hyperéosinophilie allergique
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hyperéosinophilie allergique
en ligne sur/ on line on hyperéosinophilies www.masson.fr/revues/pm Dossier thématique Mise au point Presse Med. 2006; 35: 135-43 © 2006, Masson, Paris Hyperéosinophilies d’origine allergique Gilles Garcia Service des explorations fonctionnelles respiratoires, Hôpital Antoine Béclère, Clamart (92) Correspondance : Gilles Garcia, Service des explorations fonctionnelles respiratoires, Hôpital Antoine Béclère, 157 rue de la Porte de Trivaux, 92140 Clamart. Tél. : 01 45 37 48 10 Fax : 01 45 37 48 28 [email protected] ■ Key points ■ Points essentiels Allergy-related hypereosinophilia L’hyperéosinophilie sanguine et l’infiltration tissulaire éosinophile sont une des caractéristiques majeures de la physiopathologie des maladies allergiques. Cette infiltration et cette activation des polynucléaires éosinophiles sont dépendantes de l’activation lymphocytaire T de type Th2, c’est-à-dire producteurs d’interleukine (IL)-4 et d’IL-5, mais pas ou peu d’interféron-γ. Les polynucléaires éosinophiles jouent aussi un rôle important dans les phénomènes de remodelage bronchique observés dans l’asthme. L’atopie se définit par la capacité à produire une quantité anormale d’immunoglobulines en réponse à un stimulus extérieur (antigène dénommé alors allergène). L’allergie associe une sensibilisation (atopie) préexistante à des symptômes variés qui peuvent être cutanés, ORL, généraux, digestifs, respiratoires. Le dépistage de l’atopie se fait essentiellement par les tests cutanés, et les tests sanguins multiallergéniques. Le diagnostic de l’allergie impose la présence de symptômes et justifie des examens complémentaires pour affirmer la présence d’un asthme, d’une rhinoconjonctivite, d’une dermatite atopique ou d’une allergie alimentaire. Hypereosinophilia in the blood and tissues is one of the main characteristics of the pathophysiology of allergic disease. CD4+ T cells polarized to a Th2 phenotype mediate inflammatory disorders; cytokines produced by Th2, including IL-4, IL-5, and IL-13, drive the cardinal features of the disease. Recent human experiments indicate that eosinophils may control the bronchial remodeling that occurs in asthma. Eosinophils are a rich source of fibrogenic factors, particularly TGF-ß. Atopy is defined by abnormal IgE production in response to an allergen (an antigen that is then designated an allergen). Allergy combines pre-existent sensitization (atopy) with various symptoms – cutaneous, ENT, respiratory, or digestive. Atopy is diagnosed primarily by cutaneous skin-prick tests and the new multi-allergen blood test. A diagnosis of allergy requires the presence of symptoms and justifies workups for asthma, rhinitis, food allergies, or atopic dermatitis. tome 35 > n° 1 > janvier 2006 > cahier 2 135 Garcia G. Hyperéosinophilies d’origine allergique. Presse Med. 2006; 35: 135-43 © 2006, Masson, Paris Garcia G L a prévalence de l’asthme et des maladies allergiques comme la rhinite et la dermatite atopique augmente nettement depuis 50 ans. Il s’agit d’un véritable problème de santé publique, responsable d’un coût socio-économique élevé, notamment dans les pays industrialisés et les zones urbaines. La fréquence de l’asthme dans la population générale est d’environ 6 %, mais touche 10 à 15 % des adolescents. Le modèle de la transmission génétique, probablement sur le mode d’un pool de gènes de l’asthme et de l’allergie et non d’un gène unique, ne suffit pas à expliquer cette augmentation de prévalence. Le rôle principal semble dévolu aux facteurs environnementaux qui contribuent à orienter la réponse immunitaire vers un processus favorisant l’atopie. L’atopie se définit par la capacité à produire une quantité anormale d’immunoglobuline (IgE) en réponse à un stimulus extérieur (antigène nommé alors allergène). L’allergie associe une sensibilisation préexistante, donc une personne déjà atopique, à des symptômes qui peuvent être cutanés, ORL, généraux, digestifs, respiratoires. L’hyperéosinophilie sanguine et l’infiltration tissulaire chronique par des polynucléaires éosinophiles sont une des caractéristiques majeures de la physiopathologie des maladies allergiques, auxquelles on peut ajouter le remodelage bronchique observé dans l’asthme. De nombreuses études ont confirmé que les polynucléaires éosinophiles jouaient un rôle Glossaire aspergillose broncho-pulmonaire allergique Anca AntiNeutrophil Cytoplasmic Autoantibodies Aria Allergic rhinitis and its impact on asthma DA dermatite atopique EAACI Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique ECP Eosinophil Cationic Protein EDN Eosinophil Derived Neurotoxin EPO Eosinophil Peroxydase Gina Global INitiative for Asthma IFN interféron Ig immunoglobuline IL interleukine MBP Major Basic Protein MMP métalloprotéase matricielle Nares Non-Allergic Rhinitis with Eosinophilia p-Anca Anca de type périnucléaire SCS syndrome de Churg et Strauss SHE syndrome hyperéosinophilique TGF Transforming Growth Factor Th lymphocyte T helper TIMP Tissue Inhibitors of Metalloproteinases VEMS volume expiratoire maximal par seconde 136 ABPA important dans la physiopathologie des manifestations allergiques. Autrefois considérés comme des cellules secondaires attirées passivement, il apparaît maintenant que leurs fonctions ne sont pas limitées à la libération de médiateurs cytotoxiques mais qu’elles participent également à la régulation de la réponse immunitaire inflammatoire allergique. Physiopathologie Les allergies associent des manifestations aiguës, en relation avec la dégranulation des mastocytes en présence d’allergènes de l’environnement, et des manifestations chroniques liées à l’infiltration tissulaire par des cellules inflammatoires. La physiopathologie de la réaction allergique est caractérisée par la synthèse d’IgE spécifiques dirigées contre des allergènes inhalés et