Introduction à la négociation commerciale

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Introduction à la négociation commerciale
Introduction à la négociation commerciale internationale
Intervention destinée aux élèves de chambre de Commerce de Versailles, Formation
TECOMAH, United Partners
Par SERGE WORTHALTER, Avocat au Barreau de Paris, 4 rue de Lyon 75012 Paris
www.worthalter.net, [email protected]
Bibliographie : Parmi de nombreux ouvrages, citons
Plantey Alain La négociation internationale, CNRS, pour la technique et l’histoire
diplomatique
Walder Francis Saint-Germain ou la négociation, FOLIO , pour la ruse et la psychologie
Le souper, pièce de théâtre, entre FOUCHET et TALLEYRAND, l’un des maîtres de la
diplomatie
Guy DELOFFRE Pratique de la négociation internationale ESKA
URI et FISCHER Getting to yes
UNTERREINER Le marché allemand DUNOD
Le contexte socioculturel doit être connu dès que possible et maîtrisé au stade de la rencontre
et des préliminaires, de la signature d’un accord ou de l’intervention d’un accord, de sa
réalisation concrète.
a) le contexte, le décor : Il faut prendre en compte parmi d’autres les données et contraintes
essentielles suivantes pour mener à bien et réussir une négociation :
-le facteur temps, la découverte de l’autre, la pression du temps importent : en jouer en sa
faveur, y penser si elle joue en votre défaveur, en raison du fait que par exemple plus tard
vous payez plus l’adversaire prend des risques ou qu’au contraire plus vite vous aboutissez à
un accord, plus vite vous pouvez passer à autre chose ou négocier sur d’autres points.
-penser à l’inversion de l’échelle des risques en fonction de ce que vous faites ou pas à un
moment donné
-les pressions sur les hommes et /ou leurs conseils, personnelles, politiques, financières
jouent.
-les menaces disciplinaires s’il y a lieu ou de représailles diplomatiques
b) les buts à découvrir, les objectifs :
Il faut aussi vite que possible bien cerner les fonctions respectives et titres des parties, qui a le
pouvoir de décision ou pas, ne pas perdre de temps en conséquence
Fixer les objectifs, la marge de manœuvre, la documentation technique au soutien des
arguments et propositions : est-on réaliste ou excessif, fait –on des vraies ou fausses
concessions, dites « leurres »(decoy en anglais)
Distinguer en restant conscient de leur interaction permanente le sentimental, subjectif,
irrationnel, comportemental par opposition à l’objectif, le rationnel.
Ne pas hésiter à faire préciser les propos, reformuler pour gagner du temps ou créer un contact
ou dissiper un malentendu du à la barrière de la langue ou culture.
c) stratégie, méthodes conseillées :
Ne pas s’en prendre sauf nécessité tactique de changer les hommes par exemple aux
personnes, mais raisonner buts et objectifs(opposer stratégie et tactique.
Aller vers des solutions neutres, acceptables par les deux parties, ne pas faire perdre la face,
bonnes pour tous, surtout si on peut les fonder sur des avis techniques ou d’experts.
IL faut prendre en compte que l’unanimité n’est pas acquise à ce sujet ; certains pensent que
toute négociation et ses résultats n’est que le fruit d’une domination et d’un rapport de forces
à un moment x, le reste étant littérature : ce point de vue mérite réflexion en effet.
Mieux vaut idéalement signer un accord accepté non seulement sur papier mais aussi de
bonne foi avec volonté réelle de l’appliquer.
d) application concrète :
A la table des négociations, il faut établir l’ordre du jour, la méthode de discussion des sujets :
cela est très important car cela sous-entend d’emblée ce sur quoi on insiste ou que l’on
compte au contraire marginaliser.
Il faut ensuite explorer les positions, analyser celles solides et celles réfutables ou amendables
et préparer l’argumentaire.
Il faut tenir compte des tensions, des impasses, du « walk away power »(marge de manœuvre
prise en disant que l’on se renseigne auprès d’un autre décideur…), mettre de côté pour plus
tard le sujet qui fâche, faire de fausses concessions que l’adversaire croit importantes, le faire
au contraire céder sur ce qui pour vous est essentiel, cacher aussi longtemps que possible ce
qui pour vous précisément est essentiel.
e) la signature de l’accord :
Il importe bien sur de signer mais encore plus d’exécuter et de bonne foi ce qui est convenu.
