Faisant fonction
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Faisant fonction
« Faisant fonction » : vers une politique vertueuse ou une pérennisation par défaut ? « Ce n’est pas la profession qui honore l’homme, mais l’homme qui honore la profession » Louis Pasteur. I – La situation actuelle des « faisants fonction » L'hôpital est un lieu où la dynamique du changement est une réalité quotidienne. Les réformes n’ont pas seulement impacté sa structure, elles ont également atteint les professionnels qui y exercent leur métier. Les contraintes économiques ont généré des logiques de fonctionnement axées sur l'efficience et la maîtrise des coûts. Les dispositions législatives successives ont modifié les organisations, les structures et les relations des professionnels de terrain (médicaux, paramédicaux et administratifs). Leurs conditions d’exercice ont changé. Il est en particulier demandé aux personnels médicaux et para médicaux une participation plus active, responsable et impliquée. L’hôpital est dans une situation paradoxale : alors que le nombre de professionnels infirmiers augmente, il a des difficultés de recrutements. Il n’est plus attractif ; les métiers de la santé ne font plus recette : conditions d’exercice difficiles, salaires peu attractifs, pas ou peu de reconnaissance, responsabilités grandissantes, le passage aux 35 h…, la liste n’est pas exhaustive. La pénurie porte aussi sur les personnels d’encadrement. Jusque dans les années 1980, avant la reconnaissance officielle de la fonction d’encadrement par l’obtention d’un diplôme qui sanctionnait une année de formation spécifique, la problématique de l’exercice de la fonction d’encadrement des services ne se posait pas. La fonction de responsable de service de soins se limitait à la réalisation de plannings et de référents soins. Le terme de surveillants, utilisé pour ces personnels d’encadrement des services, était révélateur de la fonction. Ils n’étaient pas tous issus des écoles de formation à l’encadrement des établissements de santé (estampillés IFCS). Les établissements avaient la possibilité de nommer sur site leurs personnels cadres de santé. Sortis du sérail, ils étaient choisis la plupart du temps selon la volonté des chefs de services. L’administration avalisait le choix qui lui était proposé. Aujourd’hui, le surveillant a cédé le pas au cadre de santé. Par son statut, il se positionne en « marginal sécant » : à la frontière entre les soignants, l’administration et les médecins, il assure l’animation des équipes, la coordination et la qualité des soins, la prise en charge du patient dans sa globalité et porte la politique institutionnelle. Cumulant les rôles de gestionnaire (loi du 31 juillet 1991), manageur (décret 95-926 du 18/08/1995), responsable des activités de son unité, porteur de la politique institutionnelle, assurant en prime un rôle de médiation entre les différents acteurs du système hospitalier, il est devenu indispensable. Ainsi, la fonction d’encadrement est souvent qualifiée de « colonne vertébrale « de l’organisation hospitalière. Touchés par la pénurie de cadres, les établissements de santé ont recours à une pratique de plus en plus fréquente pour y remédier : l’utilisation des « faisant fonction ». Les chiffres DHOS de 2007 dénombrent un total de 45 000 cadres de santé dont 3 300 faisant fonction. Afin de vérifier et préciser le constat de la DHOS, nous avons mené une enquête auprès de directeurs d’établissements, au moyen de questions auxquelles il fallait répondre par « oui » ou par « non », avec la possibilité d’ajouter des commentaires. Ces questions étaient : Avez-vous recours aux Faisant fonction ? Si oui : Est-ce pour pallier à la pénurie de cadres ? Est-ce une politique professionnelle ? Estce pour ces deux raisons à la fois ? Ou est-ce pour des raisons économiques (réduction de coûts) ? Au total, 100 établissements ont été choisis, répartis de façon homogène sur l’ensemble du territoire. Leurs directeurs ont été interrogés par courrier électronique ; 74 réponses ont été reçues. Nous avons délibérément choisi de ne pas intégrer le secteur privé car le problème de reconnaissance en terme de statut, de nomination par concours sur titre ne s’y pose pas dans les mêmes termes que dans le secteur public, institution bureaucratique hiérarchique où la reconnaissance des statuts prime sur la fonction. Dans ces secteurs, les postes d’encadrement sont confiés à des référents qui sont reconnus dans leur fonction par l’octroi de primes ou de salaires plus importants. ENVOIS REPONSES 6 20 Réponses Non Répondu Retour non delivré 74 Question : Avez-vous recours aux FF ? sur les 74 réponses : RECOURS AUX" FAISANTS FONCTION" 14 oui non 60 Questions : Est-ce une stratégie de professionnalisation ? de nécessité (pallier au manque de cadres) ? pour ces deux raisons ? ou pour une raison économique ? Stratégie de l'utilisation du F.F 2 58 60 Politique de professionnalisation Necessité necessité+politique institutionnelle budget 60 La cartographie confirme la réalité du recours aux faisant fonctions, quelles que soient la taille et la situation géographique des établissements sollicités. Une analyse rapide des commentaires de leurs directeurs montre que ceux-ci ont intégré, dans un contexte de nécessité, une véritable démarche de politique de professionnalisation : « l’occasion fait le larron ». Verbatim : 1) « Oui, nous faisons appel à des infirmiers ou masseurs kinésithérapeutes pour assurer des postes de faisant fonction de cadre de santé. 2) Oui, cela répond à une pénurie de cadre de santé. 3) Oui, c’est aussi une stratégie de formation : cela permet de mettre en situation professionnelle les futurs cadres de santé et de leur permettre de mieux se projeter dans leur future fonction de cadre de santé. Encore que s’il n’y avait pas la pénurie, peut-être pratiquerions-nous différemment. 4) Oui, les deux. » Il faut souligner que seuls deux établissements ont répondu avoir recours aux faisant fonction afin d’économiser des charges budgétaires d’exploitation. Cette vérification autorise à nous poser les questions suivantes : Pourquoi une telle difficulté de recrutement ? Par défaut d’intérêt porté à la profession ? Par manque ou défaut de reconnaissance ? En raison de responsabilités croissantes ? Pourquoi ne pas recruter en externe ? Les commentaires des directeurs montrent que le choix de l’option « faisant fonction » permet aux établissements à la fois de pallier au manque d’effectifs d’encadrement, d’assurer une continuité dans la gestion des équipes et de réaliser des économies substantielles de fonctionnement. « Nous formons des faisant fonction de cadres afin de suppléer à la difficulté de recrutement de cadres de santé.1 » « Le choix du faisant fonction permet une gestion « économiste » des charges d’exploitation. »2 Pour les faisant fonction, cette proposition de poste est une chance d’accéder à la fonction, souvent perçue comme une opportunité de développer et de réaliser un projet professionnel. Cependant, leur position n’est pas sans poser des problèmes de reconnaissance, qu’elle soit de statut ou relationnelle vis-à-vis des directions, des pairs ou des équipes. Le faisant fonction n’est il qu’un professionnel sans « papier » ? Ou cette fonction leur facilite t’elle l’accès aux Instituts de formation des cadres de santé (IFCS) tout en permettant aux établissements de concilier projet professionnalisant et réponse à un besoin ? « Nous sommes un grand nombre à exercer ce rôle afin de pallier aux sous effectifs des cadres. Si les cadres de proximités sont pas reconnus, qu’en est-il des faisant fonction de cadres? 