exemplaire de « Songes et Mensonges » qui appartient à sa mère. En voyant la fillette absorbée dans sa lecture, HUGO ne peut s’empêcher de sourire : HUGO Elle est pire que toi, elle est complètement accro. FLO Tu te rappelles, le vieux gondolier aveugle ? Qu’est-ce que ça a pu me faire pleurer quand j'ai lu ça… 67. A AEROPORT DE MONTREAL. INT / JOUR B VENISE. EXT / NUIT Par la baie vitrée de l’aéroport, on aperçoit la neige dehors, qui tombe drue. A Montréal, il est trois heures de l’après-midi. VINCENT est au téléphone. Pour rigoler, il prend un accent québécois à couper au couteau : VINCENT Hostie de calisse de tabarnak, ça a pas de bon sens, mon ptit maudit…! Si t’étais pas mon chum… 99 A Venise, il est huit heures du soir, il fait déjà nuit. HUGO Et alors, tu l’as ? VINCENT Oui, ça y est, j’ai fini par la récupérer. J’ai baratiné la meuf des douanes, ça a pas été sans mal…! Il a la valise de GASPARD. HUGO J'avais peur qu'ils l'aient fait exploser. Un bagage abandonné, je comprends même pas qu'ils aient laissé partir l'avion…! VINCENT Tu me diras, une fois j'allais à Agadir, ma valise s'est retrouvée en Finlande, c'était pas mal non plus…! HUGO Bon, tu l’ouvres ! Grouille, elles vont pas tarder à revenir…! VINCENT ouvre la valise. HUGO Il y a un gros bouquin à l’intérieur. C'est moi qui l'ai écrit et j’ai aucune idée comment ça se termine…! Il y a une histoire de gondolier aveugle, j’en sais pas plus. VINCENT Ça tourne au délire, ton truc…! HUGO Eh, si tu crois que ça m’amuse…! Lise a oublié le sien dans la gondole, elle veut que je lui raconte la fin…! Le portable coincé avec son épaule, VINCENT fouille au milieu des vêtements de fillette et des jouets. 100 VINCENT Bingo…! « Songes et Mensonges », c’est ça ? Ça me rappelle quelqu’un, tiens. Je sais même pas comment tu t’y retrouves…! HUGO Ah, m’en parle pas ! En arrivant ici, j’ai voulu faire un peu de ménage, j’ai balancé le portable de Gaspard dans le canal. Sauf que je me suis trompé, c’était celui d’Hugo ! Subitement, il s'interrompt : HUGO Attends, elles reviennent ! Je te rappelle…! Il s'empresse de raccrocher pour aller au devant des fillettes, qui accourent, suivies de FLO. MARGOT Papa, papa, regarde ce qu'elle nous a acheté ! Elles portent toutes les trois des loups vénitiens. HUGO Mais qui ça peut bien être ? Je les reconnais pas, moi, ces demoiselles…! 68. A VENISE. EXT / MATIN B MONTREAL. INT / NUIT Le lendemain matin. Hésitant entre les pigeons de la place Saint Marc, les gondoles sur le Grand Canal et la façade du Palais des Doges, FLO est en train de choisir des cartes postales de Venise, pendant que les fillettes s’empiffrent de glaces italiennes. Pour rappeler VINCENT, HUGO s’est planqué derrière l’angelot joufflu d’une fontaine, qui verse l’eau d’une cruche dans une vasque de marbre. 101 HUGO Vas-y, raconte ! Vite, j'ai cinq minutes…! Cette fois, à Montréal, il est tard dans la nuit. Le roman sur les genoux, VINCENT est dans sa chambre d’hôtel, assis sur son lit aux draps défaits, pendant qu’une jeune femme dodue finit de se rhabiller et rendosse son uniforme des douanes. VINCENT Dehors, ça caille, t’imagines même pas…! Moins cinquante, tu pisses par terre, ça fait des glaçons, faudra que j’essaye…! HUGO Non, mais la météo, je m’en fous ! Le bouquin ! Ça y est, t’as lu la fin ? VINCENT Oui, alors sortez vos mouchoirs…! Figure-toi que le jour du mariage, elle découvre qu’il en aime une autre. Bref elle s'ouvre les veines et elle crève dans les bras du vieux gondolier. Lui, comme il est aveugle, il s'aperçoit de rien…! Ça le fait rire, mais HUGO ne trouve pas ça drôle. HUGO Flo, c’est peut-être ça qui lui plombe le moral. Depuis qu’on est à Venise, j’ai l’impression que ça va pas du tout… Du coin de l’œil, il surveille FLO, qui est en train de payer ses cartes postales. VINCENT Ah bon, mais qu’est-ce qu’elle a ? HUGO J’en sais rien, je suis pas dans sa tête…! Pendant ce temps, la douanière a fini de se rhabiller. Elle embrasse gentiment VINCENT, récupère sa casquette et ressort de la chambre d’hôtel. VINCENT Avec Gaspard, c’était pratique, elle te faisait ses confidences. 