Les places de marché du centre-ville

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Les places de marché du centre-ville
CE QUE LES LIEUX DISENT
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NAMUR MAGAZINE
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DÉCEMBRE 2000
Les places de marché du centre-ville
Riche de la présence de quelque 180 commerçants
ambulants, fréquenté tous les samedis par environ
15.000 personnes, le marché de Namur se déploie
aujourd’hui dans les rues et sur les places du centre-ville.
Ses couleurs, sa vitalité, sa popularité sont les héritières
d’une longue tradition qui plonge ses racines dans le
passé le plus lointain de la cité.
Quelques noms de lieux ont traversé les ans pour nous
rappeler l’existence des marchés d’autrefois,
et de leur spécialités.
cloutiers ou encore horlogers. La place
était coupée en deux par un pâté de
maisons, bordé d’un côté par la rue de
l’Ange et de l’autre par une rue étroite,
la rue de la Cloche. La première de ces
places est devenue ensuite le marché
aux poulet et la seconde le marché
aux arbres. C’est du côté du marché
aux poulets que se dresse depuis 1791
environ la pompe monumentale due aux
ciseaux du sculpteur namurois
François-Joseph Denis (1749-1832).
En 1936, la Ville a décidé d’élargir la rue
de l’Ange. Le pâté de maisons est abattu
et la nouvelle place est inaugurée deux
ans plus tard. C’est au n°36 de la rue de
l’Ange, dans une des maisons de cet
îlot détruit, qu’est né, le 24 mai 1899, le
poète Henri Michaux.
Aux Martyrs de la
Révolution
Le palais des gouverneurs du Comté a
été construit en 1631 à la place d’un
hôtel habité au XVe siècle par le dernier
comte de Namur. Il a subi d’importantes
restaurations et transformations au
XIXe siècle et est devenu palais de justice. Vers 1747-1748, une salle de spectacles a été construite à proximité de la
résidence des gouverneurs. La place
s’est alors appelée rue des Spectacles.
Ainsi tous les Namurois connaissent la place du Marché aux Légumes. Elle a certes perdu
sa fonction première, mais elle est restée un endroit de grande convivialité où bat le cœur de
la cité. Aujourd’hui, les deux grandes places du marché, celle de l’Ange et celle du Palais de
Justice, portent des noms évoquant d’autres réalités. A travers le temps, les marchés se sont
déplacés, ont disparu, se sont regroupés. Et les lieux mêmes qui les ont accueillis ou qui les
accueillent encore aujourd’hui se sont modifiés, parfois considérablement, et l’imagination,
s’appuyant sur des sources historiques, est bien nécessaire pour tenter de comprendre la
topographie d’antan.
Après 1830, elle porte le nom de place
des Martyrs, rappelant les héros de la
Révolution en souvenir desquels un monument a été installé au coin de la rue
Verte, aujourd’hui rue Grafé. Elle prend
ensuite le nom de place du Palais de
Justice.
A proximité de l’église Saint-Jean-
Suivons le marché dans ses localisations récentes
Baptiste, se dressait, jusqu’au XVIIIe
C’est en 1987 qu’il a commencé à se répandre dans les rues de Fer et de l’Ange notamment. Il
entourée de son cimetière, et bordée
quitte ensuite la place du Marché-aux-Légumes. En 1995, il abandonne la place d’Armes, la
d’une petite place, la place Saint-
place Maurice Servais et le Grognon, où se trouvait le marché aux fleurs. Aujourd’hui, il
Loup. En 1777, cette église Saint-Loup
s’étend dans l’axe rue de Fer – rue de l’Ange, et dans les rues de la Monnaie, Emile Cuvelier
est désaffectée, et son patronyme est
siècle, une église dédiée à Saint-Loup,
(en partie), Saint-Jacques, de Bruxelles et Lelièvre, ainsi que sur les places de l’Ange et du
repris par l’ancienne église Saint-Ignace,
Palais de Justice.
située rue du Collège, construite par les
La place de l’Ange tire son nom d’une enseigne d’auberge. Sous l’Ancien Régime s’y tenait
jésuites de 1621 à 1645, et devenue
l’important marché des fèvres (du latin faber, «artisan», «ouvrier travaillant les corps durs»),
paroissiale après la suppression – tem-
où se vendaient les objets façonnés par les artisans du fer, forgerons, serruriers, couteliers,
poraire – de cet ordre religieux en 1773.