par le développement d’une réaction inflammatoire chronique locale dans laquelle interviennent des cellules régulatrices (lymphocytes T) et des cellules à la fois effectrices (mastocytes, polynucléaires basophiles et éosinophiles) et régulatrices. Seule la physiopathologie de l’inflammation bronchique asthmatique sera présentée en détail pour souligner le rôle majeur des polynucléaires éosinophiles dans l’inflammation chronique allergique. On distingue souvent l’asthme “extrinsèque” (allergique) et “intrinsèque” (non allergique) [1]. Les patients souffrant d’asthme “intrinsèque” n’ont pas d’antécédents allergiques, les tests cutanés sont négatifs et les concentrations d’IgE sériques totales et spécifiques sont basses. La majorité des travaux publiés soulignent néanmoins l’existence d’une inflammation allergique au sens large, même chez l’asthmatique “intrinsèque”. Quel que soit le statut allergique des sujets étudiés, on trouve de grandes similitudes biologiques et immunologiques entre les formes allergiques et non allergiques de l’asthme. Rôle des lymphocytes T La réaction inflammatoire allergique chronique est orchestrée par les lymphocytes T CD4+ helpers (Th) ou auxiliaires. Les cellules dendritiques de l’épithélium bronchique capturent l’allergène dans les voies aériennes supérieures, migrent vers les ganglions régionaux et exercent leur capacité de cellules présentatrices de l’antigène. La rencontre avec l’antigène, porté par la cellule présentatrice de l’antigène, entraîne l’activation des lymphocytes T naïfs et initie un processus d’expansion clonale et de différenciation en lymphocyte T de type Th1 ou Th2 [2]. Le concept initial Th1-Th2 a été décrit en 1986 à partir d’un modèle murin. Il a été étendu à l’homme, où les lymphocytes T helpers peuvent aussi être divisés en 2 sous-populations appelées lymphocyte T helper de type 1 (Th1) ou de type 2 (Th2), établies sur la capacité à sécréter de façon privilégiée certaines cytokines. Cette dichotomie revêt parfois un caractère un peu artificiel. Toutefois, les lymphocytes de type Th2 jouent un rôle majeur dans le développement de la réaction allergique. Les lymphocytes de type Th2 produisent essentiellement de l’inter- tome 35 > n° 1 > janvier 2006 > cahier 2 Hyperéosinophilies d’origine allergique Rôle des polynucléaires éosinophiles Les polynucléaires éosinophiles activés sont une source importante de médiateurs inflammatoires. L’activation des polynucléaires éosinophiles se traduit par des modifications de sa densité cellulaire. Le cytoplasme des polynucléaires éosinophiles activés devient hypodense après la libération des médiateurs inflammatoires (protéines cationiques, dérivés de l’acide arachidonique, cytokines et chimiokines et facteurs de croissance) contenus dans les granules cytoplasmiques. Plusieurs stimuli sont capables de provoquer l’activation et la dégranulation des polynucléaires éosinophiles. Les polynucléaires éosinophiles expriment à leur surface des récepteurs pour les IgE, les IgA et les IgG. L’IgE déjà impliquée dans la phase initiale de la réaction allergique est donc capable d’entraîner l’activation et la dégranulation des polynucléaires éosinophiles. Les leucotriènes ou certaines cytokines comme l’IL-5 sont aussi capables de favoriser ou de provoquer l’activation cellulaire et la libération des médiateurs contenus dans les granules cytoplasmiques. Le polynucléaire éosinophile, cellule effectrice clé de la réaction inflammatoire chronique allergique, contribue donc à la régulation et à l’amplification de la réaction allergique. Les granules cytoplasmiques contiennent: • quatre protéines basiques : MBP pour Major Basic Protein, ECP pour Eosinophil Cationic Protein, EDN pour Eosinophil Derived Neurotoxin, EPO pour Eosinophil Peroxydase. Le pH basique de ces protéines cationiques est responsable des effets toxiques directs sur l’épithélium bronchique mais aussi sur l’épithélium intestinal dans le cadre des allergies alimentaires; tome 35 > n° 1 > janvier 2006 > cahier 2 • des chimiokines qui favorisent le recrutement des polynucléaires éosinophiles au site inflammatoire. Rantes et éotaxine, libérées lors de la dégranulation cytoplasmique, sont capables, par une action autocrine, de promouvoir le recrutement d’autres polynucléaires éosinophiles au site de l’inflammation allergique; • des facteurs de croissance sécrétés par les polynucléaires éosinophiles comme le TGF-α et β (Transforming Growth Factor) qui participent à la régulation de certains mécanismes inflammatoires de réparation et de remodelage bronchique; • des cytokines qui interviennent dans la réponse immune et inflammatoire comme l’IL-5, l’IL-3 qui peuvent avoir une action sur les polynucléaires éosinophiles eux-mêmes; • des médiateurs lipidiques comme les leucotriènes ou les prostaglandines. Ces différents médiateurs contenus dans les granules cytoplasmiques confèrent aux polynucléaires éosinophiles: • des fonctions cytotoxiques par l’intermédiaire des protéines basiques; • des fonctions pro-inflammatoires sous l’influence des chimiokines, qui attirent d’autres polynucléaires éosinophiles au site de l’inflammation, et des cytokines, qui prolongent la survie des polynucléaires éosinophiles, favorisent le recrutement des polynucléaires éosinophiles ainsi que d’autres types cellulaires au site inflammatoire; • des fonctions immunomodulatrices par l’expression de récepteurs de surface permettant aux polynucléaires éosinophiles d’interagir avec d’autres cellules inflammatoires notamment les lymphocytes T. Les polynucléaires éosinophiles jouent aussi un rôle important dans le remodelage bronchique [3]. Malgré un traitement antiinflammatoire bien conduit, un déclin progressif et irréversible de la fonction respiratoire survient chez 5 à 10 % des patients asthmatiques [4]. La survenue de ces altérations fonctionnelles respiratoires serait la conséquence d’un épaississement progressif