septembre - octobre 2009
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Cour de cassation Service de Documentation et d’Etudes __________________________________________________________________ -------------------------------- VEILLE BIMESTRIELLE DE DROIT EUROPÉEN Septembre - Octobre 2009 n/ 27 ___________________________________________________________ Observatoire du droit européen SOMMAIRE ACTUALITÉ Actualité de l’Union Européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Textes normatifs et textes en préparation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Textes non normatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Actualité du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Travaux du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Ratifications et signatures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Actualité internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Actualité nationale en droit européen et droit communautaire . . . . . . . . . . . . 23 Sources communautaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 JURISPRUDENCE Arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l’homme . . . . . . . . 28 Liste des arrêts et décisions commentés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Décisions sur la recevabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Arrêts de la Cour de justice et du Tribunal de première instance des communautés européennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 Liste des arrêts et conclusions des Avocats généraux . . . . . . . . . . . . . . . . 86 Concurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 Coopération policière et judiciaire en matière pénale . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Environnement et consommateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Espace de liberté, sécurité, et justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 Libre circulation des capitaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Libre circulation des personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 Libre prestation de service . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Principe du droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150 Propriété intellectuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 Rapprochement des législations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155 Sécurité sociale des travailleurs migrants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 Transport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 Affaires communautaires à suivre : Conclusions des avocats généraux . . . 167 Citoyenneté européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Concurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Environnement et consommateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Espace de liberté, sécurité, et justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 170 172 180 182 DÉCISIONS D’AUTRES INSTANCE JURIDICTIONNELLES, FRANÇAISES OU ÉTRANGÈRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187 Arrêt de l’assemblée du contentieux du Conseil d’Etat français . . . . . . . . 188 DOCTRINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190 Commentaires d’arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . 192 Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194 Articles généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198 Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . 199 Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 DOSSIER : Cour européenne des droits de l’homme : L’audience de Grande chambre Taxquet c/ Belgique, 21 octobre 2009 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204 Cette veille est désormais disponible en ligne sur le site intranet de la Cour de cassation http://srv-cassation/Rpvjcc/AccueilRpvjcc_800.asp sous la rubrique “Documentation” (en suivant la flèche en bas d’écran). L’équipe de l’Observatoire du droit européen : Françoise CALVEZ, auditeur Anne-Claire DUBOS, greffier en chef Aurélie DRESSAYRE, assistante de justice Elodie SALLES, assistante de justice Héloïse PLAQUIN, assistante de justice Tous nos remerciements pour leur participation active à l’élaboration de ce document à Yamina Doolaur, vacataire, et à Edouard Descotis, stagiaire. ACTUALITÉ -1- ACTUALITÉ DE L’UNION EUROPÉENNE -2- TEXTES NORMATIFS ET TEXTES EN PRÉPARATION 1 T Règlement (CE) n/ 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas). « Ce règlement s’inscrit dans le contexte de la création d’un espace de libre circulation des personnes s’accompagnant de mesures concernant les contrôles aux frontières extérieures, l’asile et l’immigration ; il entre dans les prévisions de l’article 62, point 2), du traité CE, selon lequel “des mesures relatives au franchissement des frontières extérieures des États membres fixent les règles relatives aux visas pour les séjours prévus d’une durée maximale de trois mois, notamment les procédures et conditions de délivrance des visas par les États membres”.» Publication : JO L 243 du 15 septembre 2009. T Position commune 2009/717/PESC du Conseil du 24 septembre 2009 prorogeant la position commune 2004/694/PESC concernant de nouvelles mesures définies à l’appui d’une mise en œuvre effective du mandat du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) Publication : JO L 253 du 25 septembre 2009. T Décision 2009/724/JAI de la Commission du 17 septembre 2009 fixant la date d’achèvement de la migration du système d’information Schengen (SIS 1+) vers le système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) Publication : JO L 257 du 30 septembre 2009. T Directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité « Il s’agit, dans un souci de clarté et de rationalité, de procéder à la codification des trois directives successives depuis la directive 72/166/CEE, ainsi que de la directive 2005/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 modifiant les directives 72/166/CEE, 84/5/CEE, 88/357/CEE et 90/232/CEE du Conseil et la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil sur l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs ». Publication : JO L. 263 du 7 octobre 2009 T Décision 2009/705/CE de la Commission du 14 septembre 2009 portant création d’un groupe consultatif européen des consommateurs « Depuis 1973, la Commission bénéficie de l’assistance d’un groupe consultatif créé à cette fin par 1 Pour plus d’informations : http://eur-lex.europa.eu/fr/index.htm -3- des décisions successives, la dernière étant la décision 2003/709/CE de la Commission du 9 octobre 2003 portant création d’un groupe consultatif européen des consommateurs. Le présent texte vise notamment à modifier le mode de désignation des membres de ce groupe. » Publication : JO L 244 du 16 septembre 2009. T Directive 2009/120/CE de la Commission du 14 septembre 2009 modifiant la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain en ce qui concerne les médicaments de thérapie innovante Publication : JO L 242 du 15 septembre 2009 « La crise financière a mis en lumière de graves lacunes dans la surveillance financière, à la fois dans des cas particuliers et en ce qui concerne le système financier dans son ensemble. En conséquence, M. Barroso, président de la Commission européenne, a demandé à un groupe d’experts de haut niveau, présidé par M. Jacques de Larosière, de formuler des propositions pour renforcer les dispositifs européens en matière de surveillance, avec pour objectif de mettre en place un système européen de surveillance plus efficace, plus intégré et plus durable. Le groupe a soumis son rapport le 25 février 2009. » Les trois propositions suivantes s’inscrivent dans ce cadre : - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité européenne des marchés financiers (document COM(2009) 503 final) - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité bancaire européenne T Proposition de règlement du Conseil sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort « Les exigences techniques de la directive 93/119/CE1 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort n’ont jamais été modifiées en dépit des évolutions dans ce domaine. De nouvelles technologies ont été introduites, rendant certaines normes obsolètes. Il s’agit d’abroger la directive antérieure en prenant en compte ces améliorations. » T Proposition de règlement établissant des règles communes pour les transports internationaux de voyageurs effectués par autocars et autobus (refonte) : « Projet de règlement abrogeant le règlement (CEE) n/ 684/92 et le règlement (CE) n/ 12/98. Le règlement (CEE) n/ 684/92 a ouvert l’accès au marché des transports internationaux de voyageurs effectués par autocars et autobus tandis que le règlement (CE) n/ 12/98 a fixé les conditions de l’admission des transporteurs non résidents aux services de transport dans un État membre. » Références : COM(2007) 264 final T Proposition de décision-cadre du Conseil concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, ainsi que la protection des victimes, abrogeant la décision-cadre 2002/629/JAI « Par cette proposition, il s’agit d’abroger la décision-cadre 2002/629/JAI relative à la lutte contre -4- la traite des êtres humains en lui substituant un texte plus complet, incluant des dispositions en matière de droit pénal matériel, de compétence et poursuites, de droits des victimes dans le cadre de la procédure pénale, d’assistance aux victimes, de mesures de protection particulières pour les enfants, de prévention, et de contrôle. » Références : COM (2009) 136 et 2009/0050/CNS T Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen « Prenant en compte l’importance des successions transfrontalières au sein de l’Union européenne, la présente proposition vise à permettre aux personnes résidant dans l’Union européenne d’organiser à l’avance leur succession et de garantir d’une manière efficace les droits des héritiers et/ou légataires, et des autres personnes liées au défunt ainsi que des créanciers de la succession. » Références : COM (2009) 154 et 2009/0157/COD T Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (CE) n/ […/…] [établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride] Références : COM (2008) 825 2008/0242/COD T Proposition de règlement du Parlement portant création d’un Bureau européen d’appui en matière d’asile : « Dès 2004, le Programme de la Haye envisageait la mise en place d’un bureau d’appui européen chargé de toutes les formes de coopération entre les États membres qui sont liées au régime d’asile européen commun. Cette proposition vise à répondre à cette demande. » Références : COM (2009) 66 et 2009/0027/COD T Proposition de directive du parlement européen et du conseil, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres (Refonte) « A la suite du Livre Vert de juin 2007, la Commission dispose à présent d’une grande quantité d’informations sur la mise en oeuvre de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, y compris de nombreuses informations sur les lacunes et insuffisances liées à son libellé et à son application pratique. Elle a mis en évidence un problème essentiel, à savoir que les normes minimales adoptées sont vagues et ambiguës, problème auquel ce texte cherche à remédier. La directive 2005/85/CE du Conseil dite “directive sur les procédures d’asile” est également modifiée. » Références : COM (2008) 820 et 2008/0243/COD et COM(2009) 554 final -5- T Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation intérieure et modifiant le règlement (CE) n/ 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs Références : COM (2008) 816 et 2008/0246/COD T Proposition de directive concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, et relatives au contenu de cette protection. T Directive 2009/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 modifiant la directive 2005/35/CE relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions « Le 23 octobre 2007, la Cour de justice des Communautés européennes a annulé la décision-cadre 2005/667/JAI du Conseil du 12 juillet 2005 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires, qui avait complété la directive 2005/35/CE par des mesures de droit pénal. La présente directive devrait combler le vide juridique créé par l’arrêt. » Publication : JO L 280 du 27 octobre 2009 T Règlement (CE) n/ 954/2009 de la Commission 13 octobre 2009 modifiant pour la cent-quatorzième fois le règlement (CE) n/ 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban Publication : JO L 269 du 14 octobre 2009 T Directive 2009/104/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs au travail d’équipements de travail « La directive 89/655/CEE du Conseil du 30 novembre 1989 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs au travail d’équipements de travail (deuxième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) a été modifiée à plusieurs reprises et de façon substantielle. Il convient, dans un souci de clarté et de rationalité, de procéder à la codification de ladite directive. » Publication : JO L 260 du 3 octobre 2009 T Directive 2009/109/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 modifiant les directives 77/91/CEE, 78/855/CEE et 82/891/CEE du Conseil ainsi que la directive 2005/56/CE en ce qui concerne les obligations en matière de rapports et de documentation en cas de fusions ou de scissions « Le Conseil européen, lors de sa réunion des 8 et 9 mars 2007, avait convenu que les charges -6- administratives imposées aux sociétés devraient être réduites de 25 % d’ici à 2012 afin de renforcer la compétitivité des sociétés dans la Communauté. La présente directive s’inscrit dans ce cadre. » Publication : JO L 259 du 2 octobre 2009 T Directive 2009/102/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 en matière de droit des sociétés concernant les sociétés à responsabilité limitée à un seul associé Publication : JO L 258 du 1er octobre 2009 -7- TEXTES NON NORMATIFS T Communication de la Commission concernant les lignes directrices destinées à améliorer la transposition et l’application de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres T Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen - Renforcer l’application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur : « La Commission européenne a adopté aujourd’hui une communication sur l’amélioration de l’application des droits de propriété intellectuelle dans le marché intérieur. Cette communication expose une série d’initiatives pratiques visant à répondre aux conséquences graves qu’ont la contrefaçon et le piratage sur les économies de l’UE et sur la société en général. La Commission propose de compléter le cadre juridique existant par une application mieux ciblée en renforçant la coopération entre le secteur privé, les autorités nationales et les consommateurs dans l’ensemble du marché intérieur ». (Abstract) T Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la mise en œuvre des dispositions relatives à l’apposition de cachets sur les documents de voyage des ressortissants de pays tiers conformément aux articles 10 et 11 du règlement (CE) n/ 562/2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) T Communication de la Commission - Le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance Sources : COM (2009) 532 T Communication de la Commission - Intégrer le développement durable dans les politiques de l’UE : rapport de situation 2009 sur la stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable Sources : COM (2009) 400 T Communication de la Commission - Une approche communautaire de la prévention des catastrophes naturelles ou d’origine humaine Sources : COM (2009) 82 -8- COMMUNIQUÉS COMMISSION EUROPÉENNE 2 T Journée européenne de la justice civile « Dans le prolongement des événements organisés les années précédentes, cette septième édition de la Journée européenne de la justice civile sera à nouveau l’occasion de proposer, dans les États membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, différents événements autour de la date du 25 octobre. Il pourra s’agir de conférences locales, de journées portes ouvertes, de visites guidées, de rencontres avec des praticiens du droit ou d’autres actions destinées aux plus jeunes. Le point commun de toutes ces actions sera de permettre aux citoyens de mieux comprendre leur système de justice civile » Abstract. Références : IP/09/1584, Bruxelles, le 26 octobre 2009 T La Commission va recouvrer auprès des États membres 214,6 Mio EUR correspondant à des dépenses au titre de la PAC Sources : CE, IP/09/1375, Bruxelles, le 29 septembre 2009 T Renforcer la dimension sociale de la stratégie pour la croissance et l’emploi - nouveau rapport « À l’avenir, la stratégie de l’Union européenne pour la croissance et l’emploi doit être plus attentive aux objectifs de cohésion sociale : c’est ce que réclame un nouveau rapport présenté aujourd’hui par la Commission européenne. Le rapport du Comité de la protection sociale - qui rassemble des experts de tous les pays de l’UE - constate que les systèmes de protection sociale ont contribué à protéger les Européens contre les conséquences les plus graves de la crise financière. Il conclut cependant que la protection sociale seule ne suffit pas pour prévenir la pauvreté et l’exclusion, et appelle à mettre davantage l’accent sur des objectifs tels que la lutte contre la pauvreté des enfants et la promotion de mesures d’inclusion active. La modernisation accrue de la protection sociale doit s’articuler pleinement avec les stratégies pour la croissance et l’emploi. » (Abstract) Sources : CE, IP/09/ 1374, Bruxelles, le 29 septembre 2009. T Concurrence : la Commission adopte un nouveau règlement d’exemption par catégorie en faveur des compagnies maritimes de ligne (consortiums) Sources : CE, IP/09/ 1367, Bruxelles, le 28 septembre 2009. 2 Pour plus d’informations : http://europa.eu/rapid/setLanguage.do?language=fr : recherche via la référence du communiqué. -9- T Une plate-forme de l’UE pour améliorer l’accès des Roms à l’éducation Sources : CE, IP/09/1365, Bruxelles, le 28 septembre 2009 T Environnement : l’Union européenne salue la ratification universelle du protocole de Montréal pour la protection de la couche d’ozone Sources : CE, IP/09/ 1328, Bruxelles, le 16 septembre 2009 T Fiscalité des sociétés : la Commission européenne propose un code de conduite révisé en matière d’application de la convention d’arbitrage visant à améliorer la prévention des doubles impositions Sources : CE, IP/09 /1312, Bruxelles, le 14 septembre 2009 T La Commission entend renforcer la lutte contre le terrorisme et autres infractions pénales graves en autorisant les services répressifs à consulter les empreintes digitales des demandeurs de protection internationale Sources : CE, IP/09/ 1295, Bruxelles, le 10 septembre 2009 T Espace unique de paiements en euros : la Commission présente des mesures pour assurer le succès du SEPA « L’espace unique de paiements en euros (ou SEPA pour Single Euro Payments Area) est une initiative du secteur bancaire européen et vise à créer un marché intégré pour les services de paiement électronique en euros, avec des normes techniques et des règles harmonisées pour l’exercice de ces activités. Grâce aux nouveaux paiements européens, les consommateurs, les entreprises, les commerçants et les administrations pourront effectuer leurs paiements dans des conditions identiques dans toute l’Europe aussi facilement que dans leur propre pays. La nouvelle communication propose un cadre d’action en six priorités, qui nécessite une plus grande participation de tous les acteurs concernés afin de parvenir à la mise en œuvre complète du SEPA ». (Abstract). Sources : CE, IP/09/1296, Bruxelles, le 10 septembre 2009 T Protection des consommateurs : l’UE prend des mesures coercitives contre les sites de vente en ligne de biens de consommation électroniques « (...) L’enquête a porté sur 369 sites commercialisant six des biens électroniques les plus vendus : appareils photos numériques, téléphones portables, lecteurs mp3, lecteurs DVD, accessoires informatiques et consoles de jeux vidéo. Ont ainsi été examinés 200 des principaux sites de vente en ligne d’équipement électronique ainsi que plus d’une centaine de sites choisis en fonction des plaintes de consommateurs. Les résultats des vérifications effectuées en mai dernier montrent que 55% des sites contrôlés présentent des irrégularités concernant les points suivants: informations mensongères sur les droits des consommateurs; informations mensongères sur le coût total des produits; coordonnées du détaillant incomplètes. Les premières vérifications (...) ». Sources : CE, IP /09/1292, Bruxelles, le 9 septembre 2009 -10- Parlement européen 3 T Conférence de Copenhague, le Parlement européen s’engage Sources : PE, communiqué de presse du 28 octobre 2009 T Deuxième session plénière d’octobre : dossier complet Sources : PE, communiqué de presse du 16 octobre 2009 T Traité de Lisbonne, justice et affaires intérieures : les priorités des prochains mois Sources : PE, communiqué de presse du 12 octobre 2009 T “Dix choses à retenir de la première session plénière d’octobre” Sources : PE, communiqué de presse du 12 octobre 2009 T Droits de l’homme en Russie, la fin des tabous ? Sources : PE, communiqué de presse du 2 octobre 2009 T Sécurité et ouverture, priorités du futur « programme de Stockholm » Sources : PE, Communiqué de presse du 1er octobre 2009 x x x 3 Pour plus d’informations http://www.europarl.europa.eu/news/ -11- COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES T M. Vassilios Skouris est réélu Président de la Cour de justice des Communautés européennes. « M Skouris, né en 1948, de nationalité grecque, professeur de droit public, a été élu président de la CJCE, le 7 octobre 2003 ; il vient d’être réélu pour un mandat de trois ans. » Sources : CJCE, communiqué de presse n/ 89/09, Luxembourg, le 7 octobre 2009 T Election des présidents des chambres à cinq juges de la CJCE et désignation d’un Premier avocat général . « La Cour a procédé à un renouvellement partiel de ses membres et à l’entrée en fonction de nouveaux Membres au Tribunal de première instance et au Tribunal de la fonction publique. Les juges de la Cour ont élu parmi eux, le 7 octobre 2009, les présidents des chambres à cinq juges, conformément au paragraphe 1 de l’article 10 du Règlement de procédure de la Cour de justice. Ainsi, ont été désignés, pour une période de trois ans : M. Antonio Tizzano, président de la 1ère chambre, M. José Narciso da Cunha Rodrigues, président de la 2ème chambre, M. Koen Lenaerts, président de la 3ème chambre et M. Jean-Claude Bonichot, président de la 4ème chambre. La Cour a désigné, le 8 octobre 2009, pour une durée d’un an, M. Paolo Mengozzi, Premier Avocat général. » Sources : CJCE, communiqué de presse n/ 90/09, Luxembourg, le 7 octobre 2009. -12- ACTUALITÉ DU CONSEIL DE L’EUROPE -13- TRAVAUX DU CONSEIL DE L’EUROPE 4 T Quel avenir pour les droits de l’homme et la démocratie en Europe ? Le rôle du Conseil de l’Europe « La Conférence de Paris a organisé un débat concernant le rôle du Conseil de l’Europe le 11 septembre 2009, à l’Assemblée Nationale, à Paris. » Sources : Annonce aux médias 088(2009), Strasbourg, le 1er septembre 2009. T Séminaire sur les questions juridiques transversales en matière de cybercriminalité, de pornographie enfantine et d’exploitation et d’abus sexuels des enfants « Ce séminaire organisé par le Conseil de l’Europe dans le cadre du projet commun avec l’Union Européenne sur le renforcement et la protection du droit des femmes et des enfants en Ukraine (projet TRES) se tiendra les 30 septembre et 1er octobre 2009 à Kyiv (Ukraine). » Sources : Annonce aux médias - 097(2009) T 15e Conférence des directeurs d’administration pénitentiaire du Conseil de l’Europe « Sous le thème “Prisons surpeuplées : à la recherche de solutions”, les directeurs d’administrations pénitentiaires européennes ont discuté du surpeuplement pénitentiaire. La Conférence s’est tenue du 9 au 11 septembre 2009, à Edimbourg en Ecosse. » Sources : Annonce aux médias 093(2009), Strasbourg, le 08 septembre 2009 T Conférence pour marquer le 10e anniversaire du GRECO et évaluer les défis lancés par la lutte contre la corruption « La Conférence organisée par le Groupe d’Etats contre la Corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe a eu lieu le 5 octobre 2009 au Conseil de l’Europe, Palais de l’Europe (Strasbourg) » Sources : Annonce aux médias, Strasbourg, le 23 septembre 2009. T Conférence internationale sur les droits de l’enfant et la protection des enfants contre la violence « La présidence slovène du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée nationale slovène, le Médiateur aux droits de l’homme et le ministère slovène des Affaires étrangères organise sous le haut patronage du Président de la Slovénie Danilo Türk, une conférence internationale. Tenue à l’Assemblée nationale de Slovénie les 6 et 7 octobre 2009 elle a évoqué trois thèmes : l’éducation aux droits de l’enfant, le droit d’être protégé contre la violence, et les 4 Sources : site du Conseil de l’Europe , http://www.coe.int/DefaultFR.asp ; rubrique “ Presse Multimédiia ”. -14- activités du Conseil de l’Europe et du Gouvernement de la Slovénie dans ces domaines. » Sources : Annonce aux médias - 104(2009), le 5 octobre 2009. T Conférence « La Convention sur les droits de l’homme et la Biomédecine : 10 ans après » « Le Comité directeur sur la Bioéthique (CDBI) du Conseil de l’Europe et les autorités slovènes dans le cadre de la Présidence slovène du Comité des Ministres organiseront une conférence, le 3 novembre 2009 au Conseil de l’Europe, dont l’objectif sera “d’examiner l’impact de la Convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine - encore appelée Convention d’Oviedo -, son actualité et la pérennité des principes qu’elle a établis. Les thèmes suivants seront examinés et discutés : - impact de la Convention à la fois sur le plan législatif et sur le plan pratique, - analyse des raisons de l’absence de ratification de la Convention, par certains Etats ; - le cas échéant, dans quelle mesure certains principes sont remis en question dans la pratique aujourd’hui.” » Sources : Annonce aux médias - 106(2009) -15- COMMUNIQUÉS T Décision de justice non respectée en Ukraine : un arrêt pilote de la CEDH « La Cour européenne des droits de l’homme a condamné jeudi l’Ukraine dans un arrêt pilote qui va s’appliquer à des centaines de plaintes de citoyens ukrainiens victimes du non-respect de décisions de justice. Les juges de Strasbourg donnent un an à l’Ukraine pour introduire dans la loi “un recours garantissant une réparation adéquate et suffisante en cas de non-exécution ou d’exécution tardive des décisions de justice. Cet arrêt devra s’appliquer à tous les requérants qui ont porté devant la Cour une affaire semblable”, est-il précisé. “Environ 1 400 requêtes dirigées contre l’Ukraine pour les mêmes problèmes sont actuellement pendantes”, indique la Cour. L’arrêt-pilote a été rendu après la plainte d’un retraité de l’armée qui n’avait pas reçu sa pension de retraite forfaitaire. En août 2001, l’armée fut condamnée et elle paya des arriérés de pension, mais non la totalité de sa créance. La CEDH observe un retard d’exécution de plus de sept ans « causé » par une combinaison de facteurs (manque de moyens, inaction des huissiers et défauts de la législation nationale) “dont l’Ukraine est totalement responsable”. La Cour dénonce aussi l’absence de recours interne effectif permettant d’y remédier. Ces problèmes sont la source des violations régulièrement constatées depuis 2004 dans plus de 300 affaires concernant l’Ukraine, précise l’arrêt. Dans l’attente de l’adoption de telles mesures, la CEDH a décidé de suspendre pour un an les procédures relatives à toute nouvelle affaire ukrainienne concernant uniquement la non-exécution ou l’exécution tardive de décisions de justice internes. » Sources : AFP, Strasbourg, le 15 octobre 2009 T Débat pour la 3ème journée européenne contre la peine de mort Sources : Annonce aux médias - 110(2009),Strasbourg, le 8 octobre 2009 T Le Congrès met en avant l’édition 2009 de la Semaine européenne de la démocratie locale « Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, réuni en séance plénière du 13 au 15 octobre 2009, organise une série de manifestations pour promouvoir la Semaine européenne de la démocratie locale de cette année. » Sources : Annonce aux médias - 109(2009),Strasbourg, le 7 octobre 2009. T L’indépendance du système judiciaire, principal rempart contre l’ingérence politique dans le fonctionnement de la justice, selon l’APCE « Dans une résolution adoptée aujourd’hui à l’unanimité, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) souligne que l’indépendance du système judiciaire est le principal rempart contre toute ingérence motivée par des considérations politiques, dans le fonctionnement de la justice. Afin d’assurer la réussite des réformes en cours, l’Assemblée préconise de maintenir un juste équilibre entre le rôle des acteurs qui jouissent d’une pleine indépendance (juges, avocats -16- de la défense), et celui du ministère public et de la police. » Sources : Communiqué de presse - 712(2009), Strasbourg, le 30 septembre 2009 T Pour les parlementaires du Conseil de l’Europe, vivre dans un environnement sain devrait être un droit de l’homme juridiquement applicable « L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a lancé aujourd’hui un appel afin que le “droit de vivre dans un environnement sain et viable” soit inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui le rendrait juridiquement applicable dans tous les tribunaux d’Europe ». Sources : Communiqué de presse - 713(2009), Strasbourg, le 30 septembre 2009. T Cour européenne des droits de l’homme : entrée en vigueur du Protocole 14bis « Le Protocole n/ 14bis à la Convention européenne des droits de l’homme, dont l’objet est d’améliorer la capacité de la Cour européenne des droits de l’homme à traiter le nombre croissant de requêtes, entre en vigueur le 1er octobre. » 5 Sources : Communiqué de presse - 710(2009), Strasbourg, le 30 septembre 2009 T Le Conseil de l’Europe et l’OCDE renforcent leur Convention conjointe pour lutter contre la fraude fiscale « A la veille du Sommet du G20 de Pittsburgh, l’OCDE et le Conseil de l’Europe ont décidé d’améliorer la coopération internationale pour combattre la fraude fiscale. » Sources : Communiqué de presse - 692(2009), Strasbourg, le 25 septembre 2009 T « Les personnes handicapées mentales ne doivent pas être privées de leurs droits fondamentaux » « “Les personnes présentant des troubles psychiques ou des déficiences intellectuelles étaient, encore tout récemment, traitées comme des non-personnes inaptes à prendre des décisions sensées. Elles étaient privées de leurs droits fondamentaux”, souligne Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. » Sources : Communiqué de presse - 672(2009), Strasbourg, le 21 septembre 2009 T 30e anniversaire du Traité du Conseil de l’Europe sur la biodiversité : la Convention de Berne continue de protéger le patrimoine naturel européen « Le 19 septembre 2009 marquera le 30e anniversaire de l’adoption dans la capitale helvétique de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et des habitats naturels de l’Europe (Berne, 1979). » 5. Voir pour plus de détails Veille Bimestrielle n/ 24, p. 148 Le réforme de la Cour européenne des droits de l’homme”. -17- Sources : Communiqué de presse - 671(2009), Strasbourg, le 18 septembre 2009 T EuroDIG 2009 : la protection des droits de l’homme et l’accès universel sont des priorités essentielles pour la gouvernance de l’Internet « La protection des droits de l’homme, l’accès universel à l’Internet comme service public et la promotion de la compétence médiatique devraient figurer au premier rang des priorités de la gouvernance de l’Internet en Europe. Telles sont, entre autres, les conclusions du 2e Dialogue européen sur la gouvernance de l’Internet, auquel ont participé 200 représentants de l’industrie, des gouvernements, des parlements et de la société civile les 14 et 15 septembre à Genève. » Sources : Communiqué de presse - 660(2009), Genève, le 16 septembre 2009 -18- RATIFICATIONS ET SIGNATURES 6 T Le 9 septembre 2009 : La Slovaquie a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels. T Le 11 septembre 2009 : La Norvège a approuvé la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics. T Le 14 septembre 2009 : La Serbie a ratifié la Charte sociale européenne (révisée). T Le 15 septembre 2009 : La Roumanie a signé le Protocole n/ 14bis à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentale. T Le 16 septembre 2009 : L’Espagne a ratifié : - le Protocole additionnel n/ 4 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, reconnaissant certains droits et libertés autres que ceux figurant déjà dans la Convention et dans le premier Protocole additionnel à la Convention ; - le Protocole additionnel n/ 7 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales ; T Le 17 septembre 2009 : La Belgique a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme. 6 Voir site du Conseil de l’Europe, http://www.coe.int/DefaultFR.asp sous la rubrique : “Activités” sous “Bureau des Traités”. -19- T Le 24 septembre 2009 : L’Espagne a signé le Protocole additionnel à la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données. T Le 1er octobre 2009 : La Pologne a signé le Protocole n/ 14bis à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales. -20- ACTUALITÉ INTERNATIONALE -21- T Réunion du Conseil des droits de l’Homme (ONU) pour sa 12ème session (du 4 septembre au 2 octobre 2009). Le Conseil des droits de l’Homme créé, le 15 mars 2006 a succédé à la Commission des droits de l’Homme. L’un des principaux changements par rapport au fonctionnement de l’exCommission des droits de l’Homme consiste en la mise en place d’un mécanisme d’Examen périodique universel (EPU) de tous les pays au regard des droits de l’Homme. N La liste des rapports, dont ceux portant sur plusieurs Etats sont disponibles à l’adresse suivante : http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/12session/reports.htm -22- ACTUALITÉ NATIONALE EN DROIT EUROPÉEN ET DROIT COMMUNAUTAIRE -23- SOURCES COMMUNAUTAIRES T Projet de loi organique relatif au Défenseur des droits, au nom de M. François FILLON, session extraordinaire 2008-2009, document n/ 610. « Le Défenseur des droits a été créé à l’occasion de la révision constitutionnelle de 2008 et consacré à l’art. 71-1 de la Constitution qui dispose notamment : “Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.” Il a vocation à remplacer le Médiateur de la République, la Défenseuse des enfants et d’autres autorités administratives indépendantes œuvrant déjà dans son champ de compétences. » L Ce projet est disponible sur internet : http://www.senat.fr/leg/pjl08-610.html T Les travaux de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe au cours de la troisième partie de la session ordinaire - 2009 - de cette assemblée Sources : Rapport d’information de Mme Josette DURRIEU, fait au nom de la délégation à l’Assemblée du Conseil de l’Europe, n/ 586 (2008-2009) - 23 juillet 2009. T Proposition de résolution n/ 72 (2009-2010) sur le projet d’accord avec les États-Unis sur le traitement et le transfert de données de messagerie financière afin de combattre le terrorisme Sources : http://www.senat.fr/dossierleg/ppr09-072.html T L’évolution du rôle européen du Sénat « Dans le contexte de l’entrée en vigueur prochaine du traité de Lisbonne, ce rapport fait le point sur le renforcement progressif du contrôle du Sénat sur les affaires européennes. Après avoir rappelé les étapes de ce renforcement et notamment la dernière d’entre elles, résultant de la révision constitutionnelle de 2008 et de la réforme du Règlement du Sénat, il rappelle les nouvelles responsabilités confiées aux parlements nationaux par le traité de Lisbonne et fait des propositions sur la manière dont le Sénat devrait les exercer. » L Ce rapport est disponible sur internet: http://www.senat.fr/noticerap/2009/r09-024-notice.htm Sources : Rapport d’information de M. Hubert Haenel, n/ 24 (2009-2010) - 8 octobre 2009 T Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’application facultative et temporaire de l’autoliquidation aux livraisons de certains biens et prestations de certains services présentant un risque de fraude Sources : E4792 - COM (2009) 511 final du 29/09/2009, texte déposé au Sénat le 05/10/2009 -24- T Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n/ 1104/2008 relatif à la migration du système d’information Schengen (SIS 1+) vers le système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) Sources : E4800 - COM (2009) 508 final du 29/09/2009, texte déposé au Sénat le 07/10/2009 T Projet de règlement (CE) de la Commission modifiant l’annexe I du règlement (CE) n/ 689/2008 du Parlement européen et du Conseil concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux Sources : E4832 - du 08/10/2009,Texte déposé au Sénat le 16/10/2009 T Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen. Sources : E4863 - COM (2009)154 final du 14/10/2009,Texte déposé au Sénat le 26/10/2009 T Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services N Ce texte a fait l’objet d’une proposition de résolution disponible sur le site : http://www.senat.fr/dossierleg/ppr09-066.html Sources : http://www.senat.fr/ue/pac/UE0021.html T Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, et relatives au contenu de cette protection Sources : E4871 - COM (2009) 551 final du 21/10/2009, Texte déposé au Sénat le 28/10/2009 T Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres (Refonte) Sources : E4872 - COM (2009) 554 final du 21/10/2009, Texte déposé au Sénat le 28/10/2009 T Projet d’accord entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique portant sur le traitement et le transfert de données de messagerie financière afin de combattre le terrorisme. (Examen par la commission des affaires européennes le 28/10/2009) N Ce texte a fait l’objet d’une proposition de résolution disponible sur le site : http://www.senat.fr/dossierleg/ppr09-072.html Sources : http://www.senat.fr/ue/pac/UE0023.html -25- T Débat européen au Sénat « Le jeudi 22 octobre, à 16 h 15, le Sénat se consacrera à un débat de suivi des positions européennes qu’il a prises antérieurement. Quatre sujets seront abordés : - Droits des consommateurs (...) - Brevets européen et communautaire (...) - Coopération policière et judiciaire: situation en Bulgarie et en Roumanie (...) - Transposition insuffisante d’une directive ferroviaire (...) » Sources : Communiqué du 19 octobre 2009 -26- JURISPRUDENCE -27- ARRÊTS ET DÉCISIONS DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME 7 7 Les arrêts de la CEDH sont disponibles sur le site http://www.echr.coe.int/ECHR/ . Les arrêts présentés deviendront définitifs dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. -28- LISTE DES ARRÊTS ET DÉCISIONS CI-APRÈS COMMENTÉS, classement par articles Article 2 : DROIT À LA VIE CEDH, Gde ch., Varnava et autres c. Turquie, 18 septembre 2009, req. n/ 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90, 16071/9016072/90 et 16073/90, p. 61. Article 3 : INTERDICTION DE LA TORTURE - CEDH, Abdolkhani et Karimnia c. Turquie, 22 septembre 2009, req n/ 30471/08, p. 58. - CEDH, Dayanan c. Turquie, 13 octobre 2009, req. n/ 7377/03, p. 42. - CEDH, Gde ch., Enea c. Italie, 17 septembre 2009, req. n/ 74912/01, p. 64. - CEDH, E.S et autres c. Slovaquie, 15 septembre 2009, req. n/ 8227/04, p. 76. - CEDH, Paradusz c. France, 29 octobre 2009, req. n/ 17020/05, p. 31. CEDH, Gde ch., Varnava et autres c. Turquie, 18 septembre 2009, req. n/ 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90, 16071/9016072/90 et 16073/90, p. 61. Article 5 : DROIT À LA LIBERTÉ ET À LA SÛRETÉ - CEDH, Abdolkhani et Karimnia c. Turquie, 22 septembre 2009, req n/ 30471/08, p. 58 - CEDH, De Schepper c. Belgique, 13 octobre 2009, req. n/ 27428/07, p. 43. - CEDH, Maloum c. France, 8 octobre 2009, req. n/ 35471/06, p. 48. - CEDH, Naudo c. France, 8 octobre 2009, req. n/ 35469/06, p. 48 - CEDH, Paradusz c. France, 29 octobre 2009, req. n/ 17020/05, p. 31 CEDH, Gde ch., Varnava et autres c. Turquie, 18 septembre 2009, req. n/ 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90, 16071/9016072/90 et 16073/90, p. 61. Article 6 : DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE - CEDH, Chaudet c. France, 29 octobre 2009, req. n/ 49037/06, p. 33 - CEDH, Dayanan c. Turquie, 13 octobre 2009, req. n/ 7377/03, p. 42. - CEDH, Gde ch., Enea c. Italie, 17 septembre 2009, req. n/ 74912/01, p. 64 - CEDH, déc. Gas et Dubois c. France, 1er septembre 2009, req. n/ 45827/07, présentée par M. Jacquier, p. 83. - CEDH, Ferré Gisbert c. Espagne, 13 octobre 2009, req. n/ 39590/05, p. 40 - CEDH, Mérigaud c. France, 24 septembre 2009, req. n/ 32976/04, p. 56. - CEDH, Moskal c. Pologne, 15 septembre 2009, req. n/ 10373/05, p.70. - CEDH, Sartory c. France, 24 septembre 2009, req. n/ 40589/07, p. 54. - CEDH, Gde Ch., Scoppola c. Italie (n/ 2), 17 septembre 2009, req. n/ 10249/03, p. 67. Article 7 : PAS DE PEINE SANS LOI - CEDH, Gde Ch., Scoppola c. Italie (n/ 2), 17 septembre 2009, req. n/ 10249/03, p. 67. -29- Article 8 : DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE - CEDH, C.C c. Espagne, 6 octobre 2009, req. n/ 1425/06, p. 49. - CEDH, Gde ch., Enea c. Italie, 17 septembre 2009, req. n/ 74912/01, p. 64. - CEDH, déc. Gas et Dubois c. France, 1er septembre 2009, req. n/ 45827/07, présentée par M. Jacquier, p. 83 - CEDH, Moskal c. Pologne, 15 septembre 2009, req. n/ 10373/05, p.70. - CEDH, déc. Frédéric Poitou c. France, 15 septembre 2009, req. n/ 16557/08, p. 79 Article 9 : LIBERTÉ DE PENSÉE, DE CONSCIENCE ET DE RELIGION - CEDH, Kimlya et autres c. Russie, 1er octobre 2009, req. n/ 76836/01 et 32782/03, p. 51 - CEDH, Mirolubovs et autres c. Lettonie15 septembre 2009, req. n/ 798/05, p. 73 Article 10 : LIBERTÉ D’EXPRESSION - CEDH, Alves da Silva c. Portugal, 20 octobre 2009, req. n/ 41665/07, p. 39. - CEDH, Brunet-Lecomte et Tanant c. France, 8 octobre 2009, req. n/ 12662/06, p. 46. - CEDH, Lombardi Vallauri c. Italie, 20 octobre 2009, req. n/ 39128/05, p. 37. - CEDH, déc. Jean-Hugues Matelly c. France, 15 septembre 2009, req. n/ 30330/04, p. 80 Article 11 : LIBERTÉ DE RÉUNION ET D’ASSOCIATION - CEDH, Kimlya et autres c. Russie, 1er octobre 2009, req. n/ 76836/01 et 32782/03, p. 51 Article 13 : DROIT A UN RECOURS EFFECTIF - CEDH, Abdolkhani et Karimnia c. Turquie, 22 septembre 2009, req n/ 30471/08, p. 58 - CEDH, Ferré Gisbert c. Espagne, 13 octobre 2009, req. n/ 39590/05, p. 40 Article 14 : INTERDICTION DE DISCRIMINATION combiné à l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 : DROIT AU RESPECT DES BIENS CEDH, Si Amer c. France, 29 octobre 2009, req. n/ 29137/06, p. 35. Article 1er du Protocole additionnel n/ 1 : PROTECTION DE LA PROPRIÉTÉ - CEDH, déc. EARL Pauvert c. France, 6 octobre 2009, req. n/ 25617/08. - CEDH, Moskal c. Pologne, 15 septembre 2009, req. n/ 10373/05, p.70. -30- Paradysz c. France 29 octobre 2009 - req. n/ 17020/05 - violation de l’article 5 § 3 en raison de la durée de la détention provisoire (droit à la liberté et à la sûreté), non violation de l’article 3 de la Convention (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) - T Faits : Le requérant est actuellement détenu à la maison d’arrêt de Metz. En février 2002, il fut placé en détention provisoire et mis en examen pour viol commis en récidive légale sous la menace d’une arme. Il fut maintenu en détention jusqu’à sa condamnation par la cour d’assises, le 1er juin 2006. Durant ces quatre années de détention provisoire, il sollicita à plusieurs reprises sa remise en liberté. Celle-ci lui fut toujours refusée, les juridictions saisies estimant notamment que les risques de récidive étaient trop importants. T Griefs : Devant la Cour européenne, le requérant invoquait plusieurs articles de la Convention. Sur le fondement de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), il se plaignait des conditions dans lesquelles il avait, à trois reprises, été transféré de la prison à l’hôpital (avec des menottes et des entraves aux pieds, et non en fauteuil roulant comme il aurait dû l’être, selon lui). Sur le fondement de l’article 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté), il soutenait que la durée de sa détention provisoire avait été excessive. T Décision : Concernant l’article 5 § 3 de la Convention La Cour précise dans un premier temps que pour déterminer la durée de la détention provisoire il convient de prendre en compte, comme point de départ, le jour de l’arrestation et comme terme à la détention, le jour de la condamnation. “En l’espèce, le requérant a été condamné le 1er juin 2006 par la cour d’assises ; à compter de ce moment, il était détenu « après condamnation par un tribunal compétent » et non en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente” (§ 61). La détention a donc duré, selon la Cour, quatre années, trois mois et dix-huit jours. Les juges européens recherchent dans les motivations des décisions nationales si le maintien en détention était justifié. Ils précisent que si “la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis une infraction (...) est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention, (...) au bout d’un certain temps elle ne suffit plus” et il convient alors d’établir “si les autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté”. Lorsque les motifs sont “« pertinents » et « suffisants », [la Cour] cherche (...) si les autorités nationales ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure” (§ 66). En l’espèce, la Cour note que la durée de la détention a été très longue et qu’elle a même été prolongée au delà de ce que prévoyait l’article 145-2 du code de procédure pénale. Elle examine alors les motifs des décisions de maintien en détention et constate que ceux-ci s’appuyaient notamment sur les risques de pression du requérant à l’égard de la victime ou des témoins et “sur l’insuffisance d’un contrôle judiciaire compte tenu en particulier du risque de -31- réitération des faits”. Or, elle considère que ces motifs étaient « pertinents » et « suffisants » pour justifier le maintien en détention du requérant. Concernant le risque de récidive que présentait le requérant, la Cour précise que “L’état de récidive légale dans lequel le requérant se trouvait, sa précédente condamnation en 1994 à treize ans d’emprisonnement pour des faits similaires, les conclusions du rapport d’expertise, les éléments de l’information qui révélaient en outre sa violence ont pu, de l’avis de la Cour, suffire à caractériser une dangerosité de l’intéressé rendant le danger plausible et la mesure adéquate.” (§ 71). La Cour vérifie ensuite si les autorités judiciaires ont fait preuve de diligence dans la poursuite de la procédure. Elle constate à cet égard des retards pour le dépôt du rapport de l’expert psychiatre ainsi que des périodes d’inactivités imputables aux autorités judiciaires, telle que la période entre l’ordonnance de renvoi de la chambre de l’instruction et la date de l’audiencement de l’affaire devant la cour d’assises. “Ainsi, et même si le requérant a fait preuve d’un comportement par certains moments obstructif, multipliant les voies de recours, les autorités judiciaires n’ont pas agi avec toute la promptitude nécessaire, puisque, sur la période totale de détention provisoire subie par le requérant (quatre années, trois mois et dix huit jours), une période de latence de 24 mois leur est imputable. Or, la Cour a déjà jugé que, même en présence de « motifs pertinents et suffisants » continuant à légitimer la privation de liberté, l’absence de « diligence particulière » apportée par les autorités nationales à la poursuite de la procédure peut entraîner une violation de l’article 5 § 3 de la Convention (voir, Garriguenc c. France, n/ 21148/02, § 49, 10 juillet 2008)” (§ 74). Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 3 de la Convention. Concernant l’article 3 de la Convention Le requérant soutenait que le port de menottes qui lui avait été imposé lors de ses transports de la maison d’arrêt vers l’hôpital, constituait un traitement inhumain ou dégradant. La Cour rappelle que, “pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, un mauvais traitement doit atteindre un seuil minimum de gravité” (§ 86). Elle précise que, de façon générale, le port des menottes durant une détention régulière ne pose pas de problème au regard de l’article 3 de la Convention et qu’il peut être justifié par la dangerosité du prévenu ou le risque de fuite. Cependant, elle explique “qu’elle attache une importance particulière aux circonstances de chaque espèce et l’examine au cas par cas, afin d’apprécier la nécessité d’entraver les condamnés en dehors du milieu pénitentiaire, notamment dans les hôpitaux” (§ 89). A cet égard, la Cour expose que, pour l’appréciation des éléments de preuve relatifs aux allégations de mauvais traitements, elle tient compte de la situation de “la vulnérabilité particulière des personnes se trouvant sous le contrôle exclusif des agents de l’Etat, telles les personnes détenues, [et] réitère que la procédure prévue par la Convention ne se prête pas toujours à une application rigoureuse du principe affirmanti incumbit probatio (la preuve incombe à celui qui affirme) car il est inévitable que le Gouvernement défendeur soit parfois seul à avoir accès aux informations susceptibles de confirmer ou de réfuter pareilles affirmations” (§ 92). En l’espèce, les juges européens relèvent que “le requérant ne semble se plaindre que de l’usage des entraves lors des séquences de transport de la maison d’arrêt vers l’hôpital et non pendant les consultations médicales, lesquelles demeurent les plus préoccupantes au regard de l’article 3 de la Convention (Henaf, Avci et Filiz Uyan, précités). Si la Cour n’exclut pas que le port d’entraves lors d’un transfert d’un détenu vers un hôpital puisse poser problème sous l’angle de cette disposition dans des circonstances particulières liées notamment à l’état de santé d’un détenu (Mouisel, précité), elle estime que tel n’est pas le cas en l’espèce” (§ 94). En effet, le requérant ne prétend pas avoir été physiquement affecté par le port des menottes et son état de santé ne contre-indiquait pas le recours à ce procédé. Aussi, “la mesure d’entrave, limitée à trois opérations de transfert à l’hôpital, était proportionnée au regard des nécessités -32- de la sécurité (...) son usage, en l’espèce, était un procédé lié à la détention et à la personnalité de l’intéressé et (...) cette mesure n’a pas atteint le minimum de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention”. A l’unanimité, la Cour conclut à la non violation de l’article 3 de la Convention. La Cour alloue au requérant, au titre de l’article 41 de la Convention (satisfaction équitable), 4 000 euros pour dommage moral. jjj Chaudet c. France 29 octobre 2009 - req. n/ 49037/06 - violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) en raison de la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré du Conseil d’Etat et non violation de cet article concernant l’iniquité alléguée de la procédure devant le conseil médical de l’aéronautique civile - T Faits : La requérante exerçait la profession d’hôtesse de l’air depuis 1982. Après avoir subi cinq accidents de travail dus à des turbulences en vol entre 1997 et 2001, elle se vit attribuer une rente d’invalidité en juin 2002 (pour un taux d’incapacité de travail de 8%). Elle fut reconnue en tant que travailleur handicapé en avril 2003. Le 30 avril 2003, le conseil médical de l’aéronautique civile,8 par une décision non motivée, la déclara inapte aux fonctions d’hôtesse de l’air. Le 12 mai 2004, le même organisme, dans une seconde décision, la déclara définitivement inapte à ces fonctions, puis, en octobre de la même année, il déclara que cette inaptitude définitive n’était pas imputable au service aérien, ce qui priva ainsi la requérante de son droit de percevoir des indemnités à ce titre. Cette dernière introduisit un recours gracieux. En vain. Elle saisit alors le Conseil d’Etat, arguant de l’insuffisance de motivation de la décision contestée. Le 15 mai 2006, la Haute juridiction administrative rejetait le recours, jugeant que la décision litigieuse était suffisamment motivée au regard notamment de l’exigence posée par la loi de protéger le secret médical. T Griefs : La requérante invoquait essentiellement l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) sous deux angles. S’agissant de la procédure devant le conseil médical de l’aéronautique, elle se plaignait de son caractère inéquitable : la motivation de la décision litigieuse était insuffisante et elle n’avait pu accéder au dossier ayant fondé la décision d’octobre 2004. S’agissant de la procédure devant le Conseil d’Etat, la requérante estimait que la présence du commissaire du gouvernement au délibéré de la formation de jugement du Conseil d’Etat était contraire à la Convention. 8 Le conseil médical de l’aéronautique civile est un organisme collégial régi par le code de l’aviation civile. Il dépend du ministère des Transports et est composé de médecins, nommés par le ministre. Il étudie et coordonne les questions d’ordre physiologique, médical, médico-social et d’hygiène intéressant l’aéronautique civile, notamment en ce qui concerne le personnel navigant, les passagers et d’une façon générale le contrôle sanitaire. Il se prononce entre autres sur le caractère définitif des inaptitudes médicales des navigants professionnels et prend des décisions en matière d’imputabilité d’un accident au service. -33- T Décision : Sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention à des indemnités pour maladie ou invalidité Le Gouvernement soulève une exception ratione materiae. Il soutient d’une part que l’indemnité dont se prévaut la requérante ne constitue pas un droit à caractère civil, puisqu’elle n’est allouée que s’il est reconnu que l’accident ou la maladie est imputable au service. Il explique enfin que le conseil médical de l’aéronautique civil ne peut être qualifié de « tribunal » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention et que cet article ne saurait donc être applicable à la situation d’espèce. La Cour constate que l’indemnité invoquée par la requérante est prévue par le code de l’aviation civile et considère que “la requérante pouvait de manière défendable prétendre avoir droit, en vertu de la législation française, à une indemnité, à la suite de la décision du conseil médical de l’aéronautique civile l’ayant déclarée inapte définitivement à ses fonctions d’hôtesse de l’air. Le droit réclamé étant de nature civile, et l’issue du litige directement déterminante pour le droit de l’intéressée à se voir indemniser en raison de son inaptitude à travailler, la Cour est d’avis que l’article 6 § 1 s’applique en l’espèce” (§ 30). Elle rejette cette exception et déclare la requête recevable. Sur l’équité de la procédure devant le conseil médical de l’aéronautique civile La Cour précise qu’il n’est “pas indispensable de rechercher si le conseil médical de l’aéronautique civile répondait aux exigences de l’article 6 § 1. En revanche, elle doit s’assurer que devant le Conseil d’Etat, la requérante jouissait d’un droit à un tribunal et à une solution juridictionnelle du litige, tant pour les points de fait que pour les questions de droit.” (§ 36). La haute juridiction administrative statuait en l’espèce dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir. Elle ne jouissait donc pas, de la « plénitude de juridiction ». Cependant, les juges européens constatent que le Conseil d’Etat a néanmoins “pu examiner tous les moyens soulevés par la requérante, en fait comme en droit, et apprécier toutes les pièces de son dossier médical, au vu des conclusions de l’ensemble des rapports médicaux discutées” devant lui (§ 37). Ils en déduisent “que la cause de la requérante a donc été examinée dans le respect des exigences posées à l’article 6 § 1” et qu’il n’y a pas eu violation de cet article. Sur la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré du Conseil d’Etat Rappelant sa jurisprudence 9 selon laquelle la présence du commissaire du gouvernement au délibéré de la formation de jugement du Conseil d’Etat, telle qu’elle prévalait à l’époque des faits litigieux, n’était pas compatible avec les exigences d’un procès équitable, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. jjj 9 CEDH, Grande chambre, Martinie c. France, 12 avril 2006, req. n/ 58675/00, résumé dans la veille bimestrielle n/ 9 (Mars- Avril 2006 ), p. 10 -34- Si Amer c. France 29 octobre 2009 - req. n/ 29137/06 - non violation de l’article 14 de la Convention (prohibition des discriminations), non violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété) - T Faits : A la suite de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ont signé, le 16 décembre 1964, un « accord relatif aux régimes complémentaires de retraites » (publié par décret du 21 janvier 1965) dont l’objet est de régler les rapports entre les deux pays en cette matière. Le requérant, de nationalité algérienne, et résidant actuellement en Algérie avait cotisé auprès d’un organisme de retraite complémentaire lorsque l’Algérie était un territoire français. Après l’indépendance de l’Algérie, il s’était vu opposé plusieurs refus successifs de la part de l’ARCCO lorsqu’il avait demandé à bénéficier de ses droits à cette retraite complémentaire. Les juridictions du fond, saisies à leur tour, rejetèrent sa demande. Son pourvoi en cassation ne put aboutir, le bureau d’aide juridictionnelle ayant écarté sa demande en estimant qu’aucun moyen de cassation sérieux ne pouvait être relevé, décision confirmée par ordonnance du Premier Président en date du 1er juin 2006. T Griefs : Sa demande ayant été rejetée au motif qu’il ne réside pas en France, le requérant invoque devant la Cour européenne, une discrimination fondée sur un critère de « nationalité déguisée » et portant atteinte à son droit au respect de ses biens. Il estime ainsi que les ressortissants français résidant en Algérie auraient, pour leur part, le choix de faire liquider leur pension de retraite en France, du fait des règles posées, selon lui, par le droit communautaire, notamment la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes relative au bénéfice par des travailleurs migrants de pensions de retraite ou d’allocations sociales. Le travailleur algérien travaillant en Algérie serait en revanche toujours pénalisé. Le gouvernement français, en revanche, soutient qu’il n’y aurait pas discrimination, dès lors qu’un ressortissant algérien résidant en France peut demander la liquidation de sa retraite auprès d’une caisse française, tandis qu’un Français résidant en Algérie ne peut le faire qu’auprès d’une institution algérienne. T Décision : Sur la recevabilité de la requête La Cour écarte l’exception soulevée par le gouvernement français tirée de l’absence d’épuisement des voies de recours internes, rappelant que “cette disposition [l’article 35 § 1 de la Convention] doit s’appliquer « avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif »” (§ 21), et relevant qu’en l’espèce, “s’il n’a pas explicitement invoqué l’interdiction de discrimination consacrée par la Convention, le requérant a entendu dénoncer, devant les juges d’appel, une discrimination résultant du rejet de sa demande de liquidation de retraite complémentaire au motif qu’il ne réside pas en France ou à Monaco.” (§ 22). -35- Sur l’applicabilité de l’article 14 de la Convention combiné à l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention Les juges de Strasbourg, se référant à la décision de Grande chambre, Stec et autres c. Royaume-Uni, du 6 juillet 2005,10 rappellent que “les principes qui s’appliquent généralement aux affaires concernant l’article 1 du Protocole n/ 1 gardent toute leur pertinence dans le domaine des prestations sociales” (§ 26). Si le droit à pension n’est pas comme tel garanti par la Convention, les législations nationales créant un régime de prestations ou de pensions doivent être considérées comme engendrant un intérêt patrimonial relevant du champ d’application de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 pour les personnes remplissant les conditions. La Cour, soulignant qu’un tel régime, une fois créé, doit l’être d’une manière compatible avec l’article 14 de la Convention, juge que “la situation du requérant entre dans le champ d’application de l’article 1 du Protocole n/ 1 et du droit au respect des biens qu’il garantit et que, partant, l’article 14 de la Convention trouve à s’appliquer en l’espèce.” Sur le fond Selon la jurisprudence constante de la Cour européenne, “une différence de traitement constitue une discrimination, au sens de l’article 14, si elle vise, sans justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables. Le manque de justification objective et raisonnable signifie que la distinction litigieuse ne poursuit pas un but légitime ou qu’il n’y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé”. (§ 39). Rappelant ensuite qu’une “ample latitude est d’ordinaire laissée à l’Etat pour prendre des mesures d’ordre général en matière économique ou sociale” (§ 40), la Cour reconnaît, en l’espèce, que le requérant se trouvait dans une situation objectivement analogue aux personnes ayant eu une carrière professionnelle identique ou similaire mais ayant ensuite résidé en France ou à Monaco. Elle estime que la différence litigieuse répond au but légitime d’assurer, par le principe de la territorialité des régimes de retraite complémentaire, le règlement des rapports en la matière entre la France et l’Algérie après l’accession de celle-ci à l’indépendance, l’accord conclu par les deux pays le 16 décembre 1964 comptant parmi les mesures destinées à assurer une répartition cohérente et claire du règlement du passé et des charges respectives incombant aux Etats. La Cour, dans son contrôle traditionnel de proportionnalité de l’ingérence au but légitime ainsi identifié, estime que dès son entrée en vigueur, les termes de l’accord donnaient au requérant un droit à liquidation identique à ce qu’il était avant l’indépendance de l’Algérie. Quant à l’effectivité de ce droit, elle découle de l’exécution de l’accord franco-algérien précité, dont l’article 5 met à la charge des gouvernements français et algérien la définition du niveau des prestations servies aux personnes rattachées aux institutions de ces pays et la désignation des institutions d’accueil. “A cet égard, la Cour estime qu’aucun manquement ne saurait être imputé à l’Etat français, auquel il appartenait uniquement de s’assurer de la mise en œuvre de cet accord concernant les personnes rattachées à ses institutions internes.” (§ 45). Ecartant les conséquences alléguées par le requérant du droit communautaire, pas encore en vigueur, ni lors de l’entrée en vigueur de l’accord franco-algérien précité, ni même lors de la demande de liquidation, antérieure à l’entrée des régimes de retraite complémentaire dans le champ communautaire le 1er juillet 2000, la Cour européenne conclut, à l’unanimité, que “Dans ces conditions, la différence de traitement en cause ne saurait donc être regardée comme discriminatoire”. (§ 46). 