102 HUGO Oui, ben qu’il reste où il est, celui-là ! On n’a pas besoin de lui. 69. VENISE. EXT / NUIT La nuit est tombée sur Venise. 70. VENISE. CHAMBRE PALACE ET BALCON. INT – EXT / NUIT Dans le palace, HUGO a réservé une suite. Les trois fillettes dorment dans le même lit. En chemise de nuit diaphane, FLO les regarde avec une infinie tristesse. Assise au bord du lit, elle remonte leur drap. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Dans la chambre voisine, HUGO est couché dans la pénombre. En entendant des pleurs par la porte ouverte, il croit d'abord que c'est une des fillettes. Quand il réalise que c'est FLO qui sanglote, il hésite à aller la rejoindre pour voir ce qui se passe. Au lieu de ça, presque à contrecœur, il sort son portable de la poche de son pantalon qui traîne par terre à côté du lit, et en se cachant sous les draps, il compose un numéro de téléphone. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------En entendant sonner son portable, FLO se lève du lit des fillettes et s'empresse d'aller le récupérer avant qu'il ne réveille HUGO. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 103 Sans faire de bruit, FLO sort son portable de son sac à main pour décrocher. Quand elle voit que c'est GASPARD qui l'appelle, elle lui chuchote : FLO Oh, c'est vous ? Attendez, quittez pas… Sauf que GASPARD ne peut pas répondre, car elle se tient juste devant HUGO, qui dort profondément. Elle se penche vers lui : FLO Mon amour… Tu dors ? HUGO pousse un soupir dans son sommeil. Rassurée, FLO traverse la chambre sur la pointe des pieds et se faufile dehors sur le balcon. Réfugiée à l’angle de la balustrade, elle chuchote dans son portable : FLO Vous êtes encore là ? Je suis tellement heureuse que vous m’appeliez…! Vous devinerez jamais, on est à Venise. Sous les draps, GASPARD prend l’air étonné pour chuchoter : GASPARD Non, c’est pas vrai…?! Vous avez de la chance, ici il fait un froid de canard… FLO Je vous entends mal, j'ai l’impression que vous chuchotez… GASPARD Je suis au bureau, en principe j’ai pas trop le droit de téléphoner… FLO Il est quelle heure à Montréal ? Nous, il est minuit passé. Hugo dort, c'est pour ça moi aussi je parle doucement… GASPARD Ah, je vous ai pas réveillée au moins ? 104 FLO Non, j’étais avec les petites. Elles ont voulu dormir toutes les trois dans le même lit. Caché sous les draps, GASPARD observe FLO en reflet dans le miroir de l’armoire à glace. GASPARD Mais vous avez une petite voix, vous avez pleuré ou quoi ? Sans dissimuler plus longtemps son chagrin, FLO gémit : FLO Si vous saviez comme je suis triste…! GASPARD Je comprends pas, vous filez le parfait amour, il vous emmène à Venise ! Qu’est-ce qu’il vous faut de plus ? FLO Oui, ben j’aurais mieux fait de rester dans ma pizzeria, avec les gondoles peintes sur les murs ! GASPARD Mais pourquoi ? Vous me faites peur, là… Les yeux noyés de larmes, FLO murmure : FLO C’est fou, vous êtes à l’autre bout du monde, vous avez senti que j’avais besoin de vous… GASPARD Flo, dites moi au moins ce qu'il a fait…! FLO Vous vous rappelez ? Comme il lisait dans mes pensées…! Comme si j'étais l'héroïne de son prochain roman…! Mais là, c'est bien fini, tiens…! Je peux pleurer toutes les larmes de mon