1 2 Réponse Mail Réponse Mail Les mêmes responsabilités, des problèmes amplifiés, nous apprenons "sur le tas" à être ce que nous ne sommes pas.3 » Quelle est la position de ces cadres sans papiers. Comment perçoivent-ils leur fonction, le regard des autres professionnels ? « Ma seconde question porte sur la position instable et non reconnue des Faisant Fonctions. Isolés et prisonniers des statuts nous perdons progressivement confiance en nous car on se dit que notre compétence, certes reconnue, reste fragile car liée à certaines personnes (Directeurs, collègues...) qui nous connaissent, nous apprécient mais qui une fois parties, nous laissent démunis face à la rigueur d'une institution qui traite mal celui qui n'entre pas dans la bonne case, en dépit des efforts consentis4 » Le recours à cette fonction de FF peut il être satisfaisant pour les deux partenaires ? Y a-t-il un risque de pérennisation et d’institutionnalisation de cette fonction ou des solutions sont elles envisagés pour y mettre un terme ? si oui, quelles sont-elles ? « Si être FF est une richesse au niveau de l'expérience, il est vrai que l'absence de reconnaissance et l'exclusion contribue à une certaine démotivation. Merci pour vos témoignages, je me sens moins seul. »5 « Le problème est bien plus grand. Ces candidat au statut cadre (nous ne sommes pas vraiment considéré comme un métier...) que l'on oblige trop souvent à faire "faisant fonction" afin d'éprouver leur motivation, mais aussi se garder la prérogative de refuser sa candidature "parce qu'il ne convient pas »6 Cette vérification du recours des établissements aux faisant fonction nous autorise à poser les questions suivantes : Pourquoi une telle difficulté de recrutement ? Pas de recrutement en externe ? Peu d’intérêt porté à la profession ? Pas ou peu de reconnaissance ? Responsabilités croissantes ? Pour les faisant fonction, cette proposition de poste est une chance d’accéder à la fonction, souvent perçue comme une opportunité de développer et de réaliser un projet professionnel, d’accéder aux IFCS et qui permet aux ETS de concilier projet professionnalisant et de répondre à un besoin. « Dans notre établissement, il existe un véritable accompagnement du FF sous forme de tutorat. Ce dispositif nous accompagne jusqu’à la réussite au concours 7» Cependant cette position, pour certains d’entre eux, n’est pas sans poser des problèmes de reconnaissances, qu’elles soient de statut ou relationnelle vis-à-vis des directions, des pairs ou des équipes. 3 Verbatim forum des cadres Ibid. 5 Ibid. 6 Ibid. 4 7 Faisant fonction Le faisant fonction n’est-il qu’un professionnel sans « papier » ? « Nous sommes un grand nombre à exercer ce rôle afin de pallier aux sous effectifs des cadres. Si les cadres de proximité sont pas reconnus, qu’en est-il des faisant fonction de cadres? Les mêmes responsabilités, des problèmes amplifiés, nous apprenons "sur le tas" à être ce que nous ne sommes pas.8 » Quelle est la position de ces cadres « sans papier » dont certains se sentent en position précaire ? « Ma seconde question porte sur la position instable et non reconnue des Faisant Fonction. Isolés et prisonniers des statuts, nous perdons progressivement confiance en nous car on se dit que notre compétence, certes reconnue, reste fragile car liée à certaines personnes (Directeurs, collègues...) qui nous connaissent, nous apprécient mais qui, une fois parties, nous laissent démunis face à la rigueur d'une institution qui traite mal celui qui n'entre pas dans la bonne case, en dépit des efforts consentis9 » « Si être FF est une richesse au niveau de l'expérience, il est vrai que l'absence de reconnaissance et l'exclusion contribuent à une certaine démotivation. Merci pour vos témoignages, je me sens moins seul. »10 « Le problème est bien plus grand. Ces candidats au statut cadre (nous ne sommes pas vraiment considérés comme un métier...) que l'on oblige trop souvent à faire "faisant fonction" afin d'éprouver leur motivation, mais aussi se garder la prérogative de refuser sa candidature "parce qu'il ne convient pas »11 La question se pose de savoir comment le recours à cette fonction de Faisant Fonction peut-il être satisfaisant pour les deux partenaires ? Si le recours aux faisant fonction, imposé de fait par la difficulté de recrutement de cadres rencontrée par les établissements de santé, s’inscrit, pour la grande majorité, dans une véritable politique de professionnalisation et de reconnaissance, développée par les établissements de soins, cette démarche ne semble pas être uniquement palliative et liée au contexte. Certains établissements de santé ont bâti un véritable projet professionnalisant qu’ils proposent à leurs « faisant fonction ». « La direction des soins a construit un véritable projet d’aide à la fonction. Ce projet est en test dans notre établissement depuis un an, nous comptons d’ailleurs l’intégrer à notre projet d’établissement. »DS 8 9 Verbatim forum des cadres /http://www.cadres.creer-hopitaux.fr- juillet 2009 Ibid. Ibid. 11 Ibid. 10 De cette enquête préliminaire, a pu émerger notre questionnement : « Faisant fonction » : Politique vertueuse ou pérennisation par défaut ? Pour y répondre, nous nous interrogerons sur les raisons à l’origine des Faisant Fonction et comment mettre en place une politique de reconnaissance des compétences face à la rigidité d’un statut. Enfin, nous chercherons des réponses auprès des différents acteurs de terrain au moyen d’une enquête. Cette fonction d’encadrement perçue et souvent qualifiée de « colonne vertébrale » est l’élément essentiel du fonctionnement hospitalier. Toutes leurs activités, qui consistent à gérer, organiser, contrôler, pallier à…, transmettre, assurer une qualité, une continuité dans les soins dispensés …, permettent à l’organisation hospitalière d’assumer quotidiennement ses missions de service public. Cependant, entre 2004 et 2008, les établissements de santé connaissent une diminution de leurs effectifs année 2004 2008 Effectif physique des titulaires (filière infirmière) 23 933 22 033 écart -1 900 Champ : France métropolitaine Source : Ministère de la santé et des solidarités - DREES - SAE 2004 ET 2008, données administratives A titre d’exemple, l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, en 2007, 340 postes vacants de cadre à pourvoir sur un effectif 3277 cadres à l’AP, soit un peu plus de 10%. Cette profession connaît un taux moyen de croissance « négatif » Evolution des effectifs cadres 2004/2005 2005/2006 2006/2007 Taux moyen de croissance - 0.7 - 0.4 -1.6 -0.9 Source : SAE base administrative 2004-2007 (données brutes), Drees Cette croissance « négative » risque de s’accentuer avec les futurs départs en retraites. Années départ 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Nombre de départ de Cadres de santé 1453 1517 1584 1570 1507 1558 1606 1548 1504 1452 Projections des départs à la retraite par corps 2008- 2017 Etude réalisée par la DHOS/Cellule des statistiques Touchés par la pénurie de cadres et soucieux d’assurer la direction des équipes, les établissements