10 Décision CEDH, Grande chambre, Stec et autres c. Royaume-Uni, du 6 juillet 2005, req. n/ 65731/01 -36- Lombardi Vallauri c. Italie 20 octobre 2009 - req. n/ 39128/05 - violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention - T Faits : Le requérant enseignait depuis vingt ans la philosophie du droit au sein de l’Université Catholique du Sacré-Coeur de Milan. En 1998, il n’obtint pas le renouvellement de son contrat annuel d’enseignement, la Congrégation pour l’Education Catholique, organisme du SaintSiège, ayant indiqué au Conseil de l’Université, que certaines de ses positions “s’opposaient nettement à la doctrine catholique” (§ 8). En effet, en vertu de l’Accord de révision du concordat entre le Saint Siège et l’Italie, les nominations des professeurs de cette Université sont subordonnées à l’agrément, sous l’aspect religieux, de l’autorité ecclésiastique compétente. Le requérant introduisit un recours devant le tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation de la décision du Conseil de la Faculté ainsi que de l’acte émanant de l’autorité religieuse. Le tribunal rejeta la demande du requérant, au motif que la décision du Conseil de la Faculté de ne pas prendre en considération sa candidature avait été dûment motivée et que l’accord de révision du concordat entre le Saint-Siège et l’Italie ne prévoyait aucune obligation de mentionner les motifs religieux à la base du refus d’agrément. En outre, le tribunal estima que l’examen de la légitimité de la décision du Saint-Siège n’entrait ni dans son champ de compétence, ni dans celui du Conseil de Faculté, cet acte émanant d’un Etat étranger. Le requérant interjeta appel devant le Conseil d’Etat réitérant son argument fondé sur le défaut de motivation de la décision du Conseil de faculté et contestant le défaut de compétence du juge administratif. Le Conseil d’Etat rejeta l’appel. T Griefs : Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 10 de la Convention, estimant que la décision de l’Université Catholique, dépourvue de motivation et prise en l’absence d’un réel débat contradictoire, avait violé sa liberté d’expression. En outre, il invoquait l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable), dénonçant le fait que les tribunaux internes avaient omis de statuer sur le manque de motivation de la décision du Conseil de Faculté, limitant ainsi sa possibilité d’attaquer cette dernière et d’instaurer un débat contradictoire. De plus, il se plaignait du fait que le Conseil de Faculté se soit limité à prendre acte de la décision de la Congrégation prise également en l’absence de tout débat contradictoire. Enfin, le requérant invoquait les articles 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention. T Décision : La Cour juge recevable la requête précisant “que la protection de l’article 10 de la Convention s’étend donc à la sphère professionnelle des enseignants” (§ 30). -37- Sur l’article 10 de la Convention - Sur l’existence d’une ingérence : La Cour recherche si les mesures litigieuses constituent une ingérence dans le droit à la liberté d’expression du requérant. Afin de placer l’affaire sous l’angle de la liberté d’expression d’un enseignant plutôt que sous celui de l’accès à l’emploi, elle considère que malgré “les contrats temporaires, le renouvellement de ceux-ci pendant plus de vingt ans et la reconnaissance des qualités scientifiques du requérant par ses collègues témoignent de sa situation professionnelle” (§ 38). En faisant référence à sa jurisprudence antérieure,11 la Cour assimile les contrats annuels d’enseignement universitaire précaires à la situation d’un fonctionnaire. Cette analyse lui permet de considérer, que le requérant ne se trouve pas, au moment de la situation litigieuse, en situation de demande d’emploi. Ainsi, se plaçant sous l’angle de l’accès à l’emploi plus que sous celui de la procédure de suppression de cet emploi, elle peut analyser la requête du requérant sous l’angle de l’article 10 de la Convention. Elle conclut donc, que la mesure litigieuse constitue une ingérence dans le droit de celui-ci garanti par l’article 10. Partant, elle s’ouvre la possibilité d’un examen des justifications de cette ingérence. - Justification de l’ingérence : La Cour reconnaît que l’immixtion est prévue par l’article 10 n/ 3 de la loi n/ 121 du 25 mars 1985. Elle relève que l’ingérence poursuit le but légitime de “protéger le droit d’autrui qui se manifeste dans l’intérêt de l’Université d’inspirer son enseignement de la doctrine catholique” (§ 41). Enfin, elle va statuer sur le point central du contentieux, à savoir la nécessité de l’ingérence « dans une société démocratique ». La Cour rappelle “l’importance accordée dans sa jurisprudence ainsi que, à un niveau plus général, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, à la liberté académique, celle-ci devant garantir la liberté d’expression et d’action, la liberté de communiquer des informations de même que celle de rechercher et de diffuser sans restriction le savoir et la vérité” (§ 43) 12. S’appuyant sur ce principe, elle situe son analyse sur le terrain du volet procédural de l’article 10 de la Convention. Elle vérifie si “le requérant a joui de garanties procédurales adéquates, tenant notamment à la connaissance des raisons de la limitation de son droit à la liberté d’expression et à la possibilité de les mettre en question.” (§ 46). Dans ce cadre, elle relève deux problèmes de procédure. Elle souligne en premier lieu “le caractère vague et incertain” (§ 49) de la référence aux opinions prétendument hétérodoxes du requérant et constate “que la décision du Conseil de Faculté, au delà de la simple référence au manque d’agrément du Saint-Siège, dont le contenu est resté secret, est dépourvue de motivation” (§ 49). En second lieu, elle juge que le contrôle juridictionnel sur la procédure administrative opérée par les juges nationaux n’a pas été efficace. En effet, ceux-ci n’ont pas cherché à aller au-delà du simple constat de refus d’agrément du Vatican. Ainsi, le requérant a manqué de connaissance sur les raisons de son éloignement, ce qui a “écarté toute possibilité d’un débat contradictoire” (§ 54). Or, la Cour estime que “loin d’impliquer que les autorités judiciaires se livrent elles-mêmes à un jugement sur la compatibilité entre positions du requérant et la doctrine catholique, la communication de ces éléments aurait permis à celui-ci de connaître et dès lors de constater le lien existant entre ses opinions et son activité d’enseignant” (§ 52). En conclusion, la Cour considère “que l’intérêt de l’Université de dispenser un enseignement 11 CEDH, Vogt c. Allemagne, 26 septembre 1995, req. n/ 17851/91, CEDH, Glasenapp c. Allemagne, 28 août 1986, req. n/ 9228/80 12 CEDH, Sorguç c. Turquie, 23 juin 2009, req. n/ 17089/03, résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 (mai- juin 2009), p. 50 -38- inspiré de la doctrine catholique ne pouvait pas s’étendre jusqu’à atteindre la substance même des garanties procédurales dont le requérant jouit au sens de l’article 10 de la Convention.” (§ 55). Partant, elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 10 de la Convention. Sur l’article 6 de la Convention Pour les mêmes motifs, la Cour juge que le requérant n’a pas bénéficié d’un accès effectif à un tribunal et conclut, par six voix contre une, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Concernant les griefs tirés des articles 9, 13 et 14 de la Convention, elle considère qu’il n’y a pas lieu de les examiner séparément. N L’opinion dissidente du juge Cabral Barreto est annexée à l’arrêt. jjj Alves da Silva c. Portugal 20 octobre 2009 - req. n/41665/07 - violation de l’article 10 de la Convention ( liberté d’expression ) - T Faits : Le requérant a profité des défilés du carnaval pour circuler dans sa ville à bord d’une camionnette avec un guignol en plâtre censé représenter le maire et une pancarte sousentendant que ce dernier commettait des malversations financières. En outre, il diffusait en boucle un message sonore d’un humour satirique visant toujours la municipalité de la ville. Le maire déposa une plainte pénale contre le requérant pour diffamation et obtint qu’il soit jugé coupable de cette infraction et condamné au paiement d’une amende, de dommages et intérêts et de frais de justice. Le requérant fit appel de cette décision. Son recours fut rejeté, les juges estimant que ses actes ne révélaient pas l’exercice du droit à la liberté d’expression, mais une simple volonté de nuire à la réputation du maire par la médisance. Le requérant introduisit une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme le 17 septembre 2000. T Griefs : Le requérant soutenait que sa condamnation pour diffamation avait porté atteinte à sa liberté d’expression, garantie par l’article 10 de la convention, et ce d’autant plus que les expressions litigieuses avaient été proférées dans le cadre des festivités du carnaval et relevaient de la satire. En outre, il invoquait une violation de l’article 6 § 1 de la Convention se plaignant de la mauvaise appréciation des faits par les juridictions internes. T Décision : Concernant l’article 10 de la Convention Le gouvernement affirme que l’acte du requérant relève d’un acte de simple médisance et qu’aucune question relative à l’intérêt général n’était en cause sur le fondement de l’article 10 de la Convention. La Cour considère au contraire que la condamnation pénale du requérant relève bien d’une -39- ingérence dans son droit à la liberté d’expression. Ainsi, elle estime devoir déterminer si cette ingérence est justifiée au sens de ses principes jurisprudentiels s’agissant de l’article 10. En ce sens, elle doit analyser si l’ingérence est « prévue par la loi », si elle « vise un ou plusieurs buts légitimes » et si elle est « nécessaire dans une société démocratique.» La Cour constate que l’ingérence est bien prévue par des dispositions pertinentes du code pénal portugais. Elle considère par ailleurs que l’immixtion litigieuse vise le but légitime “de la protection de la réputation des droits d’autrui”, au sens de l’article 10 § 2 de la Convention. Les juges européens vérifient enfin si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ». Ils indiquent “que les expressions mises en scène par le requérant relevaient de toute évidence de la caricature au moyen d’éléments satiriques”. Ce constat leur permet de rappeler que “la satire est une forme d’expression artistique et de commentaire social qui, de par l’exagération et la déformation de la réalité qui la caractérisent, vise naturellement à provoquer et à agiter. C’est pourquoi il faut examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d’un artiste - ou de toute autre personne - à s’exprimer par ce biais ” 13 (§ 27). Au regard de ce principe, mais aussi de la qualité d’homme politique du plaignant visé par la satire ainsi que du contexte festif dans lequel ont été diffusés les propos, la Cour juge “que l’on pouvait en effet difficilement prendre à la lettre les propos du requérant” (§ 28). Par conséquent, “la sanction pénale prononcée par les juridictions portugaises était disproportionnée au but visé et n’était donc pas nécessaire dans une société démocratique.” (§ 30). La Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 10 de la Convention. Concernant l’article 6 § 1 de la Convention La Cour indique qu’il “(...) ne lui appartient pas, en particulier, de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention.” (§ 33). En l’espèce, “les juridictions ont apprécié la crédibilité des divers moyens de preuve présentés à la lumière des circonstances de l’affaire et ont dûment motivé leurs décisions à cet égard.” (§ 34). Par conséquent, les juges de Strasbourg, à l’unanimité, rejettent ce grief manifestement mal fondé. jjj Ferré Gisbert c. Espagne 13 octobre 2009 - req. n/ 39590/05 - violation de l’article 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention - T Faits : Dans le cadre d’une procédure sommaire hypothécaire diligentée par une banque à son encontre, le requérant avait introduit une action en nullité pour diverses irrégularités de formalité dans les actes de notification de cette procédure. Son action fut déclarée irrecevable, au motif que son action en nullité n’était prévue par aucun texte, par une ordonnance du 1er octobre 2001, non susceptible de recours. Cependant, le juge précisa que le requérant pouvait faire valoir sa demande de nullité dans le cadre d’une « action déclarative ordinaire ». Le requérant usa donc de cette procédure. Après s’être reconnu compétent, le juge débouta le 13 CEDH, Vereinigung Bildender Küünstler c. Autriche, 25 janvier 2007, req. n/ 68354/01, résumé dans la veille bimestrielle n/ 13 (janvier-février 2007), p. 4 -40- requérant de sa demande. Il estima que les notifications litigieuses étaient régulières et précisa que le requérant “n’avait pas fait preuve de la diligence exigée dans les circonstances de l’espèce” (§ 10). Cette décision fut ensuite confirmée en appel. Le requérant exerça alors un recours d’amparo sur le fondement de l’article 24 § 1 de la Constitution (droit à un procès équitable). Le tribunal constitutionnel déclara le recours irrecevable pour tardiveté. Il précisa que le délai de 20 jours pour exercer le recours d’amparo partait de la première ordonnance d’irrecevabilité du 1er octobre 2001 et non de l’arrêt rendu par la cour d’appel dans la procédure d’action déclarative ordinaire. Les deux autres recours formés par le requérant furent également rejetés. T Griefs : Devant la Cour de Strasbourg, le requérant invoquait une violation des articles 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention. T Décision : La Cour rappelle que lorsque “le droit revendiqué est un droit de caractère civil, l’article 6 constitue une lex specialis par rapport à l’article 13, dont les garanties se trouvent absorbées par celles de l’article 6” (§ 18). Elle décide de n’examiner le grief que sous l’angle de l’article 6 de la Convention. Sur la recevabilité Le gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 35 § 1 de la Convention, invoquant le non-épuisement des voies de recours internes. la Cour européenne constate que “cette exception est étroitement liée à la substance du grief” soulevé par le requérant “sur le fondement de l’article 6 de la Convention et décide la joindre au fond” (§ 20). Sur le fond La Cour rappelle que son rôle se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de l’interprétation de la législation interne par les juridictions nationales. “Cela est particulièrement vrai s’agissant de l’interprétation par les tribunaux de règles procédurales telles que celles fixant les délais à respecter pour (...) l’introduction des recours” (§ 26). Elle rappelle que si le droit à un tribunal n’est pas absolu et qu’il peut être réglementé, elle a, par le passé déjà eu l’occasion de constater que “l’application par les juridictions internes de formalités à respecter pour former un recours est susceptible de violer le droit d’accès à un tribunal” (§ 28). En l’espèce, les juges de Strasbourg constatent que, par sa décision, le Tribunal constitutionnel “méconnaît que l’ordonnance du 1er octobre 2001, qui déclara irrecevable l’action en nullité à l’égard de la procédure hypothécaire principale, affirmait expressément que le requérant devait faire valoir la nullité de ladite procédure par le biais d’une action déclarative” (§ 30). Le requérant, en introduisant une telle action, n’a donc fait qu’user d’une possibilité énoncée par le juge dans son ordonnance. Par ailleurs, le recours d’amparo exercé par le requérant ne visait pas la première procédure mais bien “une toute autre procédure, introduite sur la base d’informations fournies par le juge et examinée par la suite par deux instances” (§ 30). Dans ces conditions, “la motivation de la décision du Tribunal constitutionnel litigieuse est incohérente avec les décisions des juridictions civiles ordinaires ayant reconnu le caractère adéquat de la voie utilisée par le requérant pour réparer son droit à la protection juridictionnelle. Le requérant s’est donc vu privé de son droit d’accès à un tribunal pour motif formel” (§ 32). Selon la Cour, le problème que soulève cette affaire relève du principe de la sécurité juridique -41- par l’interprétation d’une exigence procédurale qui a empêché l’examen au fond de l’affaire du requérant, au mépris de son droit à une protection effective des tribunaux. En conséquence, le “requérant s’est vu imposer une charge disproportionnée qui rompt le juste équilibre entre, d’une part, le souci légitime d’assurer le respect des conditions formelles pour saisir la juridiction constitutionnelle, et, d’autre part, le droit d’accès à cette instance.” (§ 33). A l’unanimité, elle conclut à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. jjj Dayanan c. Turquie 13 octobre 2009 - req. n/ 7377/03 - violation de l’article 6 §§1 et 3 de la Convention (droit à un procès équitable) - T Faits : L’article 31 de la loi turque du 18 novembre 1992, écarte du bénéfice de l’assistance d’un avocat dès le placement en garde à vue, les personnes accusées d’infractions relevant de la compétence des cours de sûreté de l’Etat. Le requérant, accusé de faire partie du « parti de Dieu », organisation illégale armée, conserva le silence durant toute sa garde à vue. Il ne put bénéficier de l’assistance d’un avocat que lors des audiences devant la Cour de sûreté de l’Etat qui, le 4 décembre 2001, le reconnut coupable d’appartenance à une organisation illégale, et le condamna à une peine d’emprisonnement de douze ans. Son pourvoi en cassation fut rejeté. T Griefs : Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, le requérant se plaignait de n’avoir pas bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue et de l’absence de communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation. T Décision : Sur le premier grief tiré de l’absence de l’assistance de l’avocat durant la garde à vue La Cour rappelle les grandes orientations de sa jurisprudence en ces termes : “Comme le souligne les normes internationales généralement reconnues, que la Cour accepte et qui encadrent sa jurisprudence, un accusé doit, dès qu’il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu’il subit (...) En effet, l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer”. (§ 32). Dans l’affaire Salduz,14 qui concernait une personne mineure au moment des faits, la Cour, en grande chambre, avait déjà déclaré : “la Cour estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif » (paragraphe 51 ci-dessus), il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier 14 CEDH, Gde. Ch.,Salduz, 27 novembre 2008, req. n/ 36391/02 -42- interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l’accès à un avocat, pareille restriction – quelle que soit sa justification – ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l’accusé de l’article 6”. La Cour souligne : “Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation” (§ 55) Elle précisait en outre, au sujet de la minorité du requérant : “Renvoyant au nombre important d’instruments juridiques internationaux traitant de l’assistance juridique devant être octroyée aux mineurs en garde à vue (paragraphes 32-36 ci-dessus), la Cour souligne l’importance fondamentale de la possibilité pour tout mineur placé en garde à vue d’avoir accès à un avocat pendant cette détention.” (§ 60). Critiquant la restriction systématique prévue par la loi pour les personnes prévenues d’infractions relevant des Cours de sûreté de l’Etat, qui avait privé le requérant de l’assistance d’un avocat en garde à vue, et “nonobstant le fait que le requérant a gardé le silence au cours de sa garde à vue”, la Cour retient à l’unanimité la violation des articles 6 § 1 et 6 § 3c) combinés. Sur le second grief - défaut de communication de l’avis du procureur lors de la procédure devant la cour de cassation turque En ce qui concerne l’absence de communication au requérant de l’avis du procureur général près la Cour de cassation, la Cour rappelle sa jurisprudence Göç c. Turquie,15 où elle avait examiné un grief identique à celui présenté par le requérant et avait conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention du fait de la non-communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation, compte tenu de la nature des observations de celui-ci et de l’impossibilité pour un justiciable d’y répondre par écrit. Elle confirme cette jurisprudence en jugeant qu’il y a là violation de l’article 6 § 1 de la Convention. jjj De Schepper c. Belgique 13 octobre 2009 req. n/ 27428/07 - non violation de l’article 5 § 1 de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté) - T Faits : Le requérant, de nationalité belge fut emprisonné à huit reprises pour des faits de pédophilie. La présente affaire concerne plus particulièrement la dernière inculpation du requérant. Par jugement du 2 janvier 2001, il fut condamné à six ans d’emprisonnement pour viol et attentat à la pudeur sur mineurs. Conformément à la loi belge du 1er juillet 1964 dite « loi de défense sociale », le requérant fut mis « à la disposition du gouvernement » pendant dix ans après avoir purgé sa peine. Cette mesure a pour but de protéger la société contre certaines catégories de délinquants dangereux, soit en les internant après l’expiration de leur peine, soit en les contrôlant par le biais d’une mise en liberté à l’épreuve (régime de semi-liberté, régime de liberté 15 CEDH, Gde. Ch. Göç c. Turquie, 11 juillet 2002, req. n/ 36590/97, § 55. -43- sous tutelle ou de probation). Dès 2002, les autorités tentèrent de le faire admettre dans un établissement psychiatrique. Pour ce faire, une pré-thérapie fut mise en place en prison. Cependant l’ensemble des établissements refusèrent son admission, alléguant du fait que sa dangerosité n’avait pas diminué. A l’expiration de sa peine, le 9 octobre 2006, et conformément à la loi de défense sociale, le Ministre de la Justice ordonna son internement au motif que sa remise en liberté constituerait un danger pour la société. La décision ministérielle s’appuyait sur des rapports d’expertise et sur les éléments suivants : absence de traitement spécialisé résidentiel de longue durée, nombreuses affaires de mœurs impliquant des mineurs, déviance sexuelle grave, risques liés à l’abus d’alcool, attitude de minimisation des faits et absence totale de culpabilité. Les recours formés par le requérant contre cette décision furent rejetés. La Cour de Cassation rejeta son pourvoi, jugeant que la détention était régulière, car prise sur le fondement de la loi de défense sociale, la décision ministérielle constituant, non pas une décision concernant une poursuite pénale, mais l’exécution d’une mesure imposée par un juge. T Griefs : Le requérant invoquait une violation de l’article 5 § 1 de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté), en raison de son maintien, arbitraire selon lui, en détention après l’expiration de sa peine. Il soutenait notamment que l’internement exigé par les autorités résultait de l’absence structurelle de traitement spécialisé en matière de pédophilie et d’établissements spécialisés susceptibles de l’accueillir. T Décision : La Cour s’interroge sur la compatibilité de la situation d’un individu qui, ayant fini de purger une peine à durée déterminée prononcée pour viol et attentat à la pudeur sur mineurs, est ensuite « mis à disposition » du gouvernement pendant dix ans, conformément au droit national, avec l’article 5 § 1 de la Convention. En effet, conformément à la Convention européenne des droits de l’homme, la « régularité » d’une détention repose sur la législation nationale qui doit être compatible avec la protection de l’individu contre l’arbitraire. La Cour procède à l’examen de cette « régularité » au travers de plusieurs affaires relativement similaires dont elle a eu à connaître précédemment : - L’arrêt Weeks c. Royaume-Uni 16 : Cette affaire portait sur la réintégration en prison, par le ministre, d’un requérant qui avait été libéré au terme d’une peine perpétuelle discrétionnaire pour vol aggravé. La Cour précisait que “La « régularité » voulue par la Convention présuppose le respect non seulement du droit interne, mais aussi du but de la privation de liberté autorisée par l’alinéa a) de l’article 5 § 1. En outre, dans cet alinéa le mot « après » n’implique pas un simple ordre chronologique de succession entre « condamnation » et « détention » : la seconde doit de surcroît résulter de la première, se produire « à la suite et par suite » - ou « en vertu » - « de celle-ci ». En bref, il doit exister entre elles un lien de causalité suffisant.” (§ 37). Dans cette affaire la Cour “a estimé que la peine perpétuelle discrétionnaire infligée à l’intéressé était une sentence à durée indéterminée, motivée expressément par sa dangerosité pour la société, élément susceptible, de par sa nature même, de varier au cours du temps. Sur ce fondement, la réincarcération de M. Weeks, en raison de préoccupations tenant à son comportement instable, perturbé et agressif, ne saurait passer pour arbitraire ou déraisonnable au regard des objectifs de la peine qui lui avait été infligée ; il existait 16 CEDH, Weeks c. Royaume-Uni, 2 mars 1987, req. n/ 9787/82, § 42, série A n/ 114 -44- donc un lien suffisant, aux fins de l’alinéa a) de l’article 5 § 1, entre la condamnation du requérant en 1966 et sa réintégration en prison en 1977” (§ 38). - L’arrêt Stafford c. Royaume-Uni 17 : la Cour a jugé “qu’il fallait qu’il existe, entre la condamnation initiale et la totalité de la privation de liberté qui lui succédait, un lien de causalité suffisant. Dans cette affaire, elle a conclu qu’elle n’apercevait pas le lien de causalité voulu par la notion de régularité figurant à l’article 5 § 1 a) entre la possibilité que le requérant se rende coupable d’autres infractions à caractère non violent et la peine qui lui avait été infligée pour meurtre” (§ 39). - En revanche, dans une affaire similaire Waite c. Royaume-Uni 18 la Cour a retenu le lien de causalité requis en raison de faits nouveaux commis par le requérant et qui permettait d’établir, de nouveau, la preuve de la dangerosité qui avait motivé la condamnation à la peine d’origine. Après avoir procédé à l’examen de sa jurisprudence, la Cour estime qu’en l’espèce “la mise à disposition du gouvernement ne semble pas arbitraire car elle faisait partie de la peine fixée par le tribunal correctionnel au moment de la condamnation du requérant” (§ 41). L’internement dans le cadre d’une « mise à disposition » constitue une modalité d’application d’une peine. Or, une telle modalité d’application ne peut influer sur la régularité d’une privation de liberté au sens de l’article 5 de la Convention. Elle peut seulement parfois s’avérer incompatible avec les articles 3 ou 7 de la Convention. La Cour retient que la procédure d’internement est organisée par des dispositions spécifiques de la loi interne de défense sociale en vertu de laquelle : - le ministre ne peut remettre en liberté la personne qu’après avoir obtenu l’avis d’un service spécialisé dans le traitement des délinquants sexuels ; - la décision d’internement doit être motivée. Le ministre avait à ce titre invoqué une série de motifs dont l’absence de traitement spécialisé résidentiel de longue durée. Cet élément s’avère déterminant pour les juges européens, dans la mesure où un traitement adéquat et adapté aurait pu permettre de réduire la dangerosité du requérant. Les juges de Strasbourg approfondissent l’examen de cet élément pour vérifier que les autorités ont déployé tous les efforts pour assurer au requérant un tel traitement. Or, ils constatent qu’il “ressort des circonstances de la cause qu’avant de décider l’internement du requérant, les autorités ont mis en place, suivant les conseils des spécialistes, une pré-thérapie en prison dans le but de le faire admettre par la suite dans un établissement spécialisé. Elles ont pris contact avec trois établissements qui avaient la capacité d’assurer la thérapie nécessaire au requérant. Toutefois, son admission ne s’est pas avérée possible à ce stade car, de l’avis de tous les établissements qui avaient été contactés, l’attitude du requérant au regard de ses actes n’avait pas suffisamment évolué pour permettre une prise en charge effective. Sa dangerosité n’avait pas diminué au fil du temps et ceci malgré la pré-thérapie qui était considérée comme la condition préalable et indispensable à l’admission” (§ 46). La Cour distingue cette espèce de l’arrêt Morsink c. Pays-Bas 19 dans lequel elle avait estimé qu’un “délai important avant l’admission dans un hôpital pénitentiaire d’un délinquant souffrant de troubles mentaux, en raison du manque de place dans celui-ci et d’un problème structurel 17 CEDH, Stafford c. Royaume-Uni, 28 mai 2002, req. n/ 46295/99. 18 CEDH, Waite c. Royaume-Uni, 11 décembre 2002, req n/ 53236/99. 19 CEDH, Morsink c. Pays-Bas, 11 mai 2004, req. n/ 48865/99. -45- existant aux Pays-Bas [...] ne saurait passer pour acceptable au regard de l’article 5 de la Convention” (§ 47). En effet, dans la présente affaire “l’internement était justifié par l’état de dangerosité persistant du requérant et par le caractère prématuré d’une prise en charge médicale dans une institution spécialisée” (§ 47). Elle en déduit que “les autorités belges n’ont donc pas manqué à leur obligation de tenter d’assurer au requérant un traitement adapté à son état et de nature à l’aider à retrouver sa liberté. (...)” Elle ajoute que “Toutefois, cette constatation ne libère pas le Gouvernement de l’obligation de prendre toutes les initiatives appropriées afin de pouvoir trouver, dans un avenir proche, un établissement public ou privé susceptible de prendre en charge des cas de ce type” (§ 48). Sur ce point, la Cour relève que la loi de défense sociale prévoit qu’après un an de privation de liberté fondée exclusivement sur une décision d’internement, le condamné interné, mis à la disposition du gouvernement, peut demander au ministre de la Justice d’être remis en liberté. Cette demande peut être renouvelée d’année en année. La Cour conclut, à l’unanimité, que la détention du requérant après octobre 2006 se justifiait au regard de l’article 5 § 1 a) et qu’il n’y a donc pas violation de la Convention. jjj Brunet-Lecomte et Tanant c. France 8 octobre 2009 - req. n/ 12662/06 - violation de l’article 10 de la Convention (droit à la liberté d’expression) - T Faits : Les requérants sont Philippe Brunet-Lecomte, directeur de publication du magazine Objectifs Rhône Alpes, et Loïc Tanant, journaliste dans ce magazine. En novembre 2000, un article intitulé « Caisse d’épargne de Saint-Etienne, un député dans le collimateur de la justice » fut publié dans ce magazine. L’article reprenait les conclusions d’un rapport de la commission bancaire de la Banque de France ainsi que celles résultant d’un rapport interne de la Caisse d’épargne. Il laissait entendre que C., député, premier adjoint au maire de Saint-Etienne et président du conseil de surveillance de la Caisse d’épargne locale, avait pu commettre des infractions pénales et user de ses fonctions à des fins personnelles. C. déposa une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation à l’encontre des deux requérants. Le 2 novembre 2001, ces derniers furent renvoyés devant le tribunal correctionnel de Saint-Etienne. Ils contestèrent les motifs de leur poursuite, relevant qu’ils étaient poursuivis sur le fondement de l’article 32 alinéa 1er de la loi de 1881 (diffamation envers un particulier) alors que, selon eux, ils auraient dû être poursuivis pour diffamation envers une personnalité publique ayant un mandat électif. En vain. Par ailleurs, ils offrirent d’apporter la preuve de ce qu’ils avançaient. Cette proposition fut rejetée par le tribunal correctionnel qui estima que “leur offre de preuve ne comportait pas une articulation et une qualification suffisamment précise des faits desquels ils entendaient prouver la vérité, contrairement aux prescriptions de l’article 55 de la loi de 1881.” (§ 14). Le 21 mai 2002, les requérants furent condamnés pour diffamation envers un particulier. Le 2 octobre 2002, la cour d’appel de Lyon réforma ce jugement. Le 30 septembre 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation cassa l’arrêt mais seulement en ses dispositions civiles et renvoya l’affaire devant la cour d’appel de Dijon. Devant cette instance, les requérants sollicitèrent un sursis à statuer en attendant l’issue de l’information judiciaire en cours à propos des faits dénoncés par la Commission bancaire. Sur -46- le fond, ils invoquèrent leur bonne foi. Ils avancèrent notamment n’avoir manifesté aucune animosité personnelle envers C., avoir vérifié leurs sources et fait preuve de prudence dans l’expression. Le 5 août 2004, la Cour d’appel rejeta leurs demandes et prétentions et les condamna à verser à C. 19 000 euros pour diffamation envers un particulier. Le 13 septembre 2005, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta leur pourvoi et les condamna à verser à C. 2 000 euros supplémentaires au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale. T Griefs : Les requérants soutenaient que leur condamnation pour diffamation était contraire au droit à la liberté d’expression, protégé par l’article 10 de la Convention. T Décision : La Cour européenne précise que la qualification de l’infraction appartient aux juridictions internes et estime que “les arguments des requérants contestant la qualification donnée par les juridictions internes au contenu de l’article litigieux, portant notamment sur la circonstance que celui-ci visait principalement un homme politique et non un simple particulier, relèvent davantage de l’examen de la proportionnalité de la mesure” (§ 48). Elle constate que l’infraction était prévue par la loi de 1881 sur la liberté de la presse et en déduit que l’ingérence était donc « prévue par la loi ». Par ailleurs, elle reconnaît que l’ingérence visant à protéger la réputation ou les droits d’autrui poursuivait bien un « but légitime ». La juridiction strasbourgeoise recherche enfin à établir si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ». Elle constate en premier lieu que l’article litigieux tendait à informer la population locale sur les agissements d’un élu, C., visé en cette qualité. Elle rappelle que “les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier : à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens ; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance” (§ 53). Les juges de Strasbourg reconnaissent “qu’en raison des « devoirs et responsabilités » inhérents à l’exercice de la liberté d’expression, la garantie que l’article 10 offre aux journalistes en ce qui concerne les comptes rendus sur des questions d’intérêt général est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi de manière à fournir des informations exactes et dignes de crédit dans le respect de la déontologie journalistique”. Néanmoins, ils s’accordent également pour préciser que “la liberté journalistique comprend aussi le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire même de provocation” (§ 56). En l’espèce, ils ne partagent pas l’analyse des juridictions françaises qui, pour rejeter la bonne foi des requérants “se sont essentiellement fondés sur le « ton » de l’article (...) ainsi que sur les termes employés dans les titres intermédiaires, qui manquaient de prudence” (§ 57). La Cour constate en effet que les requérants ont proposé d’apporter la preuve de ce qu’ils avançaient, et que cette offre a été refusée par les juridictions. Elle précise que ceux-ci n’ont porté aucun jugement de valeur et se sont contentés pour l’essentiel de déclarations de fait. Par ailleurs, elle estime qu’ils “ont fait preuve d’une certaine prudence dans l’expression en publiant des extraits du rapport accompagnés de commentaires objectifs et en recueillant les observations de C. quant aux accusations dirigées contre lui” et en outre, ne relève aucune animosité personnelle à l’encontre de C. (§ 61). Enfin, l’article litigieux s’appuyait sur une base factuelle suffisante, à savoir deux rapports certes confidentiels mais concordants et dont l’un émanait d’une autorité officielle. S’agissant de la condamnation prononcée à l’encontre des requérants, les juges européens constatent que bien qu’exclusivement civile, celle-ci était importante, eu égard notamment au -47- fait que le magazine n’était diffusé que localement. Cette mesure était donc disproportionnée. La Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 10 de la Convention. Au titre de la satisfaction équitable (article 41 de la Convention), elle accorde aux requérants le versement de 21 000 euros au titre du dommage matériel, correspondant au montant de la condamnation que les juridictions internes avaient prononcée à leur encontre. jjj Naudo c. France - req. n/ 35469/06 & Maloum c. France - req. n/ 35471/06 - 8 octobre 2009 - violation de l’article 5 § 3 de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté) - N Dans ces deux affaires, les requérants invoquaient une violation de l’article 5 § 3 de la Convention en raison de la durée excessive de leur détention provisoire. Les faits d’espèce et la motivation de la juridiction européenne étant identiques dans ces deux affaires, les références aux considérants de la Cour repris dans le résumé concernent le seul arrêt Naudo. T Décision : La Cour rappelle que “selon sa jurisprudence constante, il incombe en premier lieu aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire d’un accusé ne dépasse pas la limite du raisonnable.” (§ 39). Elle recherche essentiellement dans la motivation des décisions s’il y a ou non violation des dispositions de l’article 5 § 3 de la Convention. En l’espèce, “La Cour considère qu’une durée de détention provisoire de six ans doit être accompagnée de justifications particulièrement fortes. Elle n’ignore pas le contexte de la présente affaire qui concerne la lutte contre la criminalité organisée et le grand banditisme à dimension internationale. Eu égard à ses particularités, elle estime que, même si leur intensité a pu varier au fil du temps, les différents motifs qui ont fondé le refus d’élargissement du requérant - dont en particulier le risque de fuite caractérisé et celui de la réitération des faits sont restés pertinents tout au long de la procédure. Elle ne discerne aucune raison de s’écarter de l’opinion des juridictions internes pour justifier le maintien en détention du requérant. En résumé, les raisons exposées par les juridictions nationales pour refuser d’élargir le requérant constituaient en l’occurrence des motifs « pertinents » et « suffisants »” (§ 41). Cependant, la Cour recherche “si les autorités judiciaires ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure” (§ 42). Or, elle constate que “près d’un an et huit mois se sont écoulés entre le 1er avril 2005, date de l’arrêt définitif de la chambre de l’instruction confirmant l’ordonnance de mise en accusation et de renvoi du 10 décembre 2004, et l’audiencement de l’affaire le 17 novembre 2006 devant la cour d’assises de Paris” (§ 45). Contrairement au Gouvernement, les juges européens estiment “qu’un délai aussi long ne saurait trouver sa seule justification dans la préparation du procès fût-il, comme en l’espèce, d’une certaine ampleur (voir Lelièvre c. Belgique, n/ 11287/03, § 107, 8 novembre 2007 ; voir également, a contrario, Chraidi, précité, § 44), ni davantage dans le dessaisissement de la cour d’assises du Val-de-Marne pour des mesures de sécurité”. En outre, la Cour “rappelle à cet égard qu’au moment où la Cour de cassation statua sur cette question le 29 novembre 2005, -48- le requérant était déjà détenu depuis presque cinq ans”. De plus, “la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 17 mars 2006, exposa que la longueur de la détention provisoire du requérant tenait notamment à l’encombrement des sessions d’assises devant la cour d’assises de Paris. Or, (...) il incombe aux Etats d’agencer leur système judiciaire de manière à permettre à leurs tribunaux de répondre aux exigences de l’article 5 (voir Gosselin c. France, n/ 66224/01, § 34, 13 septembre 2005)”. (§ 46). Elle conclut, dans ces deux affaires, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 3 de la Convention. jjj C.C. c. Espagne 6 octobre 2009 - req. n/ 1425/06 - Violation de l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale) - T Faits : Le requérant, infecté par le virus du sida (VIH), et souffrant d’une maladie rare, souscrivit en 2000 une assurance vie auprès d’une compagnie d’assurances. Déclaré en situation d’incapacité permanente absolue le 21 octobre 2002, il réclama l’indemnisation prévue dans sa police d’assurance. La compagnie d’assurances s’opposa à sa demande et il présenta donc une demande civile à l’encontre de cette dernière devant le juge de première instance. La compagnie d’assurances réclama que le dossier médical complet du requérant fût versé au dossier de procédure. Cette demande fut acceptée par le juge. Le requérant, estimant que cette démarche portait atteinte à son droit à l’intimité personnelle, « demanda au juge de dire que le contenu du dossier médical ne faisait pas l’objet de la procédure et de supprimer son identité et toute référence au VIH dans les documents figurant au dossier ainsi que dans le jugement qui serait rendu. Par ailleurs, il sollicita que l’audience se déroulât à huis clos et que son nom ne fût pas cité en toutes lettres dans les décisions judiciaires.» (§ 9). Ses demandes furent rejetées. Le juge de première instance rejeta sur le fond le bien fondé de la demande du requérant au motif que ce dernier n’avait pas déclaré qu’il était déjà malade au moment de la souscription du contrat. Le requérant interjeta appel de cette décision, qui fut confirmée. Sur le fondement de l’article 18 § 1 (le droit à l’intimité personnelle) de la Constitution, il forma un recours d’amparo auprès du Tribunal constitutionnel mais la haute juridiction rejeta son recours. -49- T Griefs : Le requérant invoquait une violation du droit au respect de sa vie privée (article 8 de la Convention), en raison de la divulgation de son identité qui figure en toutes lettres dans les décisions judiciaires rendues et notamment dans le jugement rendu en première instance, en rapport avec son état de santé. T Décision : La Cour estime que la mesure litigieuse peut constituer « une ingérence de l’autorité publique » dans l’exercice du droit du requérant au respect de sa « vie privé ». À ce titre, elle rappelle qu’une telle mesure est contraire à l’article 8 de la Convention, sauf si elle est « prévue par la loi », poursuit « un ou des buts légitimes » et est « nécessaire dans une société démocratique » pour les atteindre. La Cour qui “ne discerne aucun élément lui permettant de penser que la mesure en question n’était pas conforme au droit interne” (§ 28), reconnaît que celle-ci est prévue par la loi. S’agissant de la demande du requérant concernant son dossier médical, la Cour juge que cette pièce était nécessaire pour la solution de l’affaire et que le juge devait pouvoir y accéder afin de se prononcer sur son bien-fondé. Elle en déduit que “les mesures en cause étaient donc destinées à assurer le bon déroulement de la procédure et tendaient par conséquent à « la protection des droits et libertés d’autrui »” (§ 29). Enfin, les juges européens recherchent si la divulgation de l’identité du requérant dans la décision judiciaire rendue par le juge de première instance, mise en rapport avec son état de santé était « nécessaire dans une société démocratique ». À ce titre, ils rappellent le rôle fondamental de la protection des données à caractère personnel et notamment la protection des informations relatives à la santé des personnes. Ils estiment ces considérations d’autant plus importantes lorsqu’il “s’agit de protéger la confidentialité des informations relatives à la séropositivité” (§ 33). Rappelant sa jurisprudence antérieure, 20 la Cour considère que, “compte tenu du caractère extrêmement intime et sensible des informations se rapportant à la séropositivité, toute mesure prise par un Etat pour contraindre à communiquer ou divulguer pareil renseignement sans le consentement de la personne concernée appelle un examen des plus rigoureux de la part de la Cour, qui doit apprécier avec un soin égal les garanties visant à assurer une protection efficace” (§ 34). Concernant, le problème de l’accessibilité au public de données à caractère personnel, la Cour estime qu’il “convient d’accorder aux autorités nationales compétentes une certaine latitude pour établir un juste équilibre entre la protection de la publicité des procédures judiciaires, nécessaire pour préserver la confiance dans les cours et tribunaux d’une part, et celle des intérêts d’une partie ou d’une tierce personne à voir de telles données rester confidentielles” (§ 35). En l’espèce, elle constate, au regard, des dispositions nationales pertinentes, que le juge espagnol a la possibilité de “limiter l’accès au texte des jugements et arrêts lorsqu’ils risquent de porter atteinte au droit à l’intimité ou à la garantie de l’anonymat”. (§ 37). Les juges européens considèrent que les autorités nationales auraient pu répondre à la demande du requérant en remplaçant dans les documents de procédure accessibles au public et dans le jugement le nom en toutes lettres par des initiales. “Eu égard des circonstances particulières de la présente affaire, compte tenu notamment du principe de protection spéciale de la confidentialité des informations relatives à la séropositivité, la Cour estime que la publication de l’identité du requérant en toutes lettres en rapport avec son état de santé dans le jugement rendu par le juge de première instance (… ), ne se justifiait pas par un quelconque 20 CEDH, Z. c. Finlande, 25 février 1997, req. n/ 22009/93. -50- motif impérieux.” (§ 40). Partant, elle conclut à l’unanimité à la violation de l’article 8 de la Convention. jjj Kimlya et autres c. Russie 21 1er octobre 2009 - req. n/ 76836/01 et 32782/03 - Violation des articles 9 (liberté de conscience et de religion), et 11 (liberté de réunion) de la Convention - T Faits : Le premier requérant, Monsieur Kimlya, de nationalité russe, est le Président de l’Eglise de scientologie de la ville de Surgut. Le deuxième requérant, Monsieur Sultanov, est co-fondateur et membre de l’Eglise de scientologie de Nizhnekamsk (République du Tartarstan). Le troisième requérant est constitué par ce groupe religieux (l’Eglise de scientologie) qui n’a pas de statut légal. - A propos des tentatives d’immatriculation de l’Eglise de scientologie de Surgut : Le premier Centre d’études en scientologie créé en 1994 avait le statut d’organisation nongouvernementale. Le 23 juillet 1999 la demande de ré-enregistrement émanant du Centre d’études, formulée conformément aux dispositions d’une nouvelle loi de 1995, fut rejetée au motif que la raison sociale du Centre était de nature religieuse ; le 23 novembre 1999 le Département de justice de la région autonome de Khanty-Mansi sollicita une décision judiciaire pour mettre fin à l’existence du Centre d’études en scientologie. Le Centre d’études demanda ensuite, successivement et en vain, le statut d’association à but non lucratif, puis celui d’organisation religieuse locale. Enfin, il demanda au ministère de la justice de lui accorder un statut légal mais, le14 septembre 2000, la demande fut rejetée. En octobre 2000 le premier requérant interjeta appel de cette décision devant la cour de Khanty-Mansi alléguant de la violation de sa liberté de conscience et de du principe de nondiscrimination à l’égard de son groupe religieux. Mais le 25 décembre 2000 la cour confirma le jugement rendu en première instance. La Cour régionale confirma à son tour les décisions de justice précédentes dans un arrêt du 21 février 2001. Cependant, le 18 janvier 2002, le Président de la Cour régionale ordonna le ré-examen de la décision par le tribunal de première instance estimant que la demande du requérant aurait du être étudiée, celui-ci ayant fourni un document confirmant l’existence du groupe religieux depuis au moins 15 ans dans la région. Détenant une expertise sur l’Eglise de Surgut, le 22 novembre 2004 le tribunal de Khanty-Mansi ordonna au Département de justice l’immatriculation de l’Eglise de scientologie en tant qu’entité légale. Mais la Cour régionale infirma la décision au motif que le requérant n’avait pas produit tous les documents exigés par la loi sur les Religions (Religion Act). - Concernant le second requérant et sa demande d’immatriculation de l’Eglise de scientologie de Nizhnekamsk, en République du Tartarstan : Le 7 septembre 2001 le requérant fut informé du rejet de sa demande d’immatriculation. Il 21 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais -51- interjeta appel de cette décision mais le 21 décembre 2001 celle-ci fut confirmée. Le 21 janvier 2002 la Cour suprême cassa la décision de la juridiction d’appel et renvoya l’affaire devant le tribunal de première instance qui la rejeta de nouveau au motif qu’une directive du Ministre de la santé prohibait les méthodes scientologiques dans les domaines de la santé. Après un dernier renvoi devant la Cour Suprême, la demande d’immatriculation fut finalement acceptée par le Tribunal le 28 mai 2002. En juillet 2002, la compétence pour décider du statut légal d’une organisation religieuse fut transférée au Ministère de la justice et celui-ci refusa d’exécuter la décision de justice de mai 2002. Le 14 octobre 2002 le requérant poursuivit le Ministère de la justice devant la Cour Suprême pour faire exécuter le jugement rendu par le Tribunal, mais le 27 novembre 2002, le Président de la Cour Suprême annula les décisions rendues les 28 mai et 4 juillet 2002 et fit re-examiner l’affaire. Aussi il ordonna une expertise légale menée par le Conseil des affaires religieuses et dont le rapport constituait selon lui une condition préalable à toute immatriculation. Le rapport rendu le 28 novembre 2002 reconnaissait le statut de religion à l’Eglise de scientologie mais il déconseillait de faire droit à sa demande d’immatriculation au motif qu’elle s’était trop récemment établie dans la République Tatare. Il fut finalement décidé de laisser l’affaire en suspend. Le 28 mai 2003 le Tribunal débouta le requérant de sa plainte contre le Département de justice qui avait refusé d’exécuter le jugement du 28 mai 2002. Cette décision fut confirmée par la Cour Suprême. En octobre 2004, la compétence relative à l’immatriculation des associations religieuses fut transférée à un organisme fédéral auprès duquel le requérant fit une nouvelle demande d’enregistrement. Le 18 février 2005 le responsable de ce service se référa à la décision antérieure du Département de la justice pour refuser de se prononcer sur l’affaire. T Griefs : Les requérants se plaignaient de la violation de leurs droits protégés par les articles 9, 10, 11, et 14 de la Convention. Ils soutenaient que la distinction faite entre groupes et organisations religieuses et l’exigence d’un document certifiant de la présence de l’organisation depuis au moins 15 ans portaient atteinte à leur liberté de conscience et de religion, à leur liberté d’expression ainsi qu’à leur liberté de réunion et d’association, et au principe de non discrimination. T Décision : La Cour précise que la question de savoir si l’Eglise de scientologie peut être qualifiée de religion est très controversée dans toute l’Europe et qu’il ne lui appartient pas de décider si une croyance ou une pratique constitue ou non une religion au sens de l’article 9 de la Convention. C’est pourquoi, elle estime que la qualification de la scientologie et l’invocabilité de l’article 9 de la Convention relèvent de la compétence des autorités internes (§ 79). Ayant constaté qu’en l’espèce, dans les deux affaires les autorités nationales russes ont considéré que l’Eglise de scientologie était une organisation religieuse, la Cour juge pertinent d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 9 de la Convention. Par ailleurs, les deux premiers requérants invoquent une violation de leur droit à la liberté d’association et le troisième requérant (le groupe de scientologie) regrette l’absence de protection juridique de la communauté. La Cour décide donc d’examiner l’article 9 à la lumière de l’article 11 de la Convention qui garantit la vie associative des ingérences de l’Etat (§ 81). Les juges de Strasbourg se prononcent ensuite sur l’existence éventuelle d’une ingérence des autorités russes dans le droit à la liberté de religion et à la liberté d’association de la -52- communauté scientologique. Ils rappellent qu’à l’issue des nombreuses procédures judiciaires, les Eglises de Surgut et de Nizhnekamsk n’ont pas obtenu le statut d’organisations religieuses au sens de la loi russe sur les Religions, ce qui revient à refuser de leur accorder une personnalité légale (§ 84). Pour la Cour, la possibilité de se réunir collectivement autour d’un intérêt commun et de former ainsi une entité légale constitue un aspect important de la liberté d’association. En l’espèce, le refus des autorités russes d’accorder un statut légal à une association, de nature religieuse ou autre, peut être considéré comme une ingérence dans le droit à la liberté d’association et à la liberté de religion protégées par l’article 9 de la Convention. Par ailleurs, la Cour fait observer qu’un groupe religieux sans personnalité légale ne peut pas exercer certains droits tels que le droit d’être propriétaire, ou d’employer du personnel, ou encore de détenir des comptes en banques. Or, ces droits sont essentiels à l’exercice du droit d’exprimer sa religion. Enfin, la loi russe sur les Religions prévoit que seules les organisations religieuses peuvent exercer un grand nombre de droits : produire et distribuer de la littérature religieuse, droit de créer des institutions éducatives d’obédience religieuse, ou encore de célébrer le culte... (§ 86). Dès lors, le statut restreint des groupes religieux prévu par la loi nationale sur les Religions ne correspond pas suffisamment aux exigences exprimées par le Conseil de l’Europe et l’OSCE 22. La Cour souligne que l’Eglise de Scientologie de Surgut ne pouvait pas non plus obtenir le statut légal de« groupe non religieux » puisqu’elle était considérée comme une communauté religieuse par les autorités russes ; quant aux demandes exercées pour obtenir le statut légal d’organisations religieuses, elles furent refusées au motif que les deux communautés n’existaient pas depuis au moins 15 ans dans leurs régions. Pour la Cour, la qualification restreinte de « groupe religieux » assortie du refus d’exercer des droits de propriété et de la capacité juridique de protéger les intérêts de ses membres constituent une atteinte sévère aux aspects fondamentaux de sa fonction religieuse. Dès lors, elle déclare qu’il y a bien eu une ingérence dans les droits des requérants prévus par les articles 9 et 11 de la Convention. La juridiction strasbourgeoise vérifie ensuite si l’ingérence peut être justifiée. Pour cela, elle doit être « prévue par la loi », «poursuivre un but légitime » et enfin, être « nécessaire dans une société démocratique ». Prévue par la loi : en l’espèce, les autorités nationales se sont fondées sur l’article 9 § 1 de la loi russe sur les Religions pour refuser d’accorder aux deux communautés le statut légal d’organisations religieuses. L’ingérence en cause était donc prévue par la loi. Poursuivre un but légitime : En refusant d’accorder un statut légal à certaines associations, la Cour constitutionnelle russe cherche à éviter certaines violations des droits de l’homme ou la commission d’actes illégaux. L’ingérence poursuivait donc le but légitime de la protection de l’ordre public. Nécessaire dans une société démocratique : La Cour se référant à un rapport sur la liberté de religion émanant de l’OSCE ainsi qu’à sa propre jurisprudence 23 estime que le Gouvernement russe n’a donné aucune raison suffisante ou pertinente pour expliquer la lenteur de la procédure alors que la communauté religieuse attendait la réponse à sa demande de statut légal. Relevant qu’aucune activité illégale n’a été invoquée à l’encontre des requérants, la Cour 22 Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. 23 CEDH, Religionsgemeinschaft der Zeugen Jehovas and others c. Austriche, 31 juillet 2008, req. n/ 40825/98, résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (juin-juillet-août 2008), p. 24. -53- européenne considère que le refus d’accorder un statut légal à l’Eglise de scientologie n’a été que purement formel. De plus, il apparaît à la Cour que le délai de 15 ans exigé par la loi sur les Religions favorise uniquement les organisations religieuses reliées à la hiérarchie ecclésiastique traditionnelle. Ainsi, l’ingérence des autorités russes n’était pas « nécessaire dans une société démocratique ». La Cour conclut donc, à l’unanimité, que l’article 9 interprété à la lumière de l’article 11 de la Convention a été violé. Elle ne juge pas pertinent d’examiner les autres allégations des requérants concernant la violation des articles 10 et 14 de la Convention. jjj Sartory c. France 24 septembre 2009 - req. n/ 40589/07 - Violation de l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) - T Faits : A l’époque des faits le requérant était inspecteur de police. En 1994, il fut muté, « dans l’intérêt du service », dans une autre ville par le Ministre de l’Intérieur. Cette décision intervenait après des accusations de divulgation d’informations à la presse concernant le fonctionnement des services de police de Grenoble. Le requérant contesta sa mutation devant les juridictions administratives. Il obtint satisfaction devant la cour administrative d’appel. La procédure dura de septembre 1995 à avril 2002. Estimant que la durée de la procédure concernant sa mutation était excessive, le requérant demanda réparation devant le tribunal administratif de Grenoble. En janvier 2006, sa demande fut transmise au Conseil d’Etat, compétent pour connaître en premier et dernier ressort des actions de ce type. En mai 2007, le Conseil d’Etat accueillit la demande du requérant. Il reconnut la responsabilité de l’Etat et lui alloua une indemnité de 3 000 euros. T Griefs : Le requérant invoquait une violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention en raison de la durée excessive de la procédure au fond devant les juridictions administratives. Selon lui, la durée excessive de cette procédure lui aurait fait perdre toute chance de bénéficier d’une carrière professionnelle normale. De plus, il estimait insuffisante l’indemnisation qui lui avait été octroyée. T Décision : Sur la recevabilité de l’affaire Le Gouvernement fait valoir que le requérant a perdu sa qualité de victime au sens de l’article 34 de la Convention. En effet, il estime que le Conseil d’Etat ayant fait droit au recours indemnitaire introduit devant lui, les autorités françaises ont réglé la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Sur ce point, la juridiction européenne rappelle au préalable qu’il lui appartient “d’examiner a posteriori s’il y a eu reconnaissance par les autorités (...) d’une violation d’un droit protégé par -54- la Convention et si le redressement peut être considéré comme approprié et suffisant”.24 (§ 19) La durée de la procédure d’indemnisation, le montant de l’indemnisation éventuellement accordée ainsi que le retard dans le paiement de ladite indemnité sont des éléments pris en compte par la Cour lors de cet examen. Elle poursuit en indiquant qu’elle “peut parfaitement accepter qu’un Etat qui s’est doté de différents recours, dont un tendant à accélérer la procédure et un de nature indemnitaire, et dont les décisions, conformes à la tradition juridique et au niveau de vie du pays, sont rapides, motivées, et exécutées avec célérité, accorde des sommes qui, tout en étant inférieures à celles fixées par la Cour, ne sont pas déraisonnables.” Cependant, elle précise que “lorsque les exigences énumérées ci-dessus n’ont pas toutes été respectées par le recours interne, il est envisageable que le montant à partir duquel le justiciable pourra encore se prétendre « victime » soit plus élevé. Il est même possible de concevoir que la juridiction fixant le montant de l’indemnisation fasse état de son propre retard et qu’elle accorde une réparation particulièrement élevée afin de combler ce retard supplémentaire”. (§ 24) Concernant la question de la durée excessive de la procédure d’indemnisation, la Cour constate que celle-ci a duré quatre ans, cinq mois et six jours, “ce qui constitue une durée excessive pour ce type de recours” et “que cette durée ne saurait être imputable au requérant.” (§ 25) Concernant la question du montant des indemnités versées, les juges de Strasbourg font valoir que la somme en cause “aurait pu constituer un redressement adéquat dans l’hypothèse où la procédure d’indemnisation n’avait pas été d’une lenteur excessive”. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Ils estiment que, pour combler le retard supplémentaire, le Conseil d’Etat aurait dû octroyer une somme plus élevée au requérant (§ 26). Ainsi, le redressement accordé n’était pas adéquat et le requérant pouvait toujours se considérer comme victime d’une violation de son droit à voir sa cause examinée dans un délai raisonnable. Partant, l’exception soulevée par le requérant est rejetée. Sur le fond de l’affaire Les juges européens rappellent dans un premier temps que “le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés” 25 (§ 31). Puis, ils soulignent qu’en l’espèce, le Conseil d’Etat a reconnu que la durée de la procédure avait été excessive (§ 33). La Cour réaffirme ensuite “qu’il incombe aux Etats contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable”. De son point de vue “une telle célérité est particulièrement nécessaire en matière de litiges relatifs à l’emploi, appelant par nature une décision rapide, compte tenu de l’enjeu de la procédure pour l’intéressé, sa vie personnelle et familiale ainsi que sa carrière professionnelle” 26 (§ 34). Or, le requérant a du attendre plus de six ans pour obtenir l’annulation de sa mutation (§ 35). Partant, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 de la Convention. Mérigaud c. France 24 CEDH, Cocchiarella c. Italie [GC], 29 mars 2006, req. n/ 64886/01, § 84 ; CEDH, Delle Cave et Corrado c. Italie, 5 juin 2007, req. n/ 14626/03, §§ 25-31. 25 CEDH, Frydlender c. France [GC], 27 juin 2000, req. n/ 30979/96, § 43. 26 CEDH, Obermeier c. Autriche, 28 juin 1990, req. n/ 11761/85, § 72 ; CEDH, Buchholz c. Allemagne, 6 mai 1981, req. n/ 7759/77, §§ 50 et 52 et CEDH, Julien c. France, 8 avril 2003, req. n/ 50331/99, § 31. -55- 24 septembre 2009 - req. n/ 32976/04 - non violation de l’article 6 § 1 de la Convention - T Faits : Le requérant exerce la profession de géomètre expert en libéral. Une plainte fut déposée à son encontre auprès du conseil régional de l’ordre des géomètres experts de Marseille (ci-après « le conseil régional ») par la chambre syndicale des géomètres experts de Corse. Il lui était reproché d’avoir favorisé l’exercice illégal de la profession de géomètre expert en confiant des travaux à un topographe. Une audience de la section disciplinaire du conseil régional se tint en mars 2000, sous la présidence de G., président du conseil régional, à qui le requérant demanda en vain de se déporter en raison de ses prises de position passées le concernant. En effet, dans le cadre d’un précédent appel d’offres concernant un marché de relevés topographiques pour la Haute Corse, le cabinet du requérant avait été choisi, puis écarté sur avis de G., qui recommandait le 3 juin 1996 au directeur des routes d’Ajaccio de choisir de préférence un cabinet corse, au motif que celui du requérant ne remplissait pas les conditions relatives à l’ouverture d’un bureau secondaire ou d’un bureau de chantier en Corse. Cette démarche valut au Conseil régional d’être condamné par le Conseil de la concurrence à une amende de 75 000 euros pour pratiques anticoncurrentielles. Le 22 mars 2001, le conseil régional infligea au requérant une suspension d’exercice de douze mois pour avoir confié des travaux réservés aux géomètres experts à D. Le requérant fit appel de cette décision et le dossier fut instruit par la commission d’instruction du conseil supérieur, composée de cinq de ses membres. Le 29 mai 2002, le conseil supérieur, siégeant dans une formation de vingt membres - dont quatre membres de la commission d’instruction -, annula la décision du conseil régional en raison du non-respect de l’obligation de mener une enquête avant renvoi devant une formation disciplinaire. Il condamna le requérant à une suspension d’activité de douze mois au motif qu’il s’était illégalement livré avec D. à la co-traitance de travaux ne pouvant être exécutés que par des géomètres experts inscrits à l’ordre. Le requérant porta l’affaire devant le Conseil d’Etat. Il se plaignait notamment de la participation des membres de la commission d’instruction au délibéré de la formation de jugement, de l’absence de communication préalable du dossier et de l’absence de contradictoire. Le 3 mars 2003, la juridiction suprême administrative rejeta le pourvoi du requérant. T Griefs : Invoquant les dispositions de l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaignait du défaut d’impartialité des juridictions de l’ordre des géomètres experts. T Décision : Sur la recevabilité de la requête La Cour rappelle au préalable que “même lorsque l’article 6 § 1 de la Convention trouve à s’appliquer, l’attribution à des juridictions ordinales du soin de statuer sur des infractions disciplinaires ne méconnaît pas en soi la Convention. Toutefois, celle-ci commande alors, pour le moins, l’un des deux systèmes suivants : ou bien lesdites juridictions remplissent elles-mêmes les exigences de l’article 6 § 1, ou bien elles n’y répondent pas mais subissent le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction présentant, lui, les garanties de cet -56- article”.27 Soulignant que la décision du conseil régional de l’ordre des géomètres experts avait été annulée, non pas en raison du défaut d’impartialité allégué par le requérant, mais en raison du défaut d’enquête préliminaire, la Cour affirme que le requérant n’a pas perdu la qualité de victime à cet égard. Elle considère donc qu’elle doit vérifier si le tribunal était « impartial » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention et, à défaut, si tel était le cas de la section disciplinaire du conseil supérieur. (§ 70) Sur le fond : La juridiction européenne rappelle que l’impartialité au sens de l’article 6 § 1 doit s’apprécier selon une double démarche : la première consiste à tenter de déterminer la conviction personnelle du juge en cause. La seconde démarche conduit quant à elle à s’assurer que le tribunal offre des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime.28 (§ 71) Rappelant “que l’impartialité personnelle du juge se présume jusqu’à la preuve du contraire”, elle relève qu’en l’espèce les éléments qui lui ont été soumis ne sont pas suffisants pour qu’elle doute de l’impartialité subjective de G. (§ 74) S’agissant de l’impartialité objective du conseil régional, les juges de Strasbourg réaffirment que “lorsqu’une juridiction collégiale est en cause, il s’agit de savoir si, indépendamment de l’attitude personnelle de tel de ses membres, certains faits vérifiables autorisent à mettre en doute son impartialité. (...) Il en résulte que pour se prononcer sur l’existence, dans une espèce donnée, d’une raison légitime de redouter d’une juridiction un défaut d’impartialité, l’optique de l’intéressé entre en ligne de compte mais ne joue pas un rôle décisif. L’élément déterminant consiste à savoir si ses appréhensions peuvent passer pour objectivement justifiées”. (§ 75) La Cour relève que les poursuites disciplinaires en cause concernaient également ses activités en Corse et qu’elles ont été engagées alors que le Conseil de la concurrence était saisi depuis trois ans des pratiques anticoncurrentielles du conseil régional de Marseille et des démarches faites par G. auprès des autorités corses dans sa lettre du 3 juin 1996. (§ 77) Au vu du contexte global de l’affaire, les juges européens estiment que le fait que G. ne se déporte pas, qu’il préside l’audience disciplinaire et participe au délibéré de l’affaire a pu faire naître “des doutes objectivement justifiés” dans l’esprit du requérant sur l’impartialité de la formation de jugement (§ 79). Ils en concluent que le conseil régional n’était pas un tribunal impartial au sens de l’article 6 § 1 de la Convention et s’attachent ensuite à établir si la procédure en appel devant le conseil supérieur de l’ordre des géomètres experts avait remédié à ce grief. (§ 80) Indiquant s’être déjà prononcée sur une affaire similaire,29 la Cour recherche tout d’abord si, pendant la phase d’instruction, les membres de la commission d’instruction ont fait preuve d’un parti pris dans la décision à rendre par la formation de jugement. (§ 83) En l’espèce, les juges de Strasbourg constatent qu’il s’agit “d’un exposé objectif des faits qui ne laisse transparaître aucun parti pris”. Ils affirment également que la participation des 27 CEDH, Gautrin et autres c. France, 20 mai 1998, req. n/ 21257/93 ; 21258/93 ; 21259/93, § 57 ; CEDH, Gubler c. France, 27 juillet 2006, req. n/ 69742/01, § 25, résumé dans la veille bimestrielle n/ 11 (juillet-août-septembre-octobre 2006), p. 19. 28 CEDH, Morel c. France, 6 juin 2000, req. n/ 34130/96, § 40. 29 CEDH, Didier c. France, (déc.), 27 août 2002, req. n/ 58188/00. -57- membres de la commission d’instruction au délibéré de la formation de jugement “ne contrevient en aucune façon au principe d’impartialité”. (§ 86) La Cour considère enfin que l’appréciation finale des membres de la commission a reposé sur des éléments produits et débattus lors de l’audience et qu’elle est intervenue avec le jugement. Dès lors, elle estime que rien ne permet de penser que la nature et l’étendue des tâches des membres de la commission d’instruction aient porté atteinte à leur impartialité objective lors du délibéré. En conséquence, elle juge que “les doutes du requérant n’étaient pas objectivement justifiés et que la procédure d’appel a remédié à son grief, dans la mesure où le conseil supérieur qui a jugé sa cause en appel présentait les garanties d’impartialité exigées par l’article 6 § 1.” (§ 89) La Cour conclut donc, à l’unanimité, à la non violation de cette disposition. jjj Abdolkhani et Karimnia c. Turquie 30 22 septembre 2009 - req n/ 30471/08 - violation des articles 3 (interdiction de la torture), 13 (droit à un recours effectif), et 5 §§ 1, 2 et 4 de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté) - T Faits : Les requérants, Abdolkhani et Karimnia, sont deux ressortissants iraniens nés respectivement en 1973 et 1978 et actuellement détenus au Centre d’admission et d’accueil des étrangers de Gaziosmanpasa, à Kirklareli (Turquie). Ils ont rejoint l’Organisation des moudjahidines du peuple (« l’OMP ») en Iran, respectivement en 1992 et 2001. Puis, désapprouvant les méthodes et les buts de l’Organisation ils l’ont quittée pour se réfugier dans un camp de réfugiés de l’armée américaine en Irak, respectivement en 2005 et 2006. En 2006 et 2007, le statut de réfugié leur fut accordé par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (« le Haut-Commissariat ») au motif que leurs liens antérieurs avec l’OMP et leurs opinions politiques, ainsi que le traitement réservé aux membres et sympathisants de cette organisation en Iran, leur faisaient courir le risque de subir des mauvais traitements, d’être assassinés ou encore d’être arbitrairement privés de liberté. En avril 2008, le camp de réfugiés dans lequel les requérants étaient installés ferma les obligeant alors à un transfert dans le nord de l’Irak. Ils tentèrent de passer la frontière turque illégalement mais le 17 juin 2008 ils furent arrêtés et refoulés vers l’Irak. Après une nouvelle tentative pour entrer en Turquie, ils furent encore arrêtés, le 21 juin 2008, puis placés en garde à vue. Ils expliquèrent aux autorités turques leur intention de demander asile en Turquie pour s’établir ensuite au Canada aux motifs qu’ils craignaient pour leur vie s’ils étaient renvoyés en Iran ou en Irak. Le 23 juin 2008 les deux requérants furent condamnés pour être entrés illégalement sur le territoire turc. Malgré les explications données par les requérants concernant leur crainte pour leur vie s’ils étaient renvoyés en Iran, les tribunaux turcs ordonnèrent l’expulsion des requérants vers l’Iran le 28 juin 2008. Les autorités iraniennes refusèrent leur admission sur le territoire ; il fut alors décidé de les renvoyer au Nord de l’Irak. Le 30 juin 2008, la Cour européenne, conformément aux disposition de l’article 39 de son 30 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais. -58- règlement, demanda au gouvernement turc de surseoir à l’expulsion des requérants jusqu’au 4 août 2008 puis, jusqu’à nouvel ordre. Le 18 octobre 2008 les requérants présentèrent de nombreuses demandes d’asile temporaires auxquelles ils n’ont à ce jour pas encore reçu de réponse. Le 25 mars 2009, à la demande du Haut-Commissariat, le Gouvernement suédois accepta d’examiner la demande d’asile des requérants. La réponse est encore en suspend. T Griefs : Invoquant notamment l’article 3 de la Convention (interdiction de la torture), les requérants soutiennent que leur expulsion vers l’Iran ou l’Irak les exposerait à un risque réel de décès ou de mauvais traitements. Ils estiment en outre avoir été empêchés de faire une demande d’asile et de contester leur expulsion, en violation de l’article 13 de la Convention (droit à un recours effectif). Ils soutiennent enfin que leur détention en vue de leur expulsion a méconnu l’article 5 § 1 de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté), que les motifs de leur détention à partir du 23 juin 2008 ne leur ont pas été communiqués, contrairement aux exigences de l’article 5 § 2, et qu’ils n’ont pas eu la possibilité de contester la régularité de cette détention, au mépris de l’article 5 § 4 de la Convention. T Décision : Après avoir déclaré la requête admissible, la Cour examine les allégations de violation des articles 2 et 3 de la Convention Sur la question des risques de mauvais traitements auxquels les requérants seraient exposés s’ils étaient expulsés vers l’Iran, la Cour rappelle d’abord que d’après le droit international, les Etats contrôlent l’entrée, le séjour et l’expulsion des étrangers. De plus, le droit d’asile n’est pas garanti par la Convention ni par ses protocoles. Cependant, toute expulsion d’une personne par un Etat contractant peut soulever une difficulté au regard de l’article 3 de la Convention. En effet, l’article 3 de la Convention fait peser à la charge des Etats contractants l’obligation de ne pas expulser un individu lorsqu’il apparaît que celui-ci pourrait être victime de traitements inhumains ou dégradants, émanant de personnes ou de groupes, officiels ou pas. La Cour précise que pour ne pas être expulsé l’individu doit d’une part, apporter la preuve que les mauvais traitements sont d’un degré de gravité suffisant et d’autre part, démontrer son impossibilité à obtenir de protection par la police ou à obtenir réparation (§ 74). Cet article 3 s’applique également à des membres de groupes systématiquement exposés à des mauvais traitements. La Cour précise que dans ce cas, la décision d’expulser ou non dépend des allégations de l’individu et des informations sur la situation géo-politique du groupe persécuté dans le pays de destination (§ 75). En l’espèce, la Cour vérifie si les requérants l’expulsion des requérants vers l’Irak, ou l’Iran, leur pays d’origine, les mettrait en situation de subir des traitements inhumains ou dégradants. Pour ce faire, elle se fonde sur des informations datant de 2007-2009 et émanant d’Amnesty International, de Human Watch Rights et du service de réinstallation du Haut-Commissariat faisant état, dans ce pays, de cas de membres de l’OMP exécutés ou retrouvés morts dans des circonstances suspectes en prison. Les juges européens soulignent également que le Haut-Commissariat s’était entretenu avec les intéressés et avait jugé fondées les craintes qu’ils avaient exprimées concernant leur retour dans leur pays d’origine (§ 82). Dès lors, il existe de sérieuses raisons de penser qu’un membre ou un ancien membre ou même un simple sympathisant de l’OMP pourrait subir de mauvais traitements ou être exécuté s’il était renvoyé en Iran. La Cour voit donc un risque de violation de l’article 3 de la Convention du fait de l’opinion politique des requérants. -59- En ce qui concerne la tentative d’expulsion en Irak, la Cour constate l’inexistence d’accord juridique entre la Turquie et l’Irak à propos de l’expulsion des nationaux iraniens. C’est pourquoi les autorités irakiennes refoulent systématiquement à la frontière ces réfugiés anciennement membres de l’OMP. De plus, selon les informations d’organisations telles que Amnesty International un grand nombre d’expulsés hors des frontières turques ont été envoyés de force et illégalement en Irak par les autorité turques. La Cour souligne ici l’absence de procédure légale adéquate lors de l’expulsion des ressortissants iraniens. Dès lors, elle en déduit qu’en l’absence de cadre légal dans la procédure d’expulsion, les risques de torture ou de traitements inhumains encourus par les deux requérants iraniens s’ils retournaient en Irak sont réels, violant alors l’article 3 de la Convention (§ 89). Quant à la thèse du Gouvernement selon laquelle permettre à des membres de l’OMP, comme les requérants, de rester sur le territoire turc représenterait un risque pour la sécurité nationale et la sûreté et l’ordre publics, la Cour rappelle que l’article 3 de la Convention revêt un caractère absolu. Le comportement de la personne fut-il dangereux n’est pas un argument valable. Cependant, en l’espèce, les deux requérants Abdolkhani et Karimnia, ont reçu le statut de réfugiés politiques de la part du Haut-Commissariat. A la lumière de tous ces éléments, la Cour conclut, à l’unanimité, que si les deux réfugiés iraniens devaient être expulsés en Irak ou en Iran, ils encourraient des traitements inhumains interdits par l’article 3 de la Convention. La Cour se prononce sur l’éventuelle violation de l’article 13 de la Convention Les requérants affirment ne pas avoir eu accès aux juridictions nationales pour faire valoir leur statut de réfugiés et obtenir leur demande d’asile. La Cour européenne note qu’en théorie, d’après une loi turque de 1994, les personnes entrées illégalement sur le territoire de la Turquie peuvent demander l’asile temporaire pendant que leur situation est traitée par un Etat tiers. Les décisions prises doivent être notifiées aux personnes concernées qui disposent ensuite de deux jours pour contester la décision négative. Or, les requérants n’ont pas bénéficié de cette procédure et, à leur arrivée en Turquie, ils ont immédiatement été refoulés vers l’Irak ; leurs plaintes auprès des tribunaux administratifs turques n’ont donc pas pu être enregistrées. Par ailleurs les juges de Strasbourg s’interrogent sur la passivité des autorités judiciaires et administratives turques concernant les allégations de mauvais traitements soulevées par les deux réfugiés iraniens. Ils considèrent que cette absence de réponse de leur part constitue une véritable atteinte à l’article 13 de la Convention (§ 113). Ils relèvent également qu’au moment de leur arrestation et de leur procès, les requérants n’ont pas pu être assistés d’un avocat alors qu’ils en avaient expressément fait la demande. Ils précisent également qu’en s’abstenant d’examiner les demandes d’asile temporaire présentées par les requérants et de leur indiquer les motifs pour lesquels elles n’avaient pas procédé à cet examen, les autorités nationales ont empêché les intéressés de faire valoir leurs griefs fondés sur l’article 3 dans le cadre de la législation applicable. Enfin, ils constatent que les arrêtés d’expulsion n’ayant pas été signifiés aux requérants, ceux-ci n’ont même pas eu la possibilité d’en demander l’annulation. Les requérants ne se sont même pas vu communiquer les motifs de l’expulsion du territoire turc. La Cour conclut, à l’unanimité, que les requérants n’ont disposé d’aucun recours effectif pour faire valoir leurs griefs fondés sur l’article 3, en violation de l’article 13 de la Convention. Sur la violation de l’article 5 §§ 1, 2 et 4 de la Convention - Le Gouvernement turc contestant l’existence d’une privation de liberté en l’espèce, la Cour -60- explique que pour vérifier si une personne a été arbitrairement privée de sa liberté au sens de l’article 5 de la Convention, elle apprécie la situation au cas par cas, en prenant en compte des éléments tels que la durée de la mesure, le type d’incarcération ou encore, les conséquences de la mesure en question. En l’espèce, les requérants, retenus depuis le 23 juin 2008 n’ont pas pu quitter les bureaux de la police. Reconnus coupables, l’exécution de la décision judiciaire fut ajournée ; il y a donc bien eu privation de liberté. - Concernant l’article 5 § 1 de la Convention : La Cour constate que la détention des requérants entre le 23 et le 30 juin 2008 n’a pas eu de fondement légal, le droit turc, dans ces circonstances, ne prévoyant qu’une assignation à résidence. Il en va de même pour leur détention après le 30 juin 2008. - Concernant l’article 5 § 2 de la Convention : Par ailleurs, en l’absence de réponse du Gouvernement turc et d’éléments dans le dossier indiquant que les intéressés ont été avisés des motifs de leur maintien en détention après le 23 juin 2008, la Cour conclut qu’en réalité les autorités nationales ne leur ont jamais fait part de ces motifs, en violation de l’article 5 § 2 de la Convention. - Concernant l’article 5 § 4 de la Convention : La Cour constate que les requérants n’ont pas bénéficié du droit à être assistés d’un avocat et n’ont pas été informés des motifs de leur détention. Dans ces conditions, leur droit de recours contre celle-ci a été privé de toute effectivité. En effet, la question de la légalité de la détention aurait pu être examinée par un tribunal mais elle n’a pas été ouverte aux requérants. La Cour en conclut donc que le dispositif légal turc ne leur a pas offert un recours leur permettant de contester leur détention devant le juge. A l’unanimité, elle conclut à la violation de l’article 5 § 4 de la Convention. jjj Varnava et autres c. Turquie Grande Chambre 18 septembre 2009 - req. n/ 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90, 16071/90, 16072/90 et 16073/90 - violation continue de l’article 2 (droit à la vie), violation continue de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), violation continue de l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) non-violation de l’article 5 dans le chef d’un des requérants et non-violation de l’article 5 dans le chef des sept autres requérants - T Faits : La Cour a été saisie afin de statuer sur le contentieux des disparitions forcées dans le cadre du conflit entre deux pays membres du Conseil de l’Europe, la Turquie et Chypre. A la suite des interventions militaires turques sur le territoire chypriote en 1974, neuf chypriotes ont disparu. Leurs proches n’ont reçu depuis aucune nouvelle à leur sujet. Les familles des disparus ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme, afin de voir établie la responsabilité de la Turquie au regard la Convention. -61- Par un arrêt de chambre du 10 janvier 2008,31 la Cour a conclu à l’unanimité à la violation des articles 2,3 et 5 de la Convention. L’affaire fut ensuite renvoyée en Grande Chambre à la demande du gouvernement turque qui conteste la compétence de la Cour pour juger de l’affaire à plusieurs égards : - Les autorités turques soulèvent le défaut d’intérêt juridique à statuer sur ces requêtes, la Cour s’étant déjà prononcée sur la question de la disparition de l’ensemble des chypriotes grecs, notamment lors de la quatrième requête interétatique formée par Chypre contre la Turquie 32 ; - elles considèrent que les requêtes ne relèvent pas de la compétence temporelle de la Cour puisqu’elles se rapportent à des faits qui se sont produits avant le 28 janvier 1987, date à laquelle la Turquie a accepté le droit de recours individuel ; - enfin, elles estiment qu’un délai trop long se serait écoulé entre les faits et l’introduction des requêtes. T Griefs : Les requérants soutenaient que leurs proches avaient disparu après avoir été arrêtés par des militaires turcs en 1974 et que les autorités turques n’avaient fourni aucune information à leur sujet depuis lors. Parmi les nombreux articles soulevés, la Cour estime que seuls les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 5 (droit à la liberté et à la sûreté) doivent être examinés dans la présente affaire. T Décision : Exceptions préliminaires formulées par le gouvernement - Intérêt juridique des requêtes : La Cour souligne que même si la Turquie a déjà été condamnée sur les disparitions forcées chypriotes dans le cadre de la quatrième requête interétatique, les requêtes individuelles d’espèce ne sont pas “essentiellement les mêmes qu’une requête précédemment examinée par la Cour” (article 35 § 2b) du règlement de la Cour). En effet, elle considère que l’on “ne saurait dire qu’en introduisant une requête interétatique un gouvernement requérant prive des particuliers de la possibilité d’introduire ou de faire valoir leurs propres griefs” (§ 118), “ni que l’arrêt rendu dans [cette requête étatique] englobe en quelque sorte les intérêts des requérants individuels dans la présente affaire” (§ 119). Par seize voix contre une, la Cour rejette cette exception. - Compétence ratione temporis : Le gouvernement turc rappelle que la Turquie a accepté le droit de recours individuel devant la Cour qu’en 1987 et de ce fait exclut l’usage de ce droit pour des événements intervenus antérieurement, comme les faits de 1974. Les juges de Strasbourg estiment que les requêtes visent “le manquement continu de l’Etat défendeur à son obligation de mener une enquête afin de retrouver le trace des hommes disparus et déterminer ce qu’il est advenu d’eux” (§ 134). Or, “cette obligation procédurale a son propre champ d’application ; elle est distincte et peut jouer indépendamment de l’obligation matérielle de l’article 2” (§ 136). Ils précisent que l’obligation d’enquêter subsiste tant que le sort de la personne concernée n’a pas été éclairci. Ainsi la Cour estime que la violation alléguée, par sa nature continue, entre dans le champ de 31 Arrêt de chambre, 3ème section, du 10 janvier 2008, cet arrêt n’est disponible qu’en anglais. 