Internet et relations de travail - Docassas
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BANQUE DES MEMOIRES Master Droit et Pratique des relations de travail Dirigé par Bernard Teyssié 2011 Internet et relations de travail Maurice Monnot Sous la direction de Bernard Teyssié LISTE DES ABRÉVIATIONS ARCEP Autorité de régulation des communications électroniques et des postes Ass. plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation BDSG Bundesdatenschutzgesetz, loi fédérale allemande sur la protection des données BGBI Bundesgesetzblatt, Bulletin législatif allemand BO Bulletin officiel Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation C. civ. Code civil C. com. Code de commerce C. consom. Code de la consommation C. élect. Code électoral C. pén. Code pénal C. trav. Code du travail CA Cour d’appel Cass. ch. mixte Chambre mixte de la Cour de cassation Cass. civ. 1ère Première chambre civile de la Cour de cassation Cass. civ. 2ème Deuxième chambre civile de la Cour de cassation ème Troisième chambre civile de la Cour de cassation Cass. civ. 3 Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation Cass. req. Chambre des requêtes de la Cour de cassation Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassation CEDH Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales CHSCT Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail CJUE Cour de justice de l’Union européenne CNIL Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés Concl. Conclusions Cons. const. Conseil constitutionnel -2- Cons. d’Etat Conseil d’Etat Conv. Convention CPC Code de procédure civile CPH Conseil de prud’hommes CPI Code de la propriété intellectuelle comm. Commentaire D. Recueil Dalloz DDHC Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen Délib. Délibération DIRECCTE Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi DGT Direction générale du travail, anciennement DRT Dr. ouv. Droit ouvrier Dr. soc. Droit social DRT Direction des relations de travail, ex-DGT EEE Espace économique européen G29 Groupe « Article 29 » regroupant les CNIL européennes Gaz. Pal. Gazette du Palais HALDE Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité IR Informations rapides JCL Jurisclasseur JCP Jurisclasseur périodique, édition générale JCP-E Jurisclasseur périodique, édition entreprise et affaires JCP-S Jurisclasseur périodique, édition sociale JO Journal officiel JOCE Journal officiel des Communautés européennes JSL Jurisprudence sociale Lamy JS UIMM Jurisprudence sociale de l’Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie L. Loi n° Numéro obs. Observations OIT Organisation internationale du travail Ord. Ordonnance p. Page -3- préc. Précité PUF Presse universitaire de France Recomm. Recommandation RDT Revue de droit du travail RJS Revue de jurisprudence sociale RLDI Revue Lamy Droit de l’Immatériel S. Sirey Sem. soc. Lamy Semaine sociale Lamy T. corr. Tribunal correctionnel TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne TGI Tribunal de grande instance TI Tribunal d’instance TIC Technologies de l’information et de la communication TPS Travail protection sociale -4- SOMMAIRE INTRODUCTION 7 TITRE I. INTERNET ET RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL 18 CHAPITRE 1. LA FORMATION DE LA RELATION DE TRAVAIL 18 CHAPITRE 2. LES INCIDENCES SUR LA RELATION DE TRAVAIL 51 TITRE II. INTERNET ET RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL 92 CHAPITRE 1. LA REPRESENTATION COLLECTIVE 93 CHAPITRE 2. L’ACTION COLLECTIVE 106 CONCLUSION GÉNÉRALE 125 BIBLIOGRAPHIE 129 INDEX ALPHABÉTIQUE 132 TABLE ANALYTIQUE 135 -5- Ce qui échoit à un homme lorsqu’un droit d’un autre s’efface n’est donc qu’une diminution correspondante des obstacles qui nuisaient à l’exercice de son propre droit originaire Thomas HOBBES, Léviathan, 1651 -6- INTRODUCTION Historique 1. L’industrialisation des sociétés occidentales trouve racine au Royaume-Uni au XVIIIème siècle et en France au XIXème siècle. Depuis, les techniques n’ont cessé d’évoluer pour aboutir aux technologies de l’information et de la communication (en anglais, Information and communication technologies, ICT). Ce nouvel outil de travail des salariés regroupe les techniques utilisées pour le traitement et la transmission des informations. Au premier plans desquelles Internet, abréviation de International Network. 2. Le réseau Internet est né pendant la Guerre Froide. En 1957, le département d’État à la Défense des Etats-Unis crée l'Agence pour les projets de recherche avancée (Advanced Research Project Agency, ou ARPA) afin de mettre sur pied un réseau de télécommunications informatique qui permette aux chercheurs universitaires et aux fournisseurs militaires de s’échanger des données et de coordonner leurs activités. Le projet donne naissance au réseau Arpanet (Advanced Research Project Agency Network). La première liaison est effectuée le 21 novembre 1969 à l'aide d'une ligne téléphonique entre deux ordinateurs installés à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA) et à l'Institut de recherche de Stanford. 3. Ce réseau n’est pas tributaire d'un centre de contrôle. Il fonctionne de façon décentralisée, suite au rapport livré par Paul Baran sur les risques liés à une centralisation des réseaux. La différence avec l’Intranet, réseau fermé qui se retrouve dans les entreprises, se situe sur ce point. La mise hors d’usage du noyau central paralyserait l’ensemble du réseau. A ce noyau est substituée une architecture composée d’une multitude de connexions, dont la configuration globale évoque une toile d’araignée. Chaque ordinateur du réseau peut communiquer avec tous les autres ordinateurs. -7- Une mutation dans l’emploi 4. Ainsi, dans sa conception même, Internet modifie les frontières de l’entreprise en permettant, dans un sens, l’accès de ses collaborateurs à l’extérieur. Pour faciliter et dissimuler ces moments de liberté, des navigateurs, Firefox et Google Chrome, proposent des extensions, nommées respectivement Boss Key et Boss Button, qui permettent de faire disparaître la fenêtre sur laquelle le salarié en train de naviguer. Pourtant, dans l’autre sens, l’employeur acquiert grâce à Internet une faculté de surveillance des salariés. Il s’agit de toute la problématique du respect de la vie privée (A) mais également de la collecte des informations personnelles (B). Parallèlement, les risques de fuites augmentent. L’accès à Internet expose l’entreprise comme le particulier aux risques d’intrusion et donc aux risques de vol ou de destruction d'informations, par le biais de virus. Des outils comme le filtrage, le cryptage, ou le contrôle d’accès aux outils et applications permet de lutter contre les tentatives de piratage. Les conflits demeurent pourtant présents. Le réseau donne enfin un plus grand auditoire aux propos tenus à l’encontre de l’employeur. C’est la question de la liberté d’expression des salariés et de leurs représentants (C). A) La protection de la vie privée 5. Internet permet l’introduction de données de la vie personnelle sur le lieu de travail. Les frontières entre vie privée et vie professionnelle du salarié deviennent poreuses. L’article 1er de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative aux fichiers et aux libertés déclare que « l’informatique doit être au service de chaque citoyen. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’Homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ». Le Code pénal comprend des mesures visant à assurer l’effectivité de cette déclaration. L’article 226-15 sanctionne notamment les atteinte au secret de la correspondance. 6. La loi française du 31 décembre 1992 relative aux libertés individuelles dans l’entreprise impose à l’employeur le respect du principe de loyauté impliquant une information obligatoire des dispositifs de contrôle et de proportionnalité au regard de la finalité poursuivie. Cette règle a été rappelée par la Cour de cassation1. L’employeur ne peut installer des moyens de surveillance à l’insu des salariés. Il est réaffirmé que le salarié bénéficie du respect de sa vie 1 Cass. soc., 15 mai 2001 n°99-42.219 -8- privée même au lieu et au temps de travail. Le contrat de travail est avant tout une convention soumise aux règles de droit commun et exécuté de bonne foi en vertu de l’article L. 1221-1 du Code du travail. Pourtant, Internet est conçu dès l’origine comme un outil d’interaction. Où qu’il soit dans le monde, un internaute peut accéder au contenu mis en ligne sur une page Internet. Des éléments de sa vie privée pénètrent en flot continu dans l’entreprise. Le respect à la vie privée protégé par divers textes tant au niveau national qu’au niveau supranational. Deux droits vont entrer en conflit. L’employeur va voir entraver son pouvoir de direction issu de la liberté d’entreprise par le bénéfice de chaque salarié au respect de sa vie privée. Il s’agit d’une liberté fondamentale protégée par de nombreux textes en France comme dans d’autres pays. Un équilibre va devoir s’opérer, chacun d’eux s’effaçant pour permettre l’exercice de l’autre. Nous assistons, en faveur des deux parties contractantes, à une réduction des « obstacles qui nuisaient à l’exercice de [leur] propre droit originaire »2. 7. Instruments supranationaux. L’Union européenne s’est saisie de la protection générale de la vie privée des individus à l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne3. La Charte, en vertu du traité de Lisbonne du 13 décembre 2007, a un caractère juridiquement contraignant pour l’Union européenne et la plupart des États membre, à l’exclusion du Royaume-Uni et de la Pologne. La Hongrie et la République Tchèque, pour leur part, ont déjà annoncé leur intention de ne plus être liés à cette Charte. Au niveau extra-communautaire, le respect de la vie privée est largement rappelé, que ce soit à l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ou à l’article 17 du Pacte international des droits civils et politiques. Plus particulièrement, l’article 8 de la CEDH trouve une application autonome dans tous les Etats signataires. Il peut être directement invoqué devant les juridictions nationales par les parties à un litige. Cet article proclame le droit de toute personne au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » mais organise un régime de restrictions si celles-ci sont « prévues par la loi [et] nécessaires, dans une société démocratique ». Cet article établit clairement une protection contre les immixtions illégales dans la vie privée des personnes, même à l’encontre des services de renseignement (terrorisme, espionnage économique), et a fortiori de la part de l’employeur. Le respect de cette disposition s’impose aux Etats signataires de la Convention qui ont dû tenir compte des libertés proclamées. 2 3 T. HOBBES, Léviathan, 1651 JOCE, 18 décembre 2000, C-364/01 -9- 8. Royaume-Uni. A titre d’illustration, le Human Rights Act 1998 donne effet en droit interne à l’article 8 de la CEDH alors que la common law était traditionnellement peu disposée à reconnaître un droit général à la protection de la vie privée4. Ainsi, un employeur est fondé à contrôler les entrées et les sorties des salariés afin d’établir si les horaires indiqués étaient falsifiés ou non5. Les actes de l’employeur doivent être conformes à la loi et nécessaires à la prévention d’un trouble ou d’un délit. Le droit anglais reprend la formulation de l’article 8 et fait une application souple, textuelle, du principe de proportionnalité. 9. Deux lois, le Regulation of Investigatory Powers Act 2000 (RIPA) et le Telecommunications Regulations Act (Lawful Business Practice) 2000 ont ouvert des possibilités de contrôle du courrier électronique. Un employeur peut prendre connaissance des courriers électroniques émis par un salarié en en son absence s’il est nécessaire de prendre possession d’un message à caractère professionnel. L’employeur ne peut en revanche pas ouvrir un courrier qui apparaît comme n’avoir aucun lien avec l’activité professionnelle. Pour lever tout ambiguïté, le salarié dispose de la faculté de l’identifier comme ‘personnel’6. Les juges disposent d’un pouvoir a posteriori de défense des libertés individuelles sur le fondement de l’habeas corpus. 10. Allemagne. Outre-Rhin, les juges admettent l’introduction d’une sphère privée dans l’entreprise. Ainsi, les appels téléphoniques passés dans les locaux de l’entreprise peuvent être couverts par la notion de vie privée. L’employeur ne peut les intercepter pour obtenir des informations à utiliser contre le salarié devant les tribunaux sans son accord préalable7. La protection a été étendue aux correspondances. L’employeur n’est pas autorisé à accéder au contenu de courriers électroniques privés8, à condition de pouvoir déterminer si le message a un caractère personnel et non professionnel. 11. La vie privée est également utilisée pour restreindre les possibilités de surveillance par caméra. En vertu de la BDSG, la surveillance des lieux ouverts au public est uniquement autorisée s’il n’existe pas d’indication pour faire prévaloir les intérêts légitimes des personnes concernées et si cela est nécessaire dans le but de permettre aux agences publiques de réaliser 4 Wainwright and another v. Home Office [2003] UKHL 53 McGowan v. Scottish Water [2005] IRLR 167 6 Information Commissioner’s Office : http://www.ico.gov.uk/upload/documents/library/data_protection/practical_application/coi_html/english/supple mentary_guidance/monitoring_at_work_3.html 7 Halford v. United [1997] IRLR 471 8 L. n°900-15 du 25 juillet 1996 sur les télécommunications, Telekommunikationsgesetz (TKG) 5 - 10 - leurs fonctions, d’éloigner les intrus ou de remplir des intérêts justifiés dans certaines situations définies comme la présomption d’un délit. Les données doivent être détruites dès qu’elles ne sont plus nécessaires à l’accomplissement du but poursuivi. Pour les locaux avec accès restreint, la BDSG ne trouve pas à s’appliquer. Les droits des personnes garantis par la Constitution incluent le droit de chacun à son image. La surveillance clandestine est seulement possible s’il existe de sérieux soupçons sur la commission d’un délit ou tout autre comportement accompli aux dépens de l’employeur. En vertu du principe de proportionnalité, la surveillance doit être la seule solution envisageable. 12. Belgique. La Commission belge de la protection de la vie privée a émis un avis rappelant les principes de transparence et de proportionnalité des contrôles. L’employeur ne peut pas prendre connaissance du courrier électronique des salariés mais peut contrôler leur nombre et leur volume afin d’assurer le bon fonctionnement du réseau informatique de l’entreprise. Concernant l’accès à Internet, les contrôles des sites consultés doivent se limiter à des données objectives restreintes9. 13. Etats-Unis. Outre-atlantique, la protection de la vie privée n’est pas établie avec la même vigueur. Aux Etats-Unis, la liberté d’entreprendre confère un droit quasi-absolu de surveillance des salariés. La loi américaine confère aux employeurs le droit presque absolu de surveiller l’utilisation d’Internet par leurs collaborateurs, pourvu qu'ils divulguent cette pratique. Elle s’inspire de la notion volontariste du ‘employment at will’ selon laquelle l’employé cède contractuellement ses droits en acceptant le poste. Les tribunaux américains vont vérifier l’effectivité de ce renoncement et non le respect des libertés fondamentales. De même, leurs courriers peuvent être interceptés sans que leur consentement ait été préalablement recueilli. Suite à la faillite d’Enron, le gouvernement américain a ainsi pu mettre en ligne, dans un soucis de transparence, 1,6 millions de messages d’anciens salariés. 14. Québec. La Cour d’appel du Québec a également reconnu qu’un employé n’est pas en droit de s’attendre à ce que ses conversations téléphoniques, lorsqu’elles sont effectuées durant les heures de travail par l’entremise d’appareils appartenant à son employeur, ne soient pas interceptées ou enregistrées par son employeur10. Il en découle que la vie privée n’est pas un droit absolu. Le pouvoir de direction de l’employeur accepté par la conclusion du contrat 9 Avis du 3 avril 2000 relatif à la surveillance par l’employeur de l’utilisation du système informatique sur le lieu de travail 10 Roy c. Saulnier [1992] R.J.Q. 2419 (C.A.) - 11 - de travail inclut le pouvoir de contrôle de l’activité du salarié. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada évoque même la possibilité d’un renoncement à un droit à une vie privée afin de permettre un contrôle de la part de l’employeur11. Les tribunaux s’attachent néanmoins à l’existence d’une politique d’entreprise sur l’utilisation d’Internet et du matériel électronique de l’entreprise. Il s’agit d’une illustration de l’obligation de loyauté liant les parties au contrat. L’absence d’une telle politique pourrait mener à la modification ou même à l’annulation d’une sanction disciplinaire12. Par ailleurs, la mesure de surveillance doit apparaître « comme nécessaire afin de vérifier le comportement du salarié et que, par ailleurs, elle soit menée de la façon la moins importune possible »13. Nous retrouvons la prévalence du principe de proportionnalité. B) La protection des données personnelles 15. Parallèlement, les entreprises augmentent leur présence sur la toile en créant des sites internet ou encore des groupes au sein de réseaux sociaux ou professionnels. Certaines y recueillent des éléments de la vie privée exposés au public. Pour autant, le traitement des données personnelles des individus est encadré. La loi française du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés14, dite Loi « Informatique et libertés », définit à son article 2 une donnée à caractère personnel comme « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ». 16. Instruments supranationaux. Le Conseil de l’Europe a étendu la protection du citoyen et de ses libertés fondamentales, plus particulièrement son droit au respect de sa vie privée, en prenant en compte l'augmentation des flux, nationaux et internationaux, de données personnelles au travers de traitement automatisés. La Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel de 198115 vise à protéger la vie privée des personnes tout en facilitant la libre circulation de l’information. Son article premier garantit « le respect de ses droits et de ses libertés fondamentales, et notamment de son droit à la vie privée, à l’égard du traitement automatisé de données à caractère personne la concernant ». Le texte incitait les pays membres à adopter une 11 Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : http://www.priv.gc.ca/index_f.cfm Commission des normes du travail c. Bourse de Montréal, D.T.E. 2002T-373 (C.Q.) 13 Syndicat des travailleuses et travailleurs de Bridgestone/Firestone de Joliette (C.S.N.) c. Trudeau [1999] R.J.Q. 2229 (CA) 14 L. n°78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite Loi « Informatique et libertés » 15 Conv. n°108 du 28 janvier 1981 12 - 12 - législation en matière de protection des données personnelles, ce qui était déjà le cas de la France avec la loi Informatique et liberté de 1978. Le principe de la collecte directe par le destinataire des données. Lorsque des personnes extérieures veulent en prendre connaissance, le propriétaire des données doit en être informé16. L’Organisation Internationale du Travail a également pris conscience très tôt du phénomène et a publié plusieurs études et notes d’informations, à valeur non contraignante17. Un document regroupant plusieurs directives à destination des employeurs a également été publié18. L’OIT préconise notamment que les traitements informatisés ne devraient pas servir à contrôler les comportements des travailleurs ou entraîner des discriminations illégales. 17. Une harmonisation des législations est devenue nécessaire et un texte à valeur contraignante a finalement été adopté. Il s’agit de la directive européenne du 24 octobre 199519, entrée en vigueur en 1998. La protection des données a depuis acquis une valeur supérieure avec sa consécration à l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Par ailleurs, l’article 16 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) pose que « toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant ». La directive reprend les principes généraux et les droits édictés dans la loi Informatique et libertés de 1978, parmi lesquels le droit d'accès et de rectification aux données, le principe du consentement, etc. Elle dispose que les données personnelles ne doivent pas être soumises à un traitement automatisé, sauf si celui-ci remplit les exigences de proportionnalité, de transparence et de finalité légitime. Enfin, l’article 28 demande à chaque Etat membre d'instituer une autorité de protection des données personnelles, sur le modèle général de la Commission nationale Informatique et libertés (CNIL) établie en France. La directive instaure parallèlement le Groupe de travail « Article 29 », ou G29, composé des CNIL européennes. Il est chargé d’émettre des recommandations sur la protection des données à destination des Etats membres. 16 Recomm. n°89 du 18 janvier 1989 Parmi les premiers textes, citons « L’impact des nouvelles technologies. Emploi et milieu de travail », 1982 et « Les partenaires sociaux face au changement technologique » (1982-1985), 1986, Revue trimestrielle Bulletin d’informations sociales. 18 Réunion d’experts sur la protection de la vie privée des travailleurs, Genève, 1-7 octobre 1996, ME WP/1996/5 19 Directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la circulation des données du 24 octobre 1995, JOCE n° L. 281 du 23 novembre 1995 17 - 13 - 18. La directive pourrait faire l’objet d’une refonte en 2011. La Commission européenne a lancé une consultation publique dans cet objectif. Il s’agirait notamment d’adapter son champ d’application territorial. En effet, en l’absence de reconnaissance mutuelle, les entreprises établies dans plusieurs Etats membres doivent respecter l’ensemble des législations nationales applicables. Un autre sujet de réflexion concerne l’article 7 de la directive qui dispose que les traitements de données à caractère personnel ne peuvent être effectués que si la personne a donné son consentement ou si le traitement répond à un fondement légitime : il est nécessaire à l’exécution du contrat auquel la personne est partie, respect d’une obligation légale, exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique, etc20. La refonte viserait notamment à clarifier la place du consentement au regard des finalités légitimes précitées21. 19. Allemagne. La directive du 24 octobre 1995 a vu ses principes transposés dans le secteur des télécommunications22 puis dans le secteur des communications électroniques23. Ces dispositions ont eu un impact limité sur les législations des Etats membres dans la mesure où certains pays avaient déjà mis en place un système de protection des données. Ainsi, la Bundesdatenschutzgesetz24 (BDSG), loi fédérale allemande sur la protection des données, disposait déjà que les opérations liées à la collecte, le traitement et l’utilisation des données personnelles des salariés ne peuvent être effectués qu’avec le consentement de des intéressés ou si une disposition spécifique le permet, comme les données nécessaires à l’établissement de la relation de travail (nom, adresse) ou à son exécution (comptabilisation des arrêts maladies). 20. Royaume-Uni. Pour les autres Etats, une transposition a été mise en oeuvre. La directive de 1997 sur le traitement des données à caractère personnel a été transposée au Royaume-Uni par le Regulation of Investigatory Powers Act 200025. Cette loi déclare que la confidentialité des communications électroniques doit être respectée. Certaines dérogations admises en matière de droit des affaires ne peuvent être mises en œuvre qu’à la condition que tous les efforts aient été faits pour avertir des possibilités d’interception des messages la personne amenée à utiliser le système surveillé. 20 Directive 95/46/CE, préc. note 18, art. 7b) à f) A. DEBET, « Informatique et libertés. Faut-il aujourd’hui réviser la directive 95/46/CE relative à la protection des données personnelles ? », D., 14 avril 2011, n°1034 22 Directive 97/66/CE du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications. JOCE n° L. 24 du 30 janvier 1998 23 Directive 2002/58 du 12 juillet 2002, JOCE n° L. 201/37 du 31 juillet 2002 24 L. du 20 décembre 1990, BGBl. I S. 2954 25 SI 2000/2699 21 - 14 - 21. Etats-Unis. La directive de 1995 a surtout affecté les relations entre l’Union européenne et ses partenaires commerciaux. En effet, elle pose un principe général d’interdiction du transfert de données personnelles en dehors des Etats non membres de l’Espace économique européen (EEE), composé des 27 Etats de l’Union européenne, de l’Islande, du Liechtenstein et de la Norvège. Par postulat, ils protégeraient les données personnelles à niveau inférieur. La notion de ‘sphère de sécurité’ (Safe Harbor) a été instaurée par le Département du Commerce des Etats-Unis, en concertation avec la Commission européenne. Elle permet à une entreprise américaine de certifier qu’elle respecte la législation en vigueur en Europe afin d'obtenir l'autorisation de transférer des données personnelles de l’EEE vers les Etats-Unis. 22. Les Etats-Unis prennent à leur tour conscience des risques d’atteintes aux libertés individuelles que présente Internet et les habitudes de certaines sociétés26. Le Sénat américain a été saisi le 12 avril 2011 d’un projet de loi visant à créer une charte du droit à la confidentialité des internautes. Le texte exige que les entreprises collectant des données personnelles proposent une possibilité de refuser cette collecte. Il s’agit de la transcription du principe de consentement en vigueur dans l’Union européenne. C) La liberté d’expression individuelle et collective 23. L’existence du contrat inclut un rapport de subordination entre un employeur et son collaborateur. La relation paraît inégale à l’origine même de la relation. Des regroupements de travailleurs ont été institués pour rétablir le rapport de force. Internet va permettre une meilleure interférence entre ces groupes et les salariés représentés. L’interaction prend la forme d’un dialogue entre les internautes, sur des forums de discussion (newsgroup), par le biais de commentaires postés à la suite d’un article en ligne ou par l’envoi de messages électroniques. Apparus en 2004, les blogs s’imposent en tant qu’outils de discussion et de diffusion d'informations personnelles. Tout internaute devient contributeur ; c’est l’avènement de l’ère dite du « Web 2.0 ». Sa liberté d’expression est posée à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, intégrée au sein du bloc de constitutionnalité, et à l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH). Elle s’impose au législateur et, comme valeur fondamentale, à l’employeur vis-à-vis de ses collaborateurs. 26 Projet déposé par les sénateurs John Kerry et John McCain : http://kerry.senate.gov/imo/media/doc/Commercial%20Privacy%20Bill%20of%20Rights%20Text.pdf - 15 - Une mutation de l’emploi 24. Le licenciement pour motif économique est consécutif « notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques »27. Ce dernier terme suggère l’existence d’incidences sur les postes occupés par des salariés suite à l’introduction d’une technologie dans l’entreprise. Selon l’administration du travail, « le caractère économique du licenciement doit être reconnu lorsque les salariés sont licenciés en raison de changements technologiques, sans qu'il y ait obligatoirement compression des effectifs de l'entreprise. Ainsi, dans le cadre d'une mutation technologique, la disparition de certaines qualifications peut entraîner des licenciements même si elle se traduit par ailleurs par la création d'emplois nouveaux »28. Il doit être démontré que le salarié titulaire de l’emploi n’a pas pu s’adapter à l’évolution de celui-ci29 malgré les moyens de formation et d’adaptation mis à sa disposition par l’employeur. En effet, ce dernier est tenu d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations30. La mutation de l’emploi a provoqué la disparition de certaines activités au profit de nouvelles31. Des activités comme la presse, la distribution ou l’édition doivent mettre en œuvre des mutations. Des emplois disparaissent et d’autres sont créés, celui de webmaster étant l’illustration la plus marquante. Il ne s’agit pas d’une disparition sans création d’emplois correspondante. 25. L’impact est aussi venu de l’extérieur de l’entreprise, sans attendre l’introduction de la technologie en son sein. La transformation des habitudes de consommation a rendu indispensable une adaptation des stratégies commerciales. La réorganisation de l’entreprise va être admise si elle effectuée pour sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, en raison d’évolutions technologiques comme l’utilisation d’Internet plutôt que les annuaires papier32. 26. Ensuite, Internet devient essentiel au stade de l’exécution de l’obligation de reclassement. Internet induit une évolution de la notion de travail. Il n'est plus nécessaire d'être 27 C. trav., art. L. 1233-3 Circ. DRT n°89-46 du 1er octobre 1989 29 Cass. soc., 9 juillet 1997, n°94-43.709, Bull. civ. V, n°252 30 C. trav., art. L. 6321-1 31 S. DARMAISIN, « L’ordinateur, l’employeur et le salarié », Dr. soc. 2000, p. 580 32 Cass. soc., 11 janvier 2006, n°05-40.977 28 - 16 - physiquement présent sur le lieu de travail. La tâche confiée peut être effectuée à distance. C’est le mécanisme du télétravail. Le poste proposé n’est plus nécessairement au sein de l’entreprise. La mise en place de cette nouvelle forme de travail permet surtout à l’employeur de remplir son obligation en matière d’inaptitude du salarié à son poste actuel. Il appartient en effet à l’employeur de rechercher les possibilités de reclassement même si l’inaptitude à tout emploi a déjà été prononcée33. Le télétravail ouvre de nombreuses voies. 27. Enfin, Internet facilite la contestation par le salarié de la défaillance de l’employeur a lui proposer un nouvel emploi. L’employeur ne peut se contenter de renvoyer au site internet ou intranet du groupe. L’offre doit être individualisée. De plus, les grandes entreprises mettent en continue en ligne leurs offres d’emploi. Ce qui permet d’attirer de nouveaux talents et communiquer à faible coût sur leur bonne santé peut se retourner contre elles. Le salarié a juste à imprimer la page concernée puis comparer les offres en ligne aux postes disponibles figurant dans le plan de sauvegarde de l’emploi. Si des postes correspondaient à ses qualifications, il pourra signaler en justice qu’ils ne lui ont pas été proposés. Le licenciement sera dépourvu de cause réelle et sérieuse. Les possibilités de contentieux sont amenées à croître car l’employeur qui licencie ne maîtrise pas nécessairement le flux des postes proposés, à moins que la holding soit française et maîtrise cette problématique. En pratique, le groupe continue de se développer, les recrutements dans les autres filiales ne peuvent être stoppés. Cette solution revient à faire peser le risque sur une entité qui n’en a pas la maîtrise. La loi du 18 mai 2010 est venue en partie résoudre ces difficultés en instaurant un questionnaire sur les souhaits de mobilité à l’étranger des salariés à reclasser34. 28. Plan. La mutation de l’emploi ne sera pas plus approfondie. En revanche, il convient d’établir comment conjuguer l’arrivée d’Internet dans l’entreprise. Il ressort des problèmes soulevés que le développement d’Internet est amené à affecter considérablement les relations individuelles de travail, depuis la conclusion du contrat de travail jusqu’à sa rupture (Titre I). Les syndicats et les représentants du personnel ne sont pas pour autant laissés à l’écart des évolutions techniques. Le droit des relations collectives est lui aussi confronté à l’introduction et au développement d’Internet dans l’entreprise et à son utilisation à l’extérieur de celle-ci (Titre II). 33 34 Cass. soc., 9 juillet 2008, n°07-41.318 L. n°2010-499 du 18 mai 2010 - 17 - TITRE I INTERNET ET RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL 29. Le contrat de travail est un contrat synallagmatique, dans la mesure où les deux contractants s’obligent réciproquement l’un envers l'autre à exécuter leurs obligations de bonne foi, selon la formulation consacrée en droit commun et rappelée à l’article L. 1222-1 du Code du travail. Le salarié s’oblige à travailler pour le compte et sous la subordination de l’employeur, alors que l’employeur s’oblige à rémunérer le salarié en contrepartie de la prestation fournie par celui-ci. Sur ce fondement, il est plus facile d’appréhender l’impact d’Internet sur l’exécution de la relation de travail (Chapitre 2). Mais le réseau Internet et l’usage du courrier électronique interviennent tout au long de la vie du contrat de travail, dès sa négociation (Chapitre 1). Chapitre 1 : La formation de la relation de travail 30. Internet imprègne les relations de travail dans leur globalité et affecte notamment leur naissance. Il devient ainsi un outil de recrutement prépondérant. Selon un récent sondage, 59% des Français en recherche d’emploi consultent les sites d’annonces d’emploi sur Internet, contre 40% pour les annonces sur papier35. Le potentiel d’Internet ne peut qu’être amené à se développer dans les prochaines années, particulièrement avec l’essor des réseaux sociaux. Selon le même sondage, 77% des chercheurs d’emploi n’ont pas encore utilisé les réseaux sociaux grands publics (type Facebook) et 67% les réseaux sociaux professionnels (Viadeo, LinkedIn) pourtant principalement destinés à la prospection d’emploi. En dehors des hypothèses de candidatures spontanées, l’employeur qui souhaite intégrer un nouveau collaborateur dans son entreprise (Section II) peut choisir d’annoncer ses besoins en personnel en ligne en s’affranchissant du support papier (Section I). 35 Sondage OpinionWay publié le 16 février 2011 (échantillon de 999 personnes de 18 à 55 ans interrogées par Internet et déclarant « surveiller le marché de l’emploi ») - 18 - Section I : La recherche de la relation de travail L’utilisation d’Internet comme outil de recrutement tend à devenir la norme (Sous-section 1). Le processus de recrutement n’en demeure pas moins encadré dans cet espace de liberté (Sous-section 2). Sous-section 1 : La diffusion en ligne des offres d’emploi La recherche d’une offre d’emploi et sa diffusion est un préalable la naissance de la relation contractuelle entre un employeur et son salarié. Les règles relatives au recrutement trouvent naturellement leur place dans une position introductive, au sein du Livre II du Code du travail relatif au contrat de travail. L’entreprise dispose d’un ‘panel’ de possibilités pour diffuser ses offres d’emploi (§1) dont le contenu doit répondre à plusieurs exigences (§2). §1/ Des canaux de diffusion des offres d’emploi libéralisés Après une réappropriation de la diffusion des offres d’emploi par les entreprises (I), ces dernières s’intéressent de plus en plus à de nouveaux modes de recrutement (II). I. L’utilisation du site Internet de l’entreprise Les entreprises peuvent agir directement et librement sur leur interface pour le recrutement de leurs salariés selon un mode classique de diffusion d’offres (A). Elles deviennent leur propre vitrine. Parallèlement, certains acteurs ont tenté de développer un mécanisme en ligne d’enchères inversées (B). A) La mise en ligne des offres d’emploi 31. Liberté de choix. Deux régimes existent, selon que l’offre d’emploi fait l’objet d’une publicité ou non. Auparavant, il était interdit à l’entreprise « de faire connaître publiquement ses besoins de personnel, sauf à en informer le service public de l’emploi »36. La diffusion d’une offre d’emploi relevait de la seule autorité de l’Etat. Les règles propres à la diffusion et à la publicité des offres et demandes d’emploi posées par le législateur sont toujours édictées dans un souci de protection du demandeur d’emploi justifiant l’application d’un régime 36 C. trav. art. L. 311-2 ancien - 19 - particulier37. La politique de l’emploi relève d’un intérêt supérieur à celui de l’entreprise. On rentre dans cette hypothèse dès lors que l’offre d’emploi figure sur le site internet de l’entreprise. Sa diffusion à un large public justifie l’application d’un régime particulier. 32. L’employeur n’a pas à justifier des modes ou des critères de sélection de ses collaborateurs38. Tous les besoins de l’entreprise « ne s’expriment pas publiquement. Certains postes sont offerts aux candidatures internes. D’autres sont pourvus, avant même que l’offre ne soit exprimée, par recours aux candidatures spontanées [...] voire par un débauchage discret confié à un chasseur de têtes »39. L’employeur peut ainsi choisir de ne pas procéder à une diffusion publique des offres d’emploi afin d’échapper aux règles précitées issues du Livre III du Code du travail. C’est le cas lorsque l’offre est diffusée sur l’intranet de l’entreprise. . On est en présence d’un recrutement en interne soumis aux seules exigences des articles L. 1221-1 et s. du Code du travail. Ces dispositions vont venir compléter ces textes et constituer le régime de droit commun applicable à la diffusion offres d’emploi à défaut de publication. B) La question des enchères électroniques inversées 33. Mise en place. Les systèmes électroniques d’enchères inversées, aussi appelées ‘au moins disant’, sont apparus en matière de recrutement au début de la décennie. Un employeur propose une offre d’emploi en ligne et laisse les candidats y postuler. Un des critères de recrutement sera la capacité des candidats à proposer le salaire le plus bas. Certains sites se sont spécialisés dans cette forme de recrutement, comme Jobdumping.de et Jobdealer.net. Le MEDEF puis la CFE-CGC ont les premiers manifesté leur opposition à l’émergence de ces sites dans des domaines où le facteur humain est prépondérant40. Un risque de développement du dumping social avec un abaissement des coûts sociaux de certaines entreprises peut également être soulevé, particulièrement dans les secteurs sinistrés où le chômage et les risques de ‘bradage’ par les candidats sont élevés. 34. Limitation pratique. La mise en œuvre d’enchères électroniques inversées par Internet, moralement condamnable, n’en demeurait pas moins marginale dans les faits et sans réel risque de régression sociale. En effet, plusieurs éléments juridiques restreignaient leur 37 C. trav., art. L. 5331-1 et s. Cons. const., décision n°82-144 du 22 octobre 1982 39 Y. ROUSSEAU, « Les offres d’emploi », Dr. soc., 1992, p. 323 40 Lignes directrices du MEDEF de juillet 2004 et communiqué de la CFE-CGC du 18 novembre 2005 38 - 20 - utilisation : - le salaire minimum, légal et conventionnel, ne peut être franchi ; - le principe d’égalité de traitement oblige un employeur à donner une rémunération équivalente pour les salariés placés dans une situation identique. Le système sera donc réservé au recrutement sur des postes nouveaux, n’existant pas déjà dans l’entreprise ; - la prohibition des traitements automatisés de sélection des candidatures, tirée de la loi du 6 janvier 1978, impose une appréciation humaine. D’autres critères de sélection doivent être ajoutés. 35. Au-delà du cadre juridique des systèmes d’enchères électroniques inversées, des réserves peuvent être exprimées sur leur intérêt même en matière de recrutement. Le contrat de travail est un contrat conclu intuitu personae. Il ne se réduit pas au salaire, à moins de n’être qu’un emploi ‘à la tâche’. On est alors plus dans la notion de prestation de service que de contrat de travail. Les enchères inversées ont d’ailleurs été dans un premier temps développées en matière de sous-traitance. Dès lors que la relation de travail repose sur d’autres critères que le salaire, les systèmes d’enchères strictes et automatiques paraissent inappropriés à assurer un recrutement satisfaisant pour l’employeur. 