de santé ont recours à une pratique de plus en plus fréquente : l’utilisation des « faisant fonction ». Il nous a été impossible d’obtenir les chiffres officiels des faisant fonction sur les établissements, aucune recherche statistique n’ayant été entreprise jusqu’à présent. Leur nombre varie d’un établissement à l’autre, le sujet restant « tabou ». Ces raisons font que nous n’avons pas de visibilité sur les postes de cadres vacants occupés par des faisant fonction, d’autant que certains de ces postes sont des « temps partiels » (quelques jours par semaine). Certains établissements comptent un nombre important de faisant fonction dans leurs effectifs (tel cet hôpital de région parisienne qui, sur un effectif de 50 cadres, compte 22 faisant fonction). Il en est de même pour la durée d’exercice dans la fonction variant de deux ans minimum à plusieurs années dépassant les neufs ans sur certains établissements de Paris et de la région parisienne. En fonction de leur secteur géographique et de leurs spécialités, les établissements de santé doivent en plus faire face au manque et à la fragilisation de leurs équipes de cadres. Ainsi, pour assurer l’animation des équipes, la qualité des soins et la sécurité, la gestion des activités soignantes et des ressources, ils ont recours à un autre acteur de l’encadrement, le faisant fonction. Ces faisant fonctions assurent donc les fonctions inhérentes à l’encadrement des services devenant à leur tour, et comme leurs pairs, un élément central du système. Evoluant au sein d’une organisation en pleine mutation, avec des responsabilités grandissantes, avec ou sans tuteur, avec ou sans reconnaissance, ces faisant fonction font maintenant partie du paysage hospitalier. Nous sommes allés à la rencontre de ces acteurs clefs et de leurs directions. Enquête L’étude de la perception des Faisant Fonction de leur fonction, des raisons de ce recours, des stratégies mises en œuvre par les établissements de santé pour les accompagner dans la réalisation de leur projet professionnel, des raisons motivant ce choix d’accompagnement, s’est effectuée sous forme d’entretiens ouverts, d’une durée d’environ 45 minutes, sur huit sites hospitaliers, tous hôpitaux publics, dont quatre appartenant à l’APHP et quatre hors APHP, auprès de directeurs de soins, de directeurs de ressources humaines et de faisant fonction Les Faisant Fonction étaient de formation initiale différente, infirmier ou médico-technique. Les entretiens des directeurs de soins ont été réalisés par téléphone pour cinq d’entre eux. Un seul a été réalisé en direct. Les directeurs de soins exerçent leurs fonctions en établissement public de type CHU ou CH, un seul d’entre eux appartenant à l’APHP, les autres dépendent de la fonction publique hospitalière Douze questions ouvertes ont été posées aux Faisant Fonction et quatre autres différentes, aux directeurs de soins et Directeurs de ressources humaines, ces questions étant adaptées à la fonction et au rôle joué par chacun dans le processus de formation. Au total, six directeurs de soins (dont un cadre supérieur exerçant des fonctions de directeur de soins), deux DRH et douze Faisant Fonction ont participé à l’enquête. Certains directeurs de soins m’ont fait parvenir leur projet « Faisant Fonction ». De plus, nous nous sommes également appuyés sur les propos tenus sur le forum d’échanges des cadres de santé, initié par la mission Singly, et sur certaines réponses de directeurs aux courriels envoyés pour établir une cartographie des établissements ayant recours aux Faisant Fonction. Enfin, nous avons également interrogé le président d’une organisation syndicale représentant les cadres de santé à l’APHP sur le sujet et un psychologue du travail. 1. Analyse des entretiens et des commentaires des courriels La raison de ce recours De façon globale, il semble ressortir des différents entretiens réalisés auprès des professionnels non diplômés exerçant la fonction d’encadrement et des directeurs, qu’ils sont tous plus ou moins d’accord pour reconnaître que la pénurie de cadres et les difficultés de recrutement pourraient expliquer le recours aux faisant fonction. « Je pense que le recours aux faisant fonction, c’est le manque de cadres. Les services il faut bien qu’ils tournent. En plus si tu y ajoutes la suppression des postes ! Economie, économie. L’hôpital il faut qu’il tourne alors ! Bien sûr, on y trouve son compte »FF12 « Je pensais n’avoir pas trop de difficultés à trouver un poste. Aujourd’hui on en recherche partout des cadres » FF Si cette explication va de soi pour les Faisant Fonction et pour certains établissements, « Nous formons des faisant fonction de cadres afin de suppléer à la difficulté de recrutement de cadres de santé. »DG13 y est associée, pour d’autres, une politique d’établissement : 12 13 Faisant Fonction Directeur Général courriel « Il est vrai qu’il existe une double problématique : la difficulté de recrutement en interne ou en externe associée à des postes de titulaire qui disparaissent du tableau des emplois. Mais le problème n’est pas que là. Pénurie peut-être mais aussi politique des établissements et des directions »DRH La très grande majorité des directions associent un véritable projet professionnel à cette démarche de recours aux Faisant Fonction. « Dans notre établissement, nous avons recours aux Faisant Fonction pour pallier à une pénurie de personnel d’encadrement. C’est un fait, mais ce n’est pas la seule raison. Il y a certes le contexte mais également ce que l’on veut faire de ces faisant fonction. Dans notre établissement, c’est une véritable démarche de RH » DRH14 « La pénurie est certes liées au fait qu’il y a pénurie de postes, l’établissement n’arrive pas à trouver des cadres diplômés pour occuper ses postes, mais également à la politique définie par l’établissement dans la gestion de son personnel d’encadrement … »DG « Tout à fait j’en ai eu recours dans plusieurs services et non seulement pour pallier à un manque et c’est toujours sur la base d’un projet professionnel avec les intéressés »DS15 D’autres établissements n’ont pas recours aux faisant fonction pour pallier à un manque : « Le choix de faisant fonction n’est pas un choix pour pallier la pénurie de cadre. C’est un choix positif pour permettre à nos futurs cadres de bénéficier d’une expérience avant de partir à l’IFCS, afin qu’ils puissent valider leur projet cadre en ayant une connaissance pratique du métier ; cela permet aussi à la direction d’accompagner l’évolution des personnes dans leur projet. » DS En ce qui concerne les accompagnements Il y a là encore une grande diversité dans les réponses. Les établissements de santé accompagnent leurs Faisant Fonction pour l’APHP en proposant des périodes de formation à la préparation au concours d’entrée aux IFCS. « Les faisant fonctions bénéficient d’une formation à la préparation au concours cadres ».DS 14 15 Directeur des ressources humaines Directeur des soins D’autres associent à cette préparation un véritable accompagnement du postulant. « C’est bien un véritable engagement de l’établissement auprès de ses cadres.»DS Pour les Faisant Fonction interrogés, cela dépend des lieux d’exercice. Par contre, tous affirment suivre ou avoir suivi des formations d’aide à la présentation du concours « J’ai suivi effectivement l’an passé une formation de préparation au