Couvrez ces chaînes de cuistax que l`on ne saurait voir

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Couvrez ces chaînes de cuistax que l`on ne saurait voir
L’ECHO VENDREDI 14 AOÛT 2015
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Économie & Politique
Belgique
Couvrez ces chaînes de cuistax que l’on ne saurait voir
sont fâchés, parce qu’on venait contrôler durant les vacances, en pleine période d’affluence, confie Kristof. C’est
normal. On ne va pas venir en janvier,
quand tout est fermé!» Il y a eu des insultes. Des intimidations physiques,
aussi, parfois. Demandez à Nick.
C’était en juillet 2014. «Ce loueur
avait reçu un avertissement avec une
échéance d’un mois. Il s’est énervé, se
plaignant de ne pas avoir assez de
temps, et a menacé de me balancer dehors. N’empêche, quand nous sommes
revenus en août, tout était en ordre.»
Aujourd’hui, la pilule est passée.
Wim, Kristof et Nick démarrent leur
tournée par deux «bons élèves». Au
Coq, voilà 78 ans que la maison Cattrysse est dans le business du cuistax – un de ses véhicules, bleu clair à
chevaux blancs, affiche lui aussi cet
âge vénérable. Le «grand patron»,
Rudi, n’est pas là, mais qu’importe:
l’ancienne patronne (sa mère,
Claire) et le futur patron (son fils,
Michiel) sont sur place. Plus de 200
vélos et 500 cuistax à gérer. «La mise
en conformité, c’était un sacré investissement», détaille Claire. Plusieurs
milliers d’euros. Surtout que la maison Cattrysse a pris les devants et a
appliqué à presque tous les cuistax
pour adultes les mêmes normes
que celles valant pour les enfants.
Comme ça, c’est fait.
SÉRIE
FONCTIONNAIRE
AU MÉTIER
INSOLITE
(4/9)
Deux semaines durant, «L’Echo»
dresse un inventaire non
exhaustif des métiers insolites,
méconnus, voire surprenants,
que recèle l’administration. Direction la Côte, sur les traces des
«contrôleurs de cuistax».
Les modèles pour enfants cristallisent l’attention des contrôleurs du SPF Économie. © KRISTOF VADINO
BENOÎT MATHIEU
C’est vrai, on ne les trouve pas exclusivement sur le littoral. N’empêche,
ces véhicules d’acier ou de plastique, généralement aussi aérodynamiques et maniables qu’un parpaing, en sont l’un des plus indécrottables
symboles.
Une
institution: que serait la côte belge
sans ses cuistax? Et inversement?
«Dans notre société, tout le monde
pense que tout est sûr, philosophe
Kristof. Cela a fortement évolué. Je me
souviens de ce que mon grand-père me
racontait. Quand il était gamin, il
jouait dans le canal. Parfois, un enfant
qui tentait de passer sous un bateau ne
remontait pas et les gens disaient:
‘C’est normal, il a plongé sous un bateau’. À présent, tout doit être sûr. Ce
n’est pas plus mal, hein, mais on ne
s’imagine pas toute la logistique qu’il
y a derrière cette sécurité.»
Kristof est bien placé pour en
parler: il est l’un des maillons de
cette chaîne du contrôle. Agent au
SPF Économie, direction générale
«Qualité et Sécurité», service
«Contrôle Sécurité Nord». Ingénieurs ou techniciens, au total, ils
sont sept au sein de cette cellule, dirigée par Wim. Leur boulot: veiller Une pièce manquante et l’engin ne peut plus être loué. © KRISTOF VADINO
à la sécurité du consommateur –
vous l’aurez deviné. Leur terrain
d’action: aires de jeux, châteaux contrôle. Un peu pour la forme, normes de sécurité, plus strictes –
gonflables, parc d’attractions, at- presque par acquit de conscience, NE71, de leur petit nom. On vous rétractions extrêmes ou encore points puisqu’il s’agit là de la quatrième sume. En gros, la chaîne et sa roue
de locations de bateaux. Avec, au ronde.
dentée ne doivent plus être accessimilieu de ce cocktail récréatif, les…
bles aux petits doigts. On évitera
ascenseurs. Ah oui, on allait oublier: Chaîne inaccessible
également la corrosion et la préles fameux cuistax. «Les cuistax ne Tout a commencé en 2012, via des sence d’arêtes vives, ces générateurs
sont qu’une petite partie de notre job», séances d’information, suivies par de coupures. Pour les adultes, la séprécise Wim. Mais aujourd’hui, en une brochure en 2013. Considérés vérité est moins de mise; la chaîne
cette journée ensoleillée de juillet, comme des «jouets», les cuistax des- peut simplement être protégée par
ils sont à l’honneur. Wim, Kristof et tinés aux moins de quatorze ans le dessus, au moyen d’une pièce de
Nick partent en tournée de doivent répondre à de nouvelles type «profil L».
«90% des indépendants
touchent leur pension»
Seuls 9% des Belges ont changé
d’employeur en 2014. C’est très
peu. En Russie par exemple, 20%
des travailleurs ont opté pour un
nouveau patron l’année dernière.
© ANP
de l’année, la pension des indépendants n’est plus calculée sur le nombre d’années de travail, mais sur le
nombre de jours prestés. Pour le SNI,
près de 63.000 d’entre eux perdent
entre 20 et 84 euros par mois.
Cette affirmation est tirée par les
cheveux, estime l’administratrice générale de l’Inasti.
«Dans notre société,
tout doit être sûr. Mais
les gens n’imaginent
pas toute la logistique
qu’il y a derrière cette
sécurité.»
