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B 6 L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 M A R S 2 0 0 5 Violence au Forum suite à la suspension de Richard Le président Campbell reçoit un coup de poing à la figure Victoire accordée au Détroit Bombes lacr ymogènes et fumigènes lancées dans l’enceinte du For um – Oeufs, tomates, couvre-chaussures et objets les plus hétéroclites couvrent la glace – À l’extérieur, la foule manifeste tard, dans la soirée – Plusieurs arrestations, plusieurs blessés. Tard hier soir, au moment d’aller sous presse, des milliers de personnes étaient encore groupées devant et aux abords du Forum. La manifestation de violence, à certains moments bien près de l’émeute, a causé des blessures à une douzaine de policiers et à de nombreux spectateurs, qui furent traités à l’hôpital Western, situé tout près. Plusieurs manifestants furent appréhendés. On les transporta d’abord dans le fourgon de la police au poste no 10, puis, comme ils étaient de plus en plus nombreux, on les enferma temporairement dans un bureau du Forum. Un policier fut assez gravement blessé au genou gauche par une poubelle lancée par un jeune manifestant. On rapporta, vers 10 h. 30, que des coups de feu avaient été tirés au-dessus de la foule par des policiers cernés par des manifestants, mais cette nouvelle fut démentie par le directeur intérimaire de la police municipale, M. T. O. Leggett, qui a nié que ses hommes se fussent servi de leurs armes. La joute de hockey entre les Canadiens de Montréal et les Red Wings de Détroit a été arrêtée hier soir par le directeur des incendies de la métropole, après que des amateurs eurent déclenché des manifestations de violence contre le président de la Ligue Nationale, Clarence Campbell. La joute a été contremandée après que des amateurs criant et hurlant eurent chassé Campbell ARCHIVES LE DEVOIR Des milliers de personnes étaient groupées devant les portes du Forum. du Forum dans la pire manifestation de violence des amateurs de hockey encore vue à Montréal. Campbell fut frappé par un spectateur et arrosé de claques, de couvre-chaussures et d’oranges tandis que les amateurs manifestaient leur mécontentement contre l’homme qui a suspendu leur idole, Maurice Richard, pour le reste de la saison, y compris les éliminatoires. Le directeur du Service des Incendies, M. Raymond Paré, a fait savoir qu’il avait ordonné la suspension de la partie afin de protéger la foule. Une bombe fumigène, lancée par un groupe de spectateurs, a déclenché un mouvement de masse des spectateurs vers les sorties, la gorge et les yeux remplis de fumée. Cette bombe était le point culminant d’une grande vague de frénésie au cours de laquelle la foule ne parvenait plus à se maîtriser. Les autorités du Forum ont déclaré que l’homme qui s’est attaqué à M. Campbell était parvenu jusqu’à lui en faisant croire qu’il était un ami du président de la Ligue. Il a soutenu cet argument au point de tendre la main à M. Campbell. Le chahut est sur venu durant l’intermission qui a suivi la première période d’une joute à laquelle Richard assistait en spectateur. […] La bombe fumigène fut lancée près de l’entrée de la patinoire. Un nuage de fumée s’éleva aussitôt et Campbell se r ua vers la sor tie LE DEVOIR Maurice Richard est assis aux côtés du docteur Gordon Young, employé du Canadien de Montréal, pendant le match de hockey tandis qu’à l’extérieur, l’émeute fait rage. avec des centaines d’autres. La fumée atteignit rapidement les sièges des sections supérieures et les promenades, tandis que les spectateurs toussaient, pleuraient et suffoquaient. Avant cela, Campbell était resté à son siège, subissant un barrage de caoutchouc, de pistaches, de programmes et de divers autres objets. Il a reçu des œufs et des tomates à la