de la paroi bronchique dû à des processus de remodelage bronchique. Ces modifications structurales sont spécifiques de l’asthme et ne sont pas observées dans d’autres pathologies inflammatoires bronchiques comme la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) [5]. Le remodelage bronchique serait le résultat de lésions répétées de la paroi bronchique, suivies de mécanismes mal contrôlés de réparation tissulaire. Les lésions inflammatoires répétées et la réparation anormale qui s’ensuit conduisent à une desquamation épithéliale, une hypertrophie et une hyperplasie musculaire lisse, une hypertrophie des cellules glandulaires et donc une hypersécrétion muqueuse. On observe aussi un épaississement de la membrane basale et une fibrose sous-épithéliale caractérisée par un dépôt de collagène et de ténascine et une augmentation du nombre de fibroblastes et de myofibroblastes. Plusieurs mécanismes concourent au remodelage bronchique. Les lésions épithéliales tissulaires observées dans l’asthme sont engendrées par la libération locale de produits cytotoxiques dérivés des polynucléaires éosinophiles comme les 137 leukine-4 (IL-4), de l’IL-13, de l’IL-5, de l’IL-9 et de l’IL-10 mais peu ou pas d’interféron-γ (IFN-γ). La polarisation et donc la production de cytokines de type Th2 résultent de nombreux facteurs et en particulier des concentrations locales d’IL-4. L’IL-4 est principalement produite par les lymphocytes Th2. Elle entretient la prolifération de ces mêmes lymphocytes de type Th2. Les lymphocytes Th2, l’IL-4 et l’IL-13 jouent un rôle déterminant dans la synthèse des IgE par les lymphocytes B activés. Les IgE peuvent ensuite se fixer sur les membranes cellulaires des mastocytes et des polynucléaires basophiles et sont alors directement associées à la phase initiale de la réaction allergique. En effet, ces IgE membranaires reconnaissent et fixent l’allergène. Cette liaison entraîne l’activation des mastocytes et des polynucléaires basophiles et la libération des médiateurs cytoplasmiques, en premier lieu l’histamine. La libération d’histamine entraîne une bronchoconstriction qui correspond cliniquement à la réaction allergique asthmatique aiguë. L’IL-5 joue surtout un rôle essentiel dans les processus de différentiation, de maturation, d’activation et de survie des polynucléaires éosinophiles et apparaît comme la principale cytokine impliquée dans le développement de l’éosinophilie in vivo. L’IL-5 agit en synergie avec l’éotaxine pour favoriser le recrutement tissulaire des polynucléaires éosinophiles au site de l’inflammation. Mise au point hyperéosinophilies Garcia G protéines cationiques, par un déséquilibre entre les enzymes protéolytiques (métalloprotéases matricielles-9 ou MMP-9 qui dégradent les protéines de collagène et de ténascine) et leurs inhibiteurs endogènes (TIMP) et par la présence de facteurs de croissance tissulaire. Les polynucléaires éosinophiles sécrètent un grand nombre des molécules impliquées dans les phénomènes de remodelage bronchique comme le TGF-α et β, les MMP-9, TIMP ou l’IL-13 qui exercent une action cytotoxique et régulatrice sur la prolifération cellulaire environnante. Le TGF-β régule de nombreux mécanismes pro-inflammatoires et notamment la production de collagène par les fibroblastes et les myofibroblastes. Il est impliqué dans les modifications morphologiques du muscle lisse bronchique secondaires à une hypertrophie (augmentation de la taille des cellules avec synthèse protéique accrue) et/ou une hyperplasie (augmentation du nombre de cellules avec prolifération cellulaire excessive) des cellules musculaires lisses. La compréhension du rôle majeur des polynucléaires éosinophiles dans l’inflammation chronique allergique asthmatique a également progressé avec le développement d’anticorps antiIL-5 comme le mepolizumab (GSK) et le SCH55700 (ScheringPlough). Le rôle central des polynucléaires éosinophiles dans la pathogénie et le rôle clé de l’IL-5 ont fait de cette cytokine une cible prioritaire pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques. Le mepolizumab permet de bloquer la maturation de la lignée médullaire éosinophile et de diminuer l’éosinophilie sanguine. Cependant, si l’éosinophilie sanguine disparaît complètement, l’infiltration tissulaire bronchique à polynucléaires éosinophiles ne diminue que de 55 %. Le SCH55700 entraîne aussi une réduction importante du nombre de polynucléaires éosinophiles dans le sang périphérique ou dans le liquide de lavage bronchioloalvéolaire mais sans obtenir de diminution du niveau d’hyperréactivité bronchique, ni d’amélioration clinique chez des patients asthmatiques sévères. Par contre les biopsies bronchiques obtenues après 3 injections de mepolizumab, versus placebo, chez 24 patients asthmatiques ont montré une réduction significative des dépôts de collagène comparativement au placebo [6]. Les concentrations de TGF-β dans le lavage bronchioloalvéolaire et le pourcentage de polynucléaires éosinophiles tissulaires sécrétant du TGF-β étaient également diminués. Il est donc clairement établi que le polynucléaire éosinophile est une cellule effectrice et régulatrice clé de la réaction inflammatoire asthmatique chronique et des phénomènes de remodelage bronchique. Toutefois, le manque d’efficacité des anticorps anti-IL5 ne signifie pas que l’IL-5 ne joue pas un rôle important dans la pathogénie de l’asthme et plus généralement dans la réaction allergique chronique. Tests diagnostiques cliniques et biologiques de l’allergie 138 L’allergie correspond à une réaction excessive inadaptée de l’organisme face à une substance étrangère, l’allergène. Les différentes manifestations cliniques de l’allergie sont nasales (rhinite, sinusite), oculaires (conjonctivite), bronchiques (asthme), cutanées (urticaire, eczéma) ou digestives. L’atopie se définit par la prédisposition génétique à produire une quantité anormale d’IgE en réponse à un