Zibeline n°16 en PDF

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Zibeline n°16 en PDF
16
du 19/02/09 au 19/03/09 | un gratuit qui se lit
Culture
et
éducation
en
lutte
Politique culturelle
Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture 2013
Adiam 83
Entretien avec Patrick Arnoux, adjoint à la culture d’Aubagne
Economie de l’intermittence
Les 50 ans des ATP d’Aix
5
6
7
8
9
Théâtre
Le Merlan, la Minoterie
La Criée, les Bancs Publics
Le Massalia, le Théâtre de la Cité, La Ciotat
Le Gymnase, le Gyptis, les Bernardines, Cavaillon, Grasse
Le Lenche, Aubagne, Montévidéo, le Toursky
Aix : Jeu de Paume, 3bisf ,GTP, Vitez
Martigues, Château-Arnoux, Grasse
Draguignan, Pertuis, Gap, Briançon
Port-de-Bouc, Ouest Provence, Nîmes
Arles, Châteauvallon
Cavaillon, Avignon
10
11
12, 13
14, 15
16, 17
18, 19
20
21
22
23
24, 25
Danse
La Minoterie, le BNM, le Merlan,
le Pavillon Noir (Aix), le GTP (Aix)
Arles, Avignon, Merlan, Nîmes, MOD, Manosque, l’Astronef
Ouest Provence, Martigues, Avignon
26, 27
28
29
Cirque/Arts de la rue
Les Élancées, Martigues, Lieux Publics
Grasse
30
31
Musique
Spectacles
Musique contemporaine
Concerts
Disques
Concerts, agenda
32, 33
34
35 à 39
40
42 à 44
Cinéma
Aubagne, le Toursky
Les rendez-vous d’Annie
45
46, 47
Arts visuels
Musée Ziem, CAC Istres
48
Entretien avec Nadeije Laneyrie-Dagen
49
Galerie Mourlot, Galerie du Fort Napoléon, Galerie Porte-Avion
50
Villa Tamaris (La Seyne), Galerie d’art du CG (Aix)
51
Espace écureuil, Maison de l’architecture,
Regards de Provence
52, 53
Expositions 54, 55
Livres
Écrivains en dialogue, Théâtre du Petit Matin
Les Jeudis du comptoir, agenda
Livres : littérature, arts, essais
56
57
58 à 64
Philosophie
Michel Foucault
Le bonheur
65
66, 67
Sciences et techniques
Darwin, Musée de Quinson, Muséum d’Histoire Naturelle
68, 69
Histoire
Saint-Victor
Echange et Diffusion des Savoirs
70
71
Patrimoine
Les hommes-fleurs, exposition aux ABD Gaston Defferre
72
Éducation
Picasso
IME de Vert-Pré, la Fabrik
Les Zibulons
La loi LRU
73
75
76, 77
78
Phénomène
mondial
Tous semblent figés dans l’horreur de l’attente. Comme ces lapins
terrorisés qui voient sur eux foncer le semi-remorque, et ne
peuvent s’arracher à la fascination des phares…
Phénomène mondial dit le Président, il faut parer au plus pressé,
sauver ce qui peut l’être, le système économique et financier.
Phénomène mondial qu’il nous répète, on n’y peut rien, on verra
ce qui reste debout dans un an. Phénomène mondial, qui semble
justifier toutes les restrictions des budgets publics amorcées
avant la crise, et la mise à sac du système de protection sociale
pour lequel, tous, nous avons cotisé.
Mais d’où vient donc ce phénomène mondial ? Le monde a-t-il
soudain moins de richesses, manque-t-il de denrées, une catastrophe climatique a-t-elle détruit nos moyens de subsistance ?
Les Puissances sont-elles en guerre ? Paris brûle-t-il ? A-t-on bombardé les villes, les champs, les mers, les réserves énergétiques?
Une épidémie s’annonce-t-elle, qui décimerait les peuples ? Les
populations sous-alimentées auraient-elles décidé d’égorger leurs
exploiteurs ?
Non, tout se passe comme dans un jeu virtuel, derrière nos
écrans, le phénomène mondial est une fatalité, une punition
divine, déluge, Gomorrhe et chaos.
Et pour nous garder immobiles dans les rayons des phares, on
exhibe les Français pauvres -quand on ne peut plus payer la
cantine de ses enfants ce n’est pas de «précarité» que l’on
souffre, mais de misère. Comme si les restrictions, la destruction
du système de santé, du système judiciaire, du système éducatif,
la mise à sac des revenus de solidarité, de l’économie sociale, des
budgets des collectivités territoriales, comme si tout cela n’était
dû qu’à ce fameux phénomène mondial. Au camion qui sur nous
fonce, quand seuls ses phares nous aveuglent, nous immobilisent
dans leur rayon fascinant, mortellement inquiets de savoir si l’on
pourra passer entre les roues.
Sans doute il suffirait de faire un saut de côté, de penser le
monde autrement, et le camion passerait sans renverser
quiconque. Ce phénomène mondial n’est pas le nôtre, Total
affiche des bénéfices historipeux ques (14 milliards, soit 235
euros par Français) grâce à l’exorbitant prix de l’essence, qui
grève nos budgets familiaux. Il n’est pas indécent de réclamer,
comme le font les Français des Antilles depuis des semaines, de
vivre correctement. La France en a largement les ressources,
pourvu qu’elles soient un peu mieux gérées. Ou partagées.
AGNÈS FRESCHEL
Rubrique des adhérents
80
MPCEC 2013
POLITIQUE CULTURELLE
05
Les guichets sont ouverts !
Le Conseil d’Administration de Marseille
Provence Capitale Européenne de la
Culture 2013 s’est réuni et a fait acte
de son entrée en phase active… le jour
de la grève générale du 29 janvier.
Mauvais signe ? Pas sûr !...
Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture
2013… S’ils veulent, et on le souhaite, qu’on continue à
en parler et à l’écrire, ce titre, leur premier acte fort de
communication, devrait consister en une siglaison de leur
désignation, certes complète mais à rallonge, qu’on se
lassera forcément un jour de prononcer. Et encore plus
d’écrire : ça ne tient même pas en une colonne ! Ce qui
risquerait à terme de jeter Provence dans l’oubli, ce qui
serait moche pour tous les territoires non marseillais
associés à l’opération, ou d’oublier le Capitale ou l’Européenne, rendrait indûment l’opération secondaire, voire
provinciale et franchouillarde. Quant à enlever Culture, ce
serait en ôter la substantifique moëlle. Mais la siglaison
MPCEC2013 ne fait pas acronyme, et MaProCECul est franchement douteux. Des suggestions ? Un appel à projet?
Qui décide ?
Plus sérieusement, la gouvernance de MPCEC2013 a l’air de
se porter mieux qu’on ne le disait dans certains couloirs
(vous savez, ceux des milieux autorisés où vous n’êtes
donc pas censés aller, mais dont les échos, rassurez-vous,
ne sont pas toujours plus fiables que les rumeurs communes que vous ramassez dans la rue). Dans l’ensemble, la
conférence de presse semblait avoir pour mission
essentielle de redire aux oreilles de la presse, et par
transitivité structurelle à l’entendement des citoyens, qui
tient les rênes de MPCEC13 (on peut aussi abréger l’année,
non ?).
C’est son Conseil d’Administration, formé de représentant
de toutes les collectivités impliquées. Un Conseil dans lequel Marseille Ville n’a qu’une voix, tout comme Martigues,
Aubagne, Istres, Arles… et tout comme la Région, l’État,
MPM et le CG. Bref, un Conseil d’Administration où les élus
de la gauche plurielle sont majoritaires, et où la Ville de
Marseille doit composer avec les partenaires qu’elle s’est,
dès le départ, choisis. Très habilement d’ailleurs, puisque
MPCEC (l’année est-elle nécessaire ? on sait tous que ce sera
2013) a gagné, mais généreusement aussi, sans doute
parce que la culture marseillaise ne se conçoit pas sans la
provençale, et que Jean-Claude Gaudin aime sans conteste
la Région qu’il a longtemps présidée.
En dehors de cette réaffirmation du lieu de la gouvernance,
peu de nouvelles nouvelles. MPCEC suit son cours et passe
en phase active. C’est-à-dire qu’elle n’élabore plus les
cadres et les lignes, mais qu’elle choisit et met en place
les manifestations qui vont fleurir et éclore jusqu’en 2013.
Pour cela les artistes et acteurs culturels sont priés de se
présenter au guichet du site, de s’y renseigner sur la
démarche à suivre, et de présenter leurs propositions
devant les commissions qui vont décider de labelliser ou
non et, si label il y a, de financer ou simplement d’aider
à la visibilité des œuvres ou des actions.
Bernard Latarjet et Jacques Pfister© Agnès Mellon
Vers quoi va-t-on ?
Le fait que MPCEC ne propose pas un bouleversement du
paysage culturel, mais la mise en route d’un élan nouveau,
et la mise en lumière d’initiatives anciennes, n’est pas en
soi une mauvaise chose. Pour rappeler concrètement les
chiffres, MPCEC, en terme d’activités spécifiques (et non
d’équipements pérennes, donc), apportera 98 millions
d’euros sur 4 années. Ce qui est nettement moins que ce
que l’ensemble du territoire dépense en une seule année
pour la culture. Les fonds sont donc importants, mais pas
principaux. Si, comme le projet le précise instamment, les
collectivités ne prennent pas sur leurs dépenses culturelles
courantes pour alimenter le fonds commun de MPCEC, ces
98 millions viendront comme un cadeau supplémentaire.
Un beau bada, qui devrait permettre une jolie
efflorescence.
Les obstacles ? Nombreux encore… Il se peut qu’une
confusion s’établisse entre le Conseil Culturel de l’Union
Pour la Méditerranée, dont Monsieur Renaud Muselier a
été nommé Président par Nicolas Sarkozy le 15 janvier
(après avoir été désigné par Monsieur Gaudin en octobre
pour s’occuper de MPCEC).
© Claude Lorin
Il se peut aussi que les collectivités,
mises à mal par la crise et les
restrictions de budget, ne tiennent
pas leurs promesses, et touchent aux
subventions qu’ils allouent normalement à la culture pour investir dans
MPCEC. Celui-ci, alors, ne pourra que
panser les plaies vives, rien de plus.
Il se peut également que les entreprises touchées par la crise ne
fournissent pas les 15% de fonds
qu’elles ont promis. Et qui sont déjà
fort peu, eu égard aux retombées
économiques qui vont pleuvoir sur
leurs têtes si MPCEC marche bien…
Enfin il se peut, et c’est le plus gros
risque, que MPCEC se trompe dans ses
choix, et oriente la vie culturelle vers
des horizons brumeux. Risque de
toute opération, et dont on ne peut
se défendre qu’en participant activement à la réflexion, et à l’élaboration
des projets.
AGNÈS FRESCHEL
06
POLITIQUE CULTURELLE
ADIAM 83
Manifestations de soutien, 29 janvier, Toulon © X-D.R
Les messages de soutien
affluent sur le site de l’ADIAM
831 depuis qu’elle a tiré
la sonnette d’alarme quant
à son éventuelle fermeture
Afin de statuer sur son avenir, un Conseil d’administration a été organisé le 18 février en présence
de tous les partenaires, sauf le Conseil général du
Var qui, selon son directeur des affaires culturelles
Ricardo Vazquez, n’a pas été invité… Mais pour
quelles raisons, vingt ans après sa création par le
Conseil Général du Var et l’État, l’agence serait-elle
obligée de tirer le rideau ?
Pour Jean-Claude Herry, son directeur «c’est
l’ensemble des structures départementales de développement du spectacle vivant, en France, qui vivent
une période de transition : certaines se regroupent
pour créer des «méga offices de la culture», d’autres
changent de statut. Mais dans le Var, on casse, on
supprime, sans rien derrière. Je ne connais aucun
exemple similaire à celui du Var.»
Alors, que s’est-il passé ? Le Conseil Général a petit
à petit grignoté du terrain à l’ADIAM 83, qui a
pourtant été à l’origine de nombreuses actions de
diffusion (Rencontres de musique médiévale du
Thoronet, festival Patrimoine en musique…), de
conseil (accompagnement des professionnels…),
d’information (organisation de rencontres…). Sans
compter, comme le souligne encore Jean-Claude
Herry, que l’agence a réalisé durant trois ans un
important travail de préfiguration du schéma départemental des enseignements artistiques, s’agissant
de la musique et de la danse.
Tout avait l’air d’aller pour le mieux jusqu’en 2006,
date à laquelle un état des lieux du théâtre a été
confié à une société bretonne qui ignorait tout des
pratiques, des lieux et des acteurs du département!
Puis le Conseil général a intégré dans ses missions
les rencontres professionnelles, nommé son chargé
de mission théâtre et danse, développé ses propres
actions, récupéré le dossier «Danse à l’école» et
diminué ses subventions. Des projets visibles (Patrimoine en musique) ou à dimension régionale (Danse
à l’école) ont été supprimés, ce qui a porté un coup
à l’ADIAM 83 en rétrécissant son champ d’action…
L’ADIAM 83
dans l’impasse
En septembre 2008, le Conseil Général a souhaité
une réadaptation des activités, notamment par le
développement d’un programme de formation professionnelle continue, le licenciement de quatre
personnes devenant alors inévitable…
Un dialogue impossible
Face à ce qui a été vécu en interne comme une
amputation, Ricardo Vazquez se réfère aux conclusions d’un audit réalisé en 2008 : «La masse
salariale faisait augmenter de manière mécanique
les budgets de fonctionnement et baisser les activités. Des proportions mirobolantes qui l’ont paralysée.»
Et d’ajouter : «La plus-value de l’ADIAM 83 était
donc à démontrer.» Pour le Conseil Général, la
situation était claire : il s’agissait de réinventer les
missions de l’ADIAM 83 et de préparer son retrait
progressif sur deux ans. «Cela faisait déjà trois ans
que j’en parlais à Jean-Claude Herry, explique Ricardo
Vazquez, car les élus s’interrogeaient sur l’utilité
même de l’agence.» Des difficultés auxquelles s’est
ajoutée une baisse de 50 % des droits de mutation
qui a entraîné notamment des départs non remplacés. «Une période de vache maigre» souligne
Ricardo Vazquez, qui s’étonne de la tournure prise
par les événements.
En effet, depuis le 11 décembre, le courant est
rompu. Pour Jean-Claude Herry, cette rupture de
dialogue est consécutive à un coup de téléphone
annonçant la suppression totale de son soutien en
2009, qui représentait 451 250 euros en 2008.
«Pourtant nous avons réduit la voilure, procédé aux
licenciements et trouvé des ressources nouvelles
grâce aux actions de formation. L’ADIAM 83 a joué
le jeu à fond pour s’engager dans cette nouvelle
configuration avec le soutien du Conseil général
pendant deux ans !» s’étonne Jean-Claude Herry
qui a décidé d’alerter les médias et ses réseaux.
«C’est scandaleux et de mauvaise foi de dire que
l’ADIAM 83 a été avertie par un simple coup de fil,
rétorque Ricardo Vazquez, car ce que nous avons
fait était un acte de respect pour eux, de la considération. Ce qu’ils ont pris dans le sens contraire.»
En décembre, l’ADIAM a été reçue par la direction
des affaires culturelles qui l’a assurée de son soutien : «On ne vous laissera pas tomber. Faites-nous
passer vos bilans, vos pièces comptables afin de vous
aider à solder vos affaires.» À présent, «l’agence se
trouve dans une situation de blocage, analyse
Ricardo Vazquez, elle a choisi de manière délibérée
le rapport de force et elle refuse le dialogue en ayant
une attitude très hostile à l’égard du Conseil Général.
Nous n’avons aucune visibilité de sa trésorerie ni de
sa comptabilité puisque nous n’avons pas les pièces
au 31 décembre 2008.»
De son côté, l’ADIAM83 communique : «en l’absence
d’engagement de la part du Conseil général, (elle)
sera contrainte de se déclarer en cessation de paiement fin février et de licencier l’ensemble des salariés.»
Il ne reste plus qu’à espérer que les deux parties
renouent le dialogue, afin que se poursuive ce que
vingt années d’activités ont permis sur ce territoire.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
www.adiam83.com
1
Association Départementale d’Information
et d’Actions Musicales et chorégraphiques du Var
RENCONTRE AVEC PATRICK ARNOUX
POLITIQUE CULTURELLE
07
Une grande petite ville
La ville d’Aubagne
mène une politique
culturelle d’une
incroyable richesse,
foisonnante, qui attire
son public bien
au-delà du Pays
aubagnais. Zibeline
a rencontré Patrick
Arnoux, adjoint
à la culture depuis
les dernières élections,
en charge des finances
(5e mandat).
Élu socialiste
au sein d’une mairie
communiste très
ouverte, et de la
communauté du Pays
Aubagnais, il fait
également partie
du Conseil
d’Administration
de Marseille 2013
Zibeline : Quelles sont les orientations générales de la politique
culturelle d’Aubagne ?
Très clairement la création. Qu’elle
soit théâtrale ou musicale, cinématographique. Avec de nombreux
événements annuels dans tous les
domaines, en lien avec les écoles, les
jeunes et l’enseignement.
Quels sont les lieux phares, et les
événements essentiels?
Le Théâtre Comœdia bien sûr, mais
aussi la MJC qui propose une programmation théâtrale en lien avec lui.
Alcimé et son Festival International
du Film, événement majeur et
installé, mais aussi le Festival du
Film Militant qui a lieu a l’automne
depuis quelques années, et a pris une
ampleur et une pertinence que nous
tenons à soutenir. Nous portons
également une attention particulière
aux arts de la rue, et nous avons renouvelé notre partenariat avec Lieux
Publics pour organiser au moins
deux ou trois événements annuels…
© Agnes Mellon
Aubagne est aussi une ville d’expositions et une Ville
Lecture
Oui. Les travaux menés dans la Chapelle des Pénitents
noirs en ont fait un lieu exceptionnel, et nous voulons
qu’elle accueille au moins deux expositions annuelles
d’envergure… Nous travaillons en ce sens avec le Conseil
Général. Quant à la politique de lecture elle s’appuie à la
fois sur un événement, les Journées du livre jeunesse de
novembre, et sur un travail permanent de la Médiathèque,
qui mène des projets avec les écoles, et les adultes.
Ce lien entre enseignement et culture est-il important
pour vous ?
Bien sûr, et il est à l’œuvre. Pour ce qui est de la musique,
le CEFEDEM, qui forme les professeurs de musique, est
installé à Aubagne, et travaille en lien avec l’université
Lakanal, le conservatoire municipal, des manifestations
comme le Festival du Film… Le transfert des trois pôles
universitaires musique1 à la Morochita, une superbe
propriété avec une maison de maître, est à l’œuvre. C’est
un projet de l’État, et nous voudrions y adjoindre le
conservatoire municipal, et cela à l’horizon 2012.
Vous avez également un lieu dédié aux musiques actuelles
La MJC a une programmation remarquée, c’est un élément
important de la vie culturelle aubagnaise plutôt orienté
vers les jeunes, avec un studio d’enregistrement, des
ateliers de pratique…
Puisque vous parliez d’horizon 2012, quels sont vos
projets ?
Outre l’installation à la Morochita et le développement
des Pénitents Noirs, nous envisageons de transformer
l’université Lakanal en cité pour les artistes, en lieu de
résidence…
Ce foisonnement d’événements et de projets est-il réaliste
financièrement ?
On dit que la Ville d’Aubagne a pris la mauvaise habitude
de mettre toutes les bonnes idées en mouvement ! Il est
sans doute possible de rationaliser certaines manifestations, de les regrouper pour qu’elles soient plus légères
à organiser, et plus visibles dans leur cohérence et leur
importance. Mais, vous savez, la Ville d’Aubagne fonctionne sur le mode de la démocratie participative : malgré
les problèmes au niveau de la dotation d’État qui diminue,
et se double d’un transfert des charges aux collectivités, la
ville d’Aubagne n’a pas l’intention de couper les crédits
sans concertation !
Continuerez-vous votre politique tarifaire ? Les places sont
peu chères, voire gratuites, à Aubagne…
Oui, c’est une habitude, un mode de fonctionnement. La
gratuité, quand elle est pensée pour améliorer la qualité
de la vie, est une bonne chose. Mais des tarifs bas
diminuent bien sûr les recettes, et il faut être raisonnable
en ce sens. Dans un autre domaine, la décision qu’a prise
la Communauté d’Aubagne sur la gratuité totale des
transports va très probablement diminuer le nombre de
voitures : c’est un pari de développement, et nous
pouvons faire le même en matière de culture.
Comment la ville s’implique-t-elle dans Marseille Provence
2013 ?
La ville (45000 habitants) est l’élément central du Pays
d’Aubagne et de l’Etoile (plus de 100 000 habitants), qui
est partie prenante du projet. Laurette Audouard, qui était
responsable de la culture, a été déléguée spécialement
par la communauté pour Marseille Provence 1013, et je
fais moi-même partie du conseil d’administration. L’idée, à
Aubagne, est de mettre en place un comité de pilotage
avec des élus et des responsables, mais aussi des personnalités artistiques comme Bernard d’Ascoli (pianiste,
ndlr), Juan Carmona (guitariste et compositeur flamenco,
ndlr) ou Danielle Jacqui, responsable du Festival d’art
singulier, artiste céramiste qui doit concevoir un nouveau
fronton pour la gare d’Aubagne.
Avez-vous un axe spécifique ?
Oui, notre participation à Marseille Provence 2013 est liée
à l’argile, à notre histoire. Mais le principe est d’établir
des échanges, d’envoyer l’argile à Arles, qui nous enverra
des expos photos…
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
1
CEFEDEM-Sud :
Centre de Formation à l’Enseignement de la Danse
et de la Musique, à Aubagne depuis 1997.