32 CEDH, Chypre c. Turquie, dite “4e requête interétatique”, 10 mai 2001, req. n/ 25781/94 -62- sa compétence temporelle et rejette, par seize voix contre une, cette exception d’incompétence. - Observation du délai de six mois : La Cour relève que les requérants ont introduit leurs requêtes quinze ans après la disparition de leurs proches survenue en 1974. Elle note qu’ils ne pouvaient exercer ce recours avant 1987. Les juges strasbourgeois mettent en avant le caractère exceptionnel de cette affaire afin de conclure que les requérants ont agi “avec une célérité raisonnable” (§ 170) même s’ils n’ont introduit leurs griefs que trois ans après que la Turquie eut accepté le droit de recours individuel. Par conséquent, par quinze voix contre deux, ils rejettent également cette exception. Sur le fond - Concernant l’article 2 de la Convention : Respect de l’obligation procédurale d’enquête effective sur les disparitions forcées : “La Cour rappelle sa jurisprudence en vertu de laquelle l’obligation procédurale entre en jeu lorsque des individus, vus pour la dernière fois sous la surveillance d’agents de l’Etat, ont par la suite disparu dans des circonstances mettant leur vie en danger.” (§ 181). Au regard des analyses de l’arrêt rendu dans la 4e affaire étatique et de références appuyées en droit international humanitaire, la Cour estime que, sans qu’il soit précisément prouvé que les disparus se trouvaient parmi les personnes détenues par des forces turques ou chypriotes au moment de leur disparition, “les disparitions litigieuses sont survenues dans des circonstances mettant la vie des intéressés en danger” (§ 186). Par conséquent, une “obligation continue de chercher les personnes disparues et de rendre des comptes sur ce qu’il est advenu d’elles” pesait sur l’Etat turc. Or, la Cour estime que les efforts fournis par la Turquie pour respecter cette obligation sont insuffisants. Contrairement à ce qu’avance le Gouvernement turc, elle souligne que les actions menées par le « Comité pour les personnes disparues » ne dispensaient pas l’Etat défendeur d’initier des mesures d’enquête. Elle conclut donc, par seize voix contre une, à la violation continue de l’article 2 à raison de la non-réalisation par l’Etat défendeur d’investigations effectives visant à faire la lumière sur le sort des neuf hommes disparus en 1974. - Concernant l’article 3 de la Convention : Selon la Cour, “le silence des autorités de l’Etat défendeur devant les inquiétudes réelles des familles des disparus” (§ 201) est un traitement inhumain et dégradant. Elle conclut, par seize voix contre une à la violation de l’article 3 de la Convention. - Concernant l’article 5 de la Convention S’agissant de deux des disparus, la Cour conclut à l’existence de preuves permettant d’affirmer qu’au moment de leur disparition ils se trouvaient dans une situation contrôlée par l’armée turque. Or, les autorités ne reconnaissent pas leur détention et n’ont mené aucune investigation pour retrouver ces personnes. La Cour conclut par seize voix contre une à la violation continue de l’article 5 de la Convention à raison de la non réalisation d’une enquête effective sur le sort de ces deux disparus. La Cour considère en revanche que les preuves de nature à établir que les sept autres hommes auraient été vus pour la dernière fois alors qu’ils se trouvaient sous contrôle turc, ne sont pas suffisantes ; elle conclut par seize voix contre une à l’absence de violation de l’article 5 de la Convention à ce titre. -63- N Les opinions concordantes des juges Kalaydjieva, Power, Spielmann, Villiger et Ziemele et l’opinion dissidente de la juge Erönen sont annexées à l’arrêt. jjj Enea c. Italie Grande chambre 17 septembre 2009 - req. n/ 74912/01- Non-violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable quant au droit à un tribunal pendant la période d’application du régime spécial de détention) ; non-violation de l’article 6 § 1 (quant au droit à un tribunal pendant la période de placement dans le secteur E.I.V.) ; violation de l’article 8 de la Convention (droit au respect de la correspondance). - T Faits : Le 23 décembre 1993, le requérant fut condamné à trente ans de réclusion criminelle pour des faits liés à une activité mafieuse. Considéré comme un détenu dangereux, un arrêté fut pris par le ministre de la justice à son encontre, le soumettant, pour une durée de un an, au régime spécial de détention prévu à l’article 41 bis alinéa 2 de la loi sur l’administration pénitentiaire. Cette disposition vise à suspendre, totalement ou partiellement, l’application du régime normal de détention lorsque des raisons d’ordre ou de sécurité publics l’exigent. En outre, l’arrêté imposait des restrictions en matière de visites familiales, de réceptions de colis, lui interdisait de voir des tiers, de téléphoner et de participer à l’organisation et à l’exercice de certains types d’activités. Sa correspondance était également soumise à un contrôle. La mise en place de ce régime spécial fut prorogée jusque fin 2005 par dix neufs arrêtés portant sur une période limitée. Le requérant, introduisit de nombreux recours devant le tribunal de l’application des peines de Naples qui, par trois fois, jugea qu’il fallait assouplir certaines des restrictions imposées. Le requérant ne forma aucun pourvoi en cassation, estimant que la Cour de Cassation aurait rejeté son recours pour perte d’intérêt dans la mesure où, au moment du prononcé des décisions du tribunal de l’application des peines, les délais de validité des arrêtés ministériels concernés auraient expiré. Fin février 2005, le tribunal accueillit le recours du requérant contre l’arrêté n/ 19 et ordonna la révocation du régime spécial. En mars 2005, l’administration pénitentiaire plaça le requérant dans un secteur à niveau de surveillance élevé où les contacts et activités sont limités (« Elevato indice di Vigilanza (E.V.VI) »). Gravement malade, le requérant purgea sa peine dans la section du service médical de la prison destinée aux détenus soumis au régime de l’article 41 bis. En octobre 2008, le tribunal d’application des peines ordonna la suspension de l’exécution de la peine de prison en raison de son état de santé. Le 31 août 2000, le requérant saisit la Cour européenne. Le 1er juillet 2008, la chambre à laquelle l’affaire a été attribuée s’est dessaisie au profit de la grande chambre. -64- T Griefs : Le requérant soutenait que, compte tenu de son état de santé, son maintien en détention était contraire à l’article 3 de la Convention (interdiction des traitements inhumains et dégradants). Ensuite, il exposait, sous l’angle des articles 6 (droit à un procès équitable) et 13 de la Convention (droit à un recours effectif), avoir subi des restrictions importantes dans l’exercice de son droit à un tribunal concernant les arrêtés ministériels le plaçant sous le régime de l’article 41 bis ainsi que la décision de l’administration pénitentiaire le confinant dans un secteur E.I.V. Il invoquait également une violation de l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale) dénonçant d’une part, les limitations des contacts avec sa famille et, d’autre part, le contrôle de sa correspondance. Enfin, sous l’angle de l’article 9 de la Convention (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion), il se plaignait de ne pas avoir pu pratiquer sa religion. T Décision : Concernant l’article 3 de la Convention La Cour doit déterminer si le maintien en prison sous le régime spécial de détention du requérant était compatible avec son état de santé et si cette situation a atteint un niveau suffisant de gravité pour entrer dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention. Elle relève que le requérant souffre de nombreuses pathologies, et qu’au fil de sa détention son état de santé s’est dégradé. Cependant, elle considère que les restrictions imposées au requérant étaient justifiées pour l’empêcher de garder des contacts avec l’organisation à laquelle il appartenait. La Cour relève que les juges de l’application des peines ont pris en compte l’état de santé du requérant en annulant ou assouplissant certaines des restrictions. En outre, il a pu bénéficier de soins adaptés à son état de santé, soit en prison, soit dans des structures médicales externes. Elle estime donc “que le traitement dont le requérant a fait l’objet n’a pas excédé le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention” (§ 67) et conclut, par quinze voix contre deux, à la non violation de l’article 3 de la Convention. Concernant l’article 6 § 1 de la Convention - Sur la restriction du droit à un tribunal pendant la période d’application de l’article 41 bis de la loi sur l’administration pénitentiaire : ( Sur la recevabilité Le requérant se plaint du retard systématique avec lequel se prononçaient les juridictions de l’application des peines. A ce titre, la Cour rappelle “que le retard mis par les juridictions nationales dans l’examen des réclamations à l’encontre des arrêtés d’application du régime spécial de détention peut poser, dans certaines conditions, des problèmes au regard de la Convention” (§ 73). En faisant référence à sa jurisprudence antérieure,33 la Cour affirme que même si le simple dépassement d’un délai légal ne constitue pas une méconnaissance du droit à un recours effectif, “le non respect systématique du délai de dix jours imparti au tribunal de l’application des peines (...) peut sensiblement réduire, voie annihiler, l’impact du contrôle exercé par les tribunaux sur les arrêtés du ministre de la justice.” (§ 74). En outre, elle ajoute que “l’absence de toute décision sur le fond des recours introduits contre les arrêtés du ministre de la Justice constitue une violation du droit à un tribunal garanti par l’article 6 § 1 de la Convention.” (§ 75). En l’espèce, la Cour constate que le tribunal 33 CEDH, Messina c. Italie (n/ 2), 28 septembre 2000, req. n/ 25498/94. -65- d’application des peines a rejeté pour perte d’intérêt deux arrêtés (n/ 9 et n/ 12) parmi les dix neufs demandes du requérant au motif que la période de validité des deux arrêtés avait déjà expiré à la date de la décision du tribunal. La Cour conclut que la partie du grief concernant l’arrêté n/ 9 doit être effectivement déclarée irrecevable, la requête étant intervenue de façon trop tardive. Cependant, elle estime que la partie du grief concernant le recours contre l’arrêté n/ 12 doit être déclarée recevable. ( Sur le fond La Cour souligne que les détenus soumis à l’article 41 “disposent de dix jours à compter de la date de la communication de l’arrêté pour former une réclamation sans effet suspensif devant le tribunal de l’application des peines, lequel doit statuer dans un délai de dix jours” (§ 81). Elle constate que lorsque le requérant a introduit un recours contre l’un des dix neufs arrêté (l’arrêté n/ 12), le tribunal de l’application des peines s’est prononcé bien au-delà des dix jours prévus et a rejeté le recours au motif que l’arrêté litigieux avait expiré et que le requérant n’y était par conséquent plus soumis. Elle estime que le tribunal n’ayant pas statué sur le bien fondé de l’application du régime spécial, le contrôle exercé par le juge dans le cadre de l’arrêté n/ 12 a été vidé de sa substance et conclut donc, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 de la Convention. - Sur La restriction au droit à un tribunal pendant la période de placement dans le secteur E.I.V. : ( Sur la recevabilité Le gouvernement italien estime que les restrictions au droit à un tribunal pendant la période de placement dans le secteur E.I.V. n’entrent pas dans le champ d’application du volet pénal de l’article 6 § 1 de la Convention. En outre, il soutient que l’intérêt d’un détenu à ne pas être affecté dans un secteur particulier de la prison ne peut s’analyser en un droit à « caractère civil » ouvrant droit d’accès à un tribunal. Par conséquent, il considère que la requête est irrecevable. Selon la Cour, si le volet pénal de l’article 6 § 1 de la Convention ne s’applique pas dans le cadre du placement dans le secteur E.V. I., cet article peut néanmoins s’appliquer sur son volet civil en l’espèce car “la question de l’accès à un tribunal compétent pour juger du placement dans le secteur E.I.V. et des restrictions qui pourraient l’accompagner” (§ 98) entre dans la catégorie des “contestations sur les droits de caractère civil”. En outre, la Cour européenne se réfère “aux règles pénitentiaires européennes” adoptées par le comité des ministres en 1997 et précisées dans une recommandation du 11 janvier 2006. Elle juge que, même si cette recommandation n’est pas “juridiquement contraignante à l’égard des Etats membres, la grande majorité de ceux-ci reconnaissent aux détenus la plupart des droits auxquels elle se réfère et prévoient des moyens de recours contre les mesures qui le restreignent” (§ 101). Par conséquent, la Cour considère que “toute restriction touchant les droits de caractère civil de l’individu doit pouvoir être contestée dans le cadre d’une procédure judiciaire, et ce en raison de la nature des limitations (...) ainsi que la répercussions qu’elles peuvent entraîner (...). C’est par cette voie que peut se réaliser le juste équilibre entre, d’une part la prise en compte des contraintes du monde carcéral auxquelles doit faire face l’Etat, et d’autre part, la protection des droits des détenus” ( §106 ). Par seize voix contre une, elle conclut que la requête est recevable sur ce point. ( Sur le fond -66- La Cour constate que même si une décision de placement dans le secteur E.V.I, en tant que telle ne peut être contestée par le détenu, “toute limitation d’un droit de caractère civil” peut faire l’objet d’un recours devant les juges d’applications des peines. En l’espèce le requérant n’a pas subi ce genre de limitation et même si cela avait été le cas, il aurait eu accès à un tribunal. La Cour juge à l’unanimité qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Concernant l’article 8 de la Convention - Sur la violation alléguée du droit au respect de la vie privée et familiale : Le requérant affirme que les restrictions qui lui ont été imposées en raison de l’application prolongée du régime spécial de détention ont nui à sa vie privée et familiale. La Cour estime que les restrictions de contact avec l’extérieur étaient justifiées “par la nature spécifique du phénomène de la criminalité organisée, notamment de type mafieux” (§ 126). Elle conclut que ce grief, manifestement mal fondé, doit être rejeté. - Sur la violation alléguée du droit au respect de la correspondance : Le requérant soutient que le contrôle de sa correspondance a méconnu le droit protégé par l’article 8 de la Convention. La Cour rappelle que l’article 8 autorise une ingérence des autorités publiques dans l’exercice du droit du requérant à l’exercice de sa correspondance si elle est prévue par la loi. En l’espèce, elle constate que la loi sur l’administration pénitentiaire sur la base de laquelle la mesure a été décidée, “ne réglemente ni la durée de la mesure, ni les motifs pouvant justifier lesdites mesures, et n’indique pas avec assez de clarté l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes dans le domaine considéré” (§ 143). La Cour conclut à la violation de l’article 8 pour la période allant du 10 août 1994 au 7 juillet 2004, aucun élément soumis par le requérant ne permettant à la Cour de vérifier si le contrôle de sa correspondance a continué après cette date. Concernant les articles 9 et 13 de la Convention La Cour conclut à l’unanimité qu’il ne s’impose pas de statuer sur le grief tiré de l’article 13 et déclare irrecevable le grief tiré de l’article 9 de la Convention. N Les opinions en partie dissidentes des juges Kovler et Gyulumyan sont annexées à l’arrêt. jjj Scoppola c. Italie (n/ 2) Grande chambre 17 septembre 2009 - req. n/ 10249/03 -Violation des articles 7 (pas de peine sans loi) et 6 (droit à un procès équitable) de la Convention - T Faits : Le requérant est actuellement détenu au centre pénitentiaire de Parme. Lors d’une altercation familiale en 1999, il tua sa femme et blessa l’un de ses deux fils. En février 2000, devant le juge de l’audience préliminaire (« le GUP ») de Rome, le requérant demanda et obtint d’être jugé selon la procédure abrégée, une démarche simplifiée entraînant, en cas de condamnation, une -67- réduction de peine. En effet, dans sa rédaction en vigueur à cette date, l’article 442 du code de procédure pénale ( ci-après « CPP ») prévoyait que si un individu était reconnu coupable d’un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité, il devait être condamné à une peine d’emprisonnement de 30 ans. Le GUP décida de la culpabilité du requérant et, en raison du recours à la procédure abrégée, fixa la peine à 30 ans d’emprisonnement. Or le décret-loi n/ 341, qui était entré en vigueur le jour même, venait de modifier l’article 442 du CPP en prévoyant que, en cas de procédure abrégée et en présence d’un concours d’infractions ou d’un délit continu, la réclusion à perpétuité avec isolement diurne devait être remplacée par la réclusion à perpétuité simple. En conséquence, le parquet général près la cour d’appel de Rome considéra que le requérant n’aurait pas dû être condamné à 30 ans mais à la réclusion criminelle à perpétuité. Il forma donc un recours contre la décision du GUP. En janvier 2002, la cour d’assises d’appel de Rome condamna le requérant à la réclusion criminelle à perpétuité. Relevant que le décret-loi n/ 341 de 2000 était entré en vigueur le jour même du prononcé du jugement du GUP, elle considéra que les nouvelles dispositions constituaient des règles de procédure et trouvaient donc à s’appliquer à tout procès en cours. La cour d’assises rappela qu’aux termes du décret-loi n/ 341, le requérant aurait pu retirer sa demande d’application de la procédure abrégée et se faire ainsi juger selon la procédure ordinaire. Le requérant n’ayant pas fait pareil choix, la décision de première instance aurait dû tenir compte des nouvelles règles introduites par le décret-loi. Face au rejet de son pourvoi en cassation, le requérant présenta un recours extraordinaire pour erreur de fait devant la Cour de cassation. Il considérait avoir été condamné en violation des principes du procès équitable garantis par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et sur la base d’une application rétroactive de la loi pénale – le décret-loi n/ 341 – en violation de l’article 7 de la Convention. Ce dernier recours fut également rejeté. La requête introduite devant la Cour européenne a été déclarée partiellement recevable le 13 mai 2008. Le 2 septembre 2008, la chambre à laquelle l’affaire avait été attribuée s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre, conformément aux dispositions de l’article 30 de la Convention. T Griefs : Le requérant soutenait que sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité avait violé les articles 7 (pas de peine sans loi) et 6 (droit à un procès équitable) de la Convention. T Décision : Concernant la violation alléguée de l’article 7 de la Convention : Dans un premier temps, la Cour rappelle sa jurisprudence relative à l’article 7 de la Convention,34 et notamment le principe selon lequel l’interdiction de l’application rétroactive de la loi pénale au détriment de l’accusé constitue un “élément essentiel de la prééminence du droit, occupe une place primordiale dans le système de la Convention” (§ 92) et doit être appliqué “de manière à assurer une protection effective contre les poursuites, les condamnations et les sanctions arbitraires.” 35 Néanmoins, comme la Cour l’a constamment affirmé depuis l’adoption par la Commission de la décision X c. Allemagne, le 6 mars 1978,36 cette disposition ne garantit pas à l’accusé le droit 34 CEDH, S.W. et C.R. c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, req. n/ 20166/92, §§ 34 et 32 ; CEDH, Coëme et autres c. Belgique, 22 juin 2000, req. n/ 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 145 ; CEDH, Kokkinakis c. Grèce, 25 mai 1993, req. n/ 14307/88, § 52 et CEDH, Sud Fondi Srl et autres c. Italie, 20 janvier 2009, req. n/ 75909/01, § 107. 35 CEDH, S.W. et C.R. c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, req. n/ 20199/92 et n/ 20190/92 §§ 34 et 32 ; CEDH, Kafkaris c. Chypre, 12 février 2008, req. n/ 21906/04, § 137, résumé dans la veille bimestrielle n/ 18 (janvier-février 2008), p. 34. 36 CEDH, X c. Allemagne, (Déc.), 6 mars 1978, req. n/ 7900/77, Décisions et Rapports (DR) 13, pp. 70-72. -68- de bénéficier de l’application d’une peine plus légère prévue par une loi postérieure à l’infraction. En l’espèce, la Cour considère que le paragraphe pertinent de l’article 442 du code de procédure pénale est une disposition de droit pénal matériel car elle fixe la durée de la peine à infliger en cas de condamnation selon la procédure abrégée. En vertu du principe de rétroactivité de la loi pénale la plus douce, les juridictions italiennes auraient dû appliquer au requérant la version de cette disposition lui étant la plus favorable parmi toutes celles en vigueur durant la période comprise entre la commission de l’infraction et l’adoption du jugement définitif. Ainsi, l’Etat défendeur n’ayant pas satisfait à “son obligation de faire bénéficier le requérant de la disposition prévoyant une peine plus douce et entrée en vigueur après la commission de l’infraction”, la Cour conclut, par onze voix contre six, à la violation de l’article 7 de la Convention. (§ 120-121) Concernant la violation alléguée de l’article 6 de la Convention Les juges de Strasbourg rappellent que “le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire du litige” (§ 132). Ils indiquent ensuite avoir déjà eu l’occasion de se prononcer sur les particularités de la procédure abrégée prévue par le code de procédure pénale italien. Selon eux, cette procédure présente des avantages indéniables pour l’accusé.37 Cependant, elle est accompagnée d’un affaiblissement des garanties offertes en matière d’équité et de procédure.38 (§ 134) La Cour relève qu’en demandant l’adoption de la procédure abrégée le requérant “a renoncé sans équivoque à ses droits à une audience publique, à obtenir la convocation des témoins en justice, la production de nouvelles preuves et l’interrogation des témoins à charge. Il n’apparaît pas davantage que le différend ait soulevé des questions d’intérêt public s’opposant à une telle renonciation” (§ 136). Elle souligne cependant que cette renonciation a eu lieu en échange d’un certain nombre d’avantages, notamment celui de ne pas se voir infliger la peine de réclusion criminelle à perpétuité. (§ 137) Les juges européens affirment que “s’il est vrai que les Etats contractants ne sont pas contraints par la Convention de prévoir des procédures simplifiées, il n’en demeure pas moins que, lorsque de telles procédures existent et sont adoptées, les principes du procès équitable commandent de ne pas priver arbitrairement un prévenu des avantages qui s’y rattachent”. (§ 139). Rejetant l’argument du Gouvernement selon lequel le requérant aurait pu renoncer à la procédure simplifiée après avoir constaté la perte d’un avantage, ils concluent à l’unanimité, à la violation de l’article 6 de la Convention. N L’opinion concordante du juge Malinverni à laquelle se rallient les juges Cabral Barreto et Šikuta et l’opinion en partie dissidente du juge Nicolaou à laquelle se rallient les juges Bratza, Lorenzen, Jociené, Villiger et Sajó sont annexées à l’arrêt. jjj Moskal c. Pologne 39 37 CEDH, Hany c. Italie, (Déc.), 6 novembre 2007, req. n/ 17543/05. 38 CEDH, Kwiatkowska c. Italie, (Déc.) 30 novembre 2000, req. n/ 52868/99. 39 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais. -69- 15 septembre 2009 - req. n/ 10373/05 - Violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété), non violation des articles 6 (droit à un procès équitable) et 8 de la Convention (droit à la protection de la vie privée et de la vie familiale) - T Faits : La requérante, de nationalité polonaise, est mariée et mère de trois enfants dont l’un souffre de troubles respiratoires sévères, d’allergies multiples et d’infections pulmonaires récurrentes. Avant son départ en retraite anticipée, elle a été employée à temps complet pendant 31 ans dans la Compagnie des Télécommunications polonaises et a cotisé auprès de la sécurité sociale. Le 6 août 2001, elle a demandé à la sécurité sociale le versement d’une pension de retraite spéciale autorisée par une ordonnance de 1989 pour les personnes ayant élevé des enfants exigeant des soins particuliers. Le 29 août 2001, la sécurité sociale lui a accordé le droit au versement de sa pension mais en a suspendue le paiement tant que la requérante était encore salariée. Après avoir démissionné, la requérante a pu bénéficier de la somme allouée par la sécurité sociale à compter du 1er septembre 2001. Elle a reçu une carte d’invalidité pour un temps indéfini et, pendant les dix mois suivants, a bénéficié de sa pension de retraite sans interruption. Cependant, dans un courrier du 25 juin 2002, la Sécurité sociale a décidé de révoquer le versement de la pension car les problèmes de santé de l’enfant n’étaient pas prévus par l’ordonnance de 1989 et n’étaient pas suffisamment sévères pour nécessiter des soins constants (§ 14). La requérante interjeta appel de cette décision administrative mais en fut déboutée le 26 février 2003 par la cour régionale de Rzeszów. Ce jugement fut confirmé par la cour d’appel de Rzeszów le 16 octobre 2003. Les deux juridictions ont fondé leur décision sur un rapport d’expertise médicale suivant lequel l’état de santé de l’enfant ne requérait pas les soins permanents de sa mère. De plus, les juges nationaux ont précisé que la théorie des droits acquis ne s’appliquait pas lorsque les droits en question avaient été acquis sans fondement et que l’ordonnance de 1989 ne visait en l’occurrence que les enfants atteints de troubles extrêmement sévères. Le 7 mai 2004, à l’instar des deux juridictions précédentes, la Cour suprême rejeta le recours exercé par la requérante. T Griefs : La requérante invoquait une violation de l’article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention ainsi que de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (Protection de la propriété) combiné avec l’article 14 (interdiction de discrimination) de la Convention. Elle affirmait que la révocation de son droit à une pension de retraite anticipée versée par la sécurité sociale polonaise constituait une violation de sa propriété privée, une discrimination fondée sur son lieu de résidence, et portait atteinte à son droit à la protection de sa vie familiale et privée. T Décision : Sur la violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 La requérante estime qu’en la privant soudainement de son droit à une pension de retraite anticipée, la sécurité sociale et les juridictions internes polonaises ont porté atteinte à sa -70- propriété privée protégée par l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention. Elle soutient qu’en soumettant de bonne foi son dossier aux services sociaux, elle n’était pas responsable de leurs erreurs d’appréciation. Le Gouvernement polonais explique que l’atteinte au droit de la requérante est justifié par la loi et par l’intérêt général. De plus, il considère que l’atteinte est proportionnelle au but recherché. La Cour rappelle que l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 exige que toute ingérence de la part des autorités publiques ait un fondement légal, que la privation de propriété soit justifiée par l’intérêt général et poursuive un but légitime. S’agissant du fondement légal de l’ingérence, la Cour note que la mesure adoptée par l’organisme de Sécurité sociale est fondée sur la section 114 de la loi de 1998 qui énonce que le droit aux allocations peut être révisé d’office, même après validation du dossier, si de nouvelles preuves étaient apportées ou si des circonstances particulières existantes avant la décision finale étaient découvertes remettant en cause ce droit. La Cour, au vu des nouveaux éléments de faits apportés par les rapports médicaux, ne critique pas la réouverture du dossier de la requérante. La modification de la décision de la Sécurité sociale pour rectifier son erreur d’appréciation et priver ainsi la requérante de son droit acquis irrégulièrement, dispose d’un fondement légal. A propos de l’exigence posée par l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 d’un but légitime, les juges de Strasbourg expliquent que les Etats membres disposent d’une large marge d’appréciation pour la définir à travers leurs politiques économiques et sociales et que la volonté de veiller sur les finances publiques et d’éviter l’endettement du système de sécurité sociale constituent un but légitime. Cependant, la Cour procède à un contrôle de proportionnalité de l’ingérence : se fondant sur les principes de l’enrichissement sans cause et de l’égalité, elle juge que si, en principe, les autorités publiques ne doivent pas être empêchées de corriger leurs propres erreurs, dans le cas où le bénéficiaire est de bonne foi, cette possibilité de rectification ne doit pas s’appliquer lorsque la privation des prestations sociales qui en résulterait, mettrait cette personne dans une situation excessivement problématique. En l’espèce, la requérante a été privée de son allocation du jour au lendemain alors que cette somme était sa seule source de revenu et que la Pologne n’offre pas de sécurité de l’emploi (§ 74). Face à ces considérations, la Cour estime que l’exigence de proportionnalité entre la protection des droits fondamentaux de la requérante et l’intérêt général n’a pas été respectée. Ainsi, la Cour conclut, par quatre voix contre une, à la violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention. Sur la violation de l’article 6 § 1 de la Convention Selon la requérante, le retrait d’office de son allocation, sans qu’elle ait pu être entendue par un tribunal, constitue une atteinte à son droit à un procès équitable protégé par l’article 6 § 1 de la Convention. La Cour rappelle que le principe de sécurité juridique doit s’appliquer à toutes les décisions qu’elles soient judiciaires, administratives ou émanant d’un organisme de sécurité sociale. C’est sur ce fondement qu’elle déclare la plainte recevable. La requérante soutient également que les juridictions internes ont mal interprété les preuves soumises. Mais, se référant à l’article 35 § 3 de la Convention, la Cour explique qu’elle ne peut pas substituer son analyse des faits à celle des juridictions nationales : son rôle consiste uniquement à vérifier si la procédure dans son ensemble est juste et respecte les droits fondamentaux prévus par la Convention. -71- En l’espèce, la Cour ne décèle pas, dans l’ensemble de la procédure, d’élément établis injustement. La requérante n’a pas apporté la preuve que les juridictions internes auraient rendu des décisions arbitraires ou violant ses droits fondamentaux. Les juges européens insistent même sur le fait que les jugements en première instance, en appel, et de la Cour Suprême polonaise apportent une analyse détaillée des circonstances et sont suffisamment motivés (§ 88). Ainsi, la Cour déclare ce grief manifestement mal fondé et le rejette. Sur la violation de l’article 8 de la Convention - La Cour se prononce d’abord sur la perte de la prestation « EWK » : Ayant répondu sur l’allégation de violation de l’article 1er du protocole n/ 1, elle considère inutile d’analyser séparément la violation de l’article 8 de la Convention. - A propos de la procédure interne : La requérante regrette que la santé de son fils ait été discutée publiquement devant un tribunal et que son fils ait été examiné par un expert ce qui lui a causé un réel stress. La Cour de Strasbourg rappelle que la requérante a elle-même introduit une action en justice pour contester la décision de la Sécurité sociale de juin 2005, et qu’elle devait, pour éventuellement percevoir de nouveau l’allocation en cause, apporter les preuves de l’état de santé de son fils. En conséquence, elle considère à la fois légitime et légale la démarche des juridictions internes de chercher toutes les preuves et notamment tout document médical pertinent. Dès lors, la Cour juge qu’il n’y a pas eu de violation de la vie privée protégée par l’article 8 de la Convention. Sur la violation de l’article 14 combinée avec l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 La requérante invoque une discrimination en affirmant qu’une majorité de citoyens bénéficiant de la prestation « EWK » et résidant dans sa région s’étaient vu suspendre ou retirer le bénéfice de cette allocation. La Cour estime que la requérante n’a pas fourni assez de preuve pour étayer ses allégations de discrimination et déclare ce grief manifestement mal fondé. N L’opinion partiellement dissidente des juges Bratza, Hirvelä et Bianku est annexée à l’arrêt. jjj -72- Mirolubovs et autres c. Lettonie 15 septembre 2009 - req. n/ 798/05 - Violation de l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention - T Faits : La confession vieille-orthodoxe est née du grand schisme de l’Eglise orthodoxe russe au milieu du dix-septième siècle. La Constitution lettone reconnaît la liberté religieuse et la séparation de l’église et de l’Etat et une loi de 1995 organise les relations des communautés religieuses avec l’Etat. Les requérants, de confession vieille-orthodoxe, sont des responsables de la paroisse Grebenš…ikova de Riga (ci-après la RGVD), la plus grande communauté appartenant à cette confession. La Direction des affaires religieuses reconnut en 2001, la validité des élections des organes de direction de cette communauté ainsi que ses nouveaux statuts. Mais une scission apparut à l’intérieur de la communauté et en 2002, dans le temple de Riga, eut lieu l’assemblée générale extraordinaire de la RGVD à laquelle les requérants participèrent, tandis qu’au même moment, un autre rassemblement fut organisé dans la rue. Ces deux groupes rivaux prétendaient chacun être l’assemblée générale légitime de la communauté. Le groupe qui s’était rassemblé dans la rue décida de changer les élus et le statut de la RGVD. Les deux entités présentèrent chacune une demande d’homologation à la Direction des affaires religieuses (ciaprès la Direction). Celle-ci, par une décision d’août 2002, reconnut la légitimité de l’assemblée de la rue, puis l’homologua et l’enregistra en tant que nouveau conseil paroissial de la RGVD. Les requérants et leurs partisans furent quant à eux expulsés de force du temple où ils ne furent plus admis et ils fonctionnèrent alors informellement sous le nom de « RGVD en exil ». Le tribunal de première instance fit droit à la demande des requérants d’annuler les décisions de la Direction des 23 août et 10 septembre 2002. La Direction interjeta appel de ce jugement et la cour régionale infirma ce jugement. Le pourvoi formé par les requérants fut rejeté, en janvier 2004, par la Cour suprême lettone. T Griefs : Invoquant l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention, les requérants se plaignaient de la manière dont la Direction était intervenue dans le conflit concernant leur communauté religieuse. Ils invoquaient également une violation des articles 6 (droit à un procès équitable), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 11 (liberté de réunion et d’association), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de discrimination) de la Convention. T Décision : Concernant le prétendu abus du droit de recours individuel Le Gouvernement letton soulevait une exception d’irrecevabilité tirée d’un abus du droit de recours individuel de la part des requérants. Il soutenait que ceux-ci auraient violé l’obligation de confidentialité requise durant les négociations amiables. Sur ce point, la Cour européenne rappelle tout d’abord sa jurisprudence relative aux requêtes abusives. (§ 62-66). Elle réaffirme notamment que l’obligation de « confidentialité » a pour objectif de faciliter le règlement amiable en protégeant les parties et la Cour contre d’éventuelles pressions. Ainsi, si le fait de communiquer à un tiers le contenu des documents relatifs au -73- règlement amiable est susceptible d’être constitutif d’un « abus » au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, elle précise que “l’on ne saurait pour autant en tirer une interdiction totale et inconditionnelle de montrer ces documents à un tiers quelconque ou de lui en parler.” (§ 67) Elle précise ensuite que c’est à elle et non au gouvernement défendeur, qu’il incombe de surveiller le respect des obligations procédurales résultant de la Convention. (§ 70) Au vu de ces éléments, la Cour européenne décide de ne pas retenir l’exception soulevée par le Gouvernement letton. Sur le fond - Concernant la violation alléguée de l’article 9 de la Convention : Sur le fondement de l’article 9 (Liberté de conscience, de pensée et de religion) de la Convention, les requérants se plaignaient de la manière dont la Direction était intervenue dans le litige en cause. Selon les juges européens, l’intervention des autorités lettones “s’analyse en une ingérence dans l’exercice, par les requérants, de leur droit à la liberté de religion protégé par l’article 9 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Hassan et Tchaouch, précité, § 82, ainsi que Saint Synode de l’Eglise orthodoxe bulgare (métropolite Innocent) et autres c. Bulgarie, nos 412/03 et 35677/04, §§ 102 et 114, 22 janvier 2009). Pareille ingérence emporte violation de cette disposition, sauf si elle est prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique pour atteindre un but légitime (Cha’are Shalom Ve Tsedek c. France [GC], n/ 27417/95, §§ 75 et 84, CEDH 2000-VII).” (§ 77). S’agissant des buts poursuivis par cette ingérence, les juges soulignent que l’objectif immédiat des autorités était de résoudre le conflit opposant les deux groupes de le RGVD. (§ 79). Après avoir rappelé les principes fondamentaux relatifs à la liberté de pensée, de conscience et de religion, ils notent qu’à la date des événements ayant donné lieu à l’affaire, la communauté religieuse en cause était indépendante et juridiquement reconnue par l’Etat letton. (§ 82) Rappelant qu’une communauté religieuse est libre de choisir et de nommer ses ministres de cultes ainsi que les membres de ses organes décisionnels conformément à ses propres règles canoniques, la Cour constate que si la scission litigieuse a touché une partie des membres de la RGVD, ses organes de gestion chargés d’assurer la continuité de la communauté en tant que personne morale, n’ont pas pour autant été affectés. Relevant que l’Etat a révoqué sa reconnaissance accordée jusqu’alors aux organes régulièrement constitués par la RGVD selon ses propres statuts, et a sanctionné leur remplacement complet par des organes créés par le groupement rival, les juges de Strasbourg soulignent que seules des « raisons graves et impérieuses » sont susceptibles de justifier de telles interventions. A cet égard, ils mettent en avant le « caractère extrêmement sommaire de la décision » de la Direction. Par ailleurs, ils indiquent avoir déjà jugé que lorsqu’un conflit interne met à mal une communauté religieuse, les autorités étatiques doivent adopter “une approche particulièrement sensible et délicate” sur la base de décisions “particulièrement bien motivées”. Or, en l’espèce, la motivation de la décision litigieuse est insuffisante. (§ 87) La Cour réaffirme ensuite que “l’article 9 de la Convention oblige l’Etat d’être neutre et impartial dans l’exercice de son pouvoir de réglementation en matière religieuse, et qu’il lui interdit en principe toute appréciation de la légitimité des croyances religieuses ou des modalités d’expression de celles-ci.” Or, dans les circonstances de l’affaire, “la Direction a manqué à son obligation de neutralité”. (§ 89). Affirmant que la “détermination de l’appartenance confessionnelle d’une communauté religieuse -74- incombe aux seules autorités spirituelles suprêmes de cette communauté, et non à l’Etat”, la juridiction européenne note que les motifs invoqués par la Direction coïncidaient avec le point de vue de la majorité des vieux-croyants lettons mais que la RGVD ne faisant pas partie de cette église, elle ne saurait être considérée comme son « autorité spirituelle suprême ». Sur cette question, la Cour renvoie à sa jurisprudence selon laquelle “lorsque l’exercice du droit à la liberté de religion ou d’un de ses aspects est soumis, selon la loi interne, à un système d’autorisation préalable, l’intervention dans la procédure d’octroi de l’autorisation d’une autorité ecclésiastique reconnue ne saurait se concilier avec les impératifs de l’article 9 § 2 de la Convention” 40. (§ 90) Par ailleurs, les juges de Strasbourg évoquent “l’hétérogénéité structurelle de la religion veilleorthodoxe” pour conclure que “la Direction aurait dû tenir compte de cette particularité ; pourtant, elle l’a négligé, en déclarant purement et simplement que les paroissiens en cause avaient « changé de confession »” (§ 91). Ils relèvent également qu’en parvenant à cette conclusion alors qu’elle était en possession d’une lettre du Saint-Synode de l’Eglise orthodoxe russe indiquant qu’aucune conversion vers cette Eglise n’avait eu lieu, la Direction ne s’est pas fondée sur une “appréciation acceptable des faits pertinents”, comme le prévoit l’article 9 § 2 de la Convention. (§ 92) Pour la Cour, l’intervention de la Direction résulte d’une décision insuffisamment motivée, qui n’a pas pris en compte l’ensemble des circonstances pertinentes de la cause et a méconnu l’obligation de neutralité de l’Etat en matière religieuse. Selon elle, “Une telle ingérence ne saurait passer pour « nécessaire dans une société démocratique », quel que soit l’objectif légitime poursuivi.” Elle note ensuite que les requérants ont saisi le tribunal de première instance, qui, leur a donné gain de cause, contrairement aux cours d’appel et de cassation qui les ont déboutés sans examiner les problèmes de fond de l’affaire. Ainsi, pour la Cour, “ces juridictions ont volontairement renoncé à remédier à la violation commise” (§ 95). Partant, elle conclut, par six voix contre une, à la violation de l’article 9 de la Convention. - Concernant la violation alléguée des articles 8 et 11 de la Convention : Selon la Cour, ces griefs se confondent avec celui tiré de l’article 9 de la Convention. Le constat de la violation de ce dernier la dispense de se prononcer sur la violation alléguée des articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 11 (liberté de réunion et d’association) de la Convention. - Concernant les autres violations alléguées de la Convention : La Cour considère que la partie de la requête fondée sur les articles 6 (droit à un procès équitable), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction des discriminations) de la Convention est mal fondée et la déclare irrecevable. Enfin, elle déclare le grief tiré de la violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention, incompatible ratione materiae et donc irrecevable. N Le juge Myjer a exprimé une opinion dissidente dont le texte se trouve joint à l’arrêt. jjj E.S. et autres c. Slovaquie 15 septembre 2009 40 CEDH, Eglise métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldova, 13 décembre 2001, req. n/ 45701/99, § 114, CEDH, Vergos c. Grèce, 24 juin 2004, req. n/ 65501/01, § 34. -75- - req. n/ 8227/04 - violation des articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention - T Faits : Les requérants sont une mère et ses trois enfants. La mère, soucieuse d’éloigner ses enfants du domicile familial afin de les protéger des actes de maltraitance et abus sexuels commis par leur père, déposa plainte pour maltraitance et abus sexuel. En mai 2001, elle saisit les juridictions d’une demande de mesure provisoire enjoignant au mari de quitter le domicile conjugal. La demande fut rejetée en première instance puis en appel au motif que le droit de jouissance du mari sur le domicile conjugal ne pouvait être limité. Pour les juges nationaux, une telle décision n’aurait pu intervenir qu’à compter d’une décision définitive de divorce. Seule une mesure provisoire telle qu’une injonction obligeant le mari à éviter tout comportement déplacé pouvait être envisagée. La Cour constitutionnelle, saisie à son tour, conclut qu’aucune mesure adéquate n’avait été prise en vue de protéger les enfants contre les mauvais traitements infligés par leur père. Cependant, la Haute juridiction estima que les droits de la requérante n’avaient pas été violés dans la mesure où elle n’avait pas sollicité d’injonction. Le mois suivant, l’épouse déposa une demande de divorce au tribunal. La garde des enfants fut temporairement attribuée à la mère pour la durée de la procédure de divorce. Le jugement de divorce fut rendu en mai 2002 et la garde des enfants fut alors définitivement attribuée à la mère. T Griefs : Les requérants invoquaient une violation des articles 3 et 8 de la Convention au motif que les autorités n’avaient pas protégé les enfants contre les agissements de leur père. T Décision : Sur l’exception d’irrecevabilité tirée du non épuisement des voies de recours internes La Cour européenne rappelle que, sur le fondement de l’article 35 § 1 de la Convention, une telle exception doit s’appuyer sur la preuve de l’existence d’un recours effectif accessible en théorie comme en pratique à l’époque des faits et susceptible d’accorder à la requérante une réparation de son préjudice. Or, la mesure provisoire proposée (enjoindre au mari de cesser tout comportement déplacé ou violent) ne protégeait pas les requérants de manière satisfaisante et ne constituait donc pas un recours effectif à épuiser. La Cour précise que ces derniers avaient besoin d’une protection immédiate. Par conséquent, elle conclut que la requérante ne disposait d’aucun recours effectif durant cette période lui garantissant, ainsi qu’à ses enfants une protection efficace contre les violences de son mari. Elle déclare la requête recevable. Sur le fond S’agissant des enfants de la requérante, la Cour rappelle que la nature des droits en cause les concernant (droit à la vie - article 2 - et droit au respect de son intégrité physique - article 3 -) ont une implication sur les types de recours proposés par l’Etat. A ce titre, une réparation des préjudices matériel et moral des requérants aurait dû être envisagée. Or, en l’espèce, si la Cour constitutionnelle a reconnu les violations des droits précités, elle a cependant refusé d’accorder une compensation financière en estimant suffisante la simple reconnaissance des violations. La Cour en déduit que les enfants de la requérante n’ont pas obtenu une réparation appropriée de leur préjudice. -76- De surcroît, les mesures proposées par le tribunal s’avéraient insuffisantes au regard de la sévérité des griefs soulevés à l’encontre du mari de la requérante. Des mesures de protection immédiate auraient dû être engagées avant le prononcé du divorce. La Cour juge que pendant ce laps de temps aucune protection efficace n’a été mise en œuvre pour protéger la mère et ses enfants des actes de violence perpétrés par le mari. La Cour conclut que le Gouvernement slovaque a failli à son obligation de protéger les requérants des mauvais traitements, en violation des articles 3 et 8 de la Convention. Elle alloue, sur le fondement de l’article 41 de la convention (satisfaction équitable), la somme de 800 euros au titre de la réparation du préjudice moral. jjj -77- DÉCISIONS SUR LA RECEVABILITÉ EARL Pauvert c. France 6 octobre 2009 req. n/ 25617/08 Décision d’irrecevabilité - article 1er du protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété) - T Faits : La requérante est une exploitation agricole (EARL). Une partie des terrains qu’elle louait et exploitait fit l’objet d’une procédure d’expropriation d’utilité publique. Elle demanda et obtint l’emprise totale de la part de la société expropriante. En première instance, statuant sur les indemnités dues à la requérante, le juge de l’expropriation, qui constata que, malgré l’emprise totale, la requérante avait continué à exploiter le reliquat des parcelles de terrain, ordonna une indemnisation basée sur le barème de l’emprise partielle, plus avantageuse pour la requérante. Cette décision fut confirmée en appel et le montant de l’indemnisation fut porté à 603 325 euros. L’expropriante forma un pourvoi en cassation. La troisième chambre civile, dans un arrêt du 12 octobre 2005, cassa l’arrêt après avoir estimé que la cour d’appel, “en reconnaissant que la requérante avait obtenu l’emprise totale, et en l’indemnisant selon les critères de l’emprise partielle puisqu’elle n’avait pas cessé son activité sur les terrains en question, (...) n’avait pas tiré les conséquences légales de ses constatations”. La cour d’appel de renvoi fixa le montant de l’indemnisation totale de la requérante, selon le barème de l’emprise partielle, à 137 020 euros. La requérante se pourvut en cassation. Le 21 novembre 2007, le pourvoi fut rejeté par la troisième chambre civile au motif que “l’indemnisation d’après la perte de marge brute (éviction partielle) suppose que l’expropriant évincé poursuive l’exploitation sur le reliquat des terres restant à sa disposition et qu’en cas d’éviction totale, qui suppose cessation de toute activité avec corrélativement la suppression de la totalité des charges d’exploitation, ce qui était le cas en l’espèce, la perte de revenus à prendre en compte doit correspondre à l’ensemble des bénéfices nets procurés par l’exploitation dès lors que l’exploitant, qui est supposé cesser toute activité, n’a plus à supporter ni charge ni frais”. T Griefs : Devant la Cour européenne, la requérante critiquait le barème appliqué par les juridictions pour fixer le montant de son indemnisation ; elle invoquait ainsi une violation de l’article 1er du protocole additionnel n/ 1 (protection de la propriété) à la Convention. T Décision : A titre liminaire, la Cour rappelle qu’il incombe aux juridictions nationales d’interpréter la législation interne et qu’il ne lui appartient pas de se substituer à elles. Par ailleurs, elle constate que “la requérante a elle-même demandé l’emprise totale de son terrain à la société expropriante (voir, a contrario, Lallement, précité). Bien que celle-ci lui ait été accordée, et qu’en conséquence son bail ait été rompu de plein droit, elle continua néanmoins à exploiter le terrain litigieux”. D’autre part, l’indemnisation qui lui a été accordée in fine comportait “une indemnité -78- d’éviction destinée à compenser l’interruption ou la diminution de son activité jusqu’à ce que sa réinstallation sur de nouvelles terres lui restitue une situation économique équivalente à celle qu’elle avait précédemment”, mais aussi, “une indemnité pour « pertes d’installations attachées au bâtiment » (...) destinée à couvrir spécifiquement les pertes liées aux installations existantes sur le terrain exploité et dont la requérante est contrainte de se séparer en raison de son expropriation. (...).” Enfin, la requérante a “également bénéficié d’une indemnité de fumures et arrières-fumures (...) dont la vocation est de dédommager l’exploitant des amendements successifs qu’il a apportés au sol et qui produisent effet sur plusieurs années ainsi que d’une réparation (...) pour rupture de bail à long terme”. “La Cour considère que le montant de ces indemnités destinées à permettre à la requérante de se réinstaller sur de nouvelles terres, après son éviction totale du terrain qu’elle exploitait, n’est pas disproportionné, compte tenu de la marge d’appréciation dont jouissent les Etats en la matière”. Les juges européens, à l’unanimité, rejettent cette requête. jjj Frédéric Poitou c. France 15 septembre 2009 req. n/ 16557/08 - Décision d’irrecevabilité - article 8 (Droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention - T Faits : Le jugement prononçant le divorce du requérant lui octroyait un droit de visite pour son fils. A la suite de difficultés rencontrées par le requérant pour exercer son droit de visite, le juge aux affaires familiales ordonna que les visites soient médiatisées. Les relations se dégradèrent entre le requérant et son fils et la mère de l’enfant décida unilatéralement de mettre fin à ces visites. Le requérant déposa plainte pour non représentation d’enfant en 2005. Ses plaintes furent classées sans suite en 2006 et ce n’est qu’en 2009 que la cour d’appel déclara la mère de l’enfant coupable du délit de non représentation d’enfant et qu’elle l’invita, sous peine de sanction, à respecter le droit de visite du requérant. T Griefs : Le requérant invoquait une violation des articles 6 (droit à un procès équitable) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention. T Décision : La Cour européenne décide de n’examiner la requête que sous l’angle de l’article 8 de la Convention. Elle précise que cet article qui, pour l’essentiel tend “à prémunir l’individu contre les ingérences des pouvoirs publics”, donne également obligation aux Etats de prendre les mesures nécessaires pour assurer le “respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux”. Il “implique ainsi le droit d’un parent à des mesures propres à le réunir avec son enfant et l’obligation des autorités nationales de les prendre”. En l’espèce, les juges européens constatent que le requérant s’était vu reconnaître un droit de visite et d’hébergement dès le prononcé de son divorce et que lorsque des difficultés sont -79- survenues entre les deux parents, le juge aux affaires familiales a ordonné que les visites soient médiatisées, par l’intervention d’une association. Ils notent également que lorsque les relations entre le requérant et son fils se sont détériorées, diverses mesures ont été mises en œuvre par le juge chargé du dossier dont des mesures éducatives et que rien ne permet d’imputer aux autorités nationales l’échec de ces dispositions mises en place. La Cour reconnaît que le comportement de la mère de l’enfant et notamment sa décision unilatérale de mettre fin aux visites médiatisées prévues par le juge ne sont pas étrangères à la dégradation de la relation entre le requérant et son fils. Elle indique que “si des mesures coercitives à l’égard des enfants ne sont pas souhaitables dans ce domaine délicat, le recours à des sanctions ne doit pas être écarté en cas de comportement manifestement illégal du parent avec lequel vit l’enfant”. En l’espèce, elle note que les plaintes pour non représentation d’enfant ont d’abord été classées sans suite en 2006 et que ce n’est qu’en 2009 que la cour d’appel contraignit la mère de l’enfant à respecter le droit de visite du requérant. Cependant, “Si ce délai de réaction pénale est susceptible d’inspirer des doutes à la Cour, force est d’admettre que, dans une affaire aussi délicate que celle-ci, les autorités étaient mieux placées qu’elle pour apprécier in concreto le comportement des parents, l’état psychologique de l’enfant ainsi que le degré de coopération de la mère afin d’établir un juste équilibre entre les intérêts de l’enfant à vivre dans un milieu serein et ceux inspirant les démarches du requérant”. Elle conclut que “les autorités ont pris toutes les mesures que l’ont pouvait raisonnablement exiger d’elles dans les circonstances de la cause, en veillant notamment à préserver l’intérêt supérieur de l’enfant” et, à l’unanimité, rejette la requête. jjj Jean-Hugues Matelly c. France 15 septembre 2009 - req. n/ 30330/04 - - Décision d’irrecevabilité - article 10 de la Convention (liberté d’expression) - T Faits : Le requérant est un ressortissant français, officier de gendarmerie depuis 1992. Docteur en Sciences politiques, il est chercheur associé au Centre d’Études et de Recherches sur la Police de Toulouse. Parallèlement, il est affecté au Centre de Documentation et de Pédagogie de l’Ecole nationale de gendarmerie à Maisons-Alfort. Il publie régulièrement des articles spécialisés et des ouvrages littéraires. En janvier 2003, il publia dans la revue trimestrielle « Les Cahiers de la Sécurité Intérieure » un article intitulé « Une obligation de résultat pour les gendarmes ? », dans lequel il analysait une expérience de commandement opérationnel par objectifs menée sur une compagnie de gendarmerie départementale de 1999 à 2001, au regard des nouvelles orientations et méthodes de management préconisées par le Ministère de l’Intérieur en matière de lutte contre l’insécurité. Fin janvier 2003, il accorda des interviews aux quotidiens nationaux « Le Monde » et « Libération » ainsi qu’à l’hebdomadaire « L’express » puis, début février, à différents organes de la presse écrite, télévisée ou radiodiffusée, tels que France Inter, France 2, l’Agence France Presse et « La Nouvelle République ». Le 4 février 2003, le journal « Libération » publia une interview du requérant dans un article intitulé « Un capitaine de gendarmerie dénonce le flou des chiffres de la délinquance : “La Tentation du bidonnage” », avec comme sous-titre « La culture du résultat et le manque de contrôle sont, selon lui, à l’origine des dérives ». -80- Le 4 février 2003, le requérant fut convoqué dans le bureau du chef d’état-major du commandement des écoles de la gendarmerie où il reçut l’ordre verbal de ne plus communiquer avec la presse écrite et audiovisuelle. Plus tard, par une décision du 18 mars 2003, le requérant fut sanctionné pour « avoir, sans autorisation de sa hiérarchie, accordé des entretiens à plusieurs médias nationaux à propos de sujets sensibles d’actualité tels ceux se rapportant à la lutte contre la délinquance ». Il se vit infliger un blâme du ministre de la défense pour violation d’un « règlement militaire » et pour « manquement à l’obligation de réserve dans l’expression écrite ou orale ». Le requérant engagea alors plusieurs procédures visant à son droit à la liberté d’expression. Mais ni le référé-liberté, ni le référé-suspension, ni le recours pour excès de pouvoir n’aboutirent. Toutes ces procédures furent déclarées irrecevables. Le Conseil d’Etat, saisi d’un recours pour excès de pouvoir, par un arrêt du 7 juin 2006, après avoir rappelé que cette décision constituait une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours, déclara irrecevables les conclusions du requérant dirigées contre la décision implicite de rejet du ministre de la défense au regard de l’ordre verbal de 2003. T Griefs : Le requérant invoquait la violation de nombreux articles : - l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention : le requérant estimait que la restriction imposée n’était pas « prévue par la loi » et ne répondait à aucun des motifs légitimes posés par le paragraphe 2 de l’article 10. Il ajoutait que la restriction était totalement disproportionnée et qu’elle conduisait à priver l’accès des médias comme du public à certaines informations et sources d’information. - l’article 13 de la Convention : il se plaignait de ne pas avoir disposé d’un recours pour contester la mesure litigieuse, les juridictions administratives ayant considéré que l’ordre verbal donné constituait une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours ; - l’article 6 § 1(droit à un procès équitable) de la Convention : il soutenait que l’égalité des armes entre les parties n’avait pas été respectée par le juge, celui-ci ayant retenu les affirmations non étayées du ministère de la défense sans diligenter aucune investigation. - enfin, l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention : le requérant dénonçait une atteinte à son droit de propriété, dans sa dimension patrimoniale et morale, expliquant ne plus pouvoir librement participer à la promotion de ses œuvres intellectuelles dans les médias, les commenter ou les défendre, ni contracter avec des éditeurs. T Décision : Bien que le requérant invoque la violation de plusieurs articles, la Cour ne se prononce que sur l’article 10 de la Convention. Le gouvernement se fonde sur l’article 7 de la loi n/ 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires et l’instruction du 29 décembre 1972 relative à l’exercice dans les armées du droit d’expression sur les problèmes militaires pour montrer que l’ingérence était prévue par la loi et qu’elle était nécessaire. Aux allégations du requérant, la Cour répond en deux temps : d’abord elle vérifie l’existence d’une ingérence des autorités publiques dans l’exercice de la liberté d’expression du requérant protégée par la Convention, puis elle examine si cette ingérence peut être justifiée. Selon la Cour, l’interdiction pour le requérant de s’exprimer librement devant les médias constitue bien une ingérence dans sa liberté d’expression car si l’interdiction n’était pas respectée elle serait alors accompagnée de sanctions disciplinaires. En ce sens, elle ne constitue pas seulement “un simple rappel de dispositions législatives et réglementaires, comme le soutient le Gouvernement”. -81- Pour examiner si l’ingérence peut être justifiée, la Cour examine si elle satisfait aux exigences de l’article 10 § 2 de la Convention. Elle vérifie donc si l’ingérence est prévue par la loi. La Cour rappelle que les autorités publiques se sont fondées sur la loi n/ 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires (article 7), sur l’instruction du 29 décembre 1972 relative à l’exercice dans les armées du droit d’expression sur les problèmes militaires et une note du ministère de la défense du 4 septembre 1981 relative à la procédure d’autorisation préalable en matière de droit d’expression. Ainsi, l’ingérence était bien prévue par la loi. Puis, les juges européens recherchent si le but de l’ingérence était « légitime ». Ils retiennent que le but de l’ingérence en l’espèce était de défendre l’ordre dans les forces armées. Cette restriction est précisément prévue par le § 2 de l’article 10. Enfin, la Cour de Strasbourg contrôle la proportionnalité de cette ingérence au but légitime poursuivi. Elle explique que l’article 10 a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire et des citoyens des Etats membres, mais que le statut des militaires est particulier. C’est pourquoi “l’Etat doit pouvoir imposer des restrictions à la liberté d’expression là où existe une menace réelle pour la discipline militaire”. En l’espèce, le requérant était capitaine de gendarmerie. Il connaissait donc les devoirs et obligations liés à son statut. Pourtant, par les propos qu’il a tenu dans l’article de presse du 4 février 2003, il a manqué à son devoir de réserve. La Cour estime que les “références à une manipulation des chiffres de la délinquance par les officiers de gendarmerie, et à une absence de contrôle par la hiérarchie sont de nature à porter atteinte à la crédibilité de ce corps militaire, et à la confiance du public dans l’action de la gendarmerie elle-même.” Dès lors, la défense de l’ordre et de la discipline militaire étant en jeu, la Cour juge nécessaires l’ordre verbal et la sanction disciplinaire attaqués. De plus, elle note que l’interdiction de s’exprimer devant les médias était limitée au thème abordé dans l’article paru le 4 février 2003. Par ailleurs, le blâme du ministre de la défense du 18 mars 2003 constitue une sanction disciplinaire modérée et fut par la suite annulée, pour des motifs procéduraux, par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 10 novembre 2004. Ainsi, les juges européens considèrent que les autorités nationales n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation. Ils en concluent que la mesure litigieuse ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans le droit garanti par l’article 10 de la Convention et déclarent donc que ce grief est manifestement mal fondé. En ce qui concerne une éventuelle violation de l’article 13 de la Convention, la Cour répond que grief tiré de l’article 10 de la Convention étant irrecevable pour défaut manifeste de fondement, le grief que le requérant développe sous l’angle de l’article 13 ne peut être considéré comme défendable. Cette disposition ne trouve donc pas à s’appliquer. S’agissant de l’atteinte aux articles 6 § 1 de la Convention et 1er du protocole additionnel n/ 1, elle ne développe pas son analyse et conclut à la non violation de ces articles. Dès lors “cette partie de la requête doit être rejetée pour défaut manifeste de fondement”. jjj -82- Gas et Dubois c. France 1er septembre 2009 - req. n/ 45827/07, présentée par Mathieu Jacquier - Décision d’irrecevabilité - articles 6 (droit à un procès équitable) et 8 (protection de la vie privée et de la vie familiale) de la Convention - T Faits : Cette affaire concerne une perquisition faite au cabinet du requérant, avocat inscrit au barreau de Marseille. Le juge d’instruction, tentait ainsi de trouver des éléments lui permettant de localiser le client du requérant qui avait quitté la France pour retourner dans son pays d’origine. La perquisition fut organisée en présence du requérant, du juge d’instruction et de son greffier, ainsi que du bâtonnier. Ce dernier ne s’opposa pas à la saisie de documents par le juge ; il estima en effet que les pièces concernées n’étaient pas couvertes par le secret professionnel. T Griefs : Le requérant invoquait une violation de l’article 8 de la Convention. Il contestait, en l’absence de poursuites criminelles contre son client et de soupçons contre lui-même, la légalité de la perquisition organisée à son cabinet au regard des articles 56 et 56-1 du code de procédure pénale et alléguait une atteinte à son droit au respect de son domicile et à sa correspondance. Invoquant également une violation de l’article 6 de la Convention, il soutenait d’une part qu’il n’existait aucun recours pour contester une perquisition litigieuse et d’autre part, qu’il avait été porté atteinte aux droits de la défense, notamment en raison de la violation du secret professionnel et de la correspondance. T Décision : La Cour admet que la perquisition réalisée au cabinet du requérant constitue bien une ingérence dans son droit protégé par l’article 8 de la Convention. Cette ingérence, prévue par les articles 56-1, 92 et suivants du code de procédure pénale était prévue par la loi. Elle poursuivait un but légitime, celui de la protection de l’ordre public et de la prévention des infractions pénales. Les juges de Strasbourg rappellent que les perquisitions réalisées “chez un avocat sont susceptibles de porter atteinte au secret professionnel, qui est la base de la relation de confiance qui existe entre l’avocat et son client (...)”