Ni la chaîne ni la roue ne peuvent être apparentes. © KRISTOF VADINO
Après la phase d’information est
venue la répression. Le SPF Économie lance une première vague de
contrôles durant l’été 2014. À raison,
puisque seuls 9 loueurs de cuistax
sur 53 sont en ordre. Cela rédige des
avertissements à la pelle. La procédure est la suivante. Tout cuistax
non conforme ne peut être proposé
à la location. Le SPF commence par
un avertissement, qui se mue en
procès-verbal en cas de récidive. PV
qui annonce une amende, pouvant
varier entre 26 et 150.000 euros. Si le
loueur décide de s’asseoir dessus,
son dossier prend la direction du
parquet de Bruges. Et ça marche! À
la Pâques 2015, les inspecteurs de
cuistax n’ont plus rédigé que cinq
avertissements et deux PV.
Il faut bien l’admettre. Ces nouvelles exigences, les loueurs de cuistax ont eu du mal à les avaler. Tout
comme les contrôles. «Beaucoup se
Les agents furètent et slaloment entre les roues, par acquit de
conscience. Ici, aucun souci à signaler, si ce n’est une pièce cassée, sur
un «trike», un de ces nouveaux modèles à trois roues. La chaîne est visible; l’engin est mis de côté.
Rien à signaler non plus chez
Fietsen Andre, (presque) juste en
face. Combien de cuistax proposent-ils à la location? «Pfff, trop», rigole le patron, Henricus. Andre,
c’est le beau-père, qui a lancé l’affaire dans les années ‘60. «Environ
250.» Tous aux normes. Sauf un, pas
de première jeunesse. Qui dort à la
cave, en attendant d’être adapté.
«Par cuistax, il faut au moins compter
20 euros de main-d’œuvre, calcule
Henricus. Plus 7 ou 8 euros de matériel. A la grosse louche donc, environ 30
euros pièce.» Et cela a mis du temps?
Le patron et ses collaborateurs, tous
se gondolent. Cela a mis du temps,
donc. «Plusieurs mois!»
Henricus passe ses troupes en revue. Les nouveaux, qui n’affichent
plus la même qualité que les ancêtres. «Les matériaux ne sont plus aussi
robustes. Ils tiendront, au mieux, 12 ou
13 ans. Imaginez: un cuistax une place,
neuf, cela vaut 1.400 euros; 3.500 pour
un électrique; 4.500 pour un six places.
Et nous louons à quatre euros la demiheure, cinq euros l’heure!» Il pointe le
manège qui a planté sa ronde de
chevaux et d’avions à un coup de
pédale de là. «Ce n’est pas cher! Là, ils
vous font payer deux euros… pour
deux minutes.»
La tournée de Wim, Kristof et
Nick n’est pas terminée. Ils vont visiter par surprise les derniers «récalcitrants». Qui n’en sont plus. Tous les
loueurs de la Côte sont à présent en
ordre. «Un résultat superbe», se réjouit-on au SPF Économie.
Le Belge n’aime pas changer d’employeur
La direction de l’Inasti tient à relativiser les chiffres du SNI, qui
estime que plus de 60.000 indépendants retraités sont lésés depuis le mois de janvier suite à un
problème informatique.
«Neuf indépendants retraités sur dix
touchent correctement leur pension», a
affirmé jeudi l’Institut national d’assurance sociale pour travailleurs indépendants (Inasti), corrigeant ainsi
le Syndicat neutre pour indépendants (SNI). Ce dernier avance que
plus de 60.000 indépendants retraités sont lésés depuis janvier en raison de problèmes de logiciel. Le SNI
dénonce le fait que depuis le début
Tout est en ordre
Le travailleur belge ne semble pas
très enclin à changer d’employeur.
C’est du moins ce qui ressort d’une
étude menée par Randstad. En 2014,
seuls 9% de nos compatriotes ont
franchi le cap, contre une moyenne
internationale de 14%, calcule
l’agence d’intérim.
La mobilité sur le marché du travail en Belgique est une des plus
basses au monde, selon l’étude.
Randstad a mené son enquête dans
23 pays, sur quatre continents, au-
«La rémunération
basée sur l’ancienneté
et les procédures de
licenciement en
Belgique ralentissent
la mobilité.»
RANDSTAD
près de 226.578 personnes, dont
17.428 en Belgique.
Les écarts sont importants. Outre
les 9% de travailleurs belges à avoir
changé volontairement d’employeur l’an dernier, seulement 14%
envisagent un tel changement chez
nous dans un avenir proche alors
que la moyenne internationale s’établit à 22%.
Les disparités en matière de mobilité sont grandes entre les pays. Les
chiffres les plus élevés sont notés en
Russie (20%), en Hongrie, en Inde et
à Singapour (18%). «Au Japon (6%),
aux Pays-Bas (8%), en Italie, en Espagne
et en Belgique (9%) le niveau de mobilité volontaire est nettement moindre.»
Sans surprise, les pays avec le taux de
mobilité volontaire le plus élevé
dans un passé récent seront également les pays avec la mobilité la plus
élevée à l’avenir. L’Inde, la Chine et
Singapour sont en tête avec respectivement 37, 32 et 30%, tandis que la
Belgique (13%), le Japon (14%), l’Allemagne (15%) et les Pays-Bas (16%) occupent le bas du tableau.
«Les différences entre les pays sont
en grande partie dues à la conception
institutionnelle des marchés du travail», précise Randstad. «La rémunération basée sur l’ancienneté et les procédures de licenciement en Belgique ralentissent la mobilité.»
Les trois principales raisons invoquées par les Belges pour changer
d’emploi sont: le manque d’opportunités de carrière, le manque de reconnaissance et le désintérêt du job.