L`apport de la francophonie à la diversité culturelle dans le

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L`apport de la francophonie à la diversité culturelle dans le
SPEECH/05/429
Louis MICHEL
Commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire
«L’apport de la francophonie à la
diversité culturelle dans le mouvement
de la mondialisation»
Assemblée parlementaire de la Francophonie
Bruxelles, 8 juillet
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie,
Mesdames les Ministres,
Madame la Ministre –Présidente,
Monsieur le Président du Parlement de la Communauté française,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs,
1. Je suis très heureux de prendre la parole devant vous aujourd’hui, pour cette 31e
session de l’APF.
En tant que Commissaire européen, je mesure beaucoup mieux aujourd’hui ce que
représente l’appartenance à la francophonie, au travers de la langue sûrement,
parce que la langue française secrète cette convivialité de l’esprit et cette
connivence qu’on ne peut définir, ce sentiment de familier, de déjà vécu.
2. Belge francophone, je ressens ce frémissement de la pensée qui s’émeut on ne
sait trop pourquoi, juste parce qu’on s’est reconnu.
3. Qu’il n’y ait aucun malentendu. Je suis radicalement opposé à ceux qui s’arcboutent un peu benoîtement sur l’unilinguisme, comme si la connaissance de
plusieurs langues étrangères affaiblissait ou trahissait la sienne propre.
4. Professeur de langues germaniques, je crois au contraire que chaque fois qu’un
homme ou une femme connaît une langue de plus, c’est son regard sur le monde
qui s’ouvre plus largement. Et c’est son champ de conscience à l’autre qui s’élargit.
5. Je me sens particulièrement à l’aise pour évoquer la promotion de la langue
française. Au sein de la Commission européenne comme en dehors.
Le français est une langue qui convient si bien aux valeurs de démocratie, de
respect de l’autre, de dialogue, de culture. Culture quand elle mêle avec vitalité la
créativité, les élans généreux, la recherche du Bon et du Beau, -et du plaisir aussi-,
pour communiquer la vie.
6. Comme le dit le poète espagnol Miguel de Unamuno, « la langue est le sang de
l’âme ». Sans la langue française, le monde serait privé de quelque chose.
7. Au-delà de cette signification philosophique de la langue française, l’espace de la
francophonie est un espace géographique étonnant. Il concerne les cinq continents.
Du Vietnam au Canada, des Comores à la Suisse, on parle français.
8. Langue officielle dans 51 états et 34 pays, le français est la deuxième langue du
monde sur le plan du potentiel politique.
Le français occupe des positions stratégiques privilégiées comme langue
administrative, langue d’enseignement, langue de l’armée, langue de justice, langue
des médias, langue du commerce ou des affaires. Nous devons aussi veiller à
utiliser son potentiel d’instrument politique au sein des relations internationales.
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9. La francophonie, c’est aussi un espace démographique considérable. Plus de
145 millions de personnes sont scolarisées en français dans le monde. Le déclin du
français « seconde langue » ou « langue étrangère », depuis les années 60, semble
s’être arrêté. Certains pays d’Europe (Finlande, Irlande, Norvège, Suède, Bulgarie),
du Proche-Orient (Egypte, Turquie), et d’Amérique (Brésil, Colombie, Pérou)
connaissent une augmentation du nombre des élèves du français « langue
seconde » ou « langue étrangère ».
En fait, jamais dans l’histoire du français autant de personnes n’ont appris et parlé
cette langue !
10. La francophonie, c’est aussi un marché économique. Celui-ci compte plus de
100 millions de consommateurs au sein de l’Europe.
Et c’est enfin un espace politique, avec 49 Etats-membres de l’OIF, 4 Etats
associés, et 10 Etats observateurs.
11. Nous avons perdu le sens de ces dimensions multiples de la langue française.
C’est pourquoi nous avons laissé tout l’espace à la langue anglaise.
12. Le nationalisme, qu’il soit linguistique, ou qu’il puise son inspiration aux sources
sordides de l’exclusion, n’est pas de ma culture. Mais il me paraît légitime de ne pas
laisser maltraiter le français au nom d’un utilitarisme de confort, qui recouvre le plus
souvent une volonté vulgaire de prendre un avantage d’influence de nature politique
ou de nature économique.