36. Interdiction légale. Le législateur a fini par se saisir de la polémique. Les enchères électroniques inversées ont d’abord fait l’objet d’une réglementation en matière de prestations de services. L’article L. 442-10 du Code du commerce prévoit la nullité du contrat « par lequel un fournisseur s'engage envers tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers sur une offre de prix à l'issue d'enchères inversées à distance, organisées notamment par voie électronique »41. En droit du travail, un article L. 1221-4 est venu préciser que « les enchères électroniques inversées étant interdites en matière de fixation du salaire, tout contrat de travail stipulant un salaire fixé à l’issue d’une telle procédure est nul de plein droit »42. Le débat est aujourd’hui tranché. II. L’émergence de nouveaux procédés de recrutement Les entreprises ont vu émerger les réseaux sociaux et certaines ont souhaité les utiliser pour promouvoir leur image mais également pour embaucher leurs futurs collaborateurs (A). Selon une étude du cabinet Burston-Marsteller publiée en mars 2010, 79% des grandes entreprises 41 42 Issu de la L. n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises Issu de la L. n°2006-396 du 31 mars 2006 sur l’égalité des chances, art. 12, JO du 2 avril 2006 - 21 - internationales utiliseraient « les réseaux sociaux comme mode d’interaction privilégié ». Elles sont 65% sur Twitter et 54% sur Facebook43. Parallèlement, d’autres outils de recrutement ont été mis en place sous forme de jeux numériques (B). A) L’externalisation du processus de recherche du candidat 37. Le législateur a mis fin au monopole, devenu simplement théorique, de l’ANPE en matière de publication des offres d’emploi44. L’employeur peut recourir à un prestataire extérieur et exploiter les réseaux sociaux émergents, malgré l’absence de maîtrise totale. Un détournement de l’information communiquée par le public est toujours à craindre. Mais cette prudence risque d’être sacrifiée sur l’autel de la réalité économique. Les réseaux sociaux permettent à l’entreprise de s’exposer à moindres frais à un public de plus en plus large. La frontière est surtout générationnelle. La moitié des moins de 35 ans se prononcent en faveur d’un emploi par l’entreprise des médias sociaux comme outil de communication45. Les contentieux liés à leur utilisation sont donc amenés à augmenter. Les recrutements, y compris par le biais des réseaux sociaux, sont soumis au respect de règles. 38. Encadrement. Le Groupe de travail « Article 29 » sur la protection des données, ou G29, composé des CNIL européennes, a émis un avis dans lequel il rappelle l’applicabilité du droit européen à tous les réseaux sociaux, indépendamment du lieu du siège social de l’entreprise46. La collecte et le traitement de données à caractère personnel doit se faire dans le respect de la loi et des recommandations de la CNIL. Les conditions d’utilisation des sites de réseaux sociaux doivent également être respectées. Par exemple, la plateforme Facebook prohibe, pour l’instant, l’utilisation des données accessibles en ligne sur les profils des utilisateurs. 39. Les services de « réseautage » social (SRS) sont définis comme « des plates-formes de communication en ligne permettant à des personnes de créer des réseaux d’utilisateurs partageant des intérêts communs »47. Le G29 souligne que ces services « offrent un marché précis aux publicitaires souhaitant diffuser des publicités ciblées sur la base de ces informations »48. Ils invitent les utilisateurs à fournir des données à caractère personnel et 43 http://www.burson-marsteller.fr/2010/03/79-des-grandes-entreprises-internationales-ont-choisi-les-reseauxsociaux-comme-mode-d%E2%80%99interaction-privilegie-avec-leurs-parties-prenantes/ 44 L. n°2005-32 du 18 janvier 2005 dite de programmation pour la cohésion sociale 45 Sondage OpinionWay, préc. 46 Avis n°5/2009 adopté le 12 juin 2009 : http://ec.europa.eu/justice_home/fsj/privacy/index_fr.htm 47 Avis n°5/2009, préc. note 45 48 Avis n°5/2009, préc. note 45 - 22 - mettent à leur disposition des outils permettant une mise en ligne de leurs propres contenus ainsi qu’une liste de contacts en vue de permettre une interaction49. 40. L’article 3 des Conditions générales d’utilisation de Facebook impose l’accord préalable de la firme américaine avant toute communication à visée commerciale. Ces conditions pourraient permettre de conserver l’esprit originel des réseaux sociaux, c’est-à-dire une utilisation strictement destinée à l’interaction entre ses membres. Il n’en est rien. Il suffit d’observer la place grandissante prise par la publicité sur ces réseaux. On assiste à l’émergence d’une nouvelle forme de marketing, plus ciblée et à moindre coût. En gardant le contrôle sur les messages commerciaux, les hébergeurs souhaitent conserver leurs revenus 41. Recherche du candidat. Les données à caractère personnel sont protégées50 sur le fondement du droit au respect de la vie privée gravé à l’article 9 du Code civil. Une incrimination est prévue à l’article 226-18 du Code pénal en cas de collecte « par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ». Une Charte ‘réseaux sociaux, Internet, vie privée et recrutement’ a été rédigée par l’association « A compétence égale » et signée le 14 novembre 2010 par plusieurs acteurs du recrutement (MEDEF, ANDRH, Syntec Recrutement, Viadeo). Elle a pour objectif de garantir une égalité de traitement de toutes les candidatures et d’assurer que le processus de sélection des candidats soit centré sur la seule recherche de compétence. Les adhérents s’engagent à préférer le recours aux réseaux sociaux de type professionnel, à ne pas les utiliser à des fins d’enquête sur des candidats ni à collecter des informations à caractère personnel ou encore à sensibiliser et former les recruteurs sur la nécessité de ne pas collecter ces informations et de ne pas en tenir compte. Cette Charte est une très belle initiative mais ne devrait pas changer ce qui est désormais devenu une habitude pour la plupart des recruteurs. Ceux-ci voient dans les réseaux sociaux, et plus largement dans l’utilisation d’Internet, un outil de sélection des candidats à portée de mains : quel est son parcours, ment-il sur ses qualifications ? Trois mots, deux clics et le candidat se retrouve, sans le savoir, mis à nu. 42. Les seules réelles avancées interviendront par l’éducation des internautes et potentiels ou futurs candidats à un emploi. Les utilisateurs des réseaux sociaux doivent être sensibilisés et veiller à la nature des informations qu’ils diffusent et au choix des personnes y ayant accès. 49 Le marketing contextuel est lié au contenu que l’utilisateur voit ou auquel il accède alors que le marketing segmenté consiste à diffuser des publicités à des groupes d’utilisateurs ciblés 50 L. du 6 janvier 1978, préc. note 13. Elle définit à son article 2 une donnée à caractère personnel comme « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ». - 23 - Les hébergeurs ont ici un rôle à jouer. Des conseils réguliers et visibles, par exemple à l’aide d’une banderole sur la page d’accueil, peuvent être envisagés. Cela est insuffisant en l’absence de sanctions envisageables. Les actions en justice de la part de salariés apparaissent théoriques, la preuve des méthodes du recruteur derrière son ordinateur étant quasi-impossible à rapporter. Il est conseillé aux futurs candidats de restreindre le champ des personnes pouvant visualiser librement ces données à la portion zéro. La preuve de la discrimination est très difficile à apporter, surtout qu’il est aisé pour le recruteur de nier avoir visualisé des informations à caractère personnel du candidat. Il pourra aussi se retrancher derrière la volonté supposée du candidat de les étaler au public en ligne. 43. Identité numérique. L’identité numérique des candidats présente un intérêt pour les entreprises allant au-delà du besoin en recrutement. Elles trouvent dans les réseaux sociaux une manne quasi-inépuisable et à moindre frais de données à visée marketing. Aucune information concernant personnellement un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Le consentement préalable à l’utilisation des coordonnées de l’utilisateur à des fins de prospection commerciale pourrait être obtenu par une case à cocher. Le respect de ces dispositions ne permet pas pour autant de demander au candidat l’accès à son profil ou à toute autre donnée personnelle mise en ligne sur les réseaux sociaux. Il faut ici rappeler que les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles51. L’utilisation de réseaux sociaux comme outil d’enquête constitue une intrusion dans la sphère privée du candidat injustifiée car sans lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles. 44. Droit à l’oubli. La consultation publique sur le droit à l’oubli numérique lancée en novembre 2009 a abouti à la signature de deux chartes sous l’égide de Nathalie KosciuskoMorizet. Une première, intitulée « Charte sur la publicité ciblée et la protection des internautes » et signée le 30 septembre 2010, vise à encadrer l’usage des données à caractère personnel dans le cadre de la publicité ciblée. La seconde, intitulée « Charte du droit à l’oubli dans les sites collaboratifs et les moteurs de recherche » a été signée le 13 octobre 2010. Un Conseil national du numérique devrait être prochainement mis en place pour assurer le suivi de ces chartes et élaborer de nouveaux codes de conduite. 51 C. trav., art. 1221-6 - 24 - 45. Même en présence d’une charte, texte dépourvu de tout caractère contraignant, il existera des recours pour l’internaute en cas de non-application des principes posés, puisque ceux-ci sont avant tout protégés par la Loi Informatique et Libertés. Comme le relève une auteur, les mesures mises en place sont « avant tout des rappels des principes de finalité, de consentement, de droit à l’information, de droit d’accès, de rectification et droit d’opposition déjà prévus par la loi en les matérialisant par des règles simples » 52. L’objectif affiché est la pédagogie des internautes. Ils auront une meilleure connaissance de leurs droits. Chacun doit être en mesure de contrôler les informations qui circulent sur lui sur Internet, sciemment ou à son insu. Cependant, Google et Facebook n’ont, pour l’instant, pas encore signé ces chartes, invoquant des principes de territorialité, de liberté d’expression ou d’élaboration en cours de normes propres. Il convient donc de s’interroger, pour l’instant, sur la réelle effectivité de ces chartes. B) L’utilisation des jeux en ligne 46. Au stade du recrutement. Les serious game sont conçus comme des jeux vidéos en ligne. Ils sont définis par le Professeur Samuelle Ducrocq Henry comme « des médias d’un nouveau genre, qui utilisent les forces du jeux vidéo à des fins de formation, de thérapie ou d’apprentissage par l’action »53. Le recrutement ne rentre pas dans cette définition. Ces technologies ciblent principalement les digital natives, ou génération Y, familiers à la navigation sur Internet. 47. Pourtant, certains jeux ont la prétention de permettre aux recruteurs de repérer des profils opérationnels et créatifs. Ces systèmes coûtent chers et un des seuls avantages semble être la publicité née autour de leur mise en place (BNP, L’Oréal). Ils n’apportent en effet aucune garantie quant aux compétences du candidat en chair dans son environnement de travail, une fois le poste intégré, si jamais le candidat à une réelle envie d’intégration dans l’entreprise. La question de la réussite du ‘candidat’ peut aussi se poser. La personne qui sort vainqueur du jeu remplit les premiers critères recherchés par l’entreprise. Des pourparlers sont engagés. La rupture ne peut être fautive. On pourrait qualifier d’abus l’absence de réception du candidat à 52 C. THIERACHE, « Le droit à l’oubli numérique : un essai qui reste à transformer », RLDI, janvier 2011, p. 6. Six axes sont ainsi abordés : favoriser les actions de sensibilisation et d’éducation des internautes, protéger les données à caractère personnel de l’indexation automatique par les moteurs de recherche, faciliter la gestion des données publiées par l’internaute lui-même, adopter des mesures spécifiques d’information pour les mineurs, mettre en place un outil de signalement ou un bureau des réclamation, maintenir le niveau de protection des données en cas de transfert. 53 http://www.jeuxserieux.com/index.html - 25 - un entretien. Le juge serait enclin à considérer que le jeu en ligne n’avait qu’une finalité et que l’entreprise n’avait aucune intention de procéder à un recrutement postérieurement. 48. Au stade de l’apprentissage. La Cour de cassation rappelle que l’employeur « tient de son pouvoir de direction né du contrat de travail le droit d’évaluer le travail de ses salariés »54. Certains auteurs ont rappelé que « l’évaluation permet à l’employeur de limiter les risques juridiques de ses décisions concernant la carrière de ses salariés ou de la fixation, en cas de besoin, de l’ordre des licenciements pour motif économique »55. Le juge est à la recherche de critères objectifs dès qu’il est question d’impact sur la carrière du salarié. Il faut laisser à l’employeur la possibilité de les établir librement. La Cour de cassation ne semble pas répondre à ce besoin de cohérence lorsqu’elle affirme que les enjeux de l’entretien sont « manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail »56. 49. L’évaluation des salariés peut prendre une forme dématérialisée. A titre d’illustration, le jeu vidéo sur l’auto-entreprenariat édité par le ministère de l’Industrie57, lauréat du grand prix lors du Serious Game Expo en novembre 2010, a un double objectif : faire prendre conscience de l’ampleur du projet avant toute décision hâtive et donner des pistes pour résoudre les principales difficultés qu’ils seraient amenés à rencontrer. Dans le même esprit, les business games, élaborés dès les années 1990, sont des jeux d’immersion sur des cas d’entreprise. Ils pourraient être pris en compte dans l’évaluation annuelle du salarié ou bien participer à sa formation. Mais l’employeur ne serait pas fondé à se baser uniquement sur ces éléments pour refuser une évolution professionnelle ou une augmentation. Il oublie une étape essentielle d’appréciation des qualités du salarié qui peut prendre la forme d’une période probatoire. L’utilisation unique des business games serait un moyen de preuve insuffisant pour établir, par l’exemple, l’absence de discrimination en cas de contentieux. §2/ Le contenu des offres d’emploi encadré L’ANPE, désormais englobée au sein de Pôle Emploi, a mis en place une Charte des bonnes pratiques, signée par une vingtaine de sites depuis le 14 novembre 2002. Cette charte NetEmploi rappelle notamment l’accès gratuit à la consultation des offres, la protection des Cass. soc., 10 juillet 2002, RJS 10/02, n°1066 J. Pélissier, Droit du travail, Dalloz, 2010, p. 662 56 Cass. soc., 28 novembre 2007, Groupe Mornay, JCP-S 2008, n°1070, obs. J.-B. Cottin 57 http://www.macyberautoentreprise.pme.gouv.fr/ 54 55 - 26 - données personnelles, la diffusion d’offres d’emploi précises et actualisées au moins toutes les six semaines. Un label matérialisé par un logo spécifique est octroyé aux signataires. Il peut être retiré en cas de manquement58. Même s’il ne souhaite pas adhérer à cette charte, l’employeur qui procède à la diffusion d’une offre d’emploi est néanmoins tenu de respecter certaines mentions obligatoires. Certaines ont pour objectif d’informer les candidats sur la teneur de leur futur engagement dans l’hypothèse d’une diffusion au public (I) ; d’autres visent à protéger les droits fondamentaux de tout candidat (II). I. Les mentions à finalité explicative 50. Nom du pollicitant. Cette exigence n’a d’intérêt que dans l’hypothèse d’un recrutement externe. Pourtant, le futur employeur n’est jamais tenu de faire connaître son nom ou sa raison sociale aux candidats. Il doit seulement faire parvenir son identité ainsi que son adresse au responsable de la publication, quelque soit le moyen de communication utilisé59. Dans le cas d’offre anonyme, le directeur départemental peut obtenir, sur simple demande au responsable de la publication, la communication de ces renseignements. Ils pourront être utilisés pour l’information des candidats éventuels60. Si l’employeur n’opte pas pour l’anonymat, il doit clairement indiquer son identité et son adresse. 51. Rédaction en langue française. L’offre d’emploi ne doit pas être rédigée en langue étrangère61. Cette exigence a une portée très large. Elle s’applique aussi bien à l’intitulé de l’emploi qu’à la description du poste offert, aux services à exécuter sur le territoire national quelle que soit la nationalité de l’auteur de l’offre et à ceux à exécuter à l’étranger lorsque l’employeur est français. L’obligation s’étend aussi aux termes et aux expressions d’origine étrangère lorsqu’il existe un terme ou une expression consacrée par les commissions de terminologie mises en place par le décret du 11 mars 1986 relatif à l’enrichissement de la langue française62. Lorsque des termes étrangers sont néanmoins insérés dans l’offre d’emploi, son auteur est tenu d’en proposer une description suffisamment détaillée afin de ne pas induire le candidat à l’erreur. Dans la pratique, cette disposition est peu respectée par les entreprises internationalisées diffusant sur leur site internet des offres d’emploi destinées à un public plus large ou bien lorsque ces entreprises sont à la recherche d’un collaborateur maîtrisant une langue étrangère. 58 Rép. QE 35175, JO AN, 28 septembre 2004, p. 7628 C. trav., art. L. 5332-2 60 C. trav., art. L. 5332-4 et R. 5332-1 61 C. trav., art. L. 5331-4 62 C. trav., L. 5331-4 59 - 27 - 52. Loyauté. La loyauté a été étendue au domaine précontractuel. Le candidat éventuel est protégé de tout risque d’allégations fausses ou susceptibles de l’induire en erreur. Le contenu de l’offre d’emploi doit respecter le principe de loyauté63. Ce principe interdit notamment la constitution de dossiers en réserve alors qu’aucun poste n’est vacant. C’est le cas en pratique pour le surplus de candidatures. Il permet aussi une condamnation des annonces-miroirs diffusées avec pour seul objectif de promouvoir l’image de l’entreprise. Ces deux hypothèses ont déjà été abordées lors de l’utilisation des réseaux sociaux et des serious games à des fins de recrutement. 53. Sanction de l’exigence Le non-respect des obligations précitées est puni, en tant que contravention de 3ème classe, d’une amande de 450 euros64. Aucune sanction n’est prévue en cas de rédaction en langue étrangère mais le fondement pourrait être l’insertion d’allégations fausses ou susceptibles d’induire en erreur le candidat, puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 37.500 euros65. Une réparation judiciaire en fonction du préjudice subi serait préférable. La diffusion d'une offre trompeuse engage la responsabilité de l'annonceur, l’entreprise. Le directeur de la publication ou du moyen de communication en ligne n’est responsable que s'il a agi sans demande expresse de l'annonceur. Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont compétents pour rechercher et constater ces infractions au moyen de procès-verbaux transmis au procureur de la République. Ils peuvent exiger de l'annonceur la mise à leur disposition de tous les éléments propres à justifier les allégations formulées. II. La protection des libertés fondamentales Le principe de non-discrimination à l’embauche est mis à mal par l’utilisation des réseaux sociaux, les recruteurs ayant accès plus facilement à des informations relatives à l’apparence, à l’origine, la vie familiale ou les mœurs des candidats. Pourtant, le diffuseur d’une offre comme le recruteur doivent respecter deux types de prohibitions, fondées sur le sexe (A) ou à portée générale (B). 63 C. trav., art. L. 5331-3, en particulier sur un ou plusieurs éléments suivants : l’existence, le caractère effectivement disponible, l’origine, la nature et la description de l’emploi, la rémunération et les avantages proposés, le lieu de travail 64 C. trav., art. R. 5334-1 65 C. trav., art. L. 5334-1 - 28 - A) L’interdiction spécifique de discrimination fondée sur le sexe 54. Mise en œuvre. L’administration recommande que lorsque l'offre et l'annonce correspondante concernent un emploi dont il existe une dénomination au masculin et au féminin de mentionner les deux genres [employé(e)] ou lorsqu’au contraire la dénomination de l'emploi n’existe qu’au masculin ou au féminin, de s’inspirer de l'une ou l'autre des formules qui suivent et d’ajouter une mention indiquant que l'emploi est offert aux candidats des deux sexes (cadre H/F)66. 55. Exceptions. Cette interdiction est écartée lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue la condition déterminante dans l’exercice de l’activité professionnelle. Ces emplois sont en nombre limité. Il s'agit des acteurs, des mannequins et des modèles masculins et féminins67. Par ailleurs, l'entreprise peut, dans le cadre d'un plan pour l'égalité professionnelle, réserver certaines embauches à des candidatures de salariées pour parvenir à la mixité de certaines catégories d'emplois, et libeller les offres d'emploi en conséquence68. Cette exception remet en cause tout le système d’égalité là où elle prétend vouloir le rétablir dans les entreprises. 56. Sanction. La méconnaissance des prescriptions de l’article L. 1142-1 du Code du travail est punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3.750 €. Le tribunal peut également ordonner, aux frais de la personne condamnée, l’affichage du jugement et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu’il aura désigné. Ces frais ne peuvent excéder le maximum de l'amende encourue69. Cette sanction touche directement l’image des entreprises. Il s’agit d’une sanction appropriée suffisamment dissuasive. Toute personne intervenue dans la rédaction ou la diffusion de l'annonce peut être considéré comme auteur de l’infraction mais l’entreprise pourrait difficilement se décharger de toute responsabilité sur la personne chargée de la rédaction dès lors qu’elle est responsable des actes commis par ses salariés70. 66 Circ. du 2 mai 1984 précisant les modalités d'application de la L. du 13 juillet 1983 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, JO du 7 juin 1984 67 C. trav., art. R. 1142-1 68 C. trav., art. L. 1142-4 ; C. trav., art. L. 1143-1 69 C. trav., art. L. 1146-1 70 C. civ., art. 1384 - 29 - B) L’interdiction générale de discrimination 57. Responsabilité. Il existe une interdiction à visée générale de toute forme de discrimination71. Les entreprises « définissent le contenu comme la forme de leur communication et assurent le contrôle éditorial de leur espace ». Elles ont la qualité d’éditeur72. La soumission d'une offre d'emploi à l’un des critères prohibés constitue une discrimination punie par trois ans d’emprisonnement et/ou une amende de 45.000 euros. Ce texte vise le responsable de l'annonce, c'est-à-dire son inspirateur73 et non, à première vue, la plateforme en ligne. Pourtant, il a été admis qu’un chef d’agence pour l’emploi voit sa responsabilité engagée pour avoir laissé enregistrer des offres d'emplois discriminatoires74. La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) est compétente pour notifier aux diffuseurs le caractère illicite du contenu des offres d’emploi publiées75. Elle est fondée à en informer le procureur de la République en vue d’éventuelles poursuites pénales76. 58. Limites. L’article L. 1132-1 du Code du travail pose un principe général de nondiscrimination à l’embauche. Il est désormais mis à mal. L’employeur peut avoir accès, via un moteur de recherche, à de nombreuses données personnelles sur le candidat à un emploi alors même que dont l’intéressé n’a peut-être pas conscience de leur existence. Le G2977 s’est ainsi inquiété du fait que seule une minorité d’utilisateurs modifie les paramètres par défaut vers une plus grande confidentialité des données fournies. Certaines peuvent avoir un caractère sensible. Une simple photo pose des « inquiétudes en termes de respect de la vie privée vu le développement des techniques de reconnaissance faciale ». Elles peuvent être utilisées pour déduire l’origine ethnique, etc. 59. La HALDE a aussi relevé que l’usage d’un système de recrutement fondé sur la recherche unilatérale de candidats, sur des banques de données, sans diffusion d’offres d’emploi, peut 71 Une offre d'emploi ne peut comporter de référence à une des caractéristiques suivantes : l'origine, le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, l'âge, la situation de famille ou la grossesse, les caractéristiques génétiques, l'appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l'apparence physique, le nom de famille ou l'état de santé ou le handicap de la personne (C. trav., art. L. 1132-1). 72 C. FEL et E. SORDET « L’utilisation des réseaux sociaux par l’entreprise et ses collaborateurs », , JCP-S, 20 juillet 2010, n°29, n°1307 73 C. pén., art. 225-1 et 225-2 74 Cass. crim., 30 janv. 1990, n° 86-92.690 75 L. n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dite « loi LCEN », JO du 22 juin, art. 6 76 L. n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE, art. 12 77 Avis n°5/2009, préc. note 45 - 30 - mener à des pratiques non vérifiables car elles ne sont soumises à aucun formalisme78. Cette procédure de recrutement utilisée par les recruteurs, appelée communément sourcing, est susceptible de permettre la mise en œuvre de critères de sélection discriminatoires échappant à toute transparence et à tout contrôle. Sous-section 2 : Le processus de recrutement La recherche légitime du meilleur candidat donne lieu à l'utilisation de tests, questionnaires ou méthodes variées visant à déterminer les caractéristiques psychologiques et personnelles des candidats ainsi que leur environnement affectif, social et culturel. Afin de remédier aux abus auxquels certaines pratiques donnent lieu, la loi impose à l'employeur le respect de plusieurs principes (§1). Ces prescriptions légales s'appliquent également à l'égard des organismes intermédiaires de recrutement79, physiques ou en ligne. Le candidat à un emploi ne doit pas être exempt du respect de certaines obligations (§2). §1/ Les principes généraux applicables à l’égard du candidat I. Le principe de proportionnalité 60. Principe de finalité. Les données à caractère personnel ne peuvent être recueillies et traitées que pour un usage déterminé et légitime. Les « zones commentaires » destinées à enregistrer des informations de gestion, tel des résumés d’entretien, doivent, comme toute donnée à caractère personnel enregistrée dans un traitement, être pertinentes, adéquates et non excessives au regard de la finalité du traitement. La Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) veille au respect de ces principes. Il faut avoir à l’esprit en rédigeant ces zones commentaires que la personne concernée peut y avoir accès à tout moment. Ainsi, à la suite d’un contrôle sur place effectué par une délégation de la CNIL en décembre 2006, il a été constaté que des commentaires particulièrement subjectifs, relatifs aux personnes ayant déjà été employées par une société mais qui n’ont pas donné satisfaction, figuraient dans le traitement de gestion des salariés qu’elle avait mis en oeuvre. Ainsi, ont pu être relevés des commentaires tels que « trop chiante », « problèmes d’hygiène (odeurs) », « personne sans dents et qui boit »80. Conformément aux articles 45 et suivants de la loi du 6 janvier 1978 78 Délib. n° 2008-267 du 15 décembre 2008 relative aux systèmes de recrutement fondés sur la recherche unilatérale de candidats, sur des banques de données, sans diffusion d’offres d’emploi 79 Circ. DRT n°93/10 du 15 mars 1993, BO min. Trav., n°93/10 80 Délib. n° 2007-374 du 11 décembre 2007 - 31 - modifiée, la formation contentieuse de la CNIL a prononcé dans cette affaire une sanction pécuniaire d’un montant de 40.000 euros. 61. Principe de pertinence. Seules doivent être traitées les informations pertinentes et nécessaires au regard des objectifs poursuivis. La CNIL considère que le recueil d’informations sur l’entourage familial, l’état de santé ou encore le numéro de sécurité sociale d’un candidat à un recrutement n’est pas pertinent. Il ne peut leur être demandé de préciser certaines informations relatives à leur vie privée, comme leur statut marital, même si les salariés ne s’y opposent pas sur certains réseaux sociaux. L’enregistrement de la situation familiale d’un salarié peut néanmoins se justifier pour l’attribution d’avantages sociaux particuliers au salarié ou à sa famille. 62. Durée de conservation. Les informations ne peuvent être conservées de façon indéfinie dans les fichiers informatiques. Une durée de conservation précise doit être déterminée en fonction de la finalité de chaque fichier. La CNIL recommande que la durée de conservation des informations, sur support informatique ou papier, n’excède pas deux ans après le dernier contact avec la personne concernée. Les formulaires en ligne pré-remplis par un candidat doivent respecter cette recommandation. II. Le principe de transparence Le principe de transparence se décline en une multitude d’obligations à la charge de l’employeur (A). Ce dernier doit veiller à leur respect par ses services sous peine de voir sa responsabilité engagée (B). A) L’étendue du principe 63. Information. Lors de l’informatisation de leurs données, les salariés concernés ou les candidats à un emploi doivent être clairement informés des objectifs poursuivis, du caractère obligatoire ou facultatif de leurs réponses, des destinataires des données et des modalités d’exercice de leurs droits au titre de la loi « Informatique et Libertés ». Cette information peut être diffusée par tout moyen approprié : panneaux d’affichage à l’entrée du local où se déroule le recrutement, page ‘protection des données’ ou ‘informatique et libertés’ sur Internet ou sur l’intranet de l’entreprise, etc. Lorsque les données sont recueillies par voie de questionnaires, papier ou informatisé, ceux-ci doivent comporter cette information. Au-delà, - 32 - l’employeur doit s’assurer du respect des procédures de consultation et d’information obligatoires des instances représentatives du personnel. Le comité d’entreprise doit être informé préalablement à la mise en œuvre de méthodes de recrutement, ainsi que de toute modification de celles-ci81. L’obligation pèse sur l’employeur même en cas de recours à un intermédiaire82. 64. Les candidats doivent aussi être informés de l’identité du responsable du traitement (cabinet de recrutement ou service des ressources humaines), des finalités du traitement (gestion des candidatures), du caractère obligatoire ou facultatif des réponses, des conséquences d’un défaut de réponse, des personnes physiques ou morales destinataires des informations (comme d’autres cabinets de recrutement), des conditions d’exercice de leur droit d’accès et de rectification ainsi que le leur droit d’opposition (indication du service auprès duquel ces droits peuvent être exercés). 65. Concernant les méthodes d’aide au recrutement employées, la CNIL recommande enfin que l’information soit dispensée préalablement par écrit sous une forme individuelle ou collective. Lorsque l’identité de l’employeur n’a pas été précisée lors de l’offre de poste, il est recommandé que l’accord du candidat soit recueilli préalablement à la transmission de son curriculum vitae à cet employeur. Dans le cas de sites de recrutement en ligne, la CNIL recommande que le candidat à l’emploi soit informé de la forme, nominative ou non, sous laquelle les informations le concernant seront éventuellement diffusées en ligne ou transmises aux employeurs. 66. Droits d’accès et de rectification. Toute personne peut demander au détenteur d’un fichier de lui communiquer toutes les informations la concernant contenues dans ce fichier. Elle a également le droit de faire rectifier ou supprimer les informations erronées. Tout candidat ou employé doit pouvoir obtenir sur demande et dans un délai raisonnable toutes les informations le concernant y compris les résultats des analyses et des tests (psychologiques, graphologiques) ou évaluations professionnelles éventuellement pratiqués. Le droit d’accès s’applique aux informations collectées directement auprès du candidat, aux informations éventuellement collectées auprès de tiers ainsi qu’aux informations issues des méthodes et techniques d’aide au recrutement. La CNIL recommande que la communication des informations contenues dans la fiche du candidat soit effectuée par écrit. La communication 81 82 C. trav., art. L. 2323-32 Circ. DRT du 15 mars 1993, préc. note 78 - 33 - des résultats des tests ou évaluations peut être faite par tout moyen approprié au regard de la nature de l’outil utilisé. En cas de contestation portant sur l’exactitude des informations, la charge de la preuve incombe au service auprès duquel est exercé le droit d’accès sauf lorsqu’il est établi que les informations contestées ont été communiquées par la personne concernée ou avec son accord. 67. Droit d’opposition. Toute personne a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant soient enregistrées dans un fichier informatique, sauf si celui-ci résulte d’une obligation légale ou réglementaire (déclarations sociales obligatoires, tenue du registre du personnel). Une personne peut s’opposer à la mise en ligne de ses coordonnées professionnelles ou de sa photographie. Ce droit vise notamment la mise en ligne d’un trombinoscope par l’entreprise. L’employeur doit s’assurer avoir préalablement obtenu l’accord de ses collaborateurs. 68. Principe de sécurité et de confidentialité. L’employeur, en tant que responsable du traitement, est astreint à une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour garantir la confidentialité des données et éviter leur divulgation à des tiers non autorisés. Ainsi, les données à caractère personnel ne doivent être consultées que par les personnes habilitées à y accéder en raison de leurs fonctions. Les données peuvent néanmoins être communiquées à des tiers autorisés à en connaître en application de dispositions législatives particulières (Inspection du travail, services fiscaux, services de police…). B) La sanction du principe 69. Transparence. Un système de recrutement caractérisé par un manque de transparence est contraire au principe d'égalité d’accès à l’emploi au motif que ce manque de transparence empêche notamment toute forme de contrôle de la part des juridictions nationales et des personnes lésées par des mesures discriminatoires83. Il fait naître une présomption de discrimination qui impose au recruteur de prouver que sa pratique n’est pas discriminatoire84. 70. Accès à l’information. Le Conseil constitutionnel a considéré dans une décision du 10 juin 200985 que la libre communication des pensées et des opinions posé à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 implique la liberté d’accéder aux 83 CJUE, 30 juin 1988, Commission des Communautés Européennes c. République française, aff. 318/86 CJUE, 3 octobre 2006, Cadman, aff. C-17/05 85 Cons. const., 10 juin 2009, n°2009-580 DC 84 - 34 - services de communication au public en ligne. L’accès à l’information sur Internet se construit comme un droit fondamental. L’entreprise doit s’assurer de faciliter les démarches du salarié ou du candidat relatives aux principes précités. La difficulté d’accès à l’information s’analyse en un manquement à cette obligation, sanctionnée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Dans une affaire, la Cour de cassation a reconnu la faute de la Caisse nationale d’assurance vieillesse après avoir relevé que l’information relative aux droits du cotisant sur le site internet de la Caisse « peut être obtenue après de nombreuses opérations de ‘clics’ qui nécessitent de connaître exactement à quoi correspondent les liens proposés par le site »86. La sanction vient ni de l’absence d’information, ni d’une information erronée ou fausse. Mais il est logique de considérer que l’absence d’intention de faciliter l’accès aux informations essentielles pour une personne déterminée, hors toute volonté de ‘perdre’ celle-ci, est fautive. Son droit à l’information est mis à mal. §2/ Le principe de loyauté à l’égard de l’employeur 71. Les principes généraux encadrant le recrutement du personnel sont applicables quel que soit le support employé. Les entreprises sont tenues de leur respect lorsqu’elles diffusent des offres d’emploi sur leur site internet. Il appartient également aux candidats de prendre conscience des éléments qu’ils fournissent, malgré le caractère apparemment virtuel des questionnaires d’embauche en ligne. 72. Le législateur a posé une obligation visant à favoriser l’égalité entre les candidats à un emploi. Les entreprises de plus cinquante salariés doivent désormais examiner les informations communiquées par écrit par le candidat « dans des conditions préservant l’anonymat »87. Cependant, le décret d’application du texte demeure inexistant. L’utilisation d’Internet permet efficacement de respecter l’anonymat de la candidature lorsque celle-ci prend la forme de cases préétablies qu’il convient de remplir en fonction de ses études, de son expérience,… Le candidat ne doit pas oublier qu’il est « tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d’informations »88. Cependant, le mensonge ou les oublis du candidat permettent difficilement une nullité du contrat de travail sur la base du dol, malgré la caractérisation d’un consentement abusé, selon l’expression du Professeur Fabre-Magnan89. Ainsi, la fourniture de renseignements inexacts n’est pas suffisante s’il s’est avéré par la suite que le salarié avait les 86 Cass. civ. 2ème, 10 décembre 2009, n°09-11.038 C. trav., art. L. 1221-7, introduit par la L. du 31 mars 2006, préc. note 41 88 C. trav., art. L. 1221-6 89 M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, PUF, 2008, p. 315 87 - 35 - compétences pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté90. En revanche, il y a manœuvre dolosive lorsque le salarié n’a ni obtenu un DESS ni suivi une formation dans une école de commerce, contrairement à ses affirmations91. Mais dès lors que l’employeur n’est plus en mesure de vérifier suffisamment à l’avance la véracité des informations fournies, la Cour de cassation devrait s’assouplir sa position. D’autant plus qu’un autre risque plane sur les entreprises, la rupture d’une promesse d’embauche s’analysant en un licenciement abusif. Section II : L’entrée du salarié dans l’entreprise L’utilisation de la forme électronique et dématérialisée est envisageable et permet une conclusion du contrat de travail à distance (Sous-section 1). Mais l’utilisation d’Internet multiplie les risques de contentieux (Sous-section 2). Sous-section 1 : La constatation de l’embauche Compte tenu des récentes évolutions technologiques, un contrat entièrement dématérialisé peut être envisagé (§1). Une difficulté apparaît pourtant lors de la preuve de l’établissement du contrat (§2). §1/ La forme du contrat de travail Le contrat de travail est avant tout un contrat de droit privé soumis aux règles de droit commun92. Sauf disposition spéciale contraire, le principe du consensualisme prime (I). Sinon, il peut être établi selon les formes que les parties décident d’adopter. La conclusion sous forme électronique offre à première vue une plus grande facilité pour l’entreprise (II). I. L’absence d’écrit exigé à titre de sollénité 73. Principe du consensualisme. Pour le Professeur Terré, le formalisme n’est que l’extériorisation du consentement de chaque partie93. Son absence ne signifie pas son inexistence. Un engagement entre l’employeur et le salarié n’a pas à être constaté par écrit. Il faudra se reporter aux conditions d’exercice de la relation de travail pour déterminer son 90 Cass. soc., 30 mars 1999, n°96-42.912, Bull. civ. V, n°142 Cass. soc., 17 octobre 1995, n°94-41.239 92 C. trav., art. L. 1221-1 93 F. TERRÉ, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, Dalloz, 2009, p. 151 91 - 36 - existence. Pour qu’un contrat de travail soit constaté, il faut cumulativement une prestation de travail personnelle, une rémunération et un lien de subordination94. Lorsque toutes les étapes de conclusion du contrat de travail se sont déroulées à distance, à l’aide d’Internet, il aura été conclu sans aucune rencontre physique des parties. Une exception existe pour certaines catégories de contrats (contrat de travail à durée déterminée) ou de cocontractants (mannequins, salariés mis à disposition). Dans ces hypothèses, la seule sanction admise est la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée, sans possibilité d’apporter la preuve contraire95. La nullité ou la résolution de la relation contractuelle ont été écartées. Cette solution s’explique par la finalité poursuivie par le législateur. Il s’agit de protéger le salarié en favorisant les relations de travail stables et la conclusion de contrats à durée indéterminée, érigés en contrats de droit commun96. 