concours dispensée sur site »FF Quant au fait d’être accompagné sur le terrain, la situation est également très variable, plusieurs cas de figures étant évoqués : « J’ai été bien encadrée». FF « J’ai été bien formée mais très peu de temps. » FF « Je n’ai eu absolument aucune aide ni de la direction ni du cadre paramédical du pôle. Ilsi ont laissé faire les choses comme cela sans s’immiscer. Rien, absolument rien. Du jour au lendemain je me suis retrouvée toute seule, sans formation C’est clair que pour apprendre c’est une méthode radicale» FF Le contrat passé entre établissement et personnel Certains établissements proposent des contrats moraux « Le contrat passé avec la direction des soins est un contrat moral. Deux chances après retour en soins »FF Ou un engagement écrit, « Le Centre Hospitalier a recours à des "faisant fonction de cadre de santé" sur la base d'un engagement écrit. C’est un engagement réciproque de l'établissement et de l'agent d'entrer dans une démarche de formation à l'IFCS ».DRH D’autres non. « De ma carrière de directeur des soins je n’ai jamais eu cette politique de contrat. Si j’ai pu trouver des Faisant Fonction, c’est justement sur cette base d’accompagnement, de projection dans un nouveau métier »DS De la reconnaissance Si de façon générale la direction des établissements reconnait ses faisant fonction, « J’accompagne le Faisant Fonction sans faire de ségrégation entre un diplômé et un non diplômé. Un Faisant Fonction professionnel qui exerce toutes les fonctions d’encadrement est donc considéré comme cadre »DS « Et je le redis, j’ai déjà choisi sur un poste un Faisant Fonction alors que j’avais des candidatures de diplômés. Parce que je reconnaissais plus le potentiel du Faisant Fonction que celui du cadre qui postulait. »DS il est à souligné que les réserves éventuelles peuvent venir des cadres supérieurs et peu des collègues directs : « Il n’y a eu aucun malentendu ni de positionnement supérieur ou inférieur. Nous sommes tous les deux cadres et je suis reconnu comme tel. Le positionnement à été bon au départ, on forme un bon binôme et c’est important même vis-à-vis des équipes. En fait, on voit qu’on est tous les deux d’accord sur les mêmes sujets donc il n’y a pas de lézard ni d’entourloupe non plus. Cela ce passe bien et les équipes le ressentent. Il n’y a qu’un encadrement qui fait bloc. » FF « Ceci dit je ne regrette pas mon choix parce que on est une bonne équipe, que mes collègues sont solidaires, qu’il n’y a pas de différence entre nous mais cela n’est pas le cas pour tous. Cela dépend vraiment du cadre de pôle. Moi, j’ai une drôle de chance. La confiance c’est très important, on est très autonome. Tu vois, c’est important l’autonomie, tu te dis : même sans diplôme il me fait confiance. » FF « Nous on est un pôle atypique, parce qu’on s’entend bien, tous n’ont pas cette chance. J’ai des collègues cadres de soins, et c’est plutôt dur pour eux ! » FF « La reconnaissance c’est essentiellement la confiance que l’on nous donne. La reconnaissance des équipes c’est plus accessoire pour moi ; la reconnaissance des pairs de tes pairs ça c’est hyper important. Tu te dis : ils m’ont positionné au même endroit qu’eux alors que moi je ne suis pas allée à l’école, que je n’ai pas ce diplôme. La reconnaissance de mes pairs vient de ce qu’ils ont reconnu mes compétences. »FF Les verbatim de ces faisant fonction sont intéressants dans l’analyse de la cause : « Pour la reconnaissance, la direction me considère comme cadre. Pour le Cadre Paramédical de Pôle, c’est plus ambigu. Cela ne se voit pas trop mais bon je pense que c’est un peu différent. Mais cela ne me gêne pas. Par contre avec mes collègues pas de problème. »FF «C’est étonnant, ce sont les cadres supérieurs qui eux font plus de différences que les autres. Peut être parce que nous vivons les mêmes difficultés. Solidaires en quelque sorte ! Peut être ? »FF «Appartenir à des groupes de travail cela aide aussi à avoir une certaine reconnaissance de la part de l’institution car on voit que tu t’investis et puis cela permet de se faire connaître, reconnaître d’une certaine façon. Montrer que l’on peut faire autre chose que les plannings ou les demandes d’approvisionnements » FF Certains n’ont pas de reconnaissance : « Depuis l’arrivée de la nouvelle cadre, c’est elle qui a pris la place de cadre, qui se présente comme la cadre …et ça y est maintenant moi, je suis la dernière roue du carrosse et il est clair qu’on ne me sollicite pas pour me demander mon avis ou sur les réunions ; j’apprends toujours cela au dernier moment par des bruits de couloir. Ca y est, elle a vraiment pris la place de cadre et moi je suis reléguée au second plan. Ça c’est clair. Je le vis mal …c’est plutôt difficile à vivre, d’autant que pendant un an j’ai fait tourner la boutique toute seule » FF Certains se voient refuser par l’institution des formations demandées pour eux par l’encadrement supérieur au prétexte du statut : « Cette année j’ai n’ai pas pu bénéficier de la formation « des cadres dans la nouvelle gouvernance » parce que c’était réservé aux cadres. Pourtant c’est la cadre paramédicale du pôle qui m’avait inscrit. »FF De la reconnaissance financière Certains bénéficient d’une prime de fin d’année, d’autres pas. Là encore, cela dépend de la politique de l’établissement. « Je touche mon salaire de manip avec une prime en fin d’année un petit peu plus importante. Mais je ne touche pas de prime d’encadrement parce que c’est statutaire. »FF « Au niveau du salaire mensuel je gagne moins qu’auparavant et ce n’est pas une histoire de week-end. Mon salaire est donc inférieur ; quant à la prime, j’ai eu une prime de fin d’année un petit peu supérieure à ce que j’avais habituellement mais enfin pas mirobolante. Donc il n’y a aucune reconnaissance financière malgré une surcharge de travail, dans un service où il est dit qu’il devrait y avoir trois cadres. »FF Les avantages de prendre un poste de Faisant fonction Pour le Faisant Fonction, c’est d’appréhender le métier, en connaître les facettes et en saisir les opportunités de mise en situation et de réussite à un concours. « Présenter le concours d’entrée à l’école de cadres et ayant été Faisant Fonction, oui c’est plutôt un atout. Le Faisant Fonction a la connaissance du terrain, on a compris les rouages de fonctionnement de la machine. J’avais une idée de ce que c’était être cadre mais maintenant c’est du concret. Je mesure de plus en plus la nécessité d’avoir un moral d’acier pour exercer cette fonction parce que les retours sont très souvent négatifs et très rarement positifs, surtout au sein d’un service de cette ampleur et ça je savais qu’on venait plus voir le cadre pour lui demander quelque chose plutôt que pour dire que quelque chose va. » FF « Par rapport à l’administration j’avais bien dans l’idée que ce n’était pas toujours facile mais je ne mesurais pas du tout à quel point il pouvait y avoir de lourdeurs et de dysfonctionnements qui entravaient d’autant plus l’exercice de la profession. » FF « Effectivement c’est un atout parce que on sait vers quoi on va ; par contre je crois comprendre qu’il doit y avoir des choses difficiles à entendre quand on a vécu le terrain et que l’on connaît l’autre coté de la barrière. Je pense que parfois il doit être difficile de ne pas réagir par rapport à ce que la belle théorie va nous