13. L’Assemblée Parlementaire de la Francophonie l’a compris.
La valeur ajoutée du combat qu’elle mène est triple : combat pour la diversité
culturelle, combat pour la démocratie, combat en faveur du Sud.
Un combat pour la diversité culturelle
14. L’année 2006 a été déclarée « année de la diversité culturelle » par la
Francophonie. Ceci indique le choix, non d’une défense pointilleuse, combative et
exclusive de la langue française. Mais de ce qui, dans son usage même, participe
de l’ouverture à l’autre.
La langue française doit renouer avec la culture de l’universel qui a fait sa grandeur.
La francophonie doit entendre ce qui vient d’autres univers que les univers
nationaux. Et elle peut le faire mieux que d’autres espaces culturels.
Ses citoyens doivent quitter « la funeste citadelle de la vanité nationale », comme le
dit le poète André Suarès, « avec son donjon de races, ses tours de préjugés et
ses fossés de mépris réciproque ».
Elle peut le faire parce que l’identité culturelle francophone révèle un projet de
civilisation ouvert sur l’homme universel. Un projet construit sur l’acceptation de sa
diversité.
15. La pertinence de ces propos est plus grande que jamais. La promotion d’une
langue est un gage d’une identité forte. Et une identité forte, structurée, est en
retour un gage d’ouverture à l’autre. Ca semble paradoxal, mais c’est ainsi : plus la
mondialisation progresse, plus la sauvegarde des langues nationales ou même
régionales prend de l’ampleur. Comme si l’on ne pouvait aller vers l’autre que si l’on
n’était d’abord sûr de soi-même, de ses racines et de son identité. Savoir d’où on
est pour mieux savoir où on va.
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16. Ce combat pour la diversité culturelle s’inscrit dans un cadre mondial.
On peut craindre que certains accords bilatéraux et certaines négociations
internationales, ne remettent en question la capacité des pouvoirs publics à
intervenir en matière culturelle.
Ainsi certaines grandes puissances ont-elles conclu plusieurs accords commerciaux
de libre-échange, qui pourraient compromettre la capacité des Etats à adopter des
mesures appuyant leur politique culturelle et leur industrie culturelle nationale.
17. Nous y sommes attentifs. C’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons de
la coopération entre l’UE et l’Agence intergouvernementale de la Francophonie,
dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel, par exemple.
L’UE et l’AIF cofinancent la production, la distribution et la promotion de nombreux
films des pays francophones de l’Afrique subsaharienne et des Caraïbes.
18. C’est aussi la raison pour laquelle nous nous félicitons de la signature le 4 juillet
de l’accord de coopération, notamment au niveau de la protection de la diversité
culturelle, entre l’Assemblée parlementaire de la Francophonie et l’UNESCO.
Rôle de médiation politique
12. Nous voudrions encore souligner la valeur ajoutée politique d’une organisation
comme l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.
La Commission est attentive au nouveau mandat de la francophonie, notamment en
matière de promotion de la démocratie, de prévention des conflits, de respect des
droits de l’homme et de l’état de droit. Il s’agit d’enjeux dont nous avons fait nousmêmes une priorité.
Le rôle de « vigie de la démocratie » joué par l’APF, par rapport aux crises que
traversent certains pays de l’espace francophone, ne cesse de gagner en crédibilité,
au Togo, en Côte d’Ivoire, en Haïti.
Coopération avec le Sud
14. Enfin, la coopération avec le Sud « est inscrite dans les gênes » de l’APF, avec
son rôle d’agent de liaison et d’acteur de la coopération interparlementaire.
Il s’agit là encore d’une autre façon, bien concrète, de mettre en acte les principes
de cette culture de l’universel qui fait la grandeur de la langue française.
15. Sans le français, il manquerait quelque chose au monde.
Quelque chose qui permet de transcender les frontières.
Quelque chose qui fait voir que la seule patrie de l’esprit et du cœur qui vaille
vraiment, c’est l’humanité toute entière.
Je vous remercie.
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