corps, si vous croyez que ça le réveillerait…! Et d’une voix qui se brise : 105 FLO Je suis sûre qu’il va me quitter…! Stupéfait, GASPARD se retourne dans son lit. GASPARD Mais pas du tout, où vous allez chercher ça ?! Jamais de la vie ! Ça, je vous le garantis…! FLO Attendez, j'ai l'impression qu'il a bougé… Aussitôt, GASPARD se fige sous son drap. GASPARD Ça veut rien dire…! Souvent on bouge, en dormant. FLO En plus, il y a Lise qui vient de se réveiller. Décidément…! En voyant LISE s’encadrer dans la porte de la chambre, GASPARD a juste le temps de cacher son portable sous son oreiller. LISE J’arrive pas à dormir, elles prennent toute la place. Etonnée que ça ait raccroché, FLO hésite à rappeler GASPARD, mais quand elle s’aperçoit qu’HUGO s’est réveillé, elle s’empresse d’essuyer ses larmes. Encore tout ensommeillé, il se tourne vers elle et FLO vient le rejoindre dans le lit avec un soupir de nostalgie : FLO Tu te souviens, la nuit des violons ? C’était aussi la pleine lune. Escaladant HUGO, LISE se blottit entre eux deux et se rendort aussitôt, avec un sourire rassuré. 106 71. VENISE. DEVANT UNE EGLISE. EXT / JOUR Le lendemain après-midi, il fait grand soleil. Les cloches sonnent joyeusement. HUGO Les filles ! Vous éloignez pas trop ! AURELIE C’est pas nous, c’est les pigeons ! Les petites poursuivent les pigeons en leur lançant des miettes de pain, laissant FLO seule avec HUGO. HUGO Elles me font rire, c'est vraiment le trio infernal…! Subitement, FLO demande d'une voix sourde : FLO Il y a une autre femme, c’est ça ? Tu en aimes une autre ? Pris au dépourvu, HUGO la regarde sans savoir quoi lui répondre. FLO Depuis qu’on est ici, tu passes ta vie au téléphone…! HUGO Pas du tout, qu’est-ce que tu racontes…?! FLO Je t’ai vu, d’accord ? Quand on faisait les boutiques. Dès que je suis arrivée, t’as raccroché ! Et hier quand on est parties acheter des cartes postales, t’as remis ça…! HUGO Attends, c’est quoi, ces accusations…?! 107 FLO Ça va, on m’a déjà fait le coup…! Tiens, fais voir ton portable ? Je peux appeler le dernier numéro que t’as fait ? Juste par curiosité ? Mais HUGO a eu le temps de se ressaisir : HUGO Oui, et toi, cette nuit sur le balcon ? Tu téléphonais à qui, on peut savoir ? Désemparée, FLO murmure : FLO Pourquoi tu as rien dit ? HUGO Mais parce que je t'aime ! Et moi je te fais confiance ! Tu étais encore avec Gaspard, c’est ça ? FLO Attends, c’est pas de lui qu’on parle ! Retourne pas la situation…! HUGO Ecoute, tu veux plus que je téléphone ? Tiens, voilà, t’es contente ? Avant qu’elle ait pu l’en empêcher, il jette son portable dans le canal. FLO Pourquoi t’as fait ça ?! HUGO Il y a que toi dans ma vie ! J’ai pas besoin de téléphone ! FLO C’est trop facile ! Tu jettes la seule preuve ! Tout ça pour pas que je vérifie ! Tu me prends vraiment pour une demeurée ?! Les larmes aux yeux, elle se penche au bord du canal. Effrayé, HUGO l'agrippe par le bras pour la retenir, comme s'il avait peur qu'elle se jette à l'eau…! 108 FLO Lâche-moi, tu me fais mal ! HUGO Flo, je te jure qu’il y a personne d’autre ! Sur la tête de mes filles ! Revenues près d'eux, les petites témoignent : AURELIE C’est vrai, il y a personne d’autre ! MARGOT Nous aussi, on le jure sur notre tête ! Mais FLO ne les écoute même pas. FLO Viens, Lise, on s'en va ! LISE Mais il nous reste encore des miettes pour les pigeons…! Voyant que sa fille ne fait pas mine de la suivre, FLO se sent trahie : FLO Bon, si tu veux pas venir…! J'ai besoin de personne pour être toute seule…! Et elle s'enfuit sans se retourner, avec LISE qui lui court derrière pour la rattraper. Démoralisé, HUGO soupire : HUGO C'est ridicule, pour une fois que je mens pas… MARGOT Moi, je sais ! Il faut lui dire toute la vérité, rien que la vérité…! AURELIE Si tu veux, on va lui dire nous. Que tout ça, c’est parce que tu l'aimes. 