74. Formalisme informatif. Développé en droit de la consommation97, il s’agit d’un processus de formation du contrat comprenant l’information du cocontractant et l’exigence de mentions obligatoires. La fonction est également préventive. Cela explique la conclusion du contrat du travail en langue française98. Le salarié doit être loyalement informé de l’existence de ses droits et obligations. La sanction n’est pas la nullité du contrat. Le principe du consensualisme demeure. L’employeur est tenu de délivrer un nouveau contrat remplissant cette exigence99. Cette protection n’est pour l’instant pas complètement élargie aux contrats de travail de droit commun, malgré l’exigence de remettre un écrit à tout salarié, quelle que soit la nature de son contrat, dans les deux mois suivant le début de la prestation de travail100. Mais cette exigence ne signifie par la remise d’un contrat de travail. Elle peut être remplie par la réunion des différentes mentions figurant sur les bulletins de paie et sur le document remis à l’embauche101. En pratique, un contrat de travail sera conclu, ne serait-ce qu’à titre de preuve des obligations respectives des parties. Avec l’avènement d’Internet, il pourra prendre une forme électronique. 94 Cass. soc., 22 juillet 1954, Bull. civ. V, n°576 C. trav., art. L. 1242-12 et Cass. soc., 24 novembre 1998, n°96-41.742 96 L’article L. 1221-2 du Code du travail vient préciser qu’il s’agit de la forme « normale » de la relation de travail. Les autres contrats sont des dégénérescences admises à des fins pragmatiques afin de satisfaire aux besoins ponctuels des entreprises. 97 C. com., art. L. 121-3 98 C. trav., art. L. 1221-3 99 Cass. soc., 19 mars 1986, JCP-E 1986, II, n°15680, p. 319, obs. B. TEYSSIE 100 Directive européenne n°91-533 du 14 octobre 1991, JOCE du 18 octobre 1991, n°288 101 CJUE, 4 décembre 1997, aff. 96/253 95 - 37 - II. La forme électronique du contrat 75. Ecrit électronique. Un mouvement pragmatique, relayé par l’avant-projet Catala102, a conduit à l’adoption de nouveaux textes prenant en compte les évolutions des techniques. Le contrat électronique est consacré « lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte »103. Le législateur confirme que le formalisme n’est que l’exception. Les contrats électroniques ne doivent pas être cantonnés au commerce électronique et à sa définition posée à l’article 14 de la loi n°2008-3 du 3 janvier 2008, dite « loi Chatel »104. Ce champ est trop restreint. Les possibilités de conclusion dépassent le droit de la consommation. La liberté contractuelle doit continuer à primer et aucune disposition n’interdit expressément la conclusion d’un contrat de travail sous la forme électronique. 76. Courrier électronique. Dès lors que la conclusion du contrat de travail n’est soumise à aucune forme particulière105, celui-ci pouvant être verbal106, il est envisageable qu’il soit conclu suite à l’échange de courriers électroniques. Un contrat de travail est constitué, selon la Cour de cassation, d’au moins quatre clauses obligatoires : la rémunération, la qualification du salarié, la durée du travail et le lieu d’exécution du travail au sens du secteur géographique107. En raison de l’absence de formalisme spécifique en matière de conclusion du contrat de travail, il peut être envisagé que la réunion de ces éléments dans plusieurs courriers électroniques soit suffisante à constater l’existence d’une relation de travail. La même solution peut être retenue pour les contrats particuliers pour lesquels un écrit est exigé, aucune forme n’étant spécifiée. Cette question sera abordée dans le cadre de la rupture des pourparlers. §2/ La preuve de l’embauche 77. Un décret108 est venu fixer les modalités d’application de la lettre recommandée électronique et permet ainsi son utilisation pour la conclusion ou l’exécution d’un contrat. Ce 102 « Avant-projet Catala de réforme du droit des obligations et de la prescription », La Documentation Française, 2006, art. 1104 à 1107 103 C. civ., art. 1108, 1369-1 à 1369-11 issus de la L. du 21 juin 2005 et de l’Ord. du 16 juin 2005, transposition de la directive européenne du 8 juin 2000 sur certains aspects juridiques du commerce électronique 104 Le commerce électronique est une « activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens et de services ». 105 L’article L. 1221-1 du Code du travail dispose que « le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties décident d’adopter ». 106 Cass. soc., 14 mars 1995, n°91-43.788 107 En ce sens : Cass. soc., 12 juillet 2006, n°04-47.938 108 Décret n°2011-144 du 2 février 2011 portant application de l’ordonnance n°2005-674 du 16 juin 2005, JO 4 févr., p. 2274 - 38 - nouveau mode de correspondance, bien que largement incomplet, trouve son utilisation dans le cadre des relations de travail. Les cas de recours sont principalement intéressants en matière d’exécution du contrat de travail. La lettre recommandée électronique sera abordée dans le chapitre suivant. 78. L’existence d’un contrat de travail est révélée par les « conditions de faits dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs »109. La formalisation de l’accord des parties est pertinente pour l’avenir. Il convient d’éviter toute difficulté ultérieure sur la portée de leurs droits et obligations respectifs. En effet, les contrats de travail de droit commun contiennent de nombreuses clauses pouvant faire l’objet de contestation, comme les clauses de mobilité ou de concurrence. Il peut être judicieux de conclure un contrat de travail écrit avec une finalité ad probationem. Surtout qu’il revient au même de ne pas exister ou de ne pas être prouvé110. Dans un domaine où les intérêts en jeu sont aussi antinomiques, il ne faut pas compter sur l’aveu ou le serment d’une des deux parties. Il est donc recommandé d’établir un contrat de travail, sous forme électronique ou non, ou à défaut de conserver des traces écrites des échanges ayant précédé l’entrée du salarié dans l’entreprise. L’écrit électronique a fini par acquérir la légitimité déjà donnée à l’écrit papier comme mode de preuve littérale, à condition de revêtir plusieurs caractéristiques (I). Sinon sa valeur probante sera restreinte. Il sera considéré comme un simple commencement de preuve par écrit (II). I. L’admission comme mode de preuve à part entière 79. Le droit français est fondé sur un principe d’exigence d’une preuve littérale pour les actes d’un montant supérieur à 1.500 euros. Les clauses figurant dans le contrat de travail et l’existence même de celui-ci sont difficilement quantifiables et les montants dépassent souvent le montant légal, hors hypothèses d’heures supplémentaires peu nombreuses, par exemple. Dans les autres cas, un écrit devra être établi par le demandeur pour démontrer le bien-fondé de ses prétentions. Le principe de l’équivalence fonctionnelle « empêche de rejeter un document électronique pour le seul fait qu’il n’est pas sur un support particulier »111. 109 Cass. soc., 17 avril 1991, n°88-40.121. C’est-à-dire l’existence d’une activité professionnelle, d’une rémunération et d’un lien de subordination (Cass. soc., 22 juillet 1954, Bull. civ. V, n° 576) 110 Traduction de l’adage latin Idem est non esse aut non probari 111 P.-D. CERVETTI, « Quelques perspectives d’avenir autour de la preuve électronique », RLDI, janvier 2011, p. 45 - 39 - 80. Conditions. L’article 1108-1 du Code civil, renvoyant aux articles 1316-1 et 1316-4, dispose que « lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique [et] lorsqu’est exigée une mention manuscrite de la main même de celui qui s’oblige, ce dernier peut l’apposer sous forme électronique ». Le contrat de travail peut être conclu de manière dématérialisée mais non obligatoire. Il n’est concerné par ses dispositions que pour les écrits exigés ad validitatem. La Cour de cassation a rappelé que lorsqu’une contestation intervient sur la teneur de l’écrit, il appartient au juge de vérifier si les conditions nécessaires à la fiabilité du courrier électronique sont réunies, conformément à l’article 287 du Code de procédure civile112. Si c’est le cas, une présomption de fiabilité naît à compter de la réunion de ces différents éléments. L’auteur doit être identifiable ; l’écrit et la signature électronique doivent être établis et conservés dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité113. L’employeur peut utiliser des techniques simples empêchant toute altération du message, comme l’horodatage ou le cryptage. Une exception de la Cour de cassation dans ces hypothèses redonnerait toute sa force au courrier électronique et résoudrait bien des contentieux. Mais en l’état actuel de la jurisprudence, seul l’archivage par un tiers paraît suffisant114. 81. La signature électronique. « La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte »115. La signature électronique s’entend d’un procédé de cryptage obligeant le destinataire du message à appliquer sur ce dernier la clé adéquate, à défaut de quoi sa lecture sera impossible. L’intervention d’une autorité de certification est obligatoire. Le caractère de preuve littérale n’est ainsi reconnu à l’acte que si la signature a été délivrée sous le contrôle d’un prestataire de signature délivrant à cette occasion un certificat qualifié. Le mécanisme d’établissement d’une signature électronique a été expliqué très clairement par le Professeur Penneau116. Le Premier ministre délivre un arrêté consacrant le caractère sécurisé d’une signature. Le tout, après une appréciation technique de la part d’une administration ad hoc - encore une - créée spécialement pour l’occasion : la direction centrale 112 Cass. soc., 30 septembre 2010, n°09-68.555, obs. L. GRYNBAUM, RLDI, janv. 2011, p. 33 C. civ., art. 1316-1 et 1316-4. L’article 2 du Décret n°2001-272 du 30 mars 2001, JO du 31 mars, p. 5070 relatif à la signature électronique dispose que « la fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée jusqu'à preuve contraire lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique sécurisée, établie grâce à un dispositif sécurisé de création de signature électronique et que la vérification de cette signature repose sur l'utilisation d'un certificat électronique qualifié ». 114 Cass. civ. 2ème, 4 décembre 2008, 07-17622, Bull. civ. II, n°259 115 C. civ., art. 1316-4 116 A. PENNEAU, « Rapport de droit français », RLDI, août-septembre 2009, supplément au n°52, p. 36 113 - 40 - de la sécurité des systèmes de l’information (DCSSI). Mais les évaluations seront opérées en externe, par des acteurs privés, les centres d’évaluation agréés des produits (CETSI). Ces CETSI ayant préalablement obtenu un agrément sous le contrôle de la DCSSI et par voie d’arrêté du Premier ministre. En résumé : - les prestataires de signature sécurisée (PSC) demandent l’évaluation des produits de signature sécurisée qu’ils souhaitent mettre sur le marché. Ils passent un contrat de droit privé avec le CETSI pour effectuer l’évaluation préalable ; - le CETSI émet un rapport transmis par le PSC auprès de la DCSSI ; - parallèlement, le PSC saisit lui-même, ab initio, la DCSSI, qui a la faculté d’effectuer des opérations de contrôle aux côtés du CETSI ; - la DCSSI établit un rapport final et conclut soit à la délivrance d’un certificat, soit au refus de certification ; - le Premier ministre délivre un arrêté consacrant le caractère sécurisé d’une signature. 82. La réglementation ne facilite pas la mise sur le marché des signatures électroniques juridiquement efficaces et révèle une profonde méfiance dans l’immatériel, dans ce qui ne peut, par définition, être appréhendé par les pouvoirs publics. Le feuilleton autour des deux lois HADOPI, loin d’être terminé, ne l’illustre que trop bien. Les acteurs privés ne souhaitent pas non plus s’engager en cas de déficience. Le résultat est la présence de très peu de signatures sécurisées disponibles pour les entreprises. 83. Charge de la preuve. En présence d’une signature sécurisée, la charge de la preuve pèse sur celui qui conteste l’acte117, « soit par la voie d’une expertise technique, soit en soumettant au juge un faisceau d’indices susceptible de la convaincre que la signature sécurisée n’est pas parfaite ». Mais « la loi donne une vision exclusivement binaire de la signature électronique qui se présente comme sécurisée ou non sécurisée »118. Or, malgré le principe de l’équivalence entre l’écrit papier et l’écrit électronique, son effectivité paraît bien difficile à atteindre. On pourrait dépasser l’opposition entre signature sécurisée ou non et considérer qu’il appartient à celui qui entend contester l’acte d’apporter des éléments de nature à mettre en doute sa fiabilité. Cette approche a le mérite du pragmatisme. Elle est préférable à une autre conception consistant à considérer que celui qui prétend opposer tout écrit électronique doive apporter la preuve de sa fiabilité, ou au moins des indices suffisants. C’est pourtant 117 118 CPC, art. 288-1 A. PENNEAU, préc. note 115 - 41 - cette approche qu’a choisi la Cour de cassation, s’attachant à la lettre de l’article 287 du Code de procédure civile119. 84. Copies. L’article 1348 du Code civil dispose que, lorsqu’une partie n’a pas conservé l’original d’un document, la preuve de son existence peut être rapportée par la présentation d’une copie qui doit en être la reproduction non seulement fidèle mais durable. Si la copie électronique provient d’un original papier, nous pouvons reprendre l’expression d’un auteur d’écrit « accidentellement électronique »120. Un véritable système d’archivage doit garantir la conservation de la copie contre toute modification technique ou humaine ou bien la « traçabilité » des opérations de modification. Dans l’hypothèse d’un écrit « essentiellement électronique », il s’agit d’un clone ou bien de l’original lui-même. Il faut alors respecter les exigences d’intégrité et d’imputabilité de l’article 1316-1 et notamment démontrer que le système proscrit toute modification. L’employeur peut utiliser les méthodes précitées. II. L’admission résiduelle comme mode de preuve 85. Contestation. L’arrêt du 30 septembre 2010 n’est pas si restrictif. Il ouvre une voie vers la reconnaissance du courrier électronique comme preuve à part entière dès lors qu’une personne en assume la paternité. Sinon, il s’agira d’un simple commencement de preuve par écrit dès lors que son contenu est contesté par celui qui se le voit opposer. Cette hypothèse risque d’être la plus courante car un contentieux n’existe qu’en présence d’un désaccord entre les parties. Par ailleurs, l’arrêt a été rendu en matière de baux d’habitation où la lettre recommandée avec accusé de réception est une obligation légale121. La Cour est plus souple dans l’appréciation de la preuve lorsque le formalisme est moins rigoureux122. Cependant, il est difficile de présumer que le titulaire de l’adresse de messagerie est l’auteur du message en raison des risques de falsification et d’altération en cours d’acheminement. 86. En présence d’un commencement de preuve par écrit, la preuve d’un acte peut être rapportée par tout moyen123. Le juge doit ensuite se former sa propre conviction124. 119 En ce sens : Cass. civ. 2ème, 30 avril 2003, n°00-46.467, au motif qu’il « existait un doute sur l’identification de la personne qui avait usage de ce procédé » 120 T. PIETTE-COUDOL, « De la preuve de l’écrit accidentellement ou essentiellement électronique », RLDI, avril 2009, p. 37 121 Pour le congé, art. 15.1 de la L. n°89-462 du 6 juillet 1989 122 A titre d’illustration : Cass. soc., 2 février 2011, n°09-72.449 et n°09-72.313 pour un courrier électronique admis à titre de preuve 123 C. civ., art. 1347 124 Cass. civ. 1ère, 28 mars 2008, Bull. civ. I, n°93 - 42 - L’employeur est fondé à s’appuyer sur un écrit électronique. Les preuves préconstituées sont prohibées. Le courrier doit émaner de la partie adverse et marquer son consentement non équivoque à la clause litigieuse. Un contrat de travail vierge de toute signature électronique devrait être assimilé à un modèle de contrat. 87. Sanctions. La conclusion du contrat de travail peut se passer de tout écrit. Cependant, l’absence d’écrit pose une difficulté dans l’établissement de la preuve de son contenu. L’inopposabilité des clauses litigieuses serait dès lors la sanction appropriée en l’absence de preuve (notamment pour les clauses de mobilité faisant l’objet d’un abondant contentieux). Certains auteurs ont admis qu’il ne pouvait y avoir caducité du contrat perdant néanmoins un élément essentiel de sa validité. Le professeur Terré propose ainsi la réduction de la stipulation contractuelle125. Cette solution n’est pas transposable pour le contrat de travail. En effet, cette sanction est expressément prévue par le législateur et ne peut s’appliquer qu’en présence d’un quantum excessif. Cela suppose de définir un seuil minimum du contenu du contrat. Soit l’amputation d’une clause permet son anéantissement, soit le montant litigieux est réduit et rien n’est supprimé, une quantité en remplaçant une autre. Le contrat reste entier dans sa forme bien que le fond ait été modifié. Sous-section II : La contestation de l’embauche Le contentieux peut apparaître avant l’entrée du salarié dans l’entreprise si l’employeur choisit de se désengager de son offre (§1) ou bien une fois le salarié confirmé dans son emploi (§2). §1/ Le contentieux précédant l’embauche Les pourparlers sont une phase précontractuelle au cours de laquelle les parties vont être amenées à discuter des points du contrat de travail avant sa formalisation définitive. Ils peuvent prendre la forme d’un échange de courriers électroniques. Lorsque les échanges vont être avancés, il va être difficile de déterminer si on se trouve toujours dans une phase de discussions (I) ou bien si le contrat est déjà conclu (II). La distinction est essentielle car les conséquences vont être diamétralement opposées. 125 F. TERRÉ, p. 103, préc. note 92. Il en va ainsi à l’article L. 313-4 du Code de la consommation pour le taux d’intérêt usuraire - 43 - I. Le contrat imparfait 88. Liberté de la rupture. L’offre d’emploi est révocable à tout moment aussi longtemps qu’elle n’a pas été acceptée par un candidat. Cela la distingue de la promesse, « engagement pratiquement irrévocable, et dont le bénéficiaire tire déjà un droit »126. L’employeur qui promet d’examiner la possibilité de réintégrer le salarié lorsque l’activité de l’entreprise le permettra ne s’engage pas de façon ferme et définitive127. De même, lorsque les pourparlers n’étaient pas à un stade « très avancé », ces derniers ne portant que sur « des aspects essentiellement techniques et étaient des préalables indispensables, les aspects financiers et contractuels n’étant même pas évoqués à ce stage »128. 89. La valeur juridique de l’offre d’emploi ne s’apprécie pas entièrement au regard des principes généraux du droit civil. Il est de jurisprudence constante que l’offre faite au public lie le pollicitant à l’égard du premier acceptant dans les mêmes conditions que l’offre faite à personne déterminée129. Au contraire, il peut être considéré que la promesse d’embauche est subordonnée à la réalisation d’une condition. Celle-ci relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, exclusive de tout excès de pouvoir ou dénaturation130. En matière d’offre en ligne suivie d’échanges électroniques, la personnalité des candidats est une condition déterminante faisant du contrat de travail un contrat conclu intuitu personae. Il devrait exister une réelle réserve d’agrément du candidat. L’offre peut être complète, elle n’est jamais ferme. Cette approche s’insère dans la liberté d’entreprendre reconnue par le Conseil constitutionnel131. 90. Réserve de l’abus. La rupture des pourparlers est libre et ne peut justifier le versement de dommages et intérêts à moins qu’elle ne soit considérée comme abusive132. Le retrait abusif est uniquement réparé sous forme de dommages et intérêts pour manque de chance d’obtenir le poste proposé. Le fondement est la notion de légèreté blâmable. La bonne foi s’impose dès la phase de formation du contrat de travail. A ce stade, la réunion des éléments essentiels du contrat de travail n’est pas suffisante à le faire naître. Seul un motif légitime permet à l’employeur de se libérer de son obligation sans avoir à verser de dommages-intérêts. Un tel 126 P. FIESCHI-VIVET, Jcl civil, art. 1134 et 1135, fasc. 1 Cass. soc., 24 mai 1958, JCP 1958, II, n°10868, note J. CARBONNIER 128 CA Paris, 2 juillet 2008, SAS Denatis c. SAS Coface Services 129 Cass. civ. 3ème, 28 nov. 1968, RTD Civ., 1969, p. 348 130 Cass. soc., 5 avril 2005, RJS 6/05, n°656 131 Cons. const., 20 juillet 1988, décision n°88-244 132 Cass. soc., 17 mai 1979, n°78-40.497 127 - 44 - motif n’est pas constaté en présence de difficultés financières qui existaient à la date de l’engagement ou étaient prévisibles133 ou encore par la connaissance du licenciement pour faute grave par l’ancien employeur dès lors qu’aucun comportement fautif n’est établi dans la nouvelle relation de travail134. Commet également un abus l’employeur qui ne laisse pas un délai raisonnable avant le retrait de l’offre, pour laisser l’acceptation du candidat lui parvenir135. II. Le contrat parfait Au-delà des simples échanges va émerger une promesse d’embauche. On est parvenu à un véritable contrat qu’il ne reste plus qu’à signer. La promesse peut être verbale et a fortiori être constatée dans un courrier électronique. 91. Existence. La promesse d’embauche est une offre d’emploi ferme et définitive, adressée à une personne désignée, qui contient les éléments essentiels figurant dans un contrat de travail. Au vu de la jurisprudence actuelle, au moins quatre clauses obligatoires peuvent être énumérées : la rémunération, la qualification du salarié, la durée du travail et le lieu d’exécution du travail au sens du secteur géographique136. Leur réunion dans une promesse d’embauche ou par touches ponctuelles dans les échanges électroniques permet de caractériser l’existence d’un contrat de travail. Les courriers en cause ne doivent pas appeler de réponse particulière de la part du salarié ou de nouvelles discussions sur ces points. 92. Ponctuellement, la Cour de cassation ne cite que deux éléments cumulatifs, la définition de l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction, notamment dans une affaire où la promesse d’embauche contenait le salaire, la nature de l’emploi, les conditions de travail et la date de prise de fonction137. Malgré des attendus de principe succincts et surtout depuis que les juges admettent que la promesse d’embauche vaut contrat de travail, il faut continuer à considérer que l’ensemble des éléments essentiels formant le contrat de travail et dégagés par la Cour de cassation elle-même doivent être réunis. 133 CA Versailles, 21 févr. 1996, RJS 10/96, n°1091 CA Dijon, 25 févr. 1999, RJS 7/99, n°1009 135 Cass. soc., 22 mars 1972, n°71-40.266 136 Cass. soc., 12 juillet 2006, préc. note 106 137 Cass. soc., 15 décembre 2010, n°08-42.951, obs. J.-P. LHERNOULD, JSL, 10 février 2011, p. 11. En ce sens : Cass. soc., 10 mars 2004, n°01-45.518 134 - 45 - 93. Conséquences. La promesse d’embauche oblige l’employeur à respecter les engagements pris et notamment à fournir l’emploi convenu138. Il appartient à l’employeur d’être vigilant lors de ses échanges avec les différents candidats. S’il s’est engagé explicitement sur les conditions d’exécution d’une future relation de travail, il reste tenu par cet engagement, même en cas de silence du contrat de travail ultérieurement signé sur plusieurs éléments évoqués. Par exemple, la promesse d’une reprise d’ancienneté139 ou la rémunération minimum garantie140. Il faut garder à l’esprit que le principe est celui du consensualisme. Un contrat de travail existe même en absence de toute formalisation. 94. La rapidité des échanges électroniques comporte un risque d’engagement « à la légère ». La sanction est particulièrement élevée pour l’employeur qui vient à renoncer à un contrat de travail. Il est peut être préférable pour un employeur d’embaucher un salarié puis de rompre sa période d’essai en usant de son pouvoir discrétionnaire. Pour éviter ce type d’abus, la rupture de la période d’essai est encadrée. La rupture doit se fonder sur les qualités et les capacités professionnelles du salarié. Elle est abusive dès lors qu’elle est décidée pour un motif non inhérent à la personne du salarié (fermeture de l’hôtel en raison de l’absence de neige141). En conséquence, la rupture ne peut intervenir trop tôt. L’employeur doit mettre en mesure le salarié de faire la preuve de ses compétences142. 95. Rupture. Le retrait d’une offre d’embauche après que le salarié l’a acceptée lui cause un préjudice que l’employeur est tenu de réparer143. Le litige relève de la compétence prud’homale144. L’existence d’une promesse d’embauche relève du pouvoir souverain des juges du fond145. La jurisprudence a hésité sur la sanction. Le salarié a pu prétendre au versement des indemnités de rupture pour licenciement abusif146 ou à une somme correspondant au préjudice subi147, l’employeur ne pouvant y échapper que s’il était en mesure de prouver le caractère légitime de la rupture148. La Cour de cassation est revenue sur 138 Et au salarié de rejoindre son poste. Lorsque la rupture lui est imputable, l’employeur pourra prétendre au paiement de dommages et intérêts évalués par le juge en fonction de l’emploi et de la difficulté à le pourvoir (Cass. soc., 29 mars 1995, n°91-44.288). 139 Cass. soc., 18 mai 1999, n°97-40.650 140 Cass. soc., 17 novembre 1982, D. 1983. IR 115 141 Cass. soc., 15 décembre 2010, n°09-42.273 142 Cass. soc., 15 novembre 2005, n°03-47.546 143 Cass. soc., 20 mai 1985, JS UIMM, 1985, n°383 144 Cass. soc., 9 octobre 1968, n°67-40.370 145 Cass. soc., 5 avril 2005, Bull. civ. V, n°123 146 Cass. soc., 12 décembre 1983, D. 1984, IR 111 147 Cass. soc., 5 décembre 1989, n°86-45.556 148 Cass. soc., 6 février 2001, n°98-42.356 - 46 - cette solution dans un arrêt du 15 décembre 2010149. Elle considère que la rupture d’une promesse d’embauche caractérise un licenciement sans cause réelle et sérieuse même en l’absence de début d’exécution de la relation de travail150. 96. En droit civil, le pollicitant d’une offre de contracter peut retirer son offre jusqu’à réception de l’acceptation adressée par le destinataire de l’offre, sous réserve de réparer le préjudice subi. Dans l’arrêt précité, l’employeur a tenté de fonder son pourvoi sur ce moyen151. La Cour de cassation a rejeté l’argument et énoncé que le contrat de travail peut être caractérisé, via la promesse d’embauche, sans que le consentement des parties ait à se rencontrer. Il n’est donc pas nécessaire que la promesse soit acceptée pour former le contrat de travail, ce qui était autrefois exigé152. Cette solution est exorbitante de droit commun. 97. Le courrier d’engagement récapitulatif envoyé par l’employeur qui comprend les éléments précités donne naissance à un contrat de travail. Il n’est pas nécessaire d’attendre sa formalisation par écrit et sa signature si l’accord définitif des deux parties a déjà été donné sur les éléments essentiels du contrat de travail. L’acceptation du salarié va nécessairement découler de l’exécution de la prestation de travail. Mais ne pas attendre l’exécution du contrat signifie l’absence de versement d’une rémunération, sans qu’aucun lien de subordination ait pu s’établir. Il n’est pas nécessaire d’attendre la réunion de ses éléments de définition. 98. Dans l’arrêt du 15 décembre 2010, le choix du licenciement est factice. On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes153. Les éléments essentiels du contrat de travail sont réunis, mais pas ses éléments de définition. Il n’est pas plus établi que les parties avaient l’intention de se projeter jusqu’à la conclusion du contrat. Il aurait été plus approprié de se placer sur le terrain de la rupture des pourparlers. La sanction n’est pas identique. Malgré une ancienneté nulle, le salarié pourra prétendre à des dommages et intérêts à hauteur du préjudice subi, ainsi qu’au paiement d'une indemnité de préavis et le cas échéant aux congés payés y afférents154. 149 Cass. soc., 15 décembre 2010, préc. note 136 Cass. soc., 2 février 1999, Bull. civ. V, n°52, Dr. soc., 1999. 487, note F. FAVENNEC-HERY 151 La société a rétracté son offre par courrier posté le 9 août 2006 et n’a reçu la lettre d’acceptation du candidat, postée le 16 août, que le 21 août, soit postérieurement à la rétractation. 152 Cass. soc., 7 novembre 2007, n°06-42.439 153 Cass. soc., 20 février 2002, RJS 5/02, n°633 154 Le fait que le contrat n'ait pas reçu de commencement d’exécution est indifférent, Cass. soc., 12 juillet 2010, n°09-40.507 150 - 47 - §2/ Le contentieux suivant l’embauche Des difficultés entourent l’utilisation du courrier électronique. Mais le contentieux peut aussi porter sur le cadre d’utilisation de ce courrier, en considérant qu’il vaut contrat de travail (I) ou, postérieurement, sur ses rectifications éventuelles (II). I. Les circonstances de la conclusion du contrat de travail La question de la formation du contrat entre absents, c’est-à-dire lorsque « l’acceptation n’est pas donnée en présence de l’autre partie »155 révèle toute son importance en présence d’un contrat de travail conclu par des moyens dématérialisés, à la fois pour déterminer le moment (A) et le lieu de conclusion du contrat de travail (B). A) La détermination de la date de conclusion du contrat de travail 99. Emission. La Cour de cassation a retenu la théorie de l’envoi de l’acceptation. Ainsi, le contrat se forme au moment de l’émission de l’acceptation par le destinataire de l’offre, soit lors du clic sur l’onglet Envoyé. Le législateur a consacré cette approche156. Cette solution est judicieuse. Elle permet de résoudre certaines difficultés, même si dans la plupart des cas seules quelques secondes sépareront l’émission de l’acceptation de sa réception. Par exemple, comme le soulève le Professeur Grynbaum, « dans l’hypothèse d’un piratage qui viendrait modifier les termes de l’acceptation […] l’offrant ne serait tenu que par les termes du message reçu, alors même qu’il aurait été altéré en cours de route »157. Ou encore lorsqu’un problème informatique empêche l’offre soit d’être envoyée, soit d’être reçue. Cependant, cela revient à faire peser les risques techniques sur l’entreprise. 100. Encadrement. Des limites doivent donc être établies. D’une part, en présence d’un problème interne à l’entreprise, celle-ci doit en supporter toutes les conséquences. D’autre part, un incident propre à l’ordinateur du salarié ne peut être opposé à la société. Il s’agit d’une situation externe sur laquelle elle n’a pas d’emprise. Une fois ces garde-fous posés, l’acceptation de l’offre par le salarié doit être irrévocable, sans attendre sa réception par 155 L. GRYNBAUM, « Contrats entre absents : les charmes évanescents de la théorie de l’émission de l’acceptation », D. 2003, p. 1706 156 L’article 1369-2 du Code civil dispose que « le contrat proposé par voie électronique est conclu quand le destinataire de l’offre, après avoir eu la possibilité de vérifier […], ainsi que de corriger d’éventuelles erreurs, confirme celle-ci pour exprimer son acceptation » 157 L. GRYNBAUM, préc. note 154 - 48 - l’entreprise. Cela ne pourra prendre que la forme d’allocation de dommages et intérêts sur le fondement du manque de chance d’obtenir le poste, à condition que le salarié puisse apporter la preuve de ses capacités propres à lui permettre d’être accepté par l’employeur. B) La détermination du tribunal compétent 101. Contrat de droit français. Le conseil de prud’hommes compétent sera celui du lieu habituel de travail ou bien, si le travail s’exécute en dehors de tout établissement ou à domicile, celui du domicile du salarié158. Le salarié bénéficie d’un droit d’option qui lui permet de saisir soit le tribunal du lieu de conclusion du contrat, soit celui du lieu où l’employeur est établi. On retrouve la problématique de la formation du contrat entre absents. Le contrat de travail est considéré conclu au moment et au lieu de son acceptation par l’intéressé. Dès lors, le salarié est fondé à saisir le conseil de prud’hommes dans le ressort duquel se situe son domicile, même si la prestation de travail est effectuée dans un établissement déterminé. Cette solution a déjà été retenue dans l’hypothèse d’un contrat de travail conclu par téléphone159. 102. Contrat international. La théorie de l’émission ne permet pas de régler les conflits de lois applicables aux relations internationales de travail en l’absence de choix de parties. C’est à celui qui prétend écarter la loi du lieu d’accomplissement habituel du travail de rapporter la preuve que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays160. Cette volonté de rattachement émane souvent du salarié qui souhaite voir appliquer la loi française plutôt que la loi du lieu habituel de travail ou, à défaut, du lieu de l’établissement d’embauche161. Il n’est pas certain que le lieu de conclusion du contrat de travail constitue un lien plus étroit que le lieu d’exécution de la prestation de travail. II. La modification du contrat de travail 103. Du fait de l’employeur. Lorsque ses termes sont ambigus, le courriel adressé par le salarié en réponse au courriel de l’employeur l’informant d’un possible renouvellement de la période d’essai ne constitue pas un accord exprès à ce renouvellement162. Le ministre du Travail a repris cette position en admettant expressément la validité du renouvellement de la 158 C. trav., art. R. 1412-1 Cass. soc., 11 juillet 2002, n°00-44.197 160 Cass. soc., 29 septembre 2010, n°09-68.851 161 art. 8 in fine du Règlement dit « Rome I » du 17 juillet 2008 162 Cass. soc., 16 juin 2010, n°08-43.244 159 - 49 - période d’essai qui serait effectuée par courrier électronique163. L’accord doit être exprimé dans des termes et non équivoques. La convention collective peut imposer à l’employeur d’informer le salarié sur certains éléments avant l’embauche en respectant d’autres modalités L’accord doit être recueilli avant l’expiration de la première période à condition qu’un accord de branche étendu prévoie cette faculté et qu’elle soit mentionnée dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail164. Dans une affaire, seul un courriel antérieur à l’embauche était fourni à titre de preuve. Le contrat de travail ne comportait pas de période d’essai, faute pour le contrat d’y faire référence. La rupture a donc été considérée comme intervenant hors période d’essai. Elle doit s’analyser en un licenciement165. 104. Du fait du salarié. Le principe reste la liberté de forme en l’absence de stipulation conventionnelle. La jurisprudence est plus souple avec les demandes émanant du salarié, peutêtre une réminiscence du principe de faveur. Ainsi, la demande de passage à temps plein du salarié à temps partiel n’est soumise à aucun formalisme, sans aucun parallélisme avec les dispositions légales prévoyant une lettre recommandée avec avis de réception pour les salariés souhaitant demander à bénéficier d’un horaire à temps partiel. Même alors, le non-respect de la procédure ne rend pas la demande irrégulière. La formalité exigée ne constitue qu’un moyen de preuve166. L’employeur sera tenu de répondre. 163 Rép. min. n°88607, JO AN 1er mars 2011, p. 2088 Cass. soc., 11 mars 2009, RJS 6/9 n°494 165 Cass. soc, 5 juillet 2005, n°03-46.475 166 Cass. soc., 2 juin 2004, RJS 8-9/04, n°979 164 - 50 - Chapitre 2 : Les incidences sur la relation de travail 105. En 2010, les salariés passaient environ une heure et demi par jour sur Internet, dont une heure sur des sites à caractère non professionnel. Ceci engendre, selon certains, une chute de 14% de la productivité167. Cette analyse ne fait pas l’unanimité. Une étude de l’université de Melbourne publiée en 2009 conclut au contraire qu’une « pause brève et non envahissante, comme un bref surf sur Internet, permet à l’esprit de se reposer, entraînant un accroissement de la concentration totale nette sur une journée de travail » ce qui se conclurait par une hausse de 9% de la productivité168. 106. Hors la question de la productivité, les entreprises se retrouvent face à de nombreux enjeux du fait des modifications des habitudes de la population et des salariés. Les risques peuvent être aussi bien internes à l’entreprise qu’externes à celle-ci : sécurité (introduction de virus), fuite d’informations, diminution des performances du réseau (disponibilité de la bande passante), atteinte à l’image de la société, etc. Les coûts sont amenés à augmenter, que l’employeur opte pour la liberté de ses collaborateurs ou pour la mise en place d’un contrôle des activités des salariés. Pour décourager les pratiques les plus dommageables pour elle, l’entreprise va devoir encadrer le déroulement du travail des salariés (Section I) et éventuellement sanctionner les manquements relevés (Section II). Section I : L’exécution de la relation de travail Internet a pris une place incontournable dans la réalisation des tâches professionnelles (Soussection 1) et l’employeur demeure fondé à vérifier leur activité (Sous-section 2). Sous-section 1 : Le déroulement du travail Internet n’est plus uniquement utilisé par les salariés pour l’exécution des fonctions qui leur sont confiées. Ils vont s’approprier cet outil à des fins personnelles (§1). L’employeur est aussi amené à utiliser cet outil avec des finalités propres (§2). 167 « Réalité de l’utilisation d’Internet au bureau », étude menée par Olpheo, entreprise proposant des solutions de filtrage, 2011 168 « Freedom to surf : workers more productive if allowed to use the internet for leisure », article du 2 avril 2009, consultable sur : http://uninews.unimelb.edu.au/news/5750/ - 51 - §1/ L’usage d’Internet par le salarié L’outil informatique et l’accès à Internet sont fournis au salarié par l’employeur pour faciliter l’exécution de son travail (I) mais un usage personnel d’Internet est admis tant par la Cour de cassation que par les autorités publiques (II). I. Un usage à caractère professionnel 107. Présomption. Un des éléments constitutifs d’une relation de travail est l’existence d’un lien de subordination entre l’employeur et le salarié. Le lien de subordination est caractérisé « par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné »169. L’exécution de la prestation de travail au service de l’employeur se fait également avec les moyens de l’entreprise temporairement mis à la disposition des collaborateurs. Ces deux éléments vont justifier la présomption du caractère professionnel des activités du salarié. Ainsi, les connexions internet établies par le salarié sont présumées avoir un caractère professionnel si celui-ci les effectue sur son temps de travail et depuis l’ordinateur mis à sa disposition. Il en est de même pour les courriers électroniques adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail. L’employeur est en droit de les ouvrir hors de la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels170. 