allergène. Le diagnostic d’allergie repose d’abord sur l’interrogatoire qui s’attache à préciser les antécédents familiaux et personnels allergiques et à décrire les symptômes et les manifestations cliniques (type, intensité, durée). L’objectif est de préciser l’interaction clinique entre l’allergène suspecté et la survenue des manifestations cliniques. Tests cutanés Ils sont l’élément de base et le premier temps du bilan allergologique. Ils permettent de faire le diagnostic de sensibilisation à un allergène déterminé. Le diagnostic d’allergie nécessite ensuite de faire le lien entre la sensibilisation et les symptômes. Les tests cutanés sont donc le temps essentiel du bilan allergologique lorsqu’une allergie est suspectée. Ils consistent à introduire sous la peau un extrait allergénique purifié par voie percutanée (prick-tests). Si les mastocytes cutanés du patient portent à leur surface des IgE spécifiques de cet allergène, ils dégranulent et entraînent une réaction urticarienne (papule et érythème) dans les 15 à 20 minutes qui suivent l’introduction. Les tests cutanés aux allergènes respiratoires (pneumallergènes) sont précis et fiables. L’appréciation de la positivité immédiate doit se faire par rapport à un témoin positif (en général l’histamine) et également par rapport à un témoin négatif. La réponse aux tests cutanés varie avec l’âge. Ils sont interprétables dès l’âge de 3 mois. Les tests cutanés sont parfois difficiles à interpréter (traitement antihistaminique oral, eczéma étendu, dermographisme cutané) et justifient le recours aux examens sanguins. Il faut cependant récuser l’affirmation “tests cutanés positifs = allergie”. Les tests cutanés signifient sensibilisation et diagnostiquent l’allergie seulement si le patient a des symptômes. Numération-formule sanguine Avec notamment la numération des polynucléaires éosinophiles (polynucléaires éosinophiles), elle permet d’affirmer une hyperéosinophilie sanguine lorsque leur taux est > 0,5 g/L (soit 500/mm3). Immunoglobulines E totales Elles sont souvent augmentées chez les patients atopiques, mais un taux normal n’exclut pas l’atopie. Chez l’homme, le taux des IgE sériques dépend des méthodes de dosage et de l’âge des sujets. De plus l’atopie n’est pas la seule cause d’augmentation des IgE; les déficits immunitaires, les parasitoses, le tabagisme ou les viroses respiratoires peuvent augmenter le taux d’IgE totales. Le dosage des IgE totales apporte moins d’information que les tests multiallergéniques dans le dépistage de la maladie allergique. tome 35 > n° 1 > janvier 2006 > cahier 2 Hyperéosinophilies d’origine allergique Il s’agit d’un complément qui ne doit pas remplacer les tests cutanés ou être réalisé en première intention. Ce dosage est surtout intéressant lorsqu’il existe une discordance nette entre l’allergène cliniquement suspecté et le résultat des tests cutanés, lorsque l’on recherche une sensibilisation à un allergène rare ou lorsque les tests cutanés sont non interprétables. La présence d’IgE spécifiques est corrélée avec les tests cutanés. Elle n’est pas corrélée à la sévérité des symptômes. Leur sensibilité varie entre 70 et 90 % selon les allergènes et les études. Le dosage des IgE spécifiques n’est pas influencé par les médicaments et peut être réalisé chez des patients ayant une dermatose étendue ou un dermographisme. Mais ils sont onéreux et la nomenclature des actes de biologie médicale interdit leur utilisation au titre du dépistage. Seuls un test multiallergénique et 5 dosages d’IgE spécifiques de polynucléaires sont remboursés. Tests multiallergéniques de dépistage Ils reposent sur une technique radio-immunologique ou immuno-enzymologique qui dépistent dans le sérum du patient des IgE spécifiques dirigées contre les pneumallergènes les plus courants. Le dosage de référence est le Phadiatop®. La réponse est simple (positive ou négative). Si le test est négatif, l’allergie est peu probable. La spécificité et la sensibilité du dosage sont > 80-90 %, et bien supérieures à celles du dosage des IgE totales. Ces tests représentent donc la première approche diagnostique de l’allergie respiratoire, mais ils n’indiquent pas quel est l’allergène en cause dans la sensibilisation du patient. Tous ces examens, nécessaires au diagnostic de l’allergie, mettent en évidence une sensibilisation à un allergène, mais en aucun cas une responsabilité clinique. Allergies respiratoires Rhinite allergique La rhinite allergique est définie cliniquement par des symptômes nasaux déclenchés par une exposition allergénique. C’est une maladie très fréquente qui touche 15 à 25 % de la population française. C’est une maladie bénigne susceptible d’altérer de façon majeure la qualité de vie des patients. L’interrogatoire trouve la triade clinique, présente chez 85 % des malades, qui associe éternuements, prurit nasal et rhinorrhée claire antérieure et postérieure. La rhinorrhée est souvent aqueuse; les éternuements interviennent en salve et précèdent la rhinorrhée [7]. Cette scène clinique caractéristique peut s’associer à un prurit nasal ou oculaire avec larmoiement. L’atteinte sinusienne chronique se traduit plus souvent par une obstruction nasale souvent bilatérale avec anosmie, des céphalées frontales et parfois un jetage postérieur avec sensation de picotements pharyngés. L’interrogatoire recherche la périodicité, l’intensité, le caractère transitoire ou permanent des symptômes et l’importance de la gêne ressentie, tome 35 > n° 1 > janvier 2006 > cahier 2 pour déterminer la gravité de la pathologie. Le consensus Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma (Aria) différencie les rhinites intermittentes dont les symptômes sont présents moins de 4 j/semaine ou moins de 4 semaines/an, des rhinites persistantes [8]. Elles sont légères ou modérées-sévères, en l’absence ou en présence de troubles du sommeil, de perturbations des activités sociales, scolaires, professionnelles