dire. » FF « Actuellement je ne ferais pas plus si j’étais diplômé, je fais un vrai boulot de cadre et avec ma collègue on se complète » FF D’autres ne veulent pas présenter le concours par manque de confiance « Ce qui me fait peur c’est la notion d’examen, de concours. Cela a toujours été une crainte dans ma vie » FF D’autres ne veulent pas tout simplement passer ce concours « Dès le départ, j’avais dit que je ne ferais pas l’école des cadres parce que ma vie personnelle me prenait bien trop de temps »FF « Si j’avais voulu présenter le concours, il y a longtemps que je me serais présentée» FF Ce concours est aussi remis en cause par un directeur de soins : « Très sincèrement le système français est à revoir sur la valorisation des concours. Parce que je crois que la reconnaissance uniquement par un diplôme est quelque chose propre à notre système et qui n’est pas efficient dans l’actualité des métiers paramédicaux. Tout le monde n’est pas une bête à concours, et certains ont réussi mais on aurait préféré qu’ils ne l’aient pas. Parce que j’ai des Faisant Fonction qui sont bien plus opérationnels que bien des cadres en titre [……] Les concours sont ce qu’ils sont avec leurs limites. Et ce n’est pas un bout de papier pour moi, que l’on accroche au dessus de son bureau, qui vous fait plaisir et vous donne 75 euros de plus sur votre fiche de paie qui est forcement nécessaire pour que vous soyez un bon dirigeant. […] Je pense qu’il faudrait revoir les modalités d’accès au concours. Envisager une autre formule d’accès pour les Faisant Fonction, il n’est pas représentatif des compétences.» DS De la compétence des FF La compétence des Faisant Fonction n’est à aucun moment remis en cause par les directeurs. « Dans mon expérience, j’ai beaucoup de gens qui se sont révélés tout à fait opérationnels sans diplôme. J’ai aussi connu des cadres diplômés qui n’auraient jamais dû l’être.»DS « L’école ne forme pas forcement de bons cadres. Je crois que l’on a quelque chose dans les tripes et c’est ce quelque chose que l’on transmet aux équipes. »DS L’ensemble des Faisant Fonction interrogés exerce des fonctions d’encadrement pleines et entières « Cela fait de très nombreuses années que je suis seule à ce poste »FF « Je gère le service toute seule et c’est un grand service qui a deux postes de cadres qui ne sont toujours pas pourvus. »FF De la perception des enseignements dispensés en IFCS et des modalités d’accès Les modalités d’accès Les FF les plus anciens sont majoritairement contre le fait de présenter la sélection d’entrée en IFCS. La raison principale, qui peut se comprendre, est la peur de l’échec. « Ce qui me gêne c’est la sanction du concours, le mot échec »FF « C’est la notion de concours qui me bloque. Et si je rate, serais je encore crédible? » FF « Je conçois parfaitement la réticence de certains, être en poste depuis un temps certain, être reconnu en tant que cadre et risquer un échec. Car les concours sont ce qu’ils sont et tout le monde n’est pas une bête à concours » DS Une autre raison est aussi avancée : l’âge « J’ai passé l’âge pour le concours et pour aller à l’école »FF Perception des enseignements L’enseignement dispensé en IFCS est perçu de façon mitigée : « En fait quand je demande conseil au seul cadre diplômé, il me dit que ce qu’il a appris, c’est sur le terrain. Alors ? Il n’est pas le seul à tenir ce discours. »FF « L’école ne fait pas les bons cadres. Tout au plus elle aide à l’éclosion de ceux qui de toute façon aurait été bons » DS Même si l’école transforme, « Car l’école transforme, elle donne des outils et des recettes qui font grandir et agir de façon différente. » DS elle ne fait pas la compétence «Ce papier obtenu après une formation de 9 mois ne fera pas de vous, un bon dirigeant » DS L’avenir Quant à leur avenir, les Faisant Fonction sont plutôt inquiets, conscients de leur position plutôt instable, et essentiellement ceux dont les établissements n’ont pas encore engagé de véritable procédure de professionnalisation de cette fonction. « Tu sais, c’est une angoisse avec les suppressions de postes ou si on faisait le plein de cadres, je me dis que l’on sera les premiers dont on se débarrassera. L’administration fera ce que le siège lui dira de faire. »FF « On est rien. Pas de statut, rien du tout. Et ça cela me fait vraiment peur. La position de Faisant Fonction est plutôt précaire. La direction change, le chef de service change, la politique change, mon poste n’est pas stable. » FF Les procédures de professionnalisations Cette démarche est l’apanage de quelques établissements mais il semblerait que l’idée commence à séduire les autres établissements « Nous sommes très en retard par rapport à d’autres établissements, mais ce projet est devenu prioritaire pour l’établissement cette année, sur 50 cadres, 22 sont Faisant Fonction. » DS Les établissements ayant entamé une procédure d’accompagnement ont formalisé le contrat passé avec le faisant fonction. Il s’agit d’un engagement de la direction à accompagner le faisant fonction mais sur une durée déterminée, soumis à l’obligation de se présenter au concours d’entrée en IFCS. La durée d’accompagnement est comprise en moyenne entre deux ou trois ans. « Le contrat est un contrat à durée déterminée de maximum 3 ans. La première année le Faisant Fonction est mis en situation, la deuxième année est associée à sa période de fonction, la préparation au concours avec la possibilité de repasser le concours si échec. Cela nous fait trois ans. En cas de deux échecs successifs est mis en route un accompagnement du Faisant Fonction sur un autre projet externe soit réintégration comme infirmier. » DS « Le contrat passé avec la direction des soins et un contrat moral. Les infirmières elles sont remisent en service.» FF « Le système de contrat utilisé par l’APHP, ou d’autres établissements, est un système intéressant. Tous les établissements ne donnent pas deux chances à leurs agents. »DRH Les faisant fonction, le choix des compétences Le processus est enclenché à la demande de l’agent, lors des entretiens d’évaluation ou non. « Le départ se fait toujours sur une demande de l’agent » DS « C’est moi qui ai demandé à faire Faisant Fonction, je sentais que j’avais la maturité pour le faire, j’avais le coté relationnel, je pensais que ce serait une bonne alternative à un changement de carrière »FF Tous se sont appuyés sur les évaluations annuelles « C’est au niveau de l’évaluation faite dans les services que l’on peut repérer les aptitudes à assurer cette fonction. C’est à chaque cadre de repérer les potentiels individuels ainsi que les projections de ces professionnels. Il convient de mesurer les motivations. L’étape supérieure étant le cadre supérieur quand il y en a un et ensuite le directeur des soins. » DS «La détection se fait par le cadre de proximité après les entretiens d’évaluation » DS Les établissements respectent la règle de la hiérarchie, le postulant passant différents entretiens avec le cadre supérieur, le responsable de pôle et la direction des soins. « Cet entretien avec le cadre supérieur permet une formalisation plus précise du projet. Ainsi lorsque je reçois le postulant j’ai déjà connaissance du projet professionnel »DS En ce qui concerne l’élaboration d’un projet professionnel par le postulant à la fonction il est généralement formalisé. Cette formalisation étant