CFMI : Centre de Formation
des Musiciens Intervenants,
actuellement à l’Université de Provence à Aix
SATIS : IUP Sciences, Arts et Techniques de l’Image
et du Son, à Aubagne depuis 1991
08
POLITIQUE CULTURELLE
L’INTERMITTENCE
Économie
et intermittence
Et si nous commencions par la fin ?
Si des gouvernements, soutenus par leurs
électeurs, sont disposés à dépenser des milliards
pour des jeux olympiques, alors une société peut
faire le choix de dépenser des milliards pour
subventionner des artistes intermittents sans
que le rendement économique de l’affaire
ne soit déterminant
© Agnès Mellon
Rappelons que, globalement, une olympiade n’est pas un
bon investissement, mais une consommation collective.
C’est une question de choix de société. Ceci dit, une fois cela
posé, on n’a pas fait le tour économique de la question de
l’intermittence.
Le système
Pourquoi l’intermittence au juste ? Pour permettre à des
activités fragiles, saisonnières ou discontinues d’exister en
dépit d’une incapacité structurelle à employer à temps plein
des artistes ou techniciens. Et, par conséquent, de permettre à ces travailleurs de vivre, bon an mal an, de leur
activité.
Rappelons l’élément de base du système : en déclarant une
activité d’au moins 507 heures sur les dix derniers mois,
on dispose de droits au chômage, financés par le régime
général des salariés du privé. Le déficit du dispositif est de
près d’un milliard d’euros pour environ 100 000 intermittents. C’est important, mais le problème comptable n’est
pas le principal, il n’en est qu’un avatar.
La première difficulté est que ce déficit est clairement une
subvention de la culture par l’assurance-chômage. En
toute logique, ce serait au ministère de la culture d’en
assumer la charge. Mais «les caisses sont vides», si bien
que cette situation arrange pas mal de monde.
Outre qu’une subvention culturelle qui ne se dirige plus
vers des projets mais des individus a de quoi troubler, elle
génère des pratiques contestables. En économie, on parle
d’aléa moral pour qualifier une situation où des individus
© Claude Lorin
disposant d’un système d’assurance peuvent se reposer
dessus sans fournir les efforts légitimes. On a alors vite fait
d’accabler l’intermittent.
La réalité
Dissimuler la possibilité réelle de travailler après avoir
atteint le seuil de 507 heures est certes envisageable.
Cependant, la réalité de l’intermittence est différente.
D’une part, de grosses structures médiatiques qui pourraient employer à plein temps des salariés renouvellent
des contrats d’intermittents, moins coûteux. D’autre part,
les intermittents travaillent souvent, sans être payés, bien
plus que les 507 heures requises, leurs employeurs sousdéclarant (avec leur accord) le temps de travail effectif
(notamment les répétitions). Sans trop de scrupules, puisque l’indemnisation prend le relais. Il faudrait ajouter que
les artistes, à l’instar des chercheurs, ne finissent que rarement leur travail à la sortie de leur lieu de travail ! Comment
mesurer ce temps ?
Le régime est ainsi dévoyé dans de nombreux cas. Les productions sont moins coûteuses, ce qui est une bonne chose
pour les plus risquées, mais bénéficie aussi largement à
celles qui le sont moins. Enfin, cela donne un signal discutable aux aspirants artistes et pose la question fatidique de
leur nombre.
Trop d’artistes ?
En première approche, on pourrait avancer que des individus se portent actuellement vers une carrière artistique
avec l’idée qu’elle est «correctement» protégée. Or, ceux
qui ne parviennent pas à travailler suffisamment cotisent,
mais ne sont pas indemnisés. Curieuse protection ! Mais la
logique du système produit tout de même une masse durable de précaires qui auraient peut-être choisi une autre
voie sans indemnisation (et en seraient heureux ?).
Une autre approche est de «pleurer sur les génies
perdus» : si on ne permet pas aux talents de se lancer, on
ne les connaîtra jamais. Malheureusement, à moins de
considérer que la société doive à chacun une subvention
pour révéler son talent artistique, l’argument est contestable. L’Histoire regorge de génies qui, sans intermittence,
ont pu se révéler. D’autres n’ont probablement pas eu cette
chance. En compte-t-on plus avec le système des intermittents ?
En un mot, il n’est pas absurde de
penser que des artistes brillants
apparaissent quel que soit le système
qui finance la culture, et que
l’intermittence n’est pas forcément la
meilleure façon de canaliser le phénomène.
Précisions
À quelques jours de la fin de la fin de
la prolongation dérogatoire du régime
actuel des intermittents, il peut paraître facile de gloser de la sorte. Il
reste que si l’usage abusif des
contrats d’intermittence persiste en
l’état et que le champ des activités
couvertes par le régime n’est pas réellement repensé (ah, les intermittents
du Tour de France...), les angoisses
des premiers concernés ne sont pas
prêtes de s’éteindre.
Car repenser le système d’indemnisation de l’intermittence au moment
où les subventions de la culture sont
à la baisse revient à fragiliser le secteur par les deux bouts…
STÉPHANE MENIA
Sur les politiques culturelles,
en France spécifiquement,
on peut recommander les écrits
de Françoise Benhamou,
dont Les dérèglements de l’exception
culturelle (éd. le Seuil, 2006),
ouvrage fouillé, équilibré
et accessible.
On pourra également consulter
avec intérêt le blog de Mathieu Perona,
www.leconomiste-notes.fr,
doctorant en économie de la culture,
qui consacre certains de ses billets
à ces sujets.
LES ATP D’AIX
THÉÂTRE
09
Spectateurs actifs
Les ATP d’Aix fêtent leurs 50 ans…
L’occasion de revenir, avec Mathieu Grizard qui est
en charge de leur programmation, sur une association
de spectateurs qui défend avec persistance
l’idée d’un Théâtre
Populaire
Zibeline : Comment sont nés les Amis
du Théâtre Populaire ?
Mathieu Grizard : En 1953, à Avignon,
pour soutenir Jean Vilar, une association
de spectateurs s’est créée, a recueilli
5000 signatures et obtenu que le
fondateur du TNP reste à la tête du Festival. Après ils se sont dits : que faire
de cette association ? et ont décidé de
créer les ATP d’Avignon, pour sortir la
ville de sa léthargie hivernale. C’était le
temps des ciné-clubs, des mouvements populaires, des associations de
spectateurs. Des ATP se sont créées
partout en France, et celle d’Aix est née
en 1959 quand François Hauser, médecin psychiatrique membre fondateur
des ATP d’Avignon, a été nommé à
l’hôpital Montperrin à Aix.
Quel est aujourd’hui le panorama
national des ATP ?
Il en reste 18 en France, plutôt dans le
Sud.
Il y en a donc eu plus ?
Oui. Mais en fait certaines ATP avaient
vocation à disparaître : celle d’Amiens
par exemple a fermé quand la Maison
de la Culture a ouvert. Sa mission était
accomplie. Celle d’Arles, qui est née au
moment de la fermeture du Théâtre,
est en sommeil depuis qu’il a réouvert.
Comment fonctionnez-vous à Aix ?
Nous avons un peu plus de 200
adhérents, à qui nous proposons un
abonnement total de 8 spectacles.
Nous n’avons pas de lieu, et nous
programmons en collaboration avec le
Pavillon Noir, le Théâtre des Ateliers,
Vitez, le 3bisf, Rousset…
Vous produisez les spectacles ?
Parfois. Tous les partenariats sont possibles, on peut produire, coproduire avec
le lieu d’accueil, acheter des places…
Nous inventons chaque fois la formule
qui convient le mieux pour que nos adhérents rencontrent de nouveaux lieux et
les compagnies de nouveaux publics.
Quels sont vos budgets ?
Nous avons un tiers de notre budget,
soit 35000 euros, de la Ville d’Aix, un
autre tiers des autres collectivités et de
l’ONDA (Office National de Diffusion
Artistique, ndlr), et un tiers de recettes
propres en billetterie et adhésions.
La main dans la main © Jean-Julien Kraemer
Nous n’avons pas de salariés et faisons
vivre l’association à deux, Bernard
Pelenq et moi-même.
Défendez-vous un axe esthétique
précis ?
Nous essayons de faire partager ce
que l’on aime. Avec une certaine avidité pour les formes nouvelles, l’écriture
contemporaine. Nous préférons toujours programmer, plutôt que ce qui
nous a plu, ce qui nous a gratouillé.
Dérangé, remis en question. Nous ne
concevons pas le théâtre comme un
pur divertissement. Mais nous recherchons aussi le plaisir, pas la prise de
tête, comme on nous le reproche
parfois.
Vous avez donc des réactions à votre
programmation.
Oui. Bruyantes ! Nombreuses ! Nos adhérents sont exigeants, c’est un public
qui prend à partie, qui est rarement
indifférent à ce qu’on lui propose. Les
compagnies aiment cela. TG Stan par
exemple adore venir au Vitez dans le
cadre des ATP, avec un public de gens
installés, mais aussi les étudiants en
théâtre… Et certains adhérents ont
adoré découvrir le 3bisf, dont ils ne
soupçonnaient pas l’existence…
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
À venir aux ATP d’Aix
La Main dans la main, une pièce de Sofia
Fredèn au titre ironique, puisqu’elle
brosse le tableau de 11 jeunes sans
horizon social, sans toit, et qui oeuvrent
pour leur survie avec toute la violence
que cela implique dans les relations
humaines…
Théâtre Antoine Vitez, Aix
mes Edouard Signolet
les 17 et 18 mars
04 42 26 83 98
www.atpaix.com
Retrouver Gwymplaine
Qui n’a pas lu le roman de Victor Hugo
L’homme qui rit ? Qui n’a pas été bouleversé par le destin cruel de Gwymplaine,
dont le rire porte en lui l’essence même
de la condition tragique de l’humanité?
Souvenez-vous de son discours à la
chambre des Lords, et de la candeur de
Déa, qui, aveugle, savait voir avec son
cœur plus sûrement que les autres…
Il pouvait sembler qu’adapter ce roman
constituait une véritable gageure. La
troupe du Footsbarn théâtre s’est
livrée avec bonheur à cet exercice périlleux. Toutes les formes théâtrales
sont convoquées, récitatifs, mimodrames, théâtre d’ombre, marionnettes,
cirque, chant, dans un spectacle au
rythme soutenu. Cette folle variété est
obtenue avec une grande économie de
moyens, une corde nous installe sur un
bateau, quelques musiciens sur scène
soulignent avec efficacité les passages
clé, créent des transitions suggestives
entre les différents tableaux. Les acteurs ont un jeu précis, juste, dans une
mise en scène réglée comme un ballet,
et peu importe si quelques spectateurs
se plaignent de l’articulation parfois
étrange de cette troupe internationale,
ou de l’esthétique de tréteau volontaire
et assumée : c’est avec une émotion
évidente que l’on retrouvait le Gwymplaine de nos lectures d’enfance ! Il
était là, incarné, et cela est une véritable réussite !
MARYVONNE COLOMBANI
L’homme qui rit a été joué
au Toursky les 30 et 31 janv,
et programmé par les ATP,
sous chapiteau au Tholonet,
du 5 au 15 fev
l'homme qui rit © Jean-Pierre Estournet
10
THÉÂTRE
MERLAN | MINOTERIE
Tectonique de plateau
Au-dedans était le Verbe et Antonina
Velikova, internée à Moscou... C’est
ainsi que tout commence dans la vie
et sur le plateau pile lorsque l’Auteur
Ivan Viripaev (c’est pas lui, c’est un
acteur ! ou plutôt le prophète Jean oui
oui) vient consciencieusement rendre
compte de son travail à partir des
textes de la fulgurante schizophrène
susnommée. Les yeux dans les yeux
d’un public miraculeusement réactif
(«Y a des croyants parmi vous?» s’informe Dieu, alias le médecin, pour de
vrai le busterkeatonien Vincent Lécuyer),
le spectacle va se construire au seuil
d’un degré zéro de la représentation et
du jeu d’acteur. Un dispositif léger de
captation / diffusion, radars d’un monde
à saisir au vol, panneaux obliques réfléchissants, dessine de transparentes
coulisses où se fabrique dans l’ombre
la musique pleine d’Est du belge Sacha
Carlson. Les tableaux se jouent et se
jointent comme de petits continents
qui dériveraient à toute allure ; on y
chante les douceurs de l’isba en roulant les ss ; on y fait l’expérience de
l’énigme de la création et de la fuite du
sens dans d’éclaboussants duos provoqués par la cinglante et cinglée
femme de Lot / Céline Bolomey ; on
y nage dans la lumière d’un monde
flottant entre haut et bas, surface et
profondeur d’icônes vidéo qui promènent le regard en toute liberté... Le
metteur en scène bulgare Galin Stoev
utilise la scène comme plate-forme de
lancement et excelle dans la mise à feu
des esprits ; le spectateur cosmo(go)naute porte haut sa jubilation entre
chaos et harmonie des sphères ; et
savoir que perception n’est pas raison
est bien la leçon n°1 de la construction du sujet ! Et puis chut ! Ne le répétez
pas à Antonin Artaud, Dieu a créé les
poissons... cons... Si c’est pas de la
poésie ça !!!
MARIE JO DHÔ
Genèse 2 (texte sidérant paru
aux Solitaires Intempestifs)
a été donné au Merlan
les 30 et 31 janvier (annulation le 29)
À venir au Merlan
Après son cycle sur le corps transparent, la Scène Nationale du Merlan
propose une autre thématique sur les
femmes artistes, qui suscite particulièrement notre intérêt. Car le milieu
du spectacle demeure, malgré des
efforts ces dernières années, très
largement dominé par des artistes
masculins, et les productions sont
rarement confiées aux femmes.
Comme si elles pouvaient assister,
interpréter, médiatiser, diriger même,
mais non créer…
C’est encore dans la danse qu’on en
trouve le plus, ou plutôt le moins
Genese © Anoek Luyten
moins. Peut-être parce que la première
oppression est celle de leurs corps, et
que la danse permet de l’exprimer
directement ? Peut-être parce que la
danse contemporaine coûte moins
cher à produire ? Peut-être aussi parce
qu’il n’y est pas question de parole,
justement ? Des chorégraphes venues
d’horizons très divers viendront donc
montrer leurs univers, non en tant que
féministes, mais que femmes. Et ce
n’est sans doute pas un hasard si le
Merlan a invité Nadia Beugré (Côte
d’Ivoire), Kettly Noël (Mali), Nelisiwe
Xaba (Afrique du sud), Nacera Belaza
(Algérie). Les femmes d’Afrique
auraient-elles plus de choses à nous
dire ? Erna Omarsdottir, bloc rocailleux d’énergie islandaise, complètera
le programme, ainsi qu’un homme,
Alain Buffard (voir page 28)…
A.F.
Pluri(elles)
Le Merlan
du 21 fev au 15 mars
04 91 11 19 20
www.merlan.org
Infrarouge
Daniel Danis écrit, met en scène ses textes, dirige
sa compagnie, connaît de l’intérieur la cruauté et la
beauté du monde dont il parle, mène une réflexion
sur la réception des œuvres de théâtre par la
jeunesse en particulier et fait mouche en posant sur
le plateau quelques éléments très cohérents de sa
démarche créatrice.
Sur la scène et plutôt dans l’ombre, entre rats de
cave et mystiques flamboyants de la vie à tout prix, la
fraîcheur des deux acteurs aux yeux de feu porte
l’histoire comme déjà vécue de Kiwi et de Litchi : il y
a là du récit, du conte, de la narration en avant, en
arrière, en épaisseur, en profondeur, du bidonville à la
communauté d’en dessous, de l’horreur à la vie d’en
dessus. La langue de l’auteur est «bleue» («J’ai une
langue cachée au milieu de ma tête» dit Kiwi et à la
fin, «j’ai mis mon bonnet sur la tête de Noisette pour
que sa langue bleue soit bien au chaud») et transporte
tout un monde qui excède amplement l’espace
scénique et le présent du dialogue. Sur la scène
donc, et tout en lumière, deux écrans côte à côte
amplifient, démultiplient ou révèlent tout simplement
le jeu des acteurs, et saisissent en direct, à la volée,
des moments incarnés par les visages en gros plan :
c’est beau! Les images documentaires de Benoît
Dervaux sur les enfants des rues à Bucarest plus
furtives et d’un autre «grain», ne soulignent pas mais
disent tranquillement la nature de l’engagement
esthétique : faire voir et entendre, toucher si possible.
Daniel Danis vit au Québec, au lieu dit «Lac Clair»…
En fait Kiwi est un véritable manifeste : «Les canards!
Les canards ! La lumière! La lumière!» scandent les
enfants perdus !
MARIE-JO DHÔ
Kiwi écrit et mis en scène par Daniel Danis,
a été joué par Baptiste Amann
et Martine Delhaye
au théâtre de la Minoterie du 12 au 14 février
Kiwi © Krista Boggs
Alain Simon, Alain Zaepffel professeur au Conservatoire de Paris) pour parler de la voix théâtrale ou
chantée, et de son enseignement.
Le colloque sera suivi d’une représentation d’Un
Oiseau sur l’épaule, spectacle musical de Piano et
Cie (du 13 au 15 mars).
À venir à la Minoterie
Colloque théâtre et voix organisé par le GRETE le 14
mars, avec de nombreux intervenants, artistes (Muriel
Tomao, Alain Aubin, Pierrette Monticelli, Nathalie Négro,
La Minoterie
04 91 90 07 94
www.minoterie.org
LA CRIÉE | LES BANCS PUBLICS
THÉÂTRE
11
Incursions dans un passé fondateur
36 rue Ballu © X-D.R
La programmation de la criée
à la Friche et lors de son dernier
cabaret était étonnamment décalée,
et questionnante
Le meilleur d’abord : une petite soirée intime, proposée
dans le hall du théâtre du 12 au 14 fev : 36 rue Ballu
brosse le portrait de Nadia Boulanger, musicienne, musicologue mais surtout enseignante. Égérie admirée des
plus grands musiciens américains du XXe siècle, comme
Copland, Bernstein ou Carter, disciple admirative de
Stravinsky, Ravel ou Fauré… La femme est passionnante, mais aussi ce qu’elle met en jeu : l’apprentissage
d’une technique d’analyse sans faille, la part du travail
dans le métier, mais aussi sa modestie devant l’invention, la force créative de certains de ses élèves…
Derrière ce récit de vie distribué à trois voix, et un piano,
des questions discrètes apparaissent : qu’est ce que le
génie ? Pourquoi cette femme si douée s’est-elle interdit,
dans ce monde exclusivement masculin, d’être compositrice ? Qu’est-ce que l’essence d’un enseignement
artistique, transmettre une technique ou permettre
l’épanouissement créatif ? Les interprètes installent
une ambiance chaude, propice à la communion et au
questionnement, et entretenue par les très belles pages
de Schubert, Copland ou Bach interprétées par
Françoise Tillard au piano.
Derrière l’écran
À la Friche, où la Criée prenait ses quartiers de février
(du 3 au 8), les préoccupations furent plutôt cinématographiques. L’enjeu de la double création de Daniel
Benoin, directeur du Centre Dramatique National de
Nice, tournait autour d’une thématique (la rupture du
couple), d’un genre (le scénario de film) et d’une scénographie : la scène de la Friche1, envahie de canapés
disposés en salons rectangulaires, offrait une place à
une partie des spectateurs ainsi plongés dans l’action.
Trois écrans sur les deux murs projetaient des images :
des actualités situant Guitry dans son contexte historique (prise du pouvoir d’Hitler, et crise…) ou restituant
des gros plans directement captés sur scène pour
Faces…
L’enjeu là encore était clair : il s’agissait de rendre per-
méables les frontières habituelles entre représentations
théâtrales et cinématographiques, entre fiction et
images d’actualités, entre espace scénique et regard
public, mais aussi entre cinéma populaire (Guitry) et
cinéma d’auteur (Cassavetes), acteurs d’écrans (MarieFrance Pisier ou Valérie Kaprisky) et comédiens de
planches…
En ce sens le questionnement formel est vraiment
réussi : les rapprochements sont surprenants, les comédiens parfaits dans tous les registres, cadrés de près
par la caméra dans Faces, déambulant dans ces salons
successifs comme dans un décor naturaliste… intégrant
le public à l’action comme des figurants de cinéma.
François Marthouret, qui tient le rôle principal des
deux pièces, est épatant de naturel bougon, sorte de
droopy égaré, séducteur vieillissant et bourru, double
paradoxal à la fois de Guitry et de Cassavetes…
Feydeau, qui avait bien plus de sens du rythme et de
l’absurde.
Il n’en est pas de même pour Faces. Le scénario de
Cassavetes, au synopsis si maigre, est bouleversant,
plongeant dans les hypocrisies et les dérèglements de
la classe moyenne américaine en mal d’idéal, malade
d’alcool, de matérialisme et de sexe marchand. Les
comédiens étant formidables, la mise en scène prend
aux tripes… et donne envie de revoir très très vite le film,
porte étendard du cinéma américain indépendant si
inventif, si émouvant, si près de la chair des hommes…
et de l’esprit qui présida à 68, aux États-Unis aussi. (le
DVD est disponible sur Internet…)
Bref, Daniel Benoin a fait la preuve qu’un scénario de
film, qu’il soit bon ou mauvais, passe mal sur scène.
Quand il est bon parce que le film est mieux, quand il est
mauvais parce qu’il le reste. Et cela même avec une
scénographie intéressante, et une équipe d’acteurs
extraordinaires…
AGNÈS FRESCHEL
1
on aura remarqué à l’occasion de ce hors les murs de la Criée
que la salle de la Cartonnerie est chauffable, et le fait de s’y
geler en hiver ne relève pas de la fatalité, mais des moyens que
l’on peut ou non mettre en œuvre…
À venir à la Criée
Avant de proposer son Divino Amore fin mars, l’équipe
d’Alfredo Arias viendra mettre le feu au hall du théâtre
avec un Cabaret Brecht Tango Broadway, qui s’annonce fort différent de celui sur Nadia Boulanger… mais
tout aussi passionnant ! Parce que les deux chanteuses
Sandra Guida et Alejandra Radano sont aussi folles
et talentueuses que leur metteur en scène, et que tout
Brecht est bon à prendre en ces temps de crise…
Les «pièces»
Reste que, à l’unité, chacune des deux pièces présente
peu d’intérêt. Le Nouveau Testament de Guitry fleure
comme toujours sa misogynie de bon aloi, à la papa,
presque acceptable tant il est suranné. C’était l’époque,
vous me direz. Certes, mais enfin, avant ça il y avait eu
Louise Michel, Colette, Anaïs Nin et les suffragettes.