et du caractère peu ou très gênant des symptômes respectivement. Cette classification supprime la notion de rhinite saisonnière et perannuelle et guide le choix thérapeutique. L’examen en rhinoscopie antérieure permet d’examiner les cornets, l’état de la muqueuse et d’éliminer une déviation septale. La recherche d’une hyperéosinophilie nasale peut être faite grâce à la réalisation d’un frottis, d’un lavage ou d’un brossage nasal, mais ces examens ne sont pas réalisés en pratique médicale courante. L’infiltration de la muqueuse par des polynucléaires éosinophiles n’est pas synonyme d’allergie [9]. Une hyperéosinophilie importante sur le frottis nasal, associée à la négativité du bilan allergologique, évoque une pathologie de type “Nares” (non-allergic rhinitis with eosinophilia). Les tests de provocation nasale évaluent la réactivité spécifique de la muqueuse nasale à différents allergènes. On mesure par rhinomanométrie antérieure les modifications manométriques nasales spécifiques, c’est-à-dire les variations des résistances à l’écoulement du flux d’air dans les fosses nasales, avant et après l’introduction de l’allergène. Ils peuvent rendre service lorsqu’il existe une discordance entre l’interrogatoire, les tests cutanés et/ou le dosage des IgE spécifiques. Les examens radiologiques ne sont pas systématiques. La tomodensitométrie des sinus est supérieure à la radiographie pour apprécier l’atteinte de l’ensemble des cavités sinusiennes. L’OMS insiste sur la prise en charge optimale de la rhinite allergique afin d’améliorer la prise en charge de l’asthme. L’éviction allergénique est la première étape du traitement antiallergique. Elle sousentend que les allergènes ont été clairement identifiés. Elle est rarement suffisante pour faire disparaître l’ensemble de la symptomatologie; elle est impossible dans des rhinites allergiques polliniques. Les corticoïdes locaux agissent sur tous les symptômes de la rhinite allergique. Ils sont présentés sous forme de solution aqueuse et doivent être pris le plus souvent de manière monoquotidienne. Les antihistaminiques par voie orale (nouvelles molécules) sont efficaces sur les éternuements et l’écoulement nasal antérieur. L’obstruction nasale et l’anosmie sont souvent mal contrôlées par ces médicaments. Ils ont peu ou pas d’effet sédatif. La chirurgie est parfois discutée. Elle permet de lever l’obstruction nasale mais les rechutes sont fréquentes. L’immunothérapie spécifique est le traitement anti-allergique par excellence. Elle est proposée aux patients jeunes (enfants ou adolescents) mono ou paucisensibilisés ayant des symptômes mal contrôlés par les traitements classiques ou lorsque l’éviction est impossible. La stratégie thérapeutique dépend de la gravité de la rhinite: • les rhinites intermittentes légères sont traitées par antihistaminique oral; 139 Dosage des immunoglobulines E sériques spécifiques Mise au point hyperéosinophilies Garcia G • les rhinites intermittentes modérées-sévères et persistantes légères sont traitées par antihistaminique oral ou corticoïdes locaux; • les rhinites persistantes modérées-sévères sont traitées par corticoïdes locaux. L’échec peut nécessiter un avis chirurgical de désobstruction. L’inflammation allergique ne se limite pas à la muqueuse nasale. Asthme et rhinite sont fréquemment associés, suggérant le concept d’unicité des voies aériennes. Les muqueuses nasales et bronchiques ont des similitudes et les données physiopathologiques suggèrent un lien étroit entre la rhinite et l’asthme. Asthme allergique Les liens entre rhinite et asthme sont suffisamment clairs et fréquents pour chercher de façon systématique un asthme devant une rhinite, et une rhinite devant un asthme. L’asthme est défini depuis 1998, et la réunion du Gina (Global INitiative for Asthma), par l’association de symptômes respiratoires, d’une inflammation bronchique chronique et d’une hyperréactivité bronchique [10]. Les symptômes respiratoires sont variés et diversement associés. Il s’agit généralement d’une toux, de sifflements respiratoires et d’une gêne respiratoire accompagnée d’une oppression thoracique. Ces symptômes ne sont pas spécifiques de l’asthme et peuvent se rencontrer dans d’autres affections respiratoires ou cardiaques. L’horaire des symptômes et l’intensité sont variables mais le caractère récidivant et l’exis- Encadré 1 Critères diagnostiques d’aspergillose bronchopulmonaire allergique chez les patients asthmatiques Critères majeurs 1 Asthme 2 Infiltrats pulmonaires radiologiques (antécédents, transitoires ou fixés) 3 Éosinophilie sanguine périphérique > 500 g/L 4 IgE sériques totales > 2000 UI/L 5 Tests cutanés positifs en lecture immédiate pour Aspergillus fumigatus 6 Précipitines sériques (IgG) à Aspergillus fumigatus 7 Bronchectasies proximales 140 Critères mineurs 1 Présence d’Aspergillus fumigatus dans l’expectoration 2 Présence de moules bronchiques dans l’expectoration 3 Test cutané positif envers Aspergillus fumigatus en lecture retardée tence d’un facteur déclenchant stéréotypé sont très évocateurs du diagnostic d’asthme. Le diagnostic est souvent facile à porter lorsque les symptômes sont typiques. Lorsque les symptômes sont atypiques, la spirométrie est alors indispensable pour affirmer le diagnostic en objectivant un trouble ventilatoire obstructif réversible ou une hyperréactivité bronchique par un test de provocation du bronchospasme. Certaines manifestations associées évoquent un contexte allergique comme une rhinoconjonctivite ou un eczéma cutané. Le taux de polynucléaires éosinophiles reste le plus souvent < 0,5 g/L, un taux > 1,5 g/L doit faire discuter les diagnostics différentiels de l’asthme hyperéosinophile. Le traitement de fond est dépendant de la sévérité de l’asthme. Celle-ci peut être classée en fonction des critères établis par les consensus Gina en 2002. Les corticoïdes inhalés sont la pierre angulaire du