demandée par les DS qui se sont engagés dans la construction d’un parcours d’accompagnement. « C’est à ce niveau que les démarches sont différentes. Le projet professionnel est un document formalisé »DS « Le projet professionnel comprend un curriculum vitae, une lettre de motivation, le projet professionnel (compétences) et le parcours professionnel. En plus, des propositions de lectures, des bibliographies sont demandées, ainsi que des participations à des groupes de travail institutionnels et des formations en IFSI (interventions, corrections de mémoires). C’est au candidat de contacter l’IFSI. Ensuite, ce projet est présenté devant une commission (Directeur des Ressources Humaines, Cadre supérieur, Directeur des Soins, Directrice de l’IFSI). Si la commission valide le projet, le postulant va être positionné sur un poste de Faisant Fonction pendant un an. Trois bilans durant cette année sont faits par le Directeur des soins, le chef de service et le cadre de pôle. Le dernier bilan est fait en fin de l’année d’exercice de la fonction. Si ce bilan est positif, le Faisant Fonction reste en poste encore un an et bénéficie du financement de la préparation au concours. Entre ces trois évaluations intermédiaires il y a toujours la possibilité de réintégration comme infirmier. Si au bout de cette année le candidat est reçu en IFCS, la suite dépend de la promotion professionnelle. Si le candidat rate, il reste encore en poste de FF pendant un an et représente le concours d’entrée aux IFCS. » DS Le projet professionnel est juste un support à l’entretien. « Le projet est écrit même si je n’attache pas trop d’importance à la forme que peut prendre ce document. C’est un prétexte à discussion. Par contre les réponses aux questions ont leur importance. Je prends quelques notes. Ces notes me permettent de rediscuter de la candidature avec le cadre supérieur et le cadre évaluateur. Si la candidature est retenue nous positionnons le candidat en situation mais dans un service différent de celui dont il est issu. De façon générale il est associé à un cadre en titre ayant déjà une expérience réussie d’encadrement et de tutorat. Trois mois après cette prise de poste nous faisons le point. C’est seulement à cette étape du bilan que nous proposons une formation institutionnelle à la préparation au concours d’entrée en IFCS. Deux chances de tenter le concours sont offertes au candidat. En cas d’échecs successifs le candidat réintègre un service de soins. Dans la pratique, nous n’avons pas eu à gérer encore cette situation délicate. » DS Le bilan semble positif : « Bon résultat de cet accompagnement (deux ans de recul) L’année dernière 5 Faisant Fonction 5 succès. Cette année 1 Faisant Fonction 1 échec. » DS Cet échec s’explique par un déménagement de service que le Faisant Fonction a du faire « Cela fait maintenant plusieurs années, quatre ans, que nous avons misé la carte accompagnement plutôt avec une certaine réussite puisque les six Faisant Fonction qui en ont bénéficié ont tous intégré un IFCS. » DS La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) Tous, y compris les directions, trouvent que la VAE serait un bon compromis pour reconnaître les Faisant fonctions en poste depuis de longues années « Pas pour la VAE car sur... la durée de vie des faisant fonction est courte mais (pourquoi pas) pour les faisant fonction en poste depuis des années. »DS « La VAE peut être une réponse extrêmement pertinente pour les faisant fonction en poste depuis des années, ayant fait leur preuve et qui ne veulent ou ne peuvent pas passer les concours d’entrée en IFCS. La VAE doit pouvoir permettre à ses cadres d’être nommés cadres de santé. Je pense que la VAE doit avoir un rôle actif dans cette affaire. »DRH « Je pense que cela ne serait pas plus mal, je trouve cela plutôt très intéressant. Maintenant à voir. Avec des formations complémentaires sur des axes bien précis de la fonction. Type évaluation des compétences, animation de groupe, le management de projet et certainement une partie gestion mais gestion un peu plus financière parce que maintenant on est en pôle et qu’il va y avoir des délégations de gestion financière axée en compréhension intéressant. »DRH des budgets Effectivement c’est très D’autres y voient un levier pour redynamiser, reconnaître les compétences et une valorisation salariale « J’espère beaucoup de cette VAE cadre pour pouvoir redynamiser certains Faisant Fonction et leur permettre d’avoir le titre parce qu’ils en ont toutes les compétences. En plus cela leur permettrait, même si cela ne passe pas que par cela, d’avoir la reconnaissance financière qui leur est due en tant que faisant fonction.» DS « La VAE, le rapport de Singly en parle peu. Car là, on fait crescendo de la part des professionnels. C’est à dire qu’on est entrain de reconnaître les services rendus et les compétences individuelles qui ont été développées par les personnes qui ont été faisant fonction. Je ne veux pas de nomination au choix qui dépendra de la position du chef de service mais en revanche d’une véritable reconnaissance de la fonction de cadre pour ceux qui ont été mis en échec de concours. » DS Mais aussi pour les Faisant Fonction « Une formation en continue serait certainement plus formateur que l’école qui est trop faite de grandes théories. Il faudrait de la théorie applicable »DS « La Vae oui pourquoi pas ! Plutôt pour, quitte à suivre des formations annexes »FF16 « Je pense que je me sortirais mieux avec VAE en étant consciente que je pourrais retourner en formation. »FF « La Vae OUI je crois que cela serait une bonne solution pour nous reconnaître. »FF 2. Résumé des commentaires En ce qui concerne les raisons de l’existence des Faisant Fonction, tous les interviewés sont d’accord sur les causes « Je pense que le recours aux faisant fonction c’est le manque de cadres. Les services il faut bien qu’ils tournent. En plus si tu y ajoutes la suppression des postes ! Economie, on n’entend que ce mot là. » FF « Nous faisons appel à des faisant fonction de cadres car nous avons quelques difficultés à recruter des cadres de santé. » FF « Nous sommes un grand nombre à exercer ce rôle afin de pallier aux sous effectifs des cadres. Grâce à la confiance que nous a apportée la D.S.I, nous occupons cet emploi. »FF 16 Faisant fonction « Cependant cela ne doit pas cacher une certaine honnêteté. Le faisant fonction c’est tout à la fois une proposition de parcours professionnel associée à une solution pour faire face à la pénurie et également une économie budgétaire pour l’établissement le temps de la réussite au concours ! » DRH Le poste de faisant fonction présente des avantages pour l’établissement (économique, moyen de pression, détection de talent) « Sur un plan financier, les établissements de santé ont intérêt à développer ce type de poste dans la mesure où, il leur permet d’économiser les charges budgétaires normalement allouées à la rémunération des cadres de santé, diplômés ou nommés à l’ancienneté, tout en assurant l’encadrement des unités de soin . » DG Sur un plan stratégique, il faut préciser que les institutions conservent une influence et des moyens de pression sur leur faisant fonction de par la définition même du poste qu’ils occupent « Mis en place pour pallier au manque de personnels d'encadrement et qui en position bâtarde sont particulièrement malmenés…..Coincés