Temps partiel – Questions autour de la durée minimale du travail

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Temps partiel – Questions autour de la durée minimale du travail
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GRP : feuillet⊕rapide JOB : fiscal⊕social DIV : mp⊕S15⊕regroupe2 p. 1 folio : 19 --- 17/7/014 --- 16H29
Temps partiel
Question d’actualité
Temps partiel
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)
Durée minimale de travail
Par Charlotte Michaud, Avocate associée, Flichy Grangé Avocat
Depuis le 1er juillet 2014, la durée minimale du travail à
temps partiel est en principe de 24 heures par semaine, sauf
dérogations individuelles autorisées par la loi ou dérogations issues d’un accord de branche étendu (FRS 11/14 )
7
p. 3 ou FR 26/14 )
5 p. 13 et FRS 6/14 ou FR 12/14 )
13 p. 27).
Peut-on publier une offre d’emploi d’une durée inférieure ?
Conclure un CDD de remplacement de moins de 24 heures ?
Un étudiant de moins de 26 ans peut-il exiger de travailler
au moins 24 heures ? Comment faire si le salarié ne remplit
plus les conditions dérogatoires ? Un avocat nous donne sa
position sur ces questions.
Peut-on publier une offre d’emploi assortie
d’une durée du travail inférieure à 24 h ?
1 La rédaction d’une offre d’emploi pour un temps partiel
dérogatoire pourrait soulever quelques difficultés pratiques.
Elle serait à concilier avec le principe selon lequel les dérogations individuelles à la durée minimale sont ouvertes « à la
demande écrite et motivée » des salariés. Se pose également la
question des offres d’emploi destinées aux étudiants. Le Code
du travail dicte qu’une offre d’emploi ne peut comporter la
mention d’une limite d’âge, sous peine de discrimination. Il
conviendrait alors de privilégier des termes neutres sans
connexion avec l’âge du candidat recherché.
Peut-on conclure un CDD de remplacement
de moins de 24 h ?
2 La nouvelle loi ne traite pas spécifiquement cette question.
En pratique, s’il veut remplacer un salarié titulaire d’un temps
partiel dérogatoire, par exemple 16 h, l’employeur risque de se
heurter à des dispositions légales incompatibles. Ainsi, si les
conditions requises pour occuper un temps partiel d’une durée
inférieure à la durée minimale ne sont pas réunies par le CDD
de remplacement, l’employeur sera contraint de respecter la
durée minimale de 24 h pour ce poste.
Mais privilégier cette durée minimale pourrait fragiliser le motif
du recours au CDD, puisque le remplaçant ne peut pas en
principe être employé sur la base d’un volume horaire supérieur à celui du titulaire du poste. L’employeur s’exposerait à
un risque de requalification du contrat en CDI, de paiement de
diverses indemnités et de rappel de salaires en cas d’heures
réelles de travail inférieures à 24 h. Il ne serait pour autant pas
complètement dépourvu d’arguments devant les tribunaux,
puisque la durée minimale d’activité de 24 h est une obligation
légale.
3 En l’absence de précisions réglementaires et jurisprudentielles sur la portée de ces nouvelles règles, il est recommandé
d’adopter une rédaction prudente du CDD, en explicitant les
circonstances du recours à ce contrat et à la durée du travail
convenue.
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Editions Francis Lefebvre
Pour éviter cette contrainte, l’employeur pourrait envisager
une des dérogations prévues par le Code du travail en matière
de durée minimale d’activité. Parmi celles-ci figure la conclusion d’un contrat de travail temporaire avec une entreprise
d’insertion. Cette option pourrait, cela étant, trouver ses
limites en présence d’emplois qualifiés.
Peut-on accepter un passage à temps partiel
thérapeutique d’une durée inférieure à 24 h ?
4 Le cas particulier du temps partiel sur demande du
médecin du travail n’est pas envisagé par les nouveaux textes.
La question de la conciliation d’un mi-temps thérapeutique
avec la durée minimale de travail doit toutefois pouvoir se
résoudre assez simplement. La loi permet en effet de déroger
à la durée minimale de 24 h à la demande du salarié pour faire
face à des « contraintes personnelles ». Si cette notion n’a pas
été définie, il ne devrait pas y avoir de sérieux débats pour
considérer qu’elle englobe des « contraintes » d’ordre médical,
tout particulièrement en présence d’une mesure préconisée
par le médecin du travail. Dans cette hypothèse, l’employeur
ne devrait pas tellement avoir le choix et il serait délicat pour
lui de refuser. L’avenant au contrat de travail établi à cette
occasion devra toutefois souligner que la dérogation à la durée
minimale légale d’activité procède d’une demande du salarié
motivée par une mesure de mi-temps thérapeutique.
Un étudiant de moins de 26 ans peut-il exiger
de travailler au moins 24 h ?
5 Selon le Code du travail, « Par dérogation à l’article L 3123-14-4, une durée de travail inférieure, compatible
avec ses études, est fixée de droit au salarié âgé de moins de
26 ans poursuivant ses études » (C. trav. art. L 3123-14-5). Cette
formulation n’est pas sans ambiguïté et soulève des interrogations.