traitement de fond, associés ou non à des bronchodilatateurs d’action prolongée ou à des antileucotriènes. Les β2-mimétiques de courte durée d’action sont pris à la demande pour contrôler les symptômes aigus. Il faut aussi intégrer dans les stratégies thérapeutiques l’éducation des patients asthmatiques sur leur pathologie afin de diminuer la fréquence des causes classiques d’échec du traitement comme la mauvaise observance thérapeutique, la poursuite du tabagisme, l’éviction allergénique insuffisante. Asthme hyperéosinophile Au cours de la maladie asthmatique, les polynucléaires éosinophiles sont le plus souvent dans les limites de la normale et dépassent rarement 1 g/L. Un asthme associé à une hyperéosinophilie > 1 g/L ou à 0,5 g/L sous corticoïdes oraux peut être observé mais justifie alors des explorations complémentaires. L’asthme hyperéosinophile reste rare et a fait l’objet de peu d’études. Il s’agit le plus souvent d’un asthme sévère pour lequel la corticothérapie inhalée, voire une corticothérapie orale, est nécessaire. Dans l’asthme hyperéosinophile simple, il n’y a pas de manifestations extrarespiratoires (en dehors des manifestations allergiques ou d’une rhinoconjonctivite associée). Le diagnostic d’asthme hyperéosinophile est retenu lorsque les diagnostics différentiels discutés ci-après sont éliminés. Aspergillose bronchopulmonaire allergique Elle résulte d’une colonisation (réponse immunitaire anticorps et synthèse d’IgG) et d’une sensibilisation (réponse immunitaire allergique et synthèse d’IgE) envers la moisissure Aspergillus fumigatus. Les premiers cas d’aspergillose broncho-pulmonaire allergique (ABPA) ont été décrits en Grande-Bretagne en 1952, par Hinson et Peppys. L’ABPA affecte 1 à 6 % des patients asthmatiques et ce taux augmente jusqu’à 10 % des patients asthmatiques corticodépendants. Les critères diagnostiques de l’ABPA nord-américains considèrent le diagnostic comme certain lorsque 7 critères majeurs ou 6 critères majeurs et un critère mineur sont présents (encadré 1). Les facteurs qui concourent à la survie et au développement saprophyte d’Aspergillus fumigatus dans l’arbre tome 35 > n° 1 > janvier 2006 > cahier 2 Hyperéosinophilies d’origine allergique Syndrome de Churg et Strauss Le syndrome de Churg et Strauss (SCS) est individualisé depuis 1952 et la description autopsique, par Churg et Strauss, d’une vascularite granulomateuse chez des patients décédés d’un asthme. Selon la conférence de Chapell Hill (1992), le SCS est défini par l’association d’une inflammation granulomateuse du tractus respiratoires riche en polynucléaires éosinophiles, d’une vascularite nécrosante affectant les vaisseaux de petit et de moyen calibre, d’un asthme et d’une hyperéosinophilie périphérique [13]. Les critères de classification de l’American col- tome 35 > n° 1 > janvier 2006 > cahier 2 lege of Rheumatology (1990) permettent de standardiser la définition de ce syndrome au sein d’un groupe de patients atteints d’une vascularite systémique. Il s’agit donc de critères de classification et non de diagnostic. La présence de 4 des 6 critères (asthme, éosinophilie sanguine > 10 % de la formule leucocytaire, infiltrats pulmonaires labiles sur la radiographie pulmonaire, douleurs ou opacités sinusiennes, mono ou polyneuropathie, éosinophilie extravasculaire sur une biopsie tissulaire comportant un vaisseau) permet le classement diagnostique de Churg et Strauss avec une sensibilité de 85 % et une spécificité de 99,7 %. Les manifestations respiratoires comprennent un asthme quasi constant le plus souvent sévère, des infiltrats pulmonaires, une atteinte sinusienne (rhinite allergique ou sinusite chronique à polynucléaires éosinophiles ou polypose nasosinusienne). Les manifestations extrapulmonaires secondaires à la vascularite systémique sont variées et comprennent des myalgies, des arthralgies, une altération de l’état général avec perte de poids, des signes neurologiques périphériques. Les atteintes nerveuses centrales, cardiaques, digestives et rénales sont considérées comme des critères de gravité de la maladie. La vascularite systémique est la principale cause de décès au cours du SCS, notamment du fait de l’atteinte cardiaque. Le diagnostic de Churg et Strauss repose sur la présence de symptômes cliniques, d’anomalies biologiques et histologiques. Les critères diagnostiques les plus utilisés sont ceux de Lanham et associent un asthme, une hyperéosinophilie > 1,5 g/L et une vascularite systémique touchant au minimum 2 organes extra-pulmonaires. Ces critères anciens ont été définis avant la description des Anca (AntiNeutrophil Cytoplasmic Autoantibodies). Les Anca de type périnucléaire (p-Anca) sont présent chez environ 50 % des patients [14]. La présence d’Anca doit être considérée comme un critère diagnostique majeur et peut parfois dispenser de rechercher une atteinte histologique. Il n’existe pas de traitement de référence. Le traitement débute par une corticothérapie systémique. L’indication des immunosuppresseurs est pour l’instant limitée aux atteintes extrarespiratoires sévères ou si la symptomatologie respiratoire est mal contrôlée par une corticothérapie orale à fortes doses. Pneumonie chronique idiopathique à éosinophiles ou maladie de Carrington Son diagnostic est retenu devant l’association des infiltrats pulmonaires à prédominance périphérique et d’une éosinophilie circulante et/ou alvéolaire, d’évolution chronique sans autre cause mise en évidence. L’asthme est trouvé dans 50 % des cas et le plus souvent sans composante allergique capable d’expliquer la sévérité clinique. Syndrome hyperéosinophilique Le syndrome hyperéosinophilique (SHE) est défini depuis 1968 par une hyperéosinophilie chronique pendant plus de 6 mois sans cause d’hyperéosinophilie trouvée. La présence d’un SHE 141 bronchique ne sont pas encore parfaitement compris. L’ABPA s’accompagne fréquemment d’un asthme sévère difficile à