tête. […] L’agresseur de M. Campbell a aussitôt été appréhendé par la police qui a éprouvé des difficultés à le maîtriser. Avant que les constables ne puissent l’amener à l’extérieur du Forum, il n’a pas cessé de donner des coups de pied dans la direction du président de la ligue. […] ––––♦ –––– ––––♦ –––– Qui sème le vent… CLINIQUE DE L’ECOLE DES PARENTS DE MONTREAL CIRCONCISION : "Le deuxième de mes garçons n’a pas été circoncis à sa naissance, et pourtant cela aurait été nécessaire. Mais il devait recevoir d’autres traitements et nous avons craint de le fatiguer. Quand il eut deux mois, j’ai voulu le faire opérer, mais le docteur me dit qu’il fallait maintenant attendre qu’il ait deux ans parce que c’était dangereux d’endormir un bébé si jeune. Comme j’ai déjà lu dans votre courrier qu’il était toujours regrettable de faire opérer un petit quand il était assez âgé pour comprendre quelque chose, je suis dans un dilemme. Mon bébé aura un an bientôt. Devons-nous le faire opérer malgré certains risques, ou attendre qu’il ait deux ans, ou ne pas le faire opérer ?" Je ne suis pas médecin, je n’ai pas vu votre petit, spontanément je vous dis: "Laissez donc bébé tranquille!" C’est sommaire, comme conseil, ça n’a rien de scientifique, mais que voulez-vous, aux journaux et postes de radio pour menacer Campbell s’il tentait de se présenter à la joute. Mais Campbell, que les menaces avaient apparemment laissé froid, annonça plutôt dans la journée qu’il assisterait quand même à la partie. Il arriva vers la fin de la première période et la manifestation a commencé. On lança d’abord des programmes, des pistaches et un oeuf. Puis, à la fin de la première période, les spectateurs commencèrent à circuler autour du siège de Campbell, lui lançant des caoutchoucs, des paletots et des pièces de monnaie. La bombe vint culminer le chahut. 19 mars 1955 15 mars 1955 Un sujet controversé Les spectateurs, dans leur énervement, se heurtaient dans les corridors du Forum, en s’essuyant les yeux irrités par la fumée. La sortie des amateurs du Forum a eu pour effet d’exciter davantage la foule massée à l’extérieur qui s’était quelque peu calmée en voyant les pompiers entrer au Forum avec de l’équipement contre les incendies. La fin de la joute est sans précédent. Tout cela a découlé de la suspension imposée mercredi par Campbell contre Richard à la suite de l’incident de Boston. Durant toute la soirée de mercredi et la journée de jeudi, les appels téléphoniques affluèrent aux bureaux de la Ligue Nationale et quand la science elle-même est perplexe, que reste-t-il, comme critère, aux ignorants que nous sommes? Il n’y a qu’à chercher humblement si Dieu n’a pas inscrit Sa volonté dans la nature, et je me dis tout simplement: "Le père Adam, lui, dans son Paradis, comment donc était-il fait? Comment Dieu l’avait-il fait? Comment sont faits nos petits gars lorsque nous les mettons au monde?" Ce raisonnement extrêmement simpliste m’a permis de régler ainsi deux problèmes que la médecine ne résout pas: l’allaitement (Comment Ève se débrouillait-elle quand il n’y avait pas de biberon "Evenflow"?) et la circoncision. Psychologiquement, il est contre-indiqué de pratiquer la circoncision entre un et six ans. Si cette opération s’avère nécessaire (pour des raisons physiques uniquement) il faudra bien peser le pour et le contre, bien mettre en regard le point de vue médical (hygiène?) et le point de vue psychologique (crainte de perdre quelque chose de très important!). Françoise LAVIGNE Recherche et adaptation : Pierre Rousseau Qui sème le vent récolte la tempête. On en a eu la démonstration, jeudi soir, au Forum. Il y a des années que le Forum alimente de brutalité la foule montréalaise. Celle-ci a mis en pratique les leçons de ses maîtres. Elle s’est livrée à des débordements