Après ça, le Guitry, il continuait à brosser des portraits
de femmes délurées et sans cervelle, séduisantes,
certes, mais à peine bonnes à tenir la maison ou à jouer
à la secrétaire… Bref, le discours sur le divorce et
l’amour libre sonne incroyablement daté… quant à
l’esprit et aux bons mots, ils ne valent pas ceux de
Le Nouveau testament © Fraicher Matthey
La Criée
du 19 au 21 mars
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Derrière la porte
La Cie Traumerei crée Elle criait tout bas, dont elle avait
présenté une étape de travail intéressante l’an dernier.
À partir de La barbe bleue, et surtout de cette phrase
paradoxale «elle criait tout bas» pour exprimer la douleur
retenue de la jeune épouse face à la macabre découverte du corridor ensanglanté, cette compagnie féminine
explore la douleur et le désir paradoxal des épouses de
Barbe Bleue, ou plutôt de leurs spectres, qui peuplent la
cave…. L’étape de travail vue l’an dernier était lente et
inutilement étirée, répétée. Mais avec de très beaux
moments, et une belle idée… À découvrir donc dans sa
version aboutie !
A.F.
Elle criait tout bas
Cie Traumerei
Les bancs publics
du 5 au 7 mars
12
THÉÂTRE
MASSALIA | THÉÂTRE DE LA CITÉ | LA CIOTAT
Foi, sang et volupté !
Massalia a proposé un spectacle époustouflant
de rigoureuse beauté avec Ursule, pièce de l’auteur
anglais Howard Barker (2001) et montée
par la Cie Du zieu dans les bleus
Cette pièce s’inscrit dans ce que Barker
appelle le Théâtre de la Catastrophe :
des situations dans lesquelles s’égarent raison et morale, hors de tout
réalisme social. Que reste-t-il de l’humain après des crises extrêmes ?
Barker trouve des réponses en explorant
© Agnès Mellon
mythes, légendes et faits historiques
sanglants.
Ursule raconte l’histoire de novices et
de leur Mère supérieure dans un
couvent entouré de marais, et d’un
jeune Prince triste, Lucas, qui veut
épouser la novice à l’opulente cheve-
lure blonde, Ursule. Cette demande en
mariage inhabituelle déclenche un
cataclysme, réveillant des pulsions
enfouies. Alors qu’Ursule ne veut pas
renoncer à son divin Époux, Placide, la
Supérieure, laisse se déchaîner sa sensualité et se livre au Prince avec une
avidité qui la conduit au crime : les
jeunes Vierges seront sacrifiées avec
l’épée même de Lucas.
Dernière image inoubliable de la robe
de Placide baignant dans le sang et
dessinant au sol le trait final de la
tragédie ! La scénographie remarquablement sobre et efficace joue sur les
clairs-obscurs et les reflets, faisant appel
à des réminiscences picturales, notamment aux portraits de Cranach
(1472-1553). La traduction de Mike
Sens et le langage décalé des personnages sont généreusement servis
par des acteurs magnifiques : luminosité d’Ursule (Rama Grinberg), raucité
de Placide (Virginie Colemyn), nudité
assumée de Lucas (Hugo Dillon), ambiguïté de Léonore, voyante aveugle (ou
l’inverse !) dont le rôle est tenu par
Julien Bonnet.
En même temps, à Paris, le Théâtre de
Carré d’as
Le jeu continue à La Friche. Après la reprise d’Une île,
François Cervantes et sa compagnie L’entreprise
poursuivent leur ambitieux programme avec la création du
Dernier quatuor d’un homme sourd, jusqu’au 22 février
Ce texte, écrit en 1985, met en scène
un quatuor à cordes célèbre, quelques
jours avant la représentation unique
d’un concert exceptionnel. Quatre musiciens isolés pour répéter les derniers
quatuors de Beethoven, un lieu clos,
des tensions dues à l’imminence du
jour J, on n’est pas loin de l’atmosphère de crise propre à la tragédie. Et
de fait, le drame se noue très vite lorsque Karl, le chef du groupe, premier
violon surdoué, entre dans une sorte
de folie créatrice qui le taraude et use
ses partenaires, avant de connaître la
révélation qui va tout bouleverser.
Drame de la recherche artistique, affres du perfectionnisme, vertige de la
chute, ce Dernier quatuor… interroge
le travail en équipe. Jouer avec les
autres freine-t-il la quête personnelle ?
Le quatuor est-il «un seul battement
avec quatre cœurs» ou une somme de
concessions frustrantes ? Quelle est la
place de la virtuosité ? Et de la vie ? Et
de l’amour ? Sur scène, ils sont quatre.
Non, cinq. Au premier rang François
Cervantes, dans l’ombre, joue le rôle
du producteur, M. Hellman. L’homme
de l’enfer mercantile ? Forcément diabolique ? Les quatre évoluent dans
un carré de craie très brechtien. Au
lointain, deux fenêtres donnent sur un
paysage sauvage ; côté jardin, une
petite maison de bois répète celle des
musiciens. La scénographie est à l’image
du texte, simple et métaphorique, d’une
riche sobriété. Les acteurs sont remarquables : Laurent Ziserman dans
l’exaltation névrotique, Nicole Choukroun
avec barbe et bedaine postiches,
Catherine Germain, d’une impressionnante évanescence et Stephan
Pastor, sublime en altiste qui «joue
pour tenir debout.»
Et puis, il y a la musique de Beethoven,
que les comédiens parviennent, sur
leurs instruments allusifs, à communiquer comme étant la leur. Alors tant
pis si certains passages semblent
longs, et le dénouement trop abrupt.
Le jeu en vaut la chandelle.
FRED ROBERT
Le dernier quatuor d’un homme sourd
Jusqu’au 22 fev
Le dernier quatuor d'un homme seul © Christophe Raynaud de Lage
l’Odéon propose quatre pièces de
Barker, dont Gertrude (Le Cri). Au vu
de cette dernière, Massalia peut se féliciter d’avoir programmé le spectacle
créé par Nathalie Garraud et Olivier
Saccomano, qui l’emporte nettement
en émotion et vérité.
CHRIS BOURGUE
Ursule a été joué au Massalia
du 20 au 31 janv
À venir au Massalia
Un double programme très
chargé qui promet un mois
de plaisirs à tous les âges de
la vie.
L’Entreprise continue son occupation des locaux : rien de mieux
pour se faire entendre que de
tenir un siège !
Avec La Table du fond, du 24 au 28
fév, une très jolie pièce qui se déroule dans une salle de classe dont
vous êtes les élèves, et où l’on raconte l’histoire d’un enfant qui a
découvert la joie de la connaissance, et ne rentre plus chez lui ;
puis avec Silence, 2e épisode qu’on
peut voir indépendamment du premier, Madame Salin retrouvera son
fils, du 3 au 12 mars. Et les deux
pièces seront données en intégralité du 6 au 14 mars.
Mais d’autres compagnies occupent également la place
Arketal et ses marionnettes poétiques ouvrent la voie du ciel : À
demain ou la route des 6 ciels, du 17
au 21 fév, qui propose de s’élever
en six stations successives…
Le Vélo Théâtre et son théâtre
d’objet s’est associé à la Cie Belge
Kopergietery de Gent, qui fait plutôt dans la danse-théâtre, pour
proposer, en associant les langues
française et flamande, une création
sur les premières fois, la lenteur, la
blancheur, la poésie simple, la neige.
Première neige, à voir dès 4 ans, au
Massalia du 13 au 17 mars, où ils
joueront pour la première fois en
France après une longue tournée
en Belgique et Pays Bas, avant
d’écumer toute notre région à partir
de fin mars… Ils passeront près de
chez vous : nous y reviendrons !
Théâtre Massalia
04 95 04 95 70
http://massalia.lafriche.org
Plein Feu sur
l’adolescence !
L’Albatros © X-D.R.
La Compagnie La Cité et le Théâtre de la Mer ont axé leur
travail sur le vécu des adolescents restituant une Parole qui
questionne les adultes. Chacun à sa manière !
La Cité, Maison de Théâtre, a travaillé
durant 2 ans sur la préparation de
Nous ne nous étions jamais rencontrés.
L’aventure a commencé par des stages
proposés à des ados d’origine et de
quartiers différents (voir Zib 14). Du
quotidien au rêve, d’écoute en confidence, les relations ont abouti à une
véritable passation, les comédiens prenant au corps les rôles de cinq ados,
les rencontrant souvent, entrant dans
leur intimité.
Le spectacle créé par Michel André
et Florence Lloret présente cinq
comédiens dont l’un, Henry Valencia,
incarne Chloé avec, donc, la double difficulté de jouer l’ado et la fille ! Patrick
Servius, danseur, donne corps au malêtre de Nicolas. Ce dernier, rencontré
après le spectacle, reconnaît que cette
expérience l’a aidé à accepter son
homosexualité et à avancer. C’est d’ailleurs cet aspect qui touche le plus et
emporte l’adhésion du spectateur, même
si le spectacle manque parfois de rythme. Josette Lanlois qui donne vie à
Belinda est très crédible tout comme
Karine Fourcy en Marion. Un spectacle
qui touche et soulèvera beaucoup de
discussions parmi les jeunes spectateurs : voir p 76 ce qu’en pensent nos
Zibulons !
La belle fable
Akel Akian a créé Albatros, texte d’un
auteur qui lui est cher : Fabrice Melquiot,
un de ces écrivains qui parlent à
l’enfance avec la même gravité, la
même émotion qu’aux adultes (voir
p14). La pièce met en scène deux
jeunes ados, Casper (Pascal Rozand),
12 ans, et Tite Pièce (Marine ChabotVercellino), 10 ans, tous deux
malmenés par la vie et leurs parents.
Ils se sont rencontrés un jour qu’ils
erraient en regardant passer les
voitures et les hommes en noir. Un lien
très fort est né qu’ils n’osent pas
nommer ; ils se cherchent et se retrouvent pour tuer l’ennui et rêver au
jour où ils seront «quelqu’un» comme
ils disent ! Très beau moment que ce
dialogue où alternent les jeux d’enfants, les moqueries et les réflexions
plus sérieuses, soutenu par le jeu d’une
grande spontanéité des deux comédiens. La suite fait intervenir un génie,
un coureur à pieds et un SDF, et l’on
est un peu moins convaincu par le
déroulement de la fable qui s’étire en
détails. Cependant le dénouement surprend et bouleverse, l’émotion saisit :
ça n’est pas drôle d’être jeune dans les
quartiers avec des «ailes de géant (qui)
empêchent de marcher» !
CHRIS BOURGUE
Nous ne nous étions jamais
rencontrés
La Cité Maison de Théâtre,
jusqu’au 21 février
04 91 53 95 61
www.maisondetheatre.com
Albatros s’est joué
au Centre Culturel Busserine
du 27 au 31 janvier
Il sera repris au Théâtre du Golfe
à La Ciotat le 17 avril (à 14h30
et 18h30)
04 42 08 92 87
www.laciotat.com/Theatres
14
THÉÂTRE
MARTIGUES | CAVAILLON | GRASSE | GYMNASE | GYPTIS
Tu seras un homme mon fils
Un mot sur Pinocchio, dont on a déjà beaucoup parlé.
La mise en scène de Pommerat est sublime. Par la
singularité de ses procédés cinématographiques, de
ses jeux de voiles et de masques, d’illusions, d’échos;
par le talent immense de ses comédiens polymorphes, l’incroyable bateleur endossant une inhumaine
quantité de rôles, et le pantin gouaillant avec une
naïveté rigide de sale gosse… Mais sans doute n’a-ton pas assez souligné l’intelligence de la réécriture.
Elle ancre le récit de Collodi dans notre actualité,
brossant le portrait d’un gamin exigeant, velléitaire,
agité, attiré par les plaisirs faciles et les mondes
virtuels : un gamin qui ressemble à ceux que notre
société d’ex-abondance fabrique, tiraillés entre leurs
besoins ancrés de consommation, et la frustration
des devenus pauvres. Pommerat transforme ainsi le
récit édifiant de Collodi, écrit pour inciter la classe
populaire au travail, à la tempérance, à la soumission,
et au renoncement aux plaisirs (Walt Disney ne s’y
est pas trompé) en un conte à la morale acceptable…
Beau travail d’écrivain !
© Elisabeth Carecchio
Pinocchio a été joué au Gymnase du 4 au 7 fév,
aux Salins le 18 fev, à Cavaillon les 30 et 31 janv
Théâtre de Grasse (06)
du 11 au 13 mars
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
Le Bourgeois
du Voyage
Philippe Car, fondateur avec Patrick Pons des
Cartouns Sardines, a créé depuis 2007 l’Agence de
Voyage Imaginaire avec une partie de la troupe et
s’apprête à mettre sur les planches leur première
création. On sait qu’il ne manque pas de talent, celui
qui naît du décalage systématique qu’il imprime à la
représentation, comme dans un théâtre qui n’aurait
pas quitté les tréteaux. Son Bourgeois gentilhomme
sera donc une marionnette, ce qui reste la façon la
plus simple de ne pas incarner, au sens propre, le
personnage. Il est à parier qu’il sera drôle, populaire,
musical, et donnera des clefs nouvelles pour comprendre ce roturier ridicule qui se prend pour un noble
et ne sait rester à la place où il est né. Car cet objet
de la risée générale est un double comique du
Dandin, qui ressemblait tant à Molière…
A.F.
Le Bourgeois Gentilhomme
Théâtre du Gymnase
du 12 au 21 mars
0820 000 422
www.lestheatres.net
A.F.
Têtu comme un baudet
L’art de la Cie du Centaure est difficile, et aléatoire, et
dresser un âne relève de la gageure… David Mandineau est un extraordinaire Otto Witte, parce qu’il en
fait une créature hybride à quatre yeux et deux corps:
ce personnage de magicien aventurier qui fut cinq
jours Roi d’Albanie était trop immense pour un seul
corps, et trop têtu, inculte, filou, pour s’incarner en
Centaure de cheval. Il fallait un Baudet, Fabrice
Melquiot l’a bien compris qui a écrit pour lui : Koko
Bottom aux yeux de biche, le plus beau de tous les
baudets à poil longs du Poitou, forme avec son cavalier à dreadlocks un nouveau centaure populaire.
Otto Witte © Agnes Mellon
Théâtre de Grasse (06)
les 2 et 3 avril
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
De comédie…
Ceci dit l’affaire n’est pas mince. Il ne s’agit pas ici,
comme dans Cargo la précédente création de Camille
et Manolo, d’emmener vers le rêve altier, le mythe
d’une hybridité féconde. Il ne s’agit pas de dresser
un cheval et de mettre sa beauté au pas. Là il faut
faire le clown, jouer en duo avec un âne qui, naturellement, ne se laisse pas faire… David Mandineau a
de la ressource, et sait faire rire des entêtements de
Koko, qui ne veut pas aller à terre. Mais on sent bien
qu’on y perd quelques jolies scènes, à ce jeu-là.
Car le texte de Melquiot, une fois de plus, s’avère délicieux. Parce qu’il emmène vers l’aventure, invente un
personnage fascinant, mais aussi parce qu’incidemment, sans y toucher, il interroge le destin, les finalités
de nos actes, ce que nous sommes prêts à risquer…
Alors qu’importe si le soir de la première le baudet
fut récalcitrant : on sait qu’un autre jour il se laissera
faire, et que la fusion produira des images magiques,
drôles, touchantes. Parce que tous les ingrédients
sont là pour que ça marche. Même le caractère du
délicieux baudet !
A.F.
Otto Witte
Fabrice Melquiot
Cie du Centaure
Théâtre du Gymnase
Jusqu’au 21 fév
0 820 000 422
www.lestheatres.net
Scène Nationale de Cavaillon (84)
Les 10 et 11 mars
04 90 78 64 60
www.theatredecavaillon.com
Théâtre La Colonne – Miramas
le 7 avril 2009
04 90 50 14 74
www.scenesetcines.fr
Crépuscule
Jacques Hansen réunit quelques-uns uns des
comédiens qui ont marqué ces dernières années les
planches marseillaises : Françoise Chatôt,
Stéphanie Fatout, Richard Martin, Philippe
Séjourné, Andonis Vouyoucas seront ensemble
sur la scène du Gyptis, pour y jouer… Sunset
Boulevard ! Le film mythique de Billy Wilder est
effectivement un huis clos -ce qui lui confère une
certaine théâtralité- et parle bien sûr du métier
d’acteur, hollywoodien, et des murs odieux qui
s’érigent dans ce métier lorsqu’on y prend de l’âge.
Cela s’appelle Gloria. Comme Swanson, bien sûr !
A.F.
Gloria
d’après Sunset Boulevard
mes Jacques Hansen
Théâtre du Gyptis
du 10 au 21 mars
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
Je hais le théâââtre
Mettre en scène le texte d’Elfriede
Jelinek, Désir et permis de conduire,
est un drôle de pari. L’auteur y énonce
son refus du jeu, à plusieurs reprises,
sa haine de la représentation, du corps
qui fait semblant d’être un autre corps,
du simulacre. Du personnage aussi, de
la mimesis. Elle y préfère la personne,
la présence, l’être là. Comment représenter de telles paroles, fortes, violentes
par instants mais qui, d’une part, n’ont
pas besoin d’être mises en scène (au
sens littéral), d’autre part disent sans
cesse le refus du jeu ?
Je voudrais être légère est en fait une
réponse au pamphlet de Jelinek. Un
impromptu en quelque sorte, qui sert
de déclaration esthétique, de poétique,
aux trois acteurs/metteur en scène
du texte. Oui, la réponse est bien la
légèreté. Loin de la lourdeur didactique
de certaines déclarations d’intention
esthétique, Alain Fourneau choisit
effectivement la suggestion. Pas le
minimalisme : les choses sont dites,
éclairées, comprises. Elles ne sont ni
assénées, ni escamotées, ni mimées
bien sûr, ni contredites. Elles ont juste
le poids qu’il faut.
Carol Vanni danse dans la lumière,
ses cheveux laissent des traînées de
poudre rouge, elle dit les mots sans
chercher à leur ajouter du sens, de
l’émotion, elle dit les mots pour qu’ils
soient entendus, compris, et que
l’image ténue qu’elle pose là reste dans
nos rétines. La marionnette qu’elle manipule parfois, avec Elisabetta Sbiroli
qui, elle, contredit le texte en le surchargeant (volontairement ?), ne sert à
rien, n’incarne rien, sort de son sac et
y replonge, manipulée, apparaissant
lorsqu’il est question de ce que l’on
montre, ce que l’on est, des masques
qu’il faut arracher des visages des
acteurs.
Et on se rend compte que le théâtre
peut exister sans sublimation, sans
cérémonie, sans déguisement, sans
masque. Qu’on peut simplement, légèrement, poser quelques paroles là.
Quelques gestes, dans un fragile équilibre, qui aident à comprendre ce qui est
évoqué, sans le représenter.
Une belle leçon de théâtre. D’un certain théâtre du moins. Même si on peut
se demander que faire après ce presque rien… sinon relire encore Jelinek.
Mais ses romans, plutôt que ses
pièces ?
AGNÈS FRESCHEL
Je voudrais être légère a été joué
aux Bernardines du 10 au 14 fev
À venir aux Bernardines
Please… kill me, une performance
d’Isabelle Cavoit la danseuse et
Thomas Fourneau, qui aime à
manipuler les sons, les corps et les
images. Jusqu’au 22 fev
Théâtre des
Bernardines
04 91 24 30 40
www.theatrebernardines.org
je voudrais etre legere
© Pierre Palmi
16
THÉÂTRE
LENCHE | MONTÉVIDÉO | AUBAGNE | TOURSKY
Vois là
La cuisse
du rugbyman
Vice-Versa © X-D.R
Vice-Versa est l’adaptation d’un roman de Will
Self, Cock and Bull, où un homme se découvre
un jour une drôle de plaie sur la cuisse, qui se
révèle être… l’entrée d’un vagin. Jupiter déjà
enfantait par la cuisse, mais cet hermaphrodite
d’un nouveau… genre va se poser d’autres types
de questions. Le récit de Will Self, sorte de
métamorphose kafkaïenne émancipée des
tabous sexuels, est farfelu et drôle, et c’est cet esprit de farce que le Collectif Ildi!
Eldi, emmené par Sophie Cattani et François Sabourin, veut retrouver. Une
création donc, après adaptation, dans l’espace accueillant de Montévidéo.
A.F.
Vice-Versa © X-D.R
Vice-Versa
Will Self
Adaptation et mes Sophie Cattani
et François Sabourin
Du 17 au 25 fev
04 91 37 97 35
www.montevideo-marseille.com
La Mouette © X-D.R
«Beaucoup de conversations sur la littérature, peu d’action, une tonne d’amour…»
L’auteur parle ainsi de sa «Mouette»
dont la première eut lieu, dans l’incompréhension générale, le 17 décembre
1898 au Théâtre d’ Art. Alors risquons
une hypothèse un peu sotte : et si la
«première» ne convenait pas au théâtre
de Tchékhov qui a besoin de patine
dans le jeu, sur les mots, de la douce
usure qui fait la musique de l’âme ?