contrôler par la corticothérapie inhalée. Le traitement de référence des exacerbations reste la corticothérapie orale. La poursuite de la corticothérapie orale au long cours est souvent nécessaire quand la corticothérapie inhalée s’avère insuffisante, mais elle pose le problème de la tolérance au long cours. Le traitement de fond doit être évalué tous les 3 à 6 mois en fonction des symptômes cliniques, des épreuves fonctionnelles respiratoires, de l’évolution radiologique et du taux d’IgE sériques totales. La colonisation de l’arbre bronchique par Aspergillus fumigatus justifie l’utilisation des traitements antifongiques. L’efficacité de l’itraconazole a été démontrée dans le traitement des aspergilloses invasives, puis dans l’ABPA. Salez et al. ont suivi 14 patients pendant une période référence de 2 ans avec un traitement classique, puis pendant 1 an avec 200 mg/j d’itraconazole en plus du traitement classique [11]. Le traitement par itraconazole permet une amélioration du VEMS (volume expiratoire maximal par seconde) et une diminution du nombre d’exacerbations. La corticothérapie orale quotidienne moyenne diminue de 22 ± 3,3 à 6,5 ± 2,3 mg/j, alors qu’elle était restée stable pendant la période référence de 2 ans. Sept patients sur 14 ont pu être sevrés de la corticothérapie orale. On observait aussi une nette amélioration de l’éosinophilie sanguine et des taux sériques d’IgE totales, sans diminution du taux sérique des IgE spécifiques contre Aspergillus fumigatus. Stevens et al. ont publié les résultats d’une étude randomisée, contrôlée en double aveugle [12]. Les patients recevaient 200 mg d’itraconazole 2 fois par jour ou un placebo pendant 16 semaines. La réponse au traitement était définie par une diminution de la dose de corticoïdes oraux d’au moins 50 % et par une diminution de 25 % du taux sérique d’IgE totales. Le taux de réponse a été significativement plus élevé dans le groupe traité que dans le groupe placebo (46 % versus 13 %). Ces études démontrent clairement que l’itraconazole, à la dose minimale de 200 mg/j pendant une durée d’au moins 6 mois à 1 an, est une alternative thérapeutique à la corticothérapie orale. Les rechutes à l’arrêt du traitement antifongique sont fréquentes. Sa tolérance est satisfaisante. Pourtant aucune de ces études ne permet de définir les critères d’instauration et les critères prédictifs de réponse au traitement antifongique ainsi que la durée optimale du traitement. Mise au point hyperéosinophilies Garcia G est souvent associée à une prolifération clonale d’une population de lymphocytes T de type Th2. Il ne s’agit donc pas d’une maladie allergique. Encadré 3 Alvéolite allergique extrinsèque Pneumallergènes Trophallergènes Elle n’est pas la conséquence d’une allergie et ne s’accompagne pas d’hyperéosinophilie. L’alvéolite allergique extrinsèque ou pneumopathie d’hypersensibilité est une pneumopathie aiguë ou subaiguë liée à l’inhalation chronique de substances antigéniques. La liste des antigènes (et non des allergènes) est très longue, dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’antigènes provenant de micro-organismes bactériens ou fongiques. La présence de précipitines sériques (anticorps de type IgG) témoigne d’une réaction immunologique à médiation humorale. Le lavage bronchioloalvéolaire trouve une inflammation lymphocytaire T CD8+. Cette réaction inflammatoire n’entraîne pas de réponse lymphocytaire de type Th2 avec synthèse d’IgE, hyperéosinophilie sanguine ou infiltration tissulaire riche en polynucléaires éosinophiles. Latex Banane, avocat, kiwi, papaye, châtaigne, noisette, melon Bouleau Pomme, noisette, pêche, prune, tomate, kiwi, céleri Armoise Céleri, carotte, fenouil, coriandre, poivre vert Ambroisie Melon, banane Graminées Tomate, petits pois, céréale Plumes d’oiseux Viande volaille, jaune d’œuf Acariens Escargot Blattes Crustacé Chat Porc Principales allergies croisées entre pneumallergènes et trophallergènes Allergies alimentaires L’allergie alimentaire représente un chapitre de plus en plus important de l’allergologie. La fréquence de cette pathologie augmente régulièrement depuis plusieurs années. Cette augmentation repose sur la conjonction des profondes modifications de nos habitudes alimentaires ainsi que sur l’amélioration des connaissances médicales et des moyens diagnostiques. Actuellement, sa prévalence est estimée à 1,5 à 2 % de la population tous âges confondus. La définition de l’allergie alimentaire est très précise. La classification actuelle de l’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI) repose sur les mécanismes physiopathologiques [15]. Les symptômes sont classés en réactions toxiques et non toxiques. Les réactions toxiques apparaissent quand la dose toxique, contenue dans l’aliment ou résultant d’un procédé culinaire ou agroalimentaire, Encadré 2 142 Principaux allergènes végétaux, par ordre de fréquence décroissante Légumineuses Arachide, soja, petits pois, haricots, lentilles Drupacées Pomme, noisette, noix, pêche, abricot, cerise, poire Groupe "latex" Avocat, kiwi, banane, châtaigne Ombellifères Céleri-rave, carotte, fenouil, persil, anis, coriandre, cumin, poivre vert Crucifères Moutarde, raifort, radis, chou, navet, cresson Solanacées Tomate, poivron, aubergine, pomme de terre, café Céréales Blé, orge, seigle, sarrasin, malt, maïs, sorgho, millet, riz est suffisante. Les réactions non toxiques sont divisées en réactions immunologiques (allergie alimentaire) et non immunologiques (intolérance alimentaire). L’intolérance alimentaire comprend des causes enzymatiques, des causes pharmacologiques (présence d’additifs alimentaires ou aliments riches en amines vasomotrices comme l’histamine ou la tyramine). L’allergie alimentaire est elle-même divisée en 2: les réactions IgE-dépendantes et non IgE-dépendantes. L’allergie IgE-dépendante est une réaction d’hypersensibilité de type I. La complexité du système