108. Dans le cadre du télétravail, l’employeur est chargé d’équiper le salarié à domicile. Ils doivent convenir entre eux d’une période de travail et d’une période ‘privée’. Les deux conditions précitées sont dès lors remplies, alors il peut être envisagé que l’employeur soit fondé à contrôler les messages émis par le salarié ou les sites visités, certes depuis son domicile, mais dans le cadre de son activité professionnelle. 109. Charte. L’employeur peut inscrire dans une charte éthique, informatique ou encore un code de conduite, des obligations, interdictions ou limitations nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise171. Elles portent sur une liste de ‘bonnes conduites’ à adopter dans le cadre de l’exécution de la relation de travail. Elles relèvent du pouvoir de direction de l’employeur et devraient être établies librement, mais l’établissement de « règles générales et Cass. soc., 29 avril 2009, RJS 7/09, n°598 Cass. soc., 15 décembre 2010, n°08-42.486 171 Circ. DRT n°5-83 du 15 mars 1983 169 170 - 52 - permanentes relatives à la discipline »172 apparente la charte à une adjonction au règlement intérieur173. Les formalités afférentes doivent être respectées. En contrepartie, le salarié qui ne respecte pas la charte peut être sanctionné sur ce seul fondement174, l’employeur pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave175. 110. Afin de mettre en place la charte, il convient de consulter le comité d’entreprise ou à défaut les délégués du personnel176. Solliciter l’avis du CHSCT est conseillé suite à l’accroissement des thématiques relatives aux conditions de travail des salariés. Un exemplaire de la charte est déposé au greffe du conseil de prud’hommes. Un affichage dans l’enceinte de l’entreprise ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l’embauche est également nécessaire177. Parallèlement à ces formalités de dépôt et de publicité, une transmission est effectuée à l’inspecteur du travail, en deux exemplaires178. L’avis des représentants du personnel est joint. L’inspecteur peut uniquement demander le retrait ou la modification des clauses qui apportent des restrictions disproportionnées aux droits et libertés des salariés179. C’est le cas si les dispositions et restrictions ne sont pas suffisamment précises180. La charte fixe la date de son entrée en vigueur, au minimum un mois après l’accomplissement des formalités de dépôt ou d’affichage dans l’entreprise181. 111. Cela signifie également que l’employeur n’est tenu par le respect d’aucune procédure si la charte n’est qu’un simple rappel du règlement intérieur182. Il aura opté pour une approche pédagogique afin d’expliquer ce qu’il entendait par telle ou telle mesure contenue dans la charte. Il répond à sa propre obligation de loyauté dans l’exécution de la relation de travail. Une telle solution, en l’état actuelle de la jurisprudence, ne peut être étendue alors même qu’il s’agit d’une explicitation des différentes obligations contenues dans le contrat de travail du salarié. L’employeur qui souhaite préciser que l’obligation de discrétion doit être comprise comme l’absence de publication de certains informations devant être considérer confidentielles sur les réseaux sociaux devra se plier à la procédure d’élaboration du règlement intérieur. A défaut, il pourra sanctionner a posteriori sur le fondement de ladite C. trav., art. L. 1321-1 et L. 1321-5 CA Versailles, 24 janvier 2008, n°07/1659 174 Cass. soc., 22 octobre 2008, n°07-42.654 175 Cass. soc., 15 décembre 2010, n°09-42.691 176 C. trav., art. L. 1321-4 177 C. trav., art. R. 1321-1 178 C. trav., art. L. 1321-4 et R. 1321-4 179 C. trav., art. L. 1321-3 180 Cass. soc., 8 décembre 2009, n°08-17.191 181 C. trav., art. R. 1321-3 182 Cass. soc., 28 mai 2008, n°07-15.744 172 173 - 53 - obligation contractuelle sans se fonder dans la lettre de licenciement sur le non-respect de la charte. II. La tolérance d’un usage personnel 112. Reconnaissance. Il a été relevé que « le salarié qui entretient sur son lieu de travail des correspondances privées introduit sa vie personnelle dans la sphère professionnelle et de ce fait l’expose à la divulgation »183. Il n’en ressort aucun droit pour l’employeur d’accéder librement aux éléments relevant de la vie privée du salarié. Ce dernier bénéficie du secret des correspondances. La notion de ‘cercle de famille’ développée en droit de la propriété intellectuelle permet la divulgation d’œuvres protégées sans autorisation des ayant-droits184. Elle doit s’entendre de façon restrictive et ne concerner que les « parents ou amis très proches »185. Cette notion ne peut être reprise en droit du travail. Il est posé une interdiction générale de lire les courriers électroniques personnels, y compris si une utilisation privée de la messagerie professionnelle était prohibée186. A l’inverse, il n’existe pas de limite d’accès aux courriers qualifiés de professionnels. Ceux-ci peuvent être consultés sans la présence du salarié187. C’est la reconnaissance d’un droit au respect de sa vie privée même sur le lieu de travail. 113. Etendue. Il ne s’agit pas d’un droit à une sphère privée déconnectée du lieu de travail mais d’un droit au respect de sa vie privée par l’employeur. Des restrictions préalables peuvent être posées. Sur le fondement de l’article L. 1121-1 du Code du travail, elles doivent justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. L’interdiction doit être cantonnée à certains éléments. Elle ne peut porter sur tout élément de la vie privée. Au contraire, il a ainsi été admis d’interdire dans la charte informatique la réception et l’envoi, via la messagerie de l’entreprise, de certains documents, comme des fichiers pornographiques188. N. GAVALDA, « La liberté de correspondance ou l’intrusion de la vie privée dans l’entreprise », JCP-S 2010, n°1194 184 CPI, art. L. 122-5 185 T. corr., 24 janvier 1984, Gaz. Pal. 1984, I, p. 240, obs. Marchi 186 Cass. soc., 12 octobre 2004, n°02-40392, Bull. civ. V, n°245 187 Cass. soc., 15 décembre 2009, n°07-44.264, Bull. civ. V, n°284 188 Cass. soc., 15 décembre 2010, préc. note 174 183 - 54 - 114. L’utilisation personnelle doit par ailleurs se faire dans la limite d’un usage raisonnable, sous peine d’abus189. Il n’est alors pas nécessaire d’avoir posé une interdiction préalable. Un salarié a pu ainsi être licencié pour faute grave, sans interdiction préalable dans le règlement intérieur, pour avoir stocké un nombre important de fichiers pornographiques sur l’ordinateur mis à disposition et leur ayant consacré un temps certain190. On retrouve ici les deux limites constituant une violation manifeste de la tolérance dans l’utilisation du matériel informatique de l’entreprise concédée, même de mauvais gré, par celle-ci. Il s’agit de l’usage fait de l’outil informatique et du temps passé, les contenus à caractère sexuels étant essentiellement visés. L’appréciation doit être le préalable à toute sanction. La conséquence est lourde pour l’employeur, le licenciement pouvant se retrouver dépourvu de cause réelle et sérieuse. 115. D’une part, la seule indication des heures de sauvegarde d’un document rédigé par le salarié pendant les heures de travail ne démontre pas l’amplitude du temps consacré à ce travail191. L’employeur devra plutôt s’attacher à la fréquence de consultation, dans les limites qui seront établies plus avant. Ne constitue pas un abus un usage raisonnable d’Internet pendant 10 heures par mois192 ou encore la connexion sur une dizaine de sites internet, ne dépassant pas chacune une minute, pour assurer la défense d’un collègue licencié193. Un usage d’Internet d’environ 41 heures par mois constitue au contraire un abus manifeste194 justifiant un licenciement pour faute grave. 116. D’autre part, sera causé le licenciement d’un salarié ayant consulté un site web personnel à caractère sadomasochiste créé par un collègue au mépris du règlement intérieur195 ou ayant envoyé un courriel humoristique à partir de l’adresse professionnelle, transmis en boule de neige, qui a entraîné un encombrement de la messagerie de l’entreprise196. A titre d’exemple, la faute grave a été admise pour la consultation de sites pornographiques et pédophiles plus de 8 heures par mois par un salarié travaillant à mi-temps197, le stockage de 1430 fichiers pornographiques représentant plus de 509 mega octets (MO) sur le disque dur du poste de travail198 ou encore l’utilisation de la messagerie professionnelle pour la réception et l’envoi Circ. DGT n°2008/22 du 19 novembre 2008 Cass. soc., 16 mai 2007, n°05-43455 191 CA Paris, 24 mai 2005, n°04/35576 192 CA Douai, 17 décembre 2004, n°04/00517 193 CA Paris, 24 mai 2005, n°04/36576 194 Cass. soc., 18 mars 2009, n°07-44.247 195 CA Grenoble, 10 novembre 2003, n°00/04741 196 CA Toulouse, 4 novembre 2004, n°04/00852 197 CA Douai, 28 février 2005, n°01/01258 198 CA Paris, 12 mai 2005, n°04/36746 189 190 - 55 - de documents à caractère pornographique et la conservation sur le disque dur de 420 fichiers199. 117. Dans l’utilisation d’Internet faite par le salarié, l’employeur doit aussi s’attacher aux fonctions exercées par le salarié. Si la société établit qu’une salariée se connectait fréquemment pendant ses horaires de travail et avait créé un blog sur lequel elle intervenait régulièrement, cette utilisation ne saurait à elle seule caractériser une insuffisance professionnelle, étant rappelé que la salariée exerçait les fonctions d'hôtesse d'accueil standardiste200. Les juges du fond, suivis par la Cour de cassation, ouvrent une possibilité d’excuse du salarié. Ils reprennent en droit social le principe de droit pénal d’individualité de la peine, appréciée en fonction de la personnalité de chaque salarié contrevenant201. §2/ L’usage d’Internet au-delà du salarié L’usage d’Internet a bouleversé les pratiques dans l’entreprise. Le salarié n’est pas le seul concerné par cette évolution. L’employeur a été amené à remodeler son rapport avec ses collaborateurs (I) entraînant de son propre fait l’apparition de nouveaux risques (II). I. L’organisation de la relation de travail 118. Rapport hiérarchique. L’usage d’Internet et des TIC en général a généré une mutation du lien de subordination liant le salarié à l’employeur202. La communication se fait à distance, via la messagerie électronique. Cette dilatation du lien hiérarchique atteint son paroxysme dans le cadre du télétravail. Cette modalité d’organisation du travail, possible pour les activités intellectuelles, est basée sur l’autonomie du salarié. Le supérieur devient une entité abstraite fixant des directives que le salarié pourra ne jamais avoir rencontré physiquement. La disparition du repère dans l’entreprise constitué par le supérieur hiérarchique peut être source de stress au travail. Le salarié perd son référent, le travail est déshumanisé. Une Cass. soc., 15 décembre 2010, préc. note 174 (il s’agissait d’un manquement délibéré et répété du salarié à l’interdiction posée par la charte informatique) 200 CA Paris, 9 février 2011, n°09/04984 201 Cass. soc., 29 avril 2009, RJS 7/09, n°603 : Les courriers électroniques « adressés à de nombreux collègues et aux dirigeants de la société mère allemande à l’occasion d’un litige qui ne les concerne pas, caricaturent les méthodes de gestion du dirigeant de la société française dans des termes excessifs et mettent en cause sont honnêteté et sa loyauté envers l’entreprise en procédant à des insinuations et questions insolentes. [Ces faits] que l’ancienneté du salarié et l’absence de sanctions antérieures ne peuvent excuser, sont susceptibles d’influer sur la carrière du dirigeant » 202 I. de BENALCAZAR, Droit du travail et nouvelles technologies, Montchestien, 2003, p. 17 199 - 56 - situation de stress peut aussi résulter de l’incertitude sur les moments de repos effectif due à une disponibilité croissante, une directive pouvant être envoyée à tout instant. 119. Les situations de harcèlement moral sont infinies en l’absence de définition de l’élément causal par le législateur ou le juge. Seuls les effets sont appréhendés. Trois éléments, interprétés souplement par la jurisprudence, doivent être caractérisés203. Certaines méthodes de gestion peuvent caractériser une situation de harcèlement moral204. Alors, il convient de s’interroger sur les risques d’« harcèlement » en présence d’une dégradation des relations de travail liée à leur dissolution. II. Le temps de travail 120. Heures supplémentaires. La technologie de l’Internet a été associée à celle de la téléphonie mobile. Le protocole WAP (Wireless Application Protocol) offre une passerelle entre le téléphone portable muni d'un écran et le serveur Web. Parallèlement, le salarié devient joignable à tout moment. Les entreprises distribuent à leurs salariés des smartphones de type Blackberry ou IPhone avec un accès aux courriers électroniques professionnels. Le lien de subordination est omniprésent. La durée du travail du salarié peut s’en trouver modifiée. Une astreinte est caractérisée si le salarié démontre une volonté de l’employeur de le placer dans cette situation, notamment en raison de la teneur du message appelant à une réponse rapide ou bien du caractère répété d’un acte devenant alors une pratique organisée de sa hiérarchie. La détermination d’un temps de travail effectif est, pour sa part, bien plus difficile à démontrer. Pendant l’attente, « le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles »205. 121. S’appuyant sur l’article L. 3121-5 du Code du travail206, la jurisprudence a été amenée à lier « la disposition permanente et immédiate » du salarié à l’éventualité d’un appel de l’employeur207. Suite à l’évolution des technologies, le périmètre à proximité du domicile dans lequel le salarié est tenu de demeurer s’étend. La limite d’un éloignement géographique C. trav., art. L. 1152-1 : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » 204 Cass. soc., 10 novembre 2009, n°07-45.321 205 C. trav., art. L. 3121-1 206 C. trav., art. L. 3121-5 : « Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeure à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif » 207 Cass. soc., 17 octobre 2007, JCP-S 2007, n°1915 203 - 57 - trop important pour permettre une intervention prompte n’a plus de sens pour les professions « intellectuelles ». Le salarié peut résoudre le problème soulevé à distance depuis un ordinateur portable connecté à Internet ou directement depuis un cellulaire. La caractérisation de l’astreinte permet seulement la rémunération de la période de l’intervention comme du temps de travail effectif. Il est difficile de déterminer la durée nécessaire à cette « intervention ». En l’absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles, il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement le montant de la rémunération revenant au salarié208. 122. Valeur probante. Peu d’arrêts ont été rendus sur le sujet. Certains ont rejeté les demandes de paiement d’heures supplémentaires fondées sur des courriers électroniques envoyés le soir ou le week-end au motif que les salariés n’établissaient pas d’éléments suffisamment probants pour justifier la réalité des heures effectuées209. La Cour de cassation a cependant rappelé que l’employeur n’est pas pour autant dispensé d’apporter des éléments permettant de remettre en cause la demande de rappel de salaire pour dépassement de forfait annuel210. La charge de la preuve ne doit pas reposer sur le seul salarié. Le risque d’admission de courriers électroniques envoyés avec un smartphone à titre de preuve est donc réel. Il est donc conseillé aux employeurs de clairement identifier leurs demandes, en précisant l’absence d’immédiateté du travail exigé et en exigeant son exécution sur le lieu et au temps de travail uniquement. En effet, seules les heures supplémentaires accomplies à la demande de l’employeur, ou avec son accord implicite, peuvent donner lieu à rémunération211. La situation la moins risquée serait de s’empêcher tout envoi en dehors des heures de travail du salarié car la restriction posée par l’employeur doit se refléter dans les faits. Le salarié ne pourra être privé de son droit à rémunération malgré un courrier électronique de l’employeur l’interdisant de faire des heures supplémentaires alors qu’il le sollicite tôt le matin et en fin de journée de manière continue212. Sous-section 2 : Le contrôle de l’usage d’Internet Au sein de l’entreprise, l’employeur dispose, en vertu du lien de subordination liant le salarié, d’un pouvoir de contrôle de ses activités (§1) mais la surveillance va dépasser le cadre de l’entreprise dès lors que des tiers sont concernés (§2). Cass. soc., 10 mars 2004, RJS 5/04, n°549 CA Paris, 26 février 2008, n°07/2899 et Cass. soc., 2 septembre 2010, n°08-10.440 210 Cass. soc., 11 janvier 2011, n°09-65.415 211 Cass. soc., 30 mars 1994, n°90-43.246 212 CA Versailles, 12 février 2003, n°01/3570 208 209 - 58 - §1/ Le contrôle interne à l’entreprise Les libertés fondamentales des individus ne s’arrêtent pas au seuil de l’entreprise. L’employeur est tenu de respecter un certain nombre de formalités (I) préalablement à l’installation de dispositifs de contrôle (II). I. L’encadrement de la surveillance L’employeur doit se plier au respect de garanties qui peuvent être répertoriées en deux engagements distincts : déclarer (A) et informer (B) sur la mise en œuvre de la surveillance. A) L’obligation de déclaration 123. L’article 2 de la loi « Informatique et Libertés » définit un traitement de données à caractère personnel comme toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur une information relative à une personne physique identifiée ou identifiable, et ce quel que soit le support utilisé. Dès lors, les moyens informatiques mis en place qui ont pour conséquence la collecte des noms, prénoms, adresses mails etc. des salariés sont soumis aux dispositions de la loi précitée. Les traitements permettant l’identification directe ou indirecte d’une personne doivent faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL. La modification ou la suppression d’un système de traitement des données devra être notifié à la Commission par courrier recommandé avec accusé de réception. Un nouvelle déclaration devra être effectuée si la modification entraîne une requalification de la déclaration initiale. Les contrôles opérés au niveau d’un service ne sont pas concernés. Ils permettent notamment d’établir les sites indésirables les plus couramment utilisés en vue de procéder ultérieurement à un blocage sélectif. 124. Le choix de la déclaration à effectuer dépend de la finalité du fichier et des données personnelles utilisées. Il existe plusieurs types de déclarations : - la déclaration simplifiée est un formulaire destiné à déclarer les traitements les plus courants, conformes à un modèle prédéfini par décision de la CNIL ; - la déclaration normale concerne l’ensemble des fichiers ne relevant pas d’une procédure particulière, comme la vidéosurveillance ; - la demande d’autorisation concerne les fichiers sensibles ou à risque (données ethniques, syndicales, sur la santé, etc.) ainsi que tous les fichiers pouvant être transmis hors de l’Union - 59 - européenne. Il existe une exception pour les pays offrant, selon la CNIL, un niveau de protection suffisant. Il s’agit des Etats-Unis, de l’Argentine, du Canada, de la Suisse, de Guernesey et de l’Ile de Mann ; - la demande d’avis est spécifique aux organismes privées générant un service publique. Elle vise des activités sensibles, comme le recensement ou la sûreté. B) L’obligation d’information 125. Individuelle. La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que le salarié a droit au respect de sa vie privée même sur le lieu de travail. A partir de cette affirmation, l’employeur est tenu de concilier ses pouvoirs propres avec une liberté fondamentale protégée par divers textes au niveau européen213 et national214. Le système de contrôle mis en place devra être justifié par des intérêts propres à l’entreprise et les atteintes à la vie privée doivent être proportionnées à l’objectif recherché par l’employeur215. La CNIL considère que l’employeur qui met en place des dispositifs de filtrage de sites non autorisés après avoir fixé en amont les conditions et les limites de l’utilisation d’Internet ne porte pas d’atteinte à la vie privée des salariés. 126. Le Code du travail prévoit qu’« aucune information concernant personnellement un salarié […] ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à [sa] connaissance »216. Une obligation similaire est prévue pour les candidats à un emploi217. Le salarié doit être individuellement informé par l’employeur du fait que des informations le concernant sont récupérées et stockées. L’obligation porte notamment sur l’identité des destinataires des données et les modalités d’exercice du droit d’accès et de rectification. L’employeur peut satisfaire à cette obligation par l’insertion d’une clause dans le contrat de travail, d’une mention dans le règlement intérieur, ayant préalablement fait l’objet d’un affichage et d’une remise en mains propres aux nouveaux salariés ou par la diffusion d’une note de service sous forme papier ou électronique. Ainsi, l’entreprise ne peut pas procéder à une collecte systématique sur les pages personnelles de ses salariés218 ni publier Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 6 et 8 L. du 6 janvier 1978, préc. note 13 215 C. trav., art. L. 1121-1 : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées aux buts recherchés » 216 C. trav., art. L. 1222-4 217 C. trav., art. L. 1221-9 218 TGI Paris, ord. réf., 3 mars 2008, aff. Note2Be 213 214 - 60 - d’informations nominatives sur ses salariés sans leur autorisation et sans avoir accompli au préalable les démarches nécessaires auprès de la CNIL. 127. Collective. Le comité d’entreprise doit être informé sur les traitements automatisés de gestion du personnel préalablement à leur introduction dans l’entreprise, ainsi que sur leurs modifications ultérieures. L’obligation porte aussi sur tout moyen permettant un contrôle de l’activité des salariés219. Les élus et notamment les délégués du personnel doivent par ailleurs s’assurer qu’il n’y a aucune atteinte aux droits des personnes, aux libertés individuelles qui ne soit justifiée et proportionnée au but recherché220. Le comité d’entreprise doit par ailleurs « être informé et consulté préalablement à tout projet important d’introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d’avoir des conséquences sur l’emploi, la qualification professionnelle, la formation ou les conditions de travail »221. L’effet de la consultation doit être utile. Elle doit intervenir à un moment où le projet peut encore être modifié sous l’impulsion des représentants du personnel, soit avant la déclaration éventuelle auprès de la CNIL. 128. La consultation du CHSCT n’est prévue par aucun texte. Celui-ci se prononce sur toute décision relevant de sa compétence dont il est saisi par l’employeur, le comité d’entreprise et les délégués du personnel. La Cour de cassation s’attache aux effets du système mis en place pour apprécier la compétence du CHSCT. L’évaluation du salarié est ainsi « manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail » et justifie la consultation du CHSCT222. Il pourrait en être de même de la mise en place de règles de conduite à destination des salariés et, pire encore, de possibilités de contrôle de leur activité. II. La mise en œuvre de la surveillance Le contrôle de l’activité des salariés peut passer par la mise en place d’outils permettant à l’employeur d’effectuer lui-même ce contrôle (A) ou de laisser les salariés se contrôler euxmêmes (B). C. trav., art. L. 2323-32 C. trav., art. L. 2313-2 221 C. trav., art. L. 2323-13 222 Cass. soc., 28 novembre 2007, préc. note 55 219 220 - 61 - A) Les outils de contrôle par l’employeur 129. Instruments. Le filtrage est admis par le législateur223. Il a même été affirmé au niveau européen que les outils de filtrage constituent des éléments essentiels pour assurer un environnement plus sûr sur Internet224. En dehors des obligations de déclaration et d’information précitées, ces dispositifs présentés par un nombre croissant de prestataires n’offrent pas de difficulté particulière. Ils peuvent prendre plusieurs formes. Les logs sont par exemple des outils permettant de restreindre ou de contrôler des accès à des sites en ligne et en même temps de tracer de manière individuelle ou collective l’usage d’Internet. Certains auteurs ont souligné que « la traçabilité est inhérente à tous ces outils d’usage quotidien »225. Elle est surtout facilitée. 130. La faute découverte a pu être sanctionnée alors même que les salariés et les représentants du personnel n’avaient pas été informés de la mise en place du dispositif de traçage informatique226. En l’espèce, le salarié employé d’une banque avait reconnu avoir consulté, par curiosité, des comptes sans rapport avec ses missions. La protection du secret bancaire a prévalu. Il n’est pas certain que la Cour de c assation conserve cette souplesse dans une autre affaire. Il est conseillé de respecter les formalités précitées, la seule exception étant le simple contrôle technique. La simple vérification par l’administrateur du service informatique de la nature des sites auxquels s’est connecté le salarié durant son temps de travail, l’identification des sites visités et la transmission des informations obtenues au dirigeant de la société constitue une procédure licite si la vérification s’est opérée à l’occasion d’un contrôle de routine, sans qu’un système de surveillance du salarié ait été mis en place227. 131. Opposabilité. Qu’il s’agisse des dossiers informatiques, des courriers électroniques ou de la connexion du salarié à des sites internet, ceux-ci sont considérés avoir un caractère professionnel, à moins qu’une mention fasse expressément apparaître leur caractère personnel228. Un dossier intitulé par le prénom du salarié229 ou un répertoire nommé par les initiales du salarié230 ne sont pas considérés comme « personnel ». L’employeur peut y avoir accès librement. Il ne doit y avoir aucun doute possible sur le caractère personnel du dossier LCEN, art. 6.I-1, préc. note 74et CPI, art. 335-12 Décis. n°276/1999 CE du 25 janvier 1999, considérant n°5 225 J.-E. RAY, « Actualité des TIC (I). Relations individuelles de travail », Dr. soc. 2008, p. 1072 226 Cass. soc., 18 juillet 2000, n°98-43.485 227 CA Amiens, 7 avril 2009, n°08/02085 228 Cass. soc., 18 octobre 2006, n°04-48.025 229 Cass. soc., 8 décembre 2009, n°08-44.840 230 Cass. soc., 21 octobre 2009, n°07-43.877 223 224 - 62 - ou du fichier. Le salarié doit clairement le nommer « personnel » ou « privé ». Les favoris, indiquant la préférence du salarié pour un site internet ne sont pas non plus assimilés aux fichiers personnels231. 132. Le salarié détient seul le pouvoir de protéger les éléments de sa vie privée qu’il introduit sur le lieu de travail. Cette protection est elle-même limitée. Un salarié qui empêche son employeur d’accéder à son ordinateur, notamment en installant un code ou un procédé de cryptage, encourt un licenciement pour faute grave, quel que soit le contenu des fichiers éventuellement découverts232. Le salarié ne peut entraver le fonctionnement de l’entreprise et le pouvoir de direction de son employeur. Il doit lui permettre de prendre connaissance des fichiers à caractère professionnel contenus dans son poste informatique. 133. Les contrôles licites permettent une sanction du salarié contrevenant. Ils sont souples pour les éléments professionnels. S’agissant des données à caractère personnel, la consultation des fichiers personnels du salarié doit s’opérer en sa présence ou celui-ci dûment appelé, sauf risque ou événement particulier, comme l’intrusion d’un virus menaçant le système informatique de l’entreprise233. L’intervention du juge judiciaire n’est plus nécessaire dans ce cas234. 134. Une autre voie a été ouverte par la Cour de cassation lorsqu’il est nécessaire de protéger les données figurant dans l’ordinateur du salarié pour un motif légitime, comme le risque de voir le salarié effacer toutes les preuves compromettantes. L’employeur peut alors recourir aux dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile. Une ordonnance du juge autorisera l’employeur et un huissier à s’introduire sur son ordinateur ou dans sa correspondance privée ou professionnelle. La procédure n’est pas contradictoire, le salarié n’a pas à être informé de la démarche. Il doit exister un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige 235. La découverte de photos érotiques dans le bureau du salarié ne suffit pas236. L’entreprise est en revanche fondée à faire établir ou conserver par huissier, avant tout procès, la preuve de Cass. soc., 9 février 2010, n°08-45.253 Cass. soc., 18 octobre 2006, n°04-48.025 233 Cass. soc., 17 mai 2005, n°03-40.017 234 Cass. soc., 17 juin 2009, n°08-40.274 235 Cass. soc., 23 mai 2007, n°05-17818, Bull. civ. V, n°84 et Cass. soc., 10 juin 2008, n°06-19229, Bull. civ. V, n°129 236 Cass. soc., 17 mai 2005, n°03-40017, Bull. civ. V, n°165 231 232 - 63 - possibles d’actes de concurrence déloyale tirée de captures d’écran des blogs tenus par un ancien salarié et de courriels envoyés aux collaborateurs en vue de leur débauchage237. 135. Il existe enfin une exception si les fichiers délictueux ont été découverts par la volonté du salarié contrevenant, par exemple suite à un examen technique de son ordinateur qu’il a lui-même sollicité238. Le contrôle n’est alors plus l’œuvre de l’employeur ; son caractère illicite ne peut lui être reproché. Cette assouplissement a été étendu aux courriers électroniques dans deux arrêts du 2 février 2011239. Dans la première affaire, le remplaçant d’un salarié avait eu accès à sa messagerie qui contenait plusieurs mails où étaient tenus des propos provocateurs et outranciers à l’égard de la hiérarchie. Dans la seconde affaire, le mail était envoyé en copie à un autre salarié qui l’avait transmis à l’employeur. Le salarié y insultait sa hiérarchie et annonçait un abandon de poste. Par ailleurs, les propos tenus étaient « en rapport avec l’activité professionnelle », tant dans leur contenu que par leur envoi au lieu et au temps de travail. Leur utilisation pour justifier une sanction disciplinaire ne portait pas atteinte à la vie privée des salariés. Le rapport de subordination prend le pas sur la tolérance accordée au salarié. B) Les outils de contrôle par les salariés : les alertes professionnelles 136. Ancien dispositif. La CNIL a depuis quelques années fixé un cadre précis en matière d’alerte professionnelle afin de limiter la ‘délation organisée’, tout en offrant aux entreprises une simplification des formalités à accomplir et ce, préalablement à la mise en œuvre d’un dispositif d’alerte comportant un traitement automatisé de données à caractère personnel. L’autorisation unique n°AU-004 relative aux alertes professionnelles permet ainsi aux entreprises d’effectuer un simple engagement de conformité à l’égard des dispositifs dont le champ d’application correspond à celui défini par la Commission. 137. La CNIL a modifié le champ d’application de cette autorisation unique240 à la suite d’une décision de la Cour de cassation ayant considéré que le champ d’application de cette autorisation était trop large241. Dans sa rédaction d’origine, la finalité de l’alerte était définie par l’article 1 de l’autorisation, à savoir la mise en place d’un dispositif de contrôle interne dans les domaines financier, comptable, bancaire et de la concurrence. L’article 3 autorisait 237 CA Rennes, 18 janvier 2011, n°10/07452 Cass. soc., 10 octobre 2007, n°06-43.816 239 Cass. soc., 2 février 2011, préc. note 121 240 Délib. du 14 octobre 2010, JO du 8 déc. 241 Cass. soc. 8 décembre 2009, n°08-17.191 238 - 64 - cependant des dérogations et permettait la communication d’informations ne se rapportant pas à ces domaines dès lors que l’intérêt vital de l’entreprise ou l’intégrité physique et morale de ses employés était en jeu. Cette disposition permettait d’étendre les dispositifs d’alerte au signalement notamment de comportements discriminatoires et/ou constitutifs de harcèlement. 138. Nouveau dispositif. L’autorisation unique modifiée concerne désormais exclusivement les alertes professionnelles signalant des manquements graves relevant des domaines comptable, financier, bancaire et de lutte contre la corruption, mais également signalant des faits relevant du respect des règles en matière de concurrence, pour lesquelles un simple engagement de conformité peut-être effectué. Les dispositifs concernant d’autres domaines devront faire l’objet, toujours préalablement à leur mise en place, d’une autorisation individuelle spécifique accordée au cas par cas par la CNIL. Aucune nouvelle déclaration de conformité ne doit en revanche être établie dès lors que le périmètre du dispositif d’alerte professionnelle mis en place respecte le nouveau champ. Pour la Commission, les entreprises doivent rappeler à leurs salariés de privilégier les voies classiques pour signaler les dysfonctionnements dans ces domaines, comme la voie hiérarchique, l’information des représentants syndicaux ou du personnel ou encore du service des ressources humaines. Les dispositifs d’alerte doivent être conçus comme uniquement complémentaires par rapport aux autres modes d’alerte dans l’entreprise. Les entreprises disposent d’un délai de 6 mois pour mettre leurs traitements en conformité, soit jusqu’au 7 juin 2011. Les dispositifs non conformes après cette date ne pourront pas être opposés au salarié. La mise en œuvre de systèmes de ‘délation’ pour une utilisation abusive d’Internet est excessive et disproportionnée par rapport aux buts recherchés. Elle ne pourra être admise par la CNIL ou par les juges. En revanche, les atteintes à des intérêts protégés par la loi, comme la propriété littéraire et artistique, justifieraient un tel contrôle. §2/ Le contrôle externe à l’entreprise Les problématiques liées à l’usage d’Internet par les salariés dépassent l’entreprise. Ses collaborateurs peuvent agir au-delà de son enceinte via des supports externes (I). Leurs agissements peuvent également être réprimés par des autorités extérieures (II). - 65 - I. La responsabilité des acteurs externes 139. Qualification. Comme l’ont souligné certains auteurs, le fournisseur de réseaux sociaux « a la qualité d’hébergeur au titre des prestations de services qu’il fournit en proposant un service permettant à des éditeurs, personnes physiques ou morales, de mettre en ligne leur contenu et de l’offrir à la consultation du public »242. Ils peuvent être couverts au titre de leur activité par la définition légale des prestataires de stockage, ou hébergeurs. Sont en effet hébergeurs les « personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature [les tweets, les profils Facebook] fournis par des destinataires de ces services [les membres du réseau]»243. La qualification d’hébergeur des réseaux sociaux a été confirmée par les tribunaux244. 140. Pour les autres sites internet, les juges distinguent les sites comportant une partie éditoriale et les espaces de contributions personnelles identifiées comme tels accueillant les commentaires adressés par le public. Le site ne sera pas qualifié d’hébergeur mais doit être regardé comme l’éditeur d’un service de communication au public en ligne245. La distinction est devenue théorique. En matière d’infractions de presse, le régime du directeur de la publication a été calqué sur celui de l’hébergeur246. 141. Imputabilité. Les hébergeurs bénéficient d’un régime de faveur. Ils n’encourent pas une responsabilité de plein-droit pour les contenus qu’ils stockent mais une responsabilité pour faute. Ils ne seront pas jugés responsables des contenus litigieux fournis par les utilisateurs de leur service puisque le législateur a établi qu’ils ne sont soumis à aucune obligation de contrôle a priori247. Dès lors, l’hébergeur est présumé ne pas pouvoir avoir connaissance du caractère manifestement illicite d’un contenu litigieux, à moins d’en avoir été préalablement informé. La solution est pragmatique. Il n’est pas possible de contrôler le nombre de contenus C. FEL et E. SORDET, préc. note 71 LCEN, art. 6-I-2, préc. note 74 244 TGI Paris, ord. 13 avril 2010, Facebook c. Giraud, la plateforme ayant été condamnée, en sa qualité d’hébergeur, à retirer sous astreinte la photographie litigieuse et à communiquer les données d’identification du créateur de la page et de auteurs des commentaires postés 245 TGI Paris, ord. 15 février 2010, société éditrice du site Notetonentreprise.com 246 L. n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, art. 93-3, mod. L. n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite « Hadopi 1 », art. 27: sa responsabilité ne peut être engagée s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour le retirer 247 LCEN, art. 6-I-7, préc. note 74 242 243 - 66 - mis en ligne, sauf à mettre en œuvre des moyens de contrôle importants et coûteux. Le statut d’hébergeur, tel que défini par la directive européenne du 8 juin 2000248, n’est en revanche pas appliqué aux sociétés tiers établies hors de l’Union européenne249. 142. La connaissance du contenu litigieux sera présumée si plusieurs éléments sont notifiés à l’hébergeur : l’identité du notifiant (pour la personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et son représentant légal), l’identité du destinataire, la description des faits litigieux et leur localisation précise250, par exemple en précisant l’adresse URL de chaque contenu, les motifs pour lesquels ce dernier doit être retiré et la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur du contenu litigieux demandant leur retrait ou leur modification, ou la justification selon laquelle ce dernier n’a pu être contacté251. 143. A partir du moment où il a été régulièrement informé, l’hébergeur doit agir promptement. Un délai de quatre jours a été considéré comme acceptable252. A l’inverse, un retrait au bout de deux mois est trop long253. Si l’hébergeur manque à ses obligations, la responsabilité imputable à l’auteur du contenu litigieux sera reportée sur lui. Il s’agit d’une garantie pour le plaignant. Dans l’hypothèse où le contenu réapparaît sur le même réseau social, la jurisprudence est venu ajouter que l’hébergeur engagera sa responsabilité, même si la remise en ligne est le fait d’utilisateurs différents. Il ne s’agit pas d’un fait nouveau nécessitant une nouvelle notification254. Cette obligation peut conduire les hébergeurs à mettre en place des mesures de surveillance des contenus. 