D’où la nécessité s’il y a lieu de mettre en place des garanties avec une autorité de contrôle en
cas d’incident. Il faudra lever ces garanties de façon progressive le moment venu.
Ces généralités précisées, et sans que l’on puisse de façon tranchée catégoriser pays et
cultures on peut sommairement tenter de dresser une typologie selon les critères suivants :
-le contrat, l’écrit jouent selon les pays un rôle plus ou moins important
- lors des négociations, ou de l’accord à intervenir
- ou du règlement d’un différend s’il survient
Il y a des pays où le droit écrit joue un rôle strict(pays anglo-saxons…), d’autres où
l’approche personnelle, les contacts amicaux, la conciliation, le rapprochement priment sur
l’écrit sans l’annihiler pour autant(Chine, Japon, Asie…)
I)
Les pays où l’écrit a grande importance :
En Inde les parties ont des habitudes assez procédurières, l’écrit bien rédigé peut protéger.
On reconnaît l’influence anglo-saxonne où prime le contrat et que ce qui y est dit, à défaut le
juge saisi en interprétation peut rejeter ce qui n’est pas prévu.
Par opposition, en Chine, l’écrit s’efface devant le fait d’être perçu comme ami, dans un
réseau de « guanxi »(relations »(Hong-Kong), de chercher une conciliation, un apaisement à
une tension et pas un contentieux : on rappelle que la notion d’harmonie est essentielle dans
cette culture.
Il faut veiller à ne pas vexer l’autre, ne pas lui faire perdre la face par opposition à la culture
occidentale où prime plutôt une certaine arrogance, le rapport de forces économique en un
mot.
Cela se traduit dans la négociation : il faut veiller à leur laisser toujours quelque chose à
négocier qu’on leur accordera, ils y seront sensibles ;
Monsieur RAFFARIN en visite en Chine en période aiguë de sras, se promenant sans masque,
a été très apprécié pour son courage, il s’est valorisé face à des chinois vexés d’être boycottés
ainsi.
La discipline, la rigueur s’opposent en RFA, pays nordiques, quelques pays de l’Est aux pays
romains comme la France au plan comportement et attitude.
Les Allemands de l’est sont très susceptibles par rapport à ceux de l’OUEST et aux
Occidentaux en général m’a- t’on rapporté lors d’un séminaire à Dresde.
Le comportement est très important en négociation : invité en Chine, il est conseillé de goûter
à tous les plats, en pays de l’Est de trinquer volontiers avec vos hôtes, etc.…
-d’être ponctuel face à des allemands, jovial face à des sud-américains etc.…
Il faut penser aux jours fastes ou pas en Inde, Pakistan etc. à peine de ne pouvoir travailler ou
signer un accord.
Les Chinois sont très demandeurs de tranfert de technologie, il faut penser au facteur temps
aux horaires de retour d’avions qui approchent sans que l’on ait conclu, voire au dernier
moment quelles concessions on peut encore faire au risque de repartir bredouille.
La langue est essentielle et de bons traducteurs aident : un contrat a déjà achoppé en Chine sur
Une question de virgule qui changeait beaucoup le sens d’une phrase.
Au Mexique, aux Pays-Bas un contrat est important, il sécurise les relations.
II)
Les pays où l’écrit importe moins que la souplesse des rapports humains et la
qualité des relations :
En pays arables il est conseillé de surveiller son comportement, d’être discret, de ne pas
s’adonner ouvertement à des excès d’alcool à table, de donner discrètement des
cadeaux(bakchichs) qui entretiennent l’amitié et flattent les intermédiaires obligés ; il faut
veiller à leur choix et se les faire recommander. A la différence d’autres pays l’intermédiaire
est légal et obligatoire pour commercer.
La discrétion est de mise envers les femmes comme en Inde ; au contraire en Russie les
femmes sont bienvenues pour l’ambiance à détendre au cours de négociations.