C’est un peu ce que semblait suggérer,
le soir du 10 fév, la 6e création de
L’Egrégore autour de l’auteur russe,
vue dans ces conditions au théâtre de
Lenche : ici chaque acteur dit, un peu
raide, son texte (adaptation d’Ivan
Romeuf, ellipses et temps avalé,
pourquoi pas ?) et applique le sens sur
l’autre qui répond courtoisement
comme l’on doit faire entre gens de
bonne compagnie. Tout est en place
pour que l’action se passe et deux
années aussi, et les deux rangées de
25 spectateurs retiennent leur souffle
et suivent du regard la balançoire qui
jette l’espace un coup en avant, un
coup en arrière entre les rideaux rouges
de Nina et la vie des autres, entre pourquoi et à quoi bon...
Sans doute. Mais le désœuvrement,
le vague ou l’empêchement... où sontils ? Dans le jeu trop concentré des
acteurs, qui isole chaque personnage
(dans cet espace, le nez sur le public,
comment oublier qu’il ne faut pas se
prendre les pieds dans les tapis surtout) ? Dans les cordes tendues du oud
de Tarek Abdallah (les mouettes
tombent-elles aussi sur les bords de la
Mer Noire) ? Il manque quelque chose
comme un petit rien qui enlèverait
juste un brin de sens, pour alléger le
tout. Mais «voilà, c’est un théâtre et on
La Mouette © X-D.R
ouvrira le rideau tous les soirs...».
Demain sera plus vif sans doute que la
première. Et au Comœdia, et par la
suite, dans d’autres espaces, tout
changera encore… Allez-y voir !
MARIE-JO DHÔ
La Mouette
Tchékhov
Traduction, adaptation, mise en scène
d’Ivan Romeuf
Du 10 au 28 fév
Friche du Panier
Théâtre de Lenche
04 91 91 52 52
www.theatredelenche.info
Théâtre Comœdia, Aubagne
Le 13 mars
04 42 18 19 88
www.aubagne.com
À venir au Lenche
Mars en musique prend ses quartiers
désormais réguliers dans les trois
espaces du théâtre de Lenche. Une
programmation qui allie concerts,
spectacles musicaux et chansons (voir
p 44).
Revizor sartrien
Nekrassov © Lot
La pièce de Jean-Paul Sartre, Nekrassov, est fondée sur le quiproquo
volontaire, entretenu, d’un personnage
politique connu, transfuge de l’Urss,
joué par un escroc international. Bien
sûr, on y retrouve l’éternel thème de
l’acteur, «hypocritès» (en Grec). Il y a
surtout un Sartre qui règle ses comptes
avec un PC qui le tente, mais pour qui
il est le «rat visqueux»… avec la presse
aussi, ses journalistes qui ne cherchent
d’information que celle du titre qui fait
vendre, des directeurs pleutres, versatiles, intéressés, inféodés au pouvoir en
place… avec les différents services de
police qui se paralysent, inefficaces...
La pièce, seule comédie de Sartre,
n’échappe pas à ses habituelles lourdeurs, mais, par la grâce de la mise en
scène de Jean-Paul Tribout, la verve
des acteurs, la force comique de la
pièce est décuplée. Il emprunte à la
BD, aux stéréotypes du polar…
Secrétaire blonde à souhait, rédacteur
survolté, policier désabusé… sans
oublier un petit clin d’œil à Beckett
aussi avec ses clochards burlesques. Il
serait injuste de ne pas rappeler le
morceau de bravoure de la bataille en
gestes ralentis, fort bien maîtrisée ! Et
l’intelligence des décors qui se modulent au rythme des scènes, de la bande
son, des extraits radiophoniques
toujours appropriés. Une réussite !
MARYVONNE COLOMBANI
Nekrassov a été joué
au Toursky
les 13 et 14 fév
À venir au Toursky
C’est le temps du festival russe ! Avec
ses cabarets festifs, sa semaine de
cinéma du 10 au 14 mars (voir page
45) son concert de piano russe (voir
page 38) et… son spectacle. C’est Piotr
Fomenko, grand metteur en scène
russe, maître incontesté d’une école
incontestable, qui s’attaque au Journal
d’un fou. Le célèbre récit de Gogol,
écrit comme le journal du fonctionnaire
Poprichtchine, plonge le lecteur dans
l’installation progressive, paranoïaque,
d’une obsession amoureuse qui le
conduira à l’internement, rendu de
l’intérieur, dans son cheminement graduel, introduisant le lecteur dans les
méandres d’une pensée qui perd le fil
d’elle-même. Anatoli Goriatchev,
seul en scène, incarne Poprichtchine
et son lent enlisement, décalé, puis
progressivement déraisonnable, et
finalement criant de douleur et de
déraison…
Le journal d’un fou
D’après Gogol
mes Piotr Fomenko
du 20 au 22 mars
0820 300 033
www.toursky.org
Piotr Fomenko © Desingel edited
18
THÉÂTRE
JEU DE PAUME | 3BISF
Consciences criminelles
Au Jeu de Paume les deux dernières
pièces mettaient en scène un pédophile
et un assassin. Pour deux moments forts
Nadia Xerri-L © Elie Jorand
Couteau de nuit
Trois minutes de vie. Juste avant l’ouverture d’un procès pour
homicide. Trois minutes de pensée simplement, où chacun
se raconte, tout se dénoue, où l’essentiel semble sur le point
d’être avoué. Non comme on confesse un crime, mais
comme on plonge dans la vérité. Couteau de nuit nous mène
jusqu’aux portes de l’aveu, de la salle d’audience, du procès.
Mais aussi jusqu’aux portes de la conscience de chacun,
jusqu’au moment où les âmes se déboutonnent, pour dire la
douleur, le pardon, le désir, la culpabilité qui ronge les
parents de l’assassin, le désir de mort qui hante le frère de
la victime. Car il est question d’un meurtre, perpétré la nuit,
dans une rue sombre après une rixe, lors d’une nuit de fête
triste et d’ivresses faciles.
La pièce de Nadia Xerri-L est magnifiquement écrite :
rigoureuse dans ses choix énonciatifs -une succession de
monologues adressés au public, ou à un personnage-, elle
construit une progression dramatique époustouflante de
lisibilité, et de suspense. Son écriture scénique est tout aussi
remarquable -elle a mis en scène son texte elle-même. Le
décor mat, noir, symétrique, ne laisse voir que l’essentiel,
les personnages qui sont là et se battent avec leurs douleurs.
Quant aux comédiens, ce sont eux qui portent toute la chair
de cette histoire noire, où seule la douleur peut servir de
rédemption. Car tous sont coupables, d’avoir mal aimé,
abandonné, assassiné, désiré avec trop de force, ou trop
d’obscénité. Sans renvoyer dos à dos assassin et victime
l’écriture laisse une chance à chacun de renouer avec son
humanité, simplement en explorant sa conscience. Ils sont
bouleversants, durant deux heures qui passent aussi vite que
les 3 minutes diégétiques.
Blackbird
Blackbird est d’une écriture plus facile, moins virtuose, plus
réaliste et convenue. Il n’en reste pas moins que le duo
formé par Léa Drucker et Maurice Bénichou offre un
moment de théâtre d’une grande intensité émotionnelle.
Parce que les deux comédiens sont étonnamment justes
-retenus, puis éclatants de colère, d’amour non dit ou de
douleur-, et parce que la pièce amène à un endroit imprévu,
franchement dérangeant pour la morale commune et les
règles sociales. Car, on le comprend vite, il ne s’agit pas
Claudia Stavisky © Christian Ganet
d’une affaire de pédophilie mais d’une histoire d’amour entre
une adolescente entreprenante et un homme débordé par
cette passion qui l’anime. Elle l’a poursuivi, allumé comme
une Lolita en mal d’amour parental, et le poursuit encore
alors qu’il purgé sa peine, l’a effacée de sa vie, a vieilli, s’est
rangé, et cherche sans cesse à la repousser comme il aurait
dû le faire 15 ans plus tôt, quand elle avait 12 ans…
L’histoire d’amour racontée est belle, émouvante, et sonne
vrai, parce que tout ce qui y apparaît comme sale, pervers,
répréhensible, vient du regard des autres. Reste que la pièce
semble justifier, prudemment, en cas d’amour et de consentement mutuel, les relations sexuelles avec une mineure
amoureuse. C’est troublant, comme La Drôlesse de Doillon,
ou le Lemon Incest de Gainsbourg…
AGNÈS FRESCHEL
Couteau de Nuit a été joué au Jeu de Paume
du 29 au 31 janv, et Blackbird du 10 au 14 fév
À venir au jeu de Paume
Les Trois jours de la queue du dragon, un spectacle jeune
public écrit, mis en scène et en notes par Jacques
Rebotier, cisailleur musical des mots, oulipien amateur,
comme il se doit (les professionnels sont proscrits). Un
exposé sonore qui rappelle à chacun que la langue se parle,
sonne, et que les bruits ont des sens. Cinq ? Les 19 et 20 fev.
La chance de ma vie est un kaléidoscope de textes
contemporains, de Melquiot à Rémi De Vos. De ceux que
les jeunes acteurs choisissent pour passer une audition…
celle, primordiale, qui peut leur donner leur premier rôle…
Valérie Grail met en abyme le jeu d’acteurs en le
transformant un enjeu primordial… du 10 au 14 mars.
Théâtre du Jeu de Paume
0 820 000 422
www.lestheatres.net
Métissons
ensemble
«Le métissage est une proposition, être
noir est une position politique»… Claudia
Shapira, chorégraphe brésilienne, pose
en d’autres termes la question posée
autrefois par les écrivains de la négritude, et ceux qui refusèrent ensuite ce
terme. Eva Doumbia, Française et
Ivoirienne, travaille donc avec ses danseurs de hip hop brésiliens, pour faire
toucher du doigt le métissage. Que
peut-on en dire d’ailleurs aujourd’hui,
alors que chacun se réjouit que le président américain soit noir, même s’il
est tout autant blanc…
Le travail commun des deux femmes,
le métissage de leurs arts et de leurs
compagnies, sera présenté au 3bisf:
une première étape d’un travail soutenu également par les Bernardines et le
Merlan.
A.F.
Je t’écris… le métissage ne s’arrête-t-il
pas où commence l’oubli (du voyage)
Eva Doumbia et Claudia Shapira
3bis F (Aix)
le 27 fev à 15h et 19h
04 42 16 17 75
www.3bisf.org
VITEZ (AIX) | GTP
THÉÂTRE
19
Poncifs de la jouissance
La chambre d'Isabella © Eveline Vanassche
«We just go on». La Chambre d’Isabella commence et finit
par ces mots, repris en ritournelle, énoncé d’un principe
de vie auquel il faudrait céder, sans s’arrêter
à la douleur ou à la faute…
En 2005, quand fut créé le spectacle
au Festival d’Avignon, au Théâtre de la
Ville, au Festival de Marseille, qu’il fut
récompensé par de nombreux prix internationaux… il était presque impossible
de dire, d’écrire, à quel point son esprit
nous paraissait malsain. Non parce qu’il
prône la jouissance et la liberté, et se
centre sur un personnage de femme
forte, mais parce qu’au passage il outrepasse quelques nécessaires garde-fou…
Premier poncif : le noir au gros pénis,
bon reproducteur, dont on admire la
puissance et la faculté d’éjaculer en
public. Et qui s’appelle Vendredi, en
plus, le bon sauvage.
Second poncif : Arthur qui viole la femme qu’il désire, abandonne l’enfant né
de cette union, et auquel on reproche
ne pas avoir su continuer à vivre (we
just go on) avec la conscience de sa
faute. D’avoir menti, pas d’avoir violé.
Troisième : toujours à propos du désir.
Isabella, 70 ans, offre un gâteau d’anniversaire à son petit fils qui en a 16 et en
profite pour le dépuceler, jouir de lui,
et en faire son amant régulier.
Quatrième : Alexandre le bel aventurier
se retrouve à Hiroshima juste après la
bombe et, perdu, éclate la tête d’une
blessée qui a peur de sa chevelure
blonde.
Liberté ?
Outrepasser les censures sexuelles,
lorsqu’elles sont fondés sur des préjugés, est évidemment une bonne chose.
Mais prôner l’inceste avec son petit-fils
mineur et vierge, trimballer des poncifs
sur les Noirs et excuser le viol sous prétexte d’un désir trop grand n’est pas un
signe de liberté, mais d’absence de
surmoi structurant. Tout comme le fait
de tuer pour supporter l’horreur de la
guerre…
L’affirmation du désir comme unique
principe de vie (we just go on) est un des
pires avatars d’une philosophie qui
confond la liberté avec la satisfaction
immédiate. Illusion que tout élève de
terminale sait lever, et que tout parent
conséquent combat. L’affirmation de la
nécessité des interdits n’est pas réactionnaire, et nul n’a le droit de placer son
Tu l’as connue Louba ?…
C’est à coups de petites phrases comme
ça, questionnements minuscules et invitations à tendre l’oreille, que le grand
jeune homme sympathique avec sa
guitare électrique flambant rouge bien
au milieu du halo, nous balade doucement une petite heure durant, dans les
marges de l’Histoire ou ses résidus des
années 80... Ni Pérec ni Perret, David
Lescot se souvient de ses colonies de
vacances et nous livre avec beaucoup
de tact ces moments rien qu’à lui et
pas qu’à.... Faut dire que sa colo c’était
la CCE, la Commission (voir Comité)
Centrale (vous y êtes !) de L’Enfance
(nous y sommes...) créée à la Libération
pour accueillir les enfants de disparus
juifs et communistes, active jusqu’en
1985.
Ah ! l’heureux temps de l’après-guerre
où l’on croyait à gorge déployée à la
Paix éternelle ! Chansons, chansons…
Sans nostalgie, sans ironie , en demiteinte et avec une fragilité mesurée,
David Lescot nous distille son chabada
des centres de vacances ; du bout des
lèvres il chantonne des hymnes plombants avec grâce et désinvolture (L’étoile
claire de Staline montre la voie ou Buvons
au grand Maurice), cherche le mot juste,
hésite parfois légèrement, dialogue
avec lui-même et maîtrise le naturel
attendu d’un aède du tout venant ; de
jolis moments où la poésie pointe son
nez (ah ! la litanie cantonale des sites
d’implantation... pas Péguy non plus,
mais pas loin... et l’aimable méditation
sur le pouvoir énergétique des mots en
o –Tornado, Dynamo- prisés par les
régimes de l’Est !), d’autres moins inspirés mais toujours irrigués par les petits
ruisseaux de l’expérience collective et
de l’éveil individuel. En fait, on aurait
bien aimé connaître Louba nous aussi!
MARIE-JO DHÔ
La Commission Centrale de l’Enfance
a été donné au Théâtre Vitez
le 11 février
À venir au Théâtre Vitez
Après Renaud-Marie Leblanc qui a mis
en scène les étudiants dans la Surprise
de l’amour de Marivaux, Nanouk Broche reprend la flamme et monte avec
eux une pièce de Martin Crimp. Personne ne voit la vidéo est l’histoire
d’une sondée qui devient sondeuse et
adopte, comme malgré elle, les principes manipulateurs et inquisiteurs des
propre désir au-dessus du bien commun.
Pourquoi alors le succès de La Chambre d’Isabella ? Formellement, quelque
chose de nouveau et d’assez abouti
s’affirma là, en 2005. Dans le
croisement des genres : même si ni la
musique, ni la danse, ni la vidéo, ni la
scénographie ne sont extraordinaires,
leur concomitance, dans un spectacle
de théâtre où le texte aussi importe,
arrivait pour la première fois sur de
grandes scènes et de grands festivals.
Viviane de Muynck aussi, la comédienne, possède indéniablement un
talent peu commun. Et puis la Chambre
d’Isabella bousculait les règles, donnait
des idées, des pistes, ouvrait grand des
portes formelles jusque là simplement
entrouvertes. Vertus d’un spectacle qui
a fait date mais qui aujourd’hui, à peine
5 ans après, fait sacrément daté…
AGNÈS FRESCHEL
La Chambre d’Isabella
de Jan Lauwers
a été joué au GTP
les 13 et 14 fév
La commission centrale © X-D.R
enquêteurs, inconscients de leurs présupposés et sadiques cependant… du
3 au 7 mars.
Les ATP continuent de s’associer à la
programmation du Vitez en proposant
Main dans la main, une pièce de Sofia
Fredén (voir p 9). les 17 et 18 mars.
Théâtre Vitez
Fac de lettres, Aix
04 42 59 94 37
http://theatre-vitez.com
20
THÉÂTRE
MARTIGUES | CHÂTEAU-ARNOUX | GRASSE
Remue méninges
Les Cameleons d'Achille © Didier Pallages
Mêlant étroitement théâtre et cinéma,
les Cartoun Sardines transforment
certains chef-d’œuvres du cinéma
muet en se réappropriant les images
et la musique, rajoutant la voix comme
un élément de décor révélateur. Ainsi
Lulu, le film de Pabst qui était à
l’origine une pièce de Wedekind, s’en
trouve vivifié. Histoire de l’incroyable
ascension sociale d’une danseuse,
cruelle séductrice, puis sa déchéance
après avoir commis un meurtre jusqu’à
sa fin sordide au terme d’une épopée
décadente… Associant et opposant
l’image et le vivant, Patrick Ponce et
Dominique Sicilia jouent avec Louise
Brooks et les divers protagonistes du
film, en même temps ou de façon
légèrement décalée, se glissant entre
la pellicule et les spectateurs comme
pour démultiplier les points de vue, et
enrichir le spectacle.
Changement de décor avec le retour
de l’ineffable duo Corinne et Gilles
Benizio au sein de la troupe des
Achille Tonic. Le temps d’une pause
avec leurs personnages Shirley & Dino,
le couple d’humoristes renoue avec
ses débuts et crée Les Caméléons
d’Achille. Bric à brac théâtral et musical, ce grand divertissement rend
hommage, sous forme de sketchs dans
un esprit music hall, à quelques classiques, de Molière à Shakespeare, en
passant par Le Petit chaperon rouge…
Enfin, fidèle à la salle martégale, Catherine
Marnas offrira une soirée surprise trois
soirs d’affilé, un rendez-vous de gourmets curieux de découvertes… lors
d’une carte blanche offerte par les Salins,
où l’on pourra retrouver des réminiscences de son répertoire, et quelques
petites formes actuellement sur le feu
des comédiens de sa compagnie…
DOMINIQUE MARÇON
Lulu
Cartoun Sardines
Le 20 fév
Les Caméléons d’Achille
Achille Tonic
Les 13 et 14 mars
N’ayez
pas peur !
Subversion et drôlerie
Les habitudes télévisuelles, et les addictions qui en
découlent, sont au cœur du spectacle écrit par
Philippe Dorin et mis en scène par Ismaïl Safwan,
avec la cie Flash Marionnettes. Les Enchaînés est un
pamphlet jubilatoire contre la télévision, une
succession de scènes qui démontent, dans un
langage cru et original, la manipulation des esprits.
Loin de mépriser l’objet du délit, le texte de Philippe
Dorin le détourne, le contourne, jouant des mots
selon les situations, un peu comme dans un théâtre
de Guignol qui retrouverait sa vision cinglante et sa
force subversive
Un type dans le genre de Napoléon regroupe quatre
pièces en un acte de Sacha Guitry. Outre celle-ci,
Carte blanche à Catherine Marnas
du 18 au 20 mars
Théâtre des Salins
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Une lettre bien tapée, Une paire de gifle et L’école du
mensonge forment un spectacle mis en scène par
Bernard Murat. Gaieté et drôlerie sont au rendezvous de ces quatre histoires savoureuses : un homme
se prend pour Napoléon avec les femmes, un mari
cocu arbitre sans le savoir une paire de gifle entre sa
femme et l’amant de celle-ci, un voyageur se laisse
séduire par une dactylo très entreprenante et un
professeur de mensonges qui fait passer une audition
à deux comédiennes…
DO.M.
Les Enchaînés
Philippe Dorin
Le 18 mars
Les enchaines © Henri Parent
Un type dans le genre
de Napoléon
mes Bernard Murat
Les 19 et 20 mars
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
Les Trois petits cochons, tout le monde
connaît… Et le loup, indispensable
comparse, titillant la peur, l’instillant,
puis se retirant pour mieux revenir…
S’appuyant sur la structure de ce
conte, François Chaffin, à l’écriture,
et Valérie Dassonville, à la mise en
scène, évoquent les postures
stratégiques mises en place face à la
peur du loup. Avec un loup qui lui n’a
pas peur, et trois cochons qui chacun
à sa manière rejette son existence : un
flambeur qui connaîtra la faillite, un
mystique qui se cache derrière sa foi
comme derrière une barricade, et le roi
des Médias qui ne croit que ce que
cadre sa caméra. C’est avec une
grande sensibilité que La gueule du
loup aborde les thèmes de la mort, de
la peur, et plus largement de la vie, et
des efforts de chacun pour faire avec.
Avec les loups et les peurs qu’ils
engendrent.
DO. M.
La gueule du loup
De François Chaffin
Le 18 mars
Théâtre Durance (Château-ArnouxSaint-Aubin)
04 92 64 27 34
www.theatredurance.com
DRAGUIGNAN | PERTUIS | GAP | BRIANÇON
THÉÂTRE
21
Comme un miroir
Maris jaloux, femmes soupçonneuses, billets parfumés, tenanciers roublards… Les ingrédients sont bien
ceux de Feydeau, La Puce à l’oreille précisément,
pièce à laquelle Paul Golub, dans sa mise en scène,
apporte une dimension quasi hollywoodienne, la
comparant aux plus grands chef-d’œuvres cinématographiques américains. Du désir omniprésent,
jusqu’à l’obsessionnelle domination des signes extérieurs et de l’argent, Feydeau dissèque la société
bourgeoise du Second empire qui n’est pas sans
rappeler la nôtre… Paul Golub inscrit d’ailleurs le
vaudeville dans une France bien contemporaine, un
lieu «où Groucho Marx rencontre Jacques Lacan.»