par l’administration qui peut à tout instant les réintégrer dans leur corps d'origine, les équipes qui ne les reconnaissent pas et les cadres qui les considèrent (quelques fois) comme "cadres au rabais. » 17 Il n’en est pas moins dénué pour le postulant. « Certes cette position leur permet d'appréhender la fonction et les aider à la préparation du concours d'entrée en IFCS.» DS « Il peut aider à cerner les prédispositions du futur cadre à l’exercice de ses fonctions. » DS Ainsi, il permet à ceux désirant suivre une formation en IFCS d’appréhender le métier, de découvrir ses difficultés, de profiter des formations préparatoires proposées par leur établissement. Cette mise en situation professionnelle permet également juger de ses prédispositions à l’exercice de la fonction. « Personnellement je préfère faire le choix de positionner en Faisant Fonction et non de proposer directement la formation pour le concours. Il me semble antinomique de réussir un concours sans s’être un peu exercé à la fonction avant. » DS Le faisant fonction exerce toutes les fonctions imcombant à l’encadrement, y compris les responsabilités inhérentes au poste qu’il occupe. 17 Verbatim Forum des cadres Les limites et la reconnaissance Même s’ils exercent les pleines fonctions de cadres, leur exercice n’est pas facile et nombre d’entre eux se heurtent à des problèmes de positionnement et de reconnaissance. Oscillant entre un poste d’infirmier et un poste de cadre, l’alternance de positionnement ne favorise pas la reconnaissance de l’équipe qu’ils animent et ce malgré parfois des engagements institutionnels de formation professionnelle. « La problématique des "Faisant fonction», cadres de substitution, exerçant les fonctions d'encadrement sans en avoir la reconnaissance. »18 Même si toutes les conditions d’accueil et d’accompagnement sont réunies pour intégrer et positionner le Faisant Fonction, certains rencontrent quelques difficultés dans la prise de décision. « Les mêmes responsabilités, des problèmes amplifiés, nous apprenons "sur le tas" à être ce que nous ne sommes pas ».19 Se pose crucialement le problème d’un exercice d’une fonction au statut non officiel face à la prise de décision et aux conséquences que cette décision engagera, notamment celle de leur responsabilité si elle est engagée en contentieux. Quelle est la responsabilité d’un agent de la fonction publique exerçant « officiellement », mais sans statut légal ? De plus nombre d’entre eux continue à remplacer ponctuellement les infirmiers ce qui permet de remédier aux manques. Ainsi certains font de l’alternance tantôt cadre, tantôt infirmier. En ce qui concerne la compétence, les faisant fonction assurent le plus souvent leur fonction avec compétence. Nous faisons référence à la compétence « réelle » telle que définie par Le Boeterf20, quand il évoque la disposition d’une personne à agir en situation précise « Il est certain que la fonction et l'expérience de terrain mériterait d'être d'avantage reconnue qu'elle ne l'est actuellement (à tous les niveaux) » Rejoignant celle donnée par N. ALTER (2000), la compétence est « la capacité à traiter efficacement les tâches dans un univers particulier 21». Dans « l’innovation ordinaire », l’auteur définit la compétence comme étant tout à la fois individuelle et collective. Ce sont les connaissances nées des échanges entre les acteurs, et non plus celles acquises par le savoir, qui seront mobilisées pour répondre à des situations d’imprévues. La compétence n’est, dans ce sens, pas formalisée puisqu’elle naît d’un ensemble de relations et d’échanges qui ne sont pas normées. 18 19 Ibid Ibid 20 LE BOTERF G., "De quel concept de compétence avons-nous besoin ?", Soins Cadres, 2002, n°41,p.21. 21 Alter, Norbert. L’innovation ordinaire, 2000 [PUF] . p206 « Ce qui produit la compétence n’est pas tellement le niveau de formation ou la fonction, mais la capacité à intervenir en situation de travail incertaine. »22 Ce qui est le cas de certains faisant fonctions qui ont les compétences spontanées pour exercer « A mi chemin entre soignant et cadre, le Faisant Fonction n’a pas reçu la marque déposée de « cadre », le certificat « estampillé capable a exercer la fonction de cadre » délivré par les IFCS. Cependant, force est de constater que bon nombre des Faisant Fonction ont toutes les qualités requises pour exercer celle-ci. Certains en poste depuis de très nombreuses années ont ainsi gagné la reconnaissance de leurs pairs et des équipes…. »23 Pourtant certains se voient refuser l’accès à certaines formations au motif que ces dernières sont uniquement destinées aux cadres diplômés « Certaine formations nous sont refusées, car sur la demande, apparaît que nous sommes encore infirmiers. »FF Une chance qui pour certain n’en est peut être pas une : « C'est en "forgeant que l'on devient forgerons", pourrions-nous dire? Mais un infirmier qui garde un cursus normal et qui se présente au concours de l'école des cadres, sans jamais s'être vraiment impliqué, a autant de chance, voire plus de réussir le concours d'entrée. »FF « On n'informe pas le personnel d'une façon officielle que nous sommes devenus F.F.C.S. (Dans une note de service, par exemple). »FF « On ne passe pas dans une catégorie supérieure quand on passe faisant fonction. »FF « On n'a pas d'augmentation de salaire (Voire moins, car nous ne sommes plus autorisés à effectuer des gardes). »FF « On a beaucoup moins de temps pour la préparation au concours, notre position nous prend beaucoup de temps.» FF « On n’est même pas exempté de passer le concours d'entrée à l'école de I.F.C.S. 24» Quoi qu’il en soit, et ce que peuvent vivre les acteurs, il n’en demeure pas moins que ce dispositif du recours au faisant fonction reste aujourd’hui la solution choisie par les 22 23 Ibid p209 www/Carnetsdesanté.fr /Faisant Fonction de cadres de santé : professionnels en situation précaire. avril 2009, par Chauvancy Marie-Claire 24 Verbatim échange forum des cadres établissements de santé pour continuer à fonctionner sans remettre en cause la qualité et la sécurité des soins. Solution palliative certes, cependant quand elle est associée à une véritable démarche de professionnalisation institutionnellement reconnue, force est de constater que ce choix permet d’éviter la pérennisation d’une position précaire. « . C’est un choix positif pour permettre à nos futurs cadres de bénéficier d’une expérience avant de partir à l’IFCS afin qu’ils puissent valider leur projet cadre en ayant une connaissance pratique du métier ; cela permet aussi à la direction d’accompagner l’évolution des personnes dans leur projet. »DS « Les faisant fonctions bénéficient d’une formation à la préparation au concours cadres. »DS « Les postulants ont 2 ans pour réussir le concours, voire 3 selon les circonstances particulières de poste ou de date de prise de fonction. Après 2 échecs au concours, le postulant poursuit seul sa préparation et son projet. »DS « Ce contrat de deux ans est bien un véritable engagement de l’établissement auprès de ses cadres. »DS « Cette année notre taux de réussite est 5/5 puisque nous avons présenté 5 candidats, ils ont tous réussi. »DS « A titre personnel de directeur des soins je pratique cet accompagnement depuis une dizaine d’année avec succès tant pour les établissements que pour les agents. »DS Les coordonnateurs de