144. Cependant, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne255, M. Cruz Villalòn, a considéré qu’une mesure ordonnant à une fournisseur d’accès à Internet la mise en place d’un système de filtrage et de blocage des communications électroniques aux fins de protéger les droits de propriété intellectuelle porte atteinte aux droits fondamentaux protégés par la Charte. La mesure se présente comme une limitation du droit au respect du secret des communications, du droit à la protection des données personnelles et à la liberté d’expression. Directive n°2000/31/CE du 18 juin 2000, considérant 58 : « la présente directive ne doit pas s’appliquer aux services fournis par des prestataires établis dans un pays tiers » 249 TGI Paris, 18 novembre 2010, Sté Les Echos c. Sté Sedo GmbH et a. 250 CA Paris, 14 avril 2010, DailyMotion c. Omar et Fred : « l’hébergeur doit être mis en mesure de reconnaître, dans la masse des documents stockés, es contenus contestés » 251 LCEN, art. 6-I-5°, préc. note 74 252 CA Paris, 13 octobre 2010, Magdane c. DailyMotion 253 TGI Paris, 25 mars 2009, Lafesse c. Myspace 254 CA Paris, 3 décembre 2010, Zadig Production c. DailyMotion 255 Concl. dans l’affaire C-70/10, Scarlet Extended c. Société belge des auteurs compositeurs et éditeurs (Sabam), communiqué de presse n°37/11 du 14 avril 2011 248 - 67 - Pour être admissible, la mesure doit notamment reposer sur une base légale nationale accessible, claire et prévisible. Il était demandé au juge de condamner le FAI à faire cesser les atteintes au droit d’auteur en rendant impossible ou en paralysant toute forme d’envoi ou de réception par ses clients, au moyen de logiciels peer-to-peer, de fichiers reprenant une œuvre musicale sans l’autorisation des ayants droit. La mesure, in abstracto et à titre préventif, sans limitation dans le temps, imposait la mise en place d’un système de filtrage en vue d’identifier sur le réseau la circulation de fichiers litigieux et de bloquer le transfert de ceux-ci par les internautes. 145. Par ailleurs, un système de filtrage par mots clés est pertinent pour une vidéo dès lors que ces termes font l’objet d’un droit de propriété intellectuelle256. Cependant, filtrer un texte porterait atteinte à la liberté d’expression des autres utilisateurs des réseaux sociaux, sauf à établir des combinaisons subtiles de mots-clés. De plus, la responsabilité pour faute s’explique par les difficultés à contrôler la multitude de contenus mis en ligne. On pourrait la remettre en cause pour des contenus litigieux voisins de ceux ayant déjà amené à une condamnation de leur auteur dès lors que l’hébergeur a lui-même opté pour un système de filtrage. II. La responsabilité de l’employeur La culpabilité de l’employeur peut être retenue sur deux fondements. Il peut avoir lui-même commis une faute à l’origine du dommage reproché (A). Le salarié peut aussi engager la responsabilité son employeur pour les fautes qu’il a commises (B). A) L’existence d’une responsabilité directe 146. Fondement. Les entreprises ont une double qualité, elles « définissent le contenu comme la forme de leur communication et assurent le contrôle éditorial de leur espace ». L’éditeur détermine les contenus qui doivent être mis à la disposition du public. Les entreprises ont donc la qualité d’éditeur257. Chaque utilisateur des réseaux sociaux (dont l’entreprise y possédant une page pour des raisons marketing par exemple) est responsable du contenu figurant sur sa page, tant au plan pénal que civil, en cas d’atteintes à des intérêts TGI Créteil, 14 décembre 2010, INA c. Youtube, injonction de Youtube d’installer sur son site un système de filtrage efficace et immédiat des vidéos dont la diffusion a été ou sera constatée par l’INA 257 C. FEL et E. SORDET, préc. note 71 256 - 68 - juridiquement protégés258. Le régime juridique applicable se rapproche de celui de l’hébergeur. La conséquence est une exonération de responsabilité civile. Le directeur de la publication, c’est-à-dire l’employeur, peut voir sa responsabilité exonérée s’il n’avait pas connaissance du message litigieux avant sa mise en ligne259. Seule subsiste une responsabilité pour faute si, prévenu du caractère illicite de certains contenus, l’entreprise n’a pas pris pas les mesures adéquates pour faire cesser leur diffusion. 147. Parallèlement, les entreprises permettent l’accès de leurs salariés à Internet. Elles ont alors la qualité de fournisseur d’accès. Une nouvelle obligation de surveillance de sa ligne internet est née avec les lois « HADOPI »260. L’assistance passive à la commission du délit de contrefaçon est punie si une absence de ‘sécurisation’ de la connexion à Internet par le titulaire de l’accès est relevée. Les entreprises sont visées par les dispositions de ces lois. Le nouveau délit de négligence caractérisé transforme l’employeur en gardien de l’accès à Internet. Il doit s’assurer de l’absence d’utilisation d’Internet par les salariés pour commettre un délit de contrefaçon. Il ne s’agit pas d’une responsabilité du fait d’autrui mais d’une réelle responsabilité de l’entreprise, qui devient auteur de l’infraction. Cette obligation de surveillance ne s’arrête plus à la contrefaçon, le mécanisme de responsabilité du fait de ses préposés permet une extension du principe à d’autres domaines. B) La responsabilité du fait de ses préposés 148. Conditions. Dès lors que les contenus litigieux sont insérés par un salarié, dans l’exercice de ses fonctions, l’entreprise pourra voir sa responsabilité engagée. L’article 1384 alinéa 5 du Code civil prévoit en effet que les « commettants [sont responsables] du dommage causé par leurs […] préposés dans les fonctions auxquelles ils sont employés ». Il appartiendra à l’employeur d’établir la faute intentionnelle de son salarié261 ou que celui-ci a excédé les limites de sa mission. Quand le fait litigieux est commis par un organe de la société, c’est-à-dire une personne qui veut et agit au nom de celle-ci, on considère que la personne morale a accompli elle-même l’acte. Le risque de l’entreprise de voir engager sa responsabilité pourrait être restreint aux salariés chargés par elle de gérer sa présence dans la sphère numérique. Mais la jurisprudence a une approche large permettant d’englober une L. du 29 juillet 1982, art. 93-3, mod. L. du 12 juin 2009, art. 27, préc. note 245 TGI Paris, 17ème ch., 3 novembre 2009, Sté AMTT c/ Munck 260 L. du 12 juin 2009, préc. note 245 et L. n°2009-1311 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, dite « Hadopi 2 » 261 Ass. plén., 25 février 2000, n°97-17.378 et n°97-20.152, JCP-G 2000, n°10295 258 259 - 69 - pluralité de situations dans lesquelles le salarié n’avait pas reçu l’approbation de son employeur. 149. La responsabilité du commettant ne sera engagée que s’il existe une faute à l’origine du dommage262. Celle-ci doit être en relation avec les fonctions. Il est présumé, pendant le temps de travail, accomplir ses tâches pour le compte de son employeur. Le rapport de préposition suppose la maîtrise de l’activité par le commettant. Dans certaines hypothèses, l’acte sera en rapport avec les fonctions. Mais le fait que la victime sache qu’il n’est pas exercé dans l’intérêt de la société permet d’exclure toute responsabilité du commettant. Cependant, la bonne foi est présumée. Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de cette connaissance263. 150. Exonération. Seul l’abus de fonction permet de libérer l’entreprise de sa responsabilité. L’exonération nécessite la réunion de trois conditions cumulatives : une action par le salarié hors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions. Le salarié doit avoir agit sur une initiative personnelle et sans rapport avec sa mission264. Un acte commis sans utiliser les moyens fournis par l’entreprise ou hors du temps de travail devrait être sans rapport avec les fonctions. Dans ces hypothèses, le salarié est libre et indépendant dans ses mouvements, l’employeur ne peut pas contrôler ses actes. Mais il a été admis qu’un acte commis pendant une pause sur le lieu de travail engagera la responsabilité du commettant265. 151. La responsabilité de l’entreprise sera encore plus difficile à être écartée si les faits ont été commis à la fois avec l’ordinateur professionnel mis à la disposition du salarié et pendant son temps de travail. L’employeur est tenu de surveiller l’activité de ses salariés. Les juges suivent cette analyse et vont considérer que l’acte n’était pas étranger aux attributions du salarié. Il en est ainsi du salarié ayant créé un site illicite sur son lieu de travail266. Par ailleurs, le commettant reste civilement responsable même si les actes dommageables sont pénalement répréhensibles267. 262 Cass. req. 19 février 1866, S. 1866, 1, 214 Cass. civ. 2ème, 11 juillet 1979, n°78-12.863, Bull. civ. II, n°212 264 Cass. civ. 2ème, 3 juin 2004, n°03-10.819, Bull. civ. II, n°275 265 Cass. crim., 28 mars 1973, n°71-92.319, Bull. crim., n°159 266 CA Aix-en-Provence, 12 mars 2006, JCP-G 2006, n°10168 267 Cass. crim. 23 juin 1988, n°86-90.5096, Bull. crim., n°289 263 - 70 - 152. La contrefaçon est assimilée à un vol des droits de propriété intellectuelle d’un auteur. Cette approche devrait permettre d’exonérer la responsabilité de l’employeur qui ne peut cautionner de telles pratiques. Dans le cas de vols dans les locaux que le salarié devait garder, ou bien d’incendie, il a été admis que « le préposé se place nécessairement hors de ses fonctions »268. Mais la jurisprudence présume aussi que l’utilisation du véhicule, ou dans notre cas de l’ordinateur, est intervenue avec l’autorisation du commettant. C’est à ce dernier de prouver le contraire pour s’exonérer269. Section II : L’extinction de la relation de travail Il faut rappeler que, pour apprécier la faute, le juge se fonde sur les éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles270. Il n’est pas lié par la qualification des faits donnée par l’employeur et doit rechercher la véritable cause du licenciement271. Le motif de licenciement est apprécié au jour où la rupture du contrat est décidée par l’employeur272. Il reviendra à l’employeur d’apporter la preuve du caractère condamnable de l’acte ou des propos reprochés (Sous-section 1) avant d’envisager de sanctionner le salarié (Sous-section 2). Sous-section 1 : Les cas d’ouverture du licenciement Il existe deux principales causes de licenciement. Le salarié peut soit contrevenir aux obligations découlant de son contrat de travail (§1), soit porter atteinte à des intérêts légalement protégés (§2). L’apparition d’Internet va augmenter les risques de commission. §1/ La violation des obligations contractuelles En vertu de l’article L. 1221-1, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Il en découle que le salarié ne peut révéler des éléments internes à l’entreprise si son employeur ne le souhaite pas (I). Le salarié est également lié pas une obligation générale de loyauté (II). 268 Cass. civ. 2ème, 22 mai 1995, n°92-19.172, Bull. civ. II, n°154 Cass. crim., 21 mars 1989, n°88-82.686, Bull. crim., n°142 270 C. trav., art. L. 1235-1 271 Cass. soc., 20 septembre 2006, n°04-48.341 272 Cass. soc., 23 mai 2000, n°98-40.634 269 - 71 - I. L’obligation de discrétion et de confidentialité 153. Durant l'exécution de son contrat de travail, le salarié est tenu de satisfaire à une obligation générale de discrétion. L’appréciation des juges du fond est subjective. Elle prend en compte le cadre d’exécution du fait litigieux et la personnalité du salarié en cause. Ainsi, ne commet aucune faute la secrétaire qui s'est bornée, sans divulguer aucun secret, à rapporter à l'une de ses collègues des faits révélant la tension qui existait entre l'ancien et le nouveau dirigeant de l'entreprise, sa discrétion ayant toujours été appréciée jusqu'alors273. 154. D’autre part, il doit exister une primauté dans la révélation faite par le salarié par rapport à sa hiérarchie, sans quoi il s’agit d’un simple rappel ou d’un commentaire des propos tenus. Le salarié qui se contente de constater, lors d’une interview et sur son blog, une stratégie de développement de la société déjà énoncée par son Président et sans intention malveillante ne viole pas son obligation de discrétion et n’abuse pas de sa liberté d’expression274. L’obligation de confidentialité demeure après la rupture du contrat de travail. Son inexécution par le salarié postérieurement à son départ de l’entreprise le rend responsable du préjudice qui en résulte275. En outre, la divulgation de secrets professionnels et de secrets de fabrication est passible de sanctions pénales276. II. L’obligation de loyauté 155. Le salarié est tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son employeur, y compris en dehors de sa vie professionnelle. Elle est liée à l’exécution du contrat de travail, conformément à l’article 1134 du Code civil. Il n’est pas nécessaire de la rappeler dans une clause spécifique, même si les juges du fond peuvent la rattacher à un élément du contrat de travail plutôt qu’à son existence même, suffisante en soi pour faire naître une telle obligation. Ainsi, un salarié ne peut relater sur un blog son expérience professionnelle en dénigrant systématiquement son employeur et en mettant en ligne des informations confidentielles : 273 Cass. soc., 18 juin 1996, n°94-43.749 CA Paris, 23 septembre 2010, n°08/11257 275 Cass. soc., 19 mars 2008, n°06-45.322 276 C. pén., art. 226-13, « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende » 274 - 72 - « une clause de confidentialité [ou de discrétion] contient intrinsèquement une obligation de loyauté vis-à-vis de l’employeur »277. 156. Des heures libres sont accordées au salarié licencié pendant la durée de son préavis en vue de la recherche d’un nouvel emploi, selon les dispositions conventionnelles ou les usages en vigueur dans l’entreprise. Maintenant que la diffusion des offres d’emploi est dématérialisée, un salarié peut librement postuler à un autre poste sur son temps de travail alors qu’il est encore engagé vis-à-vis de son employeur. A notre sens, il s’agit d’une violation de l’obligation de loyauté. Les courriers électroniques envoyés dans ce cadre ont par ailleurs un caractère professionnel. L’employeur pourra y accéder librement. Les cas les plus flagrants révèleront une intention de nuire et justifieront un licenciement immédiat sur le fondement de la faute lourde, comme la copie d’images de la banque de données pour les exploiter dans une entreprise concurrente suivie de l’introduction d’un virus dans le logiciel de base et la saturation volontaire des fichiers rendant le système inutilisable278 157. Il ressort que l’obligation de loyauté comprend aussi une obligation de non-concurrence. Une salariée énonçant sur un blog les mêmes conseils en dermatologie que ceux prodigués dans les pharmacies pour le compte de son employeur, en s’appuyant sur les connaissances acquises chez celui-ci, viole son obligation d’exclusivité et de discrétion279. Le salarié ne peut pas non plus produire sur son blog des photographies représentant des travaux réalisés par sa société en se les attribuant en vue de monter une entreprise concurrente280. Si le contenu vise des produits ou des services, l’employeur pourra envisager une action en dénigrement sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. §2/ La violation des obligations légales et réglementaires Le salarié peut porter atteinte à des intérêts économiquement protégés (I) ou à la personne même de son employeur (II). 277 TGI Béthune, 14 décembre 2010, Acess from Everywhere c. Eric N., n°09/02925 : par ailleurs, les moyens employés étaient disproportionnés eu égard au seul but de relater son expérience professionnelle. Afin de faire remonter les informations dans le classement Google, les propos étaient également tenus sur de nombreux forums. En l’espèce, l’entreprise a été réparée sur le terrain civil par le retrait des propos litigieux et l’affichage de la condamnation pendant six mois sur le blog de l’ancien salarié. 278 Cass. soc., 28 juin 2000, n°98-42.210 279 CA Paris, 4 mars 2008, n°07/06356 280 CA Aix-en-Provence, 1er septembre 2010, n°09/09196 - 73 - I. Le caractère économique de la faute 158. Contrefaçon. L’auteur de toute création de l’esprit faisant preuve d’originalité se voit conférer des droits de propriété intellectuelle281. Cette définition concerne tout type de support : texte, dessin ou logo. Les entreprises sont titulaires des marques enregistrées. Elles sont fondées à surveiller les réseaux sociaux pour s’assurer qu’il n’est pas porté atteinte à leurs droits et à agir contre l’internaute sur le fondement du délit de contrefaçon. Un « effet boomerang » est cependant à craindre, tout mouvement en vue de contrôler l’espace de liberté que présente Internet peut se retourner contre le titulaire des droits. Pour mettre en évidence la contrefaçon d’une marque, il est nécessaire que quatre conditions soient remplies : l’absence d’autorisation du titulaire, un usage dans la vie des affaires, des produits et/ou des services similaires ou identiques et un risque de confusion dans l’esprit du public282. Une société qui offre à l'internaute la possibilité de créer ses pages personnelles à partir de son site et propose aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion, acquiert la qualité d’éditeur et peut voir sa responsabilité engagée du fait du contenu de la page internet283. Ce n’est plus un simple hébergeur. De manière plus générale, l’éditeur ou l’auteur contrefaisant pourront être sanctionnés sur le fondement de l’article 1382 du Code civil pour avoir mis en ligne une information portant préjudice à l’entreprise. 159. Usurpation d’identité. En France, le délit d'usurpation d'identité n’était directement sanctionné que dans une hypothèse, le fait de prendre le nom d'un tiers284. Son invocation était subordonnée à l’existence de conséquences pénales à l’égard de la personne usurpée, ce qui était très restrictif. L’article 222-4-2 du Code pénal a été modifié pour introduire, en droit français, le délit d’usurpation d’identité numérique285. Cette disposition, insérée dans le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 »286, complète les articles relatifs à l’escroquerie287, à l’usurpation d’identité 281 CPI, art. L. 111-1 et s. CPI, art. L. 713-1 et s. 283 Cass. soc., 14 janvier 2010, n°06-18.855, Sté Tiscali Média 284 L’article 434-23 du Code pénal punit « le fait de prendre le nom d’un tiers, dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales […] Dans ce cas, elle est punie de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. » 285 Le texte a ainsi été rédigé : « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne » 286 L. n°2011-267 du 14 mars 2011, art. 2 287 C. pén., art. 313-1 282 - 74 - provoquant un dommage financier288 et à la diffamation289. Cet article, initialement prévu pour les personnes privées, pourrait être utilisé par une entreprise en présence d’un utilisateur faisant croire qu’il agit en son nom et même, de façon plus large, afin de dépasser l’obstacle que présente l’exception de parodie. Deux éléments devront être réunis : l’utilisation de l’identité (élément matériel), dans le but de troubler la tranquillité d’un tiers ou en vue de porter atteinte à son honneur et à sa réputation (élément moral). Mais l'usurpation d'identité peut également tomber sous le coup des dispositions de la loi Informatique, fichiers et libertés puisqu’elle donne lieu à un traitement de données à caractère personnel, selon les dispositions étudiées dans le précédant chapitre. II. Le caractère personnel de la faute Le développement d’Internet a permis l’apparition de nouvelles formes d’expression (twitter, blogs, réseaux sociaux, etc.) offrant chacune la possibilité aux salariés ou anciens salariés d’exprimer ce qu’ils pensent de leur entreprise à l’adresse d’un large public. Si la liberté d’expression sur le lieu de travail ou à l’égard de son employeur est largement reconnue (A), les propos peuvent être librement tenus qu’à la condition de ne pas constituer une diffamation ou une injure (B). A) Le principe de la liberté d’expression 160. Fondements. Le droit à la liberté d’expression est rappelé au sein du Code du travail dans le cadre des droits collectifs des salariés. Ainsi, « les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail »290. Ce droit est limité quant à son objet mais également dans ses modalités291. En effet, il « s’exerce seulement dans le cadre de réunions collectives organisées sur les lieux et pendant le temps de travail »292. Les opinions émises alors par les salariés, quelle que soit leur position hiérarchique, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. 161. La liberté d’expression individuelle est posée à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, intégrée au sein du bloc de constitutionnalité, et à l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Son respect 288 C. pén., art. 434-23 L. du 29 juillet 1881, art. 29 290 C. trav., art. L. 2281-1 291 E. DOCKÈS, « La liberté d’expression au travail », Dr. ouv., janvier 2011, n°750, p. 53 292 Cass. soc., 28 avril 1994, JCP-E 1995, n°680, obs. G. LACHAISE 289 - 75 - s’impose à la fois au législateur et à l’employeur avec l’introduction de l’article L. 1121-1 du Code du travail consacrant un droit général au respect de ses libertés individuelles dans l’entreprise293. A ce titre, le droit d’expression peut « contribuer à exclure ou amoindrir le caractère de propos un peu vifs tenus par un salarié à l’encontre de son employeur »294. La question est alors la capacité qu’il reste à l’employeur pour conjuguer une liberté fondamentale appartenant au subordonné avec le pouvoir de direction et de sanction qu’il tient d’un contrat synallagmatique de droit privé mais également de sa liberté d’entreprendre. 162. Limites à l’expression. Il est certes possible d’exprimer de manière subjective « une opinion dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées, mais dont la vérité ne saurait être prouvée »295. Cependant, « la liberté de discussion ne revêt assurément pas un caractère absolu ; [elle] comporte des devoirs et des responsabilités »296. Elle ne saurait permettre « des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs »297, la Cour de cassation se permettant dans cette matière un contrôle de la qualification des faits litigieux. Les deux premiers termes sont plus aisément identifiables puisqu’ils peuvent également faire l’objet de poursuites pénales au titre des infractions de presse. La notion d’excès est plus floue. Comme le souligne un auteur298, elle est à rapprocher de l’abus, terme souvent employé par les juges. L’abus est plus surtout admis par le caractère réitéré des propos lorsque le salarié « a multiplié les accusations, les polémiques et les sous-entendus »299. Une telle attitude révèle surtout une opposition systématique à l’employeur, on quitte le terrain de la liberté d’expression pour se retrouver dans l’insubordination300. Un seul des faits litigieux aurait été insuffisant. Un fait isolé serait plus facilement qualifié « d’imprudence » qui « ne saurait caractériser à elle seule »301 un abus de la liberté d’expression. 163. Comme en matière d’infraction de presse, l’exactitude des faits302 ou la preuve de la bonne foi permettent une excuse du salarié. La Cour de cassation a rappelé que le fait justificatif de bonne foi se caractérise par la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité 293 C. trav., art. L. 1121-1, préc. note 214 B. TEYSSIÉ, Droit européen du travail, 2010, Litec, p. 15 et CEDH, 19 février 2009, Marchenko c. Ukraine, RJS 8-9/09, n°756 295 TGI Paris, 16 juin 2010, Sté Air Caraïbes c. P. de C. et Sté France 5 296 CEDH, 8 décembre 2009, Aguilera Jimenez et a. c. Espagne, req. n°28389/06 et n°28955/06 297 A titre d’exemple, Cass. soc., 16 juin 2010, n°09-40.065 298 E. DOCKÈS, préc. note 290 299 Cass. soc., 19 octobre 2010, n°09-42.180 300 Le bénéfice de la liberté d’expression a dans le même esprit été refusé en présence d’un acte d’insubordination caractérisé, révélé par la volonté du salarié de ne pas suivre les instructions de son supérieur exprimée en des termes injurieux (Cass. soc., 6 octobre 2004, n°02-44.446) 301 Cass. soc., 11 février 2009, n°07-44.127 302 Cass. soc., 29 septembre 2010, n°09-41.543 et n°09-41.544 294 - 76 - personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression, ainsi que l’exécution d’une enquête par le salarié303. Lorsque l’auteur des propos entend apporter la preuve de leur véracité, il dispose d’un délai de dix jours après la signification de la citation. Il doit faire signifier les faits articulés et qualifiés, la copie des pièces, les noms, professions et demeures des témoins304. Ces formalités et délais doivent être respectés à peine de déchéance, laquelle doit être relevée d’office par le juge305. 164 Limites à l’action. La CNIL reçoit très régulièrement des plaintes d’internautes victimes d’harcèlement sur Internet. Il peut prendre la forme de moqueries, d’injures ou de menaces. Cette forme de harcèlement peut prendre la forme de la création d’un blog, d’une page sur Facebook ou figurer dans un sujet de discussion en ligne. Une entreprise peut être visée par ces campagnes de dénigrement. Pour obtenir la suppression, au moins temporaire, de cette pratique, la victime peut dans un premier temps se tourner vers les différents systèmes de blocage mis en place par la plupart des réseaux sociaux. Sinon, elle pourra exercer son droit d’opposition auprès des responsables de ces sites. Au même titre que le vol d’identité numérique, le droit français n’a pas encore envisagé d’infraction pour harcèlement virtuel, ou cyberbullying. L’entreprise devra agir sur le terrain des infractions de presse. B) Les infractions de presse 165. Exercice des poursuites. En son alinéa premier, l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». Le fait en question doit « être suffisamment précis pour pouvoir faire l’objet du débat sur la preuve de sa vérité »306. L’injure, définie à l’alinéa 2 du même article, a pour caractéristique de ne renfermer « l’imputation d’aucun fait » précis. Si le délit d’injure publique comporte un élément intentionnel, celui-ci n’implique pas en lui-même l’intention de nuire à l’employeur. Les propos doivent être replacés dans leur contexte307. La publication est un élément matériel constitutif essentiel et découle du seul fait de la diffusion auprès du public. 303 Cass. civ. 1ère, 17 mars 2011, n°10-11.784 L. du 29 juillet 1881, art. 35 et 55, préc. note 288 305 Cass. crim., 24 septembre 2002, Bull. crim., n°173 306 TGI Paris, 16 juin 2010, Sté Air Caraïbes c. P. de C. et Sté France 5 307 Cass. soc., 15 décembre 2010, n°08-42.714 pour l’expression « argent sale » 304 - 77 - 166. L’article 32 prévoit que la diffamation envers les particuliers est passible d’une amende de 12.000 euros. Si les propos ont un caractère raciste ou sexiste, la sanction pénale consiste en une amende de 45.000 euros et/ou un an d’emprisonnement. A titre de réparation civile, la victime de la diffamation peut réclamer des dommages et intérêts, ainsi que diverses mesures de publication de la décision du tribunal. Le demandeur à une action fondée sur un des délits de presse doit engager l’instance dans les trois mois de la première mise à disposition du public des propos incriminés, et doit ensuite trimestriellement procéder à des actes de nature à manifester à son adversaire son intention de continuer la procédure engagée308. L’article 46 de la loi précitée fait peser la responsabilité des condamnations civiles sur les propriétaires, en l’occurrence, les sites de communication en ligne. Il existe des possibilités d’exonération de responsabilité qui seront approfondies dans le Titre II. 167. L’hébergeur ou l’éditeur du site sur lequel les propos ont été tenus ou leur auteur pourrait opposer la prescription de trois mois applicable aux infractions de presse. L’infraction de presse est instantanée. La prescription commence à courir à compter de la publication du contenu litigieux. Il faut considérer qu’ « une deuxième mise en ligne d’un même message précédemment publié mais qui avait été supprimé ou mis hors ligne durant plusieurs semaines constitue un nouvel acte de publication, faisant courir un nouveau délai de prescription de trois mois »309. L’intention de l’auteur est à nouveau révélée. 168. Pour éviter de se retrouver enfermer dans une prescription très courte, le plaignant pourrait envisager de demander réparation sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. L’atteinte à l’image ou à la réputation de l’entreprise peut servir de fondement à l’action en justice310. Cette issue de secours a été refusée en raison de la primauté du droit de la presse. Les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi de 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, sauf si les éléments constitutifs de l’une ou l’autre des infractions ne sont pas réunis311. La Cour de cassation a semblé restreindre les voies ouvertes au demandeur en considérant qu’aucun abus de la liberté d’expression envers les personnes ne peut être poursuivi sur le fondement de l’article 1382312. Cependant, la Cour a semblé permettre une ouverture et interpréter sa solution comme restreignant le recours à l’article 1382 aux seuls propos qui, n’entrant pas dans le champ 308 L. du 29 juillet 1881, art. 65, préc. note 288 TGI Paris, 9 octobre 2009, Carl Z. c. Claire C., obs. R. HADOUIN, RLDI, 2009/55, n°1821 310 Cass. com., 8 avril 2008, n°06-10.691 311 Ass. plén., 12 juillet 2000 et CA Orléans, 22 mars 2010, Antoine B. c. Serge G. 312 Cass. civ. 1ère, 27 septembre 2005, n°03-13.622, Bull. civ. II, n°348 309 - 78 - d’application des infractions de presse, visent des personnes physiques ou morales313. Par ailleurs, les moyens subsidiaires fondés sur l’article 9 du Code civil resteraient admis à condition qu’ils ne visent pas à sanctionner une atteinte à l’honneur ou à la considération. Cette possibilité n’a été admise qu’exceptionnellement314 et l’analyse n’a pas encore été consacrée par la Cour de cassation. 169. Alternative aux poursuites. L’article 6-IV de la loi pour la confiance en l’économie numérique du 21 juin 2004 a créé un droit de réponse pour les contenus diffusés en ligne, indépendamment de toute action civile ou pénale315. Une communication au public en ligne consiste en « toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur »316. Le droit de réponse permet de faire publier un texte sur le site où les propos litigieux ont été publiés. 170. Le délai de prescription est également de trois mois. La demande est formulée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen garantissant l’identité du demandeur et apportant la preuve de la réception de la demande. Elle est adressée au directeur de la publication ou, « lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l’anonymat », à l’hébergeur « qui la transmet au directeur de la publication »317 dans les vingt-quatre heures sous peine d’une amende de 750 euros. La demande doit indiquer les références du message, ses conditions d’accès sur le service de communication au public en ligne et, s’il est mentionné, le nom de son auteur, ppréciser la nature du message, écrit, son ou images, et contenir la mention des passages contestés. 171. La réponse prend nécessairement la forme d’un écrit limité à la longueur du message qui l’a provoqué et ne peut, en toute hypothèse, excéder 200 lignes. En vertu de l’article 5 de la loi, le directeur de la publication n’est pas tenu d’insérer la réponse s’il procède à la suppression ou à la rectification sollicitée dans un délai de trois jours à compter de la réception de la demande. En cas d’inexécution, l’amende est de 3.750 euros. 313 Cass. civ. 1ère, 30 octobre 2008, n°07-19.223, Bull. civ. I, n°244 TGI Paris, 21 novembre 1995, inédit 315 LCEN, art. 6-IV, préc. note 74 : « Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse » 316 M. VIVANT, « Entre ancien et nouveau, une quête désordonnée de confiance pour l’économique numérique, Cahiers Lamy, juillet 2004, n°171 317 LCEN, art. 6-IV, préc. note 74 314 - 79 - Sous-section 2 : Le prononcé de la sanction L’employeur doit pouvoir établir la réalité des faits allégués pour éviter que le licenciement soit considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse (§1). La sanction doit pour sa part répondre à plusieurs exigences (§2). §1/ La réunion des éléments de preuve Toute les fautes ne peuvent pas être retenues à l’encontre d’un salarié déterminé (I). La preuve doit aussi respecter plusieurs garanties pour pouvoir fonder le licenciement et être produite en justice (II). I. L’imputabilité du fait litigieux L’employeur peut se placer sur deux terrains pour sanctionner un salarié pour sa conduite, disciplinaire ou non-disciplinaire. Le choix va principalement dépendre du cadre de commission des actes litigieux (A). Il faut parallèlement déterminer si la faute peut être attribuée au salarié (B). A) Le moment de la commission 172. Trouble objectif. Traditionnellement, la Cour de cassation opère une distinction entre l’acte commis au temps et/ou au lieu de travail et l’acte commis en dehors dans un cadre privé318. Elle a développé à ce titre la notion de ‘vie personnelle’ qui a cependant un défaut, « celui de désigner à la fois deux situations différentes : celle du travailleur salarié pendant l’exécution du travail, et celle du travailleur salarié en dehors de l’exécution du travail »319. En principe, un fait de la vie personnelle survenu en dehors du temps de travail ne peut justifier un licenciement. Cependant, les juges ont occasionnellement admis le prononcé de sanctions disciplinaires pour des faits personnels se rattachant à l’activité professionnelle du salarié320. En toute hypothèse, ils ne peuvent jamais caractériser une faute disciplinaire. La 318 Cass. ch. mixte, 28 mai 2007, n°05-40.803 P. WAQUET, « Vie privée, vie professionnelle et vie personnelle, Dr. soc. 2010, p. 14 320 Cass. soc., 22 septembre 2009, n°08-42.304 pour le salarié affecté à la conduite de véhicules automobiles qui s’est vu retirer son permis pour conduite en état d’ivresse 319 - 80 - Cour de cassation a réaffirmé à plusieurs reprises ce principe321. Le licenciement donne lieu à préavis et à une indemnité de licenciement. 173. Lorsque des faits de nature personnelle, comme la tenue d’un blog, rejaillissent sur l’employeur, celui-ci se fonde sur la notion de ‘trouble objectif’ causé à l’entreprise par le comportement du salarié pour prononcer une sanction. Ce sont les conséquences de l’acte sur l’entreprise qui peuvent être sanctionnées et non l’acte en lui-même, puisqu’il relève de la vie personnelle du salarié et que l’employeur ne dispose d’aucun pouvoir disciplinaire sur la vie privée de ses collaborateurs. Cette notion de ‘trouble objectif’ « permet de résoudre le conflit de logiques entre la liberté du salarié et l’intérêt légitime de l’entreprise »322. Le trouble doit être suffisamment caractérisé. Il faut prendre en considération deux éléments : les fonctions du salarié et la finalité propre à l’entreprise. Il n’est pas nécessaire que les propos portent atteinte à l'image de l'entreprise auprès des tiers, le trouble objectif peut aussi bien externe qu’interne à celle-ci. Il en est ainsi lorsque l’auteur du contenu litigieux met en cause le favoritisme du dirigeant à l'égard du personnel faisant partie de ses proches en excipant en outre des carences de ces salariés323. 174. Obligations contractuelles. Aujourd’hui, les faits litigieux peuvent indifféremment être commis sur le lieu de travail ou à son domicile, au temps de travail ou pendant le temps libre du salarié. Il faudrait désormais s’attacher à la teneur même du fait litigieux et aux reproches qui peuvent lui être faits. Il peut être souhaité l’émergence d’une autre forme de séparation. La distinction selon le moment et le lieu de la commission ne rentre plus en jeu. Soit l’acte du salarié s’accompagne d’un manquement dans l’exécution du contrat de travail324 et il est alors qualifié de disciplinaire. Cette approche n’est pas sans rappeler la propre définition de la faute grave (et donc disciplinaire) que reprend la Cour de cassation. La faute grave « résulte d’une violation des obligations découlant du contrat ou des relations de travail qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise »325. Soit le fait incriminé, bien que se rapportant à la vie personnelle, a un impact sur la vie de l’entreprise, lié notamment aux répercussions sur l’image de celle-ci et il doit dès lors être qualifié de non disciplinaire. Cette distinction a été 321 En dernier lieu, Cass. soc., 9 mars 2011, n°09-42.150 pour les troubles engendrés par la publication d’un ouvrage par un salarié occupant des fonctions de direction dans une radio 322 P. WAQUET, préc. note 318 323 CA Rennes, 1er juillet 2010, n°09/05186 324 Cass. soc., 25 janvier 2006, n°04-44.918 : un cadre de banque tenu à une obligation de probité est poursuivi pour vol et trafic de voitures 325 Cass. soc., 10 novembre 2010, n°09-42.077 - 81 - synthétisée par le Conseil d’Etat. Selon la Haute juridiction administrative, un fait de la vie personnelle ne peut valablement justifier un licenciement sur le terrain disciplinaire, « sauf s’il traduit la méconnaissance par l’intéressé d’une obligation découlant de son contrat de travail »326. Nous assistons, après la reconnaissance d’une sphère privée dans l’entreprise, à l’émergence d’une sphère privée en dehors des locaux de l’employeur. Le contrat de travail, et non uniquement l’obligation de loyauté, ne cesse pas de produire effet passé le seuil de l’entreprise. B) La détermination de la responsabilité 175. Auteur certain. Il doit pouvoir être établi que les propos litigieux émanent effectivement du salarié en cause. A défaut, les preuves recueillies ne seront pas recevables devant le juge. Il en est ainsi lorsque le salarié partage son poste informatique et que les comptes utilisateurs ne sont pas séparés327, s’il partage son bureau avec d’autres salariés dans une ambiance conflictuelle328 ou encore, si les accès ne sont pas protégés par un mot de passe329. 176. La preuve de l’heure et de la date de l’activité litigieuse peut être fournie par le contrôle des fichiers de ‘journalisation’. Ils suffisent à établir qu’ils ont été effectués pendant les heures de travail330. Ces fichiers sont destinés à identifier et enregistrer toutes les connexions ou tentatives de connexion à un système donné (Internet, réseau interne). Il s’agit d’une mesure de sécurité devant assurer la sécurité et la confidentialité des données à caractère personnel, lesquelles ne doivent pas être accessibles à des tiers non autorisés ni utilisées à des fins étrangères à celles qui justifient leur traitement. Ces fichiers permettront d’établir de la présence ou non du salarié à son poste de travail et de son accès au site où les propos litigieux ont été tenus. 177. Une difficulté apparaît lorsque l’auteur des propos utilise en dehors de l’entreprise un pseudonyme. Il existe alors un problème d’imputabilité331. Seule une enquête judiciaire permettrait de révéler l’adresse IP (Internet Protocol) servant à identifier l’ordinateur à partir duquel ces publications ont été faites, à supposer que le salarié a utilisé son ordinateur 326 CE, 15 décembre 2010, n°316.856 CA Douai, 17 décembre 2004, n°04/00517 328 CA Metz, 14 décembre 2004, n°02/03269 329 CA Paris, 7 décembre 2004, n°03/33571 330 CA Besançon, 9 septembre 2003, n°02/1454 331 A titre d’illustration en matière d’injures : CA Bordeaux, 30 mars 2010, n°08/07116 327 - 82 - personnel. En vertu de l’article 2 du Code de procédure pénale, seule la victime directe de l’infraction est recevable à agir. Si la diffamation ou l’injure vise un collègue ou un supérieur hiérarchique, seul celui-ci peut exercer son droit d’action. 