Aux termes de l’ANI du 11 janvier 2013 et des travaux
préparatoires à la loi de sécurisation de l’emploi (Rapport
Sénat no 501), il s’agit d’une exception générale : la durée
hebdomadaire de 24 h ne s’applique pas aux étudiants de
moins de 26 ans. Il serait alors possible pour l’employeur de
proposer des contrats avec une durée dérogatoire, même sans
demande écrite et motivée de l’étudiant. Il resterait toutefois
essentiel que l’employeur s’assure du respect des conditions
d’âge et de la qualité d’étudiant.
Toutefois, le texte finalement adopté après débats parlementaires peut sembler présenter cette dérogation comme « la
dérogation à l’article L 3123-14-4 », lequel traite des garanties
en termes de regroupement d’horaires conditionnant la renonciation individuelle et la dérogation par accord collectif
étendu. La question pourrait donc se poser de savoir si la durée
dérogatoire pour les étudiants de moins de 26 ans n’est pas
subordonnée à une demande de leur part. Une position du
ministère du travail pour éclaircir ce point serait la bienvenue.
En revanche, en cours d’exécution d’un contrat à temps partiel,
tant que les conditions posées pour bénéficier de cette dérogation sont remplies (âge et études), l’employeur serait libre de
ne pas donner suite à une demande du salarié de rehausser sa
durée de travail (sous réserve de l’abus et du respect de la
priorité d’emploi prévue par le Code du travail).
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Que se passe-t-il si l’étudiant arrête ses études
ou atteint l’âge de 26 ans ?
6 La situation où l’une des conditions ne serait plus remplie
pose une réelle difficulté : celle de la disparition de la
dérogation et de l’application des règles de droit commun, à
moins que le salarié demande explicitement le maintien d’une
durée inférieure à 24 h par semaine et motive sa démarche par
un cumul d’activités ou des contraintes personnelles. On
pourrait raisonnablement admettre, pour un salarié ayant plus
de 26 ans, que la poursuite de ses études constitue « une
contrainte personnelle » permettant de déroger à la durée
minimale légale.
Et si les « contraintes personnelles » du salarié
disparaissent ou s’il perd son autre emploi ?
7 Cette question porte indubitablement sur un des points les
plus délicats de la réforme. Le législateur n’y a pas précisément
apporté de réponse.
Concrètement, le débat est de savoir si l’évolution de la
situation personnelle du salarié pourrait remettre en cause la
durée d’activité initiale et permettre au salarié de demander le
respect de la durée minimale légale d’activité.
En toute logique, l’analyse devrait se placer sur le terrain de la
force obligatoire du contrat. Seule une modification contractuelle pourrait réaménager la durée du travail initialement
convenue entre les parties. Sous cet angle, l’employeur pourrait refuser la demande du salarié. Bien entendu, le refus
devrait être exempt de tout abus et être concilié avec la priorité
d’occuper un emploi avec une durée du travail supérieure
accordée par le Code du travail (C. trav. art. L 3123-8). De son
côté, le salarié pourrait, à l’appui de sa demande, arguer que la
disparition de la condition initiale ayant justifié sa demande
dérogatoire entraîne la disparition de la dérogation et l’application obligatoire du droit commun.
A n’en pas douter, une telle lecture serait une source particulière d’insécurité juridique pour les employeurs et de désor-
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ganisation. L’employeur pourrait être amené à vérifier tout au
long du contrat la réalité des contraintes personnelles invoquées initialement par le salarié.
Alerté par le patronat, le ministère du travail travaillerait à
sécuriser le dispositif. De prime abord, il se serait montré
rassurant en laissant entendre que les employeurs pourraient
refuser une modification du contrat de travail. A quelles
conditions ?
Dans l’attente, il serait recommandé d’être précautionneux
dans la rédaction du contrat à temps partiel et la gestion des
demandes de dérogation. On pourrait rappeler la priorité
d’attribution issue du Code du travail, voire s’inspirer de rares
dispositions d’accords de branche qui ont pris position en
énonçant que toute demande du salarié de modification
nécessitera l’accord de l’employeur.
Quelles sanctions en cas de manquement
à la durée minimale de travail ?
8 En cas de recours à un contrat de moins de 24 h par
semaine en dehors des dérogations autorisées, l’employeur
s’expose en premier à une demande de rappel de salaires
visant à obtenir le différentiel entre l’horaire hebdomadaire
convenu et 24 h (le délai de prescription étant de 3 ans),
accompagnée d’une demande de dommages et intérêts en
réparation du préjudice subi du fait d’un « sous-emploi ». Le
risque d’exposition à une requalification en contrat à temps
plein serait relativement restreint, dès lors que le non-respect
de la durée minimale légale ne permettrait pas en soi au salarié
d’arguer qu’il était en permanence à la disposition de l’employeur.
Par ailleurs, le salarié pourrait tenter d’invoquer le manquement de l’employeur à ses obligations légales pour prendre
acte de la rupture ou demander la résiliation judiciaire du
contrat aux torts de l’employeur.
Les dispositions pénales relatives au travail à temps partiel
n’ont pas été modifiées par la loi, de sorte que le non-respect
de la durée minimale échappe à toute sanction pénale.
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Editions Francis Lefebvre