Les quatorze comédiens de la cie Théâtre du Volcan
Bleu s’en donnent à cœur joie, jouant avec les quiproquos et malentendus comme avec les nombreux
va-et-vient dans les étages…
DO.M.
La puce à l’oreille
mes Paul Golub
le 10 mars
Théâtre en Dracénie (Draguignan)
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
La puce a l'oreille © Christophe Raynaud de Lage
Plat de résistance
Au fil des mots
Aux prises avec la vie courante © L'employeur
Dans leur cuisine, un homme, une
femme et leur fils préparent une ratatouille. Leur dernière sans doute, car ils
se séparent. Encore Aux prises avec la
vie courante, ils racontent l’amour, puis
les premières traces d’usure, puis la
déliquescence qui freine tout. Longue
liste de situations à deux, qui ne seront
plus que souvenirs. La compagnie
L’Employeur, se délectant des mots
du poète et romancier belge Eugène
Savitzkaya, met en scène l’érosion,
par le biais notamment d’un dispositif
scénique ingénieux, du travail avec des
images vidéo qui montrent l’efface-
ment progressif de cette fin annoncée.
Qui appelle forcément un recommencement, parce que «avoir aimé et ne
plus aimer est ce qu’il y a de pire. Donc,
il faudra que j’aime encore et souvent
et longtemps…»
DO.M.
Aux prises avec la vie courante
mes L’Employeur
le 17 mars
La Passerelle, Gap, 05
04 92 52 52 52
www.ville-gap.fr
Jean-Louis Trintignant ne côtoie pas
que les poètes, la preuve avec cette
mise en scène du Journal de Jules
Renard, une sorte d’échange autour
des mots de l’écrivain. Ils sont quatre Jean-Louis Trintignant, Manuel Durand,
Jean-Louis Bérard et Joëlle Belmonte-,
chacun attablé devant un petit pupitre,
échangeant, sous couvert d’une
discussion, les aphorismes, bons mots
et autres pertinentes remarques de
Jules Renard, sur sa vie et celle de
ses contemporains. Des «dialogues»
qui révèlent l’esprit caustique, tendre
et désabusé de l’écrivain, dans
lesquels surgissent de temps à autre
les saillies actuelles de Jean-Michel
Ribbes, respirations drolatiques et
poétiques qui se fondent dans le décor.
Jean-Louis Trintignant © Brigitte Enguerand
Le Journal de Jules Renard
mes Jean-Louis Trintignant
le 27 fév
Théâtre Municipal de Pertuis
04 90 79 56 37
www.ville-pertuis.fr
DO.M
Fantasmée
Dans les campagnes, aux portes de N’Djamena,
capitale du Tchad, un flux de réfugiés fuit la guerre
civile. C’est là, pendant la débâcle, qu’un professeur
va croiser une de ses élèves, Alice, championne de
basket, dont le corps l’éblouit, surtout ses jambes,
jusqu’au fétichisme. De cette rencontre fortuite va
naître une relation passionnelle, quelques jours
passés hors du temps, jusqu’à ce que la réalité les
rattrape, la guerre, la mémoire de sa femme et de sa
fille qui le tenaille… Séparation : il disparaît, elle vit sa
première déception sentimentale.
Adaptée du magnifique roman de l’écrivain tchadien
Nimrod, Les jambes d’Alice (éd. Actes Sud, 2001), la
pièce de Laurent Vacher restitue la force du récit,
l’intensité de la passion amoureuse qui lit les deux
protagonistes, mais aussi la réalité d’une guerre qui
révèle finalement les sentiments, balaye les repères
et rend l’impossible possible. La réalité sociale reprend ses droits, reste la poésie des êtres, et des
Dernieres nouvelles des jambes d'Alice © Laurent Vacher
corps. Nimrod sera par ailleurs présent le 8 mars
après la projection du film de Mahamat-Saleh Haroun,
Daratt, dont il est le scénariste ; une rencontre qui lui
permettra d’expliquer son travail dans le spectacle
et le film, et, se basant sur son essai La Nouvelle
chose française (éd. Actes Sud, 2008), d’aborder la
problématique de l’écrivain africain de langue
française.
DO.M
Dernières nouvelles des jambes d’Alice
mes Laurent vacher
les 9 et 10 mars
Théâtre Le Cadran, Briançon, 05
04 92 25 52 52
www.ccbrianconnais.fr/theatre_le_cadran.html
22
THÉÂTRE
PORT-DE-BOUC | OUEST PROVENCE | NÎMES
Univers onirique
texte à cinq voix, à cinq doigts plutôt, à
chaque doigt son auteur: C. Laurens, J.
Debernard, M. Glück, L. Gaudé et E.
Darley. Chacun ayant son univers et
son imaginaire, et, bien sûr, son importance dans la main… (les 25 et 26 fév).
DO.M.
Théâtre le Sémaphore
(Port-de-Bouc)
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphoreportdebouc.com
Folle légèreté
Quand Irina Brook s’empare d’un
chef-d’œuvre de Shakespeare, Le Songe
d’une nuit d’été en l’occurrence, ça
donne un spectacle virevoltant, ludique, qui renoue avec l’esprit de fête
des spectacles ambulants, et les jeux
de miroirs baroques qui mettent en
abyme… Lorsque la Compagnie Internationale d’Athènes arrive pour jouer
la pièce, elle est singulièrement am-
putée d’une partie de la troupe, des
décors et des costumes. Qu’à cela
ne tienne ! Une alternative est trouvée,
les six comédiens joueront à eux-seuls
tous les rôles, avec des accessoires
empruntés ici ou là, et avec une belle
énergie. Une adaptation libre mais fidèle,
qui s’adresse autant à l’imagination qu’à
la magie.
En attendant le songe
mes Irina Brook
Le 17 mars
Théâtre la Colonne (Miramas)
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
DO.M.
Nature humaine
Qui a vu les documentaires de Raymond Depardon sait
combien le lien entre les images et le récit est ténu, combien
l’émotion est prenante à la vision de certaines situations
bouleversantes, même d’apparence banale. L’adaptation au
théâtre par Zabou Breitman de deux de ces documentaires, Urgences et Faits divers, donne une dimension réaliste
à ces situations. Son discours indirect («c’est moi qui montre
Depardon qui montre ces gens») leur fait prendre de la
hauteur, tout en renforçant le propos de Depardon qui est de
dévoiler la douleur de gens ordinaires aux prises avec une
violence invisible. Les scènes se succèdent, à l’hôpital ou
au commissariat, dans un décor ingénieux, des cubes mobiles
qui parfois se transforment en miroir reflétant le public/
patient, les gens s’entretiennent qui avec un thérapeute, qui
avec un policier… Au bout de ces récits une évidence : l’amour
que porte Zabou Breitman à ces écorchés, malades ou pas,
simplement égarés, et auxquels son jeu impeccable, ainsi
que celui de Laurent Laffite, apporte une intense humanité.
DOMINIQUE MARÇON
L’œil de l’ornithorynque est un spectacle très sensible de la
cie du Dagor, mis en scène par Sophie Tandel. Thomas
Gornet, qui est l’auteur et qui le joue, campe un jeune garçon
dont on comprend vite qu’il est un peu différent. Perdu dans
sa solitude, l’enfant va raconter son parcours. Enfant de la
DDASS placé en foyer, il s’adresse plus naturellement à ses
peluches qu’aux adultes, ou à un vieil ornithorynque auquel
il s’attache parce qu’il lui a promis une vie meilleure… Sous
ce discours naïf défile le monde de l’enfance, mais aussi la
découverte et l’expérience du monde des adultes. Le 17
mars.
Le Théâtre
04 42 11 01 99
www.scenesetcines.fr
Des gens © X-D.R.
Cie L'Heure du Loup © X-D.R
Les cinq doigts de la main © Alain Chambaretaud
La cie Lardenois sera présente avec
deux spectacles au théâtre le Sémaphore, Excuse-moi bonhomme et Les
cinq doigts de la main. Le premier, sur
des textes inédits de Jean-Pierre
Siméon adaptés et mis en scène par
Dominique Lardenois, est un spectacle
qui illustrera «la musique dans les
idées» et «les idées dans la musique»,
sur fond de décor inspiré des fresques
populaires de Diego De Riviera. Il sera
joué dans un bar de la ville (le 23 fév)
et à l’auditorium du conservatoire (le
24 fév). Le second est constitué d’un
Créations
et fidélité
Nouvelle aventure de la cie L’Heure du
loup, toujours avec Philippe Dorin,
auteur compagnon de route, One, two,
One two three four ! est leur troisième
collaboration. Après la famille dans
Bouge plus ! et un récit de la création
du monde dans Christ sans hache, ce
nouveau spectacle agrandit la troupe autour du thème du travail et de l’argent,
avec dans le fond l’envie de se raconter.
Cinq compères, qui se sont rencontrés
en cours de route, se dirigent vers
Boulogne où ils ont trouvé du travail.
Ne se retournant jamais, ils traversent
bois, montagnes et petites villes, entrent
chez les gens comme ça, ordonnent aux
arbres de leur donner des fruits en
plein hiver, et, cheminant, tombent sur
un mur. Qui ne s’écarte pas de leur
route. Car du boulot il n’y en a pas.
S’en retournant, ils dévasteront tout
sur leur chemin, s’excusant presque
d’être là.
Après Mes jambes, si vous saviez et Je
porte malheur aux femmes mais je ne
porte pas bonheur aux chiens, Bruno
Geslin est de retour au Théâtre de
Nîmes avec Kiss me quick, spectacle
mûrit lors d’une résidence de création
au Théâtre la saison dernière. Trois
strip-teaseuses, de trois générations
différentes, croisent le récit de leurs
destins tout en retraçant l’histoire de
l’érotisme américain, basculé dans la
pornographie au cours des années 70,
le corps devenant un objet de consommation comme un autre. Récit d’une
utopie disparue, celle du strip-tease
burlesque.
DO.M.
Des gens a été joué le 20 janvier au Théâtre de Fos
À venir à Fos
La compagnie suisse le Théâtre des Osses s’immerge dans
l’univers désespéré de Gorki, transposant Les Bas-fonds
dans une salle de théâtre à l’italienne désaffectée dans laquelle vit une bande de va-nu-pieds. Tout un peuple d’exclus
gît là, en marge de la société, comme pestiférés. Jusqu’à
l’arrivée de la vieille Louka, vagabonde compatissante qui
leur fera relever la tête, et redevenir, pour certains, de vraies
personnes. Le 14 mars.
One, two, One two three four !
mes Michel Froehly
du 24 au 28 février
Kiss me quick
mes Bruno Geslin
du 17 au 20 mars
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
ARLES | CHÂTEAUVALLON THÉÂTRE 23
Bonnaffé sur le ring
La métaphore de la boxe s’invite à l’esprit face à
Jacques Bonnaffé en corps à corps avec Jean-Pierre
Verheggen, le premier paré de ses banquets littéraires hauts en couleurs, le second de son écriture à
l’emporte-pièce. Dans L’Oral et Hardi, un truchement
verbal parmi tant d’autres, l’acteur endosse l’habit du
boxeur avec une jouissance partagée. Ce portrait de
Jacques Bonnaffe © Xavier Lambours
Vies multiples
«l’artiste en Hercule de foire» est un remède puissant
contre la morosité ambiante tant «cet opéra bouche
d’un genre nouveau» est phénoménal. Sur le ring,
l’Hercule de foire fait le fanfaron, tour à tour homme
politique à discourir sans fin et sans finesse, slameur
en manque d’inspiration, chercheur en remueméninges, coach à la formule absconse… Et
Verheggen en passe et des meilleures ! Sa poésie
sonore est une jubilation pour l’oreille, le flux
impétueux d’une langue qui s’autorise tous les
dérapages, les ratages, toutes les bouffonneries. Son
impossible dictionnaire est bourré de litotes, de
citations, de mots hilarants, de contrepèteries et
autres acrostiches que l’acteur se plaît à malaxer en
tout sens avant de les vomir dans une ivresse
délirante. En sportif parfaitement entraîné, Jacques
Bonnaffé s’autorise la petite foulée quand il minaude
et glousse, le sprint quand il harangue la foule, le coup
droit quand il pontifie, puis le gauche quand il slame
et dodeline de la tête. Par K.O. debout, il sort
victorieux et «ragail-hardi» de ces transes
linguistiques, tandis que le public entend «Verheggen,
Yes ! Verhaeren, No !». Encore un auteur belge !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
L’oral et Hardi a été présenté au CNCDC
Châteauvallon à Ollioules le 31 janvier,
et le 13 février au théâtre d’Arles.
Jean-Pierre Verheggen est l’auteur d’une vingtaine
d’ouvrages, dont Le degré Zorro,
Divan le terrible ou Sodome et grammaire.
Le cri du corps
Il est soldat, un soldat sans nom, qui s’est engagé
dans l’armée pour échapper à la misère et aider sa
nation à établir un ordre juste. Un soldat heureux de
son uniforme et de ses médailles. La vision d’une
jeune femme, aperçue dans une fête foraine au
guichet du château hanté, va s’insinuer en lui et
changera le cours de son destin. Blessé lors d’un
combat, écarté de l’armée, il retombe alors dans les
affres de sa vie vide et inutile et, partant à la
recherche de cette jeune femme, va finir par prendre
conscience du mensonge qui le construisait, du
militarisme broyeur de vie.
L’adaptation et la mise en scène par Alexis Moati et
Gilles Robic du roman de Ödön von Horváth, Un
fils de notre temps, nous plonge directement à
l’intérieur de cet esprit tortueux. Et multiple. Car, pour
l’incarner, cinq comédiens (tous excellents)
endossent habilement cette conscience morcelée,
torturée. Cinq corps que l’on suit sans jamais perdre
le fil du récit, aidés qu’ils sont par une scénographie
dépouillée mais ingénieuse, qui traduit les univers, les
Singularites ordinaires © Christophe Modica
Toute la question est de savoir comment on est artiste,
comment on vit l’art, comment on le pratique. Le GdRA,
collectif d’artistes qui allie arts et sociologie, nous propose trois récits de vie, trois portraits traités comme
des sujets d’études, qui, a priori, n’ont rien à voir
ensemble : Arthur Genibre, paysan/musicien passionné, Wilfriede Piollet, danseuse étoile retraitée qui
fut marginalisée à cause de ses chorégraphies postmodernes et Michèle Eklou-Natey, une femme d’origine
algéro-togolaise habitant les quartiers nords de Marseille qui trouve dans les clients d’un bar une famille
hétéroclite et son équilibre. Avant chaque portrait un
titre interrogatif (dans l’ordre Folklore ? Classique ?
Populaire ?) qui, loin d’ouvrir les champs introspectifs,
les enferme, les classe.
C’est là que le propos perd de son ampleur, de son
efficacité : chacun porte en lui rêves, souvenirs, envies,
fatigues et désillusions ; la rencontre est possible, une
rencontre que provoquent les trois artistes au moyen
de musique, d’images, de sons criés ou chantés, de
numéros de voltige, un joyeux mélange qui devrait
nous permettre de fondre ces trois personnalités, ces
Singularités ordinaires. Le portrait de clôture, Muriel,
s’y emploie d’ailleurs. Pourtant le message, généreux
mais dilué, nous effleure sans vraiment nous atteindre.
DOMINIQUE MARÇON
Singularités ordinaires a été joué
au théâtre d’Arles le 23 janvier
À venir au Théâtre d’Arles
© Daniel Bounias
situations. Démultiplication des corps qui donne sens
aux mots, jusqu’à n’incarner plus qu’un, meurtrier
solitaire.
DOMINIQUE MARÇON
Un fils de notre temps a été créé
au Théâtre de la Calade, à Arles,
et joué du 10 au 15 février
Quand Mamie est un texte jouissif de Noëlle Revaz
que met en scène Denis Maillefer. Terminer la phrase
«Quand Mamie…» va prendre du temps pour le couple
qui attend qu’elle meure enfin pour pouvoir… abattre
les cloisons de la maison, repeindre le salon, acheter
une voiture, faire des enfants… Litanie sans fin qui
n’est qu’un prétexte à la médiocrité, la passivité et la
lâcheté. Quand la procrastination nous tient… Le 17
mars.
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
24
THÉÂTRE
AVIGNON
Exil dans des containers Sortis
de l’ombre
ambulants
Seul sur scène, Daniel Mesguich propose un récital
de textes, Phasmes, du nom de l’insecte qui ne
ressemble à rien tant qu’il n’est pas transformé. «La
métaphore parfaite de l’acteur et du théâtre» pour le
comédien qui présente donc de grands textes, ceux
des auteurs sur lesquels il s’appuie pour tisser ses
mises en scènes : Borges, Tardieu, Baudelaire,
Kafka, Ribes, Valletti, Dubillard… Et comme dans
un récital, ils seront mis en regard les uns des autres,
transmis par ce passeur hors pair qui joue des sons
et des rythmes.
DO.M.
Phasmes
Daniel Mesguich
du 18 au 20 mars
Théâtre du Chêne Noir, Avignon, (84)
04 90 82 40 57
www.chenenoir.fr
Kaïna-Marseille© Laurence Fragnol
Le théâtre mobile de La Fabrique des petites utopies
a choisi de jouer des périples qui emmènent depuis
toujours les hommes d’une rive à l’autre. En adaptant
librement le texte de Catherine Zambon, Bruno
Thircuir s’attaque frontalement à l’histoire de KaïnaMarseille et signe une mise en scène remarquable. Il
réussit son projet d’obliger le spectateur, violemment, à
se questionner sur son rejet de l’autre, sa propre haine
ou sa simple indifférence.
«Si tu veux savoir où tu vas, il te suffit de savoir d’où tu
viens» lui disait sa grand-mère, morte sept mois auparavant. Pour l’honorer et trouver sa liberté, il faut qu’elle
parle. Pour se sauver d’un destin tracé d’avance, il faut
qu’elle parte. Mais l’exil vers la France, terre d’accueil
idéalisée, n’offre à la jeune Mamata -admirablement
interprétée- que désillusion et déconvenues. Depuis une
cage située au centre du public, les comédiens nous
font sentir l’horreur de la fuite d’une enfant. La jeune
femme pense qu’elle doit subir la violence des hommes
pour être libre... Inacceptable.
Lorsqu’une voix (le metteur en scène ?) signale la fin du
spectacle, il nous rappelle simplement que depuis la nuit
des temps des gens vivent cette réalité odieuse, et que
ces femmes, hommes, enfants devraient être accueillir
en héros. Espérons que, quelque part, ces héros entendent nos applaudissements...
DELPHINE MICHELANGELI
Kaïna Marseille a été joué
du 6 au 17 fév en tournée Nomades
A venir au Théâtre de Cavaillon
Un monde presque parfait, one man show de Soufian El
Boubsi. Conteur hors pair, Soufian El Boubsi se lance
dans l’histoire d’un jeune homme à peine sorti de
l’adolescence, coincé entre un père dont il est le
souffre-douleur, une mère absente et un frère, peureux,
mais le préféré de ses parents. Le monde (presque
parfait) qu’il s’invente alors regorge de rencontres
incroyables, de personnages hauts en couleurs,
quelques coups bas mais beaucoup de surprises. En
tournée Nomade(s) en mars, le 13 à Châteauneuf-deGadagne, le 14 à Joucas, le 17 à Mérindol, le 18 à
Roubion et le 19 à Noves.
Théâtre de Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
Daniel Mesguich © BM Palazon 2008
Crises d’amour en boites (de nuit)
Le Délirium Tzigane, lieu délicieusement baroque en
plein cœur d’Avignon, ouvre son espace insolite et
félinien à la compagnie Moitié Raisin / Moitié
Folie. Avec Bal Trap de Xavier Durringer, Nathalie
Chemelny souhaite à nouveau poser un «théâtre du
réel» dans des lieux réels, aller rencontrer le public là
où il se trouve, lui offrir le lieu lui-même, transfiguré
par la force de l’œuvre. Soutenus et programmés par
le Théâtre de Cavaillon qui les a accueillis en résidence, les quatre comédiens issus d’ateliers théâtre
menés par la metteuse en scène, se retrouvent dans
des discothèques et lieux de la nuit. Rien de mieux
pour toucher un public de jeunes, pas forcément
amateurs de théâtre. Accompagnés d’images vidéo
(discrètes) d’Anaïs Manuelli laissant place à l’ima-
ginaire et d’une play-list concoctée par Benjamin
Grégoire, les jeunes comédiens font leurs armes en
direct. Légèrement troublés mais d’une complicité
évidente, ils tiennent jusqu’au bout, malgré un espace
Bal Trap © Anais Manuelli et Celine Novik
difficile à apprivoiser, cette pièce sur l’incommunicabilité amoureuse, les prémices amoureux et les
déchirements. La langue de Durringer est crue, violente et sensible. La fraîcheur de l’interprétation laisse
courir librement sa poésie du réel.
DELPHINE MICHELANGELI
Bal Trap a été joué du 5 au 14 fev
au Délirium Tzigane (84)
25
Cabaret de l’Intervention
On a tous quelque chose en nous de...
Victor Hugo. À chacun son Hugo de
prédilection : le lyrique et poétique, le
romantique d’un théâtre incandescent, le
mélodramatique et le corrosif des satires
et pamphlets politiques. En faisant des
petits détours par des chansonnettes grivoises, gigues et bourrées entraînantes,
poèmes (délicieux de drôlerie) et autres
monologues incandescents, La Cie Uppercuthéâtre met l’accent sur un extrait
de L’Intervention. Étonnante, drôle et
virulente, cette pièce est tirée du Théâtre
en liberté d’un Hugo défenseur du droit
et des miséreux. Pauvreté et bourgeoisie
se côtoient, se jaugent, s’envient, et la
jalousie n’est pas forcément là où on
l’attend.
Pas facile de recréer l’ambiance du XIXe
siècle à travers la prose de l’époque.