soins ou les DRH ayant intégré dans leur projet un accompagnement de leurs Faisant Fonction ont vu une réussite certaine de ceux-ci aux concours d’entrée des IFCS. C’est ainsi qu’un centre hospitalier de province a vu son effectif de Faisant Fonction fondre entre 2006 et 2009. « Dans mon établissement il y a 19 cadres et je n’ai plus de Faisant Fonction mais lorsque je suis arrivée il n’y avait aucun cadre diplômé. Il n’y a plus de Faisant Fonction actuellement, les cadres sont tous formés.» DS « Je suis arrivée en 2006 et donc depuis 2006 on a formé 6 cadres qui étaient en poste donc qui faisaient FF. » DS La période en situation de Faisant Fonction, de courte durée, permet pour l’institution de confirmer ou infirmer un potentiel au travers des étapes d’évaluation fixées en cours de parcours. «Plusieurs bilans durant cette année d’exercice Le dernier bilan se fait en fin de l’année d’exercice de la fonction. »DS « Entre les bilans il y a toujours la possibilité de réintégration comme infirmier. Ce qui a déjà été fait, dont certains à la demande de l’intéressée. En plus cela nous permet aussi de les mettre face à leurs difficultés et de les interroger sur leur choix. » DS Etape intermédiaire qui permet de protéger le postulant, de le préparer à un retour sur le terrain afin que cette expérience ne soit pas vécue comme un échec. « Ce qui nous semble intéressant c’est que la personne soit prévenue de ses difficultés avant qu’elle ne soit en échec. D’ou la nécessite de repérer les difficultés.» DS Mais elle permet également au postulant de se confronter à un nouveau métier. Le choix d’un tuteur est perçu comme un appui. « Il y avait un cadre en fonction dans le service qui était là depuis 17 ans. J’ai été bien encadrée. Il a fallu pas très longtemps pour que j’assimile les fonctions qui allaient être les miennes. »FF « Depuis notre changement de DS nous avons perçu une différence. On a tous été reçus. Elle était en poste dans un autre établissement et elle applique ce qui a marché là bas. On se sent moins seul car nous avons tous un référent. Cela change la vie. » FF « J’ai la chance d'avoir une D.S.I et une C.P.P qui s'impliquent dans l'encadrement des F.F.C.S. »FF Cependant se pose maintenant, de façon de plus en plus cruciale, le problème de la prise en charge de ces professionnels quand ils intègrent les IFCS. « Je ne présenterai pas le concours car cette année aucune prise en charge pour subventionner ma formation. A l’APHP aucun medicotechnique et seulement 66 postes d’infirmières ! » FF « Je suis inquiète, je vais geler les postes mais est ce une solution? » DS « Cette année l’établissement ne subventionne plus la formation. J’ai ainsi perdu un Faisant Fonction qui a trouvé un hôpital pour le subventionner. Alors le retour sur investissement ? »DS « Notre dernier faisant fonction doit présenter le concours cette année et malheureusement s’il réussit l’établissement ne pourra financer sa formation » ! »DS Les directions ayant fait le choix d’un véritable parcours professionnalisant ont, semble t’il réussi le pari de la réussite : des professionnels formés et diplômés réintègrant l’établissement. Cependant il y a eu, derrière cette réussite, tout un travail réalisé en amont, basé sur une véritable gestion des ressources humaine et de gestion des emplois. Un travail de longue haleine a été entrepris, sollicitant tous les acteurs, du directeur à la direction des soins en passant par les cadres de santé et les professionnels de terrain. Il semblerait, au vu des entretiens des FF ayant eu, ou connaissant des projets de parcours professionnalisant construits par leur direction, que cette démarche soit un atout. « A aucun moment je ne me suis retrouvée toute seule…Je sais que dans certains hôpitaux on te lâche comme cela. J’ai beaucoup de chance ! »FF « Nous avons, en plus d’avoir des rencontres avec notre tuteur et la direction de soins, des cadres qui nous font quelques cours sur les évolutions de l’hôpital, des nouvelles lois…Ce que l’on peut lire …Ce genre de choses…. Ces cours m’ont bien servis quand j’ai présenté l’écrit. J’avais des références. »FF « Ce petit guide pratique m’est d’une grande utilité. Un outil indispensable car il traite des procédures de gestion de personnel, les documents administratifs, les personnes à joindre en cas de soucis… »FF La notion de tutorat et de personne référente, d’évaluation régulière, de bilan à mi-parcours est vécu comme une opportunité de faire le point et une chance de progresser. «Ce petit bilan formalisé m’a permis de comprendre pleins de choses. »FF « Nous avons trois rencontres avec le tuteur et le DS. Faire le point c’est important surtout quand il n’est pas fait entre deux portes…. » FF En résumé, la règle de l’accompagnement instaurée dans certains établissement serait une plus value dans l’aide à la construction de l’identité du futur cadre, une aide à la construction de leur projet professionnel et une aide au développement de leur autonomie d’exercice. « Je me sens plus sûre de moi, je grandis comme cadre, en fait, j’ai pris de l’assurance. Je sais que je ne suis pas seule … »FF Si la position de FF a permis aux établissements de faire face aux manques de cadres, elle est bien plus qu’une démarche palliative. Elle est devenue une opportunité offerte de conforter ou non un projet de devenir cadre de santé. L’associer à une politique institutionnelle de mise en place d’accompagnement des FF ne peut être qu’une aide supplémentaire à l’assise de ce projet professionnel de FF et de légitimer cette fonction. Il semblerait, de ces expériences réussies, que cette voie ouverte pourrait être la solution de ce que la commission de Singly appelle « le statut bancal des Faisant Fonction ». Ces expériences misent en œuvre aujourd’hui, sont plutôt « direction et politique d’établissement dépendant » mais il semblerait que la politique de la gestion emplois et des compétences soit un atout à jouer. Une autre difficulté se présente aujourd’hui aux faisant fonction. Celle-ci concerne la prise en charge de la formation après la réussite au concours. « J’avais un certain nombre de faisant fonction cadre dans cet établissement. Il y avait 22 FFC, c’était du n’importe quoi, la situation est en train de s’éclaircir...L’autre difficulté maintenant c’est la prise en charge de la formation en IFCS….Pour cette année nous avons revu nos subventions à la baisse. »DS Cette prise en charge n’est plus aussi évidente et certains établissements ne poursuivent pas la prise en charge de leur Faisant Fonction. Pour exemple, l’APHP, cette année a réduit de façon drastique ses quotas de subvention. Ainsi aucun médico-technique ne sera subventionné et seulement 66 infirmières Ce qui pose problème quand on sait que le pourcentage d’étudiants cadre issus des Faisant Fonction représente environ 70% des promotions. Et cet exemple n’est pas unique. Que dire de cet établissement de la région parisienne qui repousse l’entrée en IFCS de six de ces Faisant Fonction par manque de moyen financier ? Ainsi, nous sommes devant un nouveau paradoxe : des parcours professionnalisant en amont qui commencent à émerger, des quotas qui augmentent pour les IFCS et en parallèle une prise en charge au titre de la formation professionnelle au sein des IFCS qui diminue, rendant le parcours professionnel de ces Faisant Fonction bien problématique.