En Russie aussi les cadeaux sont dans la culture des visites et de la négociation.
En RFA la force de la parole vaut engagement ; en certains pays nordiques une publicité en
soi engage déjà son auteur.
Au Japon on réagit surtout selon la hiérarchie, l’entreprise, l’équipe, le statut social plus que
selon la qualité des écrits à signer.
En France par contre seul un écrit a priori fait foi contre de simples paroles.
L’Allemand dira « j’ai envisagé de faire » au sens qu’il l’a fait ; le Français dira qu’il le fera,
peut-être, c’est très flou…
En RFA le vendeur est protégé plutôt qu’en France où c’est plutôt l’acheteur, cela joue en
négociation aussi.
La culture à respecter est essentielle ; chacun aime se sentir chez soi cf. les Allemands aux
Baléares au plan des normes, de la médecine, de la sécurité etc.. ;
L’endroit où on est assis joue : à droit en RFA selon l’importance par rapport au chef de
délégation.
Rappelons la longue discussion sur la forme de la table au sujet de la paix au VIETNAM,
pour s’assurer de savoir qui serait à côté de qui…
La corruption ne doit pas être confondue avec des cadeaux discrets et amicaux : elle est un
vrai problème en Inde dont il faut tenir compte.
La notion de temps est essentielle : immuable en Inde, très intense et rapide en Occident…
Au Brésil le contrat est très difficile à rompre si signé en raison de la notion locale d’ordre
public, de la loi locale souvent imposée et des problèmes de financement ; en Asie la
renégociation de l’accord, de bonne foi supposée ou réelle importe.
Au Canada importe la bonne foi comme certains pays nordiques, encore plus que la signature
du contrat pour l’exécution.
La Gra nde-Bretagne au plan doctrine semble préconiser des négociations win-win
gagnant/gagnant et nous y souscrivons, fondées sur les arguments, l’équilibre, la bonne
volonté….
On peut dire que le contrat dans ces nombreux pays n’est Qu4un symbole, certes utile, mais
pas une fin suffisante en soi, une étape en un mot dans un rapprochement.
Par contre en France importe beaucoup le contrat en soi comme s’il suffisait alors qu’il
risque s’il n’y a que cela entre les parties de générer un contentieux à la moindre contestation.
En Guinée voire en Afrique, on cherche à négocier pour éviter un conflit direct.
Il faut penser au plan technique aux prix annoncés : fermes-ou dépendant des coûts,
assurances fret etc.…ce qui change la marge de manœuvre, les rabais possibles etc.
Ce poids des traditions et de la culture se ressent au stade des négociations mais aussi de
l’exécution et du contentieux du contrat, de l’arbitrage ou de la médiation éventuelle mais cela
ne peut être traité dans le présent cadre.
A Hong-Kong il faut aller à l’essentiel, prouver en un mot que l’on est un vrai pro à
l’anglaise( GB dont l’influence domine) ou l’allemande. Il faut être solide avec un bon
argumentaire comme dans certains pays de l’Est ou nordiques.
Il faut faire attention à la finesse de l’asiatique qui écouté et ne dit pas non culturellement,
cela déroute les occidentaux pouvant croire un marché acquis…
Il faut enfin faire attention aux gestes, au subjectif : en Inde bouger la tête de côté veut dire
oui alors que l’on croirait un non ; on a vu le rôle de la place à la table des négociations, il faut
éviter des cadeaux de certaines couleurs dans certains pays.
En GB il est très incorrect de ne pas saluer l’un des délégués.
En résumé on prône des gestes neutres, amicaux, discrets non susceptibles d’être interprétés
comme arrogants ou agressifs.
CONCLUSION
Penser à toutes ces contraintes socioculturelles aidera à aboutir en négociation en plus d’une
bonne équipe faite de gens compétents armés d’argumentaires techniques solides.
L’idéal semble d’aboutir à des accords gagnant/ gagnant, meilleur gage d’être respectés car ne
préparant pas le terrain à de trop grandes frustrations ou concessions arrachées par force.
On ne peut enfin oublier que la négociation, si elle se pratique certes avec des techniques
éprouvées n’en reste pas moins un véritable art dans lequel réussissent les plus habiles.