immunitaire et la grande quantité d’allergènes alimentaires (trophallergènes) ingérés expliquent la diversité des symptômes de l’allergie alimentaire (encadrés 2 et 3). Les symptômes digestifs apparaissent en quelques minutes à quelques heures [16]. Ils associent nausées, douleurs abdominales, coliques, vomissements et parfois diarrhées. Le syndrome d’allergie orale ou syndrome de Lessof est une réaction locale qui entraîne un prurit et un œdème des lèvres, de la langue et de la gorge. Les symptômes cutanés sont en fréquence le second type de manifestations cliniques de l’allergie alimentaire. Il s’agit le plus souvent d’urticaire aiguë ou d’angio-œdème. Les symptômes respiratoires (rhinoconjonctivite ou asthme) peuvent se voir au cours de l’allergie alimentaire, mais ils sont rarement isolés des manifestations digestives. Le diagnostic d’allergie alimentaire est affirmé par les tests de provocation. Le test de provocation labiale consiste à déposer sur la lèvre inférieure l’aliment suspecté. Le test de provocation orale est le gold standard du diagnostic. Il consiste à ingérer en double aveugle un aliment neutre contenant ou non l’aliment suspecté. Les tests de provocation alimentaire justifient une surveillance hospitalière. tome 35 > n° 1 > janvier 2006 > cahier 2 Hyperéosinophilies d’origine allergique Allergies cutanées Urticaire et œdème de Quincke Dermatite atopique Il s’agit d’affections dont la fréquence et la banalité contrastent avec la complexité physiopathologique et parfois diagnostique. On estime qu’une poussée d’urticaire survient chez 20 % des sujets au cours de leur vie, l’étiologie en restant inconnue dans 70 % des cas. L’urticaire se présente sous la forme de papules érythémateuses, blanchâtres en leur centre, prurigineuses, confluant parfois en larges plaques. Devant une urticaire aiguë, les causes les plus fréquentes sont alimentaires et médicamenteuses. Ce sont les urticaires chroniques évoluant depuis plus de 2 mois qui posent des problèmes diagnostiques. Les causes sont extrêmement variées et parfois difficiles à confirmer. Le plus souvent, l’origine n’est pas trouvée et les lésions disparaissent spontanément après une durée d’évolution variable d’une personne à l’autre. Les urticaires physiques (cholinergiques à la sueur ou à la chaleur, à la pression ou au froid) représentent 15 à 20 % des urticaires chroniques. L’anaphylaxie sévère est une réaction généralisée, affectant au moins 2 organes, liée à la dégranulation brutale des mastocytes et des polynucléaires basophiles [19]. Ces réactions sont surtout secondaires aux allergies alimentaires (arachide), médicamenteuses, le plus souvent dans un contexte chirurgical (curare, latex ou antibiotiques), ou aux venins d’hyménoptère. L’anaphylaxie sévère concerne 1 à 3 personnes sur 10000, et entraîne 1 à 3 décès par million d’habitants et par an. En France les données du plan d’accueil individualisé en milieu scolaire permettent d’évaluer la prévalence de l’anaphylaxie alimentaire sévère à 0,065 % des enfants. L’eczéma constitutionnel ou dermatite atopique (DA) est une maladie fréquente. Sa prévalence est estimée en France entre 14 et 17 % des enfants de moins de 3 ans. Le diagnostic d’un eczéma est facile devant une éruption prurigineuse localisée sur des zones cibles (grands plis des membres et du visage). La lésion élémentaire comporte l’association des stades d’évolution suivants : érythème, œdème, suintements, croûtes, excoriations et lichenification, correspondant aux stades classiques de l’eczéma. Deux symptômes majeurs accompagnent l’eczéma: le prurit et la xérose. Les caractéristiques cliniques de la DA varient en fonction de l’âge des patients. Chez le nourrisson, la maladie débute avant 6 mois sous la forme d’un eczéma vésiculeux et suintant prédominant sur les joues, le front, le lobule des oreilles ou la base du pouce, ainsi que sur les faces d’extension des membres. Chez l’enfant, l’incidence de la maladie diminue considérablement puisque l’eczéma de 70 % des nourrissons a disparu en 2006. Les lésions, davantage papuleuses, sont le plus souvent localisées aux grands plis de flexion ou aux extrémités. De nombreux facteurs déclenchants sont responsables de poussées de dermatite atopique. L’allergie alimentaire est surtout observée chez le nourrisson [17]. La suppression des allergènes alimentaires potentiels reste difficile et rarement suffisante pour entraîner la guérison. La réintroduction est parfois possible après 2 à 3 années d’éviction. On trouve également des facteurs psychiques, climatiques, irritatifs locaux ou médicamenteux [18]. L’évolution est imprévisible, la disparition définitive de la DA à la puberté est classique, mais très relative. Mise au point hyperéosinophilies Conflits d’intérêt : aucun Références 2 3 4 5 6 Humbert M, Menz G, Ying S, Corrigan CJ, Robinson DS, Durham SR et al. 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Anti-IL-5 treatment reduces deposition of ECM proteins in the bron- tome 35 > n° 1 > janvier 2006 > cahier 2 7 8 9 10 11 12 chial subepithelial basement membrane of mild atopic asthmatics. J Clin Invest. 2003; 112: 1029-36. Serrano E, Percodani J, Didier A. Rhinites allergiques. Rev Prat. 2000; 50: 1537-41. Demoly P, Allaert FA, Lecasble M, Bousquet J. Validation of the classification of ARIA (allergic rhinitis and its impact on asthma). Allergy. 2003; 58: 672-5. Borish L. Allergic rhinitis: systemic inflammation and implications for management. J Allergy Clin Immunol. 2003; 112: 1021-31. Bousquet J. Global initiative for asthma (GINA) and its objectives. Clin Exp Allergy. 2000; 30 Suppl 1: 2-5. Salez F, Brichet A, Desurmont S, Grosbois JM, Wallaert B, Tonnel AB. Effects of itraconazole therapy in allergic bronchopulmonary aspergillosis. Chest. 1999; 116: 1665-8. Stevens DA, Schwartz HJ, Lee JY, Moskovitz BL, Jerome DC, Catanzaro A et al. 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