178. Une citation directe devant le tribunal correctionnel ou une plainte contre une personne désignée sont exclues. La société devra déposer une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation et injure auprès du doyen des juges d’instruction du Tribunal de grande instance. L’infraction devra être précisément décrite dans une lettre recommandée avec accusé de réception. Les propos litigieux auront pu être préalablement constatés par huissier. Après examen de la plainte, le juge d’instruction fixe le montant de la consignation correspondant au paiement d’une éventuelle amende en cas de dépôt de plainte abusif. Cette somme sera restituée si la plainte s’avère justifiée, elle n’est pas systématique et est fixée en fonction des ressources du plaignant. Le juge d’instruction prononce ensuite un non-lieu ou renvoie l’affaire devant le tribunal compétent. Alors, l’enquête judiciaire pourra être ouverte. 179. Victime certaine. A l’inverse, les propos tenus doivent viser une personne déterminée. Dans un affaire, le message injurieux avait été inscrit sur le mur Facebook d’une collègue mais aucun destinataire n’était nommé. L’avertissement a été annulé par les juges du fond au motif que la mention était trop imprécise332 ; il existait une ambiguïté sur la personne visée. Cette solution est fort contestable. L’acte d’insubordination était établi par la mention « notre chef ». Le niveau hiérarchique visé ne devrait avoir d’importance que dans l’hypothèse de l’utilisation d’un pseudonyme par le salarié en cause pour que la victime directe du message puisse engager l’action publique et obtenir l’identification de l’auteur des propos. II. La licéité de la preuve « Sous réserve des dispositions du présent Code, la procédure devant les juridictions prud’homales est régie par les dispositions du livre premier du Code de procédure civile »333. En matière prud’homale, chaque partie est en principe libre de prouver le bien-fondé de sa thèse par les moyens de son choix334. Cependant, « il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention »335. En outre, il résulte 332 CA Reims, 9 juin 2010, n°09/03209 : « Notre chef, il est vraiment autiste, non ??? tu connaîtrais pas un centre spécialisé où on pourrait le soigner ????? D’ailleurs, est-ce que la connerie se soigne ??? Allez je retourne dans le Pays D’Othe, Ca gronde là bas !!! » 333 C. trav., art. R. 1451-1 334 A titre d’illustration : Cass. soc., 27 mars 2001, n°98-44.666 335 CPC, art. 9 - 83 - de l’article L. 1222-1 du Code du travail que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». Deux limites s’imposent à l’employeur : l’obligation de légalité (A) et de loyauté (B) dans l’obtention de la preuve. L’enjeu est essentiel car les éléments qui portent atteinte à une liberté fondamentale, ou ont été obtenus de manière déloyale, seront écartés des débats. A) Le respect des dispositions légales et réglementaires 180. A titre d’illustration, l’employeur est fondé à demander à son administrateur réseaux, soumis à une obligation de confidentialité, d’enquêter sur un incident de sécurité, comme un système de cryptage forcé, conformément à la charte informatique en vigueur dans l’entreprise. Cependant, une enquête de grande amplitude portant sur tous les postes informatiques peut permettre à l’employeur d’avoir accès aux fichiers personnels des salariés. Il est donc tenu de remplir son devoir de transparence336 et notamment de consulter des représentants du personnel. A défaut d’avoir accompli les formalités préalables précédemment énumérées, l’employeur sera passible de sanctions au titre de la violation de la loi « Informatiques et Libertés » et des dispositions du Code du travail. En outre, le traitement de données étant illégal, l’employeur ne pourra se fonder sur les informations recueillies pour justifier une sanction disciplinaire ou un licenciement. Il aura en sa possession un moyen de preuve illicite ne pouvant être produit en justice337. L’absence de déclaration à la CNIL est punie d’une amende de 750 euros. B) Le respect de la vie privée 181. La Cour d’appel de Reims a justement souligné que « la violation d’une correspondance privée suppose qu’un échange écrit ne puisse être lu par une personne à laquelle il n’est pas destiné, sans que soit utilisé des moyens déloyaux »338. L’employeur peut produire en justice des propos tenus par un salarié sur le ‘mur’ d’un ‘ami’339 ou sur son propre mur dès lors que celui-ci est accessible aux ‘amis d’amis’340. Dans ces deux affaires, le salarié avait volontairement donné une dimension publique à ses propos. Leur production à titre de preuve ne constitue pas une atteinte à la vie privée. Le fait que l’auteur du message risque d’ignorer que le destinataire n’a pas restreint l’accès à sa page est sans importance. Les réseaux sociaux sont par nature publics, quoiqu’en pense la CNIL. 336 Cass. soc., 17 juin 2009, n°08-40.274 Cass. soc., 29 janvier 2008, n°06-45.814 338 CA Reims, 9 juin 2010, préc. note 331 339 CA Reims, 9 juin 2010, préc. note 331 340 CPH de Boulogne-Billancourt, 19 novembre 2010, n°09/00343 et 09/03209 337 - 84 - 182. La Commission a pris acte de ces différents cas de licenciements suite à des propos tenus sur les réseaux sociaux et a publié le 10 janvier 2011 une fiche pratique intitulée « Maîtriser les informations publiées sur les réseaux sociaux ». Les propos ont perdu leur caractère privé, et donc la protection qui y est attachée, du fait qu’ils étaient accessibles à des personnes non concernées par la discussion. La Commission préconise la création de catégories de contacts, étanches les unes des autres (amis, famille, collègues). A notre avis, cette recommandation doit être considérée comme insuffisante pour conférer une protection pour les propos tenus sur le ‘mur’ de leur auteur. La discussion se voit conférer un caractère public dès lors qu’elle dépasse le cadre de ses destinataires. En revanche, les conseils de la CNIL doivent être retenus pour éviter que l’employeur en prenne connaissance. Cette séparation a pour intérêt de restreindre les risques de divulgation du propos. Mais la volonté de partager publiquement un propos ne fait pas non plus de doute. L’existence de boîte mail permet au salarié qui ne souhaite pas que son message soit lu par d’autres de s’exprimer. 183. Ainsi, les propos tenus sur un réseau social sont par essence publics. Leur appropriation par l’employeur ne constitue pas une atteinte à la vie privée du salarié. Ce n’est pas le cas dès lors que l’accès est entièrement réservé au seul propriétaire du compte ou à un cercle restreint. Les propos tenus sur Internet peuvent revêtir le caractère d’une discussion privée et échapper ainsi à toute sanction de la part de l’employeur. Il en est ainsi des propos tenus sur le site Windows Live Messenger (MSN) accessibles uniquement aux personnes bénéficiant du mot de passe de ce compte ou ayant eu la possibilité de profiter d’une autorisation d’accès au profil de la part de l’intéressé341. §2/ L’établissement de la sanction Avant d’envisager un licenciement, l’employeur peut opter pour une sanction de moindre importance, soit parce que la faute commise n’est pas assez ‘grave’, soit parce qu’il souhaite quand même conserver son collaborateur (I). S’il opte pour le licenciement, le salarié doit bénéficier du respect de plusieurs garanties (II). 341 CA Douai 29 octobre 2010, n°10/00198. Par ailleurs, les propos ne s’adressaient à quiconque en particulier. Il n’était pas établi qu’ils s’adressaient à la requérante. - 85 - I. Les procédures alternatives au licenciement L’employeur a principalement le choix entre l’avertissement (A) et le retrait de l’accès à Internet ayant permis la commission de l’acte reproché (B). A) L’avertissement 184. Non bis in idem. L’employeur ne peut pas fonder valablement un licenciement sur une faute qu’il a déjà sanctionnée. Il devra retenir qu’un courrier électronique peut constituer une sanction disciplinaire et éviter la formulation de remontrances, constituées par des critiques et l’exigence d’un changement de comportement radical, pouvant caractériser l’expression d’un avertissement342. En effet, est une sanction disciplinaire la mesure écrite « susceptible d’avoir des conséquences sur la relation contractuelle, soit qu’elle la modifie immédiatement dans un sens défavorable au salarié, soit qu’elle puisse, à terme, fonder une telle modification »343. La qualification d’avertissement peut remettre en cause le bien-fondé du licenciement prononcé par la suite mais également sa propre validité si le règlement intérieur ou la convention collective prévoit le respect d’une procédure particulière, comme la tenue d’un entretien préalable344. 185. Il existe plusieurs atténuations au principe non bis in idem. Le refus du salarié de la première sanction, comme la modification du contrat intervenue pour des motifs disciplinaires, permet à l’employeur d’opter pour une nouvelle mesure pouvant aller jusqu’au licenciement345. La persistance du salarié dans son comportement fautif permet également le prononcé d’une nouvelle sanction. Les faits précédemment sanctionnés peuvent être pris en compte tant par l’employeur que par les juges du fond pour apprécier le bien-fondé de la mesure nouvellement prise346. 186. Envoi électronique. La lettre recommandée électronique (LRE), envisagée à l’article 1369-8 du Code civil, est enfin entrée en vigueur, après plusieurs années d’attente347. Il aura fallu une consultation de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des 342 Cass. soc., 26 mai 2010, n°08-42.893 C. trav., art. L. 1332-1 et Circ. DRT n°5-83 du 15 mars 1983 344 Cass. soc., 3 mai 2011, n°10-14.104 345 Cass. soc., 16 juin 1998, n°95-45.033, Bull. civ. V, n°320 346 Cass. soc., 26 mai 2010, n°09-40.272 347 Décret du 2 février 2011, préc. note 107 343 - 86 - postes348 (ARCEP) et surtout une injonction du Conseil d’Etat faite au premier Ministre349. Le texte prévoit qu’une lettre recommandée relative à la conclusion et à l’exécution d’un contrat peut être envoyée, avec ou sans avis de réception, par courrier électronique, sous réserve de respecter plusieurs conditions. 187. Tout d’abord, l’expéditeur choisit les modalités de remise de la lettre recommandée. Le courrier est soit imprimé par le tiers avant d’être distribué au destinataire, soit acheminé par courrier électronique, après accord du destinataire non professionnel. Il doit « avoir demandé l’envoi par ce moyen ou en avoir accepté l’usage au cours d’échanges antérieurs »350. L’employeur n’a pas besoin de renouveler sa demande d’autorisation avant tout envoi. Un accord unique du salarié est possible, avec par exemple pour support un avenant au contrat de travail. La rétractation devrait rester possible. Il s’agirait alors d’une faculté du salarié de modifier unilatéralement son contrat. 188. Ensuite, la lettre doit être acheminée par un prestataire extérieur. Le procédé doit permettre d’identifier le tiers, de désigner l’expéditeur, de garantir l’identité du destinataire et d’établir si la lettre a bien été remise ou non. Le prestataire informe le destinataire qu’une LRE va lui être transmise, sans préciser l’identité de l’expéditeur. Il peut refuser l’envoi pendant un délai de 15 jours. Le tiers renvoie par courrier électronique à l’expéditeur une preuve de son dépôt qui doit contenir notamment le numéro d’identification de l’envoi et la date et l’heure du dépôt de la LRE. Le prestataire doit conserver pendant un an, à compter de la date de l’expédition, une preuve de cette envoi. 189. La LRE offre un gain de temps puisqu’elle épargne tout déplacement au bureau de poste mais également d’argent, le coût de distribution étant moins élevé que par voie postale. La LRE est susceptible d’être utilisée pour l’envoi du contrat de travail mais trouve tout son intérêt en matière de preuve pour l’exécution du contrat de travail. La notification d’une sanction disciplinaire351 peut prendre une forme dématérialisée. Le Code civil ne vise pas la rupture du contrat, de sorte que l’envoi d’une lettre de licenciement par courrier électronique n’est pas possible. 348 ARCEP, avis n°2010-0764 du 6 juillet 2010 Cons. d’Etat, 22 octobre 2010, n°330216, Sté Document Chanel 350 Décret du 2 février 2011, préc. note 107 351 C. trav., art. R. 1332-2, mais également, par exemple, l’information de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour un motif économique (C. trav., art. L. 1222-6) 349 - 87 - B) Le retrait de l’accès à Internet 190. Licéité. L’employeur pourra envisager, comme l’HADOPI, de couper l’accès à Internet au salarié contrevenant. Le salarié peut être amené à réaliser une partie de son chiffre d’affaires sur Internet. Les sanctions pécuniaires indirectes sont possibles. La Cour de cassation admet notamment la rétrogradation d’un salarié, avec un salaire inférieur, en considérant que cette réduction du salaire n’est que l’effet pécuniaire de la rétrogradation, laquelle est une sanction licite352. La mise à pied en est également une illustration. 191. Le retrait d’accès comme sanction semble dénué de toute pertinence en raison de la place importante d’Internet dans le mode de travail des salariés. Plus encore, une dégradation des conditions de travail en résulte invariablement. Or, il s’agit d’une des composantes du harcèlement moral. Pour éviter cette qualification, il serait judicieux de reprendre l’analyse développée précédemment pour considérer que cette dégradation n’est que l’effet de l’exercice du pouvoir de sanction par l’employeur. Il n’est pas certain que la Cour de cassation suive cette voie. 192. Le Parlement européen a voté le 6 mai 2009 un amendement 138 au sein du « Paquet Télécom »353 soumettant la coupure d’accès à Internet au recours à un juge et à un débat contradictoire. Cependant, le matériel informatique et l’accès à Internet sont fournis par l’entreprise. Elle en garde la maîtrise. Le salarié a un droit au respect de sa vie privée par l’employeur mais pas encore à une sphère privée sur le lieu de travail. Dès lors, il ne semble pas que le législateur européen vise cette hypothèse. II. Le prononcé du licenciement L’usage du courrier électronique dans l’entreprise a un impact sur la forme que peut prendre l’énoncé du licenciement (A) mais également sur l’observation de la procédure (B). A) Le respect de la forme du licenciement 193. L’envoi d’une lettre avec accusé de réception est obligatoire au regard de l’article L. 1232-6 mais la Cour de cassation considère qu’il ne s’agit d’une condition de fond mais d’un 352 Cass. soc., 7 juillet 2004, Bull. civ. V, n°193 Proposition de la Commission européenne pour réformer la régulation des réseaux de communication et de services électroniques incluant la directive 2009/140/CE, la directive 2009/136/CE et le règlement n°1211/2009 353 - 88 - simple moyen de preuve354. Bien que la lettre recommandée électronique ait été refusée au stade de la rupture du contrat de travail, ne pourrait-on pas considérer que le licenciement peut être notifié par courrier électronique dès lors que l’employeur parvient à démontrer que l’auteur est identifiable et que l’écrit, ainsi que la signature électronique, ont être établis et conservés dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité355. L’option ‘accusé de réception’ peut, par exemple, être spécifiée. 194. Cela ne permet pas de remplir les critères posés par le Code civil, mais la Cour de cassation a ouvert la voie en admettant l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable en Chronopost356. Cette forme d’envoi est placée sur un pied d’égalité avec la lettre recommandée avec accusé de réception dans la mesure où la signature du destinataire est également requise à la réception de la lettre. Ce procédé permet de justifier des dates d’expédition et de réception de la lettre et donc de se prémunir contre toute contestation portant sur ces points. Il reviendra à la Cour de cassation ou au législateur d’étendre la présomption du contenu posée lors de l’envoi d’un LRAR357. Si l’enveloppe est vide, il appartient au salarié de se manifester dès le lendemain. 195. Un autre obstacle, psychologique, vient s’opposer à cette forme de rupture. Le licenciement doit prendre un caractère solennel dans l’esprit du salarié. Les échanges par courriel sont devenus communs pour les salariés depuis le début du siècle. C’est justement cette banalisation qui peut heurter si jamais les licenciements étaient simplement notifiés par courriel. Cet argument avait été soulevé devant la cour d’appel de Paris et aussitôt rejeté358. B) Le respect de la procédure de licenciement 196. La procédure de licenciement est strictement encadrée par le Code du travail. Tout écart est systématiquement sanctionné. Ainsi, le salarié doit être convoqué à un entretien préalable durant lequel les griefs à son encontre sont énoncés. Ceux-ci ne doivent pas déjà avoir fait l’objet d’une sanction. Si le licenciement est confirmé, il est notifié au salarié après un délai minimal de deux jours ouvrables après la date de l’entretien. Il appartient à l’employeur de faire attention à ne pas prévenir le salarié, à l’issue de l’entretien préalable, de sa décision finale, même par simple courtoisie. C’est la fin du paternalisme dans l’entreprise. Ce délai est 354 Cass. soc., 8 novembre 1978, Bull. civ. V, n°746 pour l’acte d’huissier C. civ., art. 1316-1 et 1316-4, voir le chapitre précédant pour les développements 356 Cass. soc., 8 février 2011, n°09-40.027 357 Cass. civ. 1ère, 15 juillet 1993, n°92-04.082 358 CA Paris, 15 janvier 2004, n°02-34.809, Tretz c. Sofinco, RJS 1/04, 2004 355 - 89 - perçu comme un véritable délai de réflexion au cours duquel l’employeur peut revenir sur sa décision, même si en pratique les entretiens préalables à un licenciement sont rarement suivis d’un « volte-face » de la direction. 197. L’employeur doit a fortiori éviter toute divulgation prématurée par courrier électronique en laissant notamment entendre qu’un de ses collaborateurs allait quitter l’entreprise et qu’il avait été remplacé alors que celui-ci n’avait pas démissionné359. Le licenciement par courriel est assimilé à un licenciement verbal360, ce dernier ne pouvant être régularisé par l’envoi postérieur d’une lettre de licenciement361. Ce qui pourrait n’être qu’un vice de procédure rend la rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse. Une seule issue semble se dégager pour l’employeur. Le courriel ne doit pas se prononcer sur l’initiative de la rupture362. Le fait qu’il n’émane pas de l’autorité compétente pour prononcer un licenciement n’est pas suffisant pour exonérer l’entreprise. En effet, la ratification tacite du licenciement est admise lorsqu’il est prononcé par une personne n’ayant pas la qualité pour procéder à cette opération363. En l’absence de ratification, le licenciement est nul. Conclusion : 198. L’apparition d’Internet a permis aux entreprises de s’ouvrir vers leurs futurs collaborateurs et au public le plus large. Les actions de communication en ligne ont lieu sur des supports variés : site internet, réseaux sociaux, Second Life. Les annonces de recrutement prennent une forme dématérialisée. Mais Internet a également ouvert les frontières de l’entreprise. D’une part, l’employeur peut craindre une expression sans limite sur ses stratégies économiques ou sur les conditions de travail dans ses locaux. Elle peut difficilement être sanctionnée en l’absence d’injure, de diffamation ou d’informations confidentielles. L’ouverture s’est aussi faite aux détriments du salarié. Sa vie privée peut être scrutée par l’employeur, Internet demeurant un lieu public. Les développements de la Cour de cassation sur la notion de sphère privée dans l’entreprise sont mis à mal par l’existence d’une sphère publique au sein de la vie personnelle des salariés. 359 Cass. soc., 9 novembre 2005, n°03-47.100 pour une note de service Cass. soc., 28 mai 2008, n°07-41.735 361 Cass. soc., 9 mars 2011, n°09-65.441 362 CA Paris, 15 janvier 2004, préc. note 357 363 Cass. ch. mixte, 19 novembre 2010, n°10-30.215 360 - 90 - L’impact est plus aisément perçu dans les relations individuelles de travail, mais l’apparition des technologies de l’information et de la communication (TIC), au premier plan desquelles le réseau Internet, a eu un impact tout aussi sensible dans les relations collectives de travail. - 91 - TITRE II INTERNET ET RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL 199. La représentation des salariés a été intrinsèquement modifiée. Les institutions représentatives du personnel ont obtenu de nouvelles prérogatives, la mise en place des TIC nécessitant leur intervention. Chaque année, « le comité d’entreprise est consulté sur la politique de recherche et de développement technologique de l’entreprise »364. Il est « informé et consulté, préalablement à tout projet important d’introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sons susceptibles d’avoir des conséquences sur l’emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail »365. Concernant les modalités d’organisation des réunions des instances représentatives du personnel, le Conseil d’Etat a autorisé que celles-ci puissent prendre la forme d’une visioconférence lorsque les membres de l’instance sont répartis sur des sites distincts366. Le caractère secret du scrutin doit être respecté. Les procédés utilisés pour le vote électronique peuvent être repris. Dans la pratique, la visioconférence est déjà utilisée dans les grandes entreprises comportant un comité d’entreprise européen (CEE). Elle est mise en place par l’accord instituant le CEE et son recours est prévu en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles. Cependant, dans l’arrêt précité, le juge administratif a admis la visioconférence pour une réunion ponctuelle sur le licenciement d’un salarié protégé. 200. Les représentants du personnel peuvent aussi se voir confier une mission de contrôle de l’employeur lors d’enquêtes menées sur les conditions de surveillance des activités des salariés. Le juge peut ainsi ordonner à ce dernier d’ouvrir une enquête avec les délégués du personnel pour déterminer dans quelles conditions des messages qualifiés de ‘personnels’ ont pu être consultés et exploités suite à des mesures de sécurité mises en œuvre pour des raisons 364 C. trav., art. L. 2323-12 C. trav., art. L. 2323-13 366 CE, 9 septembre 2010, n°327.250 365 - 92 - de sécurité, par exemple si le système de cryptages de courriers électroniques confidentiels et verrouillés a été forcé367. 201. La mise en œuvre de la représentation des salariés a aussi été modifiée par l’émergence de plusieurs systèmes de vote dématérialisé. La notion se définit par la négative et regroupe tous les moyens utilisés pour l’accomplissement de l’acte électoral sans recours au papier : vote par téléphone, par machine à voter et par Internet. Nous ne nous attarderons que sur ce dernier procédé (Chapitre 1). Les représentants du personnel sont aussi habilités à utiliser pour leur propre compte le réseau de l’entreprise. L’ouverture du réseau Internet peut se dérouler dans les mêmes conditions que pour les syndicats. Ainsi, l’introduction d’Internet se ressent également dans les formes de contestation des démarches de l’employeur. Les syndicats ont obtenu de nouveaux outils de communication et de nouvelles possibilités d’actions collectives (Chapitre 2). Chapitre 1 : La représentation collective 202. Le vote électronique s’est développé mais son utilisation est soumise à l’existence d’un texte législatif ou réglementaire. Ainsi, il a été refusé que le référendum pour approbation d’un accord collectif puisse prendre la forme d’un vote électronique368. S’il appartient à l’employeur de déterminer les modalités d’organisation du vote, après consultation des organisations syndicales, il ne peut déroger aux dispositions qui imposent un scrutin secret et sous enveloppe369. En matière d’élections professionnelles, l’employeur est tenu de prendre les initiatives visant à préparer les élections des représentants du personnel (Section I). Il est aussi tenu d’assurer le bon déroulement du scrutin (Section II). Section I : L’ouverture des élections professionnelles La mise en œuvre du vote électronique est soumise au respect de conditions légales (Soussection 1) et à l’engagement de négociations avec les partenaires sociaux (Sous-section 2). 367 Cass. soc., 17 juin 2009, n°08-40.274 Cass. soc., 27 janvier 2010, n°09-60.240 369 C. trav., art. D. 2232-8 et D. 2232-2 1° 368 - 93 - Sous-section 1 : L’admission du procédé L’organisation d’un scrutin par voie électronique peut être préférée par l’employeur, notamment afin de limiter le taux d’abstention mais le procédé n’a pu être mis en place que récemment (§1). Les craintes attachées à ce mode de scrutin expliquent les nombreuses garanties qui doivent être apportées par l’employeur (§2). §1/ La naissance du vote électronique 203. La CNIL a admis très tôt la pratique du vote électronique à la condition que soient respectés le secret du vote, la sincérité du scrutin et qu’un contrôle a posteriori du juge garantisse le principe de la liberté du scrutin370. Mais l’engouement pour cette nouvelle forme de scrutin a été arrêté par les juges. La Cour de cassation a préféré s’arrêter à la lettre du Code électoral. Après avoir relevé que le défaut d’enveloppe, l’absence de constatation publique de clôture du scrutin et que les opérations électorales notamment le dépouillement échappaient au contrôle des électeurs et des délégués, la Cour a considéré que la confidentialité et la sincérité des opérations n’étaient pas assurées371. 204. La loi sur les nouvelles régulations économiques, dite « loi NRE »372, a permis l’introduction des techniques d’information et de communication ainsi que la vidéoconférence dans le fonctionnement des organes de gestion et d’administration. Les administrateurs peuvent participer aux débats mais aussi voter à distance. Le législateur a repris le mécanisme du vote électronique en matière d’élections professionnelles373 sans introduire pour autant en droit du travail l’intégralité des techniques développées en droit des affaires. Il a compris le besoin pour les entreprises de faciliter l’organisation du processus électoral et d’encourager le vote soumis à un fort taux d’abstention. La première expérience pour un vote national aura lieu en 2012 mais ne sera ouverte qu’aux Français établis à l’étranger374. 370 Délib. n°98-041 du 20 avril 1998, JO du 23 septembre 1998 Cass. soc., 20 octobre 1999, n°98-60.359, Bull. civ. V, n°390 372 L. n°2001-420 du 15 mai 2001 373 LCEN, préc. note 74, Décret du 25 avril 2007 et Arrêté du même jour pris pour son application, NOR : SOCT0751067A, JO 27 avril 374 Ordonnance n°2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France 371 - 94 - §2/ Les garanties obligatoires La CNIL est venu réaffirmer certains principes généraux, comme la confidentialité ou l’intégrité du vote, tout en fixant des obligations minimales375. La Commission a en outre publié un guide des bonnes pratiques et garanties à respecter376. Dans la mesure où l’électeur ne pourra pas vérifier visuellement le bon déroulement du scrutin, les garanties de sécurité apportées en amont sont déterminantes. Elles se déclinent principalement sous deux formes, la confidentialité du vote (I) et la loyauté dans son exécution (II). I. Le secret du vote 205. Le choix du salarié doit respecter secret pour l’employeur, afin de prévenir tout risque de discrimination en raison de ses opinions. La confidentialité concerne aussi les autres parties prenantes au scrutin. Les syndicats ou les candidats ne doivent pas connaître la décision de l’électeur. Il s’agit alors d’éviter toute intimidation pouvant fausser la décision du salarié. On retrouve l’exigence de sincérité du vote. L’enveloppe et l’isoloir permettent le respect de cette garantie pour le vote sous forme ‘papier’. Lorsque le vote est organisé sous forme électronique, les fichiers comportant les éléments d’authentification des électeurs, les clés de chiffrement et de déchiffrement et le contenu de l’urne sont uniquement accessibles aux personnes chargées de la gestion et de la maintenance du système. 206. Le secret du vote implique également le choix de ne pas voter. C’est pourquoi la liste d’émargement n’est accessible qu’aux membres du bureau de vote et uniquement à des fins de contrôle du déroulement du scrutin. Il n’est pas possible de connaître les résultats partiels si le scrutin est en cours. Seul le nombre de votants, et non leur identité, peut être connu à condition que l’accord collectif le prévoit377. Ensuite, les données relatives aux électeurs inscrits sur les listes électorales ainsi que celles relatives à leur vote sont traitées par des systèmes informatiques distincts, dédiés et isolés, dénommés respectivement « fichier des électeurs » et « contenu de l’urne électronique »378. Il est impossible de faire correspondre un vote à un électeur déterminé. 375 Délib. CNIL n°2010-371 du 21 octobre 2010 CNIL, Fiche pratique du 8 octobre 2010 377 C. trav., art. R. 2314-19 et R. 2324-15 378 C. trav., art. R. 2314-10 et R. 2324-6 376 - 95 - II. La sincérité du vote 207. Avant le scrutin. La fiabilité du scrutin est assurée par une expertise indépendante préalablement à la mise en service des systèmes de vote électronique ou avant toute modification substantielle. L’expert est indépendant du prestataire et de l’employeur. Il est rémunéré par ce dernier. L’employeur peut cependant le choisir lui-même, sauf disposition plus favorable dans l’accord collectif. Dans la pratique, le choix de l’expert découlera d’un consensus avec les partenaires sociaux. 208. L’expertise déterminera si le vote ne peut pas être modifié par le système. Le dispositif doit être scellé pour être rendu inviolable par un tiers379. L’expertise est également destinée à vérifier si le vote est pris en compte tout en garantissant l’anonymat de l’électeur. La confidentialité et la sécurité du dispositif doit être assurée lors de la mise en place des moyens d’authentification de l’électeur, au stade de l’émargement et enfin de l’enregistrement et du dépouillement du vote380. L’expert est donc amené à étudier l’accord collectif préalablement signé avec les partenaires sociaux. L’expertise doit intervenir postérieurement à sa conclusion, afin que l’expert dispose de toutes les données sur la mise en œuvre du vote électronique dans l’entreprise. 209. Le rapport de l’expert est tenu à la disposition de la CNIL381. Il s’agit du seul moyen de contrôle de la Commission. Le législateur n’a prévu aucun contrôle sur le contenu des négociations de l’accord collectif ou du protocole d’accord préélectoral, les partenaires sociaux sont seuls juges. L’expert n’a pas le pouvoir d’arrêter le vote électronique s’il constate des dysfonctionnements, mais le juge prendra en compte son rapport en cas de litige sur la validité du scrutin. Il existe donc un risque d’annulation a posteriori. 210. Pendant le scrutin. Une fois le système mis en place, une cellule d’assistance technique est chargée de veiller à son bon fonctionnement382. La loi n’impose aucune composition, elle est au libre choix des parties. Il est conseillé de la développer dans l’accord collectif mettant en place le vote électronique, afin d’offrir aux partenaires sociaux une garantie supplémentaire sur la fiabilité du scrutin avant la signature du protocole d’accord préélectoral. Pour des raisons pratiques, la cellule devra comprendre les prestataires techniques ayant 379 C. trav., art. R. 2314-11 et R. 2324-7 C. trav., art. R. 2314-9 et R. 2324-5 381 C. trav., art. R. 2314-12 et R. 2324-8 382 C. trav., art. R. 2314-13 et R. 2324-9 380 - 96 - élaboré le système de vote électronique. Pour garantir tout risque de contestation, il convient d’inclure également syndicats et les représentants de liste, en toute hypothèse déjà formés par l’employeur au fonctionnement du scrutin. 211. La cellule d’assistance est chargée de plusieurs contrôles successifs. Avant l’ouverture du vote, elle procède à un test du système de vote électronique. Une forme de ‘vote blanc’ permet de s’assurer que les salariés ne rencontreront pas de difficultés pour exprimer leur choix de liste. Suite à cette opération, la cellule d’assistance vérifie que l’urne électronique est vide, scellée et chiffrée par des clés délivrées à cet effet aux membres du bureau de vote. Tout ajout de bulletins non légitime (‘bourrage d’urne’) est ainsi prévenu. Dans un objectif identique, elle teste également le système de dépouillement puis verrouille le système par un scellement numérique. La cellule d’assistance technique génère, en présence des représentants des listes de candidats, des clés de chiffrement confidentielles destinées à permettre le dépouillement à l’issue du scrutin. Elles sont remises au président du bureau de vote et à deux de ses assesseurs. La mise en place d’un seul bureau est possible si le scrutin est entièrement électronique. Il n’est alors plus possible de procéder à des modifications ou même d’accéder au scrutin pendant le déroulement des opérations électorales. Enfin, à l’issue des opérations de vote et avant les opérations de dépouillement, la cellule d’assistance s’assure du scellement du système et donc du défaut d’accès par un tiers ayant pu modifier la teneur des votes ou leur nombre. Sous-section 2 : L’ouverture du procédé L’employeur qui souhaite mettre en place des élections professionnelles par voie électronique doit préalablement signer un accord collectif spécifique (§1), préalablement à la conclusion du protocole d’accord préélectoral (§2). §1/ La conclusion d’un accord collectif Il est conseillé à l’employeur de respecter certaines directives (I) avant de se tourner vers les parties compétentes pour signer l’accord (II). - 97 - I. La préparation de l’accord 212. La mise en œuvre du vote électronique est subordonnée à la conclusion d’un accord d’entreprise383. Il doit autoriser expressément le recours. Il est distinct du protocole d’accord électoral et préalable à sa signature. La signature de l’accord au niveau du groupe est justifiée par la volonté de centralisation du scrutin inhérente au système de vote électronique et a été admise par la Cour de cassation384. De plus, l’accord de groupe emporte les mêmes effets que l’accord d’entreprise en vertu de l’article L. 2232-33 du Code du travail. En revanche, l’accord collectif ne peut être conclu au niveau de l’établissement, la conséquence étant sa nullité385. Il est fait une stricte application de la lettre des dispositions posées à l’article R. 2314-8 du Code du travail n’autorisant la conclusion qu’au niveau de l’entreprise ou du groupe d’entreprises. 213. En premier lieu, il est recommandé de prendre contact et de demander les devis à différents prestataires développant les systèmes de vote électronique. L’entreprise peut ainsi se décharger d’une partie de l’organisation du scrutin en recourant à un prestataire extérieur. Cette prise de contact préalable à l’organisation de la négociation permet d’informer les partenaires sociaux sur les modalités concrètes de déroulement d’un tel vote. Enfin, le système fait l’objet d’une déclaration normale à la CNIL, sauf si l’entreprise est dotée d’un correspondant informatique et libertés (CIL). Les organisations représentatives du personnel sont informées de l’accomplissement de la déclaration. II. Les parties à l’accord 214. Les articles L. 2414-22, pour les délégués du personnel et L. 2324-20 du Code du travail, pour le comité d’entreprise, prévoient que les élections doivent avoir lieu durant le temps de travail, sauf accord contraire conclu entre l’employeur et l’ensemble des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. L’hypothèse visée par le législateur est l’existence d’un mécanisme de travail en continu dans l’entreprise. Il s’agit d’éviter que les salariés prennent sur leur temps personnel, ce qui risquerait de réduire encore le taux de participation aux élections. 383 C. trav., art. L. 2314-21 et L. 2324-19 Cass. soc., 10 mars 2010, n°09-60.096, Bull. civ. V, n°56 385 Cass. soc., 10 mars 2010, préc. note 383 384 - 98 - 215. Le même objectif est poursuivi par le vote électronique. Il était donc cohérent que la Cour de cassation rejette l’argument soulevé par certains syndicats et permette un assouplissement des règles de conclusion de l’accord collectif en considérant que le recours au vote électronique n’est pas subordonné à la règle de l’unanimité. Les articles L. 2314-22 et L. 2324-20 du Code du travail prévoient en effet que seul un accord de l’ensemble des syndicats représentatifs permet de déroger au principe selon lequel les élections professionnelles doivent se dérouler durant le temps de travail. Il s’agit d’un reliquat du régime applicable antérieurement à la loi du 20 août 2008386, lorsque le protocole d’accord préélectoral était dans son intégralité soumis à la règle de l’unanimité. Ces dispositions visent à protéger le droit à la vie privée du salarié qui ne doit pas être tenu de revenir dans l’entreprise sur son temps de repos s’il souhaite voter. Elles ne sont pas applicables en matière de vote électronique387. Une solution contraire aurait privé ce procédé, pouvant s’accomplir à distance vingt-quatre heures sur vingt-quatre, d’une partie de son intérêt. 216. L’accord sur la mise en œuvre du vote électronique demeure un accord collectif de droit commun388. L’employeur ne doit convoquer à la négociation que les syndicats représentatifs présents dans l’entreprise. Seule une majorité de 30% est exigée. Une opposition peut être formée par les syndicats ayant obtenu au moins 50% des suffrages aux dernières élections professionnelles. §2/ La conclusion du protocole d’accord préélectoral Le protocole d’accord préélectoral est naturellement soumis à des conditions de fond (I) et de forme (II) liées aux parties contractantes. I. Le contenu de l’accord 217. Le protocole d’accord préélectoral doit mentionner la conclusion de l’accord d’entreprise ou de l’accord de groupe autorisant le recours au vote électronique et, s’il est déjà arrêté, le nom du prestataire choisi pour le mettre en place. Il comporte en annexe la description détaillée du fonctionnement du système retenu et du déroulement des opérations électorales389. 386 L. n°2008-789 du 20 août 2008 Cass. soc., 5 avril 2011, n°10-19.951 388 C. trav., art. L. 2232-12 et s. 389 C. trav., art. R. 2314-16 et R. 2324-12 387 - 99 - 218. Une formation spécifique, destinée aux représentants du personnel en exercice et à leurs suppléants, qui ont vocation à intervenir en cas d’empêchement des titulaires, doit être organisée. Elle concerne également tous les délégués syndicaux. L’accord peut avoir été conclu au niveau de l’entreprise, mais les délégués syndicaux d’établissement et les délégués syndicaux centraux sont aussi concernés par le déroulement des élections. Enfin, la formation est proposée aux premières parties prenantes, les membres du bureau de vote, composé d’un président et de deux assesseurs par bureau390. 219. Certaines parties sont exclues de ce bénéfice de manière implicite puisqu’elles ne sont pas visées par les dispositions précitées. La formation des délégués syndicaux n’est pas reprise par le législateur pour les élections du comité d’entreprise. Dans la pratique, elle sera quand même effectuée dès lors que l’élection pour les délégués du personnel se déroule simultanément. Un autre oubli vient de l’exclusion des représentants de liste qui sont pourtant chargés d’effectuer certains contrôles pour s’assurer du bon déroulement du scrutin. Pour éviter toute contestation sur sa sincérité, l’employeur est tenu de leur étendre la formation dans le protocole d’accord préélectoral. Les autres exclusions sont en revanche justifiées en l’absence d’intervention des parties au déroulement du scrutin. Le CHSCT n’est ainsi pas concerné par la démarche puisque ses membres ne sont pas issus des élections professionnelles. II. La signature de l’accord 220. Parties. L’employeur invite ensuite les organisations syndicales à négocier le protocole d’accord préélectoral, à peine de nullité. La convocation est effectuée selon deux modalités. Soit par courrier pour les organisations syndicales reconnues représentatives dans l’entreprise, soit par affichage pour les organisations syndicales qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnelle et géographique couvre l’entreprise concernée. Le législateur n’a pas mentionné la possibilité de procéder par l’envoi d’un courrier électronique ou par un affichage électronique. Ces dispositifs ne sont pas pour autant exclus. L’employeur doit pouvoir justifier de l’accomplissement de la convocation et ces derniers offrent des garanties de preuve équivalentes, ainsi que cela a déjà été abordé dans le précédant chapitre. 