Mais la conviction des quatre acteurs (et
le talent de l’auteur !) parvient à captiver
durant 1h40 un auditoire conquis. Un
cabaret cabotin qui laisse une grande
place à l’amour...
DE.M.
Comédie !
Après son succès parisien, la comédie
Chat et Souris de Ray Cooney a
triomphé à Avignon : un appartement,
sept portes, un canapé et un téléphone
campent le décor où évoluent allègrement Jean-Luc Moreau (qui signe
également la mise en scène ) et Francis
Perrin.
Autour d’une rencontre virtuelle entre
deux adolescents piégés dans les mailles
du Net, se nouent et se dévoilent des
secrets de famille. Le texte est plein
d’humour et de jeux de mots, les
comédiens prennent plaisir à jouer et
entraînent dans leur tourbillon. Alors vive
le divertissement !
Cabaret Hugo a été joué les 13 et 14 fév
au Théâtre du Balcon (Avignon)
À venir au Balcon
Tango folie, une mise en scène de Serge
Barbuscia autour des mots de Pablo
Neruda, de la peinture de Picasso et de
la musique de Piazzola sur laquelle dansent Marina Carranza et Miguel Gabis.
Après un entracte goûteux (dégustation
de tapas), le trio Musipatango -Patrick
Lisacale à l’accordéon, Julien Teissier au
piano et Pierre Fayolle à la contrebasseaccompagne poète et danseurs. Les 13
et 14 mars.
Conçu à l’origine comme un rôle masculin, le personnage de l’Enseigneur est
joué, dans la mise en scène de Michel
Bruzat, et avec l’autorisation de l’auteur
Jean-Pierre Dopagne, par Flavie Avargues.
Seule sur scène elle est cette femme
brisée par la violence du milieu scolaire,
victime, mais aussi coupable d’avoir commis un acte irréparable. Et qui raconte.
Les 20 et 21 mars.
CHRISTINE REY
L'Enseigneur © X-D.R.
Théâtre du Balcon
04 90 85 00 80
www.theatredubalcon.org
Chat et souris a été joué
à l’opéra théâtre d’Avignon
le 3 février
Surréalisme linguistique
L’homme descend de la grenouille selon le surréaliste
«prince des penseurs» Jean-Pierre Brisset. C’est ce
que démontrent brillamment les joyeux complices,
Eugène Durif et Pierre-Jules Billon, dans une conférence théâtrale, musicale et burlesque, pour le moins
rafraîchissante.
Prétexte au délire linguistique, Nos ancêtres les grenouilles, dans un tourbillon volapûkien de haut niveau,
décortique la langue, à la manière des surréalistes, en
démontant la construction syllabique des mots. Parfois
le fil semble sur le point d’échapper au contrôle des
deux lurons barbus et chevelus, aux yeux d’enfants
pétillants… Mais ils maîtrisent parfaitement leur affaire.
«La langue est un jeu et elle parle» professent-ils tout au
long de leur séminaire, en offrant leur jouissante consultation historique et psychanalytique. Le détour pris pour
analyser l’expression «vache espagnole» et aboutir à «elle
se pagnole comme une vache», vaut une bonne tranche
de rire. Ils extrapolent à tout va et chantent également,
à coeur joie, du gospel et des petites chansons coquines.
On apprendra effectivement que la grenouille est
l’animal qui se rapproche le plus de l’homme : elle
module sa voix -quoique quoique-, soutient le regard et
possède une grâce naturelle. Tous les caractères
corporels d’un être humain ! «Youdidi traderidera tralala»
nous diraient-ils. Un batracien passe...
DE.M
Nos ancêtres les grenouilles
a été joué au Théâtre des Halles
les 11 et 12 fév
Nos ancetres les grenouilles © X-D.R.
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DANSE
LA MINOTERIE | BNM | LE MERLAN | PAVILLON NOIR | GTP
Drôle de genre
Ouvrir les portes
La formation professionnelle DANCE va
venir occuper le grand studio du BNM
et donner libre cours à sa fantaisie
créative… Les jeunes danseurs européens recrutés par le programme
Dance, et formés dans quatre centres
chorégraphiques par Frédéric Flamand,
Angelin Preljocaj, Wayne McGregor et
William Forsythe (et quelques autres
encore…), sont recrutés autant pour
leurs qualités techniques de danseurs
que pour leur imaginaire chorégraphique et créatif. La formation qu’ils
reçoivent s’appuie sur l’enseignement
de la danse et de son histoire, mais
aussi sur l’esthétique et les techniques
scénographiques contemporaines.
Avec l’idée que les danseurs d’aujourd’hui ne sont pas des instruments,
mais des créateurs. Depuis quatre ans
les promos de Dance ont surpris,
enchanté ou déçu. Mais il faut voir leur
travail, quoi qu’il en soit… tant que
dureront ces formations indispensables qui misent sur l’art de demain,
mais que des politiques à courte vue
ne cessent d’envoyer à la casse…
A.F.
Ouverture 12
Carte Blanche aux danseurs
de D.A.N.C.E
les 27 et 28 fev
Ballet National de Marseille
04 91 327 327
www.ballet-de-marseille.com
L’apologie du vide
Devant un parterre de noctambules,
«une nouvelle bohême chic et populaire» dixit Christophe Haleb, La Zouze
s’empare d’un territoire insolite, le Palais
de la Bourse, déserté dans la nuit silencieuse. Dès l’ascension de l’escalier
monumental, on pressent le pire. Car il
ne suffit pas de se travestir, de se
jucher sur des talons compensés,
d’afficher des tenues excentriques, de
porter des perruques peroxydées pour
faire sens. Encore moins de dialoguer
en anglais, en italien et en français pour
faire cosmopolite. Evelyne house of
Shame n’est pas une performance déjantée, encore moins un ovni : il n’y a là
ni matière à penser, ni matière à rêver,
juste un défilé de mode branché qui
Paradise © Maxime Dejoux-Guidot
En une soirée à la Minoterie, la Cie La Innombrable a
exploré avec humour et inventivité la notion de genre, de
différence entre les sexes et de contact entre les deux.
Paradise, un duo danse théâtre d’une heure, met en scène
deux danseurs acteurs, Astrid Giorgetta et Abdellah
Noukrati, sur une chorégraphie de Fleur Duverney-Prêt.
Six séquences autour du couple, de l’un et de l’autre. Et un
questionnement tous azimuts sur le genre.
Sur le genre du spectacle : le duo propose des incursions
dans différentes danses aux accents contemporains, mais
aussi rock, hip hop et tango décalé. Le couple lance des
clins d’œil à toutes les musiques, à toutes les possibilités
de pas de deux, sur les airs d’Emilie Chomel pour le
Kollectif Nawak. Mi-danse mi-théâtre, comme son soustitre le précise, il joue aussi la comédie, avec changements
de costumes à vue, mimes et texte de temps en temps,
dans un tempo rythmé et dynamique.
C’est plutôt malin d’offrir ainsi un spectacle hybride pour
aborder la question de la part de l’autre que chacun porte
en soi. Car au final qu’est-ce que le masculin, qu’est-ce que
le féminin ? Paradise apporte une réponse en forme de clin
d’œil : tous deux peuvent porter des shorts de foot et des
talons hauts ! L’essentiel est de s’aimer et de s’étreindre
(très beaux arrêts sur images de la passion amoureuse). Et
lorsqu’arrive le happy end, qu’importe si la mariée est vêtue
de noir et si le marié porte la jupe blanche qui tourne ?
Un joli spectacle tonique et malicieux, que les acteurs
aiment visiblement jouer/danser, et auquel on pardonne
certaines maladresses : à vouloir explorer tous les sens et
tous les registres, on perd un peu en qualité du geste et en
netteté du propos. Qui trop embrasse…
FRED ROBERT
Paradise a été présenté par la Cie La Innombrable
le 30 janv à La Minoterie
Christophe Haleb
© Agnes Mellon
aurait pour figures tutélaires Vivienne
Westwood et John Galliano. Sauf que
ceux-là ont le talent de transformer la
haute couture en spectacle…
C’est donc dans le temple du commerce que la party arrosée de coupes
de champagne s’est prolongée, hôtes
(dont certains avaient joué le jeu du
dress code) et artistes déambulant sous
les lambris comme des enfants bravant
l’interdit. Ils chantent, se déguisent
encore et encore dans une débauche
de guêpières et de bas résille (quelle
irrévérence !), grimpent sur les tables
de marbre (quel scandale !), débitent
des monologues débiles (quel parjure !)
et… ça dit quoi au juste ? Rien, du vide,
du néant, de la poudre aux yeux pour
ceux qui ont oublié la boîte de nuit
berlinoise de Cabaret et son Maître de
cérémonie, extravagant et pathétique
dans sa tentative de faire oublier les
menaces du Troisième Reich, ou le film
Portier de nuit hanté par la mémoire du
fascisme, scandale érotique et moral.
Ici, ni idéologie ni transgression, pas
même de fêtes galantes. On le savait,
le pire était déjà au bas de l’escalier.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Evelyne house of Shame,
un salon artistique d’un genre nouveau
a été présenté les 13 et 14 février
par Le Merlan-Scène nationale
à Marseille.
27
And the living is easy ? Poussières d’Amérique
Good Morning mister Gershwin © L. Philippe - CCN Creteil Cie M-H Rotha etPriska Dos
Les chorégraphes Montalvo et Hervieu
ne font pas dans l’hommage : quand ils
plongent dans le baroque c’est pour le
psychédéliser, et quand ils choisissent
Gerschwin ils le transforment en bulles
de plaisir. Pas de révérence au style, et
rien de suranné : se plonger dans ce faux
jazz, ce jazz d’opérette, de comédie
musicale, aboutit forcément à le relire
pour en faire autre chose. Opération à laquelle se sont d’ailleurs adonnés tous
les musiciens de jazz, transformant la
musique écrite en standard mobiles,
ductiles, que chacun sifflote ou chantonne. Le spectacle de Montalvo-Hervieu
est sirupeux, enlevé, alangui, puis devient tendre comme cette musi-que
américaine, et noir et rocailleux enfin,
comme Porgy and Bess…
A.F.
Good Morning mister Gershwin
Cie Montalvo Hervieu.CCN de Créteil
Grand Théâtre de Provence
du 18 au 21 fev
www.grandtheatre.fr
Trois fois sinon rien
Kele sait ce qu’il dit quand il parle de
danse, et de ses esthétiques ; Kele
sait ce qu’il exprime quand il écrit le
mouvement, chorégraphie, invente des
historiettes, des espaces ; mais Kele ne
sait plus trop ce qu’il fait quand il danse,
et son duo avec Caroline Blanc n’était
pas synchrone… du moins à la première. Viiiiite mérite un autre interprète,
qui puisse caler à la perfection, dans
l’ampleur et la vitesse, les mouvements
Alea © Agnes Mellon
qui devraient être parfaitement concordants : rien n’est plus difficile pour des
danseurs que l’unisson, surtout quand
ça ne cesse d’accélérer, de changer de
rythme, de dynamique et de direction…
C’est le pari de la pièce, qui demande
une virtuosité particulière.
Mais les deux autres pièces proposées
rattrapaient largement les manques de
la première, qui ne péchait d’ailleurs
que par l’interprétation, et non la
conception. Tatoo est un beau morceau de propos sur la danse classique.
Kele y jette un regard amusé, à la fois
fasciné et repoussé par les carcans
imposés à ces corps. Ceux du Ballet
National, parfaits dans cette pièce ironique… Aléa, dansée par les fidèles de
Kele, est une autre petite merveille :
rapide, fondée sur un naturel du mouvement, de la course à la rencontre
presque fortuite des corps. Tous semblent s’amuser à des combinatoires
abstraites et se poursuivent, fuguent,
s’imitent, au son des nappes de
Zanessi : on entend mieux que dans les
autres pièces l’architecture de sa
musique, qui ici se donne aussi à voir.
AGNÈS FRESCHEL
Délaissant l’écriture abstraite centrée
sur le mouvement et la lumière, Éric
Oberdorff crée Un autre rêve américain,
une pièce où les textes et les musiques
ont obsédé les danseurs tout autant
que lui-même. Plus narratif que sa précédente création Libre, Un autre rêve
américain est pétri de références à Jim
Harrison, Thomas Savage, Jack Kerouac
ou Allan Ginsberg et hanté par les voix
de Patti Smith, Billie Holiday, Tom Waits…
Sans jamais tomber dans l’illustration,
Oberdorff réussit le tour de force de
raconter «un état d’être en état
d’urgence», celui des laissés-pourcompte du rêve américain, sans que
les textes n’entravent le déplacement
des corps. En tension permanente, les
cinq danseurs parviennent à trouver la
sincérité et la simplicité dans la
justesse de leurs mouvements : un
simple effleurement suffit à évoquer
l’égarement ou la violence d’un duo
d’amour vache. Et toujours sur des
musiques qui conduisent les scènes
jusqu’à leur paroxysme. Toute la pièce
est baignée d’une lumière cinématographique, avec On achève bien les
chevaux en toile de fond, portée par
des héros romanesques aussi fragiles
et désespérés que ceux de Russel
Banks.
Pour donner corps à cette tragédie
humaine et dire la désillusion,
Oberdorff découpe l’espace en deux,
l’un narratif, l’autre chorégraphique,
introduisant ainsi une double temporalité : il y a ce qui s’écrit à travers des
situations, des voix et des rythmes ; il
y a ce qui se danse à travers des portés
sensuels et des solos inventifs.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Un autre rêve américain
a été créé les 12 et 13 février
au Pavillon Noir, Aix (13).
À venir au Pavillon Noir
Outre la reprise d’Ulysse par les petits
danseurs de Josette Baïz (voir page 28),
le Pavillon Noir accueillera d’autres
apprentis danseurs… plus mûrs ceuxlà, puisqu’ils s’agit de ceux de DANCE.
Après leurs Cartes Blanches au BNM
(voir ci contre) ils mettront leurs pas
dans la chorégraphie précise d’Angelin
Preljocaj. À nos héros est une pièce
virtuose, rapide, angulaire, bourrée de
difficultés techniques, et magnifique de
recoins sombres où parfois un espoir
individuel s’éclaire. DANCE avait l’an
dernier interprété la pièce à la
perfection (voir Zib’ 6)…
À nos héros
Angelin Preljocaj
du 13 au 15 mars
0811 020 111
www.preljocaj.org
© Malou/Maya Morelli, Gildas Diquero
28
DANSE
Le corps des femmes
Le théâtre d’Arles poursuit sa pertinente
programmation danse en s’associant
avec les Hivernales (voir ci-contre)
pour accueillir la création de Michel
Schweizer : ôQueens est la confrontation improbable de trois «danseuses»:
une culturiste, une danseuse classique
et une strip-teaseuse (avant l’anglicisme on appelait ça une effeuilleuse,
mais le mot est sans doute trop joli
pour la chose…). Pas d’effeuillage en
vue d’ailleurs. Mais des textes de
Houellebecq, trois bouledogues et
deux hommes accompagneront les
femmes, mettant en scène la «domestication» à l’œuvre pour tous ces corps
plus ou moins animaux.
Un peu plus tard un autre beau duo de
danse : Correspondance est la pièce
qui a réuni Kettly Noël et Nelisiwe
Xaba. Toutes les deux, africaines,
jouent de leur ressemblance, s’interrogent sur leur beauté, sur leurs chaînes,
sur cette identité/unité qu’on voudrait
qu’elles dégagent de leurs parcours
singuliers. Un duo complice, drôle,
impertinent, d’une sacrée beauté plastique… que l’on pourra voir aussi au
Merlan (voir p 10) et dont on retrouvera des surgeons récents des
Hivernales (un trio de Nelisiwe Xaba)
et au Merlan encore, pour des solos
de chacune.
Correspondances
Kettly Noël et Nelisiwe Xaba
Le 13 mars
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
AGNÈS FRESCHEL
Correspondances, Plasticization,
Errance
Kettly Noël et Nelisiwe Xaba
Du 8 au 12 mars
Le Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
Black ?... White !
Nelisiwe Xaba
Le 26 fev
Heatre des Hivernales, Avignon (84)
04 90 82 33 12
www.hivernales-avignon.com
ôQueens
Michel Schweizer
Le 24 fev
Buffard à toute heure…
(Not) a love song est partout : à Marseille d’abord, au Merlan, dans le cadre
de la programmation Pluri(elles) le 21
fev, puis à Nîmes, au Théâtre, le 24
fev; il ira ensuite à Châteauvallon le 21
mars, puis s’installera au Pavillon Noir
du 26 au 26 mars… La pièce met en
scène Vera Mantero et Claudia Triozzi
entourées de deux hommes, qui jouent
aux stars, ou aux ex stars, ou aux midinettes, on ne sait trop… En tous les cas
elles passent en revue tous les topoï
de la comédie musicale et du cinéma
muet, des femmes fatales ou drôles
qu’elles peinent à être ou tentent de
refléter… jusqu’à ce qu’on sente combien il est aliénant de vouloir coller à ces
images de stars qui règlent et façonnent l’inconscient collectif féminin.
oQueens © Frederic Desmesure
En création
C’est plein de rengaines, et de rancœurs
rengainées…
Au Merlan, (Not) a love song sera complété par deux autres pièces de
Buffard: Les Inconsolés, un trio masculin sur la douleur, et My lunch with
Anna, un film d’entretien avec Anna
Halprin, pionnière de la postmoderndance américaine.
A.F.
Not a love song © Marc Domage
(Not) a love song
Le Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
Théâtre de Nîmes (30)
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
MarseilleObjectifDanse propose de
venir découvrir un solo Robin Decourcy : Gazaoui est une courte pièce
mêlant danse, vidéo et composition
sonore, travaillée sur une proposition
plus globale de Balkis Moutashar autour du corps masculin solitaire.
Le 6 mars c’est une première étape
de ce travail qui sera présenté à la
Friche, au Studio.
MOD
04 95 04 96 42
www.marseille-objectif-danse.org
… et Baïz en tous lieux
Après la reprise de son Eden club dans
le cadre des Élancées le 17 février, les
troupes de Josette Baïz continuent de
tourner leur répertoire, et cette fois sont
un peu présentes dans notre région !
Profitons de l’aubaine : à commencer
par Le Sacre, qui prendra ses aises
dans la surprenante salle de l’Astronef,
à Marseille, un lieu extrêmement bien
équipé au cœur de l’hôpital psychiatrique Edouard Toulouse. Ce Sacre est
épatant, plein de cette énergie qui sied
si bien à la jeunesse de la Cie Grenade.
Au Pavillon Noir ce sont les plus jeunes
qui danseront Ulysse : la pièce de Gal-
lotta, en 1980, fut dansée par la jeune
Josette qui la transmet aujourd’hui, à
peine adaptée, à ses interprètes de 8 à
14 ans. Qui, sans conteste savent se
glisser dans des chorégraphies très
écrites…
À Manosque, au théâtre Jean Le Bleu,
Ulysse © Leo Ballani - Groupe Grenade
-dont la programmation hors les Ecritures
et les Rencontres cinématographiques
ronronne abominablement-, ce seront
les adolescents qui reprendront Tonight,
sur la musique de Bernstein ; là encore
l’élan et l’enthousiasme des jeunes de
Grenade font plaisir à partager, même
si l’on se demande un peu en quoi
renchérir à West Side story est utile…
A. F.
Le Sacre
Le 20 février
L’Astronef, Marseille
04 91 96 98 72
Ulysse
Jean-Claude Gallotta, adaptation
Josette Baïz
du 26 février au 1er mars
Pavillon Noir, Aix
0811 020 111
www.preljocaj.org
Tonight
Le 13 mars
Theâtre Jean le Bleu, Manosque
(04)
04 92 72 16 00
www.josette-baiz.com
OUEST PROVENCE | MARTIGUES | AVIGNON
DANSE
29
Autoportrait en Nijinsky
Prétendre que le Faune(s) d’Olivier Dubois est un
spectacle réussi serait inexact. Les réactions de rejet
qu’il a suscitées lors du Festival d’Avignon (voir Zib’
11) ne sont pas à proprement parler étonnantes. Le
propos nombriliste est choquant, et la forme regorge
de détails qui interdisent sa perfection : une
construction en séquences juxtaposées sans soin ;
des musiques à l’émotion facile balancées trop fort ;
des temps mous qui éternisent des séquences
inutiles… Mais peu importe : Dubois ne cherche pas
la perfection mais la fulgurance. Et par moments il la
suscite. Son Faune(s) malgré ce (s) est singulier,
égocentré même sur sa douleur. Le danseur reprend
la figure mythique de Nijinsky, son journal, sa
chorégraphie minimaliste si révolutionnaire, et en
déplie le sens pour mieux s’y confronter comme dans
un miroir. Le film qui ouvre la pièce exhibe un désir
pervers, rappelle que le Faune est un fétichiste voyeur
et souffrant. Puis la reprise fidèle de la chorégraphie
originelle par le danseur bedonnant fait apparaître le
violent rejet dont est victime le Faune, le Satyre, le
monstre insidieux. Puis déguisé en chasseur mis à
mort (Actéon ?), en bouc sacrificiel, en Satan blessé,
les figures du satyre qui défilent disent toutes une
souffrance intime, accrochée pourtant aux figures
mythiques du pervers, du Mal. Qui pourtant ne
torture que lui-même, et nous fait toucher du doigt la
violence des désirs qui le rongent.