. Elles doivent donc “impérativement être assorties de garanties particulières”. “En l’espèce, la Cour note que la visite domiciliaire s’est précisément accompagnée d’une garantie spéciale de procédure, puisqu’elle fut exécutée en présence du bâtonnier de l’Ordre des avocats dont relevait le requérant”. Elle précise enfin que “l’ordonnance de perquisition n’était pas rédigée en termes trop larges puisqu’elle ne visait que la recherche d’éléments permettant de localiser” le client du requérant. La juridiction européenne en conclut que la perquisition n’était pas disproportionnée par rapport au but visé et qu’il n’y a donc aucune apparence de violation de l’article 8 de la Convention. Concernant la violation alléguée de l’article 6 de la Convention, les juges européens rappellent que l’article L 141-1 du code de l’organisation judiciaire permet de contester une perquisition litigieuse. S’agissant des autres griefs tirés de l’article 6 de la Convention, ils ne voient aucune violation de la Convention. La Cour, à la majorité, déclare la requête irrecevable. -83- jjj -84- ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE ET DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES 41 Les arrêts de la CJCE et du TPICE sont disponibles sur le site : http://curia.europa.eu/fr -85- 41 LISTE DES ARRÊTS ET CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX CI-APRÈS COMMENTÉS classement par domaine CITOYENNETÉ EUROPÉENNE - Rottmann, C-135/08, conclusions de l’avocat général Poiares Maduro, présentées le 30 septembre 2009, p. 168. CONCURRENCE - CJCE, Akzo Nobel e. a. c/ Commission, 10 septembre 2009, C-97/08P, p. 88. - Commission c/ Alrosa, C-441/07P, conclusions de l’avocat général Kokott, présentées le 17 septembre 2009, p. 170. - CJCE, Papierfabrik August Koeler c/ Commission, 3 septembre 2009, C-322/07P, C327/07P et C-338/07P, p. 91 COOPÉRATION POLICIÈRE ET JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE - CJCE, (Gde Ch.) Dominic Wolzenburg, 6 octobre 2009, C-123/08, p. 94. ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS - CJCE, Asturcom Telecomunicaciones SL, 6 octobre 2009, C-40/08, p. 103. - Aventis Pasteur SA, C-358/08, conclusions de l’avocat général Mme Verica Trstenjak, présentées le 8 septembre 2009, p. 177. - Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid c/ Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (Ausbanc), C-484/08, conclusions de l’avocat général Mme Verica Trstenjak, présentées le 29 octobre 2009, p. 172. - CJCE, Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening c/ Stockholms kommun genom dess marknämnd, 15 octobre 2009, C-263/08, p. 99. - CJCE, Pannon GSM Zrt., 4 juin 2009, C-243/08, p. 111. - CJCE, Plantanol, 10 septembre 2009, C-201/08, p. 107. - Raffinerie Mediterranee SpA (ERG), Polimeri Europa SpA, Syndial SpA c/ Ministero dello Sviluppo Economico e.a. (C-378/08) & Raffinerie Mediterranee SpA (ERG), Polimeri Europa SpA, Syndial SpA c/ Ministero dello Sviluppo Economico e.a. (C-379/08 et C-380/08) Conclusions de l’Avocat général, Mme Juliane Kokott, présentées le 22 octobre 2009, p. 174. ESPACE LIBERTÉ, JUSTICE, SÉCURITÉ - Car Trim, C-381/08, conclusions de l’avocat général Mazak, présentées le 24 septembre 2009, p. 180. - CJCE, German Graphics Graphische Maschinen GmbH, 10 septembre 2009, C-292/08, p. 121. - CJCE, (Gde Ch.), Intercontainer Interfrigo SC, 6 octobre 2009, C-133/08, p. 114. - CJCE, Laszlo Hadadi, 16 juillet 2009, C-168/08, p. 125. - CJCE, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, 17 septembre 2009, C-347/08, p. 118 -86- LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX - CJCE, Gaz de France-Berliner Investissement SA, 1er octobre 2009, C-247/08, p. 129. LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES - CJCE, Francisco Vicente Pereda c/ Madrid Movilidad SA, 10 septembre 2009, C-277/08, p. 133. LIBRE PRESTATION DE SERVICE - CJCE, (Gde. ch.), Liga Portuguesa de Futebol Profissional, C-42/07, p. 135. POLITIQUE SOCIALE - CJCE, Akavan Erityisalojen Keskusliito AEK ry e.a., 10 septembre 2009, C-44/08, p. 145. - Domnica Petersen c/ Berufungsausschuss für Zahnärzte für den Bezirk Westfalen-Lippe, C341/08, conclusions de l’Avocat général Yves Bot présentées le 3 septembre 2009, p. 184. Susanne Gassmayr c/ Bundesministerin für Wissenschaft und Forschung, C-194/08, conclusions de l’Avocat général Poiares Maduro présentées le 3 septembre 2009, p. 185 - Ingeniørforeningen i Danmark c/ Dansk Arbejdsgiverforening, C405/08, conclusions de l’Avocat général, M. Yves Bot, présentées le 29 octobre 2009, p. 182. - CJCE, Meerst, 22 octobre 2009, C-116/08, p. 143. - CJCE, Pontin, 29 octobre 2009, C-63/08, p. 139. PRINCIPE DU DROIT COMMUNAUTAIRE - CJCE, Gottwald, 1er octobre 2009, C-103/08, p. 150. PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE - CJCE, PAGO International, 6 octobre 2009, C-301/07, p. 152. RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS - CJCE, Audiolux, 15 octobre 2009, C-101/08, p. 155. -CJCE, Messner, 3 septembre 2009, C-489/07, p. 158 SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS - CJCE, Leyman, 1er octobre 2009, C-3/08, p. 160. TRANSPORT - CJCE, Bogiatzi, 22 octobre 2009, C-301/08, p. 164. -87- CONCURRENCE Akzo Nobel e.a et autres c/ Commission 10 septembre 2009 - C-97/08 P « Pourvoi - Concurrence - Ententes - Article 81, paragraphe 1, CE - Article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE - Article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n/ 1/2003 - Groupe d’entreprises Imputabilité des infractions - Responsabilité d’une société mère pour les infractions aux règles de la concurrence commises par ses filiales - Influence déterminante exercée par la société mère Présomption réfragable en cas de détention d’une participation de 100 % » T Faits : En 1999, la Commission européenne a mené une enquête dans le secteur du chlorure de choline, produit utilisé principalement dans l’industrie de l’alimentation animale. Au cours de la période couverte par l’enquête, Akzo Nobel, société mère du groupe, détenait directement ou indirectement 100% du capital des cinq sociétés requérantes. L’enquête de la Commission a permis de révéler l’existence d’une entente au niveau mondial et européen à laquelle les sociétés requérantes ont pris part. En décembre 2004, la Commission a adopté la décision litigieuse qui constate que les sociétés requérantes ont enfreint l’article 81 paragraphe 1 CE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées ayant porté sur la fixation des prix et le partage des marchés ainsi qu’à des actions concertées dans le secteur du chlorure de choline. La Commission a considéré que Akzo Nobel constituait une unité économique avec les autres personnes morales du groupe Akzo Nobel destinataires de la décision. En effet, pour la Commission, la société mère du groupe, était en mesure d’exercer une influence décisive sur la politique commerciale de ses filiales dont elle détenait directement ou indirectement la totalité du capital. La Commission a rejeté l’argument relatif à l’autonomie commerciale des filiales d’Akzo Nobel et lui a adressé la décision bien qu’elle n’ait pas elle même participé à l’entente. Akzo Nobel et ses filiales ont intenté un recours devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes afin de faire annuler la décision de la Commission, mais le Tribunal a confirmé la décision. Insatisfaites, les sociétés ont alors formé un pourvoi devant la Cour de justice des Communautés européennes afin de faire annuler l’arrêt du TPICE ainsi que la décision de la Commission. T Le pourvoi : Devant la Cour les requérantes invoquent un moyen unique suivant lequel “le Tribunal a fait une application inexacte de la notion d’ « entreprise » au sens de l’article 81 CE et 23 paragraphe 2 du règlement 1/2003”. Ce moyen unique se divise en deux branches : - Sur la première branche du moyen unique tirée d’une mise en œuvre erronée de la charge de la preuve pesant sur la Commission en ce qui concerne l’absence d’autonomie de la filiale : Pour les requérantes, la Commission est tenue d’apporter la preuve de l’exercice réel d’une -88- influence commerciale déterminante de la société mère sur sa filiale et n’aurait apporté qu’une présomption réfragable de cette influence. Afin de soutenir cette argumentation, citant l’affaire Stora, 42 elles soutiennent que la Commission a omis d’apporter cet élément supplémentaire et s’est bornée à soutenir que la détention de la totalité du capital de la filiale par la société mère entraînait une influence déterminante. La charge de la preuve qui pèse sur la Commission devait nécessairement l’amener à apporter des indices démontrant le caractère réel de l’influence déterminante. - Les requérantes reprochent également au Tribunal d’avoir allégé la charge de la preuve incombant à la Commission ce qui a eu pour conséquence de violer les droits de la défense (points 42-48) : La Commission fait valoir que l’existence de personnalités morales distinctes entre la mère et la filiale ne suffit pas à conférer l’autonomie de comportement à la filiale. Au contraire, la détention de 100% du capital de la filiale par la société mère fait présumer que la filiale n’a pas fait usage de son pouvoir de décision autonome mais a appliqué les instructions données par sa société mère. La Commission soutient que, dans l’arrêt Stora, la Cour a retenu que la nécessité d’apporter un élément supplémentaire à celui de la détention totale de capital par la société mère n’était qu’un élément “subsidiaire, en tant qu’élément supplémentaire en faveur de l’imputabilité de l’infraction à la société mère” (points 49-53). T Décision : - A titre liminaire, la Cour rappelle que le droit communautaire de la concurrence vise les activités des entreprises et que cette notion se définit comme “toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement” 43 (point 54). Cette notion doit également être comprise comme “désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales” 44 (point 55). Le droit communautaire de la concurrence repose sur le principe de responsabilité personnelle de l’entité économique ayant commis l’infraction. La jurisprudence de la Cour précise que “le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère” 45 (point 58). La société mère et sa filiale forment dès lors une même unité économique et “partant, forment une seule entreprise au sens de la jurisprudence”. Les juges communautaires estiment que dans le cas où une société mère détient 100% du capital de la filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence, leur jurisprudence 46 pose l’existence d’une présomption réfragable selon laquelle la société mère a exercé de manière effective une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (point 60). Afin de ne pas être tenue solidairement responsable du paiement de l’amende infligée à sa filiale, 42 CJCE, Stora Kopparbergs Bergslags c/ Commission, 16 novembre 2000 C-286/98 P, Rec. p. I-9925. 43 CJCE, FENIN c/ Commission, 11 juillet 2006, C-205/03, Rec. p. I-6295, point 25. 44 CJCE, Confederacion Espanola de Empresarios de Estaciones de Servicio, 14 décembre 2006, C-217/05, Rec. p. I-11987, point 40. 45 CJCE, Imperial Chemical Industries c/ Commission, 14 juillet 1972, aff. 48/69, Rec. p. 619, point 132. 46 CJCE, Stora Kopparbergs Bergslags c/ Commission, 16 novembre 2000 précité (point 42). -89- la société mère doit renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve destinés à démontrer que la filiale a adopté un comportement autonome sur le marché 47 (point 61). Sur l’étendue de cette présomption réfragable, les magistrats du plateau de Kirchberg explicitant la jurisprudence Stora précitée, précisent que la détention totale du capital de la filiale par la société mère suffit à établir l’existence de cette présomption sans nécessité d’autres indices supplémentaires (point 62). Selon les juges de la Cour, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que “lorsqu’une société mère détient 100% du capital de sa filiale, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de la filiale” (point 64). - Sur la seconde branche du moyen unique tirée de la définition erronée de la notion de politique commerciale de la filiale : Pour les requérantes, la notion de « politique commerciale » se rapporte au “comportement sur le marché”. Celui-ci se limiterait “à la production des produits et des services qu’une entreprise vend selon certaines conditions à des consommateurs sur un territoire donné et à un moment donné” sans comporter d’autres aspects (point 68). Les sociétés requérantes font valoir que l’extension de cette notion “au-delà du comportement de la filiale sur le marché reviendrait à introduire un régime de responsabilité sans faute qui serait contraire au principe de responsabilité personnelle garanti par la jurisprudence de la Cour” (point 69). Au contraire, pour la Commission l’étendue de la définition de la politique commerciale serait dépourvue de pertinence du fait de l’existence d’une “entreprise unique pour laquelle la Cour prendrait en compte les liens économiques et organisationnels existant entre les sociétés” (point 70). De plus, la Commission fait valoir qu’il n’existe pas de responsabilité sans faute en droit communautaire. En effet, ses décisions “n’imputent pas aux sociétés une responsabilité sans que la preuve de celle-ci soit établie”. Par conséquent, il ne serait pas contraire au principe de la responsabilité personnelle de retenir la responsabilité d’une société mère détenant 100% du capital de sa filiale du fait des agissements de cette dernière (point 71). Sur l’étendue de la notion de politique commerciale de la filiale, la Cour retient que “le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère” (point 72). Ainsi, conformément aux conclusions de l’avocat général, la responsabilité de la société mère ne saurait être engagée du seul fait du comportement de sa filiale sur le marché, cet élément ne constituant en effet qu’un signe de l’existence d’une unité économique (point 73). L’autonomie de comportement sur le marché d’une filiale doit être déterminée en prenant en considération non seulement l’influence des éléments retenus par la jurisprudence de la Cour comme pertinents (influence de la société mère sur la politique des prix, sur les activités de production et de distribution, sur les objectifs de vente, sur les marges brutes, sur les frais de vente, sur le « cash flow », sur les stocks ou sur le marketing) “mais aussi l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère” (point 74). Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit s’agissant du domaine dans lequel s’exerce l’influence de la société mère sur la filiale. Ainsi, si la société mère fait partie de cette unité économique, elle doit être considérée comme solidairement responsable avec les autres personnes juridiques constituant cette unité des 47 CJCE, Stora précité, point 42. -90- infractions au droit de la concurrence. Même si la participation de la société mère à l’infraction n’est pas directe, elle exerce une influence déterminante sur les filiales qui y ont participé. “La responsabilité de la société mère ne serait dès lors être une responsabilité sans faute” (point 77). Par conséquent le moyen unique invoqué par les requérantes au soutient de leur pourvoi ne saurait être accueilli et doit donc être rejeté dans son ensemble comme non fondé. Par ces motifs la Cour de justice rejette le pourvoi et condamne Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Nederland BV, Akzo Nobel Chemicals International BV, Akzo Nobel Chemicals BV et Akzo Nobel Functional Chemicals BV aux dépens. jjj Papierfabrik August Koehler c/ Commission 3 septembre 2009 - C-322/07 P, C-327/07 P, et C-338/07 P « Pourvois - Ententes - Marché du papier autocopiant - Défaut de concordance entre la communication des griefs et la décision litigieuse - Violation des droits de la défense - Conséquences - Dénaturation des éléments de preuve - Participation à l’infraction - Durée de l’infraction - Règlement n/ 17 - Article 15, paragraphe 2 - Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes - Principe d’égalité de traitement - Principe de proportionnalité - Obligation de motivation - Durée raisonnable de la procédure devant le Tribunal » T Faits : En 1996, la Commission a obtenu des informations et des documents relatifs à l’existence d’une entente portant sur la fixation des prix dans le secteur du papier autocopiant. Après une enquête, la Commission a adopté en juillet 2000 une communication des griefs adressée à 17 entreprises dont Copigraph et Bolloré, en tant que société mère de Copigraph. En décembre 2001, la Commission a adopté la décision litigieuse constatant que les entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur du papier autocopiant. L’article 3 de ladite décision infligeait également des amendes aux entreprises. Le 26 avril 2007, le Tribunal de première instance des Communautés européennes rejeta les recours introduits contre cette décision par certaines entreprises, mais il réduisit le montant des amendes infligées à certaines sociétés. Trois sociétés, dont la société Bolloré, introduisirent un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de justice. T Droit communautaire en cause : La société Bolloré invoque un moyen tiré de la violation des droits de la défense en raison d’un défaut de concordance entre la communication des griefs et la décision litigieuse. En effet, la communication des griefs vise Bolloré en tant que société mère de sa filiale Copigraph, or la décision de la Commission retient la responsabilité de Bolloré pour son implication en qualité de société mère de Copigraph, en plus de l’implication personnelle de Bolloré. -91- T Décision : La Cour rappelle qu’il est de jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions constitue un principe fondamental du droit communautaire 48 (point 34). Afin de protéger ce droit fondamental, la communication des griefs doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Ainsi, elle doit contenir les éléments essentiels retenus à l’encontre de l’entreprise destinataire de la communication des griefs, comme les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde. Ces exigences ont pour but de permettre à l’entreprise visée de “faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son encontre” 49 (point 36). Le principe fondamental de droit communautaire du respect des droits de la défense exclut que puisse être considérée comme licite une décision par laquelle la Commission impose à une entreprise une amende en matière de concurrence sans lui avoir préalablement communiqué les griefs retenus à son encontre (point 37). Ainsi, la communication des griefs doit préciser sans équivoque la personne juridique susceptible de se voir infliger une amende. De plus, elle doit indiquer en quelle qualité cette entreprise se voit reprocher les faits allégués. Si la décision de la Commission impute à la société Bolloré l’infraction reprochée en raison de sa responsabilité, en tant que société mère de Copigraph, pour la participation de sa filiale à l’entente, Bolloré “ne pouvait prévoir, aux termes de la communication des griefs, que la Commission entendait lui imputer, dans la décision litigieuse, l’infraction également en raison de son implication personnelle et directe dans les activités de l’entente” (point 40). La Cour de justice valide ainsi le raisonnement des juges du Tribunal selon lequel la communication des griefs à la société Bolloré ne lui avait pas permis de prendre connaissance du grief tiré d’une telle implication, de sorte que cette entreprise n’avait pas pu assurer sa défense. Toutefois, elle annule l’arrêt du Tribunal en ce qu’il considère que “le vice constaté n’entraîne l’annulation de la décision litigieuse que si les allégations de la Commission ne peuvent pas être établies à suffisance de droit sur la base d’autres éléments retenus par cette décision et au sujet desquels les entreprises concernées ont eu l’occasion de faire valoir leur point de vue” (point 42). Ainsi, l’arrêt du Tribunal confirmant la décision de la Commission d’infliger à Bolloré le paiement de l’amende pour son application personnelle en plus de l’implication d’une filiale, dont elle est la société mère à 100%, à une entente doit être annulé. En effet, les droits de la défense de cette société ont été violés sur un élément essentiel. Pour la Cour, le Tribunal a commis une erreur de droit. Statuant définitivement, elle annule la décision de la Commission pour autant qu’elle concerne la société Bolloré. Sur les autres moyens invoqués par d’autres entreprises visées par l’arrêt du Tribunal et basés sur la contestation de leurs participation à l’entente, la Cour rappelle qu’elle n’est pas compétente pour constater les faits, ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. 48 CJCE, Hoffmann-La Roche c/ Commission, 13 février 1979, 85/76, Rec. p. 461, point 9 ; CJCE, ARBED c/ Commission, 2 octobre 2003, C-176/99 P, Rec. p. 10687, point 19. 49 CJCE, ACF Chemiefarma c/ Commission, 15 juillet 1970, aff. 41/69, Rec. p. 661, point 26 ; CJCE, AKZO c/ Commission, 3 juillet 1991, C-62/86, Rec. p. I-3359, point 29 et CJCE, Ahlström Osakeyhtiö e.a. c/ Commission, 31 mars 1993, aff. jointes 89/85, point 135. -92- Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “ 1) L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission (T-109/02, T-118/02, T-122/02, T-125/02, T-126/02, T-128/02, T-129/02, T-132/02 et T-136/02), est annulé en tant qu’il concerne Bolloré SA. 2) La décision 2004/337/CE de la Commission, du 20 décembre 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/E-1/36.212 – Papier autocopiant), est annulée en tant qu’elle vise Bolloré SA. 3) Les pourvois introduits par Papierfabrik August Koehler AG et Distribuidora Vizcaína de Papeles SL sont rejetés. 4) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens tant de première instance que du pourvoi dans l’affaire C-327/07 P. 5) Papierfabrik August Koehler AG et Distribuidora Vizcaína de Papeles SL sont condamnées aux dépens respectivement dans les affaires C-322/07 P et C-338/07 P.” -93- COOPÉRATION POLICIÈRE ET JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE Dominic Wolzenburg 50 Grande chambre 6 octobre 2009 - C-123/08 « Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Décision-cadre 2002/584/JAI - Mandat d’arrêt européen et procédures de remise entre États membres - Article 4, point 6 - Motif de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen - Mise en œuvre en droit national - Personne arrêtée ressortissante de l’État membre d’émission - Non-exécution du mandat d’arrêt européen par l’État membre d’exécution subordonnée à un séjour pendant une période de cinq ans sur son territoire Article 12 CE » T Faits : En juillet 2005, M. Wolzenburg, ressortissant allemand, a été condamné par une juridiction allemande à une peine privative de liberté d’un an et neuf mois pour avoir enfreint la législation allemande sur les stupéfiants. Cependant, depuis 2005, M. Wolzenburg réside aux Pays-Bas avec sa famille où il exerce une activité salariée. Il bénéficie d’un droit de séjour aux Pays-Bas au titre du droit communautaire et en septembre 2006, il s’est fait inscrire en qualité de citoyen de l’Union aux Pays-Bas auprès du service d’immigration et de naturalisation néerlandais. Dans le cadre de l’exécution de cette condamnation, un mandat d’arrêt européen fut émis le 13 juillet 2006 par le parquet d’Aix-la-Chapelle (Allemagne). Le 1er août 2006, M. Wolzenburg a été arrêté et mis en détention provisoire et le 3 août 2006 l’autorité judiciaire d’émission a envoyé à l’autorité judiciaire d’exécution néerlandaise le mandat d’arrêt européen en demandant la remise de M. Wolzenburg afin qu’il exécute sa peine en Allemagne. Ainsi dans ce cadre, la chambre de coopération internationale du tribunal d’arrondissement d’Amsterdam (autorité judiciaire d’exécution) a décidé de surseoir à statuer afin de poser des questions préjudicielles en interprétation à la Cour de justice. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : En vertu de l’article 1er paragraphe 2 de la décision-cadre 2002/584/JAI, « Les Etats membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle (...) ». Cependant, l’article 4 intitulé « Motifs de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen » précise en son point 6 que : « l’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen si le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne. » L’article 6 de la loi néerlandaise sur la remise des personnes (Overleveringswet, ci-après 50 Voir les conclusions de M. Yves Bot, Avocat général, résumées dans la Veille Bimestrielle n/ 24, p. 125. -94- « OLW ») met en œuvre l’article 4, point 6, de la décision-cadre dans l’ordre juridique néerlandais. Cette disposition prévoit que la remise de ses propres ressortissants à l’autorité judiciaire d’émission est refusée aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté. En revanche, pour les ressortissants d’autres Etats membres, un tel refus est subordonné à la condition que ceux-ci aient séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans aux Pays-Bas et qu’ils soient en possession d’une autorisation de séjour à durée indéterminée. L’article 6, paragraphe 5, de l’OLW, qui concerne les personnes autres que les ressortissants néerlandais, qu’ils soient ressortissants d’un État membre ou d’un État tiers, dispose que : «Les paragraphes 1 à 4 s’appliquent également à un étranger titulaire d’une autorisation de séjour à durée indéterminée, pour autant qu’il puisse être poursuivi aux Pays-Bas pour les faits qui sont à la base du mandat d’arrêt européen et pour autant que, en ce qui le concerne, il soit prévisible qu’il ne perde pas son droit de séjour aux Pays-Bas par suite d’une peine ou d’une mesure qui lui serait infligée après la remise.» La juridiction de renvoi demande donc à la Cour de justice si la loi néerlandaise appliquant l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI est compatible avec le droit communautaire du fait qu’elle met en place un traitement différencié entre ressortissants néerlandais et ressortissants d’autres Etats membres. Les questions préjudicielles posées à la Cour de justice sont les suivantes : « 1) Convient-il de comprendre parmi les personnes qui demeurent ou résident dans l’État membre d’exécution au sens de l’article 4, point 6, de la décision-cadre [2002/584] les personnes qui possèdent non pas la nationalité de l’État membre d’exécution, mais bien la nationalité d’un autre État membre et qui, sur le fondement de l’article 18, paragraphe 1, CE, séjournent légalement dans l’État membre d’exécution, quelle que soit la durée de ce séjour légal ? 2) a) Pour le cas où la première question appellerait une réponse négative, convient-il d’interpréter les termes visés dans la première question en ce sens qu’ils concernent les personnes qui possèdent non pas la nationalité de l’État membre d’exécution, mais bien la nationalité d’un autre État membre et qui, avant leur arrestation au titre d’un mandat d’arrêt européen, ont séjourné légalement au moins pendant une durée déterminée dans l’État membre d’exécution sur le fondement de l’article 18, paragraphe 1, CE ? b) Pour le cas où la deuxième question, sous a), appellerait une réponse affirmative, quelles sont alors les conditions qui peuvent être imposées aux fins de la durée du séjour légal ? 3) Pour le cas où la deuxième question, sous a), appellerait une réponse affirmative, l’État membre d’exécution peut-il, outre une exigence relative à la durée du séjour légal, imposer des exigences administratives supplémentaires, telles que la possession d’une autorisation de séjour à durée indéterminée ? 4) Une mesure nationale déterminant les conditions dans lesquelles, aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté, l’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution refuse un mandat d’arrêt européen relève-t-elle du domaine d’application (matériel) du traité CE ? 5) Considérant que - l’article 6, paragraphes 2 et 5, de l’OLW comporte des règles traitant de manière identique les Néerlandais et les personnes qui ne possèdent pas la nationalité néerlandaise, mais qui sont titulaires d’une autorisation de séjour sur le territoire néerlandais à durée indéterminée, et que, - s’agissant de ces groupes de personnes, ces règles aboutissent à devoir refuser la remise lorsque le mandat d’arrêt européen concerne l’exécution d’une peine privative de liberté définitive, les dispositions de l’article 6, paragraphes 2 et 5, de l’OLW sont-elles constitutives d’une -95- discrimination prohibée par l’article 12 CE en ce que l’application du traitement identique ne s’étend pas aux ressortissants d’autres États membres ayant un droit de séjour fondé sur l’article 18, paragraphe 1, CE qui ne perdront pas ce droit de séjour par suite de la peine définitive de privation de liberté qui leur est infligée, mais qui ne disposent pas d’une autorisation de séjour néerlandaise à durée indéterminée ? » T Décision : - Sur la quatrième question : La juridiction de renvoi cherche à savoir si un ressortissant d’un Etat membre (Allemagne) qui réside légalement dans un autre Etat membre (Pays-Bas) est en droit de se prévaloir de l’article 12 CE à l’encontre d’une législation nationale qui soumet le refus d’exécution du mandat d’arrêt européen au respect de certaines conditions. L’article 12 CE interdit, dans le domaine d’application du traité CE, toute discrimination en raison de la nationalité. Or la décision-cadre 2002/584/JAI a été adoptée sur la base du traité UE. Cependant, la Cour rappelle que lorsqu’un Etat membre met en œuvre un acte relevant du traité UE, les dispositions nationales de mise en œuvre sont soumises à un contrôle de légalité au regard du droit communautaire (point 44). Ainsi, les principes de libre circulation et de libre séjour consacrés à l’article 18 CE ne peuvent être méconnus par un Etat membre appliquant dans la légalisation interne une décision-cadre prise sur la base du traité UE (point 45). Par conséquent, “un ressortissant d’un Etat membre résidant légalement dans un autre Etat membre est en droit de se prévaloir de l’article 12 CE à l’encontre d’une législation nationale qui arrête les conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire compétente peut refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen délivré aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté” (point 47). - Sur la troisième question : La juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI doit être interprété en ce sens que l’État membre d’exécution peut, en plus d’une condition relative à la durée de séjour dans cet État, subordonner le refus d’application du mandat d’arrêt européen à des exigences administratives supplémentaires, comme la possession d’une autorisation de séjour à durée indéterminée. La Cour rappelle que, conformément à l’article 16 paragraphe 1 de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, un citoyen de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’Etat membre d’accueil acquiert un droit de séjour permanent sur le territoire de ce dernier (point 49). Aucune formalité supplémentaire n’est nécessaire afin d’obtenir ce droit au séjour permanent. Ainsi, l’Etat membre d’exécution ne peut pas, en plus d’une condition relative à la durée du séjour, subordonner l’application du motif de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen à des exigences administratives supplémentaires telles que la possession d’une autorisation de séjour à durée indéterminée (points 52, 53). - Sur la cinquième question : La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice si l’article 12 CE (principe de non discrimination) doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la législation d’un Etat membre d’exécution qui oblige l’autorité judiciaire compétente de cet Etat membre à refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis à l’encontre d’un de ses ressortissants, alors qu’un tel refus s’agissant d’un ressortissant d’un autre Etat membre ayant un droit de séjour fondé sur l’article -96- 18 CE est subordonné à la condition que la personne recherchée ait séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’Etat membre d’exécution. Autrement dit, cette question vise à déterminer si la législation néerlandaise est compatible avec le principe de non discrimination consacré à l’article 12 CE. Comme le rappellent, tant les dispositions de la décision-cadre que la jurisprudence de la Cour,51 la mise en place d’un mandat d’arrêt européen se base sur un système de remise entre autorités judiciaires des personnes condamnées fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle qui s’avère être l’économie du texte (point 56). La Cour rappelle que l’article 4 de la décision-cadre 2002/584/JAI permet au législateur national d’introduire des dispositions permettant le refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen, le motif de non-exécution facultative énoncé à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/CE ayant, tout comme l’article 5, point 3, de celle-ci, “notamment pour but de permettre d’accorder une importance particulière à la possibilité d’accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l’expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée” (Point 62). Cependant, du fait de l’objectif de ce texte visant à faire exécuter les mandats d’arrêt européen, le législateur ne bénéficie que d’une « marge d’appréciation certaine » quant il met en œuvre des exceptions à l’exécution du mandat d’arrêt européen prévu par le texte communautaire. Par ailleurs, le principe de non-discrimination fondée sur la nationalité “requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manières différentes et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égales à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié” 52. De plus, pour être compatible avec le droit communautaire, le traitement différencié des ressortissants doit également être proportionnel à l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ce dernier.53 Pour la Cour, “la seule condition de nationalité pour ses ressortissants, d’une part, et la condition de séjour ininterrompu d’une durée de cinq ans pour les ressortissants des autres Etats membres, d’autre part, peuvent être considérées comme étant de nature à garantir que la personne recherchée est suffisamment intégrée dans l’Etat membre d’exécution” (point 68). Ainsi, la durée de séjour de cinq ans pour les ressortissants des autres Etats membres “ne saurait pas être considérée comme excessive” compte tenu de l’exigence d’intégration des nonnationaux (point 70). Par conséquent, l’article 12 CE ne s’oppose pas à une législation prévoyant une condition de séjour de cinq ans pour les ressortissants d’autres Etats membres afin que ceux-ci bénéficient du refus d’exécution du mandat d’arrêt européen alors qu’il sera exécuté si la personne recherchée séjourne depuis moins de cinq ans dans l’Etat membre d’exécution. - Sur les première et deuxième questions : La juridiction de renvoi demande à la Cour quelle doit être la durée du séjour dans l’Etat membre d’exécution des ressortissants d’un autre Etat membre visés par un mandat d’arrêt européen afin que ceux-ci puissent bénéficier du refus d’exécution mentionné à l’article 4 point 6 de la décision-cadre. 51 CJCE, Kozlowski, 17 juillet 2008, C-66/08, Rec. p. I-6041, point 31, résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (juin-juillet-août 2008), p. 71. 52 CJCE, Advocaten voor de Wereld, 3 mai 2007, C-303/05, Rec. p. I-3633, point 56, résumé dans la veille bimestrielle n/14 (mars-avril-mai 2007), p. 44. 53 CJCE, Förster, 18 novembre 2008, C-158/07, point 53, arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (novembre- décembre 2008), p. 81. -97- La Cour rappelle que, dans la mise en œuvre des dispositions de la décision-cadre, les Etats membres disposent d’une marge d’appréciation certaine. Les magistrats du plateau de Kirchberg précisent qu’une “réponse auxdites questions préjudicielles ne se justifie plus dès lors que cette condition de durée de séjour repose sur l’exercice par l’Etat membre concerné de la marge d’appréciation que lui confère l’article 4, point 6” et que cette condition est compatible avec l’article 12 CE (point 77). Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “1) Un ressortissant d’un État membre qui réside légalement dans un autre État membre est en droit de se prévaloir de l’article 12, premier alinéa, CE à l’encontre d’une législation nationale, telle que la loi sur la remise de personnes (Overleveringswet), du 29 avril 2004, qui arrête les conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire compétente peut refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen délivré aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté. 2) L’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il s’agit d’un citoyen de l’Union, l’État membre d’exécution ne peut pas, en sus d’une condition relative à la durée de séjour dans cet État, subordonner l’application du motif de non-exécution facultative d’un mandat d’arrêt européen prévu à cette disposition à des exigences administratives supplémentaires, telles que la possession d’une autorisation de séjour à durée indéterminée. 3) L’article 12, premier alinéa, CE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à la législation de l’État membre d’exécution en vertu de laquelle l’autorité judiciaire compétente de cet État refuse d’exécuter un mandat d’arrêt européen émis à l’encontre de l’un de ses ressortissants aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté, alors qu’un tel refus, lorsqu’il s’agit d’un ressortissant d’un autre État membre ayant un droit de séjour fondé sur l’article 18, paragraphe 1, CE, est subordonné à la condition que ce ressortissant ait séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire dudit État membre d’exécution.” -98- ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening c/ Stockholms kommun genom dess marknämnd 15 octobre 2009 C-263/08 « Directive 85/337/CEE - Participation du public au processus décisionnel en matière d’environnement - Droit de former un recours contre les décisions d’autorisation de projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement » T Faits : Dans le cadre d’un projet d’enfouissement de lignes électriques en remplacement de lignes à haute tension aériennes, la commune de Stockolm a conclu un contrat avec une entreprise de production d’électricité. “La réalisation de ce projet nécessitait, d’une part, que soit assurée l’évacuation des eaux souterraines s’infiltrant dans le tunnel destiné à abriter les lignes électriques ainsi que dans le tunnel d’accès à celui-ci et, d’autre part, la mise en place, sur certains fonds dans la zone en cause, d’infrastructures destinées à l’évacuation des eaux et à l’injection de celles-ci dans le sol ou la roche, afin de compenser une baisse éventuelle du niveau des eaux souterraines”. (point 16). Le 23 décembre 2006, la chambre des affaires environnementales du tribunal local de Stokholm donna l’autorisation à la commune pour la réalisation des travaux. Le Miljöskyddsförening, association pour la protection de l’environnement, interjeta appel de cette décision. Son recours fut déclaré irrecevable, au motif que l’association ne remplissait pas la condition prévue par l’article 13 du chapitre 16 du code de l’environnement, de compter au moins 2 000 adhérents pour pouvoir exercer un recours contre les jugements ou décisions visés par le code de l’environnement. L’association forma un pourvoi en cassation. Devant la cour suprême, se posa notamment la question de savoir si la directive 85/337/CEE était applicable au projet de travaux de l’espèce, la version en langue suédoise de la dite directive ne prévoyant que le « captage d’eaux souterraines en vue de l’utilisation ultérieure de celles-ci ». La Cour de cassation décida de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice trois questions préjudicielles en interprétation de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003 (JO L 156, p. 17). T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : La juridiction de renvoi pose à la Cour de justice les trois questions préjudicielles suivantes : « 1) Faut-il interpréter le point 10 de l’annexe II de la directive 85/337 en ce sens que relève de ce point un projet portant sur l’évacuation des eaux d’infiltration d’un tunnel où passent des lignes électriques et l’injection (apport) d’eau dans le sol ou la roche afin de compenser une baisse éventuelle du niveau des eaux souterraines ainsi que sur la réalisation et le maintien d’installations d’évacuation et d’apport d’eau ? 2) Si la première question appelle une réponse affirmative, la disposition de l’article 10 bis de la directive 85/337 – selon laquelle les membres du public concerné doivent pouvoir, dans certaines -99- conditions, former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité d’une décision quant au fond ou à la procédure – implique-t-elle également le droit pour les membres du public concerné d’exercer un recours contre une décision par laquelle une juridiction a statué sur une demande d’autorisation, alors qu’ils ont eu la possibilité de participer à l’instruction de la demande devant ladite juridiction et de s’exprimer à cette occasion ? 3) Si la première et la deuxième questions appellent une réponse affirmative, les articles 1er, paragraphe 2, 6, paragraphe 4, et 10 bis de la directive 85/337 doivent-ils être interprétés en ce sens que les États membres peuvent arrêter des dispositions relatives au public concerné visé auxdits articles 6, paragraphe 4, d’une part, et 10 bis, d’autre part, en vertu desquelles de petites associations locales de protection de l’environnement ont le droit de participer au processus décisionnel visé audit article 6, paragraphe 4, en ce qui concerne des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement dans les zones où elles sont actives, mais ne disposent pas du droit de recours visé audit article 10 bis ?» L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337/CEE prévoit : « Au sens de la présente directive, ont entend par : […] public : une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la pratique nationales, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes ; public concerné : le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les procédures décisionnelles en matière d’environnement visées à l’article 2, paragraphe 2, ou qui a un intérêt à faire valoir dans ce cadre; aux fins de la présente définition, les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt.» L’article 6, paragraphe 4, de la directive 85/337/CEE est ainsi rédigé : « 4. À un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel en matière d’environnement visé à l’article 2, paragraphe 2, et, à cet effet, il est habilité à adresser des observations et des avis, lorsque toutes les options sont envisageables, à l’autorité ou aux autorités compétentes avant que la décision concernant la demande d’autorisation ne soit prise. » L’article 10 bis de la directive 85/337/CEE 54 dispose que : « Les États membres veillent, conformément à leur législation nationale pertinente, à ce que les membres du public concerné : a) ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le droit administratif procédural d’un État membre impose une telle condition, puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public. Les États membres déterminent à quel stade les décisions, actes ou omissions peuvent être contestés. Les États membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l’objectif visant à donner au public concerné un large accès à la 54 L’article 10bis de la directive 85/337/CEE résulte de la modification apportée par la directive 2003/35/CE visant à contribuer à la mise en œuvre des obligations découlant de la Convention d’Aarhus (sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil du 17 février 2005) -100- justice. À cette fin, l’intérêt de toute organisation non gouvernementale, répondant aux exigences visées à l’article 1er, paragraphe 2, est réputé suffisant aux fins du point a) du présent article. De telles organisations sont aussi réputées bénéficier de droits susceptibles de faire l’objet d’une atteinte aux fins du point b) du présent article. Le présent article n’exclut pas la possibilité d’un recours préalable devant une autorité administrative et n’affecte en rien l’obligation d’épuiser toutes les voies de recours administratif avant d’engager des procédures de recours juridictionnel dès lors que la législation nationale prévoit une telle obligation. Ces procédures doivent être régulières, équitables, rapides et d’un coût non prohibitif. Afin d’accroître l’efficacité des dispositions du présent article, les États membres veillent à ce qu’une information pratique soit mise à la disposition du public concernant l’accès aux voies de recours administratif et juridictionnel. » T Décision : - Sur la première question : La juridiction de renvoi demande à la Cour si le projet de travaux de l’affaire au principal entre “dans la notion de «dispositifs de captage et de recharge artificielle des eaux souterraines non visés à l’annexe I» de la directive 85/337 mentionnée au point 10, sous l), de l’annexe II de ladite directive.” (Point 23). En effet, la Cour de cassation suédoise considère que “le texte du point 10, sous l), de ladite annexe II, dans sa version suédoise, pourrait viser exclusivement les projets de captage d’eaux souterraines en vue de l’utilisation ultérieure de celles-ci” (point 24). Les juges de Luxembourg rappellent une jurisprudence constante de la Cour 55 selon laquelle, en cas de doute sur l’interprétation d’un texte de droit communautaire et afin de permettre une application uniforme du droit communautaire, le texte litigieux ne doit pas être “considéré isolément dans l’une de ses versions [linguistiques]” (...) Il doit être “interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles” (point 25). En cas de divergence entre les versions, l’interprétation doit être faite “en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément” (point 26). En l’espèce, il ressort de l’examen des versions d’au moins neufs pays différents que “le point 10, sous l), de l’annexe II de la directive 85/337 (...) vise les dispositifs de captage et de recharge des eaux souterraines non mentionnés à l’annexe I de ladite directive, indépendamment du but en vue duquel ces opérations doivent être réalisées et, notamment, de l’utilisation qui doit être faite ultérieurement de l’eau ainsi captée ou réinjectée dans le sol” (point 27). Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le champ d’application de la directive est très large. Les juges luxembourgeois en déduisent que “les dispositions du point 10, sous l), de l’annexe II de la directive 85/337 doivent être interprétées en ce sens qu’elles visent tous les dispositifs de captage et de recharge artificielle des eaux souterraines non visés à l’annexe I de ladite directive, indépendamment de leur finalité, ce qui implique que sont aussi visés les dispositifs qui n’impliquent pas l’utilisation ultérieure desdites eaux.” (Point 30) - Sur la deuxième question : La juridiction de renvoi demande en substance si les « membres du public concerné » au sens de l’article 10 bis de la directive 85/337/CEE, doivent se voir reconnaître le droit d’exercer un recours à l’encontre d’une autorisation de projet tel que celui en cause, y compris s’il s’avère 55 CJCE, Zuid-Hollandse Milieufederatie et Natuur en Milieu, 9 mars 2006, C-174/05 et CJCE, Consiglio Nazionale degli Ingegneri, 29 janvier 2009, C-311/06 -101- qu’ils ont participé au processus décisionnel. La Cour de justice rappelle qu’il résulte de l’article 10bis de la directive 85/337/CEE que les « membres du public concerné » qui “ont « un intérêt suffisant pour agir »”, ou, “si la législation nationale l’exige, [qui] font valoir que l’une des opérations visées par la directive 85/337 porte atteinte à leurs droits” (point 34), peuvent contester, “devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant, (...) la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou des omissions qui entrent dans son champ d’application” (point 33). Elle précise également que“toute organisation non gouvernementale qui œuvre en faveur de la protection de l’environnement et remplit les conditions pouvant être requises en droit interne” répond aux critères du public concerné pouvant exercer un tel recours (point 35). Le bénéfice de ce recours est “indépendant de la nature administrative ou juridictionnelle de l’autorité ayant pris la décision ou l’acte contesté”. Enfin, la Cour explique que “la participation au processus décisionnel en matière d’environnement dans les conditions prévues aux articles 2, paragraphe 2, et 6, paragraphe 4, de la directive 85/337 est distincte et a une finalité autre que le recours juridictionnel, ce dernier pouvant, le cas échéant, être exercé contre la décision prise à l’issue de ce processus. Cette participation est, dès lors, sans incidence sur les conditions d’exercice du recours” (point 38). Sur la troisième question : Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir en substance si un Etat membre peut limiter le champ d’action des associations peu représentatives (moins de 2 000 adhérents) à une participation au processus décisionnel en les empêchant d’exercer un recours contre la décision prise au terme de ce processus. La Cour explique que la directive 85/337/CEE distingue, “d’une part, le public concerné par l’une des opérations qui entrent dans son champ d’application en général et, d’autre part, au sein de ce public concerné, une sous-catégorie de personnes physiques ou morales qui, compte tenu de leur position particulière vis-à-vis de l’opération en cause, doivent, en vertu de son article 10 bis, se voir reconnaître le droit de contester la décision qui l’autorise”. (point 42). Pour cette dernière catégorie de personnes, elle estime qu’il appartient aux Etats membres de prévoir au sein de leur législation interne les conditions auxquelles la recevabilité de l’action peut être subordonnée. Néanmoins, elle précise que les règles nationales “doivent, d’une part, assurer « un large accès à la justice » et, d’autre part, conférer aux dispositions de la directive 85/337 relatives au droit aux recours juridictionnels leur effet utile”. Les restrictions au droit d’agir “ne doivent pas risquer de vider de toute portée les dispositions communautaires selon lesquelles ceux qui ont un intérêt suffisant à contester un projet et ceux aux droits desquels celui-ci porte atteinte, parmi lesquels les associations de protection de l’environnement, doivent pouvoir agir devant les juridictions compétentes”. (point 45) La Cour considère que les Etats membres peuvent exiger des associations qu’elles répondent à certains critères pour bénéficier du droit de recours ouvert par la directive 85/337/CEE. Elle admet ainsi la possibilité d’imposer que l’objet social de l’association soit en rapport avec la protection de la nature et de l’environnement ou encore de demander que celle-ci ait un nombre minimal d’adhérents. Cependant, s’agissant de ce dernier critère potentiel et reprenant les conclusions de l’avocat général, elle insiste sur le risque de priver les associations locales de tout recours juridictionnel. Elle note à ce titre que le gouvernement suédois reconnaît que seules deux associations comportent au moins 2 000 adhérents et elle rejette son argument selon lequel les associations locales pourraient saisir l’une de ces deux associations pour exercer le recours. En effet, “un tel système provoquerait, par sa nature même, un filtrage des recours en matière d’environnement directement contraire à l’esprit de ladite directive qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 33 du présent arrêt, a pour but d’assurer la mise en œuvre de la convention -102- d’Aarhus.” (Point 51) Par ces motifs, la Cour dit pour droit : “1) Un projet tel que celui en cause au principal, portant sur l’évacuation des eaux d’infiltration dans un tunnel qui abrite des lignes électriques et l’injection d’eau dans le sol ou la roche afin de compenser une baisse éventuelle du niveau des eaux souterraines ainsi que sur la réalisation et le maintien d’installations d’évacuation et d’apport d’eau, relève du point 10, sous l), de l’annexe II de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, indépendamment de la destination finale des eaux souterraines et, en particulier, indépendamment du fait qu’elles fassent ou non l’objet d’une utilisation ultérieure. 2) Les membres du public concerné, au sens des articles 1er, paragraphe 2, et 10 bis de la directive 85/337, telle que modifiée par la directive 2003/35, doivent pouvoir exercer un recours contre la décision par laquelle une instance, appartenant à l’organisation judiciaire d’un État membre, a statué sur une demande d’autorisation de projet, quel que soit le rôle qu’ils ont pu jouer dans l’instruction de ladite demande en prenant part à la procédure devant ladite instance et en faisant valoir leur position à cette occasion. 3) L’article 10 bis de la directive 85/337, telle que modifiée par la directive 2003/35, s’oppose à une disposition d’une législation nationale qui réserve le droit d’exercer un recours contre une décision relative à une opération qui entre dans le champ d’application de cette directive, telle que modifiée, aux seules associations de protection de l’environnement qui comptent au moins 2 000 adhérents.” jjj Asturcom Telecomunicaciones SL 6 octobre 2009 - C-40/08 « Directive 93/13/CEE - Contrats conclus avec les consommateurs - Clause d’arbitrage abusive Nullité - Sentence arbitrale ayant acquis l’autorité de la chose jugée - Exécution forcée - Compétence du juge national de l’exécution pour soulever d’office la nullité de la clause d’arbitrage abusive Principes d’équivalence et d’effectivité » T Faits : Mme Rodriguez Nogueira a souscrit un contrat d’abonnement de téléphonie avec Asturcom en mai 2004. Celui-ci contenait une clause arbitrale soumettant tout litige afférent à l’exécution de ce contrat à l’arbitrage de l’Association européenne d’arbitrage et d’amiable composition (ciaprès, « AEADE »). Mme Rodríguez Nogueira n’ayant pas acquitté certaines factures et ayant résilié le contrat avant le terme de la durée minimale d’abonnement convenue, Asturcom a engagé à son encontre une procédure arbitrale devant l’AEADE. Mme Rodriguez Nogueira fut condamnée au paiement d’une somme de 669,60 euros, par une sentence arbitrale. En l’absence de recours exercé par la consommatrice, qui était restée totalement passive durant la procédure, cette décision est devenue définitive et a acquis la force -103- de chose jugée. Asturcom a alors saisi un juge de Bilbao d’un recours en exécution forcée de ladite sentence. Dans sa décision de renvoi, le juge espagnol constate que la clause d’arbitrage présente un caractère abusif. En effet, les frais que le consommateur doit exposer pour se rendre au siège de l’AEADE sont supérieurs au montant de la somme faisant l’objet du litige. De plus, le siège de l’AEADE n’est pas mentionné dans le contrat. La loi espagnole ne prévoit aucune disposition concernant l’appréciation du caractère abusif des clauses d’arbitrage par le juge compétent pour statuer sur un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale devenue définitive. Ainsi, le juge de première instance de Bilbao nourrissant des doutes quant à la compatibilité de la législation nationale avec le droit communautaire, et notamment avec la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, a décidé de surseoir à statuer afin d’interroger la Cour de justice sur l’interprétation des dispositions du droit communautaire. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : La directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec des consommateurs, dispose dans son article 6, paragraphe 1, que : « Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ». Aux termes de l’article 7, paragraphe 1 : « Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel ». L’annexe de la même directive comporte une liste indicative de clauses qui peuvent être déclarées abusives. Au nombre de celles-ci figurent, au point 1, sous q), de cette annexe, les clauses qui ont pour objet ou pour effet « de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat ». Sur la base de cette directive, la juridiction de renvoi pose à la Cour de justice la question suivante : « La protection des consommateurs qu’assure la directive 93/13/CE implique-t-elle que la juridiction saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale définitive, rendue sans comparution du consommateur, apprécie d’office la nullité de la convention d’arbitrage et, par conséquent, annule la sentence au motif que ladite convention d’arbitrage comporte une clause d’arbitrage abusive au détriment du consommateur ? » T Décision : A titre liminaire, la Cour précise que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13/CEE repose sur l’idée que le consommateur se trouve en situation d’infériorité par rapport au professionnel. La consécration de ce déséquilibre se concentre dans les contrats d’adhésion où le consommateur adhère aux conditions rédigées préalablement par le professionnel sans -104- pouvoir exercer une influence sur celles-ci.56 La prise en compte de cette situation d’infériorité justifie que les clause abusives ne lient pas le consommateur en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE. Ainsi, cette disposition impérative tend “à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers” (point 30). Cette situation d’inégalité ne peut être compensée que par une intervention extérieure aux parties aux contrats et doit donc conduire le juge à apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle. La présente affaire se distingue toutefois de celle ayant donné lieu à l’arrêt Mostaza Claro 57 cité par la Cour de justice, en ce que Mme Rodríguez Nogueira est demeurée totalement passive au cours des différentes procédures afférentes au litige qui l’oppose à Asturcom ; en particulier, elle n’a pas introduit d’action tendant à obtenir l’annulation de la sentence arbitrale rendue par l’AEADE afin de contester le caractère abusif de la clause d’arbitrage, de sorte que cette sentence a désormais acquis la force de chose jugée. Elle rappelle “l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique communautaire que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée” (point 35). Ce principe est justifié par la nécessité de garantir la stabilité du droit et la bonne administration de la justice, et il importe que “les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour l’exercice de ces recours ne puissent plus être remises en cause” 58 (Point 36). Par conséquent, “le droit communautaire n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation d’une disposition du droit communautaire par la décision en cause” 59 (Point 37). Les magistrats du plateau de Kirchberg précisent qu’en l’absence de réglementation communautaire en la matière, les modalités de mise en œuvre du principe d’autorité de la chose jugée relèvent de l’ordre juridique interne des Etats membres conformément au principe de l’autonomie procédurale. Néanmoins ces dispositions doivent satisfaire aux principes d’équivalence et d’effectivité, corollaires du principe d’autonomie procédurale. Sur l’étude du respect du principe d’effectivité, la Cour précise que les modalités de la réglementation nationale ne doivent pas être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire. En l’espèce, la sentence arbitrale a acquis force de chose jugée du fait de l’inaction du consommateur dans les délais. La Cour rappelle que la fixation de délais de recours à peine de forclusion, dans l’intérêt de la sécurité juridique, est compatible avec le droit communautaire (point 41). Ce délai doit présenter un caractère raisonnable, ce qui est le cas en l’espèce puisqu’il est de 60 jours. Dans ces conditions, le délai de recours apparaît comme conforme au principe d’effectivité (point 46). 56 CJCE, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, 27 juin 2000, C-240/98 à C-244/98, Rec. p. I-4941, point 25 ; CJCE, Mostaza Claro, 26 octobre 2006, C-168/05, Rec. p. I-10421, point 25. 57 CJCE, Mostaza Claro, 26 octobre 2006, C-168/05, Rec., p. I-10421. 58 CJCE, Köbler, 30 septembre 2003, C-224/01, Rec. p. I-10239, point 38 ; CJCE, Kapferer, 16 mars 2006, C-234/04, Rec. p. I-2585, point 20, résumé dans la veille bimestrielle n/ 9 (mars- avril 2006), p. 26 ; CJCE, Fallimento Olimpiclub, 3 septembre 2009, C-2/08, point 22. 59 CJCE, Eco Swiss, 1er juin 1999, C-126/97, Rec. p. I-3055, points 47 et 48 ; Kapferer, précité, point 21. -105- En outre, la Cour précise que “le respect du principe d’effectivité ne saurait aller, dans des circonstances telles que celles au principal, jusqu’à exiger qu’une juridiction nationale doive non seulement compenser une omission procédurale d’un consommateur ignorant ses droits, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Mostaza Claro, précité, mais également suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné qui n’a ni participé à la procédure arbitrale ni introduit une action en annulation contre la sentence arbitrale devenue de ce fait définitive” (point 47). Par conséquent, la législation nationale est de nature à respecter le principe d’effectivité puisqu’elle ne rend pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux consommateurs par la directive 93/13/CEE (point 48). S’agissant du respect du principe d’équivalence, les juges de Luxembourg précisent que, en matière de droit communautaire, les modalités nationales ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne. Les juges communautaires rappellent que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE constitue une disposition de caractère impératif et que les objectifs de ce texte visent à relever le niveau et la qualité de vie dans l’ensemble de la Communauté (point 51). Ils précisent ensuite que cette disposition doit être considérée comme une norme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de norme d’ordre public (point 52). Le juge national est donc tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause insérée dans un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive. De plus, cette disposition exige que les Etats membres prévoient que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs “dans les conditions fixées par leurs droits nationaux” (point57). Ainsi, la juridiction de renvoi doit “tirer, conformément à son droit national, toutes les conséquences que l’existence d’une clause d’arbitrage abusive implique au regard de la sentence, pour autant que cette clause n’est pas en mesure de lier le consommateur” (point 58). Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale ayant acquis la force de chose jugée, rendue sans comparution du consommateur, est tenue, dès qu’elle dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d’apprécier d’office le caractère abusif de la clause d’arbitrage contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans la mesure où, selon les règles de procédure nationales, elle peut procéder à une telle appréciation dans le cadre de recours similaires de nature interne. Si tel est le cas, il incombe à cette juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause”. jjj -106- Plantanol 10 septembre 2009 - C-201/08 « Directive 2003/30/CE - Promotion de l’utilisation de biocarburants ou d’autres carburants renouvelables dans les transports - Directive 2003/96/CE - Cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité - Mélange d’huile végétale, d’additif et de carburant Biocarburants - Réglementation nationale - Exonération fiscale - Remplacement de l’exonération par une obligation de respecter une part minimale de biocarburant dans les carburants - Conformité aux directives 2003/30/CE et 2003/96/CE - Principes généraux de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime » T Faits : Plantanol est une société allemande qui commercialise un carburant obtenu par mélange de gazole, d’huile de colza et d’additifs. Jusqu’en 2007, la législation allemande appliquait une taxation réduite sur les biocarburants, cependant une loi portant réforme de la taxation des produits énergétiques est venue abroger cette loi relative à la taxe sur les huiles minérales pour soumettre les biocarburants comme le Plantano-Diesel à la taxation en tant que produit énergétique. L’article 50 de la loi relative à la taxe sur l’énergie a été modifié en 2007 afin de limiter désormais l’exonération fiscale aux seuls biocarburants purs, à savoir ceux qui ne sont pas mélangés à d’autres produits énergétiques. Dans ces conditions, le Plantano-diesel, qui bénéficiait avant 2007 d’une taxation réduite, a perdu cet avantage fiscal et ce, alors même que la loi prévoyait le bénéfice de cet avantage jusqu’en 2009. A la suite de la modification de l’article 50 de la loi relative à la taxe sur l’énergie, l’autorité douanière de Darmstadt a donc réclamé à Plantanol le paiement de la taxe sur les produits énergétiques au titre de la période allant du 1er janvier au 31 mai 2007. Saisi en référé, le Hessisches Finanzgericht a suspendu cet avis d’imposition au motif qu’il éprouvait des doutes sérieux quant à la compatibilité de l’article 50 de la loi relative à la taxe sur l’énergie avec la directive 2003/30/CE mais cette ordonnance a été annulée. Plantanol ayant introduit un recours contentieux contre cette décision d’imposition, le Hessisches Finanzgericht estimant que l’article 50 est contraire au droit communautaire a décidé de poser deux questions préjudicielles en interprétation à la Cour de justice. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : La juridiction de renvoi soumet à la Cour de justice deux interrogations portant sur la compatibilité de la législation allemande avec la directive 2003/30/CE ainsi que sur la violation des principes généraux du droit communautaire tels que la sécurité juridique et la confiance légitime. L’article 3 de la directive 2003/30/CE du 8 mai 2003 visant à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports dispose que : « 1. a) Les États membres devraient veiller à ce qu’un pourcentage minimal des biocarburants et autres carburants renouvelables soit mis en vente sur leur marché et ils fixent, à cet effet, des objectifs nationaux indicatifs. b) i) Une valeur de référence pour ces objectifs est fixée à 2 %, calculée sur la base de la teneur énergétique, de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur leur marché à des fins de transport, pour le 31 décembre 2005 au plus tard. ii) Une valeur de référence pour ces objectifs est fixée à 5,75 %, calculée en -107- fonction de la teneur énergétique, de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur leur marché à des fins de transport, pour le 31 décembre 2010 au plus tard. 2. Les biocarburants peuvent se présenter sous les formes suivantes : a) biocarburants à l’état pur ou dilués par des dérivés d’huiles minérales dans des mélanges à forte teneur conformes à des normes spécifiques de qualité pour une utilisation dans les transports ; b) biocarburants mélangés à des dérivés d’huiles minérales conformément aux normes européennes appropriées énonçant les spécifications techniques pour les carburants destinés au transport (EN 228 et EN 590) ; c) liquides dérivés de biocarburants, tels que l’ETBE (éthyl-tertio-butyl-éther), dont la teneur en biocarburant est précisée à l’article 2, paragraphe 2. […] 4. Dans les mesures qu’ils prennent, les États membres devraient tenir compte du bilan climatique et environnemental global des différents types de biocarburants et des autres carburants renouvelables et pourraient encourager en priorité les carburants dont le bilan environnemental global et la rentabilité sont excellents, tout en prenant en compte la compétitivité et la sécurité des approvisionnements. […] » Ainsi la juridiction de renvoi demande à la Cour de justice : «1. L’article 3 de la directive 2003/30/CE s’oppose-t-il à une disposition nationale, telle que celle de l’article 50 de la loi relative à la taxe sur l’énergie (...) qui exclut du bénéfice d’une exemption de taxes les parts de biocarburants issues d’huile végétale (...) comprises dans les mélanges de carburants ? » 2. Les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime reconnus par le droit communautaire exigent-ils qu’un État membre ne puisse modifier au détriment des entreprises qui en bénéficient les dispositions adoptées aux fins de la transposition de la directive 2003/30/CE et ayant pour objet la mise en place d’un système pluriannuel de soutien au travers de mesures d’allégement de taxes qu’en présence de circonstances très exceptionnelles au cours de la période d’application du système en question ». T Décision : - Sur la première question : La juridiction de renvoi cherche ici à savoir si l’article 3 de la directive 2003/30/CE s’oppose à la réglementation allemande qui exclut du régime d’exonération fiscale prévue en faveur des biocarburants un produit comme le Plantano-diesel constitué d’un mélange de gazole et d’huile de colza. La Cour de justice rappelle que la directive 2003/30/CE vise, selon son article 1er à promouvoir l’utilisation de biocarburants pour remplacer les carburants fossiles. Cependant, aucune disposition de la directive n’impose d’objectif contraignant aux Etats membres. L’article 3 se borne simplement à recommander aux Etats membres la mise en place d’objectifs nationaux. Ainsi, ce texte “n’impose pas d’avantage aux Etats membres les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs indicatifs” mais leur laisse une large marge d’appréciation (point 35). Pour les juges communautaires, “il s’ensuit que les dispositions de la directive 2003/30 n’imposent pas aux États membres l’obligation d’introduire ou de maintenir en vigueur un régime d’exonération fiscale en faveur des biocarburants” (point 36). En effet, pour atteindre les objectifs posés par la directive d’autres moyens sont également envisageables. De plus, la Cour rappelle que l’article 1er de la directive pose, en principe, “l’obligation de taxer un produit tel que celui en cause au principal, dès lors que celui-ci, est issu d’un mélange de gazole fossile (...) et d’huile végétale” (point 39). -108- Dès lors, selon les juges de Luxembourg, l’article 3 de la directive ne s’oppose pas à la législation allemande qui exclut du régime d’exonération fiscale en faveur des biocarburants, un produit issu d’un mélange d’huile de colza et de gazole fossile. - Sur la seconde question : La Cour rappelle que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime font partie intégrante de l’ordre juridique communautaire et qu’ils doivent être respectés par les Etats membres dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les directives60. Conformément à la jurisprudence de la Cour, il revient à la juridiction de renvoi de s’assurer que la réglementation nationale est conforme à ces principes.61 La Cour de justice n’est en effet compétente que pour fournir à la juridiction de renvoi les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire pouvant être utile dans cette appréciation de la conformité du droit national aux principes généraux du droit communautaire. Le principe de sécurité légitime, qui a pour corollaire le principe de protection de la confiance légitime, “exige que les règles de droit soient claires et précises, et que leur application soit prévisible pour les justiciables” (point 46). Pour la Cour, l’exigence de clarté et de précision est respectée en l’espèce du fait de la suppression du régime de l’exonération fiscale en cause au principal. Sur le caractère prévisible de la suppression de l’avantage fiscal, la Cour de justice renvoie cette appréciation à la compétence de la juridiction nationale. Cependant, sur le respect du principe de la confiance légitime, la Cour apporte des précisions importantes. Elle rappelle que “le législateur national a supprimé de manière anticipée un régime d’exonération fiscale dont il avait auparavant indiqué à deux reprises que ce régime serait maintenu en vigueur jusqu’à une date d’échéance ultérieure clairement précisée” (point 51). De plus, les magistrats communautaires précisent qu’un opérateur comme “Platanol est susceptible d’être considérablement affecté dans ses intérêts par une suppression anticipée de ce régime” (point 52). Selon la jurisprudence de la Cour de justice, “la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une autorité nationale fait naître des espérances fondées”. Cependant, si cet opérateur est prudent et avisé et qu’il est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure contraire à ses intérêts, il ne peut invoquer le principe de la confiance légitime. De plus, les opérateurs ne peuvent placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante 62 (point 53). En l’espèce, les dispositions litigieuses concernent le droit fiscal. Or, les magistrats du plateau de Kirchberg rappellent que “lorsqu’une directive en matière fiscale laisse de larges pouvoirs aux Etats membres, une modification législative adoptée conformément à la directive ne saurait être considérée comme imprévisible”.63 Comme l’a consacré la Cour par sa réponse à la première question préjudicielle, il est constant que la directive 2003/30/CE laisse un large pouvoir d’appréciation aux Etats membres quant aux mesures à adopter afin d’atteindre l’objectif de promotion de l’utilisation des biocarburants dans les transports. Ainsi, l’abrogation de l’avantage fiscal litigieux par le législateur national peut être vue comme une mesure destinée 60 CJCE, Belgocodex, 3 décembre 1998, C-381/97, Rec. p. I-8153, point 26 ; CJCE, « Goed Wonen », 26 avril 2005, C-376/02, Rec. p. I-3445, point 32, ainsi que CJCE, Netto Supermarkt, 21 février 2008, C-271/06, Rec. p. I-771, point 18. 61 CJCE, Federation of Technological Industries e.a., 11 mai 2006, C-384/04, Rec. p. I-4191, point 34 ; CJCE, Elmeka, 14 septembre 2006, C-181/04 à C-183/04, Rec. p. I-8167, points 35 et 36, et CJCE, ASM Brescia, 17 juillet 2008, C-347/06, non encore publié au Recueil, point 72. 62 CJCE, Di Lenardo et Dilexport, 15 juillet 2004, C-37/02 et C-38/02, Rec. p. I-6911, point 70. 63 CJCE, Gemeente Leusden et Holin Groep, 29 avril 2004, C-487/01 et C-7/02, Rec. p. I-5337, point 66. -109- à atteindre cet objectif. Toutefois, il revient à la juridiction nationale d’apprécier “de manière globale et in concreto, si la confiance légitime des opérateurs économiques visés par cette réglementation a été dûment respectée” (point 57). La Cour de justice, au regard du dossier dont elle dispose, précise les éléments pertinents nécessaires à la détermination de la prudence que doit observer un opérateur économique afin de se prévaloir du principe de la confiance légitime. Elle analyse le degré de publicité de la nouvelle législation (point 59), les circonstances qui ont précédé l’entrée en vigueur de la nouvelle loi (point 60), le contexte réglementaire national (point 61-65) ainsi que le contexte réglementaire communautaire (point 66). Afin de déterminer si le principe de la confiance légitime a été respecté, elle invite la juridiction de renvoi à examiner si le requérant “disposait d’éléments suffisants lui permettant de s’attendre à ce que le régime d’exonération fiscale en cause soit supprimé avant la date initiale prévue pour l’expiration de ce régime”. Dans cette recherche, la juridiction allemande doit suivre une “appréciation globale effectuée in concreto” (point 67). La Cour de justice, en tant que juge de l’interprétation des dispositions de textes communautaires, répond à la juridiction de renvoi que les principes généraux de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas en principe à la modification d’une législation nationale avant la date d’expiration de cette disposition. Par ces motifs la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “ 1) L’article 3 de la directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 mai 2003, visant à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui exclut du régime d’exonération fiscale prévu par celle-ci en faveur des biocarburants un produit, tel celui en cause au principal, qui est issu d’un mélange d’huile végétale, de gazole fossile et d’additifs spécifiques. 2) Les principes généraux de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne s’opposent pas en principe à ce qu’un État membre, s’agissant d’un produit tel que celui en cause au principal, supprime, avant la date d’expiration prévue initialement par la réglementation nationale, le régime d’exonération fiscale qui était applicable à celui-ci. En tout état de cause, une telle suppression n’exige pas l’existence de circonstances exceptionnelles. Il appartient cependant à la juridiction de renvoi d’examiner, dans le cadre d’une appréciation globale effectuée in concreto, si lesdits principes ont été respectés dans l’affaire au principal en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes relatives à celle-ci.” jjj -110- Pannon GSM Zrt. 4 juin 2009 - C- 243/08 « Directive 93/13/CEE - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Effets juridiques d’une clause abusive - Pouvoir et obligation du juge national d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause attributive de juridiction - Critères d’appréciation » T Faits : Mme Sustikné Gyorfi avait conclu avec la société Pannon un contrat d’abonnement relatif à la fourniture de services de téléphonie mobile. Le contrat avait été conclu sur la base d’un formulaire fourni par Pannon qui stipulait que, en signant le contrat, Mme Sustikné Gyorfi prenait connaissance du règlement d’exploitation, comprenant les conditions générales contractuelles et constituant un élément indissociable du contrat, et en acceptait la teneur. L’une des clauses prévoyait que la juridiction compétente en cas de litige serait celle du ressort du siège de la société Pannon. Cette clause attributive de compétence n’avait pas fait l’objet d’une négociation entre ces deux parties. A la suite d’une procédure d’injonction de payer initiée par la société Pannon à l’encontre de son abonnée, le tribunal saisi s’étonna de cette clause et de ses conséquences pour la défenderesse compte tenu de l’éloignement du tribunal saisi de son domicile. Mais, suivant le code de procédure civile, il ne pouvait soulever d’office le caractère abusif d’une telle clause qu’avant tout moyen de défense au fond. Nourrissant des doutes quant au caractère éventuellement abusif de la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales du contrat litigieux, le tribunal hongrois a décidé de surseoir à statuer pour saisir la Cour de justice. T Droit communautaire en cause et questions préjudicielles : La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29). Les trois questions préjudicielles sont les suivantes : « 1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive [93/13], aux termes duquel les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, peut-il être interprété en ce sens que le fait que le consommateur n’est pas lié par une clause abusive introduite par le professionnel ne résulte pas de plein droit de la loi, mais suppose que le consommateur conteste avec succès ladite clause abusive en introduisant une demande à cet effet ? 2) La protection que la directive [93/13] confère aux consommateurs nécessite-t-elle de la part du juge national que celui-ci se prononce d’office, même en l’absence de demande en ce sens, c’est-à-dire sans que le caractère abusif de la clause n’ait été invoqué - et quel que soit le caractère, contentieux ou gracieux, de la procédure -, sur le caractère abusif d’une clause contractuelle dont il est saisi, et qu’il examine ainsi d’office, dans le cadre de la vérification de sa propre compétence territoriale, la clause introduite par le professionnel ? 3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, quels sont les éléments que le juge national doit prendre en compte et apprécier dans le cadre dudit examen ? » -111- T Décision : - Sur la première question : Par cette question, la juridiction de renvoi vise à savoir si l’article 6, paragraphe 1, de la directive, selon lequel les clauses abusives contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne lient pas ce dernier, doit être interprété en ce sens que c’est uniquement dans les cas où le consommateur a contesté avec succès une telle clause qu’il n’est pas lié par celle-ci. Citant l’affaire Océano Grupo Editorial et Salvat Editores,64 la Cour rappelle qu’elle a ici jugé “au point 26 dudit arrêt, que l’objectif poursuivi par l’article 6 de la directive ne pourrait être atteint si les consommateurs devaient se trouver dans l’obligation de soulever eux-mêmes le caractère abusif d’une clause contractuelle et qu’une protection effective du consommateur ne saurait être assurée que si le juge national se voit reconnaître la faculté d’apprécier d’office une telle clause” (point 23). S’agissant des effets juridiques d’une telle clause abusive, elle rappelle sa jurisprudence Mostaza Claro 65 suivant laquelle les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel « ne lient pas les consommateurs », “disposition impérative qui, compte tenu de l’infériorité de l’une des parties au contrat, tend à substituer à l’équilibre formel que celui-ci établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers”. (point 25). - Sur la deuxième question : Citant ses arrêts Cofidis 66 et Mostaza Claro, précité, la Cour de justice affirme que le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu’il considère une telle clause comme abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose. Cette obligation incombe au juge national également lors de la vérification de sa propre compétence territoriale. - Sur la troisième question : Par cette question, la juridiction de renvoi cherche à obtenir des indications relatives aux éléments que le juge national doit considérer afin d’apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause contractuelle. La Cour de justice reconnaît que les critères de « bonne foi » et de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » visés dans la directive, restent abstraits, et que l’annexe visée à l’article 3 § 3 n’est pas exhaustive. Elle précise que “l’article 4 de la directive prévoit que le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion”. (point 39) S’agissant de la clause faisant l’objet du litige au principal, elle cite les points 21 à 24 de l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, où elle a jugé que, “dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel au sens de la directive, une clause 64 CJCE, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, 27 juin 2000, aff. C-240/98 à C-244/98. 65 CJCE, Mostaza Claro, 26 octobre 2006, aff C-168/05, Rec. p. I-10421, point 36. 66 CJCE, Cofidis, 21 novembre 2002, aff. C-473/00, Rec. p. I-10875, point 34. -112- préalablement rédigée par un professionnel et n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qui a pour objet de conférer compétence, pour tous les litiges découlant du contrat, à la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le siège du professionnel, réunit tous les critères pour pouvoir être qualifiée d’abusive au regard de la directive”. (point 40). Elle invite le juge de renvoi à apprécier lui-même, en fonction de ces indications et des circonstances de l’espèce, si la clause litigieuse peut être qualifiée d’abusive. Par ces motifs, la Cour dit pour droit (dispositif) : “1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle abusive ne lie pas le consommateur, et qu’il n’est pas nécessaire, à cet égard, que celui-ci ait préalablement contesté avec succès une telle clause. 2) Le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose. Cette obligation incombe au juge national également lors de la vérification de sa propre compétence territoriale. 3) Il appartient au juge national de déterminer si une clause contractuelle telle que celle faisant l’objet du litige au principal réunit les critères requis pour être qualifiée d’abusive au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13. Ce faisant, le juge national doit tenir compte du fait qu’une clause contenue dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, qui est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle et qui confère compétence exclusive au tribunal dans le ressort duquel est situé le siège du professionnel, peut être considérée comme abusive.” jjj -113- ESPACE DE LIBERTÉ, SÉCURITÉ ET JUSTICE Intercontainer Interfrigo SC Grande chambre 6 octobre 2009 - C-133/08 « Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles - Loi applicable à défaut de choix - Contrat d’affrètement - Critères de rattachement - Séparabilité » Rappel : La convention de Rome est entrée en vigueur le 1er avril 1991. La volonté des États signataires était alors de remédier à la multitude de règles de conflit existantes en uniformisant les règles sur la loi applicable aux obligations contractuelles. T Faits : Intercontainer Interfrigo (ICF) est une société Belge. Dans le cadre d’un projet de liaison ferroviaire portant sur le transport de marchandises entre Amsterdam et Francfort, elle mit des wagons à la disposition de la société Balkenende, pour le compte de MIC, deux sociétés néerlandaises. Afin d’assurer le transport, ICF acheta les locomotives et les services nécessaires. MIC loua à des tiers les capacités de chargement ; elle devait veiller à la partie opérationnelle du transport. Aucun contrat écrit ne fut conclu entre les parties. Seul un projet de contrat fut envoyé par ICF désignant le droit belge comme loi applicable, mais celui-ci ne fut pas signé par les parties. Les accords furent exécutés entre le 20 octobre et le 13 novembre 1998 et entre le 16 novembre et le 21 décembre 1998. La société ICF envoya deux factures à ses cocontractants correspondant aux deux périodes d’exécution. N’ayant pas été réglée de sa première facture, elle somma MIC et Balkenende de s’acquitter de son montant. En vain. ICF introduisit un recours devant le Rechtbank te Haarlem, juridiction néerlandaise, afin d’enjoindre MIC et Balkenende de lui payer la facture. Les deux sociétés néerlandaises soutenaient qu’en vertu du droit néerlandais applicable au contrat, la créance était prescrite. ICF quant à elle exposait que le contrat qui la liait aux deux sociétés néerlandaises n’étant pas un contrat de transport, le droit applicable en vertu de l’article 4, paragraphe 2 de la Convention de Rome était celui du pays de son siège social, le Royaume de la Belgique. Le Rechtbank te Haarlem, dont la décision fut confirmée en appel, considéra que, même si ICF n’avait pas la qualité de transporteur, le contrat en cause devait être qualifié de « contrat de transport de marchandises » au sens de la Convention puisque son objet principal était le transport de marchandises. De plus, selon les juridictions du fond, le contrat était plus étroitement lié au Royaume des Pays-Bas qu’au Royaume de la Belgique de sorte que la présomption de l’article 4, paragraphe 2, de la Convention ne pouvait s’appliquer, conformément aux dispositions de l’article 4, paragraphe 5 de la Convention (voir ci-dessous). Elles en conclurent que le droit néerlandais était applicable au contrat et que dès lors, la créance était prescrite. ICF forma un pourvoi devant le Hoge Raad der Nederlanden, qui, éprouvant des doutes quant à l’interprétation de l’article 4 de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, décida de poser à la Cour de justice cinq questions préjudicielles en -114- interprétation des dispositions de cette Convention. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : L’article 4 de la Convention de Rome de 1980 dispose : « 1. Dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie conformément aux dispositions de l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays. 2. Sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale, son administration centrale. Toutefois, si le contrat est conclu dans l’exercice de l’activité professionnelle de cette partie, ce pays est celui où est situé son principal établissement ou, si, selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l’établissement principal, celui où est situé cet autre établissement. 3. Nonobstant les dispositions du paragraphe 2, dans la mesure où le contrat a pour objet un droit réel immobilier ou un droit d’utilisation d’un immeuble, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où est situé l’immeuble. 4. Le contrat de transport de marchandises n’est pas soumis à la présomption du paragraphe 2. Dans ce contrat, si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays. Pour l’application du présent paragraphe, sont considérés comme contrats de transport de marchandises les contrats d’affrètement pour un seul voyage ou d’autres contrats lorsqu’ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises. 5. L’application du paragraphe 2 est écartée lorsque la prestation caractéristique ne peut être déterminée. Les présomptions des paragraphes 2, 3 et 4 sont écartées lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays ». La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice de répondre aux questions préjudicielles suivantes afin d’interpréter les dispositions litigieuses de la Convention de Rome de 1980 : « 1) L’article 4, paragraphe 4, de la convention doit-il être interprété en ce sens que cette disposition concerne uniquement l’affrètement pour un voyage et que d’autres types d’affrètements ne relèvent pas du champ d’application de cette disposition ? 2) S’il est répondu par l’affirmative à la [première question], l’article 4, paragraphe 4, de la convention doit-il être interprété en ce sens que, dans la mesure où d’autres types d’affrètements concernent aussi le transport de marchandises, le contrat en cause relatif à ce transport tombe dans le champ d’application de cette disposition et que le droit applicable est pour le reste déterminé par l’article 4, paragraphe 2, de la convention ? 3) S’il est répondu par l’affirmative à la deuxième question, auquel des deux systèmes juridiques indiqués faut-il se référer pour apprécier l’exception de prescription soulevée à l’égard de la demande fondée sur le contrat ? 4) Si la partie principale du contrat concerne le transport de marchandises, faut-il écarter la ventilation visée dans la [deuxième question] et le droit applicable à toutes les parties du contrat doit-il être déterminé au moyen de l’article 4, paragraphe 4, de la convention ? 5) L’exception visée à l’article 4, paragraphe 5, seconde phrase, de la convention doit-elle être interprétée en ce sens que les présomptions de l’article 4, paragraphes 2 à 4, doivent uniquement être écartées s’il ressort de l’ensemble des circonstances que les critères de rattachement qui y -115- sont visés n’ont pas de véritable valeur de rattachement ou bien faut-il les écarter aussi s’il ressort de ces circonstances que l’on est en présence d’un rattachement plus important avec un autre pays ? » T Décision : A titre liminaire, la Cour rappelle qu’elle est compétente pour interpréter les dispositions de la Convention de Rome de 1980 et que la juridiction de renvoi dispose de la faculté de poser une question préjudicielle en interprétation des dispositions de cette convention. Elle précise que l’objectif de ce texte est de poursuivre une œuvre d’unification juridique dans le domaine du droit international privé. La Convention de Rome est relative à la loi applicable aux obligations contractuelles, et en matière de loi applicable, la liberté de choix est le principe. Cette liberté d’autonomie est consacrée à l’article 3 de la convention. En revanche, à défaut de choix exercé par les parties, l’article 4 pose des critères de rattachement subsidiaires basés sur des présomptions. Ainsi, en matière de contrat de transport, l’article 4, paragraphes 3 et 4, fixe des critères de rattachement spéciaux. - Sur la première question et la première partie de la deuxième question, portant sur l’application de l’article 4, paragraphe 4, de la Convention aux contrats d’affrètement : La juridiction de renvoi demande à la Cour si un contrat d’affrètement doit être considéré comme un contrat de transport au sens de l’article 4, paragraphe 4, de la Convention de Rome. La Cour rappelle que cette disposition assimile aux contrats de transport les contrats d’affrètement pour un seul voyage, mais également d’autres contrats, “pour autant que ces contrats ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises” (point 33). Ainsi, l’article 4, paragraphe 4, a pour finalité d’étendre le champ d’application de la règle de conflit à des contrats ayant pour objet principal le transport de marchandises, même s’ils sont qualifiés en droit national de contrat d’affrètement. Pour définir l’objet du contrat, il convient de prendre en considération le but de la relation contractuelle ainsi que l’ensemble des obligations de la partie qui fournit la prestation caractéristique (point 34). La Cour précise que si, dans le cadre d’un contrat d’affrètement, le fréteur met à disposition de l’affréteur un moyen de transport, il peut également opérer le transport pour le compte de ce dernier (point 35). Or cette présomption d’assimilation du contrat d’affrètement à un contrat de transport ne peut s’appliquer que si le fréteur a son établissement principal, au moment de la conclusion du contrat, dans le pays dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement, ce qui est le cas en l’espèce. Par conséquent, le critère de rattachement énoncé à l’article 4, paragraphe 4, ne s’applique à un contrat d’affrètement que lorsque son objet principal est, non pas la simple mise à disposition d’un moyen de transport, mais le transport proprement dit des marchandises. - Sur la seconde partie de la deuxième question ainsi que sur les troisième et quatrième questions, portant sur la possibilité pour le juge de diviser le contrat en plusieurs parties aux fins de la détermination de la loi applicable : Pour les gouvernements intervenants ainsi que pour la Commission, le dépeçage du contrat autorisé par l’article 4, paragraphe 1, de la Convention de Rome ne serait pas applicable en l’espèce puisque le contrat concerne principalement le transport de marchandises. De plus, soumettre la même relation contractuelle à différents droits nationaux porterait atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime (points 38 -40). La Cour rappelle que “la règle prévoyant la séparation du contrat a un caractère exceptionnel” -116- (point 43). Ainsi, afin d’établir les conditions dans lesquelles un dépeçage du contrat est pertinent, les magistrats du plateau de Kirchberg précisent que l’objectif de la Convention “est d’élever le niveau de sécurité juridique en renforçant la confiance dans la stabilité des relations entre les parties du contrat”. Or cet objectif ne pourrait être atteint “si le système de détermination de la loi applicable n’est pas clair et si la loi applicable n’est pas prévisible avec un certain degré de certitude” (point 44). La Cour, reprenant les conclusions de l’avocat général sur ce point, précise que la possibilité de soumettre le contrat à différentes lois applicables va à l’encontre de l’objectif de la Convention et qu’un tel dépeçage doit être uniquement admis lorsque le contrat rassemble des parties qui peuvent être considérées comme autonomes. Seule une partie du contrat dont l’objet est autonome permet de la soumettre à une loi différente (point 45). En matière de prescription d’une obligation, l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la convention de Rome dispose que celle-ci est régie par la loi applicable au contrat (point 47). Par conséquent, le critère de rattachement appliqué au contrat doit être appliqué à l’ensemble du contrat, à moins que la partie du contrat relative au transport ne se présente comme autonome du reste du contrat (point 49). - Sur la cinquième question, portant sur l’application de l’article 4, paragraphe 5, seconde phrase, de la convention : La juridiction de renvoi cherche à savoir si l’exception consacrée à l’article 4, paragraphe 5, seconde phrase, de la Convention doit être interprétée en ce sens que les présomptions résultant de l’article 4, paragraphes 2 à 4, doivent uniquement être écartées s’il ressort de l’ensemble des circonstances que les critères qui y sont prévus n’ont pas de véritable valeur de rattachement ou bien que le juge doit également les écarter si l’existence d’un rattachement plus important avec un autre pays ressort de ces circonstances. L’article 4 de la convention fixe des critères de rattachement applicables lorsque les cocontractants n’ont pas usé de leur liberté d’autonomie. Ces critères de rattachement subsidiaires assurent un niveau élevé de sécurité juridique dans les relations contractuelles puisqu’ils permettent de présumer avec quel pays le contrat présente le lien le plus étroit (point 55). L’article 4, paragraphe 5, seconde phrase, précise que toutes les présomptions des paragraphes 2 à 4 peuvent être écartées “lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays” (point 56). Afin de déterminer la fonction et l’objectif de cette disposition, la Cour se réfère au rapport des professeurs Giuliano et Lagarde 67 qui précise que les rédacteurs de la Convention ont considéré comme indispensable “d’envisager la possibilité d’appliquer une loi autre que celles auxquelles se réfèrent les présomptions des paragraphes 2, 3 et 4 de l’article 4”. De plus, les auteurs du rapport précisent que la Convention “laisse au juge une certaine marge d’appréciation quant à la présence, dans chaque cas d’espèce, de l’ensemble des circonstances qui justifient la nonapplication des présomptions de l’article 4” (point 58). Ainsi, l’article 4, paragraphe 5, a pour objectif de contrebalancer ce régime de présomptions en conciliant les exigences de sécurité juridique et la nécessité d’une certaine souplesse dans la détermination de la loi qui présente effectivement le lien le plus étroit avec le contrat (point 59). Les juges de Luxembourg précisent alors qu’il ressort de l’objectif de l’article 4 de la convention que “le juge doit toujours procéder à la détermination de la loi applicable sur la base desdites 67 Rapport de M. Giuliano, professeur à l’université de Milan, et M. Lagarde, professeur à l’université de Paris I (JO 1980, C 282, p. 1). Cité également par l’Avocat Général, M. Yves Bot, dans ses conclusions du 19 mai 2009. -117- présomptions, lesquelles répondent à l’exigence générale de prévisibilité de la loi et donc de sécurité juridique dans les relations contractuelles” (point 62). Cependant, lorsqu’il ressort clairement de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un pays différent de celui désigné par les critères de rattachement des paragraphes 2, 3 et 4 de l’article 4, alors il appartient au juge d’écarter l’application des présomptions de cet article et d’appliquer ainsi la loi du pays avec lequel ledit contrat est le plus étroitement lié. Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “ 1) L’article 4, paragraphe 4, dernière phrase, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, doit être interprété en ce sens que le critère de rattachement prévu audit article 4, paragraphe 4, deuxième phrase, ne s’applique à un contrat d’affrètement, autre que le contrat pour un seul voyage, que lorsque l’objet principal du contrat est non pas la simple mise à disposition d’un moyen de transport, mais le transport proprement dit des marchandises. 2) L’article 4, paragraphe 1, seconde phrase, de cette convention doit être interprété en ce sens qu’une partie du contrat peut être régie par une loi différente de celle appliquée au reste du contrat uniquement lorsque son objet se présente comme autonome. Lorsque le critère de rattachement appliqué à un contrat d’affrètement est celui prévu à l’article 4, paragraphe 4, de ladite convention, ce critère doit être appliqué à l’ensemble du contrat, à moins que la partie contractuelle relative au transport ne se présente comme autonome du reste du contrat. 3) L’article 4, paragraphe 5, de la même convention doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il ressort clairement de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un pays autre que celui qui est déterminé sur la base de l’un des critères prévus audit article 4, paragraphes 2 à 4, il appartient au juge d’écarter ces critères et d’appliquer la loi du pays avec lequel ledit contrat est le plus étroitement lié.” jjj Vorarlberger Gebietskrankenkasse 17 septembre 2009 - C-347/08 « Règlement (CE) n/ 44/2001 - Articles 9, paragraphe 1, sous b), et 11, paragraphe 2 - Compétence en matière d’assurances - Accident de voiture - Cession légale de droits de la victime au profit d’un organisme de sécurité sociale - Action récursoire à l’encontre de l’assureur de la personne prétendument responsable - Objectif de protection de la partie la plus faible » T Faits : Victime d’un accident de la circulation survenu sur une autoroute allemande le 10 mars 2006, Mme Kerki, domiciliée en Autriche, a reçu des prestations versées par sa compagnie d’assurances, la VGKK. Cette dernière, se fondant sur une cession légale des droits de son assurée, a présenté pour paiement à WGV-SAV, assurance de Mme Gaukel auteur de l’accident, les frais qu’elle avait supportés pour fournir ses prestations. Aucun paiement n’étant intervenu, VGKK a introduit une action récursoire devant une juridiction autrichienne à l’encontre de WGV-SAV qui a contesté le recours au fond en invoquant l’absence de compétence internationale de la juridiction saisie. -118- T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : L’article 9, paragraphe 1, du règlement n/ 44/2001/CE dispose : « L’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait : a) devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile, ou b) dans un autre État membre, en cas d’actions intentées par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant le tribunal du lieu où le demandeur a son domicile […] ». L’article 11, paragraphe 2, du règlement n/ 44/2001/CE dispose : « Les dispositions des articles 8, 9 et 10 sont applicables en cas d’action directe intentée par la victime contre l’assureur, lorsque l’action directe est possible ». La juridiction de renvoi demande si : « 1) Le renvoi à l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement n/ 44/2001 contenu à l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement doit-il être interprété en ce sens qu’un organisme de sécurité sociale auquel les droits de la personne directement lésée ont été transférés par la loi peut introduire un recours direct contre l’assureur devant la juridiction du lieu dans un État membre dans lequel il a son établissement, pour autant qu’un tel recours direct est recevable et que l’assureur est domicilié sur le territoire d’un État membre ? 2) En cas de réponse positive à la première question cette compétence existe-t-elle également si, au moment de l’introduction du recours, la personne directement lésée ne possède pas de domicile ou de lieu de résidence habituelle dans l’État membre dans lequel l’organisme de sécurité sociale a son établissement ? » T Décision : A titre liminaire, la Cour rappelle qu’il existe des divergences relatives à l’article 11 paragraphe 2 du règlement n/ 44/2001/CE (Bruxelles I) entre les versions linguistiques. Si la version française emploie le terme « victime » qui renvoie à la personne ayant subi directement le dommage, la version allemande du règlement utilise l’expression “der Geschädigte” qui signifie « personne lésée » en référence à la personne qui a subi directement le dommage mais également à celle l’ayant subi indirectement. Afin de palier à ces divergences linguistiques, la jurisprudence de la Cour retient la nécessité d’une interprétation uniforme du droit communautaire. L’interprétation d’un terme litigieux doit se faire à la lumière des différentes versions en prenant en compte l’économie générale et la finalité du texte 68 (point 26). Il s’ensuit que l’article 11 paragraphe 2 du règlement n/ 44/2001/CE doit être interprété comme visant la « personne lésée » (point 28). - Sur la première question : La juridiction de renvoi demande en substance si “le renvoi effectué par l’article 11 paragraphe 2 du règlement 44/2001 à l’article 9 paragraphe 1 sous b) doit être interprété en ce sens qu’un organisme de sécurité sociale, cessionnaire légal des droits de la personne directement lésée dans un accident de voiture, peut introduire un recours direct devant les tribunaux de son Etat membre d’établissement à l’encontre de l’assureur de la personne prétendument responsable dudit accident, établi dans un autre Etat membre” (point 29). Dans un arrêt FBTO Schadeverzekeringen,69 la Cour a constaté que “le renvoi effectué par 68 CJCE, Bouchereau, 27 octobre 1977, aff. 30/77, Rec. p. 1999, point 14. 69 CJCE, FBTO Schadeverzekeringen, 13 décembre 2007, C- 463/06, Rec. p. I-11321, point 31, résumé dans la veille bimestrielle n/ 17 (novembre-décembre 2007), p. 53. -119- l’article 11, paragraphe 2, à l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement n/ 44/2001 doit être interprété en ce sens que les tribunaux du lieu où une personne lésée est domiciliée sont compétents pour connaître d’une action directe à l’encontre de l’assureur de la personne prétendument responsable lorsqu’une telle action est possible et que l’assureur est domicilié sur le territoire d’un État membre” (point 30). Si en matière d’assurance responsabilité civile résultant des accidents de voiture, la personne lésée a le droit d’intenter une action devant les tribunaux de son domicile à l’encontre de l’assureur de la personne prétendument responsable, il convient de savoir si ce droit est également reconnu à un organisme de sécurité sociale, cessionnaire légal des droits de la victime d’un accident de voiture. La VGKK fait valoir qu’elle a subi un préjudice en fournissant des prestations à son assurée à la suite de l’accident de la circulation et qu’elle doit donc être considérée comme une « personne lésée » selon une interprétation autonome de cette notion. Afin d’assurer la pleine efficacité du règlement n/ 44/2001/CE ainsi qu’une interprétation autonome de celui-ci, il convient de se référer au système mis en place par le règlement ainsi qu’à son objectif.70 Aussi, “l’application donnée aux institutions juridiques particulières, telle la cession légale, prévue par le droit autrichien et dans les ordres juridiques des États membres, ne saurait avoir d’incidence sur l’interprétation des dispositions dudit règlement. Le contraire reviendrait nécessairement à faire dépendre l’interprétation du règlement n/ 44/2001 du droit interne des États membres et à compromettre son application uniforme dans la Communauté” (point 35). L’article 2 du règlement Bruxelles I pose comme principe général, celui de la compétence de l’Etat membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile et ce quelle que soit sa nationalité. L’article 3 paragraphe 1 déroge à cette compétence générale en posant des compétences exclusives permettant d’attraire une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre devant les juridictions d’un autre Etat membre. Les magistrats du plateau de Kirchberg précisent que les règles de compétences dérogatoires de l’article 3 “ne sauraient donner lieu à une interprétation allant au delà des hypothèses envisagées de manière explicite par le règlement n/ 44/2001” (point 39). Le règlement n/ 44/2001/CE établit un système autonome de répartition des compétences juridictionnelles en matière d’assurances (articles 8 à 14) qui a pour objectif de “protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales” (point 40). La Cour précise que cette règle de compétence spéciale destinée à protéger la partie faible ne doit pas être étendue “à des personnes pour lesquelles cette protection ne se justifie pas” (point 41). En l’espèce, un organisme de sécurité sociale tel que la VGKK ne pourrait être considéré comme “une partie économiquement plus faible et juridiquement moins expérimentée qu’un assureur de responsabilité civile tel que WGV-SAV”. De plus, il ressort de la jurisprudence communautaire “qu’aucune protection spéciale ne se justifie s’agissant des rapports entre des professionnels du secteur des assurances, dont aucun d’entre eux ne peut être présumé se trouver en position de faiblesse par rapport à l’autre” 71 (point 42). Par conséquent, la VGKK en tant qu’organisme de sécurité sociale et cessionnaire légal des droits de son assurée, personne directement lésée au sens du règlement n/ 44/2001/CE, “ne saurait se prévaloir des dispositions combinées des articles 9 paragraphe 1, sous b), et 11, 70 CJCE, Gerling Konzern Speziale Kreditversicherung e.a, 14 juillet 1983, aff. 201/82, Rec. p. 2503, point 11 ; CJCE, Farrell, C-295/95, Rec. p. I-1683, points 12 et 13. 71 CJCE, GIE Réunion européenne e.a., 26 mai 2005, C-77/04, Rec. p. I-4509, point 20. -120- paragraphe 2, du règlement n/ 44/2001 afin d’intenter une action directe devant les tribunaux de son État membre d’établissement à l’encontre de l’assureur de la personne prétendument responsable dudit accident, établi dans un autre État membre” (point 43). Cependant, dans le cas où le cessionnaire peut être considéré comme une partie faible, celui-ci doit pouvoir bénéficier des règles spéciales de compétence juridictionnelle destinées à protéger la partie faible. Le bénéfice des règles de compétences spéciales reconnues aux parties faibles est conforté par la jurisprudence de la Cour relative aux règles spéciales en matière de contrats de consommation prévues par le règlement n/ 44/2001/CE (point 45). En effet, le cessionnaire de droits qui, dans l’exercice de son activité professionnelle, agit en justice pour faire valoir la créance du cédant résultant d’un contrat conclu par un consommateur ne peut bénéficier de la règle de compétence spéciale destinée à protéger la partie faible.72 Par conséquent, la Cour de Luxembourg constate qu’un organisme de sécurité sociale, cessionnaire légal des droits de la personne directement lésée dans un accident de voiture ne peut pas se prévaloir de la règle de compétence spéciale destinée à protéger la partie faible consacrée dans le règlement Bruxelles I. “Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu d’examiner la seconde”. Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Le renvoi effectué par l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n/ 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de celui-ci doit être interprété en ce sens qu’un organisme de sécurité sociale, cessionnaire légal des droits de la personne directement lésée dans un accident de voiture, ne peut pas introduire un recours direct devant les tribunaux de son État membre d’établissement à l’encontre de l’assureur de la personne prétendument responsable dudit accident, établi dans un autre État membre”. jjj German Graphics Graphische Maschinen GmbH 10 septembre 2009 - C-292/08 « Insolvabilité - Application de la loi de l’État membre d’ouverture de la procédure - Réserve de propriété - Situation du bien » T Faits : German Graphics est une société de droit allemand qui a conclu un contrat de vente avec Holland Binding, société de droit néerlandais. Le contrat porte sur la vente de machines et stipule une clause de réserve de propriété en faveur de German Graphics. Le 1er novembre 2006 le Rechtbank Utecht (juridiction des Pays-Bas) a déclaré par jugement Holland Binding en état d’insolvabilité. German Graphics, se prévalant de sa clause de réserve de propriété, a présenté le 5 décembre 2006 une demande devant le Landgericht Braunschweig (juridiction allemande) en vue de l’adoption de mesures conservatoires portant sur des machines se trouvant dans les locaux de Holland Binding. Cette juridiction a accueillie la demande. 72 CJCE, Shearson Lehman Hutton, 19 janvier 1993, C-89/91, points 20 à 24. -121- Le 18 décembre 2006 le juge des référés d’Utrecht a déclaré exécutoire l’ordonnance ayant constaté l’insolvabilité de Holland Binding. Insatisfaite cette société a interjeté appel de ce jugement devant le Rechtbank Utrecht qui a réformé cette ordonnance. German Graphics a alors formé un pourvoi en cassation contre la décision de réformation devant le Hoge Raad der Nederlanden qui a décidé de surseoir à statuer et de poser trois questions préjudicielles à la Cour de justice. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : Les questions préjudicielles posées portent sur le champ d’application des règlements n/ 1346/2000/CE relatif aux procédures d’insolvabilité et n/ 44/2001/CE concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I). La juridiction de renvoi pose à la Cour de Luxembourg les questions suivantes : « 1) L’article 25, paragraphe 2, du règlement n/ 1346/2000 doit-il être interprété en ce sens que les termes “pour autant que cette convention (à savoir le règlement n/ 44/2001) soit applicable” impliquent qu’avant de pouvoir conclure à l’application des règles de reconnaissance et d’exécution du règlement n/ 44/2001 aux décisions autres que celles visées à l’article 25, paragraphe 1, du règlement n/ 1346/2000, il y a lieu, en premier lieu, de vérifier si, au titre de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n/ 44/2001, elles ne tombent pas hors du champ d’application matériel de ce règlement ? 2) L’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n/ 44/2001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, du règlement n/ 1346/2000, doit-il être interprété en ce sens que le fait qu’un bien soumis à une clause de réserve de propriété se trouve dans l’État membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au moment de l’ouverture de ladite procédure contre l’acheteur a pour conséquence que l’action du vendeur au titre de cette clause de réserve de propriété, comme en l’espèce l’action de German Graphics, doit être considérée comme une action relative à l’état d’insolvabilité visée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n/ 44/2001, qui, partant, ne relève pas du champ d’application dudit règlement ? 3) Le fait que les biens faisant partie de la masse sont déterminés par application du droit de l’État d’ouverture de la procédure, conformément à l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n/ 1346/2000, a-t-il une incidence sur la réponse à la deuxième question ? » T Décision : - Sur la première question : La juridiction de renvoi demande en substance “si avant de pouvoir conclure à la reconnaissance d’une décision au sens de l’article 25, paragraphe 2, du règlement n/ 1346/2000 sur la base des dispositions du règlement n/ 44/2001, il incombe au juge chargé de l’exécution de vérifier si ladite décision entre dans le champ d’application de ce dernier règlement” (point 14). La Cour rappelle que la reconnaissance des décisions relatives aux procédures d’insolvabilité est régie par les articles 16 à 26 du règlement n/ 1346/2000/CE. L’article 25 de ce règlement vise la reconnaissance et le caractère exécutoire des décisions autres que celles concernant directement l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. Son paragraphe 1 concerne notamment “les décisions relatives au déroulement et à la clôturé” d’une procédure d’insolvabilité, les décisions “qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et s’y insèrent étroitement” ainsi que les décisions relatives à certaines mesures conservatoires. Le paragraphe 2 vise les “décisions autres que celle visées au paragraphe 1, pour autant que cette convention (à savoir la convention de Bruxelles) soit applicable”. -122- Par conséquent les juges de Luxembourg constatent que “les décisions visées à l’article 25 paragraphe 2 du règlement n/ 1346/2000 ne sont pas des décisions entrant dans le champ d’application de ce règlement” (point 17). Aussi, certaines décisions visées par cet article peuvent ne relever ni du champ d’application du règlement n/ 1346/2000/CE, ni du règlement n/ 44/2001/CE. Si la décision concernée ne porte pas sur des matières civiles et commerciales, matières entrant dans le champ d’application du règlement n/ 44/2001/CE, ou si la décision est exclue du champ d’application par l’article 1er de ce même règlement, alors celui-ci ne pourra être applicable. En conséquence, la Cour retient qu’il “convient de répondre à la première question que l’article 25, paragraphe 2, du règlement n/ 1346/2000 doit être interprété en ce sens que les termes « pour autant que cette convention soit applicable » impliquent que, avant de pouvoir conclure à l’application des règles de reconnaissance et d’exécution prévues par le règlement n/ 44/2001 aux décisions autres que celles visées à l’article 25, paragraphe 1, du règlement n/ 1346/2000, il est nécessaire de vérifier si ces décisions ne se trouvent pas placées hors du champ d’application matériel du règlement n/ 44/2001” (point 20). - Sur les deuxième et troisième questions : La juridiction de renvoi demande en substance par ces deux questions que la Cour décide d’examiner ensemble “si, en raison de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’encontre d’un acheteur et dès lors que le bien faisant l’objet de la clause de réserve de propriété se trouve dans l’État membre d’ouverture de cette procédure, l’action exercée par le vendeur à l’encontre dudit acheteur et fondée sur cette clause est exclue du champ d’application du règlement n/ 44/2001” (point 21). La Cour rappelle les considérants du règlement n/ 44/2001/CE selon lesquels, « certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur ». De plus, le quinzième considérant souligne “la nécessité, pour le fonctionnement harmonieux de la justice, d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans deux États membres” (point 22). Le législateur européen a donc entendu donner une acception large à la notion de matière civile et commerciale dans le règlement n/ 44/2001/CE, ce qui a pour conséquence d’étendre le champ d’application de ce règlement. La Cour constate que cela ressort également des considérants du règlement n/ 1346/2000/CE qui, à l’inverse, limite la portée de ce dernier texte à l’insolvabilité. Par conséquent les juges communautaires retiennent que “le champ d’application de ce dernier règlement ne devrait pas faire l’objet d’une interprétation large” (point 25). Les magistrats du plateau de Kirchberg rappellent ensuite leur jurisprudence relative à la Convention de Bruxelles qui considère qu’une action “se rattache à une procédure de faillite dès lors qu’elle dérive directement de la faillite et s’insère étroitement dans le cadre d’une procédure de liquidation des biens ou de règlement judiciaire”. 73 Aussi, une telle action n’entre pas dans le champ d’application de la Convention de Bruxelles.74 Le règlement n/ 44/2001/CE étant venu remplacer, dans les relations entre les Etats membres, la Convention de Bruxelles, les interprétations fournies par la Cour relatives aux dispositions de ce texte sont applicables audit règlement lorsque les dispositions sont qualifiées d’équivalentes (point 27). Pour la Cour c’est “l’intensité du lien (...) existant entre une action juridictionnelle telle que celle 73 CJCE, Gourdain, 22 février 1979, aff. 133/78, point 4. 74 CJCE, Seagon, 12 février 2009, C-339/07, point 19. -123- en cause au principal et la procédure d’insolvabilité qui est déterminante” afin d’appliquer l’exclusion consacrée à l’article 1 paragraphe 2 sous b) du règlement n/ 44/2001/CE (point 29). En l’espèce, “ce lien n’apparaît ni suffisamment direct ni suffisamment étroit pour que l’application du règlement n/ 44/2001 soit exclue” (point 30). En effet, German Graphics a engagé une procédure dans le but de faire valoir sa clause de réserve de propriété afin d’obtenir la restitution de certains biens se trouvant dans les locaux de Holland Binding. L’issue de cette action est donc indépendante de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, puisqu’elle ne vise qu’à garantir l’application de la clause de réserve de propriété. L’action intentée par German Graphics “constitue une action autonome ne trouvant pas son fondement dans le droit des procédures d’insolvabilité et ne requérant ni l’ouverture d’une procédure de ce type ni l’intervention d’un syndic” (point 32). Par conséquent, le fait que le syndic soit partie au litige ne permet pas de qualifier la procédure de “procédure dérivant directement de la faillite et s’insérant étroitement dans le cadre d’une procédure de liquidation de biens” (point 33). La Cour de justice constate que l’action de German Graphics visant à garantir l’application de la clause de réserve de propriété “ne se trouve pas placée hors du champ d’application du règlement n/ 44/2001” (point 34). De plus, elle rejette l’influence de l’article 7 paragraphe 1 du règlement n/ 1346/2000/CE dans la qualification des actions ayant un lien avec une procédure d’insolvabilité. En effet, cet article constitue une règle matérielle visant à protéger le vendeur en ce qui concerne les biens se trouvant en dehors de l’Etat membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité. Or, en l’espèce, les biens se trouvent aux Pays-Bas où la procédure d’insolvabilité a été ouverte. Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “ 1) L’article 25, paragraphe 2, du règlement (CE) n/ 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que les termes « pour autant que cette convention soit applicable» impliquent que, avant de pouvoir conclure à l’application des règles de reconnaissance et d’exécution prévues par le règlement (CE) n/ 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, aux décisions autres que celles visées à l’article 25, paragraphe 1, du règlement n/ 1346/2000, il est nécessaire de vérifier si ces décisions ne se trouvent pas placées hors du champ d’application matériel du règlement n/ 44/2001. 2) L’exception prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n/ 44/2001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, du règlement n/ 1346/2000, doit être interprétée, compte tenu des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de ce dernier règlement, en ce sens qu’elle ne s’applique pas à une action d’un vendeur exercée au titre d’une clause de réserve de propriété contre un acheteur en situation de faillite lorsque le bien faisant l’objet de cette clause se trouve dans l’État membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au moment de l’ouverture de cette procédure à l’encontre dudit acheteur.” jjj Laszlo Hadadi 16 juillet 2009 - C-168/08 « Coopération judiciaire en matière civile - Règlement (CE) n° 2201/2003 - Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale - Article 64 - Dispositions transitoires - Application à une décision d’‘un État membre ayant adhéré à l’Union européenne en 2004 - Article 3, paragraphe 1 - Compétence en matière de divorce Liens de rattachement pertinents - Résidence habituelle - Nationalité - Époux résidant en France et -124- ayant, tous les deux, les nationalités française et hongroise » T Faits : M. Hadadi et Mme Mesko, ressortissants hongrois, se sont mariés en Hongrie en 1979. Ayant émigrés en France en 1980 et résidant depuis sur le territoire français, ils ont tous deux été naturalisés français en 1980 et disposent donc de la double nationalité franco-hongroise. Le 23 février 2002, M. Hadadi introduisit une requête en divorce devant le tribunal de Pest en Hongrie. Son épouse présenta une demande similaire en France auprès du tribunal de grande instance de Meaux le 19 février 2003. Le 4 mai 2004, soit quelques jours après l’adhésion de la Hongrie à l’Union européenne, le tribunal de Pest prononça le divorce. Par ordonnance du 8 novembre 2005, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Meaux a déclara irrecevable l’action en divorce introduite par Mme Mesko. La cour d’appel saisie par Mme Mesko, décida que le jugement de divorce rendu par le tribunal de Pest ne pouvait être reconnu en France et déclara l’action en divorce introduite par Mme Mesko devant les juridictions françaises, recevable. M. Hadadi, insatisfait de cet arrêt, forma un pourvoi en cassation. Il reprochait aux juges du fond d’avoir écarté la compétence de la juridiction hongroise sur le seul fondement de l’article 3 paragraphe 1 sous a) du règlement n/ 2201/2003/CE (Bruxelles II bis) relatif à la résidence habituelle des époux, sans avoir recherché si la compétence du juge hongrois pouvait résulter de la nationalité commune des époux telle que prévue au même paragraphe 1 sous b). Ayant des doutes sur l’interprétation du règlement communautaire, la Cour de cassation décida de surseoir à statuer afin de poser des questions préjudicielles en interprétation à la Cour de justice des Communautés européennes. T Questions préjudicielles et droit communautaires en cause : L’article 3 paragraphe 1 du règlement n/2201/2003 dispose que : « Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux, les juridictions de l’Etat membre : a) sur le territoire duquel se trouve : - la résidence habituelle des époux, ou [...] b) de la nationalité des deux époux, ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, du domicile commun. » La Cour de cassation a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1) Faut il interpréter l’article 3, [paragraphe 1, sous b), du règlement n/ 2201/2003] comme devant faire prévaloir, dans le cas où les époux possèdent à la fois la nationalité de l’État du juge saisi et la nationalité d’un autre État membre de l’Union européenne, la nationalité de juge saisi ? 2) Si la réponse à la question précédente est négative, faut-il alors interpréter ce texte comme désignant, dans le cas où les époux possèdent chacun deux nationalités des deux mêmes États membres, la nationalité la plus effective, parmi les deux nationalités en présence ? 3) Si la réponse à la question précédente est négative, faut-il alors considérer que ce texte offre aux époux une option supplémentaire, ceux-ci pouvant saisir, à leur choix, l’un ou l’autre des tribunaux des deux États dont ils possèdent tous deux la nationalité ? ». T Décision : A titre liminaire, la Cour apporte des précisions sur le champ d’application temporel du règlement Bruxelles II bis. -125- - Sur la première question préjudicielle : La Cour précise que la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 3 paragraphe 1 sous b) du règlement n/ 2201/2003/CE doit être interprété en ce sens que, dans le cas où des époux possèdent à la fois la nationalité de l’Etat membre du juge saisi et celle d’un autre même Etat membre, la juridiction devant laquelle l’action est portée doit faire prévaloir la nationalité de l’Etat membre dont elle relève. Les juges de Luxembourg rappellent l’obligation faite aux juridictions saisies de se prononcer sur la compétence des juridictions d’un autre Etat membre. Ainsi, dans l’arrêt contesté au principal, la cour d’appel de Paris a considéré que la compétence du tribunal hongrois fondée sur la nationalité hongroise de M. Hadadi, chef de compétence non retenu par les règles françaises de compétence internationale, était « en réalité très fragile », alors que la compétence du tribunal de la résidence habituelle des époux était « particulièrement forte ». Le règlement ne contenant aucune disposition particulière régissant les cas de double nationalité, la question ainsi posée est celle de savoir si l’article 3 du règlement Bruxelles II bis doit faire l’objet d’une interprétation différente lorsque les époux disposent de deux nationalités communautaires communes. Invoquant la nécessité d’une interprétation autonome des termes d’une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des Etats membres, la Cour retient qu’en cas de double nationalité commune “le juge saisi ne saurait ignorer le fait que les intéressés possèdent la nationalité d’un autre Etat membre, de sorte que les personnes ayant une double nationalité commune ne seraient traitées comme si elles avaient la seule nationalité de l’Etat membre dont relève la juridiction saisie” (point 41). Par conséquent, les juges du plateau de Kirchberg estiment que, lorsque la juridiction de l’État membre requis doit vérifier, en application de l’article 64, paragraphe 4, du règlement n/ 2201/2003/CE, (dispositions transitoires) si la juridiction de l’État membre d’origine d’une décision juridictionnelle aurait été compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement, cette dernière disposition s’oppose à ce que la juridiction de l’État membre requis considère les époux qui possèdent tous deux la nationalité tant de cet État que de l’État membre d’origine uniquement comme des ressortissants de l’État membre requis. Cette juridiction doit, au contraire, tenir compte du fait que les époux possèdent également la nationalité de l’État membre d’origine et que, partant, les juridictions de ce dernier auraient pu être compétentes pour connaître du litige. Sur les deuxième et troisième questions : La Cour procède à un examen conjoint de ces questions. La juridiction de renvoi demande en substance si sur le fondement de l’article 3 paragraphe 1 sous b) du règlement n/ 2201/2003/CE et pour déterminer la juridiction compétente pour connaître du divorce de personnes ayant la même double nationalité, la juridiction saisie peut faire primer une nationalité sur l’autre afin d’établir sa compétence. Il s’agit de savoir si le recours au concept de nationalité « la plus effective », c’est-à-dire, de nationalité de l’Etat membre avec lequel les personnes entretiennent les liens les plus étroits, est admis ou à l’inverse s’il convient de prendre en considération les deux nationalités des époux, de sorte que les juridictions des deux Etats membres puissent être compétentes, laissant ainsi aux intéressés le choix de saisir l’une ou l’autre de ces juridictions. Pour M. Hadadi, ainsi que pour six des sept gouvernements intervenants (dont le gouvernement français) soutenus par la Commission, chacun des époux est en droit, en cas de double nationalité commune, “d’introduire une instance en divorce devant la juridiction de l’un ou l’autre des deux Etats membres dont cet époux et son conjoint possèdent la nationalité” (point 46). -126- Les juges de Luxembourg rappellent que l’article 3 offre “plusieurs chefs de compétence, entre lesquels il n’est pas établi de hiérarchie. Tous les critères objectifs énoncés à cet article 3, paragraphe 1, sont alternatifs. Compte tenu de l’objectif de ce règlement visant à garantir la sécurité juridique, l’article 6 de celui-ci prévoit, en substance, que les compétences définies aux articles 3 à 5 du même règlement ont un caractère exclusif.” (Point 48). Ainsi, le système de répartition des compétences établi par le règlement Bruxelles II bis en matière de dissolution du lien matrimonial “ne vise pas à exclure des compétences multiples”. “Au contraire, la coexistence de plusieurs juridictions compétentes, sans qu’une hiérarchie soit établie entre elles est expressément prévue” (point 49). Comme le mentionne l’article 3 paragraphe 1 sous b), les juridictions de l’Etat membre dont les époux ont la nationalité sont compétentes pour juger des actions en divorce. Cet article “ne laisse pas entendre que seule la nationalité « effective » peut être prise en considération aux fins de la mise en œuvre de cette disposition”. En effet, l’article 3 pose la nationalité comme critère de compétence, ce qui “privilégie un élément de rattachement univoque et facile à mettre en application” (point 51). Cette disposition ne prévoit aucunement l’existence d’un autre critère tenant notamment à l’effectivité de la nationalité. Les juges communautaires rappellent en outre qu’une “interprétation en vertu de laquelle seule une nationalité « effective » serait susceptible d’être prise en considération aux fins de l’article 3 paragraphe 1 du règlement n/ 2201/2003 ne saurait trouver un fondement dans les finalités de cette disposition ou le contexte dans lequel elle s’insère” (point 52). De plus, une possible restriction à la libre circulation des personnes, liberté fondamentale garantie par le traité CE, ainsi qu’une limitation du choix reconnu aux justiciables de saisir la juridiction compétente pourraient découler d’une interprétation basée sur la notion de « nationalité effective » qui doit dès lors être exclue (point 53). La Cour considère que le caractère peu précis de la notion de « nationalité effective » nécessiterait la prise en compte de toute une série de circonstances de fait, “ce qui ne conduirait pas toujours à un résultat clair” et irait à l’encontre du principe de sécurité juridique. De plus, le contrôle des liens de rattachement entre les époux et de leurs nationalités respectives que les juridictions devraient alors opérer alourdirait la tâche de celles-ci (point 55). Par conséquent, en cas de double nationalité commune des époux, les juridictions de plusieurs Etats membres peuvent être compétentes. En cas de saisine de plusieurs juridictions entraînant une situation de litispendance intracommunautaire, le conflit de compétence doit être résolu par la mise en œuvre de la règle énoncée à l’article 19 du règlement Bruxelles II bis (point 56). En réponse aux arguments de Mme Mesko relatifs au fait que le règlement incite “les époux à saisir rapidement l’une des juridictions compétentes afin d’assurer les avantages de droit matériel du divorce applicable en vertu du droit international privé du for”, les juges de Luxembourg répondent que le règlement n/ 2201/2003/CE n’édicte pas de règles de conflit de lois et que par conséquent la saisine d’une juridiction compétente en vertu de l’article 3 ne peut être considérée comme abusive. En effet, “la saisine des juridictions d’un État membre dont les deux époux possèdent la nationalité, même en l’absence de tout autre lien de rattachement avec cet État membre, n’est pas contraire aux objectifs poursuivis par ladite disposition.” (point 57). Ainsi, lorsque les époux disposent chacun de la double nationalité de deux Etats membres identiques, l’article 3 paragraphe 1 sous b) s’oppose à ce que la compétence des juridictions de l’un de ces Etats soit écartée au motif que le demandeur ne présente pas d’autres liens de rattachement avec cet Etat. Au contraire, les époux disposent alors d’un choix entre les juridictions de ces deux Etats membres qui sont dès lors également compétentes. Par ces motifs la Cour de justice dit pour droit que (dispositif) : “ 1) Lorsque la juridiction de l’État membre requis doit vérifier, en application de l’article 64, paragraphe 4, du règlement (CE) n/ 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif -127- à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n/ 1347/2000, si la juridiction de l’État membre d’origine d’une décision juridictionnelle aurait été compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement, cette dernière disposition s’oppose à ce que la juridiction de l’État membre requis considère les époux qui possèdent tous deux la nationalité tant de cet État que de l’État membre d’origine uniquement comme des ressortissants de l’État membre requis. Cette juridiction doit, au contraire, tenir compte du fait que les époux possèdent également la nationalité de l’État membre d’origine et que, partant, les juridictions de ce dernier auraient pu être compétentes pour connaître du litige. 2) Lorsque les époux possèdent chacun la nationalité de deux mêmes États membres, l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n/ 2201/2003 s’oppose à ce que la compétence des juridictions de l’un de ces États membres soit écartée au motif que le demandeur ne présente pas d’autres liens de rattachement avec cet État. Au contraire, les juridictions des États membres dont les époux possèdent la nationalité sont compétentes en vertu de cette disposition, ces derniers pouvant saisir, selon leur choix, la juridiction de l’État membre devant laquelle le litige sera porté.” -128- LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX Gaz de France-Berliner Investissement SA 1er octobre 2009 - C-247/08 T Faits : La société demanderesse Gaz de France-Berliner Investissement SA, détient la totalité des parts de la société Gaz de France Deutschland GmbH. Cette dernière a procédé, le 16 juin 1999, à la distribution à la première d’un bénéfice de 980 387 DEM en retenant un impôt sur les revenus des capitaux de 49 019 ,35 DEM, outre un supplément de solidarité. La société demanderesse a saisi la juridiction fiscale allemande d’une demande de remboursement de l’impôt sur les revenus de capitaux et de l’allocation de solidarité. Devant le refus de la société défenderesse de rembourser, au motif que Gaz de France Berliner Investissement SA n’était pas une société mère ni au sens de la loi allemande de 1999, ni au sens de l’article 2 de la directive 90/435, la demanderesse a saisi le Finanzgeritcht Köln. Cette juridiction, constatant que la société demanderesse ne revêtait aucune forme sociale mentionnée dans l’annexe de la directive 90/435, a préféré surseoir à statuer pour poser à la Cour de justice plusieurs questions préjudicielles ayant trait au statut de « société par actions simplifiées », introduit seulement dans l’annexe de la directive 90/435/CEE par la directive 2003/123/CE. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : - Le droit communautaire : Les questions portent sur l’interprétation de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6), lu en combinaison avec le point f) de l’annexe de celle-ci, ainsi que sur la validité de cette disposition au regard de la liberté d’établissement et de la libre circulation des capitaux. L’article 2 de la directive 90/435 est libellé comme suit : « Aux fins de l’application de la présente directive, les termes “société d’un État membre” désignent toute société : a) qui revêt une des formes énumérées à l’annexe ; b) qui, selon la législation fiscale d’un État membre, est considérée comme ayant dans cet État son domicile fiscal et qui, aux termes d’une convention en matière de double imposition conclue avec un État tiers, n’est pas considérée comme ayant son domicile fiscal hors de la Communauté ; c) qui, en outre, est assujettie, sans possibilité d’option et sans en être exonérée, à l’un des impôts suivants : […] – impôt sur les sociétés en France, […] ou à tout autre impôt qui viendrait se substituer à l’un de ces impôts.» L’annexe de la directive énumérait initialement, au point f), les sociétés suivantes : «les sociétés de droit français dénommées “société anonyme”, “société en commandite par actions”, “société à responsabilité limitée”, ainsi que les établissements et entreprises publics à -129- caractère industriel et commercial ». Elle a été modifiée par la directive 2003/123/CE du 22 décembre 2003. Le nouveau point f) de l’annexe de la directive 90/435/CEE se lit de la manière suivante : « les sociétés de droit français dénommées “société anonyme”, “société en commandite par actions”, “société à responsabilité limitée”, “société par actions simplifiée”, “société d’assurance mutuelle”, les “caisses d’épargne et de prévoyance”, les “sociétés civiles” assujetties de plein droit à l’impôt sur les sociétés, les “coopératives” et “unions de coopératives”, les établissements et entreprises publics à caractère industriel et commercial, ainsi que les autres sociétés constituées conformément au droit français et assujetties à l’impôt sur les sociétés en France ». - Le droit national allemand : L’article 44d de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz), dans sa version applicable à l’affaire au principal (ci-après l’« EStG 1999 »), est libellé comme suit : « (2) On entend par “société mère” au sens du paragraphe 1 une société qui réunit les conditions de l’article 2 de la directive [90/435], visées à l’annexe 7 de la présente loi et qui, au moment de la naissance de l’impôt sur les revenus de capitaux conformément à l’article 44, paragraphe 1, deuxième alinéa, peut prouver qu’elle participe directement, au moins à concurrence d’un quart, au capital nominal de la société de capitaux imposable de façon illimitée. Il doit en outre être démontré que la participation a été conservée de façon ininterrompue pendant douze mois. […]» L’annexe 7 de l’EStG 1999 prévoit : « Par société mère au sens de l’article 2 de la directive [90/435], on entend toute société 1. qui revêt l’une des formes suivantes : […] - sociétés de droit français dénommées : société anonyme, société en commandite par actions, société à responsabilité limitée, ainsi que les établissements et entreprises publics à caractère industriel et commercial ; […] 2. qui, selon la législation fiscale d’un État membre, est considérée comme ayant dans cet État son domicile fiscal et qui, aux termes d’une convention en matière de double imposition conclue avec un État tiers, n’est pas considérée comme ayant son domicile fiscal hors de la Communauté, et 3. qui est assujettie, sans possibilité d’option et sans en être exonérée, à l’un des impôts suivants: […] - impôt sur les sociétés en France, […] ou à tout autre impôt qui viendrait se substituer à l’un de ces impôts. » Les questions préjudicielles sont les suivantes : « 1) Convient-il d’interpréter l’article 2, sous a), [de la directive 90/435], lu en combinaison avec le point f) de l’annexe de [cette] directive […] en ce sens qu’une société française ayant la forme d’une société par actions simplifiée peut être considérée, dès les années antérieures à 2005, comme une ‘société d’un État membre’ au sens de ladite directive et que, à ce titre, s’agissant d’un bénéfice distribué en 1999 par une de ses filiales allemandes, il faut lui accorder l’exonération de la retenue fiscale à la source conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la directive [90/435] ? 2) Si la première question appelle une réponse négative, l’article 2, sous a), [de la directive 90/435], lu en combinaison avec le point f) de l’annexe de [cette] directive […] n’enfreint-il pas les articles 43 CE et 48 CE ou les articles 56, paragraphe 1, CE et 58, paragraphes 1, sous a), et 3, CE si, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, de la directive [90/435], il prévoit certes une exonération de la retenue fiscale à la source dans les cas de distribution de bénéfices d’une filiale allemande à une société mère française revêtant la forme juridique d’une société anonyme, d’une société en commandite par actions ou d’une société à responsabilité limitée, mais ne la prévoit pas lorsqu’il s’agit d’une société mère française ayant la forme juridique d’une société par actions simplifiée ? » -130- T Décision : - Sur la recevabilité : La cour de justice écarte l’exception d’irrecevabilité invoquée par le gouvernement italien en indiquant : “(...) l’absence, dans la décision de renvoi, d’une description détaillée, d’une part, des règles relatives aux sociétés par actions simplifiées et, d’autre part, du régime des autres sociétés de droit français, ne saurait rendre ladite demande irrecevable, l’interprétation de la réglementation nationale n’entrant pas, en tout état de cause, dans la compétence de la Cour. - Sur le fond : Première question : Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous a), de la directive 90/435/CEE, lu en combinaison avec le point f) de l’annexe de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’une société de droit français ayant la forme d’une société par actions simplifiée peut être considérée comme une « société d’un État membre » au sens de cette directive dès avant que ladite directive soit modifiée par la directive 2003/123/CE. La Cour rappelle que la directive 90/435/CEE vise à éliminer, par l’instauration d’un régime fiscal commun, toute pénalisation de la coopération entre sociétés d’États membres différents par rapport à la coopération entre sociétés d’un même État membre et à faciliter ainsi le regroupement de sociétés à l’échelle communautaire. Elle tend ainsi à assurer la neutralité, sur le plan fiscal, de la distribution de bénéfices par une société filiale sise dans un État membre à sa société mère établie dans un autre État membre. L’article 2 de la directive 90/435/CEE établit les conditions auxquelles doit répondre une société afin d’être considérée comme une société d’un État membre au sens de ladite directive et définit ainsi le champ d’application de celle-ci. Les termes « société d’un État membre » désignent toute société qui revêt une des formes énumérées à l’annexe de ladite directive, laquelle utilise deux techniques : une formulation générique, et une énumération exhaustive des dénominations des formes juridiques visées, sans contenir une clause permettant l’application de ladite directive à d’autres sociétés constituées conformément au droit des États membres respectifs. Par conséquence, pour qu’une société de droit français (hors entreprises publiques) puisse être considérée comme une société d’un État membre au sens de cette directive, cette société doit nécessairement revêtir l’une des formes énumérées exhaustivement au point f) de l’annexe de ladite directive et, notamment, être constituée en tant que « société anonyme », « société en commandite par actions » ou « société à responsabilité limitée ». Relevant comme l’avocat général, que la directive 90/435/CEE n’a pas pour objectif d’instaurer un régime commun pour toutes les sociétés des États membres, ni pour tous les types de participations, la Cour écarte l’argumentation de la Commission et de la société demanderesse suivant laquelle, la liste de l’annexe ne serait qu’indicative et destinée à différencier sociétés de capitaux et sociétés de personnes au regard de l’imposition sur les sociétés. La Cour de justice dit pour droit : “L’article 2, sous a), de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, lu en combinaison avec le point f) de l’annexe de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’une société de droit français ayant la forme d’une société par actions simplifiée ne peut être considérée comme une «société d’un État membre» au sens de -131- cette directive dès avant que ladite directive soit modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003.” Sur la seconde question : Par sa seconde question, la juridiction de renvoi s’interroge sur la validité de l’article 2, sous a), de la directive 90/435/CEE, lu en combinaison avec le point f) de l’annexe de celle-ci et avec l’article 5, paragraphe 1, de cette directive, au regard des articles 43 CE et 48 CE ou des articles 56, paragraphe 1, CE et 58, paragraphes 1, sous a), et 3, CE, en tant qu’il en découle une exonération de la retenue fiscale à la source dans les cas de distribution de bénéfices d’une filiale de droit allemand à une société mère de droit français revêtant la forme juridique d’une société anonyme, d’une société en commandite par actions ou d’une société à responsabilité limitée, mais non dans le cas d’une société mère de droit français ayant la forme juridique d’une société par actions simplifiée. La Cour rappelle que “l’appréciation de la validité d’un acte, à laquelle il appartient à la Cour de procéder dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, doit normalement être fondée sur la situation qui existe au moment de l’adoption de l’acte (arrêt du 17 juillet 1997, SAM Schiffahrt et Stapf, C-248/95 et C-249/95, Rec. p. I-4475, point 46)” (Point 49). En outre, elle estime qu’aucun élément nouveau ne doit être pris en compte en l’espèce. En effet, si la société par actions simplifiée n’a été introduite en droit français que postérieurement à l’adoption de la directive 90/435/CEE, il résulte de la réponse à la première question que, s’agissant des sociétés de droit français, le champ de l’application de cette directive a été déterminé par une énumération des dénominations des formes juridiques couvertes par ladite directive, sans contenir une clause permettant l’application de cette même directive à d’autres sociétés constituées conformément au droit français. Or, il est loisible aux institutions communautaires de ne procéder qu’à l’harmonisation progressive d’une matière ou à un rapprochement par étapes de législations nationales, harmonisation délicate notamment en matière fiscale où la règle de l’unanimité s’applique entre Etats membres pour la prise des décisions. Cependant, la Cour vérifie si une délimitation du champ d’application de la directive 90/435/CEE qui exclut d’emblée d’autres sociétés pouvant être créées conformément au droit national peut être contraire à la liberté d’établissement ou la libre circulation des capitaux, garanties par les traités. En vertu de la directive 90/435/CEE, la seule obligation incombant aux États membres et consiste à exempter de retenue à la source les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale. “Il suffit de relever que ladite directive n’autorise pas un État membre à traiter de manière moins favorable les bénéfices distribués aux sociétés des autres États membres qui n’entrent pas dans son champ d’application par rapport aux bénéfices distribués aux sociétés comparables établies sur son territoire” (Point 59) pour conclure que l’énumération de l’annexe ne crée de restrictions ni à la liberté d’établissement, ni à la libre circulation des capitaux. La Cour de justice dit pour droit : “L’examen de la seconde question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 2, sous a), de la directive 90/435, lu en combinaison avec le point f) de l’annexe de celle-ci et avec l’article 5, paragraphe 1, de cette directive.” -132- LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES Francisco Vicente Pereda c/ Madrid Movilidad SA 10 septembre 2009 - C-277/08 « Directive 2003/88/CE - Aménagement du temps de travail - Droit au congé annuel payé - Congé de maladie - Congé annuel coïncidant avec un congé de maladie - Droit de bénéficier du congé annuel à une autre période » T Faits : L’affaire en cause concerne un litige opposant M. Pereda à son employeur, la société Madrid Movilidad SA, au sujet de sa demande de bénéficier de son congé annuel en dehors de la période fixée par le calendrier de l’entreprise, période durant laquelle il était en congé maladie. Le requérant au principal a introduit un recours devant le Juzgado de lo Social n/ 23 de Madrid qui a décidé de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice. T Droit communautaire en cause et question préjudicielle : La question préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2003/88/CE relative à certains aspects de l’aménagement du temps de travail adopté par le Parlement européen et le Conseil le 4 novembre 2003. En substance, la juridiction de renvoi demande à la Cour si l’article 7, paragraphe 1 de la dite directive “doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales ou à des conventions collectives prévoyant qu’un travailleur qui est en congé de maladie durant la période de congé annuel fixée dans le calendrier des congés de l’entreprise où il est employé n’a pas le droit, après son rétablissement, de bénéficier de son congé annuel à une autre période que celle initialement fixée, le cas échéant en dehors de la période de référence correspondante” (point 17) T Décision : La Cour rappelle tout d’abord avoir déjà jugé que l’article 7, paragraphe 1 de la dite directive “ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale qui prévoit des modalités d’exercice du droit au congé annuel payé expressément accordé par cette directive comprenant même la perte dudit droit à la fin d’une période de référence, à condition, toutefois, que le travailleur dont le droit au congé annuel payé est perdu ait effectivement eu la possibilité d’exercer ce droit. Ainsi, le droit au congé annuel payé ne s’éteint pas à l’expiration de la période de référence fixée par le droit national lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant tout ou partie de la période de référence et n’a pas effectivement eu la possibilité d’exercer ledit droit”.75 Indiquant que la finalité de ce congé est de “permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs”, la juridiction européenne souligne que celle-ci diffère du droit au congé maladie qui est accordé afin de permettre au travailleur de rétablir d’une maladie. Elle poursuit en affirmant qu’un travailleur en congé de maladie durant sa période de congé annuel imposée “a le droit, à sa demande et afin qu’il puisse bénéficier 75 CJCE, Schultz-Hoff e.a., 20 janvier 2009, aff. C-350/06 et 520/06, non encore publié au Recueil, points 43 et 55, résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (janvier-février 2009), p.123. -133- effectivement de son congé annuel, de prendre celui-ci à une autre époque que celle coïncidant avec la période de congé de maladie. La fixation de cette nouvelle période de congé annuel, correspondant à la durée du chevauchement entre la période de congé annuel initialement fixée et le congé de maladie, est soumise aux règles et aux procédures de droit national applicables pour la fixation des congés des travailleurs, tenant compte des différents intérêts en présence, notamment des raisons impérieuses liées aux intérêts de l’entreprise.” (Point 22). Les juges européens s’attardent ensuite à l’hypothèse d’un désaccord entre l’employeur et le travailleur. Ils indiquent que “l’employeur est obligé d’accorder au travailleur une autre période de congé annuel proposée par ce dernier qui est compatible avec lesdits intérêts, sans exclure a priori que ladite période se situe en dehors de la période de référence pour le congé annuel en question.” (Point 23). En effet, ils considèrent que “si la directive 2003/88 ne s’oppose pas à des dispositions ou à des pratiques nationales permettant à un travailleur en congé de maladie de prendre un congé annuel payé durant une telle période, il résulte du point 22 du présent arrêt que, lorsque ce travailleur ne souhaite pas prendre un congé annuel durant cette période de congé de maladie, le congé annuel doit lui être accordé pour une période différente.” (Point 25). La Cour dit pour droit (dispositif) : “L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des dispositions nationales ou à des conventions collectives prévoyant qu’un travailleur qui est en congé de maladie durant la période de congé annuel fixée dans le calendrier des congés de l’entreprise où il est employé n’a pas le droit, après son rétablissement, de bénéficier de son congé annuel à une autre période que celle initialement fixée, le cas échéant en dehors de la période de référence correspondante.” -134- LIBRE PRESTATION DE SERVICE Liga Portuguesa de Futebol Profissional Grande chambre 8 septembre 2009 - C-42/07 « Demande de décision préjudicielle - Article 49 CE - Restrictions à la libre prestation des services Exploitation des jeux de hasard par l’Internet » T Faits : Le litige oppose la Liga Portuguesa de Futebol Profissional (Liga) ainsi que la société Bwin société privée de paris en ligne établie à Gibraltar - à Santa Casa, organisme concessionnaire des jeux de hasard au Portugal. Au Portugal, les jeux de hasard sont soumis à un principe général d’interdiction. Cependant, l’Etat peut autoriser l’exploitation de jeux par un organisme auquel il concède cette exploitation. Les jeux de hasard sous forme de loteries, de jeux de loto et de paris sportifs, sont connus au Portugal sous l’appellation de jeux sociaux («jogos sociais») et leur exploitation est systématiquement confiée à Santa Casa, une « personne morale d’utilité publique administrative ». Les organes administratifs de Santa Casa sont, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, de ses statuts, un directeur et un conseil d’administration. Ce directeur est nommé par arrêté du Premier ministre. Les autres membres du conseil d’administration de Santa Casa sont nommés par arrêté des membres du gouvernement sous la tutelle desquels se trouve cette dernière. Santa Casa s’est vu confier, en vertu de l’article 20, paragraphe 1, de ses statuts, des missions spécifiques dans les domaines relatifs à la protection de la famille, de la maternité et de l’enfance, à l’aide aux mineurs sans protection et en danger, à l’aide aux personnes âgées, aux situations sociales de grave carence ainsi qu’aux prestations de soins de santé primaires et spécialisées. Les recettes dégagées par l’exploitation des jeux de hasard sont réparties entre Santa Casa et d’autres institutions d’utilité publique ou relevant des domaines de l’action sociale. En 2003, le cadre juridique portugais a évolué afin d’adapter les loteries, paris sportifs et autres jeux de hasard au développement de l’Internet. Ainsi, l’exploitation sur support électronique des jeux de hasard a été confiée exclusivement à Santa Casa, déjà détenteur de l’exploitation des jeux de hasard classiques, et un régime de sanctions a été mis en place en cas d’atteinte à ce régime d’exclusivité de la part d’une société tierce notamment au moyen de publicité ou de vente de billets virtuels. La société Bwin, société privée de jeux en lignes ayant son siège à Gibraltar, a conclu en 2005 un contrat de parrainage avec la Liga destiné à promouvoir ses activités de jeux en ligne. Cependant, une telle publicité est interdite au Portugal puisqu’elle porte atteinte à l’exclusivité concédée par l’Etat portugais à Santa Casa sur l’exploitation des jeux de hasard. La direction du département des jeux de Santa Casa a adopté des décisions infligeant des amendes à la Liga ainsi qu’à la société Bwin. Insatisfaites de ces décisions, la Liga et Bwin ont introduit un recours devant une juridiction portugaise afin d’obtenir l’annulation des décisions litigieuses. La société Bwin invoque à l’appui de son recours l’existence d’une entrave à la libre prestation de services, à la liberté d’établissement ainsi qu’à la liberté des paiements. -135- Dans ces conditions, le Tribunal de Pequena Instancia Criminal do Porto a décidé de surseoir à statuer et d’interroger la Cour de justice en interprétation des dispositions de droit primaire. T Droit communautaire en cause et questions préjudicielles : La juridiction de renvoi demande à la Cour si le régime d’exclusivité en faveur de Santa Casa, opposé à Bwin, c’est-à-dire à un prestataire de services établi dans un autre État membre où il fournit de façon légale des prestations analogues, qui ne dispose d’aucun établissement physique au Portugal, constitue une entrave à la libre prestation de services, qui viole les principes de libre prestation des services, de liberté d’établissement et de liberté des paiements, consacrés respectivement par les articles 49, 43 et 56 du traité CE. De plus, elle cherche à savoir si le droit communautaire et, en particulier, lesdits principes, font obstacle à un régime national tel que celui en cause dans l’affaire au principal qui, d’une part, consacre un régime d’exclusivité en faveur d’une entité unique, s’agissant de l’exploitation des loteries et des paris mutuels, et, d’autre part, étend ce régime d’exclusivité à tout le territoire national, y compris à l’Internet. T Décision : A titre liminaire, la Cour s’interroge sur l’applicabilité des articles 43 CE (liberté d’établissement) et 56 CE (libre circulation des capitaux) au présent litige. Elle considère que Bwin exerce ses activités exclusivement par l’Internet sans user d’établissement principal ou secondaire au Portugal et qu’elle n’a pas l’intention de s’y établir. Par conséquent, les dispositions de droit primaire relatives à la liberté d’établissement ne peuvent trouver à s’appliquer au litige au principal. Concernant l’article 56 CE, la Cour considère que “les éventuels effets restrictifs de la réglementation nationale en cause au principal sur la libre circulation des capitaux et la liberté des paiements ne seraient que la conséquence inéluctable des éventuelles restrictions imposées à la libre prestations de services” (point 47). Comme le précise la jurisprudence de la Cour,76 lorsque plusieurs libertés fondamentales sont simultanément en cause, celle-ci n’examine qu’une de ces libertés s’il s’avère que les autres sont purement secondaires. Ainsi, les juges de Luxembourg ne traiteront les questions posées qu’au regard de la liberté de prestation de services garantie par l’article 49 CE. Pour la Cour, la juridiction de renvoi cherche à savoir “en substance si l’article 49 CE s’oppose à une réglementation d’un Etat membre, telle que celle en cause au principal, qui interdit à des opérateurs, comme Bwin, établis dans d’autres Etats membres, où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par l’Internet sur le territoire dudit Etat membre” (point 50). Afin de répondre, les magistrats du plateau de Kirchberg vont suivre un raisonnement désormais classique en recherchant tout d’abord l’existence d’une restriction à la liberté de prestation des services, puis en s’interrogeant sur la pertinence d’une possible justification à cette atteinte. La Cour rappelle que l’article 49 CE vise la suppression de toute les restrictions à la libre prestation des services et précise l’étendue de cette disposition. Ainsi, lorsque la restriction est “de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre Etat membre” elle doit être interdite. En l’espèce, la Cour juge que la réglementation d’un Etat membre qui interdit aux prestataires tels que Bwin, établis dans un 76 CJCE, Fidium Finanz, 3 octobre 2006, C-452/04, Rec. p. I-9521, point 34, résumé dans la veille bimestrielle n/ 11 (juillet- aoûtseptembre - octobre 2006), p. 41. -136- autre Etat membre, de proposer leurs services sur le territoire dudit Etat membre est constitutive d’une restriction à la liberté garantie par l’article 49 CE. Une fois la restriction établie, il convient donc aux juges de Luxembourg de s’interroger sur une possible justification à la restriction. Ceux-ci doivent dès lors “examiner dans quelle mesure la restriction en cause au principal peut être admise au titre des mesures dérogatoires expressément prévues aux articles 45 CE et 46 CE, applicables en la matière en vertu de l’article 55 CE, ou justifiée, conformément à la jurisprudence de la Cour, par des raisons impérieuses d’intérêt général” (point 55). En effet, une telle restriction pourrait être justifiée par des “raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique” (article 46 CE). En plus de ces justifications prévues expressément par le droit primaire, la jurisprudence communautaire a également consacré des raisons impérieuses d’intérêt général comme la “protection des consommateurs ou la prévention de la fraude et de l’incitation des citoyens à une dépense excessive liée au jeu ainsi que la prévention de troubles à l’ordre social en général” 77 (point 56). Pour les gouvernements intervenants, la réglementation des jeux de hasard reste un des domaines où il existe “des divergences considérables d’ordre moral, religieux et culturel entre Etats membres” (point 57). Ainsi, en l’absence d’harmonisation communautaire en la matière, la protection des intérêts concernés reste à la convenance des Etats membres.78 Comme le rappelle la Cour “la seule circonstance qu’un Etat membre a choisi un système de protection différend de celui adopté par un autre Etat membre ne saurait avoir d’incidence sur l’interprétation de la nécessité et de la proportionnalité des dispositions prises en la matière” (point 58). Seuls les objectifs poursuivis par les autorités compétentes et le niveau de protection qu’elles entendent assurer doivent guider l’interprétation des dispositions litigieuses. Cependant, si les Etats membres demeurent libres de fixer les objectifs et le niveau de protection en matière de jeux de hasard, les restrictions ainsi posées doivent impérativement satisfaire aux conditions de proportionnalité et de nécessité retenue par la Cour dans sa jurisprudence (point 59). En l’espèce, la restriction de l’offre des jeux de hasard par l’Internet imposée par la législation portugaise doit garantir “la réalisation d’un ou de plusieurs objectifs invoqués par l’Etat membre” et ne doit pas aller “au delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre” (point 60). En défense le gouvernement portugais fait valoir que sa réglementation a pour objectif de lutter contre la criminalité et de protéger les consommateurs des jeux de hasard contre la fraude commise par les opérateurs (point 62). La Cour accueille ces arguments en précisant qu’ils peuvent constituer des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des restrictions portées aux dispositions de l’article 49 CE (point 63). De plus, elle considère également qu’un tel contrôle sur les jeux de hasard exercé par une autorité nationale permet de “prévenir les risques d’une telle exploitation à des fins frauduleuse et criminelles” 79 (point 64). Le gouvernement portugais justifie également avoir confié l’exploitation exclusive des jeux de hasard à Santa Casa du fait de la fiabilité de cet organisme séculaire, de la dépendance de celui-ci envers l’Etat ainsi que des buts d’intérêt public qu’il poursuit. Une fois encore la Cour accueille cet argument qui permet de “canaliser l’exploitation des jeux dans un circuit contrôlé et être considéré comme apte à protéger les consommateurs contre des fraudes commises par des opérateurs” (point 67). 77 CJCE, Placanica e.a, 6 mars 2007, C-338/04, C-359/07 et C-360/04, Rec. p. I-1891, point 46, résumé dans la veille bimestrielle n/ 14 (mars-avril-mai 2007), p. 33 78 CJCE, Henn et Darby, 14 décembre 1974, aff. 34/79 point 15 ; CJCE, Schindler, 24 mars 1994, C-275/92, point 32 ; CJCE, Jany e.a, 20 novembre 2001, C-268/99, point 56 et 60 ; CJCE, Placanica e.a, 6 mars 2007, C-338/04, C-359/07 et C-360/04, point 47. 79 CJCE, Laara e.a,, 21 septembre 1999, C-124/97, point 37 ; CJCE, Zenatti, 21 octobre 1999, C-67/98, point 35. -137- Si la restriction apparaît proportionnelle, celle-ci doit également satisfaire à la condition de nécessité pour permettre une justification à l’entrave portée à la libre prestation de service. Pour le gouvernement portugais, cette législation ainsi que l’exclusivité accordée à Santa Casa sont justifiées par la difficulté de contrôler des opérateurs ayant leur siège en dehors du territoire national (point 68). De plus, l’absence de contact entre le consommateur et l’opérateur établi dans un autre Etat membre, ainsi que le parrainage de ce dernier dans des compétitions sportives accroît le risque de fraudes commises par les opérateurs contre les consommateurs. Rappelant l’absence d’harmonisation communautaire en la matière, la Cour précise qu’un Etat membre peut prendre des mesures destinées à protéger les consommateurs et à lutter contre la fraude et la criminalité. Par conséquent, si la Cour considère que la législation portugaise emporte restriction à la liberté de prestation de service, elle justifie celle-ci aux regard des objectifs de lutte contre la criminalité et contre la fraude ainsi que par celui de la protection des consommateurs recherchés par le biais de l’exclusivité d’exploitation des jeux de hasard accordée à Santa Casa. Par ces motifs la Cour dit pour droit (dispositif) : “L’article 49 CE ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui interdit à des opérateurs, comme Bwin International Ltd, établis dans d’autres États membres, où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par l’Internet sur le territoire dudit État membre”. -138- POLITIQUE SOCIALE Pontin 29 octobre 2009 - C-63/08 « Politique sociale - Protection des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail Directive 92/85/CEE - Articles 10 et 12 - Interdiction de licenciement du début de la grossesse jusqu’au terme du congé de maternité - Protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit communautaire - Égalité de traitement entre hommes et femmes - Directive 76/207/CEE - Article 2, paragraphe 7, troisième alinéa - Traitement moins favorable d’une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité - Restriction des voies de recours ouvertes aux femmes licenciées pendant leur grossesse » T Faits : En novembre 2005, Mme Pontin fut embauchée par un contrat à durée indéterminée et à plein temps par la société T-Comalux. Par lettre recommandée du 18 janvier 2007, reçue le 22 janvier, la société lui notifia son licenciement, avec un préavis fixé pour la période allant du 31 janvier au 30 mars 2007. Mme Pontin soutient avoir envoyé par lette simple, le 19 janvier 2007, un certificat de maladie à T-Comalux, mais la société conteste cette allégation. Par lettre recommandée datée du 25 janvier 2007, la société notifia à Mme Pontin un nouvel avis de licenciement avec effet immédiat, « pour faute grave », en raison d’une « absence injustifiée pendant plus de trois jours ». Par courrier recommandé du 26 janvier 2007, reçu par T-Comalux le 30 janvier suivant, la salariée indiqua qu’elle était enceinte. Elle faisait valoir que, de ce fait, le licenciement qui lui avait été signifié par T-Comalux était nul. N’ayant obtenu aucune réponse à ce dernier courrier, Mme Pontin saisit, le 5 février 2007, la juridiction de renvoi d’une demande tendant à faire constater la nullité de son licenciement. Par jugement rendu le 30 mars 2007, cette juridiction, siégeant dans une formation différente de celle dont émane la présente demande de décision préjudicielle, se déclara incompétente, sur le fondement de l’article L. 337-1 du code du travail, pour connaître de la demande en nullité de son licenciement. En effet, selon cette juridiction, seul le président de la juridiction du travail a compétence pour annuler d’urgence, dans un but de protection, le licenciement intervenu à un moment où la travailleuse se trouve enceinte. Mme Pontin n’a pas interjeté appel dudit jugement. Lors de l’audience de plaidoirie devant la Cour, elle a précisé à cet égard avoir préféré éviter tant de courir le risque afférent à un tel recours que de laisser expirer le délai de trois mois prévu pour l’action juridictionnelle en dommages et intérêts du salarié contre son licenciement abusif prévue à l’article L. 124-11, paragraphes 1 et 2, du code du travail. Par une seconde action exercée devant la juridiction de renvoi, Mme Pontin demande que son ex-employeur soit condamné à lui verser des dommages et intérêts. “Selon la juridiction de renvoi, il peut être déduit de la législation luxembourgeoise pertinente qu’une salariée enceinte, qui, pour une raison quelconque, même indépendante de sa volonté, a laissé courir respectivement les délais de huit jours et de quinze jours, ne dispose plus d’une action en justice pour contester son licenciement, de sorte que, une fois que ces délais sont écoulés, le licenciement d’une telle salariée enceinte n’est ni nul ni abusif, mais serait parfaitement valide” (point 28). Elle interroge la Cour de justice sur la conformité d’une telle -139- législation nationale avec le droit communautaire. T Droit communautaire en cause et questions préjudicielles : Il s’agit d’interpréter les dispositions de la directive n/ 92/85/CEE du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, ainsi que la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), telle que modifiée par la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002. L’article 10 de la directive 92/85/CEE, intitulé « Interdiction de licenciement », est libellé comme suit : « En vue de garantir aux travailleuses, au sens de l’article 2, l’exercice des droits de protection de leur sécurité et de leur santé reconnus dans le présent article, il est prévu que : 1) les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses, au sens de l’article 2, pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu’au terme du congé de maternité visé à l’article 8 paragraphe 1, sauf dans les cas d’exception non liés à leur état, admis par les législations et/ou pratiques nationales et, le cas échéant, pour autant que l’autorité compétente ait donné son accord ; 2) lorsqu’une travailleuse, au sens de l’article 2, est licenciée pendant la période visée au point 1, l’employeur doit donner des motifs justifiés de licenciement par écrit ; 3) les États membres prennent les mesures nécessaires pour protéger les travailleuses, au sens de l’article 2, contre les conséquences d’un licenciement qui serait illégal en vertu du point 1. » L’article 12 de la directive 92/85/CEE dispose : « Les États membres incorporent dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à toute travailleuse qui s’estime lésée par le non-respect des obligations découlant de la présente directive de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle et/ou, conformément aux législations et/ou pratiques nationales, par le recours à d’autres instances compétentes.» L’article 2, paragraphe 7, premier alinéa, de la directive 76/207/CEE prévoit que cette dernière « ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité» et le troisième alinéa de la même disposition énonce que «[t]out traitement moins favorable d’une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité au sens de la directive [92/85] constitue une discrimination au sens de la présente directive». Le tribunal du travail luxembourgeois a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes : « 1) Les articles 10 et 12 de la [directive 92/85] sont-ils à interpréter en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que le législateur national soumette l’action en justice de la salariée enceinte licenciée pendant sa grossesse à des délais préfix tels que le délai de huitaine imposé par [le deuxième alinéa] du [paragraphe (1)] de l’article 337 du code du travail respectivement le délai de quinzaine imposé par [le quatrième alinéa] du même [paragraphe (1)] ? 2) En cas de réponse affirmative à la première question, […] les délais de huitaine respectivement de quinzaine ne sont-ils pas à considérer comme trop brefs pour permettre à la salariée enceinte licenciée pendant son état de grossesse de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle ? 3) L’article 2 de la [directive 76/207] est-il à interpréter en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce [que] le législateur national prive la salariée enceinte licenciée pendant son état de grossesse de l’action judiciaire en dommages et intérêts pour licenciement abusif telle que réservée par les articles L. 124-11[, paragraphes] (1) et (2), du code du travail aux autres salariés licenciés ? » -140- T Décision : - Sur les deux premières questions : La Cour souligne d’emblée qu’à “la différence du délai de quinze jours, le délai de huit jours n’apparaît pas constituer un délai procédural déterminant la saisine d’une juridiction, ce qu’il appartient, le cas échéant, à la juridiction de renvoi de vérifier. Or, les deux premières questions portent essentiellement sur le principe de protection juridictionnelle effective des droits conférés aux justiciables par le droit communautaire, tel que reflété aux articles 10, point 3, et 12 de la directive 92/85” (point 37). Les autorités luxembourgeoises ayant critiqué devant la Cour l’interprétation donnée dans la présente affaire à la législation nationale par la juridiction de renvoi, la Cour de justice précise que l’examen du présent renvoi préjudiciel doit être effectué au regard de l’interprétation de ce droit donnée par cette dernière juridiction. Les dispositions de l’article 12 de la directive 92/85/CEE constituent, selon la Cour de justice, une expression, spécifique dans le contexte de cette directive, du principe de protection juridictionnelle effective des droits conférés aux justiciables par le droit communautaire. Elle rappelle que “en ce qui concerne le principe de protection juridictionnelle effective des droits conférés aux justiciables par le droit communautaire, il est de jurisprudence constante que les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de droit interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité)” (Point 45) Pour la Cour, il y a lieu de répondre aux deux premières questions que les articles 10 et 12 de la directive 92/85/CEE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la législation d’un État membre qui prévoit une voie de recours spécifique relative à l’interdiction du licenciement des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes énoncée audit article 10, exercée selon des modalités procédurales propres à ce recours, pour autant toutefois que celles-ci ne soient pas moins favorables que celles afférentes à des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et ne soient pas aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l’exercice des droits reconnus par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité). Un délai de forclusion de quinze jours, tel que celui institué à l’article L. 337-1, paragraphe 1, quatrième alinéa, du code du travail, n’apparaît pas de nature à satisfaire à cette condition, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier. - Sur la troisième question : Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2 de la directive 76/207/CEE s’oppose à la législation d’un État membre, telle que celle instaurée par l’article L. 337-1 du code du travail, qui prive les travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes ayant fait l’objet d’une mesure de licenciement pendant leur état de grossesse d’une action juridictionnelle en dommages et intérêts, alors que celle-ci est ouverte à tout autre salarié licencié. Conformément à l’article 2, paragraphe 7, troisième alinéa, de la directive 76/207/CEE, inséré dans celle-ci par l’article 1er, point 2, de la directive 2002/73/CE, tout traitement moins favorable d’une femme lié à la grossesse constitue une discrimination au sens de cette même directive. Or, selon la juridiction de renvoi, le seul recours ouvert à une femme enceinte ayant été licenciée pendant sa grossesse est l’action en nullité et en réintégration, à l’exclusion de tout autre recours en matière de droit du travail, tel que l’action en dommages et intérêts. -141- Si la juridiction de renvoi, sur la base des éléments fournis en réponse aux deux premières questions préjudicielles, devait estimer que cette action en nullité et en réintégration ne respecte pas le principe d’effectivité, une telle violation de l’exigence d’une protection juridictionnelle effective posée notamment par l’article 12 de la directive 92/85/CEE constituerait un « traitement moins favorable d’une femme lié à la grossesse ». Par ces motifs, la Cour dit pour droit (dispositif) : “1) Les articles 10 et 12 de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE), doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la législation d’un État membre qui prévoit une voie de recours spécifique relative à l’interdiction du licenciement des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes, énoncée audit article 10, exercée selon des modalités procédurales propres à ce recours, pour autant toutefois que celles-ci ne soient pas moins favorables que celles afférentes à des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et ne soient pas aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l’exercice des droits reconnus par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité). Un délai de forclusion de quinze jours, tel que celui institué à l’article L. 337-1, paragraphe 1, quatrième alinéa, du code du travail luxembourgeois, n’apparaît pas de nature à satisfaire à cette condition, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier. 2) L’article 2 de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, telle que modifiée par la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, lu en combinaison avec l’article 3 de cette directive 76/207 modifiée, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la législation d’un État membre, telle que celle instaurée par l’article L. 337-1 du code du travail luxembourgeois, spécifique à la protection prévue à l’article 10 de la directive 92/85 en cas de licenciement des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes, qui prive la salariée enceinte ayant fait l’objet d’une mesure de licenciement pendant son état de grossesse d’une action juridictionnelle en dommages et intérêts, alors que celle-ci est ouverte à tout autre salarié licencié, lorsqu’une telle limitation des voies de recours constitue un traitement moins favorable d’une femme lié à la grossesse. Tel serait le cas, en particulier, si les modalités procédurales afférentes à la seule action ouverte en cas de licenciement desdites travailleuses ne respectent pas le principe de protection juridictionnelle effective des droits conférés aux justiciables par le droit communautaire, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.” jjj -142- Meerst 22 octobre 2009 - C-116/08 « Directive 96/34/CE - Accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES Interprétation de la clause 2, points 6 et 7 - Congé parental à temps partiel - Licenciement du travailleur avant la fin de la période de congé parental sans respecter le délai légal de préavis - Calcul de l’indemnité » T Faits : Mme Meerts était employée depuis septembre 1992 à temps plein sur la base d’un contrat de travail indéterminé. A partir du 18 novembre 2002, elle bénéficia d’un congé parental lui permettant de travailler à mi-temps. Durant ce congé parental, son employer Proost NV la licencia avec effet immédiat et sans préavis. Une indemnité de licenciement égale à dix mois de salaire lui fut versée. Cette indemnité fut réduite de moitié en raison de la réduction du temps de travail accordée à Mme Meerts dans le cadre de son congé parental. Mme Meerts contesta le calcul de son indemnité de licenciement ; elle demanda que celle-ci soit calculée sur la base de la rémunération à temps plein qu’elle aurait perçue si elle n’avait pas bénéficié de ce congé parental. Sa demande ayant été rejetée en appel, Mme Meerst forma un pourvoi devant la Cour de cassation belge. A l’appui de ce pourvoi, elle soutient que les juridictions du fond ont interprété le droit national sans tenir compte des dispositions de la directive 96/34/CE concernant l’accordcadre sur le congé parental. Dans ces conditions, la Cour de cassation belge a décidé de surseoir à statuer afin d’interroger la Cour de justice en vertu de l’article 234 CE. T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : Les dispositions des points 4 à 7 de la clause 2 de la directive 96/34/CE du 3 juin 1996 concernant l’accord-cadre sur le congé parental dispose que : « 4. Afin d’assurer que les travailleurs puissent exercer leur droit au congé parental, les États membres et/ou les partenaires sociaux prennent les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre le licenciement en raison de la demande ou de la prise de congé parental, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales. 5. À l’issue du congé parental, le travailleur a le droit de retrouver son poste de travail ou, en cas d’impossibilité, un travail équivalent ou similaire conforme à son contrat ou à sa relation de travail. 6. Les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin du congé parental. À l’issue du congé parental, ces droits, y compris les changements provenant de la législation, de conventions collectives ou de la pratique nationale, s’appliquent. 7. Les États membres et/ou les partenaires sociaux définissent le régime du contrat ou de la relation de travail pour la période du congé parental. » La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice de répondre à la question suivante : « Les dispositions des points 4 à 7 de la clause 2 de l’accord-cadre sur le congé parental doivent-elles être interprétées en ce sens que, en cas de résiliation unilatérale du contrat de travail sans motif grave ou sans respect du délai légal de préavis par l’employeur pendant le régime de réduction des prestations de travail, l’indemnité de licenciement due au travailleur doit être déterminée sur la base de la rémunération de base en la calculant comme si le travailleur n’avait pas réduit ses prestations de travail pour bénéficier du congé parental accordé à temps -143- partiel ? » T Décision : La Cour précise que l’accord-cadre sur le congé parental vise à promouvoir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en leur offrant une possibilité de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales (point 35). Ces mesures visant à concilier vie professionnelle et vie familiale participent des objectifs fondamentaux inscrits dans la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et participent également à l’amélioration des conditions de vie et de travail. La clause 2, point 6, de l’accord-cadre sur le congé parental dispose que “les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin de ce congé” (point 38). Cette disposition “a pour but d’éviter la perte ou la réduction des droits dérivés de la relation de travail, acquis ou en cours d’acquisition, auxquels le travailleur peut prétendre lorsqu’il entame un congé parental et de garantir que, à l’issue de ce congé, il se retrouvera, s’agissant de ces droits, dans la même situation que celle dans laquelle il était antérieurement audit congé” 80 (point 39). En revanche, la notion de « droit acquis ou en cours d’acquisition » ne fait pas l’objet d’une définition dans l’accord-cadre. Pour la Cour, “il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée” doivent faire l’objet d’une interprétation autonome basée sur le contexte de la disposition litigieuse et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause 81 (point 41). Afin de donner une interprétation autonome à la notion de « droit acquis ou en cours d’acquisition », les magistrats du plateau de Kirchberg précisent que l’objectif d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes poursuivi par l’accord-cadre sur le congé parental exprime un principe de droit social communautaire et que la clause 2, point 6 de l’accord cadre “ne saurait donc être interprétée de manière restrictive”. Par conséquent, il résulte des objectifs de l’accord-cadre que la notion de « droit acquis ou en cours d’acquisition » au sens de la clause 2, point 6, dudit accord-cadre “recouvre l’ensemble des droits et des avantages, en espèces ou en nature, dérivés directement ou indirectement de la relation de travail, auxquels le travailleur peut prétendre à l’égard de l’employeur à la date du début du congé parental” (point 43). Comme l’a rappelé l’avocat général, une législation nationale qui aboutirait à une réduction des droits découlant de la relation de travail en cas de congé parental serait susceptible de dissuader le travailleur de prendre un tel congé et d’inciter l’employeur à licencier, parmi les travailleurs, plutôt ceux qui se trouvent en situation de congé parental. Cela irait directement à l’encontre de la finalité de l’accord-cadre sur le congé parental, dont l’un des objectifs est de mieux concilier la vie familiale et professionnelle. Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “La clause 2, points 6 et 7, de l’accord-cadre sur le congé parental, conclu le 14 décembre 1995, qui figure en annexe de la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, telle que modifiée par la directive 80 CJCE, Gómez-Limón Sánchez-Camacho, 16 juillet 2009, C-537/07, non encore publié au Recueil, point 39, résumé dans la veille bimestrielle n/ 26 (juillet-août 2009), p. 73. 81 CJCE, Ekro, 18 janvier 1984, 327/82, Rec. p. 107, point 11; CJCE, Commission c/ Espagne, 9 mars 2006, C-323/03, Rec. p. I-2161, point 32 ; CJCE, Chacón Navas, 11 juillet 2006, C-13/05, Rec. p. I-6467, point 40, résumé dans la veille bimestrielle n/ 11 (juillet-août-septembre-octobre 2006), p.35 -144- 97/75/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que, en cas de résiliation unilatérale par l’employeur, sans motif grave ou sans respecter le délai légal de préavis, du contrat de travail d’un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein alors que ce dernier bénéficie d’un congé parental à temps partiel, l’indemnité à verser à ce travailleur soit déterminée sur la base de la rémunération réduite qu’il perçoit lorsque le licenciement intervient”. jjj Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK ry e.a. 10 septembre 2009 - C-44/08 « Procédure préjudicielle - Directive 98/59/CE - Rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs - Article 2 - Protection des travailleurs - Information et consultation des travailleurs - Groupe d’entreprises - Société mère - Filiale » T Faits : La société FSC est une filiale de Fujitsu Siemens Computer BV, société mère basée aux PaysBas. Ce groupe de sociétés disposait d’installations de production dans différents Etats membres de l’Union européenne et notamment à Kilo en Finlande. Le 7 décembre 1999, le directoire de ce groupe a décidé de proposer au conseil d’administration la fermeture du site de Kilo. Lors d’une réunion tenue le 14 décembre 1999, le conseil d’administration a soutenu cette proposition sans toutefois arrêter de décision. Conformément à la législation finlandaise appliquant la directive 98/59/CE, dans le cas où des licenciements collectifs sont prévus, des consultations doivent avoir lieu avec les représentants des travailleurs. Ces consultations ont eu lieu entre FSC et des représentants des travailleurs de l’usine de Kilo entre le 20 décembre 1999 et le 31 janvier 2000. Le 1er février 2000, le conseil d’administration de FSC, composé principalement des directeurs du groupe et dont le président est le vice-président du conseil d’administration de la société mère, a décidé de la fermeture du site de Kilo et du licenciement d’environ 450 salariés sur les 490 travaillant dans cette usine. Certains travailleurs ont alors soutenu que FSC avait enfreint la loi finlandaise sur la coopération. Ayant cédé leurs créances à des syndicats, ces derniers ont intenté des recours contre le groupe Fujitsu Siemens devant les juridictions finlandaises. Les syndicats soutiennent que la décision de fermeture du site de Kilo a été prise le 14 décembre 1999 lors de la réunion du conseil d’administration du groupe et ce avant la consultation du personnel imposée par la loi sur la coopération et par la directive 98/59/CE. Selon la société FSC, la décision de cessation d’activité de l’usine de Kilo n’a été prise que le 1er février 2000, à la suite des consultations légales, lors de la réunion du conseil d’administration de FSC, seul organe compétent pour décider de la fermeture de ce site. En première instance comme en appel, les juges finlandais ont retenu que les projets présentés par la société mère lors de la réunion du 14 décembre 2000 n’entraient pas dans le champ d’application de l’obligation de consultation prévue par la loi finlandaise. Les syndicats ont formé un pourvoi en cassation et le Korkein oikeus a décidé de surseoir à statuer afin de poser six questions préjudicielles à la Cour de justice en interprétation des dispositions de la directive 98/59/CE. -145- T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : La directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 concerne le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs. Les six questions préjudicielles portent sur l’interprétation de l’article 2 de la directive qui dispose : « 1. Lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord. 2. Les consultations portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés. Les États membres peuvent prévoir que les représentants des travailleurs pourront faire appel à des experts, conformément aux législations et/ou pratiques nationales. 3. Afin de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives, l’employeur est tenu, en temps utile au cours des consultations : a) de leur fournir tous renseignements utiles et b) de leur communiquer, en tout cas, par écrit : i) les motifs du projet de licenciement ; ii) le nombre et les catégories des travailleurs à licencier ; iii) le nombre et les catégories des travailleurs habituellement employés ; iv) la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements ; v) les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier dans la mesure où les législations et/ou pratiques nationales en attribuent la compétence à l’employeur ; vi) la méthode de calcul envisagée pour toute indemnité éventuelle de licenciement autre que celle découlant des législations et/ou pratiques nationales. L’employeur est tenu de transmettre à l’autorité publique compétente au moins une copie des éléments de la communication écrite prévus au premier alinéa, points b) i) à v). 4. Les obligations prévues aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émane de l’employeur ou d’une entreprise qui contrôle cet employeur. En ce qui concerne les infractions alléguées aux obligations d’information, de consultation et de notification prévues par la présente directive, toute justification de l’employeur fondée sur le fait que l’entreprise qui a pris la décision conduisant aux licenciements collectifs ne lui a pas fourni l’information nécessaire ne saurait être prise en compte. » Les questions préjudicielles qui ont trait au point de départ de l’obligation de consultation, au déclenchement de la procédure de consultation, au créancier de l’obligation de consultation dans un groupe de société, ainsi qu’à la clôture de la procédure de consultation. T Décision : - Sur la première question : La juridiction de renvoi demande à la Cour des éclaircissements sur la signification de l’expression « envisage d’effectuer des licenciements collectifs » au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59/CE, en vue de déterminer le point de départ de l’obligation -146- de consultation prévue audit article 2. A titre liminaire, les juges de Luxembourg précisent que “la présente affaire est liée à des décisions économiques et commerciales pouvant avoir des répercussions sur l’emploi d’un certain nombre de travailleurs au sein d’une entreprise, et non pas à des décisions ayant directement pour objet de mettre fin à des relations de travail spécifiques” (point 37). Selon la jurisprudence de la Cour, l’obligation de consultation prévue à l’article 2 de la directive 98/59/CE prend “naissance lorsque l’employeur envisage d’effectuer un licenciement collectif ou établit un projet de licenciement collectif” 82 (point 41). Cette obligation est également prévue “dans des situations dans lesquelles la perspective d’un licenciement collectif n’est pas directement le choix de l’employeur” (point 42). L’article 2 paragraphe 4 impose également cette obligation lorsque la décision concernant le licenciement collectif émane de l’entreprise qui contrôle la filiale, quand bien même l’employeur “n’aurait pas été immédiatement et correctement informé de cette décision” (point 43). Cette disposition permet ainsi d’assurer l’objectif de la directive 98/59/CE qui vise à renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciement collectif. Faire naître l’obligation de consultation prévue par la directive de l’adoption d’une décision stratégique ou commerciale rendant nécessaire des licenciements collectifs prive partiellement cette obligation de son effet utile puisque l’obligation de consultation a pour but d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs. Ainsi, la Cour de Luxembourg considère que “la procédure de consultation doit être déclenchée par l’employeur au moment où a été adoptée une décision stratégique ou commerciale le contraignant à envisager ou à projeter des licenciements collectifs” (point 48). - Sur la deuxième question : La juridiction de renvoi demande aux magistrats communautaires si le point de départ des consultations peut dépendre du fait que l’employeur soit en mesure de fournir aux représentants des travailleurs tous les renseignements mentionnés à l’article 2 paragraphe 3 sous b). Cette disposition de la directive 98/59/CE dispose que les renseignements doivent être fournis par l’employeur “en temps utile au cours des consultations”, ceci afin “de permettre aux représentants de formuler des propositions constructives” (point 51). Comme le rappellent les conclusions de l’avocat général citées par la Cour “la logique de cette disposition est que l’employeur fournisse aux représentants des travailleurs les informations pertinentes tout au long des consultations” (point 53). Ainsi, la Cour retient que le fait que l’employeur soit ou non en mesure de fournir les renseignements exigés par la directive aux représentants des travailleurs ne saurait avoir d’incidence sur la naissance de l’obligation de consultation. - Sur les troisième et quatrième questions : La Cour décide d’examiner conjointement ces deux questions. Par ces questions, la juridiction de renvoi demande si, dans le cas d’un groupe d’entreprises composé d’une société mère et de filiales, l’obligation de consultation naît lorsque soit l’employeur, soit la société mère, envisage des licenciements. De plus, le juge finlandais demande s’il est nécessaire de pouvoir identifier la filiale. 82 CJCE, Dansk Metalarbejderforbund et Specialarbejderforbundet i Danmark, 12 février 1985, aff. 284/83, Rec. p. 553, point 17. -147- La Cour rappelle que lorsque les licenciements collectifs sont effectués par une filiale, c’est cette filiale en tant qu’employeur, et non pas la société mère, qui est tenue de l’obligation de consultation et ce, indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émane de la filiale ou de l’entreprise qui la contrôle (point 61). Elle précise que, dans le cadre d’un groupe de sociétés, il est nécessaire de connaître l’entreprise dans laquelle les licenciements vont avoir lieu pour faire naître cette obligation de consultation. En effet, “lorsque la société mère d’un groupe d’entreprises adopte des décisions de nature à avoir des répercussions sur l’emploi des travailleurs au sein de ce groupe, c’est à la filiale dont les travailleurs sont susceptibles d’être concernés par des licenciements collectifs qu’il appartient, en sa qualité d’employeur, d’engager des consultations avec les représentants des travailleurs. Il n’est dès lors pas possible d’entamer de telles consultations aussi longtemps que ladite filiale n’a pas été identifiée” (point 63). Ainsi, dans le cadre d’un groupe de société, l’obligation de consultation naît uniquement dans le chef de la filiale qui a la qualité d’employeur et ce, dès lors que la filiale au sein de laquelle vont avoir lieu les licenciements collectifs a été identifiée. - Sur les cinquième et sixième questions : La juridiction de renvoi cherche ici à obtenir de la part de la Cour de justice des renseignements sur le moment de clôture de la procédure de consultation, lorsque la décision conduisant éventuellement aux licenciements collectifs a été prise par la société mère. La Cour rappelle que l’obligation de consultation ne pèse que sur la filiale qui est l’employeur des travailleurs victimes d’un licenciement collectif. Ainsi, la directive 98/59/CE ne fait naître aucune obligation à la charge de la société mère (point 68). Dans le cas d’un groupe de sociétés, “il incombe toujours à la filiale, en tant qu’employeur, de mener des consultations avec les représentants des travailleurs susceptibles d’être concernés par les licenciements collectifs envisagés, et de supporter elle-même les conséquences du nonrespect de l’obligation de consultation si elle n’a pas été immédiatement et correctement informée d’une décision de sa société mère rendant nécessaire de tels licenciements” (point 69). Selon la jurisprudence de la Cour, la procédure de consultation doit être accomplie avant la prise d’une décision relative à la résiliation des contrats de travail.83 Par conséquent, dans le cas d’un groupe de sociétés, “une décision de la société mère ayant pour effet direct de contraindre une de ses filiales à résilier les contrats des travailleurs concernés par des licenciements collectifs ne saurait être prise qu’à l’issue de la procédure de consultation au sein de cette filiale et ce, sous peine d’exposer celle-ci, en tant qu’employeur, aux conséquences du non-respect de cette procédure” (point 71). Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “ 1) L’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, doit être interprété en ce sens que l’adoption, au sein d’un groupe d’entreprises, de décisions stratégiques ou de modifications d’activités qui contraignent l’employeur à envisager ou à projeter des licenciements collectifs fait naître pour cet employeur une obligation de consultation des représentants des travailleurs. 2) La naissance de l’obligation de l’employeur d’entamer les consultations sur les licenciements collectifs envisagés ne dépend pas du fait que celui-ci soit déjà en mesure de fournir aux représentants des travailleurs tous les renseignements exigés à l’article 83 CJCE, Junk, 27 janvier 2005, C-188/03, Rec. p. I-885, point 45. -148- 2, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), de la directive 98/59. 3) L’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, de cette même directive, doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’un groupe d’entreprises composé d’une société mère et d’une ou de plusieurs filiales, l’obligation de consultation avec les représentants des travailleurs ne naît dans le chef de la filiale qui a la qualité d’employeur que lorsque cette filiale, au sein de laquelle des licenciements collectifs sont susceptibles d’être effectués, a été identifiée. 4) L’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/59, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 4, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que, dans le cas d’un groupe d’entreprises, la procédure de consultation doit être clôturée par la filiale concernée par des licenciements collectifs avant que ladite filiale, le cas échéant sur instruction directe de sa société mère, résilie les contrats des travailleurs visés par ces licenciements”. -149- PRINCIPE DU DROIT COMMUNAUTAIRE Gottwald 1er octobre 2009 - C-103/08 « Libre circulation des personnes - Citoyenneté de l’Union - Article 12 CE - Mise à disposition des personnes handicapées d’une vignette routière annuelle gratuite - Dispositions limitant l’octroi d’une telle vignette aux personnes handicapées ayant leur domicile ou leur lieu de résidence habituel sur le territoire national » T Faits : M. Gottwald est un citoyen allemand souffrant d’une paraplégie totale. A ce titre, la République fédérale d’Allemagne lui a délivré une carte pour personnes handicapées. En août 2006, afin de se rendre en Autriche pour passer des vacances, il utilisa le réseau autoroutier autrichien. A l’occasion d’un contrôle routier, les autorités autrichiennes constatèrent qu’il ne s’était pas acquitté du péage à durée déterminée par l’achat d’une vignette à apposer sur son véhicule. Une amende de 200 euros lui fut infligée. M. Gottwald exerça un recours contre celle-ci ; il invoqua l’article 13 du BstMG 2002 autrichien selon lequel une vignette annuelle gratuite est délivrée aux personnes handicapées ayant leur domicile ou leur résidence habituelle en Autriche et détenant une carte de personne handicapée au titre de la loi nationale autrichienne. La juridiction de renvoi s’interroge sur la légalité des conditions d’octroi de la vignette en faveur des personnes handicapées au regard du droit communautaire . Elle décide de surseoir à statuer et pose à la Cour de justice une question préjudicielle. T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : L’article 12 CE dispose que : « dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ». La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice si l’article 12 CE doit être interprété en ce sens « qu’il s’oppose à l’application d’une disposition nationale qui prévoit que l’octroi à titre gratuit d’une vignette annuelle pour un véhicule en vue de son utilisation sur les routes nationales à péage est limité aux personnes souffrant d’un handicap déterminé et qui ont dans l’État en cause leur domicile ou leur lieu de résidence habituel ». T Décision : Le gouvernement autrichien conteste la recevabilité de la question préjudicielle, estimant qu’elle serait purement hypothétique dans la mesure où M. Gottwald n’a introduit aucune demande d’octroi de la vignette gratuite. La Cour rejette cette argumentation et rappelle qu’il appartient aux seules juridictions nationales d’apprécier la nécessité d’une demande de décision préjudicielle. Ainsi, “dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est en principe, tenue de statuer” (point 16). -150- A titre liminaire, la Cour rappelle que “le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique” 84 (point 23). Aussi, tout citoyen de l’Union peut se prévaloir des dispositions de l’article 12 CE, qui prohibent les discriminations en raison de la nationalité, et ce dans toutes les situations relevant du domaine d’application ratione materiae du droit communautaire, et notamment lorsque le citoyen use de sa liberté de circulation garantie par l’article 18 CE. L’objectif de l’article 12 CE est de consacrer une égalité de traitement entre les nationaux et les non-nationaux. Cet article prohibe ainsi les discriminations directement fondées sur la nationalité mais également les discriminations dissimulées, basées sur d’autres critères de distinction que celui relatif à la nationalité. Pour la Cour, une mesure telle que celle retenue par la législation autrichienne, “qui prévoit une distinction fondée sur le critère de domicile ou de la résidence” afin de faire bénéficier les personnes handicapées de la vignette gratuite est discriminatoire (points 27-29). Au regard du droit communautaire, un tel traitement discriminatoire ne pourrait être justifié que par “des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national” (point 30). Si les juges de Luxembourg acceptent que la législation autrichienne puisse être justifiée par des « considérations objectives d’intérêt général » notamment basées sur l’intégration des personnes handicapées du fait de leur résidence en Autriche, ils apportent des précisions sur le respect de la condition de proportionnalité par la réglementation nationale en cause. La Cour rappelle qu’une mesure est proportionnée lorsque “tout en étant apte à la réalisation de l’objectif poursuivi, elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre” (point 33). Ainsi qu’elle a pu le juger au sujet de prestations non régies par le droit communautaire, comme celle en cause au principal, “les Etats membres jouissent d’une ample marge d’appréciation en ce qui concerne la fixation des critères d’évaluation du rattachement” du bénéficiaire d’une prestation à la société de l’Etat membre concerné (point 34). Ils peuvent notamment “exiger, afin d’établir un certain degré d’intégration, que le bénéficiaire de la prestation ait été domicilié ou ait résidé pendant une certaine période dans l’Etat membre concerné” (point 35). La Cour précise que l’Autriche interprète ces conditions de résidence ou de domiciliation de manière extensive. Ainsi, comme l’a indiqué le gouvernement autrichien lors de l’audience “une personne handicapée qui, tout en n’ayant pas établi son domicile ou son lieu de résidence habituel en Autriche, se rend régulièrement dans ce pays pour des raisons professionnelles ou personnelles aurait également le droit de bénéficier de la vignette routière à titre gratuit” (point 39). Dès lors, les juges communautaires constatent que la législation autrichienne ne va pas audelà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs qu’elle poursuit. Par ces motifs la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “L’article 12 CE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui réserve l’octroi à titre gratuit d’une vignette routière annuelle aux personnes handicapées ayant leur domicile ou leur lieu de résidence habituel sur le territoire de l’État membre concerné, en y incluant également celles qui se rendent régulièrement dans cet État pour des raisons de nature professionnelle ou personnelle.” 84 CJCE, Bidar, 15 mars 2005, C-209/03, Rec. p. I-2119, point 31et CJCE, Schempp, 12 juillet 2005, C-403/03, Rec. p. I-6421, point 15, résumé dans la veille bimestrielle n/ 5 (juin-juillet-août 2005), p. 20. -151- PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE PAGO International 6 octobre 2009 - C-301/07 « Marques - Règlement (CE) n/ 40/94 - Article 9, paragraphe 1, sous c) - Marque jouissant d’une renommée dans la Communauté - Étendue géographique de la renommée » T Faits : La société PAGO produit et distribue des jus de fruits. Elle est titulaire, depuis 2001, d’une marque communautaire et bénéficie d’un droit exclusif sur cette marque en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n/ 40/94/CE sur la marque communautaire. L’élément essentiel de cette marque est la représentation d’une bouteille en verre de couleur verte possédant une étiquette et un couvercle caractéristiques. En Autriche, la société PAGO distribue un jus de fruits sous la dénomination PAGO dans ce type de bouteille, et jouit dans cet Etat membre d’une très grande reconnaissance. La société Tirolmilch commercialise également en Autriche une boisson issue d’un mélange de lait et de fruits sous la dénomination « Lattella ». Initialement vendue dans des récipients en carton, cette boisson est aujourd’hui conditionnée dans des bouteilles en verre. Afin de promouvoir son produit, Tirolmilch utilise dans une publicité une reproduction qui, de même que la marque communautaire de PAGO, montre une bouteille de verre à côté d’un verre plein. S’estimant lésée dans son droit exclusif de titulaire d’une marque communautaire, la société PAGO a introduit une procédure de référé devant une juridiction autrichienne afin qu’il soit interdit à Tirolmilch de distribuer d’une quelconque autre manière sa boisson dans les bouteilles litigieuses et d’en faire la publicité en utilisant une reproduction des bouteilles avec un verre plein de jus de fruits, comme dans les publicités de PAGO. Cette juridiction ayant fait droit à la demande, Tirolmilch a interjeté appel et la demande de PAGO a été rejetée devant la juridiction du second degré. PAGO a alors formé un recours en révision devant l’Oberster Gerichtshof. Cette juridiction estime qu’aucun risque de confusion n’existe entre les bouteilles utilisées par Tirolmilch et la marque communautaire PAGO dans la mesure où les étiquettes sont différentes, et où les désignations PAGO et Lattella sont très connues en Autriche. Cependant, PAGO ayant fait valoir devant cette juridiction que Tirolmilch tire indûment profit, sans juste motif, du caractère distinctif et de la renommée, en Autriche, de la marque communautaire PAGO, l’Oberster Gerichtshof émet des doutes sur l’interprétation de la disposition « jouit d’une renommée dans la Communauté » de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n/ 40/94/CE. Par référence à l’arrêt General Motors,85 la juridiction autrichienne présume qu’en “ce qui concerne l’expression « renommée dans un Etat membre », telle que figurant à l’article 5, paragraphe 2, de la directive rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, il suffit que la marque communautaire jouisse d’une renommée dans une « partie substantielle » de la Communauté” pour bénéficier du droit exclusif reconnu par l’article 9 du règlement n/ 40/94/CE (point 12). Or, PAGO ayant présenté une injonction en cessation d’usage s’étendant à toute la Communauté et sa marque n’étant renommée qu’en Autriche, l’Oberster Grerichtshof s’interroge 85 CJCE, General Motors, 14 septembre 1999, C-375/97. -152- sur la possibilité de prononcer une interdiction totale alors que la marque communautaire n’est renommée que dans un seul Etat membre, ou si dans le cas de la renommée limitée elle doit procéder à l’interdiction dans le seul Etat membre où la marque communautaire jouit de cette renommée. Ainsi, la juridiction décide de surseoir à statuer afin de procéder à un renvoi préjudiciel en interprétation à la Cour de justice. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : L’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n/ 40/94/CE sur la marque communautaire dispose que : « 1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires : […] c) d’un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice. » La juridiction de renvoi décide de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice : « 1) Une marque communautaire est-elle protégée dans toute la Communauté en tant que “marque jouissant d’une renommée” au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du [règlement], lorsqu’elle ne “jouit d’une renommée” que dans un État membre ? 2) En cas de réponse négative à la première question, une marque ne “jouissant d’une renommée” que dans un État membre est-elle protégée dans cet État membre en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du [règlement], de sorte qu’une interdiction limitée à cet État membre peut être prononcée ? » T Décision : A titre liminaire, la Cour précise que “la protection des marques communautaires renommées ne saurait être moindre en cas d’usage d’un signe pour des produits ou services identiques ou similaires qu’en cas d’usage d’un signe pour des produits ou des services non similaires”. Par conséquent, même si en l’espèce la marque communautaire dont PAGO est titulaire porte sur des boissons aux fruits ainsi que des jus de fruits alors que Tirolmilch commercialise des produits issus d’un mélange de fruits et de petit-lait, les magistrats du plateau de Kirchberg précisent que PAGO peut bénéficier pleinement des dispositions de l’article 9, paragraphe 1, sous c) du règlement n/ 40/94/CE si elle satisfait aux conditions posées par ce texte, et notamment à la condition d’être une marque de renommée dans la Communauté. La juridiction de renvoi sollicite la Cour de justice afin d’obtenir l’interprétation de l’expression « jouit d’une renommée dans la Communauté » de l’article 9, paragraphe 1, sous c) qui est l’une des deux conditions qu’une marque communautaire doit remplir pour bénéficier de la protection prévue par ce texte. En effet, elle cherche à savoir si la condition de « jouissance d’une renommée dans la Communauté », est remplie lorsque la marque communautaire ne jouit d’une renommée que dans un Etat membre. Afin de répondre à cette question, la Cour fait référence à l’arrêt General Motors relatif à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques précisant l’expression « jouit d’une renommée dans l’Etat membre ». Selon la juridiction de Luxembourg, la notion de « renommée » “suppose un certain degré de connaissance au sein du public pertinent” (point 21). Le public pertinent s’entend comme les -153- personnes concernées par la marque communautaire, “c’est-à-dire, en fonction du produit ou du service commercialisé, soit le grand public, soit un public plus spécialisé, par exemple un milieu professionnel donné” 86 (point 22). Ainsi, lorsque la marque est connue par une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts, son degré de connaissance requis est atteint et celle-ci est alors considérée comme « renommée ». Afin de déterminer si une marque satisfait à cette condition, il incombe au juge national de prendre en compte tous les éléments pertinents, notamment la part de marché détenue par la marque, l’étendue géographique et la durée de son usage. Ainsi, au plan territorial, une marque est considérée comme « renommée » dès lors qu’elle jouit d’une renommée dans une partie substantielle du territoire de la Communauté. En matière de marque communautaire, lorsque la renommée existe dans la totalité du territoire d’un Etat membre, il peut être considéré qu’il est satisfait à l’exigence territoriale qu’impose l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n/ 40/94/CE (point 29). Ayant répondu de façon positive à la première question préjudicielle, la Cour précise qu’il n’y a pas lieu de répondre à la seconde. Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “L’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n/ 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, doit être interprété en ce sens que, pour bénéficier de la protection prévue à cette disposition, une marque communautaire doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par elle, dans une partie substantielle du territoire de la Communauté européenne, et que, eu égard aux circonstances de l’affaire au principal, le territoire de l’État membre en cause peut être considéré comme constituant une partie substantielle du territoire de la Communauté”. 86CJCE, General Motors précité, point 24. -154- RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS Audiolux 15 octobre 2009 - C-101/08 « Directives 77/91/CEE, 79/279/CEE et 2004/25/CE - Principe général du droit communautaire de protection des actionnaires minoritaires - Inexistence - Droit des sociétés - Prise de contrôle - Offre obligatoire - Recommandation 77/534/CEE - Code de conduite » T Faits : La société GBL détenait 30% des actions de la société RTL. En 2001, elle a cédé sa participation à la société Bertelsmann contre 25% du capital de celle-ci. Audiolux, structure qui regroupe des actionnaires minoritaires de RTL, a présenté des demandes devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg portant sur la validité de ces transactions ainsi que sur la réparation du préjudice causé par le non-respect de l’obligation d’offrir aux demandeurs d’échanger leurs actions dans la société RTL contre des actions de Bertelsmann aux mêmes conditions que celles consenties à RTL. Pour cette juridiction, lorsqu’un actionnaire important cède ses titres à un autre actionnaire important, le droit luxembourgeois des sociétés ne prévoit pas un droit des actionnaires minoritaires à céder leurs titres dans les mêmes conditions. En somme, il n’existe pas d’égalité entre les actionnaires. Cette interprétation a également été adoptée par la cour d’appel. Dans son pourvoi en cassation, Audiolux allègue la violation d’un principe général d’égalité des actionnaires et exige qu’il lui soit accordé le même traitement que celui dont avait bénéficié GBL lors de la cession de sa participation dans RTL à Bertelsmann. La Cour de cassation luxembourgeoise a décidé de surseoir à statuer afin de poser des questions préjudicielles relatives à l’interprétation de dispositions communautaires. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice si : « 1) Les références à l’égalité des actionnaires et plus spécifiquement à la protection des minoritaires, a) dans la deuxième directive « sociétés » 77/91 en ses articles 20 et 42, b) dans la recommandation 77/534, en son « troisième principe général » et en sa « dix-septième disposition complémentaire », c) dans la directive 79/279 en son annexe schéma C, point 2, sous a), reprise dans la directive, d) dans la directive 2004/25 en son article 3, paragraphe 1, sous a), à la lumière de son huitième considérant, procèdent-elles d’un principe général de droit communautaire ? 2) En cas de réponse affirmative à la première question, ce principe général de droit communautaire doit-il trouver application seulement dans les rapports entre une société et ses actionnaires ou, au contraire, s’impose-t-il également dans les rapports entre actionnaires majoritaires exerçant ou acquérant le contrôle d’une société et les actionnaires minoritaires de cette société, spécialement dans le cas d’une société dont les actions sont cotées à une bourse de valeurs ? 3) En cas de réponse affirmative aux deux questions précédentes, ce principe général de droit -155- communautaire doit-il, au regard du développement dans le temps des références visées par la première question, être considéré comme ayant existé et comme s’imposant dans les rapports entre actionnaires majoritaires et minoritaires dans le sens de la deuxième question, dès avant l’entrée en vigueur de la directive 2004/25 CE précitée et, en l’occurrence, dès avant les faits litigieux se situant au premier semestre de l’année 2001 ? » T Décision : Par ses deux premières questions, la juridiction de renvoi cherche à savoir si “il existe un principe général du droit communautaire de l’égalité des actionnaires en vertu duquel les actionnaires minoritaires sont protégés par l’obligation de l’actionnaire dominant acquérant ou exerçant le contrôle d’une société d’offrir à ceux-ci de racheter leurs actions aux mêmes conditions que celles convenues lors de l’acquisition d’une participation dans cette société conférant ou renforçant le contrôle de l’actionnaire dominant” (point 32). - Sur l’existence d’un principe général du droit communautaire : La juridiction de renvoi fait référence à plusieurs dispositions de droit communautaire dérivé, à savoir la directive 77/91/CEE, la directive 79/279/CEE et la directive 2004/25/CE. A titre liminaire, la Cour précise que “la simple circonstance que le droit communautaire dérivé prévoit certaines dispositions afférentes à la protection des actionnaires minoritaires ne suffit pas, en soi, à établir l’existence d’un principe général du droit communautaire”. Ainsi, il convient seulement pour la Cour de vérifier si ces dispositions donnent des indications concluantes quant à l’existence du principe recherché (point 34). Les dispositions des directives sont limitées à des situations bien déterminées, et elles ne relèvent pas de la situation en cause au principal. En effet, les dispositions de l’article 42 de la directive 77/91/CEE visent à garantir un traitement égal des actionnaires lors d’opérations d’augmentation ou de réduction de capital. Or, la Cour, dans un arrêt Commission c/ Espagne, a déjà rejeté une interprétation large de cet article 87. Les magistrats du plateau de Kirchberg précisent que les dispositions de la directive 79/279/CEE visant à ce que la société assure un traitement égal aux actionnaires qui se trouvent dans des situations identiques, ont été abrogées par la directive 2001/34/CE. Ainsi, les dispositions des directives 77/91/CEE et 79/279/CEE, évoquées par la juridiction de renvoi, s’appliquent à des situations bien déterminées et nettement différentes de celle en cause dans l’affaire au principal. Elles se limitent à régler des cas de figure très précis du droit des sociétés. Par conséquent, “elles sont donc dépourvues du caractère général qui est par nature inhérent aux principes généraux du droit communautaire” (point 42). S’agissant de la directive 2004/25/CE, l’article 5 prévoit l’obligation pour l’actionnaire ayant acquis le contrôle d’une société de lancer une offre obligatoire et son article 16 prévoit un rachat obligatoire. Or, la Cour relève que le champ d’application de l’article 5 vise l’acquisition conférant à l’acquéreur le contrôle de la société. De plus, l’article 16 imposant un rachat obligatoire ne vaut que pour des situations où l’actionnaire acquiert, lors d’une offre publique, plus de 90 % du capital assorti de droits de vote (point 49). Ainsi, ces dispositions de la directive 2004/25/CE s’appliquent à des situations spécifiques et il ne peut donc en être déduit un principe général d’un contenu déterminé. Par conséquent, la Cour constate que “les dispositions de droit communautaire dérivé auxquelles la juridiction de renvoi fait référence ne donnent pas d’indications concluantes de l’existence d’un principe général d’égalité de traitement des actionnaires minoritaires” (point 52). 87 CJCE, Commission c/ Espagne, 18 décembre 2008, C-338/06, non encore publié au Recueil, point 23. -156- - Sur le principe général d’égalité de traitement : Le principe général d’égalité de traitement “impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement soit objectivement justifié” 88 (point 54). Audiolux revendique un traitement visant à établir une obligation uniquement à la charge de l’actionnaire qui acquiert ou renforce son contrôle dans une société. Cette obligation imposerait à cet actionnaire de contacter tous les actionnaires minoritaires entraînant “un droit correspondant de tous les actionnaires de vendre leurs actions à l’actionnaire dominant” (point 55). Pour la Cour, “le principe général d’égalité de traitement ne saurait, à lui seul, ni faire naître une obligation particulière dans le chef de l’actionnaire dominant au bénéfice des autres actionnaires ni déterminer la situation spécifique à laquelle une telle obligation se rattache” (point 57). En effet, une telle obligation présupposerait la pondération des intérêts des actionnaires minoritaires et de l’actionnaire dominant et aurait des conséquences considérables dans le domaine des acquisitions d’entreprises. De plus, du point de vue de la sécurité juridique, il serait nécessaire que les intéressés puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations 89 (point 58). Les juges communautaires reconnaissent également que, à supposer que les actionnaires minoritaires nécessitent une protection particulière, d’autres moyens permettraient d’assurer cette protection. Enfin, ils précisent que “les principes généraux du droit communautaire se situent au rang constitutionnel tandis que le principe préconisé par Audiolux est caractérisé par un degré de détail nécessitant une élaboration législative qui se fait, au niveau communautaire, par un acte de droit communautaire dérivé” (point 63). Par conséquent, le principe préconisé par Audiolux ne peut être considéré comme un principe général autonome du droit communautaire. Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Le droit communautaire ne contient pas de principe général de droit selon lequel les actionnaires minoritaires sont protégés par l’obligation de l’actionnaire dominant acquérant ou exerçant le contrôle d’une société d’offrir à ceux-ci de racheter leurs actions aux mêmes conditions que celles convenues lors de l’acquisition d’une participation conférant ou renforçant le contrôle de l’actionnaire dominant.” jjj 88 CJCE, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., 16 décembre 2008, C-127/07, non encore publié au Recueil, point 23, résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (novembre-décembre 2008), p. 66. 89 CJCE, Heinrich, 10 mars 2009, C-345/06, non encore publié au Recueil, point 44, résumé dans le veille bimestrielle n/ 24 (marsavril 2009), p. 86. -157- Messner 3 septembre 2009 - C-489/07 « Directive 97/7/CE - Protection des consommateurs - Contrats à distance - Exercice du droit de rétractation par le consommateur - Indemnité de jouissance à verser au vendeur » T Faits : Le 2 décembre 2005 Mme Messner a acheté, au moyen d’internet, un ordinateur portable à Stefan Kruger pour la somme de 278 euros. En août 2006, un défaut est apparu sur l’écran de l’ordinateur, dont Mme Messner a avisé le vendeur d’occasion le 6 août. Ce dernier se proposant de réparer l’ordinateur contre le paiement d’une somme d’argent, Mme Messner a décidé de révoquer le contrat de vente ainsi conclu. Elle a proposé de renvoyer l’ordinateur défectueux au vendeur contre le remboursement de cet achat. Cette révocation a été effectuée dans les délais légaux mais M. Kruger s’est opposé au remboursement total au motif que Mme Messner était créancière d’une indemnité compensatrice d’utilisation de 316,80 euros. pour les huit mois d’utilisation correspondant aux coûts de location d’un ordinateur similaire. Insatisfaite, Mme Messner a intenté un recours devant une juridiction allemande, l’Amtsgericht Lahr, qui a décidé de poser une question préjudicielle à la Cour de justice en interprétation des dispositions de la directive 97/7/CE. T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : La directive 97/7/CE du 20 mai 1997 concerne la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. Son article 6 dispose que : « Droit de rétractation 1. Pour tout contrat à distance, le consommateur dispose d’un délai d’au moins sept jours ouvrables pour se rétracter sans pénalités et sans indication du motif. Les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises. […] 2. Lorsque le droit de rétractation est exercé par le consommateur conformément au présent article, le fournisseur est tenu au remboursement des sommes versées par le consommateur, sans frais. Les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises. Ce remboursement doit être effectué dans les meilleurs délais et, en tout cas, dans les trente jours.» La juridiction de renvoi cherche à savoir si ces dispositions s’opposent à ce qu’une réglementation nationale prévoie la possibilité pour le vendeur de réclamer au consommateur une indemnité compensatrice pour l’utilisation d’un bien acquis par un contrat à distance dans le cas où ce dernier a exercé son droit de rétractation dans les délais. T Décision : A titre liminaire, la Cour rappelle que les termes du premier paragraphe de l’article 6 de la directive 97/7/CE selon lesquels « les seuls frais qui peuvent être imputés au consommateur en raison de l’exercice de son droit de rétractation sont les frais directs de renvoi des marchandises ». Les considérants de ce texte viennent préciser l’exercice du droit de rétractation reconnu au consommateur dans le cas où il conclut un contrat à distance. En effet, cette interdiction d’imputer des frais autres que les simples frais de renvoi “a pour finalité d’assurer que le droit -158- de rétractation garanti par cette directive « ne reste pas de pure forme »” (point 19). Imposer des frais de rétractation allant au delà de ce qui est prévu par la directive pourrait décourager le consommateur de faire usage de ce droit. De plus, ce droit est reconnu dans la situation particulière d’une vente à distance. En effet, “Le droit de rétractation est (...) censé compenser le désavantage résultant pour le consommateur d’un contrat à distance, en lui accordant un délai de réflexion approprié pendant lequel il a la possibilité d’examiner et d’essayer le bien acquis”. (point 20). La Cour rappelle qu’il convient d’interpréter l’interdiction énoncée à l’article 6 de la directive 97/7/CE à la lumière des objectifs qu’elle retient. Elle précise que l’imposition d’une indemnité compensatrice pour l’utilisation du bien acquis par un contrat à distance est incompatible avec ces objectifs (point 22). De plus, l’efficacité et l’effectivité du droit de rétractation se trouveraient affectées si le consommateur, usant de ce droit, était obligé de payer une indemnité pour l’utilisation d’un bien dont il n’a pas pu apprécier les caractéristiques avant la conclusion du contrat à distance (point 24). Cependant, les juges communautaires précisent que cette protection accordée au consommateur “n’a pas pour objet de lui accorder des droits allant au-delà de ce qui est nécessaire pour lui permettre d’exercer utilement son droit de rétractation” (point 25). Ainsi, l’interdiction posée à l’article 6 de la directive 97/7/CE et les finalités de ce texte “ne s’opposent pas, en principe, à ce que la réglementation d’un Etat membre impose au consommateur le paiement d’une indemnité compensatrice équitable” dans la mesure où l’usage qu’il fait du bien acquis est incompatible avec les principes de droit civil tels que la bonne foi ou l’enrichissement sans cause (point 26). Le quatorzième considérant de la directive précise que les Etats membres peuvent déterminer les autres conditions et modalités consécutives à l’exercice du droit de rétractation, tout en respectant nécessairement la finalité du texte et en ne portant pas atteinte à l’efficacité et l’effectivité de ce droit (point 27). L’indemnité compensatrice doit par conséquent être proportionnée par rapport au prix d’achat du bien. La Cour précise que “c’est à la lumière de ces principes qu’il incombe à la juridiction nationale de trancher l’affaire” en prenant en compte les éléments de fait pertinents comme la nature du produit en cause ou la durée d’utilisation du bien avant l’exercice du droit de rétractation par le consommateur. Par ces motifs la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Les dispositions de l’article 6, paragraphes 1, deuxième phrase, et 2, de la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’une réglementation nationale prévoie de manière générale la possibilité pour le vendeur de réclamer au consommateur une indemnité compensatrice pour l’utilisation d’un bien acquis par un contrat à distance dans le cas où ce dernier a exercé son droit de rétractation dans les délais. Toutefois, ces mêmes dispositions ne s’opposent pas à ce que le payement d’une indemnité compensatrice pour l’utilisation de ce bien soit imposé au consommateur dans l’hypothèse où celui-ci aurait fait usage dudit bien d’une manière incompatible avec les principes de droit civil, tels que la bonne foi ou l’enrichissement sans cause, à la condition qu’il ne soit pas porté atteinte à la finalité de ladite directive et, notamment, à l’efficacité et à l’effectivité du droit de rétractation, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de déterminer.” -159- SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS Leyman 1er octobre 2009 - C-3/08 « Demande de décision préjudicielle - Régimes de sécurité sociale - Prestations d’invalidité Règlement (CEE) n/ 1408/71 - Article 40, paragraphe 3 - Régimes d’indemnisation distincts selon les États membres - Désavantages pour les travailleurs migrants - Cotisations à fonds perdus » T Faits : Ayant exercé une activité salariée en Belgique de 1971 à 2003, Mme Leyman ressortissante belge, s’est installée en 1999, en vue d’y exercer une activité salariée, au Luxembourg. Depuis 2003 elle est assujettie au système de sécurité sociale du Grand-Duché. Les autorités compétentes luxembourgeoise ont reconnu en juillet 2005 son incapacité de travail pour la période allant du 8 juillet 2005 au 29 février 2012, date de sa mise à la retraite. Le Luxembourg lui a accordé une indemnité d’invalidité pour les périodes d’assurance accomplies au Luxembourg. Pour les périodes d’assurance accomplies en Belgique, la sécurité sociale belge lui a accordé une indemnité pour cause d’invalidité à compter du 8 juillet 2006, conformément aux articles 40 paragraphe 3 sous b) du règlement n/ 1408/71 et 93 de la loi belge de 1994. Insatisfaite, la requérante a introduit un recours contre la décision belge afin d’obtenir un versement de l’indemnité à compter du 8 juillet 2005. Le Tribunal du travail de Nivelles ayant des doutes sur l’interprétation des dispositions du règlement n/ 1408/71 a décidé de surseoir à statuer afin de poser des questions préjudicielles en interprétation à la Cour de justice. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : L’article 40, paragraphe 3, sous b), du règlement n/ 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté dispose que : « Le droit aux prestations d’invalidité s’ouvre au regard de la législation du premier État membre soit à l’expiration de la période préalable d’indemnisation de la maladie, prescrite par cette législation, soit à l’expiration de la période préalable d’incapacité de travail, prescrite par cette législation, et au plus tôt : i) à la date d’ouverture du droit aux prestations visées au point a) ii) en vertu de la législation du second État membre ou ii) le jour suivant le dernier jour où l’intéressé a droit aux prestations en espèces de maladie en vertu de la législation du second État membre ». En droit belge, la pension d’invalidité est indépendante de la durée de la période d’assurance. La juridiction de renvoi interroge la Cour de justice sur les questions suivantes : « 1) L’article 40, paragraphe 3, sous b), du règlement nº1408/71 et l’article 93 de la loi belge de 1994 sont-ils contraires à l’article 18 du traité CE en ce que, dans le cas d’un travailleur résidant et travaillant dans un pays de type A (en l’espèce, en Belgique) et allant s’installer dans un pays -160- de type B (en l’espèce, le Grand-Duché de Luxembourg), ils ne permettent pas, durant la première année d’incapacité de travail, l’octroi d’une indemnité prenant en considération la période de travail et de cotisation dans le pays de type A (la Belgique) ? 2) L’article 40, paragraphe 3, sous b), du règlement n/ 1408/71 et l’article 93 de la loi de 1994 sont-ils contraires à l’article 18 du traité CE en ce que, dans le cas d’un travailleur résidant et travaillant dans un pays de type A (en l’espèce, en Belgique) et allant s’installer dans un pays de type B (en l’espèce, le Grand-Duché de Luxembourg), ils créeraient une discrimination au détriment du travailleur exerçant son droit de libre circulation en ne lui permettant pas, durant la première année d’incapacité de travail, l’octroi d’une indemnité prenant en considération la période de travail et de cotisation dans le pays de type A (la Belgique) ? » T Décision : - A titre liminaire, la Cour précise qu’il convient de répondre aux questions préjudicielles en statuant non pas sur l’article 18 CE, mais sur les article 39 CE et 42 CE. En effet, l’article 18 CE énonce le droit général reconnu aux citoyens de l’Union de circuler librement sur le territoire des Etats membres. Les articles 39 CE et 42CE consacrent la liberté de circulation des travailleurs. - La Cour de justice résume les deux questions spécifiquement, de la manière suivante : la juridiction de renvoi demande “en substance si les articles 39 CE et 42 CE doivent être interprété en ce sens qu’ils s’opposent à une condition telle que celle énoncée à l’article 93 de la loi de 1994, laquelle a été établie en conformité avec l’article 40 paragraphe 3 sous b) du règlement n/ 1408/71 en ce que cette condition aboutit à ce qu’une personne telle que Mme Leyman, qui, après avoir travaillé et résidé sur le territoire du Royaume de Belgique – État membre dont la législation relève du type A – s’est installée dans un autre État membre, dont la législation relève du type B, soit privée de toute indemnité à charge de l’institution compétente du premier État membre durant la première année d’incapacité de travail et en ce qu’elle créerait ainsi une discrimination au détriment du travailleur exerçant son droit à la libre circulation”. (Point 21). Le règlement n/ 1408/71 opère une distinction selon que le travailleur a été exclusivement soumis à des législations prévoyant que le montant des prestations est indépendant de la durée des périodes d’assurance (type A) ou qu’il a été exclusivement soumis à des législations selon lesquelles le montant des prestations dépend de ladite durée (type B). L’article 40 du règlement vise le cas où le travailleur a été soumis à des législations de ces deux types. La requérante a été soumise à des législations de type A et B, en Belgique puis au Luxembourg. Les autorités sont parvenues à déterminer le montant mensuel de la prestation d’invalidité dû respectivement par les autorités belge et luxembourgeoise. Mais celles-ci restent en désaccord en ce qui concerne la date à partir de laquelle la prestation d’invalidité due en Belgique devrait être versée. - Sur le système d’assurance maladie-invalidité belge et l’indemnité d’incapacité primaire : En Belgique, “un travailleur en état d’incapacité de travail relève dans un premier temps d’un régime d’assurance maladie pendant une période d’un an, au cours de laquelle il perçoit l’indemnité dite d’«incapacité primaire». Dans un second temps, à savoir après l’expiration de ladite période, si le travailleur continue à être dans l’incapacité de travailler, il est soumis à un régime d’assurance invalidité et perçoit une indemnité d’invalidité”. (point 28) “Ledit système n’opère donc pas une distinction du point de vue de l’état du travailleur entre incapacité temporaire, telle que la maladie, d’une part, et incapacité définitive, telle que l’invalidité, d’autre part. L’incapacité temporaire et l’invalidité ne se distinguent que par le fait que cette dernière constitue une prolongation au-delà d’une durée d’un an de la situation -161- d’incapacité du travailleur. (point 29). En revanche, selon la législation luxembourgeoise, le droit à l’indemnité d’invalidité est ouvert dès le premier jour d’incapacité de travail, soit le 8 juillet 2005. Or une telle indemnité ne commence à être versée en vertu de la législation belge qu’après l’expiration d’une période d’un an, pendant laquelle le travailleur résidant en Belgique en état d’incapacité perçoit l’indemnité d’incapacité primaire. Pour les autorités belges, ce droit à la prestation d’invalidité ouvert à l’expiration de la période d’incapacité primaire d’un an est justifié par l’article 40, paragraphe 3, sous b), du règlement n/ 1408/71. - Sur l’article 40, paragraphe 3, sous b), du règlement n/ 1408/71 : Pour la Cour, l’article 40, paragraphe 3, sous b), du règlement n/ 1408/71 fixe une limite temporelle pour l’ouverture du droit aux prestations d’invalidité dans le premier Etat membre. Cette disposition reconnaît la possibilité offerte à un Etat membre de subordonner l’octroi de ces prestations à l’expiration d’une période préalable pendant laquelle l’intéressé, soit a été incapable de travailler, soit a bénéficié des prestations en espèces de maladie, possibilité dont le législateur belge a fait usage, à l’article 93 de la loi de 1994, en prévoyant l’écoulement d’une période d’incapacité primaire d’un an avant l’ouverture du droit à telles prestations (point 39). - Sur la libre circulation des travailleurs : La Cour rappelle que l’article 42 CE laisse subsister des différences entre les régimes de sécurité sociale, tant sur le fond que sur la procédure.90 Cependant, “le but de l’article 39 CE ne serait pas atteint si, par suite de l’exercice de leur droit à la libre circulation, les travailleurs migrants devaient perdre des avantages de sécurité sociale que leur assure la législation d’un État membre”. En effet, cela aurait pour conséquence de dissuader le travailleur d’exercer son droit à la libre circulation garanti par l’article 39 CE, et constituerait nécessairement une entrave à cette liberté.91 (point 41). La loi belge de 1994 n’opère pas de distinction entre les travailleurs ayant exercé leur liberté de circulation et ceux qui n’en ayant pas usé. Néanmoins, l’application de ces dispositions conduit à désavantager pendant la première année les travailleurs migrants. En effet, si les travailleurs restés en Belgique peuvent bénéficier de l’indemnité d’incapacité primaire, les travailleurs, comme Mme Leyman, ayant exercés leur liberté de circulation n’ont droit à aucune indemnité similaire en Belgique ou au Luxembourg (point 43) et cotisent à fonds perdus en ce qui concerne la première année d’incapacité. La Cour précise que “le traité CE ne garantit pas à un travailleur que l’extension de ses activités dans plus d’un Etat membre ou leur transfert dans un autre Etat membre soient neutres en matière de sécurité sociale” (point 45). Ainsi, la législation d’un Etat membre demeure conforme aux dispositions des articles 39 CE et 43 CE si elle ne désavantage pas le travailleur concerné par rapport à ceux qui exercent la totalité de leurs activités dans l’Etat membre où elle s’applique ou par rapport à ceux qui y étaient déjà précédemment assujettis et si elle ne conduit pas purement et simplement à verser des cotisations sociales à fonds perdus.92 “En l’espèce, l’application de la législation nationale en cause au principal au travailleur migrant, 90 CJCE, Rönfeldt, 7 février 1991, C-227/89, Rec. p. I-323, point 12 ; CJCE, van Munster, 5 octobre 1994, C-165/91, Rec. p. I-4661, point 18. 91 CJCE, Paraschi, 4 octobre 1991, C-349/87, Rec. p. I-4501, point 22. 92 CJCE, Hervein e.a., 19 mars 2002, C-393/99 et C-394/99, Rec. p. I-2829, point 51; CJCE, Piatkowski, 9 mars 2006, C-493/04, Rec. p. I-2369, point 34. -162- opérée de la même façon qu’au travailleur sédentaire, produit des répercussions imprévues et peu compatibles avec le but de l’article 39 CE, liées au fait que le droit aux prestations d’invalidité du travailleur migrant est régi par deux législations divergentes” (point 48). Invoquant le principe de la coopération loyale de l’article 10CE, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “L’article 39 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités compétentes d’un État membre appliquent une législation nationale qui, conformément à l’article 40, paragraphe 3, sous b), du règlement (CEE) n/ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n/ 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n/ 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, subordonne l’ouverture du droit aux prestations d’invalidité à l’écoulement d’une période d’incapacité primaire d’un an, lorsqu’une telle application a pour conséquence qu’un travailleur migrant a versé au régime de sécurité sociale de cet État membre des cotisations à fonds perdus et est ainsi désavantagé par rapport à un travailleur sédentaire.” -163- TRANSPORT Bogiatzi 22 octobre 2009 - C-301/08 « Politique des transports - Règlement (CE) n/ 2027/97 - Convention de Varsovie - Responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident - Délai pour l’introduction d’une action en indemnisation du préjudice subi » T Faits : Le 21 décembre 1998, Mme Bogiatzi a été victime d’une chute sur le tarmac de l’aéroport de Luxembourg en embarquant dans un avion de la société Luxair. Le 22 décembre 2003, elle a assigné en responsabilité Luxair en se fondant sur le règlement n/ 2027/97/CE, relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident ainsi que sur la convention de Varsovie de 1929 pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international. La requérante ayant introduit sa demande cinq ans après la commission des faits, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a jugé sa demande irrecevable. En effet, les juges ont considéré le délai de déchéance de deux ans pour intenter une action en responsabilité consacré à l’article 29 de la convention de Varsovie comme étant un délai préfix non susceptible de suspension ou d’interruption. Ayant été déboutée en appel, Mme Bogiatzi a formé un pourvoi devant la Cour de cassation luxembourgeoise qui, ayant des doutes sur l’interprétation des dispositions en cause, a décidé de surseoir à statuer afin de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : L’article 29, paragraphe 1, de la convention de Varsovie dispose : « L’action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l’arrivée à destination ou du jour où l’aéronef aurait dû arriver, ou de l’arrêt du transport ». L’article 2, paragraphe 2, du règlement n/ 2027/97/CE dispose : « Les notions contenues dans le présent règlement qui ne sont pas définies au paragraphe 1 sont équivalentes à celles utilisées dans la convention de Varsovie ». La Cour de cassation luxembourgeoise pose les questions préjudicielles suivantes : « 1) La convention de Varsovie, telle que modifiée à La Haye le 28 septembre 1955, à laquelle se réfère le règlement n/ 2027/97, fait-elle partie des normes de l’ordre juridique communautaire que la Cour de justice a compétence pour interpréter au titre de l’article 234 CE ? 2) Est-ce que le règlement n/ 2027/97 dans sa version applicable à l’époque de l’accident, à savoir le 21 décembre 1998, doit être interprété en ce sens que, pour les questions non expressément réglées, les dispositions de la convention de Varsovie, en l’occurrence l’article 29, continuent à s’appliquer à un vol entre États membres de la Communauté? 3) En cas de réponse affirmative à la première et à la deuxième questions, l’article 29 de la convention de Varsovie, en relation avec le règlement n/ 2027/97, est-il à interpréter en ce sens que le délai de deux ans y prévu peut être suspendu ou interrompu ou que le transporteur ou son assureur peuvent y renoncer, par un acte considéré par le juge national comme valant -164- reconnaissance de responsabilité ? » T Décision : Sur la première question, la Cour ne se juge pas compétente pour interpréter la convention de Varsovie . Dans un premier temps, elle rappelle sa jurisprudence selon laquelle “lorsque et dans la mesure où, en vertu du traité, la Communauté a assumé les compétences précédemment exercées par les États membres dans le domaine d’application d’une convention internationale et que, par conséquent, les dispositions de celle-ci ont pour effet de lier la Communauté, elle était compétente pour interpréter une telle convention, alors même que cette dernière n’aurait pas été ratifiée par la Communauté” 93 (point 25). Si l’ensemble des Etats membres sont parties à la Convention de Varsovie, il convient d’examiner si, en vertu du traité CE, la Communauté a assumé les compétences précédemment exercées par les Etats membres dans le domaine d’application de la convention de Varsovie qui recouvre tout transport aérien international de personnes, de bagages et de marchandises. Il ressort de l’ensemble de la législation communautaire que la Communauté n’a pas assumé l’intégralité des compétences couvertes par la convention de Varsovie. En effet, les règlements communautaires ne posent qu’un principe de responsabilité parcellaire et ne couvrent pas les dommages matériels affectant les bagages. Ainsi, “en l’absence d’un transfert intégral à la Communauté des compétences précédemment exercées par les États membres, cette dernière ne saurait, en raison du seul fait que, à la date des faits au principal, tous ces États étaient parties contractantes à la convention de Varsovie, être liée par les règles figurant dans celle-ci, qu’elle n’a pas elle-même approuvées” (point 33). Par conséquent, la convention de Varsovie ne fait pas partie des normes de l’ordre juridique communautaire dont la Cour assure l’interprétation. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le règlement n/ 2027/97/CE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application des différentes dispositions de la convention de Varsovie, en particulier son article 29, à une situation dans laquelle un voyageur demande la mise en cause de la responsabilité du transporteur aérien en raison du préjudice qu’il a subi lors d’un vol entre les États membres de la Communauté. A l’inverse de la convention de Varsovie qui stipule dans son article 29 que “l’action en responsabilité dirigée contre les transporteurs aériens en cas d’accident doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter du jour de l’arrivée à destination”, le règlement n/ 2027/97/CE ne comporte aucune disposition explicite relative au délai de prescription d’une action en responsabilité et ne renvoie pas à la convention de Varsovie. Afin d’interpréter une disposition du droit communautaire, le juge communautaire doit tenir compte des termes de cette disposition, de son contexte ainsi que des objectifs qu’elle poursuit.94 (point 39). Il ressort du premier considérant du règlement n/ 2027/97/CE que l’objectif poursuivi est celui de l’amélioration, “dans le cadre de la politique commune des transports, [du] niveau de protection des passagers victimes d’accidents aériens” (point 40). De plus, les travaux préparatoires du règlement ainsi que ses considérants font apparaître que cette volonté 93 CJCE, International Fruit Company e. a., 12 décembre 1972, aff. 21/72 à 24/72, Rec. p. 1219, point 18 ; CJCE, Peralta, 14 juillet 1994, C-379/92, Rec. p. I-3453, point 16 ; CJCE, Intertanko e. a., 3 juin 2008, C-308/06, Rec. p. I-4057, point 48, résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (juin-juillet-août 2008), p. 59. 94 CJCE, KVS International, 18 mai 2000, C-301/98, Rec. p. I-3583, point 21 ; CJCE, ZVK, 23 novembre 2006, C-300/05, Rec. p. I-11169, point 15 ; CJCE, Klarenberg, 12 février 2009, C-466/07, non encore publié au Recueil, point 37, résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (janvier-février 2009), p. 109. -165- d’améliorer le niveau de protection des passagers se traduit concrètement “par l’introduction de dispositions destinées à se substituer, s’agissant du transport aérien entre Etats membres de la Communauté, à certaines dispositions de la convention de Varsovie” (point 41). Cependant, il ressort des dispositions du règlement n/ 2027/97/CE, notamment de l’article 2, paragraphe 2, que lorsque celui-ci “n’écarte pas l’application de la convention de Varsovie dans le but d’augmenter le niveau de protection des passagers, cette protection implique la complémentarité et l’équivalence dudit règlement avec le système conventionnel” (point 43). Or, l’article 29 de la convention de Varsovie relatif au délai dans lequel la victime d’un accident aérien doit introduire son action en responsabilité, ne fait pas partie de la catégorie de dispositions dont le législateur communautaire a souhaité écarter l’application. Ainsi, le règlement n/ 2027/97/CE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application de l’article 29 de la convention de Varsovie à une situation dans laquelle un voyageur demande la mise en cause de la responsabilité du transporteur aérien en raison du préjudice qu’il a subi lors d’un vol entre les États membres de la Communauté (point 45). Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “ 1) La convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, telle que modifiée par les quatre protocoles additionnels de Montréal du 25 septembre 1975, ne fait pas partie des normes de l’ordre juridique communautaire que la Cour a compétence pour interpréter au titre de l’article 234 CE. 2) Le règlement (CE) n/ 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application de l’article 29 de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, telle que modifiée par les quatre protocoles additionnels de Montréal du 25 septembre 1975, à une situation dans laquelle un voyageur demande la mise en cause de la responsabilité du transporteur aérien en raison du préjudice qu’il a subi lors d’un vol entre les États membres de la Communauté européenne.” -166- AFFAIRES COMMUNAUTAIRES A SUIVRE : CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX -167- CITOYENNETÉ EUROPÉENNE Rottmann Conclusions de l’Avocat général Poiares Maduro présentées le 30 septembre 2009 - C-135/08 « Citoyenneté européenne - Perte - Déchéance de la nationalité de l’État membre d’origine au moment de l’acquisition de la nationalité d’un autre État membre -Retrait de la nouvelle nationalité en raison de manœuvres frauduleuses ayant accompagné son acquisition » T Faits : Le requérant, M. Rottmann est né en Autriche. Il y a acquis la nationalité autrichienne par sa naissance sur le territoire de cet Etat. De facto, il est également citoyen de l’Union européenne en sa qualité de ressortissant autrichien en vertu de l’article 17, paragraphe 1, CE. En 1995, alors qu’il faisait l’objet de poursuites pénales en Autriche, M. Rottamnn est allé s’installer en Allemagne. Après cette fuite, un mandat d’arrêt national fut délivré à son encontre par un magistrat autrichien. En 1996, M. Rottmann sollicita sa naturalisation en Allemagne, en dissimulant qu’il faisait l’objet de poursuites pénales en Autriche. La République fédérale d’Allemagne lui octroya la nationalité allemande, et M. Rottmann perdit sa nationalité autrichienne, conformément au droit autrichien de la nationalité. En 1999, les autorités allemandes furent informées par les autorités autrichiennes que le requérant était visé par un mandat d’arrêt national. Le Land de Bavière décida alors de retirer le bénéfice de sa naturalisation au requérant, au motif que celui-ci avait obtenu la nationalité allemande de façon frauduleuse, en omettant de mentionner qu’il faisait l’objet de poursuites pénales en Autriche. M. Rottmann forma un recours en annulation en faisant valoir que le retrait de sa naturalisation allemande le placerait, en situation d’apatride, en violation, selon lui, du droit communautaire du fait de la perte de la citoyenneté de l’Union reconnue à tout ressortissant d’un Etat membre en vertu de l’article 17, paragraphe 1, CE. Son recours fut rejeté ; il introduisit un recours en révision devant le Bundesverwaltungsgericht qui, émettant des doutes sur la compatibilité de la décision avec le droit communautaire, a décidé de surseoir à statuer afin d’opérer un renvoi préjudiciel en interprétation à la Cour de justice. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : L’article 17, paragraphe 1, CE dispose : « il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre. La citoyenneté de l’Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas ». La juridiction pose à la Cour de justice les questions suivantes : « 1) Le droit communautaire s’oppose-t-il à la conséquence juridique de la perte de la citoyenneté de l’Union européenne (ainsi que des droits et libertés fondamentales qui y sont liés), résultant du fait que le retrait d’une naturalisation dans un État membre (Allemagne) obtenue par le biais d’une fraude intentionnelle, retrait qui est en soi légal en application du droit national applicable (allemand), a pour conséquence que la personne concernée devient apatride du fait que, comme tel est le cas en l’espèce du requérant, elle ne retrouve pas la nationalité qu’elle avait à l’origine, -168- en raison des dispositions applicables du droit de l’autre État membre (Autriche). 2) Dans le cas où la première question appelle une réponse affirmative: l’État membre (Allemagne) qui a naturalisé un citoyen de l’Union européenne et entend procéder au retrait d’une naturalisation obtenue frauduleusement doit-il s’abstenir de le faire si ou aussi longtemps que ce retrait de la naturalisation aurait pour conséquence la perte de la citoyenneté de l’Union (ainsi que des droits et libertés fondamentales qui y sont liés) ou l’État membre (Autriche) de la nationalité initiale est-il tenu, pour respecter le droit communautaire, d’interpréter, d’appliquer ou encore d’adapter son droit national de manière à éviter une telle conséquences juridique ? » T Conclusions : L’Avocat général Poiares-Maduro propose à la Cour de répondre aux questions comme suit : “1) Le droit communautaire ne s’oppose pas à la perte de la citoyenneté de l’Union européenne (ainsi que des droits et libertés fondamentales qui y sont liés), résultant du fait que le retrait d’une naturalisation dans un État membre a pour conséquence que la personne concernée devient apatride du fait qu’elle ne retrouve pas la nationalité qu’elle avait à l’origine, en raison des dispositions applicables du droit de l’autre État membre, dès lors que le retrait de la naturalisation n’est pas motivé par l’exercice des droits et libertés découlant du traité ni n’est fondé sur un autre motif interdit par le droit communautaire. 2) Le droit communautaire n’impose pas la réintégration dans la nationalité initialement détenue.” jjj -169- CONCURRENCE Commission c/ Alrosa Conclusions de l’Avocat général Kokott présentées le 17 septembre 2009 - C-441/07 P « Pourvoi - Concurrence - Abus de position dominante (articles 82 CE et 54 EEE) - Marché mondial de la production et de la fourniture de diamants bruts - Engagements de l’entreprise en position dominante - Décision rendant obligatoires les engagements offerts par l’entreprise en position dominante [article 9 du règlement (CE) n/ 1/2003] - Principe de proportionnalité - Liberté contractuelle Droit d’être entendu » T Faits : Alrosa est une société russe opérant sur le marché mondial de la production et la fourniture de diamants bruts où elle occupe le second rang. De Beers, société établie au Luxembourg, opère également sur ce marché où elle est leader mondial. En 2002, ces deux sociétés ont notifié à la Commission un accord conclu entre Alrosa et deux filiales de De Beers en vue d’obtenir une exemption par laquelle la Commission déclarerait que cet accord n’enfreint pas l’article 81 ou 82 CE. Ainsi, dans le cadre de leurs relations d’affaires, Alrosa s’engageait à fournir des diamants bruts à De Beers pour une somme de 800 millions de dollars, et De Beers s’engageait à les lui acheter et ce sur plusieurs années. A la suite de cette notification, la Commission a engagé deux procédures parallèles, l’une basée sur la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE (entente) et l’autre sur la violation de l’article 82 CE (abus de position dominante). Le présent recours porte uniquement sur la procédure ouverte en vertu de l’article 82 CE. Depuis l’entrée en vigueur du règlement n/ 1/2003/CE, l’article 9 permet aux entreprises concernées par une décision de la Commission exigeant la cessation d’une infraction d’offrir des engagements de nature à répondre aux préoccupations de concurrence. En l’espèce, le 25 janvier 2006, De Beers a individuellement présenté des engagements visant à répondre aux préoccupations exprimées par la Commission. De Beers proposait ainsi de réduire progressivement ses achats de diamants bruts à la société Alrosa et de les supprimer à terme. La procédure d’engagement oblige la Commission à publier les propositions d’engagements qu’elle a reçues afin de permettre aux tiers intéressés de présenter des observations. Le 26 janvier 2006, la Commission a communiqué à la société Alrosa un extrait des engagements individuels de De Beers et l’a invitée à soumettre ses observations. Par la suite, un échange est intervenu entre la requérante et la Commission au sujet de certains aspects de la procédure prévue par l’article 9 du règlement n/ 1/2003/CE et de leurs implications en l’espèce. Étaient principalement en cause la question de l’accès au dossier, ainsi que la question des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu. En outre, dans sa lettre du 6 février 2006, Alrosa a fourni des commentaires sur les engagements individuels de De Beers et sur les observations des tiers. -170- Le 22 février 2006, la Commission a adopté la décision litigieuse qui dispose que « les engagements énumérés en annexe sont obligatoires pour De Beers ». Le 29 juin 2006, Alrosa a engagé un recours en annulation contre cette décision devant le Tribunal de première instance qui a fait droit à sa demande et a annulé la décision de la Commission rendant obligatoire les engagements de De Beers. La Commission européenne a alors introduit un pourvoi devant la Cour de justice afin de faire annuler l’arrêt du Tribunal de première instance et déclarer le recours en annulation de Alrosa comme dénué de fondement. T Droit communautaire en cause : Devant le Tribunal de première instance, Alrosa a soutenu que la décision de la Commission d’autoriser les engagements présentés par De Beers était disproportionnée. De plus, Alrosa estimait que dans le cadre de la procédure d’engagement, son droit d’être entendue n’avait pas été respecté. En effet, par ses engagements De Beers s’est engagé à ne plus acheter de diamants à Alrosa. Or en autorisant ces engagements, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité, principe général du droit communautaire, puisque cette décision a des effets sur les intérêts de la société Alrosa. La décision qui restreint la liberté contractuelle de De Beers a pour conséquence de léser les intérêts d’Alrosa qui ne peut plus lui vendre ses diamants. Ainsi, l’Avocat général Kokott se demande “quelles exigences découlent du principe de proportionnalité lorsqu’en sa qualité d’autorité de la concurrence, la Commission des Communautés européennes accepte et déclare obligatoires les engagements d’une entreprise qui ont des effets sur les intérêts d’une autre ? C’est sur cette question, essentielle pour l’évolution du droit européen de la concurrence, que repose tout le poids du présent pourvoi” (point 1). T Conclusions : L’Avocat général propose à la Cour de justice d’annuler l’arrêt du Tribunal de première instance et de rejeter le recours en annulation formé par Alrosa contre la décision de la Commission. -171- ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid c/ Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (Ausbanc) Conclusions de l’Avocat général Mme VERICA Trstenjak, présentées le 29 octobre 2009 - C-484/08 « Protection des consommateurs - Directive 93/13/CEE - Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs - Article 4, paragraphe 2 - Appréciation du caractère abusif des clauses concernant l’objet principal du contrat - Article 8 - Harmonisation minimum - Dispositions nationales plus strictes visant à assurer un niveau de protection des consommateurs plus élevé - Différences par rapport à un début d’harmonisation complète » T Faits : La Caja de Ahorros y Monte Piedad de Madrid (ci après, « requérante au principal ») est un établissement de crédit qui inclut dans ses contrats de prêts immobiliers, des « clauses d’arrondi », clauses rédigées au préalable aux termes desquelles le taux d’intérêt dû par l’emprunteur doit, dès la première révision, être arrondi au quart de pourcent supérieur chaque fois que la variation de taux excède 0,25 %. L’Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios, est une association ayant pour but la défense des usagers des services fournis par les établissements bancaires. Elle conteste la validité d’une telle clause et demande la cessation de son utilisation ; selon elle, cette clause “n’a pas été individuellement négociée avec les emprunteurs et est donc nulle en vertu de l’article 8, paragraphe 2, lu en combinaison avec les articles 1er, 2 et 10a, paragraphe 1, de la loi générale espagnole 26/1984 du 19 juillet 1984 relative à la protection des consommateurs et des usagers” (point 12). La requérante au principal soutient quant à elle que “la clause d’arrondi est une règle permettant de déterminer un élément essentiel du contrat de prêt. Le taux nominal serait la contreprestation que l’emprunteur devrait fournir pour la mise à disposition du capital. Le contrôle des abus prévu par le droit espagnol serait incompatible avec l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 parce que l’appréciation du caractère abusif des clauses ne peut pas avoir lieu lorsque celles-ci sont rédigées de façon claire et compréhensible” (point 13). Le tribunal de première instance dont le jugement fut ensuite confirmé en appel, jugea la clause d’arrondi incompatible avec les dispositions de la loi espagnole. La requérante au principal forma un pourvoi en cassation devant le Tribunal supremo qui décida de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice trois questions préjudicielles. T Droit communautaire en cause et questions préjudicielles : L’article 3 de la directive 93/13/CEE est ainsi rédigé : « 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. 2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion. -172- Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion. Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe. 3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives ». Selon l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE (non transposé dans l’ordre juridique espagnol) : «L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ». Enfin, l’article 8 de la directive 93/13/CEE prévoit que : « Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur ». La juridiction de renvoi pose à la Cour les trois questions préjudicielles suivantes aux fins d’interprétation de l’article 8 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, de la directive et avec les articles 2,3, paragraphe 1, sous g) et 4, paragraphe 1, CE (2) : « 1. l’article 8 de la directive 93/13/CEE, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit-il être interprété en ce sens qu’un État membre peut prévoir dans sa législation, au bénéfice des consommateurs, un contrôle du caractère abusif des clauses que l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive exclut dudit contrôle ? 2. En conséquence, les dispositions combinées des article 4, paragraphe 2, et 8 de la directive 93/13/CEE, du 5 avril 1993, s’opposent-elles à ce qu’un État membre prévoit dans son ordre juridique, au bénéfice des consommateurs, un contrôle du caractère abusif des clauses portant sur « la définition de l’objet principal du contrat » ou sur « l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part », même si lesdites clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible ? 3. Une interprétation des articles 8 et 4, paragraphe 2, de la directive précitée permettant à un État membre de procéder à un contrôle judiciaire du caractère abusif des clauses figurant dans les contrats conclus par les consommateurs et rédigées de façon claire et compréhensible, qui définissent l’objet principal du contrat ou l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, est-elle compatible avec les articles 2 CE, 3, paragraphe 1, sous g), CE et 4, paragraphe 1, CE ? » T Conclusions de l’avocat général : Selon l’avocat général, il convient de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante : “1. L’article 4, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 8 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit un contrôle du caractère abusif des clauses portant sur l’« objet principal du contrat » ou sur l’ « adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part » même lorsque ces clauses sont rédigées de façon -173- claire et compréhensible. 2. Interpréter les articles 8 et 4, paragraphe 2, de la directive en ce sens qu’un État membre peut procéder à un contrôle judiciaire du caractère abusif des clauses figurant dans les contrats conclus par les consommateurs et rédigées de façon claire et compréhensible, qui définissent l’objet principal du contrat ou l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, est compatible avec les articles 2 CE, 3, paragraphe 1, sous g), CE et 4, paragraphe 1, CE.” jjj Raffinerie Mediterranee SpA (ERG), Polimeri Europa SpA, Syndial SpA c/ Ministero dello Sviluppo Economico e.a. - C-378/08 - & Raffinerie Mediterranee SpA (ERG), Polimeri Europa SpA, Syndial SpA c/ Ministero dello Sviluppo Economico e.a. - C-379/08 et C-380/08 - Conclusions de l’Avocat général, Mme Juliane Kokott, présentées le 22 octobre 2009 « Directive 2004/35/CE - Site d’intérêt national de Priolo - Application ratione temporis - Responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux - Principe du “pollueur - payeur” - Mesures de réparation des dommages environnementaux - Mesures supplémentaires ordonnées d’office - Passation de marchés publics » T Faits : Ces affaires jointes concernent le même site de la Rade d’Augusta (Italie) dont les fonds marins sont particulièrement pollués et ceci, depuis plusieurs décennies. & Dans la première affaire, (C-378/08), l’administration italienne a ordonné aux entreprises installées sur ce site, de procéder à la bonification de ces fonds marins, sans distinguer la pollution antérieure et la pollution actuelle et sans examiner la part de responsabilité de chacune des entreprises en cause pour le dommage occasionné. A défaut d’exécution, les opérations de bonification seraient réalisées à l’initiative de l’administration et seraient mis à la charge de ces entreprises. Certaines de ces sociétés, qui ont recours dans leur activité à des substances polluantes, ont contesté ces décisions administratives, exposant notamment ne pas être responsables de la pollution des fonds marins intervenue antérieurement à leur installation sur le site. Une divergence de jurisprudence oppose le tribunale amministrativo regionale della Sicilia (juridiction administrative de première instance) et le consigio di giustizia amministrativa per la regione siciliana (juridiction d’appel). Le premier a annulé certaines des décisions en cause, les -174- jugeant contraires au principe communautaire du pollueur-payeur. La juridiction d’appel considère en revanche ces décisions comme parfaitement légales. Elle a ainsi ordonné le sursis à exécution d’une décision rendue par le tribunale amministrativo regionale. Parallèlement, l’administration italienne a chargé Sviluppo Italia, entreprise créée par l’Etat, “d’effectuer la conception et - en cas de carence des entreprises - la réalisation ultérieure des mesures de réparation litigieuses, en dehors de toute procédure de passation de marchés publics” (point 27). Les entreprises ont demandé l’annulation de cette décision. & Dans les deux autres affaires jointes (C-379/08 et C-380/08), l’administration a ordonné deux mesures de réparation des dommages environnementaux. Les entreprises concernées considèrent que ces injonctions modifient des décisions antérieures et qu’elles ont été adoptées sans consultation, motivation ou étude appropriée sur leurs répercussions (point 32). Le tribunale amministrativo regionale della Sicilia a saisi la Cour de justice des communautés européennes de quatre questions préjudicielles dans la première affaire et de trois questions préjudicielles dans les autres affaires. T Droit communautaire en cause et questions préjudicielles : L’article 174, paragraphe 2 CE dispose que : « La politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur. (...) » La réglementation communautaire applicable en l’espèce est la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. L’article 1er de la directive expose que : « La présente directive a pour objet d’établir un cadre de responsabilité environnementale fondé sur le principe du “pollueur-payeur”, en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux ». L’article 3 précise le domaine d’application de la directive tandis que l’article 4 énumère les exclusions du champ d’application de cette directive. Article 4 paragraphe 5 : « La présente directive s’applique uniquement aux dommages environnementaux (...) causés par une pollution à caractère diffus, lorsqu’il est possible d’établir un lien de causalité entre les dommages et les activités des différents exploitants. » L’Avocat général résume ainsi les trois premières questions posées dans l’affaire C-378/08 : il s’agit de “savoir s’il est conforme au principe du pollueur-payeur énoncé à l’article 174 CE et dans la directive 2004/35 de faire porter la responsabilité de la réparation de dommages environnementaux par certaines personnes du fait de leur activité entrepreneuriale ou de leur position en tant que propriétaire de terrains et ce, indépendamment de toute contribution au fait causal et de toute faute” (point 44). Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour : « Les principes communautaires en matière de protection de la concurrence prévus par le traité instituant la Communauté européenne et les directives citées n/ 2004/18/CE, n/ 93/97/CEE et -175- n/ 89/665/CEE, 95 s’opposent-ils à une réglementation nationale qui confère à l’administration le pouvoir de confier directement à des sujets de droit privé (société Sviluppo S.p.A et Sviluppo Italia Aree Producttive S.p.A) des activités de caractérisation, de conception et de réalisation de travaux d’ouvrages publics - dans les aires domaniales, sans observer préalablement les procédures prescrites en matière de marché public ? » Selon l’Avocat général, les trois questions posées dans les affaires jointes C-379/08 et C-380/08 ne portent pas sur la responsabilité de principe du fait de dommages environnementaux mais sur la définition de mesures de réparation au titre de la directive sur la responsabilité environnementale : Par ses deux premières questions, la juridiction de renvoi souhaite savoir d’une part si la directive susmentionnée “s’oppose à une réglementation nationale qui confère à l’administration le pouvoir d’ordonner, au lieu des mesures de réparation qui ont été décidées en premier ressort à l’issue d’une enquête contradictoire adaptée, et dont l’approbation, puis la mise en œuvre ont déjà eu lieu, ou qui sont en cours d’exécution, d’autres mesures de réparation” (point 140) et d’autre part si ces mesures peuvent être prises sans évaluation des conditions spécifiques au site, des coûts d’exécution des mesures prescrites ou encore des effets sur la santé et la sécurité publique. Par sa troisième question, elle “souhaite savoir s’il est compatible avec la directive sur la responsabilité environnementale d’adopter des injonctions de réparation modifiées à titre de condition d’autorisation pour l’utilisation légitime de terrains non directement concernés par la bonification, pour autant que ceux-ci ont déjà fait l’objet d’une bonification ou qu’ils ne sont, en tout état de cause, pas pollués” (point 166). T Conclusions de l’avocat général : Selon l’avocat général, il convient de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante : Dans l’affaire C-378/08 : “1. La directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, ne s’applique pas aux dommages environnementaux qui ont été causés par des activités exercées avant le 30 avril 2007. Elle ne s’oppose donc pas à une réglementation nationale relative à la réparation de tels dommages. 2. La directive 2004/35 ne s’oppose à une responsabilité au titre de dommages environnementaux indépendamment de toute contribution au fait causal que si une telle responsabilité portait atteinte à la responsabilité de principe de l’exploitant responsable. 3. La directive 2004/35 permet : - de s’abstenir de déterminer les causes d’un dommage si la poursuite de l’enquête est vouée à l’échec et - de prendre des mesures d’urgence avant la fin de l’enquête. 4. La directive 2004/35 ne s’oppose pas à des régimes de responsabilité sans faute en matière de dommages environnementaux”. 95 Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation de marchés publics de travaux, de fournitures et de services ; directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux et directive 89/665/CEE, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux. -176- Enfin, concernant cette affaire, l’avocat général conclut à l’irrecevabilité de la quatrième question. - Concernant les affaires C-379/08 et C-380/08 : “1. La directive 2004/35 ne s’oppose pas à la modification d’injonctions de réparation si les principes généraux du droit communautaire sont respectés. 2. La directive 2004/35 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui confère à l’autorité compétente le pouvoir de modifier d’office des injonctions de réparation. Cette décision doit normalement être précédée d’une évaluation des conditions spécifiques au site, des coûts d’exécution des mesures prescrites par rapport aux bénéfices raisonnablement prévisibles, des dommages collatéraux éventuels ou probables et des effets contraires sur la santé et la sécurité publique, ainsi que les délais nécessaires à la réalisation envisagée. Toutefois, dans des cas particuliers, l’autorité compétente peut décider de s’abstenir, en totalité ou en partie, de procéder à cette évaluation, la situation ayant été dûment appréciée, si cette décision est prise après consultation des parties intéressées et si elle est dûment motivée. 