390 C. trav., art. R. 2314-15 et R. 2324-11 - 100 - 221. A défaut de dispositions contraires, la clause mentionnant l’existence de l’accord collectif est obligatoirement soumise à la même règle de double majorité posée par la loi du 20 août 2008 pour la conclusion du protocole d’accord préélectoral. Les parties contractantes sont les organisations syndicales ayant participé à la négociation du protocole initial, parmi lesquelles doivent figurer les organisations ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections391. 222. Publicité. Les collaborateurs sont informés tous les quatre ans de l’organisation des élections392. L’information est effectuée par voie d’affichage, électronique ou papier. Par ailleurs, chaque salarié dispose d’une notice d’information détaillée sur le déroulement des opérations électorales393. La notice est envoyée après que le fonctionnement des dispositifs ait été définitivement retenu, soit après la conclusion du protocole d’accord préélectoral. Le prestataire peut être chargé de l’accomplissement de cette formalité. Section II : Le déroulement des élections professionnelles Une fois le principe du vote électronique accepté par les partenaires sociaux, le scrutin va pouvoir se dérouler (Sous-section 1). Le cas échéant, les opérations sont reprises dans le cadre d’un second tour jusqu’à leur achèvement (Sous-section 2). Sous-section 1 : La mise en œuvre des opérations électorales La majorité des étapes sont les mêmes que pour un vote ‘papier’. Cependant, dans le cadre d’un vote électronique, le réceptacle du vote (§1) et l’accomplissement de l’acte électoral (§2) vont être entièrement dématérialisés. §1/ Le support du vote 223. L’élection peut s’effectuer dans l’entreprise sur les ordinateurs mis à disposition des salariés pour leur activité professionnelle ou pour l’occasion, mais également à distance, en dehors des heures de travail, depuis n’importe quel ordinateur connecté à Internet. L’employeur met en place un site internet sécurisé accessible depuis le lieu de travail ou à distance et sur une plage horaire la plus large possible afin d’accroître le taux de participation. 391 C. trav., art. L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1 C. trav., art. L. 2314-2 et L. 2324-3 393 C. trav., art. R. 2314-15 et R. 2324-11 392 - 101 - Pour y accéder, le salarié obtient un identifiant et un mot de passe pour se connecter à la plate-forme de vote. Le vote électronique n’interdit pas le vote à bulletin secret sous enveloppe, à moins que l’accord exclut expressément cette modalité394. §2/ L’accomplissement du vote 224. Exécution. L’électeur doit se faire connaître par le moyen d’authentification qui lui aura été transmis, selon des modalités garantissant sa confidentialité. Ce moyen d’authentification permettra au serveur de vérifier son identité et garantira l’unicité de son vote. Le salarié peut se faire assister par un électeur librement choisi par lui si une infirmité le met dans l’impossibilité de voter seul. Un tiers est exclu. Le choix de la liste apparaît à l’écran et peut être modifié avant validation. La signature est remplacée par la validation du bulletin qui se matérialise par un ‘clic’ sur un bouton. La procédure est plus rapide. La transmission et l’émargement font l’objet d’un accusé de réception que l’électeur a la possibilité de conserver395. La validation rend le vote définitif et empêche toute modification396. 225. Contrôle. Conformément au Code électoral, des délégués, ou représentants, de liste sont chargés de surveiller les opérations électorales397. Ils ont une double mission d’assistance aux opérations de contrôle réalisées par la cellule d’assistance technique398 et de contrôle des heures d’ouverture et de fermeture du scrutin électronique399. Lors des élections à bulletin secret sous enveloppe, il revient au protocole d’accord électoral de fixer les conditions d’intervention, d’absence et de rémunération des représentants de liste de candidats. Les mêmes dispositions doivent être reprises en cas de mise en place du vote électronique. L’employeur doit permettre aux délégués de remplir leur mission. Il convient à ce titre de rappeler que leur formation est nécessaire si l’employeur veut s’assurer d’un contrôle approprié. 226. Un système de recours doit être prévu en cas de panne du système principal. Il doit offrir les mêmes garanties et les mêmes caractéristiques400. En cas de dysfonctionnement informatique résultant d’une attaque du système par un tiers, d’une infection virale, d’une 394 C. trav., art. R. 2314-8 et R. 2324-4 Arrêté du 25 avril 2007, art. 6, préc. note 372 396 Arrêté du 25 avril 2007, art. 3, préc. note 372 397 C. élect., art. L. 67 et R. 47 398 C. trav., art. R. 2314-18 et R. 2324-14 399 Arrêté du 25 avril 2007, art. 6, préc. note 372 400 Arrêté du 25 avril 2007, art. 3, préc. note 372 395 - 102 - défaillance technique ou d’une altération des données, le bureau de vote a compétence pour prendre toute mesure d’information et de sauvegarde, notamment la suspension des opérations de vote401. Il doit préalablement recueillir après avis des représentants de l’organisme mettant en place le vote. Bien qu’aucune texte spécifique n’impose leur présence, il résulte de cette disposition qu’ils doivent être présents tout au long des opérations. Sous-section 2 : Le terme des opérations électorales A l’issue du scrutin, il est procédé à sa clôture et à l’annonce des résultats (§1). L’intégralité du processus peut faire l’objet d’un litige devant les tribunaux (§2). §1/ La proclamation des résultats 227. A la clôture du scrutin, les fichiers sont scellés automatiquement. Le contenu de l’urne, les listes d’émargement et les états courants gérés par les serveurs sont figés, horodatés et scellés automatiquement sur l’ensemble des serveurs. La phase de dépouillement est entièrement automatisée et ne requiert pas l’ouverture de chaque bulletin pour en effectuer un comptage manuel. Elle est quasi-instantanée. Le dépouillement n’est possible que par l’activation conjointe d’au moins deux clés de chiffrement différentes sur les trois qui doivent être éditées402. La génération des clés est publique de manière à prouver que seuls le président et les assesseurs (le plus âgé et le plus jeune à défaut d’accord) en ont possession, à l’exclusion du personnel technique chargé du déploiement du système de vote. Les clés donnent accès au fichier dénommé « contenu de l’urne électronique ». 228. Tous les éléments pouvant permettre de justifier du bon déroulement du scrutin, ou au contraire de son défaut de sincérité, sont conservés sous scellés par l’employeur ou par le prestataire jusqu’à expiration du délai de recours ou jusqu’à la décision définitive en cas de contentieux déjà engagé. Il s’agit des fichiers-supports comprenant la copie des programmes sources et des programmes exécutables, les matériels de vote, les fichiers d’émargement, de résultats ou de sauvegarde. La procédure de décompte des voix doit pouvoir être exécutée de nouveau. Passé le délai de conservation, les fichiers supports sont détruits403. 401 C. trav., art. R. 2314-18 et R. 2324-14 Arrêté du 25 avril 2007, art. 7, préc. note 372 403 C. trav., art. R. 2324-20 et R. 2324-16 402 - 103 - 229. En cas de concomitance avec un bulletin secret sous enveloppe, l’ouverture ne peut avoir lieu qu’après la clôture du vote électronique404. Le décompte des voix apparaît lisiblement à l’écran et fait l’objet d’une édition sécurisée afin d’être porté au procès-verbal. Le système est scellé après le dépouillement afin de garantir l’impossibilité de reprendre ou de modifier les résultats après la décision de clôture405. Une proclamation publique des résultats est requise dès lors que c’est à partir de cette date que commence à courir le délai de contestation. §2/ La contestation de l’élection 230. Compétence personnelle. L’élection peut être contestée par tous ceux qui y ont un intérêt, c’est-à-dire l’employeur, les salariés de l’entreprise et les organisations syndicales. L’élection peut avoir été organisée au niveau d’une unité économique et sociale (UES). Cette dernière n’a pas la personnalité morale. Lorsque la contestation a été introduite par l’UES, les interventions volontaires des sociétés la composant ne permettent pas de régulariser la procédure qui demeure irrecevable406. 231. La régularité des élections professionnelles met en jeu l’intérêt collectif de la profession. Tout syndicat, même non représentatif, peut demander la nullité des élections, à condition d’avoir des adhérents dans l’entreprise407. La Cour de cassation a également procédé à un élargissement de la capacité à agir en justice en matière de protocole d’accord préélectoral. Un syndicat non signataire peut le contester, qu’il ait été ou non invité à la négociation408. 232. Le candidat n’est admis à contester que les résultats de l’élection concernant le collège auquel il appartient. Il en est de même pour l’électeur409, même en l’absence de préjudice à condition de justifier d’un intérêt à agir. Ce n’est par exemple pas le cas si le litige porte sur le protocole d’accord préélectoral410. 233. Compétence juridictionnelle. Le vote électronique n’est qu’une modalité du scrutin. Le tribunal d’instance a une compétence spéciale en matière électorale, peu importent les moyens de mise en œuvre de l’élection. Le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort 404 C. trav., art. R. 2314-19 et R. 2324-15 Arrêté du 25 avril 2007, art. 7, préc. note 372 406 Cass. soc., 23 juin 2010, n°09-60.363 407 Cass. soc., 30 novembre 1994, n°93-60.412 408 Cass. soc., 5 mai 2004, n°02-60.421 409 Cass. soc., 10 juillet 2002, n°01-60.654 410 Cass. soc., 7 avril 1993, n°91-60.247 405 - 104 - duquel a eu lieu la proclamation des résultats411. Il statue en premier et dernier ressort mais un recours peut être porté devant le Cour de cassation412. Le tribunal d’instance est à la fois le juge de l’action et celui de l’exception. Il est compétent, par exemple, pour statuer sur la nature du contrat de travail en vue de se prononcer sur la composition de l’électorat413. 234. Le syndicat peut agir avant toute exécution du scrutin dans les huit jours suivant la notification par l’employeur des modalités d’organisation de la consultation414. Sinon, deux voies sont ouvertes au syndicat. Les contestations relatives à l’électorat doivent être introduites dans un délai de trois jours suivant la publication de la liste électorale pour être recevables415. Elles peuvent porter sur l’ancienneté, puisqu’elle permet d’établir la capacité propre à figurer sur la liste électorale d’un collège416 et donc a fortiori sur la qualité même de salarié417. Le point de départ de la contestation est la connaissance de la composition des listes électorales, soit à compter de leur affichage. 235. Le plaignant qui souhaite remettre en cause la régularité des élections doit introduire son action dans les 15 jours qui suivent son déroulement418. Le délai ne court pas à compter de la date où est établi le procès-verbal419. Il faut reprendre le même raisonnement si un second tour a été nécessaire faute de quorum atteint au premier tour. Le délai court à compter de la proclamation des résultats définitifs par le bureau de vote420. 236. Les risques de contestation sont élevés suite aux enjeux nationaux pris par chaque élection locale afin de déterminer la représentativité du syndicat, laquelle dépend désormais de l’audience recueillie au premier tour des élections professionnelles. Ce seul motif est à lui seul suffisant pour décider un syndicat d’une action en justice. Le délai de contestation des mesures d’audience est également de 15 jours à compter de la proclamation des résultats du premier tour421. 411 Cass. soc., 12 juillet 1981, n°81-60.021 C. trav., art. R. 2314-27 et R. 2324-23 413 Cass. soc., 27 mai 1987, n°84-12.670 414 C. trav., art. D. 2232-7 415 C. trav., art. R. 2314-28 et R. 2324-24 416 Cass. soc., 20 octobre 1988, n°87-60.230 417 Cass. soc., 13 juin 1990, n°89-60.619 418 C. trav., art. R. 2314-28 et R. 2324-24 419 Cass. soc., 15 mars 2010, n°09-60.253 420 Cass. soc., 7 mai 2002, n°00-60.229 421 Cass. soc., 26 mai 2010, n°09-60.453 412 - 105 - Chapitre 2 : L’action collective 237. L’employeur est tenu d’attribuer un local aménagé aux sections syndicales afin de leur permettre d’effectuer leur mission422. Au vu de l’évolution des technologies, il convient de se demander si les organisations syndicales ne seraient pas fondées à exiger de l’employeur une adresse électronique sur l’intranet de l’entreprise, défini comme un réseau de communication interne fondée sur la technologie de l’Internet, et une messagerie électronique reliée au réseau de l’entreprise. Ces outils apparaissent comme nécessaires à l’accomplissement de leur mission d’interface entre les salariés et l’employeur. En effet, l’interactivité sur Internet, comme le chat, permet un rapprochement des salariés « soumis aux mêmes conditions de travail, aux mêmes difficultés et tend à créer une collectivité d’intérêt, susceptible de défendre ses membres »423. Elle favorise l’expression et l’émergence de revendications communes que les représentants syndicaux seront amenés à soumettre au chef d’entreprise. Le regroupement des salariés, favorisé par le réseau qu’est Internet, va permettre d’obtenir la « satisfaction de revendications, qui, individuellement exprimées, n’auraient sans doute pas eu autant de chance d’aboutir »424. Mais si l’employeur accorde l’accès au réseau, il doit être en mesure d’imposer des règles d’utilisation sans empêcher l’exercice des libertés individuelles et collectives (Section I). Il découle de ce pouvoir d’encadrement une faculté de sanction en cas de violation des règles édictées. Des mesures coercitives peuvent être prévues préalablement ou prononcées par le juge (Section II). Section I : Le support de l’action collective L’intranet et la messagerie interne sont la propriété de l’entreprise. Les syndicats et les représentants du personnel ne peuvent pas en avoir l’usage sans obtenir préalablement l’autorisation de l’employeur (Sous-section 1). Cet usage n’est pas absolu et doit être encadré (Sous-section 2). 422 C. trav., art. L. 2142-8 I. de BENALCAZAR, p. 151, préc. note 201 424 B. TEYSSIÉ, Relations collectives de travail, Litec, 2009, p. 1 423 - 106 - Sous-section 1 : La négociation de l’autorisation L’utilisation des ressources informatiques de l’entreprise aux fins de communication d’informations aux salariés n’est pas de la seule prérogative des organisations syndicales (§1). Les représentants du personnel peuvent aussi avoir un intérêt à accéder à ces ressources (§2). §1/ L’autorisation donnée aux représentants syndicaux 238. Support. L’article L. 2142-6 du Code du travail425 permet la « mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l’intranet de l’entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique ». Par anticipation, la Cour de cassation a admis pour des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de cet article la diffusion de tracts et publications syndicales à l’aide des ressources informatiques de l’entreprise. Les juges ont par ailleurs élargi les fondements de l’utilisation en considérant, outre la voie de l’accord d’entreprise426, que l’autorisation de l’employeur puisse être donnée par voie d’usage427. La Cour de cassation précisait dans cette dernière affaire que la solution était rendue « en application du Code du travail tel qu’il était rédigé à l’époque du litige ». Cependant, dans sa rédaction actuelle, l’article L. 2142-6 n’exclut pas expressément l’autorisation unilatérale ou la tolérance de l’employeur. A suivre la lettre du texte, le législateur envisage la conclusion d’un accord d’entreprise comme une possibilité. L’autorisation unilatérale ou la tolérance de l’employeur ne sont pas expressément exclues. Il s’agit de modes d’ouverture valables à l’utilisation des moyens électroniques de l’entreprise. La signature d’un accord est néanmoins conseillée afin de définir clairement les modalités d’accès et les limites posées aux diffusions électroniques des syndicats. 239. Parties. L’article L. 2142-6 envisage la conclusion d’un accord d’entreprise. A défaut de précision contraire, il s’agit d’un accord collectif de droit commun428. L’employeur doit convoquer à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. Seule une majorité de 30% est exigée. Une opposition peut être formée par les syndicats ayant obtenu au moins 50% des suffrages aux dernières élections professionnelles. L’opposition est 425 L. n°2004-391 du 4 mai 2004 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, art. 52, JO du 5 mai, p. 7983 426 Cass. soc., 25 janvier 2005, RJS 4/05, n°405 427 Cass. soc., 27 juin 2007, n°06-40.246 428 C. trav., art. L. 2232-12 et s. - 107 - théorique en présence d’avantages concédés par l’employeur, même dans l’hypothèse d’un accord trop restrictif quant aux modalités de mise en œuvre de la communication syndicale. Le syndicat utilisera le site intranet et la messagerie électronique de l’entreprise pour la diffusion des tracts entrant dans le champ de l’accord et optera pour la création d’un site interne extérieur pour la diffusion des autres informations à destination des salariés de l’entreprise. 240. Tous les syndicats doivent être invités à la négociation. L’employeur n’a d’ailleurs aucun intérêt à exclure un syndicat trop ‘virulent’, cela se retournera contre lui par une charge sur un site internet que ses membres auront été amenés à créer faute de possibilité d’expression dans l’entreprise. Par ailleurs, le principe de non-discrimination entre les organisations syndicales qui permet aux syndicats non signataires d’un accord d’entreprise de bénéficier de ses dispositions429. En contrepartie, les organisations non signataires doivent respecter les modalités d’utilisation fixées dans l’accord ou par l’employeur430. Il n’est en effet pas envisageable d’obtenir l’octroi d’un avantage sans devoir respecter les obligations conventionnelles prévues et acceptées par les autres syndicats. Le principe de nondiscrimination joue également en faveur des organisations syndicales signataires de l’accord. 241. Le principe d’égalité syndicale ne devrait pas permettre à l’employeur d’octroyer un avantage à une organisation syndicale sans en faire bénéficier les autres dans les mêmes conditions431. Cependant, la Cour de cassation a décidé que ne méconnaît pas ce principe à valeur constitutionnelle la disposition d’un accord collectif plus favorable à la loi qui subordonne l’octroi d’avantages à une condition de représentativité432. La loi elle-même prévoit une rupture d’égalité dans des hypothèses précises, comme la désignation d’un délégué syndical et la faculté de conclure des accords collectifs. Mais ces restrictions doivent s’entendre strictement, dès lors qu’elles sont liées à l’essence même du droit consacré aux syndicats représentatifs. La validité de l’accord doit être liée aux revendications des salariés, exprimées par le biais des élections professionnelles. Ce n’est pas le cas pour l’accès aux ressources informatiques. Tous les syndicats doivent être mis en mesure d’entrer en contact avec les salariés pour connaître leurs préoccupations afin de se préparer aux prochaines élections et d’acquérir la représentativité recherchée. A notre sens, le principe peut donc être utilisé en faveur des syndicats non représentatifs n’ayant pas été invités à la négociation. 429 Circ. DRT n°9 du 22 septembre 2004 TGI Nanterre, 31 mai 2002, n°02/03795, Sté Renault 431 Cass. soc., 29 mai 2001, Bull. civ. V, n°185 432 Cass. soc., 22 septembre 2010, n°09-60.410 430 - 108 - §2/ L’autorisation donnée aux représentants du personnel 242. Fonction. Les représentants du personnel peuvent souhaiter communiquer avec l’ensemble des salariés plus rapidement et sans frais, notamment pour diffuser des précisions sur les activités sociales et culturelles. Les messages électroniques doivent correspondre à leur mission exclusivement, mais l’employeur ne dispose pas d’un droit de contrôle préalable et donc d’un droit de censure433. Il existe cependant des encadrements. Les comptes rendus du comité d’entreprise ne peuvent faire l’objet d’une communication externe. Le procès-verbal peut seulement être affiché dans l’entreprise434. Il faudra donc envisager de restreindre par un mot de passe l’accès à certaines parties du site intranet. Si un système de collecte de données à caractère personnel est mis en place, par exemple un formulaire à remplir, le traitement devra faire l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL et d’une information des personnes concernées sur leur droit d’opposition et de rectification. 243. Qualification. Le Code du travail ne contient aucune disposition permettant l’utilisation de l’intranet ou de la messagerie de l’entreprise par les représentants du personnel. La CNIL préconise un accès dans les mêmes conditions que pour les organisations syndicales. L’avantage consenti aux représentants du personnel ne résulte pas d’un accord collectif de travail mais constitue un engagement unilatéral de l’employeur435. Il est qualifié d’accord atypique. L’article L. 2232-21 du Code du travail envisage la possibilité de conclure un accord collectif, pour les mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à la signature d’un tel accord, avec les membres du comité d’entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégué syndical. Cette disposition ne permet pas de qualifier d’accord collectif de travail l’autorisation d’accès au site intranet et à la messagerie électronique de l’entreprise. En effet, la loi n’envisage la signature d’un accord d’entreprise que pour l’utilisation de ces ressources par les syndicats. Sous-section 2 : Le contenu de l’accord Tout en respectant les libertés individuelles et collectives des salariés (§1), l’employeur encadre objectivement l’utilisation du réseau informatique (§2). 433 Cass. crim., 8 mai 1968, n°67-92.659 C. trav., art. L. 2325-21 435 Cass. soc., 18 mars 1997, TPS 1997, comm. 154 434 - 109 - §1/ Le respect de la liberté syndicale Les principes relatifs à la liberté syndicale dans l’entreprise ont été établis par la loi du 27 décembre 1968, modifiée par la loi du 28 octobre 1982436. Elle inclut une liberté positive de se syndiquer (II) mais également la liberté de ne pas se syndiquer devant être protégée avec la même vigueur (I). I. Une liberté négative : la liberté de ne pas se syndiquer 244. La diffusion en masse est interdite. C’est pourquoi l’accord doit déterminer les modalités techniques pour préserver le choix des salariés d’accepter ou de refuser ces messages437. Les organisations professionnelles doivent obtenir le consentement préalable des salariés souhaitant recevoir des communications syndicales. Les salariés doivent être préalablement informés de l’utilisation de leur messagerie professionnelle afin de pouvoir manifester leur accord ou leur opposition à l’envoi de tout message syndical438. L’accord collectif doit définir les modalités de cette opposition439. Pour la CNIL, il est en outre nécessaire de faire apparaître le caractère syndical du courrier électronique dans son objet pour laisser au salarié le choix de ne pas l’ouvrir et de rappeler dans chaque message la faculté d’opposition afin que les salariés puissent manifester à tout moment leur volonté de ne plus recevoir de courriers syndicaux. Le régime est identique à celui des courriers électroniques à caractère commercial. II. Une liberté positive : la liberté de se syndiquer 245. Le tri ainsi effectué entre salariés acceptant la communication de messages à caractère syndical et ceux la refusant implique la création d’une liste de diffusion syndicale et l’identification des destinataires. Or, pour que la liberté syndicale soit garantie, il est nécessaire de préserver l’anonymat des salariés adhérents d’une organisation syndicale et de ceux qui consulteront les pages intranet destinées à l’affichage syndical. L’employeur ne peut prendre connaissance des listes de contrôle qui révèlent pourtant l’audience et le poids d’un syndicat dans l’entreprise. Il ne peut pas mesurer les fréquences d’utilisation de chaque site et de chaque page. L’employeur doit surtout s’assurer de la confidentialité et de la sécurité des échanges entre le salarié et le syndicat, ce qui implique une absence de contrôle des 436 C. trav., art. L. 2141-1 C. trav., art. L. 2142-6 et Circ. DRT n°9 du 22 septembre 2004 438 CNIL, Fiche pratique du 25 mai 2004 439 C. trav., art. L. 2142-6 437 - 110 - interactions effectuées. Un principe de confidentialité des données et des messages électroniques est posée440. La CNIL préconise que l’accord collectif rappelle les obligations de confidentialité auxquelles l’employeur est tenu vis-à-vis des courriers électroniques syndicaux441. La confidentialité doit aussi être respectée par les syndicats qui doivent s’assurer de ne pas faire apparaître le nom des autres destinataires du tract. Une amende de 37.500 euros est prévue en cas de violation442. Surtout, le principe général de nondiscrimination posé à l’article L. 1132-1 du Code du travail permet d’obtenir l’annulation de toute mesure prise en raison de l’appartenance syndicale du salarié. §2/ L’encadrement de l’usage L’employeur a deux voies pour limiter les possibilités de diffusion de tracts par les organisations syndicales. Il peut soit agir sur la communication du message (I), soit sur sa substance (II). I. L’émission du message 246. Temps de diffusion. L’employeur dispose d’une action sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse s’il estime que le contenu est diffamatoire ou injurieux. Il est plus difficile d’obtenir l’interdiction de la diffusion sur ce fondement, d’où la préférence des entreprises pour les actions sur le terrain de l’article L. 2142-4 du Code du travail relatif au cadre de la diffusion. Au terme de cet article, la distribution des tracts syndicaux n’est autorisée, dans l’enceinte de l’entreprise, qu’aux heures d’entrée et de sortie du personnel. Elle ne peut avoir lieu durant le temps de travail, ce qui inclut la pause du salarié443. Il n’est pas non plus possible de déposer des tracts dans les bureaux des salariés pendant leur absence444. Le texte évoque une distribution dans l’enceinte de l’entreprise sans interdire une communication à l’extérieur de celle-ci445. Les tracts peuvent être diffusés dans une entreprise cliente aux salariés qui y étaient en mission. La Cour de cassation considère en effet que la limitation posée à l’article L. 2142-2 n’inclut « ni la voie publique, ni les parties communes de l’immeuble où l’entreprise occupe des locaux, ni l’établissement d’un client au 440 C. trav., art. L. 2141-5 CNIL, Fiche pratique du 25 mai 2004 442 C. trav., art. L. 2146-2 443 Cass. soc., 8 juillet 1982, n°81-14.176 444 Cass. soc., 27 mai 1997, n°95-14.850 445 Cass. soc., 28 février 2007, n°05-15.228 441 - 111 - sein duquel des salariés de l’entreprise effectuent des missions »446. Dès lors, les tracts électroniques peuvent faire l’objet d’une diffusion sur les adresses mises à disposition par l’entreprise d’accueil. 247. Lieu de diffusion. La section syndicale est libre du choix du lieu de diffusion, mais il n’est pas possible de déposer en permanence une liasse de tracts à disposition dans l’enceinte de l’entreprise447. En effet, la diffusion ne peut concerner que les salariés de l’entreprise. La règle doit être identique pour les tracts électroniques. Ainsi, la communication de tracts par Internet « à tout moment, partout et par tous, notamment aux personnes étrangères à l’entreprise, est incompatible avec l’article L. 412-8 du Code du travail [nouveau L. 21424] »448. Ensuite, le syndicat ne doit pas apporter un trouble injustifié à l’exécution normale du travail ou à la marche de l’entreprise449. La notion de trouble sur l’intranet est liée à la diffusion de masse, déjà développée, et au volume des messages. D’où la faculté pour l’employeur d’apporter des restrictions techniques aux tracts électroniques. 248. Restrictions techniques. L’article L. 2142-6 du Code du travail exige que la diffusion effectuée par le syndicat soit « compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l’entreprise ». La première limitation objective peut donc tenir à des raisons techniques liées à la capacité des sites hébergés sur le réseau intranet. Cette formulation permet de légitimer certaines restrictions en dépit de la liberté d’expression, comme restreindre la capacité de stockage du site intranet hébergé par l’entreprise. Il faut permettre une cohabitation les besoins de l’activité de l’entreprise. En revanche, l’employeur ne serait pas fondé à limiter le nombre de messages envoyés par chaque syndicat. Le lien avec le bon fonctionnement du réseau informatique ne serait pas établi, alors qu’il a la possibilité de poser une obligation d’envoyer les tracts électroniques lors des heures creuses d’utilisation du réseau informatique450 ou de limiter la taille du message électronique pour éviter toute saturation du réseau. L’employeur dispose par ailleurs d’une autre voie pour limiter le contenu même du tract et pas seulement son volume. 446 Cass. soc., 18 janvier 2011, n°09-12.240 Cass. crim., 30 janvier 1973, n°72-92.034 448 TGI Bobigny, 11 janvier 2005, RJS 8-9/05, n°866 449 Cass. crim., 21 février 1979, n°77-92.618, Bull. crim., n°81 450 Rapp. AN n°1273 du 9 décembre 2003 relatif à la L. du 4 mai 2004, préc. note 424 447 - 112 - II. Le contenu du message 249. Les organisations syndicales peuvent en théorie librement déterminer le contenu des affiches, publications et tracts451. Il est néanmoins admis que l’employeur impose un principe de finalité aux partenaires sociaux, « la libre détermination du contenu se trouve ainsi enfermée dans un périmètre strictement syndical »452. L’accord peut limiter l’utilisation par les syndicats de la messagerie aux informations syndicales se rapportant à l’entreprise. La solution paraît logique dans la mesure où la mission des délégués syndicaux est l’expression des revendications des seuls salariés de l’entreprise. Alors, la diffusion d’une « protestation contre l’arrestation d’un militant syndical paysan »453 a pu être considérée comme illicite lorsque l’accord d’entreprise posait une condition de lien entre le contenu du tract et la situation sociale de l’entreprise. 250. Pour certains auteurs, l’accord d’entreprise ne peut limiter le contenu même du message syndical et doit s’attacher seulement aux modalités techniques454. L’article L. 2141-10 n’autorise en effet qu’une amélioration des dispositions légales relatives à l’exercice du droit syndical. Mais ce même article précise qu’« aucune limitation ne peut être apportée aux dispositions relatives à l’exercice du droit syndical par note de service ou par décision unilatéral de l’employeur ». Or, nous sommes en présence d’un accord d’entreprise conclu entre les parties intéressées. Il ne s’agit pas d’une limitation unilatérale. De plus, il doit être considéré que le fait d’offrir un accès au réseau de l’entreprise constitue à lui seul une dérogation plus favorable455. L’exigence d’un lien entre le tract électronique et l’entreprise ne paraît pas être une condition restreignant de manière excessive la liberté syndicale. Des restrictions trop importantes peuvent néanmoins inciter les syndicats à créer un site internet extérieur à l’entreprise. Section II : La sanction de l’action collective Les syndicats, et, par analogie, les représentants du personnel peuvent abuser de la liberté qui leur est offerte (Sous-section 1) et être sanctionnés par l’employeur (Sous-section 2). 451 C. trav., art. L. 2142-5 B GAURIAU, obs. sous l’arrêt du 22 janvier 2008, JCP-S 2008, n°1254 453 Cass. soc., 22 janvier 2008, n°06-40.514, Bull. civ. V, n°14 454 Y. LEROY, « La communication syndicale à l’heure d’Internet » RJS 1/10, p. 3 455 J.-E. RAY, « Actualité des TIC (II). Rapports collectifs de travail », Dr. soc. 2009, p. 27 452 - 113 - Sous-section 1 : Les modalités de l’abus Une organisation syndicale peut créer un site internet extérieur à l’entreprise en vertu du principe de la liberté d’expression directe et collective des salariés456. La création d’un site externe à l’entreprise entraîne un risque pour l’employeur car si un site intranet reste régi par le principe de la liberté d’expression syndicale, il doit être exploité conformément aux modalités contenues dans l’accord. Pour déterminer la violation des obligations contenues dans l’accord, il faut se référer aux règles posées librement par les parties. Elles permettent de sanctionner l’auteur du message. Le site internet échappe en revanche à tout contrôle direct de l’entreprise. La seule limite reste les atteintes à des intérêts économiquement protégés (§1) ou à la personne même de l’employeur (§2). Ces règles sont également applicables à l’encontre du contenu du site intranet du syndicat ou des représentants du personnel. §1/ Le caractère économique de la violation Il découle de la protection des droits d’autrui une interdiction de diffusion d’informations confidentielles (I) et d’utilisation de la marque de l’entreprise (II). I. La protection de la confidentialité 251. L’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales précise que « l’exercice [de la liberté d’expression] comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires […] à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ». La diffusion sur un site internet rend les données publiées accessibles à tous, y compris aux clients et aux concurrents de l’entreprise. Les possibilités d’atteintes aux intérêts légitimes de l’entreprise sont multipliées. Un contrôle de proportionnalité doit être effectué par l’employeur puis par les magistrats en cas de litige en fonction des circonstances de l’espèce. Ainsi, les membres du comité d’entreprise, en raison de leur place dans la prise de décision de l’employeur, sont particulièrement tenus, en application de l’article L. 2325-5 du Code du travail, d’une « obligation de discrétion à l’égard des informations revêtant un 456 TGI Paris, 17 novembre 1997, n°64156/97, Sté HP France, « dès lors qu’il est possible de connaître les animateurs du site et de situer sans ambiguïté leurs messages dans le cadre d’une situation sociale existante » - 114 - caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur ». Une mention doit figurer sur le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise457. 252. Ainsi, si un syndicat a le droit de communiquer librement des informations au public sur un site internet extérieur à l’entreprise, l’existence d’une « liberté de communication électronique »458 ayant été reconnue, il ne lui est pas pour autant permis de porter atteinte aux droits des tiers en divulguant des informations confidentielles, de nature sociale ou économique. Comme le salarié, le syndicat est tenu d’une obligation de discrétion à l’extérieur de l’entreprise. La communication au public d’informations sur la rentabilité de l’entreprise et sur les négociations salariales en cours peut ainsi porter atteinte aux intérêts légitimes de l’entreprise. Une règle identique est retenue par le législateur pour la diffusion d’informations par courrier électronique. La liberté de communication électronique n’est pas absolue. Elle peut être limitée par la protection de la liberté et la propriété d’autrui459. Pour que le dommage soit établi, il faut que l’entreprise soit nommément désignée460 ou, au moins, soit identifiable par le public. Les propos visant une entreprise française du nucléaire ou du pétrole ne nécessitent pas la mention de la raison sociale pour permettre son identification. 253. Droits de la défense. Le salarié peut se procurer des documents de l’entreprise dont il a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions à condition qu’ils soient « strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense »461. La jurisprudence a été restreinte au seul litige prud’homal. En conséquence, le salarié commet un délit de vol s’il les produit lors de son audition par les gendarmes, à la suite d’une plainte déposée par l’employeur pour diffamation, dans le but de prouver la vérité des faits imputés à l’employeur462. La solution est inopportune. Il s’agit toujours d’établir la preuve de son innocence, conformément à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales consacrant le droit à un procès équitable et, sous-jacent, le droit à établir sa défense. De plus, attendre la production devant le tribunal est plus risquée pour l’entreprise car l’audience est publique. Elle s’expose à une divulgation à un plus grand public. 457 Cass. soc., 12 juillet 2006, JCP-S 2006, n°1952 Cass. soc., 5 mars 2008, n°06-18.907, Bull. civ. V, n°55 459 LCEN, art. 1er, préc. note 74 460 Cass. soc., 5 mars 2008, préc. note 457 461 Cass. crim. 11 mai 2004 n°03-85.521 et Cass. soc., 30 juin 2004, n°02-41.771 462 Cass. crim., 9 juin 2009, n°08-86.843 458 - 115 - II. La protection de la propriété intellectuelle 254. Dans une affaire, un syndicat, à l’annonce d’un plan social, avait procédé à la déformation du logo de l’entreprise sur son site internet en appelant à un boycott des produits de la marque. Le TGI de Paris rappelle en effet que « ni le droit à l’information ni le droit à la liberté d’expression ne peuvent justifier l’imitation illicite incriminée et l’atteinte portée ainsi au droit de propriété de la société sur ses marques »463. Cette action syndicale porte une atteinte à l’image de la marque, d’où découle un préjudice commercial mais l’entreprise peut souhaiter ne pas démontrer la réalité de son préjudice, ce qui peut être difficile à évaluer dans un court laps de temps. Elle va pouvoir obtenir le retrait du contenu litigieux et la condamnation sur le terrain de la contrefaçon établie au regard des articles L. 713-3 et L. 7161 du Code de la propriété intellectuelle. Le premier de ces textes interdit l’imitation d’une marque sans autorisation de son propriétaire lorsqu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public tandis que le second qualifie l’infraction de contrefaçon. Ces éléments sont plus aisés à établir. 255. Il découle néanmoins de ces dispositions que le site internet peut ainsi comporter le nom de l’entreprise à condition qu’il n’existe aucun risque de confusion pour le public quant à l’auteur de la communication464. En principe, la liberté d’expression inclut la possibilité de dénoncer l’action de l’employeur sous la forme que les contradicteurs estiment appropriée au but poursuivi465. Les syndicats sont ainsi fondés à placer leur action dans un contexte social déterminé afin de donner une visibilité à leurs revendications. Pour parvenir à ce but, il faut identifier l’entreprise visée. La démarche ne doit pas être purement ‘dénigrante’, comme l’association du logo de l’entreprise à une tête de mort466. L’action doit être constructive. 