AGNÈS FRESCHEL
Faune(s) a été dansé aux Salins le 3 fev
Lutte des corps
Cie Coline © Matthieu Barret
C’était leur premier rendez-vous sur la
scène du théâtre de l’Olivier : les
danseurs de la promotion 2008-2010
de la formation professionnelle Coline,
travaillant sous la direction du
chorégraphe Emanuel Gat, ont
présenté un extrait de K626. Bien
qu’incertains sur leur avenir -l’école
étant menacée de fermeture suite à la
suppression de la subvention allouée
par le San-Ouest Provence (Syndicat
d’agglomérations nouvelles) qui
représentait 50% du budget
prévisionnel pour 2009-, les douze
danseurs
ont
magnifiquement
interprété la chorégraphie d’Emanuel
Gat. Du groupe soudé en fond de
scène,
quelques
mouvement
s’échappent, les bras balancent, des
petits gestes dont on s’aperçoit
subrepticement qu’ils ne sont pas
synchrones les uns avec les autres. La
vision est comme démultipliée,
ponctuant les notes mozartiennes,
soutenant élégamment le rythme. Le
groupe se scinde, se retrouve, les
corps se frôlent, la messe est dite.
Leur succédant, Roy Assaf et Emanuel
Gat, en symbiose, entamèrent un lent
et silencieux Voyage d’hiver. Sublimes
interprètes qui se déplacent côte à
côte, se regardent faire et s’esquivent,
courent puis s’arrêtent subitement, le
corps voûté. Les mains se frôlent mais
ne se touchent jamais, les yeux
s’affrontent, le voyage touche à sa fin.
Hypnotique.
DOMINIQUE MARÇON
K626 et Voyage d’hiver ont été
dansées au théâtre de l’Olivier
le 27 janvier
Faune(s) © Christophe Raynaud de Lage
L’autre festival d’Avignon
Chaque année depuis 31 ans les
Hivernales font en février l’actualité de
la danse. Cette édition, la dernière pour
sa directrice Amélie Grand, promet
d’être aussi belle que les précédentes.
Le programme est d’enfer et mise sur
une double étrangeté : celle de
l’étranger et celle du bizarre. Avec des
manifestations autour de Mallarmé
(voir Zib 15), et quelques événements
de taille, comme la venue de Josef
Nadj ou de Sankaï Juku. Mais aussi,
et c’est ce qui fait la chaleur des
Hivernales, des stages pour tout le
monde, amateurs et professionnels,
des rencontres et expositions, et des
artistes fidèles dont on suit le parcours
grâce à la fidélité du Centre de
Développement Chorégraphique : la
Cie Moussoux Bonté, David
Wampach, Michel Schweizer,
Thomas Lebrun, Thierry Niang… et
aussi quelques femmes : Stéphanie
Nataf, une des rares chorégraphes du
hip hop, Nelisiwe Xaba qui sera aussi
au Merlan (voir page 10), Anna
Ventura qui s’attaque elle aussi au
Faune…
Donc, pour des vacances à Avignon,
n’attendez pas l’été !
A.F.
Danses étranges
31e Hivernales
Divers lieux d’Avignon (84)
du 19 au 28 fév
04 90 82 33 12
www.hivernales-avignon.com
Black White de Nelisiwe Xaba © Nadine Hutton
30
CIRQUE
LES ÉLANCÉES | MARTIGUES | LIEUX PUBLICS
D’un battement d’ailes Magistral
© P. Leiva
Mademoiselle Philomène arrive à l’heure,
tailleur ajusté, cheveux attachés, prête à
travailler. Bureau rangé, classeurs classés,
tic-tac, tic-tac c’est parti pour une journée de travail pas franchement folichonne.
Gestes secs, répétés, précisions des pas,
déplacements mesurés, un jour gris chasse
l’autre. Heureusement pour elle, mademoiselle Philomène a un collègue plutôt…
bizarre au premier abord : vêtements
colorés, démarche aléatoire, sourire
enjôleur. Bien vite monsieur Nostoc va
instiller de la fantaisie dans cette grise vie
ordonnée, facétieux comme tout, transformant les classeurs en papillons, les
dossiers en jeu de cache-cache… Jusqu’à
lui offrir des ailes, qui les feront s’envoler,
après avoir poussé les murs (magnifique
scénographie d’Hélène Dattler). Christine
Fricker signe là une très jolie chorégraphie, qui rappelle Jacques Tati, lorsque,
sans texte, les émotions sont transportées par les corps des deux formidables
interprètes, Julia Poggi et Anthony
Deroche. Entre théâtre d’objets, danse
et musique (une bande-son concoctée
comme un personnage supplémentaire),
Les Ailes de mademoiselle Philomène
nous emportent dès les premiers
battements…
DOMINIQUE MARCON
danseurs. Le 21 fév au Théâtre de
Fos (04 42 11 01 99).
Poétique et tendre, le théâtre de
Romette propose un pas de deux
fascinant, entre un danseur et un personnage de papier Kraft, étonnamment
humain, manipulé par quatre comédiens. Le 20 fév au Théâtre de la
Colonne à Miramas (04 90 50 05 26).
Le cirque Trottola présente Volchok
(toupie en russe), un spectacle sans
parole mais avec beaucoup de poésie,
à l’image de ces artistes à l’univers décalé et au charme fou. Les 20 et 21 fév
sous chapiteau au bord de l’étang de
l’Olivier.
Sortilèges, avec la cie Jérôme Thomas,
florilège de jonglage, d’acrobatie, de
manipulations d’objets pour raconter
l’univers enchanté d’une enfant livrée
à ses rêves et ses cauchemars. Le 19
fév au Théâtre de l’Olivier.
360, de la cie Bis Repetita, raconte
l’univers intime et universel d’un couple,
avec 2 acrobates et 2 musiciens autour
d’une grande sphère en métal. Le 21
fév, en extérieur, à Grans.
www.scenesetcines.fr
DO.M
Les Ailes de mademoiselle Philomène
ont été créées à Istres et jouées
le 16 fév à l’Espace 233 et le 17 fév
à l’Espace G. Philippe
à Port-st-Louis-du-Rhône.
Dernière représentation le 21 fév
au théâtre de la Colonne à Miramas.
Le carnaval a la grosse tête
Cette année encore, Martigues fomente un carnaval très
spécial. Managé par la compagnie marseillaise Madame
Olivier, il aura pour thème l’exagération et la disproportion
À l’instar d’une manifestation artistique
populaire, tout le monde est convié à y
participer, et tous sont à l’ouvrage
depuis plusieurs mois. Depuis les
établissements scolaires jusqu’aux associations et aux compagnies, chacun
met la main à l’ouvrage pour faire de
ce carnaval bien plus qu’un défilé…
Plusieurs temps forts : tous les weekends du mois de mars seront
consacrés aux Comptoirs du savoir
faire afin de préparer l’événement.
Moment idéal pour s’initier à la fabrication de chars, à la danse ainsi qu’à la
création de costumes et d’accessoires.
Et ce n’est que le samedi 28 mars que
C’était un de ces moments rares où
l’on assiste, témoins privilégiés, à une
étape de création. Le collectif AOC
offrait une répétition publique d’un
spectacle qui sera créé en septembre,
un «résumé» de leur résidence de 3 semaines à Istres, au cours duquel ont été
expliqués les différentes techniques,
les mouvements et les placements,
mais aussi l’importance de la rencontre
entre les artistes. Car ce laboratoire de
recherche réunissait, pour la première
fois, tous les membres de l’équipe
définitive. Du jonglage aux portés
acrobatiques, des agrès à la création
musicale (deux musiciens joueront
directement sur scène), ils sont tous là,
se parlent beaucoup, répètent les
mouvements, s’encouragent… La longe
est sollicitée qui assure les portées, les
sauts, permet de repérer les points de
déséquilibres et minimise les risques,
pourtant toujours présents. L’occasion
de se rendre compte du travail, de
l’importance des défis physiques qui
aboutissent, ou pas, à l’avènement du
spectacle. Un envers du décor qui rend
forcément complice, et respectueux.
les grosses têtes commenceront à
envahir la ville.
La parade, moment phare de tout
carnaval, déambulera le lendemain,
dimanche 29, dans une cavalcade de
musique et de visuels surdimensionnés. Le départ est organisé sur le
parking Général Leclerc et le bal final
sur celui du théâtre des Salins. Deux
kilomètres de festivités intensives et
surdimensionnées. À vos masques…
JORDAN SAÏSSET
Ville de Martigues
04 42 44 36 75
Deux répétitions publiques
du collectif AOC ont eu lieu les 14
et 15 fév à Istres, sous leur chapiteau
installé au Palio
AOC © Philippe Cibille
A venir aux Élancées
Fruit d’un travail entamé depuis juillet
2008 entre le chorégraphe Éric Mezino,
les danseurs de sa cie E.go et 17 danseurs du territoire Ouest Provence,
Memorandum (mes mots rendent
hommes) rend compte de la notion de
territoire, de mémoires, de corps, de
passion : dockers, cheminots, pétrochimistes… autant de témoignages dans
lesquels se coulent les corps des
Ça pare quoi,
un parachute doré ?
Une sirène à ne pas rater en ces temps
qui crisent… La Cie Artonik a pour
habitude d’inscrire ses actes de rue
dans la réalité sociale, pour la décaler,
et en dire quelque chose… Caroline
Selig, responsable habituelle des Fash
Rue participatifs, nous invite donc sur
le Parvis de l’opéra pour se donner cette
fois en spectacle… tout en restant aux
prises avec le réel. Les sirènes de mars
retentiront sur fond de crise monétaire,
de parachutes dorés (qui chuteront
vraiment ?) et d’évacuation immédiate!
A.F.
Golden parachutes
Cie Artonik
Le 4 mars avant midi
Parvis de l’Opéra
www.lieuxpublics.fr
GRASSE
CIRQUE
31
Johann Le Guillerm,
faiseur de tableaux
vivants
Accueilli en résidence au Théâtre de Grasse, Johann Le
Guillerm met en piste et en image sa perception du monde
comme autant de points de vue, et de points de fuite…
C’est étrange comme certains artistes
laissent dans leur sillage des sentiments
contradictoires. Johann Le Guillerm est
de ceux-là, qui met le public dans sa
poche d’un seul claquement de fouet tout
autant qu’il peut le laisser perplexe :
artiste de cirque, fildefériste, équilibriste,
manipu-lateur et faiseur d’objets, il jette
le trouble dans l’appréhension - et la
compréhen-sion - de son œuvre.
D’abord parce que son projet actuel,
Attraction, est colossal et kaléidoscopique, une tétralogie constituée du spectacle
Secret, de l’installation Monstration, du
«phénomène de cirque minéral et végétal»
La Motte et d’un film à venir. L’ensemble
formant un tout hétérogène dont le socle
serait ses recherches poétiques autour
du point, point de fuite, point d’équilibre,
et Secret une infime partie de son regard
complexe sur le monde. Regard fixé sur
un point qui cacherait l’autre partie du
monde… D’où cette omniprésence de la
sphère, elliptique et conceptuelle dans
sa gestuelle, formelle et plastique dans
ses machines-objets.
Ensuite parce qu’au-delà du jeu circassien, avec effet sensationnel, suspens,
magie et clin d’œil au cirque traditionnel,
Secret est le fruit d’une pensée labyrinthique, hermétique par sa difficulté à se
laisser aborder frontalement.
Si son exposition Monstration autorise
la déambulation et le jeu interactif et fait
naître le merveilleux, Secret demande au
public d’abandonner toute résistance.
Sinon une chape opaque le projette à
cent mille lieues de l’artiste, anéantissant
toutes formes relationnelles au risque de
devenir un «spectacle d’autiste». Ce risque,
Johann Le Guillerm en mesure toute la
portée et l’assume avec sérénité : «Je ne
vois pas la nécessité de communiquer
avec le public, je n’ai pas envie de l’amadouer, de le conquérir. Ça ne m’intéresse
pas de connaître l’histoire que je raconte,
si j’en raconte une. De toute façon, elle
sera différente chaque jour car le numéro
change d’histoire et de perception selon
mon humeur.»
D’ailleurs, le public sort conquis et ébahi
par cette histoire sans cesse renouvelée,
cette profusion de sons assourdissants,
de numéros insaisissables où le temps et
l’aléatoire sont les maîtres du jeu, où
l’équilibre mental et physique sont sans
cesse sur le fil du rasoir ! Quand Johann
Le Guillerm pénètre dans l’arène, rugissant, son fouet cinglant l’air, domptant
des bassines de fer blanc avec la force
d’un forgeron ; quand il adoucit la rigidité
d’un câble métallique jusqu’à lui courber
l’échine, il danse avec les éléments. Avec
une animalité toute retenue. Quand il se
couche sur une arche de livres à l’équilibre improbable, donne des ailes à un
oiseau de bois ou échafaude à mains
nues une sculpture, son corps oscille
entre caresse et violence. Dans une envolée poétique unique. Pour autant, Secret
tient plus de la performance que du spectacle, bien que Johann Le Guillerm réfute
cette idée, affirmant être un artiste circassien et non pas un plasticien : «Je suis
maître de la logique qui fait apparaître la
forme, mais je ne suis pas maître de la
forme. Je ne crée pas d’objets formels,
explique-t-il. Il y a beaucoup de choses
aléatoires, des parties vivantes dans le
spectacle.» Des tableaux vivants, en
quelque sorte…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Secret et Monstration ont été
présentés par le Théâtre de Grasse
du 4 au 18 février.
04 93 40 53 00.
Secret-Cirque ici © Philippe Cibille
Une attractive monstration
Véritable laboratoire de recherches et d’expérimentations,
Monstration est une invitation à toucher, voir, manipuler, jouer,
s’interroger, rêver, se surprendre. Sorties d’une longue période
de gestation et de construction en atelier, les machines-objets
Monstration-Cirque ici ©Philippe Cibille
aux titres énigmatiques (Le livre infermable, La machine à écrire
des pommes de pin, L’alphabet à lettre unique…) empruntent
leur vocabulaire à l’architecture, la science et l’astronomie pour
évoquer sa «volonté d’élucidation» du monde à partir du point.
Il y est question de topographie, de contrainte, d’opération, de
mutation, graphe, nomenclature, ligne, surface… À chaque
structure sa vidéo dans laquelle l’artiste esquisse quelques
réflexions sur son travail, l’une et l’autre combinant expériences
mentales et physiques : dans un espace tendu de tissu noir, le
visiteur peut appréhender le monde de Johann Le Guillerm à
travers le prisme de ses machines-outils, s’approprier ses
découvertes et remettre en jeu ses propres repères. À lui de
saisir ces instants fragiles, au contact de formes animées, de
livres en bois, d’idéogrammes, de globes luminescents inventés
par un homme tendu vers une seule espérance : «Pouvoir voir
ce qui est caché derrière ce que je ne vois pas.»
M-G-G
32
MUSIQUE
SPECTACLES
Deux contes sinon rien
Le 25 janvier se jouaient
deux versions fort
différentes des Contes
d’Hoffmann. À l’Opéra
d’Avignon, et aux Salins
de Martigues…
des actes, des numéros ajoutés, on
dispose d’une cohorte de versions des
Contes… d’une «authenticité» plus
ou moins pertinente. Car sous prétexte qu’il n’y avait pas de version
définitive de l’opéra, celui-ci subit,
lors de chaque reprise, d’importantes
modifications. Gustav Malher, par
exemple, en supprima le prologue et
l’épilogue !
Martigues éclatée
Les contes d'Hoffmann mes Éric Chevalier © X-D.R
En 1880, juste avant de mourir,
Offenbach lègue une oeuvre unique :
le premier grand «Opéra fantastique»
de l’histoire de la musique avant
L’enfant et les Sortilèges, La Ville morte
ou Le Tour d’Ecrou… Son ultime opus
Les Contes d’Hoffmann fait partie de
ces mythes restés inachevés, complétés après la mort de leur auteur. Avec
une orchestration manquante, des
récits apocryphes, un ordre aléatoire
Olivier Desbordes et la compagnie
Opéra Éclaté tentent de rétablir la
version créée à l’Opéra comique en
reconstituant les dialogues parlés. Du
coup, la suppression des récitatifs de
Guiraud allège le discours et tire
l’œuvre du côté du théâtre, la rendant
plus lisible, accessible… tout comme
l’unité du décor et des costumes :
une grande table/piste de cirque où
se meut une assemblée bigarrée
sortie d’une gravure de Daumier.
Côté chant, Isabelle Philippe a incarné une poupée colorature grotesque,
bouffie à la Shrek, se montrant naturellement plus à l’aise dans le lyrisme
aérien d’Antonia que dans la sombre
Giulietta, quand le ténor Andréa
Giovannini a séduit par son chant
homogène puissant et une expression
nuancée. Si le diabolique Jean-Claude
Saragosse possède une solide voix
parlée de baryton, une belle prestance, son chant manque de cavité et
l’aigu est mal géré. Dans cette version jouant la carte du burlesque, le
chœur à 12 voix et l’orchestre réduit
ont également bénéficié, avec Dominique Trottein, d’un formidable chef
de métier.
Avignon opératique
La mise en scène d’Eric Chevalier
jouait sur la beauté et la diversité des
décors, des costumes déclinant les
rouges et les noirs… Le spectacle,
classique, était réjouissant : les ensembles et chœurs, magnifiquement
interprétés, et l’air de bravoure de la
poupée (Olympia, Mélanie Boisvert)
remplirent la salle d’enthousiasme et
soulevèrent mille applaudissements.
La voix de basse de Nicolas Cavallier
fut elle aussi chaudement récom-
Les Contes d'Hoffmann, Opéra Éclaté © Nelly Blaya
pensée. La Barcarolle si attendue
(Belle nuit, o nuit d’amour…), fut
remarquée, et la direction sans faille
de Jonathan Schiffman participa au
succès de cette soirée.
Car finalement, comme les autres
opérettes, cette œuvre d’Offenbach
fait la part belle à l’invention mélodique, et à l’humour !
JACQUES FRESCHEL ET CHRISTINE REY
Au sein de la nuit parfumée…
Filles à l’œil noir et tresses flottantes
entonnent joyeusement la partition
de Bizet, avec maîtrise et engouement.
Les airs, tubes indémodables,
s’enchaînent sans aucun temps mort,
déclamés par des solistes de haut niveau
Affublés de voiles roses, turbans, dorures et entre
les vapeurs d’encens, les Pêcheurs de perles nous sont
apparus, encerclés par des danseuses de Bharata
Natyam. Tant mieux ! Cet exotisme désuet et grandiloquent est inhérent à la plupart des opéras de
Bizet, et tout particulièrement à celui-ci. Parti pris
réussi donc de la part de Nadine Duffaut à la mise
en scène, même si on peut regretter le manque de
recherche chorégraphique, qui rendait parfois répétitives les interventions des danseurs, et a contraint
les chœurs, peu habitués à l’exercice, à effectuer des
retournements de mains et haussements de pouce
peu convaincants.
Le premier acte a souffert de quelques bafouillements des chœurs, sa tension s’est vue un peu
amoindrie par la voix de Jesus Garcia, un peu
fatigué le jour de la première, et souffrant de la
robustesse de Jean-François Lapointe, magnifique
Zurga. La romance de Nadir, si attendue, fut un peu
décevante, notamment lors des passages en voix de
tête, qui manquaient assez clairement de justesse.
Mais à partir du deuxième acte, porté par les vocalises acrobatiques de Kimy MacLaren et une
exécution admirable du célèbre duo «Ton cœur n’a
pas compris le mien», la puissance de cet opéra fut
rendue à sa juste valeur. Les grands moments se
sont alors multipliés, portés par une cohésion
remarquable des chœurs, une belle prestation de
l’orchestre, parfois un peu décroché des parties
chorales, mais articulant avec précision les phrases
et accents, sous la direction de Claude Schnitzler.
Chaque air a su clairement se démarquer, en
particulier le duo Leila/Zurga, applaudi avec
enthousiasme par le public, ou les interventions de
Wojtek Smilek, convaincant Nourabad. Jusqu’à la
conclusion, un peu surprenante (une petite fille
pousse Zurga à renoncer à son suicide) mais qui ne
manquait pas de pertinence.
SUSAN BEL
Les Pêcheurs de perles ont été joués
à l’Opéra de Toulon du 30 janv au 3 fév
Les Pêcheurs de perle © Frédéric Stephan
CONCERTS
MUSIQUE
33
L’Argentine et Venise !
Malgré la pluie, le théâtre du jeu de
Paume était comble le 5 fév pour
écouter les musiciens de l’ensemble
Tango Quattro, et admirer les deux
danseurs, Véronique Guide et Julio
Luque. Ah ! Les jeux de jambe de la
danseuse ! La complicité du couple
qui raconte avec un égal bonheur
rencontres, séductions, séparations,
retrouvailles, plaisir de danser tout
simplement ! Le programme s’orchestrait autour des «quatre saisons» de
Piazzolla, avec des hommages à quelques compositeurs tels Anibal Troilo,
Paulos, Plaza, Salgan, AIeta, Agostino, Filiberto. Toutes les techniques,
jazz, contemporain, se retrouvent au
service du tango, qui devient essence
suprême ; les cordes se font percussion, comme le couvercle du piano,
la flûte traversière aussi se trouve
parfois réduite à un simple souffle,
une respiration qui module des variations sur le rythme obsédant du
tango. L’âme même des instruments
vibre, les musiciens dansent, jouent
et, virtuoses spirituels, nous entraî-
nent. Fabian Carbone au bandonéon,
Ezequiel Cortabarria à la flûte traversière, Mario Soriano au piano, Jose
Luis Ferreyra à la contrebasse, Adrian
Rodriguez au violoncelle, nous font
passer par toute une palette de
sentiments, d’univers, du bouleversant Adio Nonino, composé par
Piazzolla en l’honneur de son père
décédé, au lancinant Libertango, de
la danse de Inspiration, digne d’un
orchestre symphonique à la joie
débridée de La Trampera. Le monde
entier devient tango, les rues encore
humides d’Aix esquissent elles aussi
des pas. On repart, riche d’un
bonheur qui irradie.