109 HUGO Mais non, ça serait pire que tout…! Depuis le début, on a pas arrêté de lui raconter des craques ! MARGOT Quand on se déguise, c’est pas un vrai mensonge. C’est pour de rire…! AURELIE La momie, c'était toi. Le chevalier aussi. Gaspard et Hugo, c’est le même…! MARGOT C’est comme un papillon ! La larve et le papillon ! J’ai fait ça en classe ! Maintenant t’es devenu un papillon, elle va pas se plaindre quand même…! AURELIE C’est vrai, avec tes bandages, on aurait dit le truc du ver à soie, là, je sais plus comment ça s’appelle… Le visage défait, HUGO murmure : HUGO Un cocon. Ça s'appelle un cocon. 72. VENISE. CHAMBRE PALACE. INT / SOIR De retour à l’hôtel, FLO entasse fébrilement ses vêtements dans son sac de voyage pendant que LISE récupère leurs affaires de toilette dans la salle de bain. LISE Maman, je peux prendre les petits savons qui sentent bon ? FLO Prends tout ce que tu veux, mon ange, mais tu te dépêches ! 110 LISE C’est triste quand même, c’était devenu comme mes sœurs. En entendant frapper à la porte, FLO chuchote, effrayée : FLO Dis lui que je suis pas là…! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------GASPARD est seul dans le couloir. Il s'est acheté de nouveaux vêtements et il a remis des bandages. GASPARD Flo, c’est moi. C'est Gaspard. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------FLO Gaspard…?! Mais je vous croyais à Montréal…?! Elle se précipite pour aller lui ouvrir. GASPARD Hier soir, vous m’avez fait peur au téléphone. C’est pour ça, j’ai pris le premier avion…! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Cachées à l'angle du couloir, AURELIE et MARGOT voient GASPARD entrer dans la chambre et refermer derrière lui. MARGOT Après comment on fait si c'est Gaspard qui reste ? Lui, il a pas d’enfants ! Sans Hugo, on existe pas, nous…! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Impuissant, GASPARD regarde FLO qui s'est remise à faire ses valises. 111 FLO C'est décidé, je le quitte ! Il faut qu’on soit parties avant qu’il revienne ! Sinon je me connais, à tous les coups il va encore m’embobiner…! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Dans le couloir, AURELIE et MARGOT se sont rapprochées pour écouter à la porte. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------GASPARD Flo, c’est forcément un malentendu ! Vous partez, vous lui laissez même pas le temps de s’expliquer…! FLO Oui, vous, vous voyez jamais le mal nulle part, ça devient pénible…! GASPARD Si ça se trouve, il voulait vous faire une surprise, c'est pour ça qu'il se cachait…! FLO Arrêtez ! Je veux plus rien entendre ! GASPARD Je sais pas, il voulait peut-être vous organiser une course de gondoles, une promenade en montgolfière…! Se bouchant les oreilles, FLO s'est mise à chanter pour couvrir le son de sa voix ! --------------------------------------------------------------------------------------------------------------MARGOT Ça a l’air d'aller mieux, elle chante. AURELIE Chut, si tu parles tout le temps…! 112 Elle colle son oreille à la porte. AURELIE Non, maintenant elle pleure. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------FLO Hugo, c'est fini, j'ai fait une croix dessus ! Ou encore mieux, tiens, c’est comme Angélique ! C’était juste un mirage, il a jamais existé ! Eperdue, elle balbutie à travers ses larmes : FLO Ce qui me tue, c'est même pas qu'il y ait une autre femme ! C'est le mensonge ! Regardez, ça me file de l’urticaire, je suis en train d’avoir des boutons partout ! LISE s'en mêle : LISE La vérité ! Maman, c'est tout ce qu'elle demande…! FLO Même la plus sordide, j’aurais pu lui pardonner ! Un enfant caché, une tare héréditaire ! Au moins qu'il ait le courage de me le dire en face…! Le visage inondé de larmes, elle s'approche de la fenêtre ouverte, comme pour regarder une dernière fois Venise, où le soleil couchant embrase le ciel d’une lueur d’incendie. FLO En lisant son roman, j'aurais dû deviner ! Je me disais, quelle imagination ! Quand ils vont à Venise dans un palace ! Tu parles, c'est le même ! Il a même pas eu la décence de nous emmener ailleurs ! Et à la fin, quand elle s'ouvre les veines, c'est ça que je devrais faire, tiens ! 113 GASPARD Arrêtez, vous voyez une goutte de sang, vous tombez dans les pommes ! Angoissée, LISE se met aussi à pleurer : LISE Maman, j'ai pas envie d'être orpheline ! Devant leur désespoir, GASPARD se résout, la mort dans l’âme, à enlever lentement son pansement. FLO Gaspard, mais qu’est-ce que vous faites ? Persuadé de l'avoir perdue à tout jamais, il murmure, sans oser affronter son regard : GASPARD Voilà, tu voulais la vérité. Lorsqu’elle le voit à visage découvert, FLO reste un instant silencieuse. Séchant ses larmes, elle lui dédie son plus radieux sourire : FLO Je me demandais quand tu allais enfin te décider. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Derrière la porte, AURELIE et MARGOT échangent un bref regard. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------Dans la chambre, GASPARD bredouille, incrédule : GASPARD Depuis quand tu es au courant ? 114 FLO Depuis la nuit du bal masqué. GASPARD C’est la momie ? T’as réussi à la rattraper ? LISE Non, c’est moi qui lui a dit. Après la fête, elle était trop triste. C'était pour la consoler. GASPARD se tourne vers discrètement dans la chambre. AURELIE et MARGOT qui viennent d’entrer GASPARD C’est comme ça que vous gardez un secret ? MARGOT proteste : MARGOT Eh, nous on se serre les coudes, il y a pas de raison…! LISE Elles m’ont montré la vidéo sur You tube. Avec ton bouquet de fleurs sous la pluie, tu sais quand tu les as filées à la vieille dame…! Maman, elle a vu ça, elle m'a dit : "Lui, je l'aime…!" FLO Je suis tombée amoureuse à notre premier rendez-vous, même si j'étais pas là… AURELIE T'as vu, papa, je te l'avais dit ! Les roses rouges, ça marche à tous les coups ! GASPARD contemple FLO, trop éberlué pour réagir. GASPARD J’en reviens pas que tu m’aies laissé faire tout ça. Tu disais que tu supportais pas le mensonge… FLO a un sourire fugitif. 115 FLO J’ai menti. LISE Tu jouais la comédie. Nous aussi. GASPARD Oui, enfin, il y a des limites… FLO C’était beau, d’y croire. Et puis d'abord, c’était à toi de me le dire. MARGOT Il avait trop peur de te perdre. Les yeux brillants, FLO regarde amoureusement GASPARD. FLO Tu rêves…! On est faits l'un pour l'autre. 73. VENISE. EXT / NUIT La nuit s’illumine des lueurs d’un feu d’artifice. Dans une joyeuse pétarade, des fusées filent vers le ciel pour exploser en girandoles bariolées, laissant planer dans les airs comme des papillons éblouissants. Perdus dans la foule des touristes venus du monde entier célébrer le Carnaval de Venise, FLO, GASPARD et leurs trois fillettes se promènent au milieu de princes masqués aux costumes raffinés qui s’affichent au bras de gracieuses marquises dont le visage se dissimule derrière les fanfreluches. Aux anges, les fillettes arborent fièrement leurs loups de velours, mais ni FLO, ni GASPARD n’ont cru bon de se déguiser. Tendrement enlacés, ils ont le sourire heureux de ceux qui savent qu’ils s’aimeront toujours et qu’ils auront beaucoup d’enfants comme dans les contes de fées. D’ailleurs, ils les ont déjà.