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L’ancienne église Saint-Loup sera détruite et son cimetière rasé
pour créer une place publique qui portera le nom de Marché aux
Légumes. Quant à la pompe qui se dresse au centre de la place,
elle est l’œuvre de François-Joseph Denis et date de la même
époque que celle qui orne la place de l’Ange.
Le cabaret des échevins
La place d’Armes actuelle et ses environnements immédiats
occupent grosso modo le site de la Grande Place, issue de l'agrandissement du marché
Saint-Remy. C’est sur ce dernier que les échevins se réunissaient, dès le début du XIIIe
siècle, en plein air tout d’abord, au pied d’un perron, puis sous un appentis contigu à la chapelle Saint-Remy. Très vite, une maison modeste, le cabaret des échevins, est construite. Le
mot «cabaret» correspond au français «chambrette», «petite chambre» avec, dans ce cas-ci,
le sens de «endroit où l'on juge». Le cabaret et la chapelle sont détruits en 1514, et le perron
disparaît l’année suivante. A la même époque, trois maisons contiguës sont aménagées afin
de servir d’hôtel de Ville ; en 1574 enfin, la Ville soucieuse de donner plus d’espace à sa maison communale, acquiert l’Hôtel de Brogne, situé le long d’une rue répondant au nom pittoresque de Cul d’Oison. A partir de 1828, un nouvel hôtel de Ville est érigé sous le régime
hollandais ; il est détruit par les Allemands en 1914, et sa disparition mettra fin à quelque
7 siècles de vie politique communale sur la Grande Place. La place Saint-Remy s’étendait à
l’origine du côté de la rue de Marchovelette – nom donné en souvenir de l’héroïque résistance
Halle al’Chair
de ce fort de la position fortifiée de Namur en 1914 – et sous l’actuel bâtiment de l’Innovation.
C’est de ce côté que se trouvaient le perron, le cabaret des échevins et la chapelle. Sa configuration s’est modifiée et elle s’est agrandie progressivement pour occuper le bas de la
ancien français «gruing» ou «groing».
place d’Armes, et l’actuel marché Saint-Remy jusqu’à la rue Bas de la Place.
Cette utilisation du terme pour désigner un lieu se serait donc faite par
allusion à la forme du museau d’un
L'arbre de la Liberté
porc ou d’un sanglier.
Creuset de la vie politique municipale, la place Saint-Remy était lieu de marché, mais aussi
théâtre de fêtes et de réjouissances publiques. Les archives ont gardé la mémoire des
mystères, ces grands spectacles religieux, qui y étaient joués au XVe siècle. C’est là que les
Français, venus annexer nos régions, ont planté, le 22 juillet 1794, l’Arbre de la Liberté,
marquant ainsi symboliquement pour les Namurois la fin de l’Ancien Régime.
Les poissons, de mer ou d’eau douce,
étaient, sous l’Ancien Régime, vendus
à l’applé, sous une galerie couverte
située en aval du pont, sur la rive droite
de la Sambre, face à la boucherie ou
La place Maurice Servais a pris le nom de cet homme politique (1863-1961), qui fut Echevin
Halle al’ Chair. Le mot «applé» vient du
des Travaux à Namur pendant 29 ans et Sénateur pendant plus de 20 ans. Elle a été constituée
latin applictum. Il désigne le lieu où
après la seconde guerre mondiale par la démolition progressive d’un pâté de maisons bordé
sont étalées les marchandises ou le
d’un côté par la rue du Four et de l’autre – côté place d’Armes – par le marché couvert. Ce
débarcadère .
dernier était, sous l’Ancien Régime, une halle aux blés, dont la plus ancienne mention
remonte à 1270, et où se tenait le principal marché de ce type pour la région. En 1953, on y
installe une plaine de jeux pour les enfants du quartier. En 1957, elle est une dernière fois
élargie puis devient un parking pour automobiles…
Dans la prochaine chronique, nous parlerons des places de Namur ayant servi
de marché autrefois, et dont certaines
ont aujourd’hui entièrement disparu,
Le Grognon, site namurois emblématique par excellence a fait l’objet ces dernières années
ainsi que de la place Chanoine
de fouilles archéologiques qui aident à mieux en comprendre l’occupation. En toponymie, le
Descamp, que le marché a délaissée
terme «grognon» désigne une extrémité, un cap, un promontoire, suivant la disposition des
vers le début des années 90. ■
lieux. Il dérive du latin gru(n)nire, «grogner» qui a donné grunium, «groin de porc», devenu en
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NAMUROIS — DÉCEMBRE 2000