256. Désormais, les entreprises disposent d’une autre voie d’action. Le nouvel article 222-4-2 du Code pénal introduit en droit français le délit d’usurpation d’identité numérique467. Cette disposition, initialement prévue pour les personnes privées, pourrait être utilisé par une 463 TGI Paris, 4 juillet 2001, n°01/06682 et n°01/7123, aff. Danone CA Paris, 30 avril 2003, Dr. soc. 2003, p. 604 465 Cass. com., 8 avril 2008, n°06-10.961 466 TGI Paris, 9 juillet 2004, Greenpeace c. AREVA, pour une association écologique 467 Le texte a ainsi été rédigé : « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne » 464 - 116 - entreprise en présence d’un syndicat faisant croire qu’il agit en son nom, dans les conditions étudiées dans le chapitre précédant. 257. Toutes ces hypothèses peuvent caractériser un trouble manifestement illicite permettant une action devant le juge des référés afin d’astreindre le syndicat à retirer le contenu litigieux. Cette démarche entraîne une publicité de l’affaire qui peut se retourner contre l’entreprise. Elle serait donc plus avisée à préférer la procédure spécifique introduite par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique468. L’employeur peut mettre en demeure l’hébergeur du site dès lors que celui-ci, informé du caractère illicite d’un contenu qu’il met à disposition, n’a pas pris les mesures pour retirer les informations litigieuses ou en empêcher l’accès, dans les conditions développées dans le chapitre précédant. Si l’hébergeur manque à ses obligations, la responsabilité imputable à l’auteur du contenu litigieux sera reportée sur lui. Il s’agit d’une garantie pour l’entreprise, surtout que cette procédure pourra s’effectuer dans la plus grande discrétion. Les juges ont ajouté que l’hébergeur engagera sa responsabilité dans l’hypothèse où le contenu réapparaît sur le même site469. §2, Le caractère personnel de la violation Des tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés par les membres d’un syndicat hors de l’enceinte de l’entreprise, sous réserve de respecter les règles établies par la loi du 29 juillet 1881470. Les articles L. 2142-3 à L. 2142-6 du Code du travail relatifs à la diffusion d’informations syndicales dans l’entreprise ne trouvent pas à s’appliquer. Les textes syndicaux ne peuvent être injurieux ou diffamatoires, sinon leur auteur engagera sa responsabilité (I). Il existe cependant des possibilités pour les syndicats de ne pas se voir imputer les propos tenus (II). I. L’imputation de l’auteur 258. Qualification. Le délit de diffamation est établi en présence d'accusations qui « dépassent ce que, dans les relations entre les salariés et les employeurs, peut autoriser la polémique »471. Une utilisation abusive de la liberté d’expression peut être envisagée, 468 LCEN, art. 6-I, préc. note 74 CA Paris, 3 décembre 2010, Zadig Production c. DailyMotion 470 Cass. soc., 28 février 2007, n°05-15.228 471 Cass. crim., 17 février 1987, JCP-E 1987, n°16746 469 - 117 - notamment en présence de propos à caractère injurieux472. Certains syndicats ont tenté d’ajouter la mention ‘confidentiel’ ou de spécifier un destinataire spécifique pour se voir uniquement condamner à une amende de 38 euros au titre de la contravention pour diffamation non publique473. La jurisprudence est constante pour ne pas admettre cette pratique. La Cour de cassation analyse les circonstances de la diffusion pour apprécier le caractère public ou privé de la diffamation474. Si le caractère public est établi, l’amende est portée à 12.000 euros avec la possibilité de demander l’affichage et la diffusion de la décision aux frais du condamné475. 259. La formulation du tract doit conduire « le lecteur à une interprétation non équivoque des propos incriminés »476. Le syndicat ne peut se retrancher derrière des suppositions caractérisées notamment par l’usage du point d’interrogation477. Par ailleurs, la publication syndicale doit viser une personne ou un groupe déterminé pour être considérée comme diffamatoire. Il en est ainsi du tract visant les « magouilles des finances de l’entreprise [et] l’administration réactionnaire à la solde du patronat »478 ou décrivant l’entreprise comme une « machine à fric au détriment de [la] sécurité » des salariés479. Pour que l’employeur puisse agir sur le terrain de la diffamation, il ne faut pas que le syndicat vise une pratique générale des entreprises. 260. Durée de l’action. L’employeur ne peut empêcher la diffusion du tract syndical au risque d’être condamné pour délit d’entrave. L’article 809 du Code de procédure civile lui permet de saisir le juge des référés pour voir prescrire « des mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ». Lorsque les poursuites pour diffamation sont engagées à raison de la diffusion d’un message sur un blog, le point de départ du délai de prescription de l’action prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 est la date à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau480. Le 472 Cass. crim., 10 mai 2005, n°04-84.705 : « S’il est certain que le langage syndical justifie la tolérance de certains excès, à la mesure des tensions nées de conflits sociaux ou de la violence qui sous-tend parfois les relations de travail, il n’en reste pas moins qu’excèdent la mesure de l’admissible dans un tel cadre et présentent un caractère injurieux des propos tels que ‘pôvre vieux’, ‘givré’, ‘plus barge que ça tu meurs’ » 473 C. pén., art. R. 621-1 474 Cass. crim., 5 novembre 1931, Gaz. Pal. 1931.2.859 475 L. 29 juillet 1881, art. 32, préc. note 288 476 Cass. crim., 11 décembre 1990, n°89-81.655, Bull. crim., n°428 477 Cass. crim., 31 janvier 1989, n°87-90.947 : « les patrons se salissent rarement eux-mêmes les mains. Pourtant les ont-ils propres ? » 478 Cass. crim., 11 janvier 1956, Bull. crim., n°48 479 CA Paris, 26 octobre 2005, n°04/16363, Air France 480 CA Paris, 16 février 2007, n° 06/12606 - 118 - délai de prescription de trois mois à compter de la diffusion du tract s’applique et l’employeur doit faire preuve de réactivité. II. L’exonération de l’auteur 261. Les imputations diffamatoires sont, de droit, réputées faites dans une intention de nuire. Un effet absolutoire est prévu par l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881. Le prévenu peut apporter la preuve de la vérité des faits énoncés. Elle doit être complète, parfaite et corrélative aux imputations. Un représentant syndical est fondé à émettre sur un blog des critiques portant sur la mauvaise gestion de la société s’il apporte la preuve d’éléments justifiant la teneur de ses propos. Le ton employé n’outrepasse pas les limites de la liberté d’expression dans le cadre d’une polémique syndicale à l’occasion de la fermeture de plusieurs établissements entraînant la perte de plusieurs emplois. Il s’analyse comme l’expression d’une prise de position critique d’un représentant syndical. Les difficultés rencontrées par la société permettent de légitimer le but poursuivi. De manière générale, les énonciations doivent être appréciées dans le contexte de leur diffusion et au regard du conflit opposant les parties481. 262. L’auteur des propos peut également établir sa bonne foi « en prouvant qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête ainsi que de prudence dans l’expression »482. A titre d’illustration, dans le cadre des élections pour le renouvellement d'un comité d'établissement, un syndicat a distribué un tract mettant en cause l’ancien secrétaire du comité, lui imputant le licenciement de son assistante, alors qu'elle était atteinte d'une grave maladie. Le syndicat n'a fait que porter à la connaissance des salariés de l'établissement, de bonne foi, des faits avérés tenant aux conditions de ce licenciement, et dans un contexte électoral particulièrement tendu. La diffamation publique à l'encontre de la personne visée par le tract est alors écartée483. Sous-section 2 : Les modalités de la sanction L’employeur est fondé, en vertu de son pouvoir de direction ou de l’accord conclu sur les conditions d’utilisation des ressources informatiques de l’entreprise, à sanctionner l’auteur du 481 CA Paris, 4 mars 2009, n°08/05024 TGI Paris, 6 mai 2010, Sté B. c. Sté Radio France 483 CA Versailles, 26 novembre 2009, n°08/07570 482 - 119 - message litigieux (§1) mais également son syndicat d’appartenance (§2). Les règles sont identiques pour les représentants du personnel. §1/ La sanction du syndiqué 263. Admission. Selon le Professeur Ray, les employeurs ne sont pas enthousiastes à l’idée de négocier sur l’accès des représentants syndicaux aux ressources informatiques de l’entreprise, officiellement pour des questions de sécurité et de fluidité informatique, mais officieusement pour éviter de donner une possibilité de communication rapide et gratuite aux syndicats484. Cette analyse n’est plus pertinente en pratique. Si l’employeur est animé d’un tel désir de nuisance, il n’est pas compréhensible qu’il se prive d’un moyen de pression sur les organisations syndicales. Même si la liberté d’expression doit être entendue quel que soit son support485, la Cour européenne des droits de l’Homme ayant une approche très large de la protection de cette liberté puisqu’elle vaut même pour les idées qui « heurtent, qui choquent et qui inquiètent »486. La Cour de cassation a en effet admis que soit sanctionné personnellement et disciplinairement le salarié syndiqué en cas de non-respect de l’accord collectif, s’il est clairement identifiable487. La Cour a ainsi accueilli la mise à pied disciplinaire d’une déléguée syndicale ayant plusieurs fois dépassé le quota autorisé d’envoi de tracts par l’accord d’entreprise malgré les rappels à l’ordre de son employeur488. L’employeur peut en outre obtenir le versement de dommages et intérêts à l’encontre des personnes liées par l’accord, les syndicats mais également leurs adhérents, s’il établi un préjudice particulier489. 264. Vie privée. Il faut déterminer si le secret de la correspondance qui s’attache au courrier électronique doit être garanti. Comme le souligne un auteur490, les messages électroniques sont assimilés à des courriers ‘papier’ tant au niveau communautaire qu’au niveau national491. Sur ce fondement, un syndicat avait soutenu à l’occasion d’un litige492 que la diffusion d’un tract syndical par courrier électronique était assimilable à l’expédition par voie postale et 484 J.-E. RAY, « Droit du travail et TIC (III). Droit du travail et TIC : sites, blogs, messagerie », Dr. soc. 2007, p. 423 485 CEDH, 15 février 2005, Steel et Morris c. Royaume-Uni 486 CEDH, 24 mai 1988, Muller et a. c. Suisse 487 Cass. soc., 22 janvier 2008, n°06-40.514 488 Cass. soc., 19 mai 2010, n°09-40.279 489 C. trav., art. L. 2262-12 490 Y. LEROY, préc. note 452 491 Directive n°1999/93/CE du 13 décembre 1999, JOCE n° L13 du 19 janvier 2000, p. 12, L. n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information, JO du 14 mars, p. 3968 et Décret du 30 mars 2001, préc. note 112 492 Cass. soc., 25 janvier 2005, RJS 4/05, n°404 - 120 - relevait donc de la correspondance privée des salariés. Conformément à la jurisprudence Nikon493, l’employeur n’aurait pu en prendre connaissance ni interdire leur diffusion. Le syndicat a semblé oublier que la liberté syndicale inclut la liberté de ne pas se syndiquer et la possibilité de refuser la réception d’une communication à caractère syndical. Surtout, un tract n’est pas « une lettre adressée à une personne déterminée, mais plutôt une communication destinée au plus grand nombre »494. La Cour de cassation a rejeté l’argument du syndicat. Le tract envoyé par voie électronique ne relève pas de la correspondance privée et ne peut pas bénéficier de la protection afférente. §2/ La sanction du syndicat 265. Absence d’accord. A défaut d’autorisation, l’employeur peut obtenir du juge des référés qu’il ordonne sous astreinte au syndicat de cesser d’utiliser la messagerie électronique des salariés495. Comme pour l’affiche syndicale496, il ne peut pas contrôler le contenu avant la diffusion du site syndical sur l’intranet ni procéder à la suppression des informations litigieuses sans commettre d’entrave. La saisine du juge est un préalable obligatoire. La diffusion illicite peut constituer un trouble manifestement illicite. Cependant, l’employeur doit veiller à ne laisser s’instaurer une tolérance dans l’entreprise qui pourraient s’interpréter comme un usage ou, en l’absence de réunion des conditions nécessaires, rendrait son action devant le juge des référés infondée. En effet, l’utilisation des ressources informatiques de l’entreprise par les représentants du personnel afin d’informer les salariés de la suspension par l’employeur de la procédure d’information et de consultation engagée dans le cadre d’un projet de réorganisation « ne permet pas de qualifier de trouble manifestement illicite […] alors même que le comité d’entreprise établit avoir déjà utilisé la messagerie interne de l’entreprise pour la diffusion d’informations relatives aux activités sociales et culturelles »497. 266. Il est souvent difficile de distinguer ce qui relève de l’usage ou de l’engagement unilatéral de l’employeur. L’assimilation par la jurisprudence du régime juridique est de nature à conformer cette difficulté498. Pourtant, l’expression de la norme diffère. L’engagement unilatéral résulte d’une volonté explicite de l’employeur d’instaurer ou de laisser instaurer dans l’entreprise une pratique, en l’espèce l’utilisation de l’intranet ou de la 493 Cass. soc., 2 octobre 2001, RJS 12/01, n°1394 Y. LEROY, préc. note 453 495 Cass. soc., 25 janvier 2005, n°02-30.946 496 Cass. crim., 11 mai 2004, préc. note 460 497 CA Versailles, 8 septembre 2010, n°09/05276, SAS ADIA 498 A titre d’illustration, Cass. soc., 23 janvier 2006, n°04-42.793 494 - 121 - messagerie électronique. L’usage est au contraire institué par une volonté implicite qui n’est considérée comme établie que par la réunion de plusieurs critères : la constance499, la généralité500 et la fixité501. L’employeur peut décider unilatéralement de supprimer l’autorisation d’accès aux ressources de l’entreprise consentie pour une durée indéterminée et résultant soit d’un usage soit d’un engagement unilatéral502. Il n’existe pas de parallélisme des formes. L’instauration peut s’établir librement mais la révocation doit être formalisée. Pour que la dénonciation soit valablement effectuée, l’employeur doit informer les institutions représentatives du personnel et respecter un délai dé prévenance suffisant. Il doit aussi informer individuellement les parties intéressées, c’est-à-dire les organisations syndicales et non les salariés. 267. Violation de l’accord. L’employeur est fondé à ne pas mettre en ligne sur l’intranet un site syndical qui ne respecterait pas les conditions d’utilisation fixées dans l’accord d’entreprise503. Le tribunal de grande instance est saisi en cas de contestation en vertu de sa compétence de droit commun. L’employeur prend le risque d’être condamné pour délit d’entrave si le refus est injustifié504. Il est aussi fondé à prévoir des mesures coercitives dans l’accord, comme la fermeture pendant une durée limitée du site intranet et, en cas de récidive, la fermeture définitive du site. 268. En cas de violations répétées, il peut souhaiter procéder à une modification de l’accord. Il peut opter pour une révision, mais celle-ci sera difficile à obtenir. Conformément au droit des contrats, il faut en effet une identité des parties entre ceux qui vont signer l’accord de révision et ceux qui ont signé l’accord de d’origine. L’employeur conserve la possibilité de dénoncer l’accord au motif de son non-respect, ce qui entraînerait l’impossibilité pour les syndicats d’utiliser l’accès à l’intranet et à la messagerie électronique de l’entreprise. L’accord collectif à durée indéterminée peut être dénoncé à tout moment, en respectant les règles de droit commun posées aux articles L. 2261-9 et suivants du Code du travail. La durée de préavis est de trois mois ; mais l’accord peut comporter une stipulation prévoyant un délai 499 A deux reprises au cours des quatre années précédentes (Cass. soc., 19 juillet 1983, n°82-60.393, Bull. civ. V, n°452) ou régulièrement pendant trois ans (Cass. soc., 30 mai 2000, n°98-40.697) 500 L’octroi d’un avantage à un seul syndicat ne saurait constituer un usage mais une discrimination pénalement sanctionnée 501 L’avantage doit reposer sur des critères prédéterminés et objectifs sans considération de facteurs subjectifs liés à la personne du syndicat 502 Sur l’admission de l’usage en matière d’accès aux ressources informatiques de l’entreprise par les organisations syndicales : Cass. soc., 27 juin 2007, n°06-40.246. Les règles de dénonciation sont identiques dans l’hypothèse d’un accord atypique conclu avec les représentants du personnel 503 CA Versailles, 20 janvier 2011, n°09/08331, Sté Renault 504 C. trav., art. L. 2146-1 - 122 - différent. La dénonciation est notifiée par son auteur uniquement autres signataires de l’accord, c’est-à-dire les délégués syndicaux. Les salariés ne sont pas les destinataires de la notification505. La Cour de cassation a posé une obligation d’informer et de consulter le comité d’entreprise dès lors que l’accord a une incidence sur la marche générale de l’entreprise506. Cet ajout à la loi n’est pas applicable en l’espèce. Enfin, la sanction n’est pas la nullité mais une responsabilité civile ou pénale qui prendra la forme de dommages et intérêts ou d’un délit d’entrave. 269. Si l’accord d’entreprise est à durée déterminée, il ne cesse pas de plein-droit de s’appliquer à l’échéance du terme, qui ne peut excéder cinq ans. A défaut de stipulation contraire, l’accord qui arrive à expiration continue à produire effet comme un accord à durée indéterminée. Si une partie souhaite se retirer à l’échéance, la décision devra être analysée comme une dénonciation et respecter la procédure précitée. Conclusion : 270. La relation de travail, par nature inégale, nécessite un équilibre entre les parties en présence. Celui-ci est confié aux représentants des salariés qui sont amenés à adopter de nouvelles formes d’action dématérialisée, avec un bénéfice certain en terme de coût et de rapidité de la communication. L’équilibre doit aussi se faire en faveur de l’employeur qui ne peut permettre une injure ou une diffamation. Un site syndical doit être traité « comme n’importe quel site, personnel ou institutionnel »507. Le syndicat et le syndiqué peuvent faire l’objet de sanctions. 271. Le contrôle de la diffusion des informations ne se limite pas aux prescriptions posées par la loi. L’accord collectif signé avec les syndicats pose ses propres frontières encadrant l’utilisation des ressources informatiques de l’entreprise Il peut prévoit son extension au profit des représentants du personnel, avec respect des mêmes principes. La diffusion doit en outre être compatible avec les exigences du bon fonctionnement du réseau informatique de l’entreprise et ne pas entraver l’accomplissement du travail. Des restrictions sont admises, par 505 Cass. soc., 15 juillet 1998, TPS 1998, comm. 395 Cass. soc., 5 mai 1998, RJS 5/08, n°576 507 J.-E. RAY, « Sur la liberté d’expression des syndicats sur Internet. A propos de l’arrêt TNS Secodip du 5 mars 2008 », Sem. soc. Lamy 2008, n°1345 506 - 123 - exemple en termes d’heures de diffusion de messages groupés aux heures creuses d’utilisation du réseau. - 124 - CONCLUSION 272. Echanges électroniques. Le législateur a pris conscience de l’ampleur de l’apparition d’Internet à toutes les étapes de la relation de travail. Au stade de la conclusion et de l’exécution du contrat, il vient de consacrer la lettre recommandée électronique. Le courrier électronique offre à l’entreprise un outil de communication externe afin de diffuser ses informations sur ses produits et services ou ses annonces de recrutement ou bien de s’adresser aux salariés travaillant à l’extérieur. La messagerie électronique est aussi un outil de communication interne à l’usage des équipes d’encadrement et à leurs collaborateurs pour qu’ils réalisent des gains de temps. 273. Cette communication virtuelle exacerbée et instantanée est amenée à faire l’objet de nombreux contentieux, pour des raisons aussi diverses que le harcèlement moral tiré de la déshumanisation des rapports de travail et le paiement d’heures supplémentaires. Le droit de la preuve a pour sa part dû s’adapter à l’utilisation des nouvelles technologies par les parties contractantes D’une part, pour les documents exigés ad validitatem, l’écrit électronique a fini par acquérir toute la légitimité déjà donnée à l’écrit papier comme mode de preuve littérale. D’autre part, la Cour de cassation admet la présentation d’un courrier électronique dans le cadre d’un contentieux prud’homal, malgré les risques de falsification. 274. Vie privée. La multiplication des échanges peut aussi se faire aux dépens du salarié. Bien qu’en principe la consultation des fichiers personnels du salarié doive s’opérer en sa présence ou celui-ci dûment appelé, sauf risque ou événement particulier, les juges ont semblé restreindre la sphère de vie privée à laquelle peut prétendre le salarié dans l’entreprise. L’entreprise est ainsi fondée à faire établir ou conserver par huissier, avant tout procès et en présence d’un risque de détériorations des éléments de preuve, la correspondance privée du salarié, la procédure n’étant pas contradictoire. Le salarié peut aussi rendre une discussion qu’il pensait privée accessible à tous et donc à son employeur. Ce dernier peut ainsi produire - 125 - en justice des propos tenus sur Facebook par un salarié ou lorsque le courrier électronique est transmis par son destinataire à la direction. Ainsi, le conflit collectif de travail n’est plus le seul « facteur d’altération du jeu contractuel traditionnel »508. Pourtant, l’action collective des syndicats est amenée à prendre une nouvelle forme, virtuelle. 275. Perspectives. Le printemps arabe a montré l’importance d’Internet comme forme moderne d’organisation des contestations. Les ‘cyberdissidents’ se jouent des barrières dressées afin d’interdire l’accès au réseau mondial mais également aux sites cibles gouvernementaux. Une nouvelle notion voit le jour qui pourrait être mise en avant par les syndicats dans les prochaines années. Il s’agit de la cyber-manifestation. Ce terme a été évoqué par le groupe Anonymous, collectif non organisé se retrouvant autour d’un objectif commun et mouvant509. 276. Tout d’abord, la manifestation peut être organisée dans le monde virtuel. La première ‘grève’ virtuelle a été organisée le 27 septembre 2007 suite à l’annonce par IBM Italie de la suppression de la participation aux résultats des salariés. La fédération syndicale UNI (Union Network International) a organisé une manifestation dans l’univers Second Life, environnement fictif où se meuvent des avatars créés par les internautes. Environ 1850 avatars de trente nationalités différentes y ont participé et l’événement a bénéficié d’un reportage dans les journaux. La manifestation peut aussi prendre la forme d’une attaque lancée contre les réseaux informatiques de l’entreprise ou contre son site commercial. 277. Toutes ces nouvelles formes de conflit ne peuvent être nécessairement qualifiées de grève au sens du droit du travail. Une grève est constituée par une cessation complète, collective et concertée du travail. Lorsqu’elle est virtuelle, la manifestation n’est pas toujours l’œuvre des salariés de l’entreprise ; des tiers peuvent s’ajouter. Ce n’est pas en soi suffisant pour disqualifier l’action collective dès lors que des collaborateurs s’y joignent. A condition qu’un arrêt de travail ait lieu La manifestation virtuelle pourrait ainsi être qualifiée de grève si elle se déroule pendant le temps de travail. Cependant, même si le mouvement répond à la définition de la grève, l’abus peut constituer une limite à l’exercice son exercice par les salariés. Mais l’abus peut venir des deux côtés. Ainsi, lorsque l’employeur a procédé à la fermeture d’un site sans respecter le préalable de l’information et de la consultation du comité 508 TEYSSIÉ, B., p. 1, préc. note 423 Lettre ouverte au gouvernement du Royaume-Uni, 27 janvier 2011 : http://anonnews.org/?p=press&a=item&i=306 509 - 126 - d’entreprise et sans mettre en œuvre la procédure de licenciement collectif, l’occupation des locaux n’est pas illicite510 et il ne peut être procédé à des licenciements disciplinaires pour insubordination511. 278. Une ‘occupation’ du réseau de l’entreprise ou de son site internet n’ont pas la même ampleur que l’occupation physique d’un site. Elle peut révéler une volonté de nuire à la situation économique de l’entreprise, ce qui constitue une faute du salarié gréviste512. Il n’est pas certain que l’excuse tirée de la faute préalable de l’employeur subsiste. De plus, il pourrait en résulter une entrave à la liberté de travail des salariés non grévistes. Ceux-ci seront fondés à exercer une action en responsabilité contre les grévistes513. En revanche, l’action de l’employeur se révèlera désuète. En présence d’une entrave à la liberté de travail, il est en effet fondé à agir référé afin d’obtenir une ordonnance d’expulsion des locaux de l’entreprise. Or, seul l’immatériel est occupé. Une autre réponse appropriée serait la mise en œuvre d’un lock-out puisque la démarche des grévistes l’empêche de fournir un travail à ses salariés. 279. Cependant, dans cette hypothèse d’occupation de son réseau ou de son site internet, l’entreprise pourrait considérer être face à un piratage informatique et non à une grève virtuelle. L’action sera pénale514. Elle permettra en outre à l’employeur de déterminer l’identité des auteurs. Seule une enquête judiciaire permet de révéler l’adresse IP (Internet Protocol) servant à identifier l’ordinateur à partir duquel la connexion a été faite. 280. Une approche différente a été développée et a notre faveur. Le collectif Anonymous515 relève que le piratage n’est pas applicable lorsqu'il s'agit de milliers de personnes procédant simultanément à des connections légitimes sur un serveur web accessible au public afin de le pousser au maximum de sa capacité, ce qui provoque sa saturation. Le piratage renvoie à la notion d’accès frauduleux, fautif. Si les activistes ne sont pas membres de l’entreprise. Une autre solution pour l’employeur serait d’agir sur le terrain de l’atteinte aux biens sanctionnée 510 Cass. soc., 9 mars 2011, n°10-11.588 CPH Vichy, 10 février 2011, n°09/00237 512 Cass. soc., 25 février 1988, n°85-43.293 513 Cass. soc., 8 décembre 1983, Dr. ouv. 1984, n°199 514 C. pén., art. 323-1 : « Le fait d'accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Lorsqu'il en est résulté soit la suppression ou la modification de données contenues dans le système, soit une altération du fonctionnement de ce système, la peine est de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende » 515 Lettre ouverte au gouvernement du Royaume-Uni, 27 janvier 2011, préc. note 508 511 - 127 - par l’article 322-1 du Code pénal, à moins que le dommage soit qualifié de léger516. Une saturation de quelques minutes ou même de quelques secondes marque les esprits mais est sans conséquence matérielle. Le droit trouve ici ses limites, alors que la ‘cyberguerre’ ne fait que commencer. 516 C. pén., art. 322-1 : « La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger » - 128 - BIBLIOGRAPHIE MONOGRAPHIES : Ouvrages généraux : DEAKIN, S. et G. S. MORRIS, Labour Law, Hart Publishing, 5th Edition, 2009 FABRE-MAGNAN, M., Droit des obligations, PUF, 2008 KIRCHNER, J., P. R. KREMP et M. MAGOTSCH, Key aspects of German Employment and Labour Law, Springer, 2010 PELISSIER, J., G. AUZERO et E. DOCKES, Droit du travail, Dalloz, 2010 SELWYN, N., Law of Employment, Oxford University Press, 16th Edition, 2011 TERRE, F., P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil. 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Faut-il aujourd’hui réviser la directive 95/46/CE relative à la protection des données personnelles ? », D., 14 avril 2011, n°1034, Editions Dalloz DOCKÈS, E., « La liberté d’expression au travail », Dr. ouv., janvier 2011, n°750, p. 53, Editions de la Confédération Générale du Travail DUQUESNE, F., « Le vote électronique dans l’entreprise à la lumière de la loi du 20 août 2008 », Sem. soc. Lamy, 9 mai 2011, n°1491, p. 10, Editions Wolters Kluwer FARZAM-ROCHON, N. et F. RAJON, « Diffamation et tracts syndicaux. Où est la limite ? », JSL, 13 juillet 2009, n°259, p. 4, Editions Wolters Kluwer FEL, C. et E. 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Lamy 2008, n°1345, Editions Wolters Kluwer RAY, J.-E., « Actualité des TIC (II). Rapports collectifs de travail », Dr. soc. 2009, p. 27 THIERACHE, C., « Le droit à l’oubli numérique. Un essai qui reste à transformer », RLDI, janvier 2011, p. 6, Editions Wolters Kluwer TRAYNARD, A., « Vote électronique », Les Cahiers du DRH, juillet 2010, n°167, Editions Wolters Kluwer VIVANT, M., « Entre ancien et nouveau, une quête désordonnée de confiance pour l’économique numérique », Cahiers Lamy, juillet 2004, n°171, Editions Wolters Kluwer WAQUET, P. « Vie privée, vie professionnelle et vie personnelle », Dr. soc. 2010, p. 14 - 131 - INDEX (les chiffres renvoient aux numéros de paragraphe) A Abus - de l’employeur : 90, 94 s. - du salarié : 114 s, 138, 150, 154, 162, 168, 178 - des syndicats : 251 s, 277 Accès (droit d’) : 17, 45, 64, 66, 70, 126 Administrateur réseau : 180 Alertes professionnelles : 136 s. Allemagne - données personnelles : 19 - vie privée : 10 s. Anonymat - élections : 208 - offre d’emploi : 50, 72 - pseudonyme : 172, 177, 179 - syndiqué : 245 Capacité des sites : 248 Charte informatique : 109 s, 180 Commission nationale informatique et libertés (CNIL) - alertes professionnelles : 136 s. - recrutement : 60 s. - traitement de données : 123 s, 242 - vote électronique : 203, 209, 213 Comité d’entreprise - consultation : 63, 110, 127, 199 - élections : voir Vote électronique - utilisation des nouvelles technologies : 242 s. Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail : 110, 128 Communications syndicales : voir Tracts Anonymous : voir Cybermanifestation Confidentialité : 20, 22, 58, 68, 153 s. Astreinte : voir Durée du travail Conseil de l’Europe : 16 Avertissement - Forme : 186 s. - Non bis in idem : 184 s. Consentement : 43, 45, 81, 86, 96, 244 Contrefaçon : voir Propriété intellectuelle Belgique : 12 Contrat de travail - Conclusion : 73 s. - Contestation : 99 s. - Modification : 103 s. - Preuve : 77 s. Blackberry : voir Durée du travail Contrôle des salariés : 8 s, 107, 123 s. Bonne foi : 32, 72, 90, 149, 163, 262 Copie électronique : 84 B C Courrier électronique : 9, 12, 76, 79, 186 s, 193, 197, 220, 244, 252, 264 Cyber-manifestation : 275 s. Candidat à l’emploi : voir Recrutement - 132 - D I Défense (droits de la) : 253 Identité numérique : 43 Délit d’entrave : 260, 267 Information - des salariés : 125 s. - des représentants du personnel : 127 s. Diffamation : voir Infractions de presse Disque dur : 116 Discrimination - interdiction générale : 44, 57 s. - fondée sur le sexe : 54 s. - syndicale : 205, 240, 245 Infractions de presse - par les salariés : 140, 162, 165 s. - par les syndicats : 258 s. Injure : voir Infractions de presse Insubordination : 162, 179, 277 Durée de conservation des données : 62 Intranet : 27, 32, 63, 238 s. Durée du travail : 120 s. J E Juge des référés : 257, 265, 278 Editeur : 57, 139 s, 158, 167 Egalité syndicale : 241 L Email : voir Courrier électronique Enchères électroniques inversées : 33 s. E-réputation : voir Réseaux sociaux Etats-Unis : - données personnelles : 21 - vie privée : 13 Evaluation des salariés : 43, 48 s. F Lettre recommandée électronique (LRE) : 186 s. Liberté - d’expression : 23, 45, 114, 145, 154, 160 s, 258, 260, 263 - de se syndiquer : 245 - de ne pas se syndiquer : 244 Licenciement - pour motif économique : 24 s. - pour motif disciplinaire : 172 s. Liste électorale : 234 Logo de l’entreprise : voir Usurpation d’identité Facebook : 38, 40, 45, 139, 166, 179 Loyauté : 52, 71 s, 155 s. Finalité (principe de) : 17, 43, 45, 60 Forum de discussion (blog) : 23, 117, 134, 154 s, 164, 173, 260 s. Fournisseur d’accès : 144, 147 H Harcèlement : 119, 137, 165 M Messagerie électronique - utilisation par les salarié : 118, 135 s. - par les syndicats : 238 s, 246 s - par les représentants du personnel : 242 s Mutations technologiques : voir Licenciement pour motif économique Hébergeur : 40, 42, 139 s, 167, 169, 257 - 133 - O S Offre d’emploi : voir Recrutement Second Life : voir Cybermanifestation OIT : 16 Secret des correspondances : 112 Opinions : voir Liberté d’expression Serious game : 46 s. Opposition (droit d’) : 45, 64, 67 Signature électronique : 81 s. Oubli (droit à l’) : 44 Site syndical - accord atypique : 238, 243, 265 - accord collectif : 239 s. - fermeture : 266 s. - site internet : 240, 250, 251, 253 s. P Période d’essai : 94, 103 Subordination : 73, 97, 107, 118, 120 Piratage : 99, 279 s. Surveillance des salariés : voir Contrôle des salariés Pourparlers : 88 s. T Promesse d’embauche : 91 s. Proportionnalité (principe de) : 6, 60 s. Traçage informatique : 130 Propriété intellectuelle : 254 s. Tracts syndicaux : 246 s. Pseudonyme : voir Anonymat Traitement automatisé : 16 s, 136 Publications syndicales : voir Tracts Transfert des données : 21, 144 Q Transparence : 63 s. U Québec : 14 R Usurpation d’identité : 159, 256 Usage : voir Site syndical Reclassement : 26 s. V Rectification (droit de) : 17, 45, 64, 66, 126, 242 Règlement intérieur : 109, 111, 114, 116, 126, 184 Réseaux sociaux : 37 s, 61, 111, 139 s, 158 Retrait de l’accès à Internet - par les salariés : 190 s. - par les syndicats : 267 s. Royaume-Uni - données personnelles : 20 - vie privée : 7 s. Vie privée : 5 s, 41, 58, 61, 112 s, 131 s, 172 s, 181 s, 263 Visioconférence : 199 Vote électronique - Accord collectif : 206 s, 212 s, 221 - Accord préélectoral : 217 s. - Contestation : 230 s. - Dépouillement : 203, 208, 211, 227, 229 - Prestataire extérieur : 213 - Scrutin : 203, 206, 210 s. - 134 - TABLE ANALYTIQUE INTRODUCTION TITRE I. INTERNET ET RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL CHAPITRE 1. LA FORMATION DE LA RELATION DE TRAVAIL Section I. La recherche de la relation de travail Sous-section 1. La diffusion en ligne des offres d’emploi §1/ Des canaux de diffusion des offres d’emploi libéralisés 7 18 18 19 19 19 I. L’utilisation du site Internet de l’entreprise 19 A. La mise en ligne des offres d’emploi 19 B) La question des enchères électroniques inversées 20 II. L’émergence de nouveaux procédés de recrutement 21 A) L’externalisation du processus de recherche du candidat 22 B) L’utilisation des jeux en ligne 25 §2/ Le contenu des offres d’emploi encadré 26 I. Les mentions à finalité explicative 27 II. La protection des libertés fondamentales 28 A) L’interdiction spécifique de discrimination fondée sur le sexe 29 B) L’interdiction générale de discrimination 30 Sous-section 2. Le processus de recrutement §1/ les principes généraux applicables à l’égard du candidat 31 31 I. Le principe de proportionnalité 31 II. Le principe de transparence 32 A) L’étendue du principe 32 B) La sanction du principe 34 §2/ Le principe de loyauté à l’égard de l’employeur 35 Section II. L’entrée du salarié dans l’entreprise Sous-section 1. La constatation de l’embauche §1/ La forme du contrat de travail 36 36 36 I. L’absence d’écrit exigé à titre de sollénité 36 II. La forme électronique du contrat de travail 38 §2/ La preuve de l’embauche 38 I. L’admission comme mode de preuve à part entière 39 II. L’admission résiduelle comme mode de preuve 42 Sous-section 2. La contestation de l’embauche 43 §1/ Le contentieux précédant l’embauche 43 I. Le contrat imparfait 44 II. Le contrat parfait 45 §2/ Le contentieux suivant l’embauche I. Les circonstances de la conclusion du contrat de travail 48 48 A) La détermination de la date de conclusion du contrat de travail 48 B) La détermination du tribunal compétent 49 II. La modification du contrat de travail CHAPITRE 2. LES INCIDENCES SUR LA RELATION DE TRAVAIL Section I. L’exécution de la relation de travail 49 51 51 Sous-section 1. Le déroulement du travail 51 §1/ L’usage d’Internet par le salarié 52 I. Un usage à caractère professionnel 52 II. La tolérance d’un usage personnel 54 §2/ L’usage d’Internet au-delà du salarié 56 I. L’organisation de la relation de travail 56 II. Le temps de travail 57 Sous-section 2. Le contrôle de l’usage d’Internet §1/ Le contrôle interne à l’entreprise 58 59 I. L’encadrement de la surveillance 59 A) L’obligation de déclaration 59 B) L’obligation d’information 60 - 136 - II. La mise en œuvre de la surveillance 61 A) Les outils de contrôle par l’employeur 62 B) Les outils de contrôle par les salariés 64 §2/ Le contrôle externe à l’entreprise 65 I. La responsabilité des acteurs externes 66 II. La responsabilité de l’employeur 68 A) L’existence d’une responsabilité directe 68 B) La responsabilité du fait de ses préposés 69 Section II. L’extinction de la relation de travail 71 Sous-section 1. Les cas d’ouverture du licenciement 71 §1/ La violation des obligations contractuelles 71 I. L’obligation de discrétion et de confidentialité 72 II. L’obligation de loyauté 72 §2/ La violation des obligations légales et réglementaires 73 I. Le caractère économique de la faute 74 II. Le caractère personnel de la faute 75 A) Le principe de la liberté d’expression 75 B) Les infractions de presse 77 Sous-section 2. Le prononcé de la sanction 80 §1/ La réunion des éléments de preuve 80 I. L’imputabilité du fait litigieux 80 A) Le moment de la commission 80 B) La détermination de la responsabilité 82 II. La licéité de la preuve 83 A) Le respect des dispositions légales et réglementaires 84 B) Le respect de la vie privée 84 §2/ L’établissement de la sanction I. Les procédures alternatives au licenciement 85 86 A) L’avertissement 86 B) Le retrait de l’accès à Internet 88 II. Le prononcé du licenciement 88 A) Le respect de la forme du licenciement 88 B) Le respect de la procédure de licenciement 89 CONCLUSION 90 - 137 - TITRE II. INTERNET ET RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL 92 CHAPITRE 1. LA REPRESENTATION COLLECTIVE 93 Section I. L’ouverture des élections professionnelles 93 Sous-section 1. L’admission du vote électronique 94 §1/ La naissance du vote électronique 94 §2/ Les garanties obligatoires 95 I. Le secret du vote 95 II. La sincérité du vote 96 Sous-section 2. L’ouverture du procédé §1/ La conclusion d’un accord collectif 97 97 I. La préparation de l’accord 98 II. Les parties à l’accord 98 §2/ La conclusion de l’accord préélectoral I. Le contenu de l’accord 99 99 II. La signature de l’accord 100 Section II. Le déroulement des élections professionnelles Sous-section 1. La mise en œuvre des opérations électorales 101 101 §1/ Le support du vote 101 §2/ L’accomplissement du vote 102 Sous-section 2. Le terme des opérations électorales 103 §1/ La proclamation des résultats 103 §2/ La contestation de l’élection 104 CHAPITRE 2. L’ACTION COLLECTIVE Section I : Le support de l’action collective Sous-section 1 : La négociation de l’autorisation 106 106 107 §1/ L’autorisation donnée aux représentants syndicaux 107 §2/ L’autorisation donnée aux représentants du personnel 109 Sous-section 2 : Le contenu de l’autorisation §1/ Le respect de la liberté syndicale 109 110 I. Une liberté positive : la liberté de se syndiquer 110 II. Une liberté négative : la liberté de ne pas se syndiquer 110 - 138 - §2/ L’encadrement de l’usage 111 I. L’émission du message 111 II. Le contenu du message 113 Section II : La sanction de l’action collective 113 Sous-section 1 : Les modalités de l’abus 114 §1/ Le caractère économique de la violation 114 I. La protection de la confidentialité 114 II. La protection de la propriété intellectuelle 116 §2/ Le caractère personnel de la violation 117 I. L’imputation de l’auteur 117 II. L’exonération de l’auteur 119 Sous-section 2 : Les modalités de la sanction 119 §1/ La sanction du syndiqué 120 §2/ La sanction du syndicat 121 CONCLUSION 123 CONCLUSION GÉNÉRALE 125 BIBLIOGRAPHIE 129 INDEX ALPHABÉTIQUE 132 - 139 -