de violence voisins de l’émeute. Chaque mercredi soir, la télévision fait écho aux scènes bouffonnes qui se déroulent au Forum. Le spectacle s’appelle, paraît-il, de la lutte. En fait, on a rarement vu quelque chose de plus grotesque, de plus ridicule, de plus dégoûtant. Le malheur, c’est que beaucoup de spectateurs et de téléspectateurs ne voient pas le chiqué de l’affaire et croient dur comme fer que les pachydermes de l’arène se donnent de vrais coups de poing et se cassent de vraies chaises sur la tête. Ces spectacles de violence rendent la foule hystérique: elle veut du sang. Même chose pour le hockey. Depuis vingt-cinq ans, le hockey, de sport d’élégance, de vitesse et d’adresse qu’il était autrefois, a dégénéré en spectacle de violence. On n’arrive pas à faire le compte des jambes cassées, des épaules disloquées, des genoux déboîtés, des poignets brisés durant une saison de la ligue Nationale. Chaque équipe compte régulièrement deux ou trois joueurs à l’hôpital. La mise en échec le long de la bande, les accrochages, les coups de bâton, tous les moyens sont bons pour arrêter l’adversaire. Ce n’est plus du hockey, c’est du football. Mais du football sur patins, à l’allure vertigineuse des joueurs, devient un jeu extrêmement dangereux. Les joueurs se blessent, les tempéraments s’échauffent et les bagarres éclatent à tout moment. ● La foule montréalaise a fait de ce pauvre Clarence-S. Campbell le bouc émissaire de son ressentiment. Ce n’est pas lui le responsable. Ce sont au premier chef les entrepreneurs en spectacles, les propriétaires, les directeurs, les gérants et les instructeurs, qui ont fait de la violence une condition de réussite dans le sport. Pour réussir au hockey, l’athlète doit aujourd’hui être plus fort qu’intelligent, plus brutal qu’habile. Il existe, cela va de soi, de très honorables exceptions. Mais, dans l’ensemble, ce sont les brutes qui ont la cote d’amour. Et pourquoi ? Pour de l’argent. C’est la poursuite du profit qui a pourri le sport. Il fut à l’origine une distraction de gentleman. […] Il était une excellente école de formation physique et même morale; l’athlète apprenait à se dominer, à accepter d’une âme égale la défaite comme la victoire. Le sport commercialisé est au sport véritable ce que la pornographie est à la littérature. Dans les deux cas, l’entrepreneur cherche à plaire aux bas instincts de la foule pour des motifs pécuniaires. La brutalité dans le sport, comme la pornographie, fait tressaillir ce qu’il y a de trouble dans les en- trailles d’un homme. Elle éveille des instincts primitifs, les mêmes qui animaient la foule romaine quand, pour la distraire, on faisait battre des gladiateurs et on livrait des esclaves à la dent des fauves. Le sport commercialisé est devenu une industrie importante. Il met en circulation des dizaines de millions. Il reste, semble-t-il, la seule activité économique à échapper à toutes les lois, y compris le code pénal. ● […] Il va falloir que la loi régisse cette activité économique, définisse les responsabilités des promoteurs et la conduite des athlètes. […] Avec l’augmentation des loisirs, les spectacles sportifs prennent une importance croissante dans la vie des masses. On peut le déplorer, on peut souhaiter que les loisirs soient dépensés plus profitablement au théâtre, dans les bibliothèques et dans les musées, mais on n’y peut rien. D’ailleurs, une compétition sportive bien ordonnée offre, même à l’intellectuel, une évasion reposante. Mais le public a droit d’être protégé contre les spectacles tr uqués, burlesques ou br utaux. C’est pourquoi le gouvernement de la province de Québec doit se hâter, avant que n’intervienne Ottawa, de légiférer en matière d’athlétisme professionnel. ● Il est un autre point qu’on ou- blie souvent en cette matière, c’est