pollution médicamenteuse des eaux

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POLLUTION MÉDICAMENTEUSE DES EAUX
Au cours de ces trente dernières années, les efforts engagés dans les programmes de
surveillance de l’environnement et dans la réglementation y afférent ont essentiellement porté sur les substances chimiques « prioritaires » telles que les pesticides et les
substances intermédiaires utilisées dans l’industrie. En revanche, il existe très peu de
données, notamment en France, sur la pollution médicamenteuse des eaux. Des chercheurs du Laboratoire « Hydrosciences »1 ont mis en évidence une anomalie positive2
et prononcée de gadolinium (Gd) dans les eaux de l’étang de Thau et de son bassin.
Cette anomalie est également présente dans les effluents de stations d’épuration des
eaux usées municipales, ce qui suggère qu’elle a une origine anthropique.
Dans l’eau, la « signature » des terres rares3 est largement héritée des roches ou sédiments
avec lesquels l’eau interagit. Occasionnellement, leur distribution naturelle est modifiée en raison d’influences anthropiques. C’est particulièrement vrai dans les régions densément peuplées
et industrialisées ; des changements dans la répartition des terres rares dans les eaux de surface
ont été observés en Allemagne et au Japon. Ces changements consistent principalement en une
anomalie positive et prononcée de gadolinium (Gd). L’observation de cette anomalie a été rendue possible grâce à l’abaissement des limites de détection (de l’ordre de 10-10 g/l). Des chercheurs allemands ont détecté des concentrations importantes en gadolinium dans les effluents
(eaux usées) des hôpitaux. Leurs observations laissent à penser que l'anomalie de Gd est liée
à l'utilisation médicale du gadolinium, très probablement en imagerie par résonance magnétique
(IRM).
1 CNRS-Université Montpellier 2IRD.
2
Concentration anormalement
élevée.
3 Les terres rares sont
des éléments chimiques
de la série des Lanthanides.
Certaines sont utilisées
dans les pots d'échappement
catalytiques, d'autres,
comme le gadolinium,
en médecine.
L’étude des chercheurs du Laboratoire « Hydrosciences » a permis d’observer l’existence d’un
excès de Gd dans l’étang de Thau et dans son bassin, suggérant que cette anomalie est un trait
commun dans les régions à fortes concentrations de population. Pour déterminer l’origine de
l’anomalie, les scientifiques ont recherché le gadolinium dans les effluents de stations d’épuration des eaux usées. Dans la Vene, rivière du sud-est de la France, l’anomalie de gadolinium
apparaît clairement en aval de la station d’épuration, ce qui constitue un indice de son origine
anthropique. Par ailleurs, cette anomalie n’est accompagnée ni d’une augmentation générale
des concentrations en terres rares, ni d’une anomalie similaire dans la matière en suspension :
l’apport concerne donc exclusivement le Gd sous forme dissoute, autrement dit la forme utilisée en IRM.
Les mesures effectuées montrent un accroissement net des concentrations en gadolinium :
jusqu’à 3 x 10-9 g/l dans la rivière et 0,85 x 10-9 g/l dans l’étang, à comparer aux concentrations
naturelles évaluées respectivement à 2,46 x 10-9 g/l et 0,7 x 10-9 g/l. Pour quatre stations d’épuration étudiées, l’excès déversé est de 27 g/an. Or la quantité de Gd absorbée par un patient
subissant une IRM est de 1,1 g. Un tel apport signifierait donc que 0,13 % de la population est
traitée par IRM. Ce résultat est assez proche du pourcentage (0,24 %) calculé, à l’échelle de la
région, en prenant en compte les capacités régionales en IRM, et il suggère que l’excès de Gd
mesuré est compatible avec les quantités de Gd utilisées en IRM.
Pour absorber la même quantité de Gd qu’un patient subissant un scanner, un individu
devrait boire trois litres d’eau de la Vene par jour pendant 280 000 ans. À l’heure actuelle,
ces concentrations ne présentent donc pas de risque sanitaire. Cependant, l'anomalie de gadolinium
n'est qu'une facette d'un problème plus général qui est celui de la présence de médicaments
dans les eaux. La pollution médicamenteuse des eaux pose de réels problèmes : les molécules
sont très nombreuses, de nouvelles apparaissent sur le marché quotidiennement, et les techniques de dosage de ces nouvelles molécules dans les eaux n'existent pas forcément. Les traitements de l'eau ne les éliminent pas toujours, or un médicament est composé de substances
biologiquement actives, dont l’effet sur les organismes non cibles est inconnu.
C’est pour évaluer l’impact sur l’environnement de ces substances qu’a été monté le projet
ENIMED4 (programme PNETOX). Son objectif est l'identification et la quantification de
4
ENIMED : Effets Non
Intentionnels des MÉDicaments ;
PNETOX : Programme National
d’ÉTOXicologie.
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substances à visée thérapeutique ou diagnostique dans les stations d'épuration et l’évaluation
des effets potentiels sur des organismes non cibles. Des chercheurs du Laboratoire « Hydrosciences »
y sont associés pour les mesures qui concernent le gadolinium.
Par ailleurs, d’autres études seront nécessaires pour vérifier la persistance de cette anomalie dans l’eau et pour évaluer son usage potentiel en tant que traceur hydrologique. En effet,
elle pourrait être utilisée dans la gestion des eaux, pour tracer et quantifier la présence d'eaux
usées dans des nappes phréatiques par exemple, ou bien pour détecter des fuites dans les stations d'épuration.
Référence :
• Elbaz-Poulichet, F., Seidel, J.-L., Othoniel, C. 2002. Occurrence of an anthropogenic gadolinium anomaly in river and coastal waters of Southern France. Wat. Res. 36/4, pp. 1102-1105.
Contact chercheur :
Françoise ELBAZ-POULICHET,
Laboratoire « Hydrosciences »,
CNRS-Université Montpellier 2IRD,
tél. : 04 67 14 39 31
mél : Francoise.Elbaz@
msem.univ-montp2.fr
Contact département
des Sciences de l’Univers
du CNRS/INSU :
Hélène DOCO,
tél. : 01 44 96 43 74
mél : [email protected]
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