3. Il n’est pas contraire à la directive 2004/35 d’adopter des injonctions de réparation modifiées à titre de conditions d’autorisation pour l’utilisation légitime de terrains non directement concernés par la bonification, pour autant que ceux-ci ont déjà fait l’objet d’une bonification ou qu’ils ne sont, en tout état de cause, pas pollués”. jjj Aventis Pasteur SA Conclusions de l’Avocat général Mme Verica Trstenjak présentées le 8 septembre 2009 - C- 358/08 « Directive 85/374/CEE - Responsabilité du fait des produits défectueux - Article 3 - Producteur Qualification d’un fournisseur comme producteur - Article 11 - Prescription décennale - Mise en circulation d’un produit - Mesures interrompant la prescription - Action introduite par erreur contre une autre entreprise que le producteur - Substitution de la partie défenderesse » T Faits : Dans son enfance, M. O’Byrne a reçu une injection du vaccin HIB fabriqué à l’époque par la société française Pasteur Mérieux Sérums et Vaccins SA, aujourd’hui devenue Aventis Pasteur SA (APSA). Ce vaccin était commercialisé au Royaume-Uni par la société britannique Mérieux UK Limited, filiale détenue à 100% par APSA, filiale devenue aujourd’hui Aventis Pasteur MSD (APMSD). La dose administrée à M. O’Byrne faisait partie d’un lot acheté par APMSD à sa société mère APSA. Ce lot, comprenant le vaccin de M. O’Byrne, a été vendu par APMSD au ministère de la santé britannique en octobre 1992. Le ministère l’a ensuite délivré à un hôpital qui l’a à son tour livré au cabinet médical dans lequel le défenseur a été vacciné le 3 novembre 1992. Après cette injection, M. O’Byrne a développé de graves lésions cérébrales provoquées selon lui par l’administration du vaccin. Deux recours ont dès lors été introduits. Le premier recours, dirigé contre APMSD, a été introduit le 2 novembre 2000. Le requérant fit valoir que le vaccin était produit par APMSD et -177- qu’il était défectueux. En défense APMSD répondit n’était pas producteur mais seulement distributeur du produit. Une second recours a été introduit contre APSA le 16 octobre 2002. M. O’Byrne réclamait des dommages intérêts au motif que APSA aurait été le producteur du vaccin. Cette société, tout en reconnaissant être le producteur du vaccin, a invoqué la prescription de l’action : le produit mis en circulation le 22 septembre 1992, la prescription décennale serait intervenue le 22 septembre 2002. Dans le cadre de la première procédure, la Hight Court of Justice a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice en interprétation de l’article 11 de la directive 85/374/CEE. La Cour de Luxembourg a rendu son arrêt le 9 février 2006.96 A la suite de cet arrêt, la Hight Court of Justice a accueilli la requête du défendeur qui sollicitait la substitution de la partie défenderesse estimant que APMSD, simple fournisseur, aurait été désignée à tort comme partie défenderesse, à la place de APSA, société productrice du vaccin. Insatisfaite, APSA a fait appel de cette décision. Ayant été déboutée, elle a introduit un pourvoi devant la House of Lords. La House of Lords est ici amenée à décider si les dispositions juridiques britanniques qui permettent une substitution de la partie défenderesse au détriment du véritable producteur sont conformes à la directive 85/374/CEE. Cette question a fait l’objet d’un renvoi préjudiciel dans le cadre de la première procédure et la Cour de justice a répondu à cette question dans l’arrêt Declan O’Byrne de 2006. Cependant, la juridiction suprême britannique, confrontée à d’importantes difficultés d’interprétation quant à la portée de la solution proposée par la Cour de justice, a décidé de poser une nouvelle question préjudicielle aux juges de Luxembourg. T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : La directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 est relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. Son article 11 dispose : « Les États membres prévoient dans leur législation que les droits conférés à la victime en application de la présente directive s’éteignent à l’expiration d’un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le producteur a mis en circulation le produit même qui a causé le dommage, à moins que durant cette période la victime n’ait engagé une procédure judiciaire contre celui-ci ». La House of Lords pose à la Cour de justice la question suivante : « Le fait que la législation d’un État membre autorise la substitution d’un nouveau défendeur à une action introduite en vertu de la directive européenne sur la responsabilité des produits défectueux après l’expiration du délai de dix ans prévu pour faire valoir les droits conférés à la victime en vertu de l’article 11 de la directive, dans le cas où la seule personne désignée en tant que défendeur dans la procédure engagée durant cette période de dix ans était une personne qui ne relevait pas du champs d’application de l’article 3 de la directive, est-il compatible avec la directive précitée ? » 96 CJCE, Declan O’Byrne, 9 février 2006, C-127/04, résumé dans la veille bimestrielle n/ 8 (janvier-février 2006), p.16. -178- T Conclusions : L’Avocat général Trstenjak suggère à la Cour de répondre à la House of Lords comme suit : “Une réglementation nationale, qui dans le cadre d’un recours relatif à l’invocation de droits découlant de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, permet la substitution du fournisseur défendeur par le producteur par le biais de la substitution de partie, est compatible avec cette directive à la condition que le producteur au moment de la demande de substitution de partie n’ait pas été libéré du fait de l’expiration du délai de prescription au titre de l’article 11 de la directive 85/374. Si un fournisseur doit être considéré comme un producteur au sens de l’article 3 de la directive 85/374, il est responsable en vertu de l’article 1er de cette directive pour le dommage qui a été causé par un défaut du produit. Un traitement du fournisseur comme producteur au sens de l’article 3, paragraphe 1, première partie, de la directive 85/374 a dans le même temps pour conséquence que l’introduction d’une procédure judiciaire contre ce fournisseur interrompt le cours du délai de prescription au titre de l’article 11 de la directive 85/374 à l’égard aussi du producteur dans le processus de fabrication duquel il est impliqué.” -179- ESPACE DE LIBERTÉ, SÉCURITÉ ET JUSTICE Car Trim Conclusions de l’Avocat général Mazak présentées le 24 septembre 2009 - C-381/08 «Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Compétence “en matière contractuelle” - Détermination du lieu d’exécution de l’obligation - Critères de distinction entre la vente de marchandises et la fourniture de services » T Faits : La société Car Trim est établie en Allemagne. Elle a conclu avec la société italienne KeySafety System, cinq contrats-cadres en 2001, qualifiés de « contrats relatifs à la livraison de marchandises à fabriquer ou à produire ». Ceux-ci portent donc sur la livraison à KeySafety System de composants de systèmes d’airbags, pour lesquels les pièces nécessaires viennent de fournisseurs placés en amont du processus de production. La livraison doit s’effectuer en Italie. La société italienne a dénoncé les contrats à la fin de l’année 2003. Considérant ces résiliations comme des ruptures de contrats, Car Trim a introduit une action en dommages-intérêts devant une juridiction allemande dans le ressort de laquelle se trouve son site de production. Cette juridiction a rejeté le recours comme irrecevable, faute de compétence internationale des tribunaux allemands. Déboutée en appel, la société Car Trim a alors introduit un recours en révision devant la Cour fédérale de justice allemande, le Bundesgerichtsof. Ayant des doutes sur les dispositions du règlement n/ 44/2001/CE concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit « règlement Bruxelles I »), la juridiction allemande décide de surseoir à statuer afin d’opérer un renvoi préjudiciel en interprétation à la Cour de justice des Communautés européennes. T Droit communautaire en cause : L’article 5, point 1, sous 1, du règlement n/ 44/2201/CE dispose : « a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est : - pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, - pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ; […] » La juridiction de renvoi à décidé de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice : « 1) L’article 5, point 1, sous b), du règlement n/ 44/2001 doit-il être interprété en ce sens que des contrats relatifs à la livraison de marchandises à fabriquer ou à produire doivent être qualifiés de ventes de marchandises (premier tiret) et non de fournitures de services (second tiret), même lorsque l’acheteur a formulé certaines exigences concernant l’obtention, la transformation et la -180- livraison de ces marchandises, notamment quant à la garantie de la qualité de fabrication, de la fiabilité des livraisons et du bon déroulement administratif du traitement de la commande? Quels sont les critères déterminants pour faire la délimitation ? 2) Si l’on a affaire à une vente de marchandises, le lieu où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées doit-il être déterminé, lorsqu’il s’agit de ventes à distance, sur la base du lieu de la remise matérielle à l’acheteur ou de celui où les marchandises sont remises au premier transporteur en vue de leur transmission à l’acheteur ? » T Conclusions : L’Avocat général Mazak propose à la Cour de justice de répondre aux questions préjudicielles comme suit : “1) L’article 5, point 1, sous b), du règlement n/ 44/2001du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que les contrats relatifs à la livraison de marchandises à fabriquer ou à produire doivent être qualifiés de ventes de marchandises, même lorsque l’acheteur a formulé certaines exigences concernant l’obtention, la transformation et la livraison de ces marchandises, notamment quant à la garantie de la qualité de fabrication. 2) Les termes « le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées » figurant à l’article 5, point 1, sous b), premier tiret, du règlement n/ 44/2001 doivent être interprétés comme désignant le lieu où les marchandises sont ou auraient dû être remises matériellement à l’acheteur.” -181- POLITIQUE SOCIALE Ingeniørforeningen i Danmark c/ Dansk Arbejdsgiverforening Conclusions de l’Avocat général, M. Yves Bot, présentées le 29 octobre 2009 - C-405/08 « Politique sociale - Information et consultation des travailleurs - Directive 2002/14/CE - Article 7 Protection des représentants des travailleurs - Transposition de la directive par un accord collectif Effets de l’accord collectif sur un travailleur n’étant pas membre de l’organisation syndicale signataire de cet accord - Loi de transposition pour des travailleurs non couverts par l’accord collectif - Protection renforcée des représentants des travailleurs contre le licenciement » T Faits : Au Danemark, deux grandes confédérations syndicale et patronale (la « LO » et la DA) ont signé un accord de coopération, le Samarbejdsaftalen, qui constitue l’une des mesures de transposition de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne. Selon cet accord, un représentant des travailleurs qui n’est pas également délégué du personnel pourra prétendre à une indemnisation plus importante qu’un employé en cas de licenciement abusif. M. Holst, ingénieur d’études pour la société BWV, a le statut d’employé. A ce titre, il bénéficie de la protection contre le licenciement abusif prévue par la loi et peut prétendre en ce cas à une indemnisation pouvant s’élever à un maximum de six mois de salaires. En 2001, il a également été élu au conseil d’entreprise de BWV. Il est enfin membre de l’IDA, fédération danoise des ingénieurs qui n’est pas membre de la LO et n’a signé aucun accord collectif avec BWV. Le 24 janvier 2006, BWV a signifié à M. Holst son licenciement, dans le cadre d’une réduction des effectifs de l’entreprise, avec préavis de six mois. Le 8 novembre 2006, l’IDA, agissant au nom de M. Holst, a saisi le Byretten ¥ Esbjerg d’une action en indemnisation. Elle soutenait que M. Holst, en sa qualité de représentant des travailleurs au sein du conseil d’entreprise, bénéficiait d’une protection particulière contre le licenciement, en application de l’article 7 de la directive 2002/14/CE. La demande fut rejetée et l’IDA forma un recours devant le Vestre Landsret, qui décida de surseoir à statuer pour poser trois questions préjudicielles à la Cour de justice des communautés européennes. T Droit communautaire en cause et questions préjudicielles : Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne. L’Avocat général précise que : “Sont visées ici des catégories professionnelles ou de personnes non couvertes par une convention ou un accord collectifs comme, par exemple, les ingénieurs” (point 22). -182- L’article 7 de la directive 2002/14/CE expose que : « [l]es États membres veillent à ce que les représentants des travailleurs jouissent, dans l’exercice de leurs fonctions, d’une protection et de garanties suffisantes leur permettant de réaliser d’une façon adéquate les tâches qui leur ont été confiées ». Selon l’article 8 de cette directive : « 1. Les États membres prévoient des mesures appropriées en cas de non-respect de la présente directive par l’employeur ou les représentants des travailleurs. En particulier, ils veillent à ce qu’il existe des procédures administratives ou judiciaires appropriées pour faire respecter les obligations découlant de la présente directive. 2. Les États membres prévoient des sanctions adéquates applicables en cas de violation des dispositions de la présente directive par l’employeur ou les représentants des travailleurs. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.» La juridiction de renvoi pose à la Cour de Luxembourg les trois questions préjudicielles suivantes : « 1) Les parties au litige au principal sont en désaccord sur la question de savoir si la directive 2002/14 […] est correctement transposée par l’accord dit “Samarbejdsaftalen”, conclu entre la [DA] et la [LO]. Dans ce contexte, il est demandé que soit précisé si la réglementation communautaire s’oppose à une transposition de ladite directive qui a pour effet que des catégories de travailleurs soient couvertes par un accord collectif entre partenaires sociaux ne représentant pas la catégorie professionnelle [de] l’intéressée et que ledit accord collectif n’est pas applicable à ladite catégorie professionnelle à laquelle elle appartient ? 2) Dans l’hypothèse où, en ce qui concerne la demanderesse au principal, la directive 2002/14 a fait l’objet d’une transposition correcte par le Samarbejdsaftalen, il est demandé d’indiquer si l’article 7 de la directive 2002/14 a été correctement transposé quand il est établi que le Samarbejdsaftalen ne renferme pas de condition de protection renforcée contre le licenciement de catégories professionnelles déterminées ? 3) Dans l’hypothèse où la demanderesse au principal est couverte par la loi de [2005], il est demandé si les conditions de “protection et de garanties suffisantes leur permettant de réaliser d’une façon adéquate les tâches qui leur ont été confiées” posées par l’article 7 de la directive [2002/14] font obstacle à la transposition de cette disposition, telle que réalisée par l’article 8 de la loi [de 2005], qui dispose [que] “[l]es représentants des travailleurs qui doivent être informés et consultés en cette qualité sont protégés contre le licenciement et contre toute modification de leurs conditions de travail dans les mêmes conditions que les représentants du personnel des mêmes catégories professionnelles ou équivalentes”, si la transposition ne prévoit pas de condition plus stricte de protection contre le licenciement des catégories professionnelles non couvertes par une convention ou un accord collectifs ? » T Conclusions de l’avocat général : Selon l’avocat général, il convient de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante : « 1) La directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce qu’un travailleur qui n’est pas membre d’une organisation syndicale signataire d’un accord collectif puisse se voir appliquer un tel accord. 2) L’article 7 de la directive 2002/14 doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas que les représentants des travailleurs bénéficient d’une protection renforcée contre le licenciement. Il résulte toutefois de cet article, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphes 1 et 2, de cette même directive, que les représentants des travailleurs doivent pouvoir faire vérifier, le cas échéant en se fondant sur des dispositions nationales applicables à tous les travailleurs et -183- protégeant ceux-ci contre le licenciement abusif, si leur licenciement est ou non motivé par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs et, si tel s’avère être le cas, pouvoir faire sanctionner un tel comportement de l’employeur.» jjj Domnica Petersen c/ Berufungsausschuss für Zahnärzte für den Bezirk Westfalen-Lippe Conclusions de l’Avocat général Yves Bot présentées le 3 septembre 2009 - C-341/08 « Directive 2000/78/CE - Interdiction des discriminations en fonction de l’âge - Réglementation nationale prévoyant une limite d’âge de 68 ans pour l’exercice de l’activité de dentiste conventionné Objectif visant à protéger la santé des patients relevant du régime légal d’assurance maladie - Objectif consistant à préserver l’équilibre financier du régime légal d’assurance maladie - Objectif tendant à garantir les possibilités pour les nouvelles générations d’exercer l’activité de dentiste conventionné » T Faits : L’affaire porte sur la réglementation allemande qui impose une limite d’âge maximale à l’exercice de la profession de dentiste conventionné. La requérante ayant atteint l’âge de 68 ans, son autorisation d’exercer des soins dentaires conventionnés a expiré le 30 juin 2007. Elle a introduit une réclamation contre cette décision, invoquant une discrimination en fonction de l’âge, en faisant valoir qu’elle était contraire à la directive 2000/78 et à la législation allemande transposant ce texte. T Droit communautaire en cause et question préjudicielle : La juridiction de renvoi demande à la Cour de se prononcer sur le point de savoir si la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’autorisation d’exercer l’activité de dentiste conventionné expire à l’issue du trimestre au cours duquel le dentiste conventionné atteint l’âge de 68 ans ? T Conclusions : L’Avocat général précise : “La particularité de cette affaire est que, dans ses questions, la juridiction de renvoi envisage la justification de cette réglementation uniquement au regard de l’objectif visant à protéger la santé des patients relevant du régime légal d’assurance maladie, sous l’angle du maintien d’un service médical de qualité en raison de la présomption d’une baisse des performances des dentistes conventionnés ayant atteint l’âge de 68 ans.” Or, selon lui, eu égard au contexte général de la réglementation nationale en cause au principal, la justification de celle-ci doit être prioritairement évaluée au regard des deux objectifs principaux qu’elle poursuit, à savoir, d’une part, l’objectif visant à préserver l’équilibre financier du régime légal d’assurance maladie et, d’autre part, celui qui tend à garantir les possibilités pour les nouvelles générations d’exercer l’activité de dentiste conventionné. L’Avocat général propose à la Cour de répondre à la question posée de la manière suivante : “Les articles 2, paragraphes 2, sous a), et 5, ainsi que 6, paragraphe 1, de la directive -184- 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle l’autorisation d’exercer l’activité de dentiste conventionné expire à l’issue du trimestre au cours duquel le dentiste conventionné atteint l’âge de 68 ans.” jjj Susanne Gassmayr c/ Bundesministerin für Wissenschaft und Forschung Conclusions de l’Avocat général Poiares Maduro présentées le 3 septembre 2009 - C-194/08 - demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche)] - T Faits : L’affaire porte sur un contentieux relatif à l’indemnisation du congé maternité de la requérante au principal. En février 2004, elle demanda à son employeur, l’Université de Graz, le paiement des indemnités correspondantes aux astreintes sur le lieu de travail pendant la période durant laquelle elle n’avait pas travaillé. L’Université ayant rejeté sa demande, elle introduisit une réclamation, qui fut rejetée par le ministre fédéral de l’éducation. Selon l’administration, bien que l’article 3, paragraphe 2, de la loi sur les salaires prévoit que les travailleuses enceintes doivent recevoir, pendant la période durant laquelle elles ne sont pas autorisées à travailler, leur rémunération habituelle « sans aucune restriction », les indemnités pour astreintes sur le lieu de travail sont exclues du champ d’application de cette disposition. Ainsi, dans la mesure où la requérante n’a pas accompli de telles prestations, elle n’a pas droit à l’indemnité en cause. T Droit communautaire en cause et question préjudicielle : Le renvoi préjudiciel porte sur la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, relative à la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail. La Cour est invitée à répondre aux questions de savoir si d’une part, l’article 11, points 1, 2 et 3, de la directive 92/85/CEE est doté d’effet direct et, d’autre part, si cette disposition crée, au profit d’un travailleur féminin, un droit au maintien du paiement d’une indemnité pour astreinte sur le lieu de travail, pendant la période durant laquelle elle était absente de son poste de travail en raison de son état de grossesse et/ou du congé de maternité ? T Conclusions : L’Avocat général propose de répondre aux questions posées de la manière suivante: “1) L’article 11, points 1, 2 et 3, de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail est doté d’effet direct, les particuliers pouvant s’en prévaloir dans des procédures nationales. 2) L’article 11, points 1), 2) et 3) de la directive 92/85 ne s’oppose pas à une disposition de droit national selon laquelle un employeur peut refuser de verser à une travailleuse enceinte une -185- indemnité spéciale, telle que l’indemnité pour astreinte sur le lieu de travail en cause dans la procédure au principal, qui est directement liée à l’accomplissement de tâches spécifiques, si la travailleuse concernée n’a accompli aucune de ces tâches car elle se trouvait en congé de maternité ou était empêchée de travailler pour des raisons tenant à sa santé ou à celle de son enfant. Il appartient à la juridiction nationale d’apprécier la nature d’indemnités particulières et de s’assurer que les revenus de la travailleuse enceinte sont au moins équivalents à ceux que le droit national garantit aux travailleurs absents de leur poste de travail pour des raisons tenant à leur état de santé.” jjj -186- DÉCISIONS D’AUTRES HAUTES INSTANCES JURIDICTIONNELLES, FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES -187- CONSEIL D’ETAT FRANÇAIS Arrêt de l’Assemblée du contentieux 30 octobre 2009 n/ 298348 T Faits : A l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir formé par un magistrat à l’encontre d’un décret et d’un arrêté de nomination d’un de ses collègues tandis que sa propre nomination à un poste à l’Ecole nationale de la magistrature avait été écartée, et selon elle, en raison de son engagement syndical, et donc de façon discriminatoire, l’intéressée invoquait le bénéfice des règles relatives à la charge de la preuve fixées par l’article 10 de la directive n/ 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Le délai de transposition en droit interne de ce texte expirait le 2 décembre 2003, antérieurement à la date des décisions attaquées. Or, cette disposition n’a été transposée de manière générale que par l’article 4 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. T Décision : Si le Conseil d’Etat rejette le recours sur le fond, il reconnaît pour la première fois à tout justiciable la possibilité de se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif, même non réglementaire (ici une nomination), des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par elle, les mesures de transposition nécessaires. Le considérant de principe est le suivant : “Considérant que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt, en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit communautaire, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut en conséquence demander l’annulation des dispositions réglementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d’action ou par voie d’exception, qu’après l’expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives ; qu’en outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ;”. En outre, si la haute juridiction reconnaît que la disposition invoquée par la requérante est dépourvue d’effet direct (article 10 de la directive n/ 2000/78/CE compte tenu de la dérogation prévue au § 5 pour les procédures de type inquisitoire), elle s’inspire du mécanisme de présomption simple posé par le texte communautaire, s’agissant de faciliter la preuve d’une discrimination, en ces termes : -188- “Considérant toutefois que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d’appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu’il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination, s’exercer en tenant compte des difficultés propres à l’administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s’attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l’égalité de traitement des personnes ; que, s’il appartient au requérant qui s’estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu’en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile ;” T Commentaire : Sur le premier point - Invocabilité d’une directive - : Jusqu’à présent, le Conseil d’Etat, conformément à sa jurisprudence Ministre de l’Intérieur c. Cohn Bendit, du 22 décembre 1978, écartait à l’encontre d’une décision administrative individuelle, les moyens tirés des dispositions d’une directive, même non transposée en droit interne dans les délais impartis, jugeant qu’une telle directive était privée d’effet direct sur la situation d’une personne individuelle, puisqu’elle posait des obligations s’appliquant aux seuls Etats. Sur le second point - régime de preuve en matière de discrimination - : Malgré l’absence d’effet direct de cette directive, le Conseil d’Etat a considéré qu’il appartenait au juge administratif de prendre en compte les difficultés propres à l’administration de la preuve dans les cas où il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination. Il a aussi souligné la nécessité de tenir compte en pareil cas des exigences résultant des principes constitutionnels que sont les droits de la défense et l’égalité de traitement des personnes. Au regard de ces particularités, il a décidé de définir, de manière autonome, un dispositif adapté de charge de la preuve, qui a vocation à s’appliquer dans des situations couvertes par la loi du 27 mai 2008.97 97 Source : Communiqué de presse du Conseil d’Etat en date du 30 octobre 2009. -189- DOCTRINE -190- COMMENTAIRES D’ARRÊTS -191- CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FONDAMENTAUX T Ludovic Ayrault, “CEDH et validation législative”, commentaire de l’arrêt CEDH, Joubert c/ France,98 du 23 juillet 2009, req. n/ 30345/05, in : Revue Procédure, octobre 2009, page 41. T Alain Couret, “La Commission bancaire à l’épreuve de l’article 6 § 1 de la Convention EDH”, commentaire de l’arrêt CEDH, Dubus c/ France,99 du 11 juin 2009, req. n/ 5242/04, in : Le Dalloz, n/ 33, 2009, page 2247. T Natalie Fricero et Cyril Nourissat, “Les limites du droit à l’image et à la vie privée des chanteurs”, commentaire de l’arrêt CEDH, Hachette Filipacchi Associés c/ France, 100 du 23 juillet 2009, req. n/ 12268/03, in : Revue Procédures, octobre 2009, page 21. T Natalie Fricero, “Application immédiate d’une loi nouvelle, privation du droit au remboursement et charge anormale et exorbitante”, commentaire de l’arrêt Joubert c/ France,101 du 23 juillet 2009, req. n/ 30345/05, in : Revue Procédures, octobre 2009, page 20. T Charles Froger, “Prescription des créances et dettes publiques et CEDH”, commentaire de l’arrêt CEDH, Zouboulidis c/ Grèce du 23 juin 2009, req n/ 36963/06, in : Revue de Droit administratif, octobre 2009, page 39. T Martine Herzog-Evans, “Prisons : encore une condamnation de la France par la CEDH”, commentaire de l’arrêt CEDH , Khinder c/ France, du 9 juillet 2009, req. n/ 39364/05, in : Le Dalloz, n/ 36, 2009, page 2462. T Grégory Houillon, “La procédure devant la Commission bancaire censurée par la CEDH”, commentaire de l’arrêt CEDH, Dubus SA c/ France,102 du 11 juin 2009, req. n/ 5242/04, in : Revue de droit administratif, août-septembre 2009, page 20. T Joseph Jehl, “Coup d’accélérateur pour les procédures électroniques en Europe”, commentaire de l’arrêt de la CEDH, Lawyer Partners c/ Slovaquie du 16 juin 2009, req. n/ 54252/07, in : J.C.P, Ed. G., 7 septembre 2009, n/ 37, p.48. T Jean-Pierre Marguénaud et Jean Mouly, “La Cour européenne des droits de l’homme à la conquête du droit de grève”, commentaire de l’arrêt CEDH, Enerji Yapi Yol Sen c. Turquie du 21 avril 2009, req. n/ 68959/01, in : Revue droit du travail, n/ 9, septembre 2009, page 499. T Jean Pradel, “Principe Ne bis in idem , poursuites successives de nature différente et Cour 98 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 26 (juillet- août 2009), p. 37. 99 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 (mai-juin 2009), p. 59. 100 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 26 (juillet- août 2009), p. 40. 101 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 26 (juillet-août 2009), p. 37. 102 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 (mai- juin 2009), p. 59. -192- européenne des droits de l’homme”, commentaire de l’arrêt CEDH, Zolotouchine c. Russie,103 req. n/ 14939/03, du 10 février 2009, in : Le Dalloz, 3 septembre 2009, n/ 29, p. 2014. 103 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (janvier-février 2009), p. 52 -193- CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE T Valérie Avena-Robardet, “Faculté de rétractation dans les ventes à distance : entre illusion et réalité”, commentaire de l’arrêt CJCE, Pia Messner c. Firma Stefan Krüger,104 du 3 septembre 2009, C-489/07, in : Le Dalloz, 24 septembre 2009, n/ 32, p. 2161. T Ludovic Ayrault, “Disparité des délais de reprise en fonction du territoire”, commentaire de l’arrêt CJCE, X et E. H. A. Passenheim-van Schoot c. Staatssecretaris van Financiën,105 du 11 juin 2009, aff. jointes C-155/08 et C-157/08, in : Revue Procédures, août-septembre 2009, n/ 8-9, p. 34, alerte n/ 298. T Pierre Callé, “Incompatibilité des anti-suit injunctions avec le règlement (CE) n/ 44/2001 du 22 décembre 2000”, commentaire de l’arrêt CJCE, Allianz c/ West Tankers,106 du 10 février 2009, C-185/07, in : J.C.P, Ed. G., 7 septembre 2009, n/ 37, pp. 49-52. T Joël Cavallini, “Le droit d’information et de consultation en matière de licenciement collectif a une nature collective”, commentaire de l’arrêt CJCE, Mono Car Styling SA, du 16 juillet 2009, C-12/08, in : J.C.P, Ed. générale, n/ 43, 20 octobre 2009, p. 30. T Philippe Coursier, “Le changement de résidence dans un autre état membre d’une personne dépendante peut entraîner la perte de certains droits à l’assurance maladie”, commentaire de l’arrêt CJCE, Von Chamier-Glisczinski,107 du 16 juillet 2009, C-208/07, in : La semaine juridique, Ed. sociale, n/ 41, 6 octobre 2009, p. 36. T Philippe Coursier : “Un congé parental à temps partiel peut affecter les droits à pension d’invalidité”, commentaire de l’arrêt CJCE, Gomez-Limon sanchez-Camacho, du 16 juillet 2009, C-6537/07, in : La semaine juridique, Ed. sociale, n/ 40, 29 septembre 2009, p. 38. T Claude Devès, “La CJCE clarifie la notion de « prestations intégrées » ou « in house »”, commentaire de l’arrêt CJCE, Sea SRL c/ Cne Di Ponte Nossa, 10 septembre 2009, aff. C-573-07, in : La Semaine Juridique, Administrations et Collectivités territoriales n/ 43, 19 octobre 2009, alerte 2242. T Jean-David Dreyfus et Stéphane Rodrigues, “La coopération intercommunale confortée par la CJCE ?”, commentaire de l’arrêt CJCE, Commission des Communautés européennes c/ république fédérale d’Allemagne, du 9 juin 2009, C-480/06, in : AJDA, n/ 31/2009, p. 1715. T Arnaud Folliard-Monguiral, “arrêt Bellure : publicité comparative et tableaux de concordance”, commentaire de l’arrêt CJCE, L’Oréal SA et al. c/ Bellure NV et al., du 18 juin 104 Arrêt résumé dans cette veille p. 158. 105 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 (mai-juin 2009), p. 146. 106 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (janvier-février 2009) p. 109. 107 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 26 (juillet-août 2009), p. 78. -194- 2009, aff. C-487/07,108 in : Propriété industrielle n/ 9, septembre 2009, comm. 51. « L’Oréal obtient gain de cause dans son combat contre l’usage de ses marques dans des tableaux de concordance. La CJCE conforte la protection du droit des marques en définissant de nouvelles “fonctions essentielles” protégées dans le cadre de l’article 5(1)(a) de la directive n/ 89/104/CEE (fonctions de communication, d’investissement et de publicité) et en établissant un meilleur équilibre avec le droit de la publicité comparative.» T Arnaud Folliard-Monguiral, “CJCE, arrêt Lindt : les critères de la mauvaise foi”, commentaire de l’arrêt CJCE, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG c/ Franz Hauswirth GmbH,109 du 11 juin 2009, C-529/07, in : Propriété industrielle n/ 9, septembre 2009, comm. 52 T Natalie Fricero et Cyrill Nourissat, “Procédures européenne et communautaire”, in : Revue procédures, octobre 2009 : - “Annulation ou retard de vol aérien dans l’Union européenne : quelles juridictions compétentes pour connaître d’une action indemnitaire ?”, commentaire de l’arrêt CJCE, Rehder, du 9 juillet 2009, C-204/08, p. 18. - “Nouvelle précision sur le champ d’application matériel des règlements communautaires à propos de l’insolvabilité”, commentaire de l’arrêt CJCE, SCT Industri, du 2 juillet 2009, C-111/08, p. 19. T Decocq Georges, “Réduction de 26 % du montant d’une amende”, commentaire de l’arrêt CJCE, P, Archer Daniels Midland Co (ADM), du 9 juillet 2009, C-511/06, in : Revue ContratsConcurrence-Consommation, octobre 2009, p. 29. T Decocq Georges, “La Commission sauvée par l’exigence d’une causalité adéquate”, commentaire de l’arrêt CJCE, P, Schneider Electric SA, du 16 juillet 2009, C-440/07, in : Revue Contrats-Concurrence-Consommation, octobre 2009, p 32. T Decocq Georges, “ Affaire Eurcontrôle : Dernier acte ?”, commentaire de l’arrêt CJCE, P, Selex Sistemi Integrati SPA, du 16 juillet 2009, C-481/07, in : Revue Contrats-ConcurrenceConsommation, octobre 2009, p. 31. T Gilles J. Guglielmi et Geneviève Koubi, “La notion de service public en droit européen”, commentaire de l’arrêt CJCE, TNT Post UK, du 23 avril 2009, C-357/07, in : AJDA, n/ 32/2009, p. 1783 T Vincent Egea, “Compétence européenne : divorce d’époux ayant une double nationalité”, commentaire de l’arrêt CJCE Hadadi c. Mesko,110 du 16 juillet 2009, C-168/08, in : Le Dalloz, 17 septembre 2009, n/ 31, p. 2106. T Loïc Grard, “Quel tribunal pour le passager aérien victime de l’annulation d’un vol sur une liaison entre deux États de l’Union européenne?” commentaire de l’arrêt CJCE, Rehder du 9 juillet 2009, C-204/08, in : Revue de droit des transports, n/ 9, septembre 2009, comm. 173 T Laurence Idot, “Entente et échanges d’informations”, commentaire de l’arrêt CJCE T-Mobile Netherlands,111 du 4 juin 2009, C- 8/08, in : Revue Europe, n/ 8-9, août-septembre 2009, p. 31 108 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25, p. 160. 109 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 (mai-juin 2009) p. 157. 110 Arrêt résumé dans la présente veille, p. 125. 111 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 (mai-juin 2009), p. 114 -195- T Laurence Idot, “Règlement Bruxelles II bis : Double nationalité des époux et compétence du juge”, commentaire de l’arrêt CJCE Hadadi c. Mesko, du 16 juillet 2009, C-168/08, in : Revue Europe, n/ 10, octobre 2009, p. 30 T Emeric Jeansen, “Le congé maladie ne neutralise pas le droit à congés payés”, commentaire de l’arrêt CJCE, Vicente Pereda c/ Madrid Movilidad SA,112 du 10 septembre 2009, C- 277/08, in : La semaine juridique, Ed. Sociale, n/ 44, 27 octobre 2009, p. 22. T Emeric Jeansen, “Obligation d’information et de consultation des représentants du personnel dans les groupes d’entreprises”, commentaire de l’arrêt CJCE, Akavan,113 du 10 septembre 2009, C-44/08, in : La semaine juridique, Ed. Sociale, n/ 44, 27 octobre 2009, p. 24 T Emeric Jeansen, “Garantie des créances salariales : normes communautaires”, commentaire de l’arrêt CJCE, Visciano, du 16 juillet 2009, C-69/08, in : J.C.P, Ed. Générale, n/ 43, 20 octobre 2009, p. 25. T Thibault Lancrenon, “L’appréciation de la mauvaise foi du déposant d’une marque communautaire”, commentaire de l’arrêt CJCE, Chocoladefabriken Lindt,114 du 11 juin 2009, C-529/07, in : Le Dalloz, n/ 35, 15 octobre 2009, p. 2396. T Sabrina Lavric, “Jeux de hasards en ligne : pas d’hostilité de la CJCE au monopole d’exploitation”, commentaire de l’arrêt CJCE, Liga,115 du 8 septembre 2009, C-42/07, in : Le Dalloz, n/ 33, 2009, p. 2218. T Valérie Michel et Marie Meister, “Protection des consommateurs, clauses abusives”, commentaire de l’arrêt CJCE, Pannon GSM, du 4 juin 2009, C- 243/08, in : Revue Europe, n/ 8- 9, août -septembre 2009, p. 42 T Valérie Michel, “Systématique des voies de droit”, commentaire de l’arrêt CJCE Bavaria et Bavaria Italia, du 2 juillet 2009, C-343/07, in : Revue Europe, n/ 10, octobre 2009, p. 11. T Cyril Nourissat, “Compétence en matière contractuelle : la fourniture de services n’est pas une prestation de services”, commentaire de l’arrêt CJCE Falco Privatstiftung et Rabitsch,116 du 23 avril 2009, C-533/07, in : Revue Procédures, août-septembre 2009, n/ 8-9, p. 19, alerte n/ 276. T Cyril Nourissat, “Clauses abusives : Nouvelles précisions sur l’office communautaire du juge national”, commentaire de l’arrêt CJCE Pannon GSM, du 4 juin 2009, C-243/08, in : Revue Procédures, août-septembre 2009, n/ 8-9, p. 19, alerte n/ 275. T Cyril Nourissat, “Résidence de l’enfant : Première interprétation par la CJCE de la notion de résidence habituelle de l’enfant au sens du règlement Bruxelles II bis”, commentaire de l’arrêt CJCE, A du 2 avril 2009, C-523/07, in : Revue Procédures, août-septembre 2009, n/ 8-9, p. 21, alerte n/ 277. 112 Arrêt résumé dans cette veille, p. 133. 113 Arrêt résumé dans cette veille, p. 145. 114 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 (mai - juin 2009), p. 157. 115 Arrêt résumé dans cette veille, p.135. 116 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 (mai-juin 2009) p. 131 -196- T Pascal Oudot, Commentaire de l’arrêt Motor Leroy Somer,117 du 4 juin 2009, C-285/08, in : La Gazette du Palais, n/ 240 à 244,28 août au 1er septembre 2009, p. 4. T Gilles Paisant, “L’obligation de relever d’office du juge national”, commentaire de l’arrêt CJCE, Pannon GSM Zrt., du 4 juin 2009, C-243/08, in : J.C.P, Ed. générale, n/ 42, 12 octobre 2009, p. 33. T Fabrice Picod, “ Dénomination insuffisamment protégées et effets du droit communautaire”, commentaire de l’arrêt CJCE, Budejovivky Budvar, du 8 septembre 2009, C-478/07, in : La semaine juridique, Ed. Entreprise et affaire, n/ 40, 1er octobre 2009, p. 22. T Ghislain Poissonnier, “La CJCE franchit une nouvelle étape vers une réelle protection du consommateur”, commentaire de l’arrêt Pannon GSM Zrt ( Sté ), du 4 juin 2009, C-243/08, in : Le Dalloz, 2009, n/ 34, p. 2312. T Anne Rigaux, “Autonomie législative d’entités infra-étatiques”,commentaire de l’arrêt CJCE, Horvath du 2 juillet 2009, C-343/07, in : Revue Europe, n/ 10, octobre 2009, p. 10. T Shaparak Saleh et Julie Spinelle, Commentaire de l’arrêt CJCE, Draka NK Cables Ltd, du 23 avril 2009, C-167/08, in : Gazette du Palais, n/ 240 à 244, 28 août - septembre 2009, p. 9. T Denys Simon, “Principes généraux du droit : sanctions terroristes et droits fondamentaux”, commentaire de l’arrêt TPICE, Melli Bank c. Conseil du 9 juillet 2009 aff. jointes T-246/08 et T-332/09, in : Revue Europe, n/ 10, octobre 2009, p. 8. T Jérémie Vialens, Commentaire de l’arrêt CJCE, T-Mobile Netherlands BV e.a.,118 du 4 juin 2009, C- 8/08, in: La Gazette du Palais, n/ 275 à 276, 2 et 3 octobre 2009, page 9. T Communiqué du Ministre du Budget, 9 septembre 2009, “La CJCE se prononce sur les jeux en ligne”, commentaire de l’arrêt CJCE, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Baw International, Grande chambre, 8 sept. 2009, aff. C-42/07 in : La Semaine Juridique, Administrations et Collectivités territoriales n/ 39, 21 septembre 2009, act. 1056 117 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 (mai-juin 2009), p. 122. 118 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 25 (mai-juin 2009), p. 114. -197- ARTICLES GÉNÉRAUX -198- CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FONDAMENTAUX T Emmanuelle Broussy, Francis Donnat et Christian Lambert, “Chronique de jurisprudence communautaire”, in : AJDA, n/ 28/2009, p. 1535. T Michel Dupuis, “L’immixtion de la Convention EDH dans la propriété industrielle”, in : Revue Lamy droit des affaires, août/septembre 2009, n/ 41, p. 67. T Jean-François Flauss, “Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme (mars -avril 2009), in : AJDA n/ 35/2009, p. 1936. T François Fournié, “Difficultés d’exécution d’un mandat d’arrêt européen. Entre droit et politique”, in : Le Dalloz, 3 septembre 2009, n/ 29, p. 1984. T Laurence-Marie Gérard, “Concernant les garanties encadrant le déroulement des visites et saisies domiciliaires : en marche vers un Ravon II ?”, in : Revue de droit fiscal, n/ 42, 15 octobre 2009, p. 22, alerte 505. T Agathe Lepage, “La redivulgation d’informations sur la vie privée devant la Cour européenne des droits de l’homme”, in : Revue communication-commerce électronique, octobre 2009, p. 35. T Eric jean Van Brustem, “Lois de validation : incompatibilité de l’article 122 de la loi des finances pour 1997 avec l’article 1er du 1er protocole de la Conv. EDH”, in : Revue de droit fiscal, n/ 38, 17 septembre 2009, p. 31. T Sommaire de la Revue trimestrielle des droits de l’homme, n/ 80, 2009 : - Franz Matscher “La Cour européenne des droits de l’homme, hier, aujourd’hui et demain, au lendemain de son cinquantième anniversaire - Regards d’un ancien juge de la Cour”, p. 901. - Alec Stone Sweet, “Sur la constitutionnalisation de la Convention européenne des droits de l’homme : cinquante ans après son installation, la Cour européenne des droits de l’homme conçue comme une Cour constitutionnelle”, p. 923. - Roger Koussetogue Koudé, “Pertinence et défauts de pertinence des récusations de la Déclaration universelle des droits de l’homme”, p. 945 - Laurence Potvin-Solis, “La liaison entre le principe de non-discrimination et les libertés et droits fondamentaux des personnes dans les jurisprudences européennes”, p. 967. - Céline Romainville, “Contentieux irakien et extra-territorialité : de la nécessité de dépasser Bankovic”, p. 1007. - Aurélien Antoine, “Responsabilité de l’Etat et déportation des juifs - Réflexions à partir de l’avis d’Assemblée du Conseil d’Etat de France du 16 février 2009, Hoffman-Glemane”, p. 1037. - Nicolas Bernard, “Le droit au logement dans la Charte sociale révisée : à propos de la condamnation de la France par le Comité européen des droits sociaux (Comité européen des droits sociaux, ATD-Quart Monde c. France et FEANTSA c. France, 5 décembre 2007)”, p. 1061 - Gauthier de Beco, “L’expulsion des étrangers mineurs délinquants : une lueur de clarté dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (Cour européenne -199- des droits de l’homme, Gde Ch., Maslov c. Autriche,119 23 juin 2008, req. n/ 1638/03)”, p. 1091. - Baptiste Nicaud, “La Cour européenne des droits de l’homme face à la caricature de presse (Cour européenne des droits de l’homme, Leroy c. France,120 2 octobre 2008, req. n/ 36109/03)”, p.1109. 119 Arrêt commenté dans la veille bimestrielle n/ 20 p. 49 120 Arrêt commenté dans la veille bimestrielle n/ 21 p. 44 -200- CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE T Pierre Arhel, “Propriété intellectuelle - Registre des indications géographiques : la Communauté européenne assouplit sa position à l’OMC”, in : Les Petites Affiches, n/ 177, 4 septembre 2009, p. 9. T Michel Attal, “Union européenne et convention de la Haye de 2005 sur les accords d’élection de for : vers un droit communautaire de source non communautaire”, in : Le Dalloz, n/ 35, 15 octobre 2009, p. 2379. T Maxime Baudouin, “Le bilan de santé de la PAC”, in : Revue Europe, n/ 10, octobre 2009, p. 4. T François Boulanger, “L’affaire des « mineurs nordiques » : la Cour détermine la « résidence habituelle » et précise le régime des mesures conservatoires”, in : La semaine juridique, Ed. Gnle, n/ 41, 5 octobre 2009, p. 33 T David Boulanger et Emanuele Calo, “Le notaire et les obligations extra contractuelles, Règlement (CE) n/ 864/2007, du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles Rome II”, in : La semaine juridique, Ed. notariale et immobilière, n/ 41, 9 octobre 2009, p. 17 T Patrice Bouteiller, “La transposition en droit français des dispositions européennes régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement”, in La semaine juridique, Ed. Entreprise et affaires, 24 septembre 2009, n/ 39, p. 11, alerte n/ 1897. T Laurence Burgorgue-Larsen, “Chronique de jurisprudence européenne comparée (2008)”, in : Revue de droit public, n/ 4, 2009, p.1245. T Nadège Chapier-Granier, “Premier jalon législatif communautaire sur les « redevances aéroportuaires » - Commentaire de la directive n/ 2009/12/CE du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires”, in : Revue de droit des transports n/ 9, septembre 2009, étude 11. « Les redevances aéroportuaires opposent exploitants aéroportuaires et compagnies aériennes. Au-delà de cet aspect, elles sont l’instrument de la régulation aéroportuaire. La directive qui vient d’être adoptée par l’Union européenne s’intéresse surtout au premier volet et pose des bases pour progresser au regard du second. » (résumé) T Emmanuel Dieny, “Entraves à la concurrence dans le secteur pharmaceutique : la Commission européenne publie son rapport final”, in : Revue Contrats-ConcurrenceConsommation, octobre 2009, p. 2. T Sous la direction de Daniel Gabdin, “Chronique de jurisprudence communautaire 2008”, in : Revue de droit rural, août-septembre 2009, p. 9. T Laetitia Driguez “Refonte de la directive 2009/38/CE du 6 mai 2009 sur le comité d’entreprise européen : un rendez-vous manqué”, in : Revue Europe n/ 8-9, août-septembre 2009, p. 14. T Loïc Grard, “Le « vieux » règlement n/ 3976/87 relatif aux ententes aériennes disparaît, pour laisser place à un texte aux règles rajeunies et codifiées”, in : Revue de droit des transports, n/ 9, septembre 2009, comm. 177. -201- T Loïc Grard, “Refonte de la législation européenne fixant les normes et règles de sécurité pour les navires de passagers”, in : Revue de droit des transports n/ 9, septembre 2009, comm. 178. T Loïc Grard, “L’avenir de la politique européenne des transports”, in : Revue de droit des transports, n/ 10, octobre 2009, repère 9. T Loïc Grard, “Panorama des apports du paquet « Erika III » à la sécurité maritime européenne”, in : Revue de droit des transports, n/ 10, octobre 2009, étude 13. T Romain Grau, “Application discriminatoire d’une retenue à la source sur les dividendes versées à une SICAV”, in : Revue de droit fiscal, n/ 36, 3 septembre 2009, p. 60. T Laurence Idot, “Concurrence : vers de nouveaux règlements d’exemption en matière de restrictions verticales”, in : Revue Europe n/ 8-9, août-septembre 2009, p. 2. T Thomas Mastruello, “La transposition en droit français de la directive sur les fusions transfrontalières : une avancée et des regrets”, in : Revue Europe, n/ 8-9, août-septembre 2009, p. 5. T Cyril Nourissat, “ Nouveau recours en manquement engagé par la Commission à propos de la condition de nationalité du notaire, Quelques brèves réflexions”, in : La semaine juridique, Ed. Notariale et immobilière, n/ 40, 2 octobre 2009, p. 13. T S. Lavric, “Exercice de la profession d’expert-comptable par les ressortissants européens”, in : Le Dalloz, 17 septembre 2009, n/ 31, p. 2100. T Jean-Philippe Lhernould, “La coordination des régimes nationaux de sécurité sociale hors des règlement n/1408/71 et n/ 883/2004 : constat de faiblesse ou tremplin pour de nouvelles ambitions ?”, in : J.C.P, Ed. Gnle, n/ 41, 6 octobre 2009, p. 13. T Pascal Lokiec, Patrick Rémy et Sophie Robin-Olivier, “La transposition de la directive 2004/14 sur l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne”, in : Revue du droit du Travail, n/ 9, septembre 2009, p. 537. T Ismaël Omarjee, Emmanuelle Claudel, Jérémie Vialens, Jean-Sylvestre Bergé, “Approche critique du vocabulaire juridique européen : la notion d’intérêt communautaire en droit européen de la concurrence- chronique de droit européen et droit comparé n/ XXIV”, in : Les petites Affiches, n/ 193, 28 septembre 2009, p. 7. T Hélène Peroz, “Vers une simplification du règlement des successions internationales pour la pratique notariale. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil IP/09/1508, 14 octobre 2009”, in : JCP, Edition notariale et immobilière, n/ 43-44, 23 octobre 2009, p. 5, alerte 679. T Tim Portwood, “Synthèse des jurisprudences européennes en matière de centre des intérêts principaux (COMI)” in : Cahiers de droit de l’entreprise, n/ 5, septembre 2009, dossier 29. « Le centre des intérêts principaux, également connu sous son acronyme anglais COMI, est au coeur du dispositif du règlement n/ 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité. Il est le critère qui déterminera, d’une part, si le règlement communautaire est applicable, et, d’autre part, la compétence du tribunal de la faillite, et ce faisant, la loi gouvernant la procédure d’insolvabilité. » T Judith Rochfeld, “Les ambiguïtés des directives d’harmonisation totale : la nouvelle -202- répartition des compétences communautaire et interne”, in : Le Dalloz, 10 septembre 2009, n/ 30, p. 2047. T E. Royer, “Marchés publics et droit communautaire : publication d’un décret effet utile”, in : Le Dalloz, 17 septembre 2009, n/ 31, p. 2100. T Denys Simon, “La Cour de Karlsruhe et le traité de Lisbonne : oui mais...”, in : Revue Europe n/ 8-9, août-septembre 2009, p. 1. T Pascal Wilhelm et Elise Provost, “La Cour de justice précise la notion d’objet contenue dans l’article 81 CE et impose le niveau de preuve des pratiques concertées requis”, in : Revue Lamy droit des affaires, août/septembre 2009, n/ 41, p. 45. -203- DOSSIER -204- COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME Audience de Grande chambre 21 octobre 2009 affaire Taxquet c. Belgique (req. n/ 926/05) - mise en délibéré • • • Dans son arrêt de chambre du 13 janvier 2009, la Cour de Strasbourg avait conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) en raison “des réponses laconiques [du jury d’assises] à des questions formulées de manière vague et générale”, et à la violation de l’article 6 §§ 1 et 3d) de la Convention “en ce que le requérant n’a pu à aucun moment de la procédure interroger ou faire interroger le témoin anonyme, dont les déclarations on été déterminantes pour aboutir à la condamnation”. L’affaire a été renvoyée devant la grande chambre à la demande du gouvernement belge. Les gouvernements français, irlandais et britannique ont été autorisés à intervenir en tant que tierces parties dans la procédure écrite. Ils ont pu déposer leurs mémoires devant la Cour européenne. Lors de l’audience, la parole a été donnée en premier à l’avocat du requérant puis au représentant du Gouvernement belge. Certains juges ont ensuite souhaité interroger les deux parties. Les arguments développés par le requérant : & Selon l’avocat du requérant, l’arrêt rendu par la chambre le 13 janvier 2009 (Taxquet c. Belgique) n’est pas un arrêt de rupture mais il s’inscrit plutôt dans une logique jurisprudentielle de la Cour européenne. Evoquant la décision sur la recevabilité rendue le 15 novembre 2001 concernant l’affaire Papon,121 il affirme que la Cour y consacrait le principe de la motivation des arrêts de cours d’assises sur le fondement plus large du principe de motivation des décisions de justice. Il reconnaît la particularité de la procédure devant la cour d’assises dans laquelle les jurés n’ont pas à motiver leur intime conviction mais précise que dans l’affaire Papon, précitée, la Cour, pour prononcer l’irrecevabilité de la requête avait considéré que le nombre et la précision des questions posées aux membres du jury étaient suffisants pour permettre à l’accusé de 121 CEDH, Papon c. France, (Déc.), 15 novembre 2001, req. n/ 54210/00 : “la Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante reflétant un principe lié à la bonne administration de la justice, les décisions judiciaires doivent indiquer de manière suffisante les motifs sur lesquels elles se fondent. L’étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision et doit s’analyser à la lumière des circonstances de chaque espèce (arrêts Ruiz Torija et Hiro Balani c. Espagne du 9 décembre 1994, série A nos 303-A et 303B, p. 12, § 29, et pp. 29-30, § 27, et Higgins et autres c. France du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 60, § 42)” -205- comprendre les raisons pour lesquelles il avait été condamné et compensait l’absence de motivation de la décision. En revanche et sur le même raisonnement selon le requérant, la Cour constate dans l’arrêt Taxquet, que les quatre questions trop imprécises posées au jury sur la culpabilité de l’accusé ne lui permettaient pas de comprendre les raisons de sa condamnation. Concernant la pratique en droit interne, le requérant explique que la législation belge n’a pas encore été modifiée mais que la Cour de cassation belge vérifie, depuis l’affaire Taxquet, si de facto le condamné a reçu une motivation suffisante qui lui permet de comprendre les raisons de sa condamnation. & Le requérant expose par ailleurs certains arguments juridiques en faveur de cette obligation de motivation des arrêts de cour d’assises : L’article 6 § 1 de la Convention prévoit le principe de motivation de toute décision judiciaire, tant civile, que pénale. Une telle motivation constitue une condition de garantie du procès équitable. Il explique qu’une application moins stricte de ce principe s’agissant d’une procédure pouvant aboutir à des sanctions parmi les plus lourdes, puisque privatives de liberté, semblerait donc incompréhensible. En outre, le caractère public du procès consacré par l’article 6 § 1 de la Convention implique également une explication au public des raisons de la condamnation ou de l’acquittement de l’accusé. Enfin, l’article 6 § 3 a) de la Convention prévoit que l’accusé a le droit d’être informé de « manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ». Dans ces conditions, il serait logique que celui-ci puisse également connaître la cause de sa condamnation. L’avocat du requérant avance également des arguments de « pure humanité » tant pour le condamné qui aura pu soutenir son innocence, de connaître la raison de sa condamnation que pour la famille de la victime après l’acquittement de l’accusé. Il considère même que pour l’image de la justice dans la population la motivation des arrêts de la cour d’assises doit être le principe, précisant qu’il s’agit notamment d’empêcher, à la presse ou au public d’affabuler sur les raisons de la décision (raisons politiques, talent de l’avocat..). La problématique de l’erreur judiciaire plaide également en faveur de la motivation des arrêts de cours d’assises. A cet égard, il relève la difficulté pour un jury populaire de faire prévaloir le bénéfice du doute en faveur de l’accusé sur leur intime conviction. L’actualité alimente cette hypothèse ; en effet plusieurs personnes ayant effectué de nombreuses années en prison ont été récemment innocentées par des tests ADN. Tout en précisant qu’il ne relève pas de la compétence de la Cour européenne de se prononcer sur le bien fondé ou non des jurés d’assises, le requérant soutient qu’à défaut de supprimer les jurys non professionnels, il serait sans doute bénéfique d’ajouter aux jurés des magistrats professionnels de façon à éviter que la décision ne soit que le reflet des opinions et sensibilités dominantes à un moment donné dans la société, les jurés n’étant pas toujours représentatifs de la population. L’avocat du requérant conclut sur ce point en demandant à la Cour européenne de dire que son client aurait dû bénéficier d’une motivation réelle et précise de sa condamnation ; il lui demande notamment de préciser qu’une réponse par oui ou par non ne saurait être suffisante, y compris en cas de questions multiples. Concernant l’absence de recours devant un organe de pleine juridiction contre la décision de condamnation de Monsieur Taxquet, constatée par la deuxième section de la Cour européenne dans son arrêt de janvier 2009, l’avocat du requérant relève qu’en l’espèce un tel recours aurait -206- certainement été utile au requérant car rien, précise-t-il, ne laisse penser qu’une seconde juridiction n’aurait pas statué différemment dans son cas. Enfin, le requérant répond par avance à l’argumentation du gouvernement selon laquelle la procédure prévue actuellement devant la cour d’assises permet à l’accusé de comprendre systématiquement la raison pour laquelle il est condamné. Or, il expose que tel n’est pas toujours le cas et que parfois le verdict rendu par le jury surprend. Le cas d’espèce était selon lui, d’une complexité particulière compte tenu notamment du nombre de pièces d’instruction rendues nécessaires et jointes au dossier et l’issue n’apparaissait pas comme certaine. Dans ces conditions, le requérant ignore toujours les raisons pour lesquelles il a été condamné. Le requérant maintient ses demandes faites au titre de la satisfaction équitable en réparation de son préjudice moral. Les arguments défendus par le Gouvernement belge : & A titre liminaire, le représentant du Gouvernement insiste sur l’importance capitale que représente l’affaire Taxquet, tant pour la Belgique dont la législation est directement mise en cause, que pour d’autres Etats membres, dont la France, et les deux pays de Common law, tiers intervenants au procès. En effet, il résulte de l’arrêt rendu le 13 janvier 2009 par la deuxième section de la Cour européenne que la procédure devant les cours d’assises en Belgique ne respecte pas les conditions prévues à l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (droit à un procès équitable), en raison de l’absence de motivation des décisions rendues par les jurés qui se prononcent en fonction de leur intime conviction. & L’arrêt rendu par la Cour le 13 janvier 2009 constitue, selon lui, un revirement de sa jurisprudence. En effet, selon le Gouvernement belge, jusqu’à ce jour, la Cour européenne n’avait jamais condamné ce système. De surcroît, il précise qu’au travers de la décision d’irrecevabilité rendue le 15 novembre 2001 dans l’affaire Papon, précitée par le requérant, elle avait spécifié que “les organes de la Convention ont déjà eu à se prononcer sur la compatibilité avec la Convention de systèmes similaires au système français ” et qu’il ne “lui appartient pas en tout état de cause de se prononcer in abstracto sur la conformité du système français avec l’exigence de motivation découlant de l’article 6 § 1 de la Convention.” Enfin, il relève que dans l’arrêt récent, Goktepe c. Belgique 122 rendu le 2 juin 2005, la Cour européenne n’avait pas non plus remis en cause le système applicable aux cours d’assises belges. & Le Gouvernement belge soutient que la Cour, en statuant comme elle l’a fait dans son arrêt de chambre, a outrepassé son rôle et qu’en condamnant l’Etat belge, elle s’est davantage comportée en législateur qu’en juge. En effet, au lieu d’apprécier la compatibilité avec la Convention de la procédure devant les cours d’assises concernant M. Taxquet, elle a posé le principe de la nécessité de motiver les arrêts 122 CEDH, Goktepe c. Belgique du 2 juin 2005 - req. n/ 50372/99 - violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison du défaut de précision des questions posées aux jurés s’agissant des circonstances aggravantes. Cet arrêt a par la suite entraîné une modification (personnalisation) des questions posées aux membres du jury. -207- rendus par les jurés. De même, en statuant ainsi, les juges de Strasbourg ont, selon lui, failli à la mission qui leur était confiée de garantir le respect des droits de l’homme en vérifiant si le système judiciaire en cause comportait les standard minimums prévus par la Convention. Le Gouvernement précise enfin qu’il n’appartient pas à la Cour d’imposer un système plutôt qu’un autre. S’agissant des conséquences de l’arrêt Taxquet, le Gouvernement expose que pour mettre en conformité avec la Convention sa procédure devant la cour d’assises, il serait indispensable de modifier la législation. Dans l’attente de cette modification qui ne peut intervenir immédiatement, la jurisprudence doit s’adapter afin de prendre en compte la nouvelle jurisprudence européenne. A cet égard, il s’interroge sur les affaires qui, portées devant la Cour de cassation belge, seraient susceptibles d’être cassées, sur les procès à venir et plus généralement sur les modalités à mettre en œuvre pour organiser la motivation des décisions rendues par les jurés non professionnels. & Le Gouvernement belge propose de répondre aux quatre questions que la Cour européenne lui avait posées. Il s’agit des quatre questions suivantes : 1 - le fait que la décision du jury ne soit pas motivée est-il compatible avec l’article 6 de la Convention ? 2 - L’absence de recours devant un organe de pleine juridiction est-elle compatible avec l’article 6 de la Convention ? 3 - Y a-t-il violation de l’article 6 de la Convention en raison de l’impossibilité pour le requérant d’interroger un témoin anonyme ? 4 - y a-t-il violation de l’article 6 de la Convention du fait de l’impossibilité pour lui de faire entendre certains témoins ? & Il considère que les questions 2 et 4 ne nécessitent qu’une courte réponse et que ces deux points soulevés par la Cour ne sont pas de nature à constituer une violation de l’article 6 de la Convention. En effet, sur le premier point, il rappelle une jurisprudence constante de la Cour selon laquelle l’article 6 § 1 de la Convention n’oblige pas les Etats contractants à organiser un double degré de juridiction. Ce point est d’ailleurs confirmé dans l’affaire Zarouali c. Belgique ainsi que dans l’arrêt Taxquet du 13 janvier 2009. S’agissant du refus d’entendre certains témoins, le Gouvernement rappelle qu’il appartient aux juridictions nationales d’apprécier la pertinence des témoignages et soutient que dans ces conditions, nulle violation ne peut donc être soulevée à ce titre. & Sur la première question portant sur la motivation des décisions des jurés, une jurisprudence constante, notamment illustrée par les affaires Papon c. France et Zarouli c. Belgique, prévoit que “L’exigence de motivation doit aussi s’accommoder de particularités de la procédure, notamment devant les cours d’assises où les jurés ne doivent pas motiver leur intime conviction”. Cependant, dans l’affaire en cause, la juridiction strasbourgeoise avait affirmé que le requérant n’était pas en mesure de comprendre la décision des jurés. Le Gouvernement considère que cette conclusion n’est qu’un simple postulat ne résultant d’aucun raisonnement. Il considère que si la Cour avait envisagé la procédure devant la cour d’assises dans sa globalité pour rechercher sa conformité à la Convention européenne, et sans seulement s’attacher à la nécessaire motivation des décisions, elle aurait probablement conclu à la non violation de l’article 6 de la Convention. -208- En effet, le Gouvernement belge rappelle que la procédure devant la cour d’assises comporte certaines garanties : Il rappelle tout d’abord que le jury est une émanation du peuple, prévue par la Constitution belge. Ensuite, il affirme que le caractère direct et oral de la procédure devant la cour d’assises permet à l’accusé de comprendre le raisonnement des jurés et le sens de la condamnation. Il souligne également que le procureur général rédige un acte d’accusation, dans lequel il analyse des circonstances de faits de la cause, acte notifié à l’accusé et que celui-ci pourra ensuite contester. Les débats sont libres et ouverts sur la liste des preuves, les témoins utiles sont entendus ainsi que les experts et les enquêteurs. Enfin, la procédure est entièrement contradictoire et tant l’accusé que les membres du jury peuvent interroger ces personnes. Le Gouvernement précise que les jurés se prononcent sur la culpabilité de l’accusé en fonction d’une liste de questions dont le nombre est précisé dans l’acte d’accusation, que ces questions peuvent être modifiées à la demande de l’accusé qui peut également demander à ce que certaines soient ajoutées. Depuis l’arrêt Goktepe c. Belgique, les questions soumises au jury sont individualisées, notamment en ce qui concerne les circonstances atténuantes et aggravantes. Le Gouvernement reconnaît à cet égard que le procès Taxquet étant antérieur à l’affaire Goktepe, le requérant n’a pu bénéficier de cette modification et il laisse à la Cour le soin de préciser si, en l’espèce, les questions posées étaient suffisamment précises et individualisées. & Sur la troisième question portant sur le refus opposé au requérant par la cour d’assises de faire entendre son témoin anonyme, le Gouvernement y voit une contradiction entre le fait que le requérant d’une part, prétend ne pas avoir compris la raison de sa condamnation et d’autre part, soutient que sa condamnation ne repose que sur l’absence de prise en compte de ce témoignage. En l’occurrence, le Gouvernement observe qu’il résulte des pièces du dossier qu’il n’apparaît nullement que la déposition du témoin anonyme aurait pu permettre la manifestation de la vérité et que les décisions rendues par la cour d’assise rejetant la demande du requérant précisaient qu’aucun des renseignements de ce témoin n’avait pu être corroboré par des éléments de preuve. Il en conclut qu’on ne pouvait donc accorder aucun poids à ce témoignage en tant qu’élément de preuve. Par ailleurs, il rappelle qu’il résulte du dossier d’instruction ainsi que de l’acte d’accusation que la culpabilité du requérant ne repose pas comme celui-ci l’affirme, sur ce seul témoignage. Le Gouvernement tient enfin à préciser que l’article 352 du code de l’instruction criminelle permet au président de la cour d’assises qui constaterait que les jurés se trompent au fond, de surseoir à statuer et de renvoyer l’affaire devant un autre jury. Or, dans la présente affaire, le président de la cour d’assises n’a pas jugé utile de recourir à cet article. Le Gouvernement belge demande à la Cour de constater la non violation de la Convention. S’agissant enfin de la demande de satisfaction équitable formulée par le requérant, le Gouvernement estime que le requérant se prévaut davantage d’une perte de chance que d’un réel dommage ; il laisse à la Cour le soin de l’apprécier si une violation venait à être constatée. En fin d’audience, les juges de Strasbourg posent diverses questions aux parties : -209- Questions posées plus particulièrement au requérant : NB : L’avocat qui avait assisté le requérant lors de son procès d’assises intervient pour répondre aux questions relatives au procès. - Madame la juge Berro-Lefèvre demande si un acte de défense a été rédigé par le requérant contre l’acte d’accusation, quels sont les arguments soulevés en défense par le requérant et enfin, combien de témoins et d’experts ont été entendus au cours du procès ? Selon l’avocat du requérant, aucun acte de défense ne pouvait être rédigé, puisque le ministère public ne produisait aucun élément matériel à charge et que l’accusation ne reposait que sur le témoignage des co-accusés ainsi que d’un témoin anonyme. Il précise par ailleurs qu’environ 350 à 400 témoins ont été interrogés, dont une dizaine d’experts (psychiatres, médecins légistes, experts en explosif). Cependant, il rappelle que le procès a eu lieu près de 12 ans après l’assassinat du Ministre et que de nombreux témoins reconnaissaient que leur témoignage ne pouvait être qu’approximatif. Il ajoute que le principal accusé du meurtre du Ministre s’était suicidé avant l’ouverture du procès et soutient que son client qui était le secrétaire particulier de cette personne s’est alors retrouvé en première ligne. Concernant les arguments invoqués par la défense, l’avocat du requérant explique avoir soulevé l’absence de mobile de son client et estime que le ministère public le reconnaissait. - Mme Tulkens, juge, demande au requérant, s’agissant des questions posées aux membres du jury, s’il a demandé des modifications ou s’il a souhaité que certaines autres questions soient posées ? L’avocat précise que les quatre questions posées aux jurés étaient, comme l’a relevé la chambre de la Cour européenne, particulièrement vagues. Il relève que personne n’a posé de question supplémentaire puisque celles-ci étaient à leurs yeux les seules questions qui pouvaient éventuellement être posées. Questions posées plus particulièrement au Gouvernement : - M. le juge Spielmann demande au Gouvernement de préciser si l’article 352 du code de l’instruction criminelle qui permet au président de la cour d’assises qui constaterait que les jurés commettent une erreur quant au fond, de renvoyer l’affaire devant un autre jury, est en pratique, souvent utilisé ? Le Gouvernement répond qu’à trois occasions seulement il a été fait recours à cette possibilité de surseoir à statuer pour renvoyer devant un autre jury. - Mme le juge Berro-Lefèvre demande au Gouvernement de préciser l’état actuel de l’évolution de la législation belge en matière de motivation des arrêts de cours d’assises et de la jurisprudence interne, après l’arrêt Taxquet. L’avocat du requérant intervient et précise que les présidents des cours d’assises demandent actuellement aux jurés les raisons du verdict de culpabilité qu’ils ont rendu. Puis, trois magistrats professionnels et les douze membres du jury expliquent la décision et donnent finalement les -210- motivations recueillies par le président auprès des seuls jurés. Le système est donc, aux yeux de l’avocat du requérant, « particulièrement boiteux ». En revanche, il annonce que, le même jour que l’audience devant la Cour européenne, se tenait en Belgique, dans la province du Luxembourg belge, un procès devant une cour d’assises à l’issue duquel le président de la cour a demandé aux jurés, pour la toute première fois, de revenir avec un verdict motivé. Le Gouvernement constate également que la jurisprudence de la Cour de cassation belge a déjà intégré l’arrêt Taxquet, notamment par un arrêt de revirement de jurisprudence intervenu au mois de juin 2009, où elle a vérifié si la motivation donnée à l’accusé était suffisante. S’agissant du projet de modification de la loi, il expose que celui-ci, aurait été déjà adopté devant la Chambre, et serait renvoyé devant le Sénat. Mais il précise qu’il doit appartenir au seul gouvernement d’apprécier la nécessité de procéder à des réformes hormis les cas dans lesquels l’impulsion émane du peuple souverain belge. - M. le juge Jebens demande si le président de la cour d’assises avait donné des indications aux membres du jury quant aux questions factuelles ou au contenu de la loi ? Sur ce point, l’avocat du requérant précise qu’aucune information ou précision n’avait été donnée aux membres du jury. Le Gouvernement explique quant à lui que l’article 312 du code de l’instruction criminelle ne prévoit pas que le président informe les jurés sur ces points, que la pratique varie selon les présidents de cours d’assises, et qu’il est juste précisé aux jurés qu’ils doivent statuer selon leur intime conviction. - M. le juge Zupancic demande enfin au Gouvernement si, à son avis, la question de la motivation des arrêts de cour d’assises se serait posée de la même façon si le procès Taxquet s’était déroulé après l’arrêt Goktepe c. Belgique. Le représentant du Gouvernement renvoie la Cour européenne à sa propre question et précise qu’il souhaite que la Cour de Strasbourg se prononce sur l’affaire en l’espèce et non, in abstracto, sur la procédure belge. L’affaire a été mise en délibéré. -211- DOCTRINE Commentaires de l’arrêt de chambre Taxquet c. Belgique du 13 janvier 2008 : - Julien Simon-Delcros : “Cour d’assises levez-vous !”, in : Gazette du Palais, 14 mai 2009, n/ 134, p. 3 - François Desprez : “Le contrôle accru de la Cour européenne des droits de l’homme quant à la motivation des arrêts d’assises”, in : Gazette du Palais, 14 mai 2009, n/ 134, p. 11 (note sous arrêt CEDH, 13 janvier 2009, Taxquet c. Belgique, req. n/ 926/05). - Laurent Berthier, Anne-Blandine Caire : “La motivation des décisions de justice et la Convention européenne des droits de l’homme - de l’intime conviction des jurys d’assises à la conviction des destinataires des décisions de justice. Réflexions autour de l’arrêt Taxquet c. Belgique, 13 janvier 2009, req. n/ 926/05”, in : RFDA, 2009, p. 677. - Jean-François Renucci : “Intime conviction, motivation des décisions de justice et droit à un procès équitable”, in : Le Dalloz, 2009, p. 1058. - Michel Huyette : “Quelles réformes pour la cour d’assises ?”, in : Le Dalloz, 2009, p. 2437. - Jean-Pierre Marguénaud : “Tempête européenne sur la cour d’assises”, in : Revue de science criminelle, 2009, p. 657. - William Roumier : “La motivation des arrêts de cours d’assises est contraire aux dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme”, in : Droit pénal, n/ 3, mars 2009, alerte 12. - Nathalie Fricero : “Motivation des décisions et impartialité du jury d’assises”, in : Procédures, n/ 4, avril 2009, comm. 116. - Michèle-laure Rassat : “Encore et toujours la Cour européenne des droits de l’homme”, in : JCP, Ed. G., n/ 16, 15 avril 2009, act. 200. - Haritini Matsopoulou : “A propos du rapport du Comité de réflexion sur la justice pénale”, in : J.C.P, Ed. G., n/ 38, 14 septembre 2009, 236. - Didier Guérin : “Les droits de la défense et de la partie civile dans la phase préparatoire au procès pénal selon le rapport du Comité de réflexion sur la justice pénale”, in : Droit pénal, n/ 10, octobre 2009, dossier 6. -212-