l’aspect moral de plusieurs sports. […] Les théologiens semblent aujourd’hui d’accord pour affirmer que les sports dans lesquels un athlète vise à mettre son adversaire hors de combat ou à le blesser sérieusement, sont intrinsèquement immoraux. C’est le principe qui a fait condamner les duels. Le même principe s’applique dans les sports où les adversaires, sans chercher intentionnellement à se blesser, ne peuvent éviter de le faire à cause de la nature des règlements en vigueur. Dans le hockey, par exemple, les joueurs ne cherchent pas à se mettre hors de combat comme à la boxe, mais les blessures graves sont tellement fréquentes depuis quelques années qu’un joueur est pratiquement certain de se faire grièvement blesser et d’en blesser d’autres au cours de sa carrière. On peut donc se demander si, dans de telles conditions, le hockey, tel qu’il se pratique dans les ligues professionnelles, reste un sport moral. Il appartient aux théologiens et aux moralistes de répondre. ● Les événements de jeudi soir sont déplorables sans doute. Mais ils auront servi à quelque chose, s’ils nous fournissent l’occasion de nous rendre compte que nous sommes en train de devenir un peuple de brutes par la faute de quelques mercantis. Gérard FILION 17 mars 1955 ––––♦ –––– Le nouvel hôtel de Montréal, le royalisme et Donald Gordon Peu probable que le Queen Elizabeth se transforme en Château Maisonneuve par Pierre VIGEANT Ottawa, 16. – Les requêtes de la Fédération des Sociétés SaintJean-Baptiste à l’effet de demander que le nouvel hôtel des chemins de fer nationaux à Montréal por te le nom de Château Maisonneuve plutôt que celui de Queen Elizabeth ont eu leur écho aujourd’hui à la Chambre des Communes. C’est le député conser vateur de Trois-Rivières, M. Léon Balcer, qui a soulevé la question. La réponse qu’il a reçue du ministre des transports, M. Marler, ne permet guère d’espérer que l’on fasse droit aux requêtes. […] Il est évident que le ministre des transpor ts et le gouvernement n’ont pas la moindre intention d’inter venir. Ils laissent le champ libre aux Chemins de fer Nationaux ou plus exactement à son président Donald Gordon. Ce dernier a bien montré qu’il se fiche éperdument de la population française de Montréal. Il s’est employé à obtenir de la reine de Grande-Bretagne l’autorisation de donner son nom à l’hôtel et il a mis tout le monde devant un fait accompli. […] Maintenant que la reine a donné sa gracieuse autorisation, il s’en trouverait pour considérer tout changement comme une sorte de lèse-majesté. […] Le sieur Donald Gordon en a toujours mené large depuis la dernière guerre dans l’administration fédérale et il s’est installé comme une sorte de roitelet à la direction des Chemins de fer Nationaux. Nos représentants auraient tout intérêt à miner cette puissance qui nous est hostile. Non seulement le président des Chemins de fer Nationaux se moque-t-il de nos sentiments lorsqu’il s’agit de baptiser un grand hôtel dans la métropole française du pays, mais il s’emploie à faire au Québec la part la plus mince possible lorsqu’il s’agit de service ferroviaire. Donald Gordon nous est venu comme immigrant de l’Ecosse dans son jeune âge. […] Il songe sans doute à aller finir ses jours dans son pays natal et c’est peutêtre pour s’assurer d’un siège à la Chambre des lords qu’il déploie un tel zèle royaliste. En indisposant ainsi la population de Montréal et du Québec c’est en somme la cause républicaine qu’il se trouve à servir. De ce point de vue, la façade de l’hôtel Queen Elizabeth, constituera un placard permanent de propagande républicaine. L’incident nous aura démontré une fois de plus que le royalisme est la forme la plus subtile de l’impérialisme, que ce n’est pas chez les royalistes que l’on trouvera des sympathies pour la culture française.