Puis on revient, deux jours après. Le
spectacle, Le luthier de Venise, donné
au Jeu de Paume le 7 fév, permettait
aux enfants à partir de 5 ans, de découvrir Les quatre saisons de Vivaldi,
à travers une petite mise en scène
charmante sur une histoire de Claude
et Frédéric Clément. Les feuillets de
présentation éclairent l’œuvre de
Le Tango Quattro © Carlos Pascual
façon à la fois didactique et amusante, la situant dans le contexte
joyeux d’une Venise baroque et animée. Un récitant, Pierre Gueyrard,
établit le lien entre l’orchestre de
cordes et les classes de danse du
conservatoire Darius Milhaud.
Matinée sympathique et familiale
dans ce théâtre à l’italienne taillée
pour accueillir un Vivaldi joliment
Sans dandysme mais pas sans orgueil
Le Spectacle Gymnopédique ainsi que l’enregistrement d’Erik
Satie, Avant-dernières pensées, acclamé par la critique, représentait l’occasion pour Alexandre Tharaud de réhabiliter
un compositeur dont on ne retient que «l’aspect rigolo, les
anecdotes», afin que soient mises en avant toutes les facettes de sa personnalité et de son univers : ses œuvres
les plus célèbres pour piano solo et pour quatre mains,
mais aussi des textes, mélodies et chansons rendus par
une troupe de joyeux drilles. Pourquoi pas ?
Alexandre Tharaud © Eric Manas
Le début du spectacle repose tout de même sur un présupposé esthétique dont on peut douter : on entend, lors de
la lecture un peu longuette de ses correspondances, Satie
qui qualifie l’esthétique de Ravel de «déplorable et démodée», ce qui, avec le recul, prête à sourire… Car même
si on trouve le minimalisme de Satie charmant et musical,
on peut douter qu’une seule de ces petites choses pour
piano exécutées, avec pourtant beaucoup de sensibilité
et d’adresse, par Alexandre Tharaud et Eric le Sage ait l’intensité des fameux Miroirs ou de la Pavane pour une
infante défunte… Dans ces conditions les traits d’esprit
d’Erik Satie, et le jeu décidément Deschiens de François
Morel et Olivier Saladin, s’avéraient assez fats.
Les chansons et mélodies, interprétées avec entrain et
humour par Jean Delescluse, joliment décalé et Juliette,
très à l’aise dans ce répertoire, ainsi que la cohésion de tout
le groupe, allant et venant sur la scène en criant «Musique
d’ameublement !» donnaient à la deuxième partie du spectacle nettement plus de mordant. Le sens de l’absurde du
compositeur, des décennies avant Cage, étonne, quand on
entend une pièce pour piano étendre sa conclusion sur
deux bonnes minutes… Car la force d’Erik Satie réside sans
doute dans cette forme certaine d’anticonformisme, ouvrant la porte à un renouveau de la forme à une musique
dépourvue du dandysme qu’il reprochait à la plupart de
ses contemporains.
SUSAN BEL
Erik Satie a été joué au Grand Théâtre de Provence
(Aix) le 10 fév et à la Passerelle (Gap)
le 9 fev
servi par les jeunes musiciens sous la
houlette de Michel Durand Mabire,
violon solo. La justesse de cet
ensemble musical est à saluer, et
l’intention pédagogique, servie par
d’adéquats moyens.
MARYVONNE COLOMBANI
Cocteau
l’enchanteur
Habitués aux affiches «classiques» de
musique de chambre concoctées par
les Moments musicaux de Carry, les
mélomanes de la Côte bleue ont
découvert, mardi 10 février, un récital
sortant de l’ordinaire. En effet, le pianiste et conteur Edouard Exerjean a
représenté, dans la salle du Grand bleu
sur la plage du Rouet, un spectacle
sensible mêlant des écrits de Jean
Cocteau et des partitions de musiciens faisant partie de sa sphère
artistique.
Seul, dressé dans un rai de lumière,
l’artiste, de sa diction nette, a fait
parler Cocteau à la première personne, traçant à partir de textes et
poèmes le parcours d’une vie vouée
à l’Art. À cette langue visionnaire,
sarcastique et légère, tendre et précieuse, Exerjean, au clavier, s’est
aussi fait le chantre brillant d’une
musique nationale prééminente
durant les Années-folles. Et l’on a
ainsi pu goûter à la clarté acidulée, la
gaîté finement grinçante d’Honegger, Milhaud, Satie, Wiener, Auric,
Tailleferre, Poulenc…
J.F.
34
MUSIQUE
CONTEMPORAINE
L’alpha de la contemporaine
Le Pierrot lunaire d’Arnold Schoenberg,
chef-d’œuvre de l’expressionnisme germanique, marque en 1912 l’histoire de
la musique en conjuguant un langage
atonal savant (engendrant ce que l’on
nomme communément la «musique
contemporaine») et un traitement
vocal révolutionnaire. Les 21 poésies,
candides ou barbares, capricieuses, ironiques ou mélancoliques, traduites du
symboliste Albert Giraud, sont conçues
comme un mélodrame où le père de
l’Ecole de Vienne oppose au chant classique de l’opéra le Sprechgesang (chant
parlé). Cette forme inédite d’alliage
entre verbe et musique impose aux
interprètes de faire de véritables choix.
Le 23 janvier à la Bibliothèque dépar-
tementale, Raoul Lay et l’Ensemble
Télémaque ont pris le parti d’une version équilibrée… et cela s’est avéré
payant ! Tout en respectant les passages à des hauteurs obligées, la soprano
Brigitte Peyré a trouvé dans la déclamation des textes un naturel confondant,
quand les instrumentistes ont tissé
autour d’elle une texture de trémolos
feutrés et nocturnals. Un programme
complété par les disciples, Webern et
ses haïkus sonores, Berg et son penchant lyrique… ainsi que quelques
judicieuses et spectrales Rondes nocturnes d’un composteur d’aujourd’hui :
Patrick Burgan.
JACQUES FRESCHEL
Ensemble Telemaque © Agnes Mellon
La couleur du «pire»
C’est avec un grand plaisir que l’on retrouvait le 8 février
à Venelles l’ensemble Télémaque dans le cadre
de la Tournée découverte organisée par le C.G.13
Avec humour et talent les musiciens
expliquent, se plient au jeu des extraits
pour que le public apprenne à écouter et
apprécier les pièces de musique contemporaine au programme, «musique
contemporaine, autrement dit, la pire !»
lance avec un sourire Raoul Lay, qui
dirige avec une précision et un rare brio
les œuvres de Boulez, Messiaen, Debussy,
et Jean-Luc Hervé qui a composé En
Dehors, spécialement pour l’ensemble
Télémaque.
Car il s’agit, en dépit des a priori, d’une
musique pour tous : Raoul Lay nous apprend à entendre les couleurs, car,
dit-il, «la musique française s’occupe de
couleurs.» Et c’est vrai, les appogiatures
de Dérive 1 de Boulez donnent un effet
de vagues soutenues par le beau vibraphone de Christian Bini, puis c’est dans
une promenade solitaire et inspirée que
nous entraîne la merveilleuse flûte
(Charlotte Campana) de Syrinx, à
laquelle répondent les échos superbes
du piano de Reflets dans l’eau (Hubert
Reynouard) de Debussy. Fluidité des
résonances… qui laissent place à la
musique imagée, descriptive, du Merle
Noir.
Puis la création : si la partition de
Jean-Luc Hervé s’acharne à désaccorder les instruments, elle permet aussi
de montrer leur virtuosité, le violon
(Jean-Christophe Selmi) et le violoncelle (Guillaume Rabier) accomplissent
des prouesses techniques pour mettre
en scène cette musique «spectrale»,
tout en quart de tons et qui emploie les
réglages les plus incongrus pour un
concert, comme la «sourdine d’hôtel».
La clarinette (Linda Amrani) réussit
même à produire des sons multiphoniques, trois notes à la fois !
C’est le sublime Quatuor pour la fin du
temps de Messiaen qui clôt avec ses
fureurs et ses poussières d’étoiles. Un
concert d’une qualité exceptionnelle,
mis à la portée de tous.
MARYVONNE COLOMBANI
Une heure avec Risset
Aujourd’hui, Jean-Claude Risset (né en
1938) fait figure de «classique» dans le
traitement du son par l’informatique
musicale, technique dont il fut un pionnier dès les années soixante. Au-delà
de son approche de physicien, des procédés expérimentés au fil d’un catalogue
de près de 70 opus, on trouve toujours
Festival Trans'electroacoustique © Claire Lamure
chez le compositeur une luminescence
tique
de l’atelier-studio du Gmem, baigné
sonore, un scintillement propre, une clarté dans l’exposition des différents objets dans un espace acoustique où les sons
sonores qui le singularisent. Cette «se mêlent dans l’air du soir» et s’entresignature futuriste, surnaturelle et spa- choquent au-dessus des têtes, le public,
tiale fonde une œuvre véritable. Ses lascivement allongé sur des transats, a
arcs-en-ciel d’harmoniques évoquent un pleinement goûté à une forme d’art qui
orient intersidéral sidérant, ses cloches s’est imposé depuis les péripéties défrise liquéfient, ses glissandi n’en finissent cheuses de Pierre Schaeffer.
pas de gravir l’échelle des fréquences… J.F.
Le 29 janvier, dans la disposition acous-
Créer en la Chapelle
La Chapelle du Méjan à Arles résonnait d’une musique pour le Temps Présent
en ce 1er février…
Non content de faire revivre le patrimoine musical, le Méjan et son association
contribuent également à son enrichissement : c’était en l’occurrence pour la
création d’une commande passée à
Philippe Hurel, Recueil pour alto (Christophe Desjardins) et percussions
(Daniel Ciampolini) que le public était
convié. Introduit par Elliot Carter
(pièces pour timbales), mis en regard
avec Berio (Duos et Naturale, sue melodie sciliane ), Hurel ne ménage pas ses
deux interprètes qui ont de la res-
source: transcriptions des Ricercari de
Gabrieli pour l’altiste, improvisation
pour Hang (récent instrument hybride
tenant du steel-drum et aux résonances
de tablas indiens) par le percussionniste aux touchers et talents multiples.
Le riche accord timbre qui introduit la
première pièce de Recueil est bien
estampillé Ircam, le dialogue progressif
qui suit pourrait s’assimiler à une
toccata du XXIe siècle aux lignes et
ponctuations acerbes… Compositeur et
interprètes sont à l’œuvre ensemble,
jusqu’à la conclusion qui finalise le
juste équilibre de la pièce. Rendez-vous
est pris pour les pages suivantes de ce
Recueil.
P.-A. HOYET
Philippe Hurel © N. Botti
CONCERTS
MUSIQUE
35
Le retour de BB
Harmonie du soir...
Pour sa soirée du 23 Janvier, le Méjan
a choisi de joindre les talents pianistiques de Brigitte Engerer au verbe
lyrique de Daniel Mesguich. Les
résonances de Bach/Busoni introduisaient cette soirée, conclue par les
Harmonies poétiques et religieuses de
Liszt, ponctuées par les accents mystiques de Mesguich dans Le lac de
Lamartine. Paraphrasé par Liszt, Schubert
abandonnait alors ses atours poétiques
pour n’en garder que la parure musicale…
C’est dire les imbrications du populaire
et du savant, du religieux et du profane
évoqués par les accents romantiques
des deux artistes lors de cette soirée. Le
talent de Brigitte Engerer n’était pas de
trop : cette pianiste semble posséder
une troisième main virtuelle et magique
pour faire sonner ainsi les supplications
de la Sérénade de Schubert au sein des
effusions Lisztiennes ! Le timbre de
Mesguich coulait comme le ruisseau de
La belle meunière, ponctuée par des
respirations judicieuses dans Baudelaire,
Hugo; au point d’ensorceler le public
délecté par quatre rappels !
P.-A. HOYET
Brigitte Engerer © Karl Lagarfeld
Les Siècles,
une aspiration d’éternité
Le GTP invitait les spectateurs, le 28
janvier, à un véritable moment de musique, avec un programme qui semblait
si «classique», si évident, si peu original -on cherche toujours à nous
éblouir par des inédits!- que l’on n’en
discernait pas immédiatement l’intérêt.
C’était sans compter sur le brio des
musiciens de l’orchestre Les Siècles,
jouant sur des instruments d’époque, et
leur interprétation vive et intelligente
de l’ouverture de Cosi fan tutte. Le chef,
François-Xavier Roth, sait rendre
sensible le propos musical. Par quelques
notes pertinentes et fines, il fait
entendre le fonctionnement de l’œuvre,
affine notre écoute… Les instruments
bavardent entre eux, rient, s’exclament,
chuchotent, dissimulent des choses
graves sous un léger badinage… et
«figurent le commérage».
Cette soirée consacrée à Mozart permit
aussi d’entendre un Beethoven jeune, à
l’inspiration toute mozartienne dans ses
cadences, avec le concerto pour piano
n° 1. Avec humour, le grand pianiste
Jean-François Heisser rappelait que le
premier concerto était en fait le
deuxième ! Au-delà de la capacité de
nous séduire par des anecdotes, c’est
Dans le cadre du cycle grands interprètes,
le GTP a accueilli l’immense pianiste russe
Boris Berezovsky, le 22 janvier
Après avoir conquis la cité des papes le
mois dernier à coups d’arpèges ravageurs, l’imposant moscovite Boris
Berezovsky, au demeurant familier du
festival voisin de la Roque d’Anthéron,
est déjà comme chez lui à Aix sur la
scène du Grand Théâtre de Provence.
Sans fioritures et fanfreluches, son style
racé et direct peut déplaire. Rien de
brutal pourtant, les lignes sont claires,
le toucher délicat et précis et le contrôle de l’œuvre, si important lorsque
de tels monuments sont interprétés,
total. La sonate dite Waldstein, véritable écrin rythmique Beethovénien,
est une œuvre angulaire du répertoire
pianistique : aisance virtuose dans l’écriture, libertés dans les développements
et pour la première fois sonate destinée
non plus à des pianistes moyens mais à
de très bons exécutants. BB en est un,
indubitablement, et sa délicate main
droite volubile au toucher si fin ajoute
une nouvelle couleur à sa palette.
Schubert le discret, toujours dans l’ombre
du héros Ludwig, répond au maître viennois par une œuvre incroyablement
technique elle aussi, la fantaisie Wanderer. Aux dimensions insolites et à la
virtuosité vertigineuse, cette pièce se
nourrit d’un seul et unique thème,
développé et travaillé, préfigurant la
forme cyclique lisztienne du poème
symphonique. Rien de plus logique que
d’enchaîner sur le monument qu’est la
Sonate en si mineur de Liszt, grandiose
«pensée musicale», virtuose, visionnaire… et admirablement interprétée.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Boris Berezovsky © X-D.R.
Feria musicale à Nîmes
Fidèle à ses amours hispaniques, JeanFrançois Heisser déroule sa muleta
avec L’Orchestre de Poitou-Charentes en
lieu et place de la Peña, assistés par la
cantaora de Malaga, Antonia Contreras,
Jean-Francois Heisser © Simone Poltronieri
et par Marie-Josèphe Jude au piano.
par son jeu, clair, précis, subtil qu’il Abrivado avec La Fantasia Baetica de
nous a enchantés, et ce sur un piano Falla : Heisser révèle les traits caractéErard tout empreint du souvenir de ristiques de la musique andalouse,
Liszt !
oscillant entre les rasgueado et les
Quelle symphonie de Mozart est la plus épanchements du cante jondo. C’est
connue du grand public ? La 40e bien dans La Feria de la Rhapsodie Espagnole
sûr ! Cependant, si le premier mouve- de Ravel que Marie-Josèphe Jude se
ment nous hante tilila tilila tilila la… joint à lui pour planter les banderilles.
les trois autres mouvements, injustement Le geste est sûr et précis, après les
refoulés de nos mémoires, sonnent passes délicieusement hésitantes de la
romantiques avant l’heure, comme le Habanera.
soulignait F.-X. Roth. Les auditeurs Changements de cartel : après Turina
étaient enveloppés, emportés dans et sa Rapsodia Sinfonica, entrée en lice
cette nappe sonore profonde et irisée… d’Antonia Contreras qui chante avec
effectivement passionnée et comme âpreté les estocades brûlantes et
romantique !
amoureuses de la gitane Candela dans
MARYVONNE COLOMBANI
L’amour sorcier de Falla première
version. Alliage brut d’une musique à
l’écriture précise, gagnée par les
couleurs de la voix traditionnelle. Les
deux oreilles et la queue pour le
matador Heisser et sa torera Contreras,
qui ont offert un beau prolongement au
Festival flamenco de Nîmes.
P.-A. HOYET
Antonia Contreras © Vincent Garnier
36
MUSIQUE
CONCERTS
Le clavier bien libéré
On avait un peu peur ! Parce qu’un long récital de
clavecin, dans une grande salle ne favorisant pas
l’intimité, avait de quoi faire venir à reculons les
adeptes des phrasés lyriques des cordes ou des
puissants Steinway ! On avait tort… car il fallait
compter avec le talent de Pierre Hantai,
particulièrement en verve.
Le clavecin, exhumé par les néoclassiques au XXe
siècle, a trouvé la faveur du grand public avec le
revival baroque et les progrès des techniques
d’enregistrement : on capte désormais au cœur de
l’instrument la vibration sympathique des cordes
ou les percussion des sautereaux... Mais en concert
on est parfois un peu frustré par l’austérité du
discours ou le manque d’ampleur sonore…
Pierre Hantaï, grâce à la souplesse naturelle qu’il
accorde à la pulsation, évite l’écueil. À la lumière
d’une simple lampe nimbant l’instrument d’un clairobscur pictural, le claveciniste a fait preuve d’une
grande liberté dans Couperin, rayonné d’aisance
dans les pyrotechnies de Scarlatti… quand la Suite
anglaise et le Concerto Italien de Bach ont achevé
de convaincre de l’indéniable richesse inventive du
musicien.
La crème
des quatuors
Pierre Hantai © X-D.R.
JACQUES FRESCHEL
Pierre Hantaï s’est produit le 3 février
à la Faculté de médecine de Marseille,
dans le cadre de la programmation de la Société
de Musique de Chambre de Marseille
De Zoroastre
à Sarastro
Zoroastre est un mage mis en scène dans l’opéra
éponyme de Rameau. Dans cette tragédie lyrique
(créée en 1749 et révisée en 1756), le livret signé
d’un franc-maçon Louis de Cahusac reprend des
thèmes cher à son ordre : le combat du Bien contre
le Mal, l’élévation d’un temple à la lumière, aux
arts, à la vertu... S’il n’est pas avéré que Rameau fut
lui-même membre d’une Loge, on sait en revanche
que Mozart a bien été initié en 1785 et que La Flûte
enchantée (1791) est évidemment un «Opéra
maçonnique».
C’est sous ce titre qu’a été conçu l’attrayant program-me de l’ensemble Baroques-Graffiti. Sous la
forme de transcriptions, un choix de pages de ces
deux opéras ont été interprétés avec talent, telles
de vastes «suites» instrumentales, par Sharman
Plesner (violons), Agustina Merono (viole de
gambe), Jean-Christophe Deleforge (violone) et
Jean-Paul Serra (clavecin). On y a prisé tout
autant les audaces harmoniques de Rameau que les
fameuses mélodies mozartiennes.
Sous le son
d’Avignon
Ce 5 février au soir, en Avignon, Jonathan Schiffman a dirigé son orchestre de manière magistrale
avec tout d’abord les Variations symphoniques du
compositeur polonais Witold Lutoslawski (décédé
en 1994), puis un chef-d’œuvre de Johannes
Brahms : les Variations sur un thème de Haydn,
thème dont l’auteur d’ailleurs n’est pas Haydn ! Il
s’agit d’un ancien thème populaire dit «Choral de
Saint-Antoine», figurant dans un divertissement du
XVIIIe siècle. Mais selon les sources de Jonathan
Schiffman qui, très pédagogue, aime à parler, au
début de chaque concert, des œuvres interprétées,
ce thème mystérieux serait d’Ignace Pleyel, compositeur et facteur de piano parisien (1757-1831)
La seconde partie de soirée fut éblouissante :
Gautier Capuçon, violoncelliste virtuose et passionné (son instrument est un magnifique Matteo
Goffriler de 1701), fut le serviteur fidèle et inspiré
du Concerto de Dvorak : composé durant son séjour
new-yorkais, entre 1892 et 1895, ce chef-d’œuvre
est la dernière composition américaine
du maître tchèque, tout à fait
contemporain de la Symphonie
du Nouveau Monde, beaucoup
plus jouée. Une fois de plus
l’OLRAP fit vibrer son
public…
CHRISTINE REY
J.F.
L’ensemble Baroque Graffiti s’est produit
le 6 fev à la Bastide de la Magalone
G. Capucon © X-D.R.
Debussy et Ravel livrent au tournant du XXe siècle
deux bijoux de quatuors : ils n’y reviendront plus !
Fauré, à l’aube de sa vie, écrit un testament musical
en guise de chef-d’œuvre : son unique quatuor.
Dans ces opus, le Quatuor Ebène a livré à coup sûr
l’un des plus beaux récitals de musique de chambre
de la saison en région. Ces jeunes musiciens,
aujourd’hui au sommet (nommés aux Victoires de la
musique), jouent partout et ont acquis en peu de
temps un «métier» hors du commun : ils explosent
dans ce programme récemment gravé chez Virgin.
On est cependant surpris devant les salles bien remplies… un dimanche après-midi à Martigues, pour
de la musique de chambre… française de surcroît!
Car on nous l’assure : c’est un vrai risque de la part
des programmateurs ! Peut-être parce que, paradoxe
français, on méconnaît souvent les splendeurs de sa
propre musique.
Le public a acclamé les virtuoses et c’est rassurant!
De fait, les Ebène ont montré une réelle maîtrise
dans les articulations du discours, les pianissimi
feutrés, pizzicati délicats, trémolos alertes et coloris harmoniques… En jouant avec une telle
entente passionnée, établissant entre la musique
et le public une sorte de rituel sacré… avec une once
de dandysme en bada… ces quatre-là se tracent un
bel avenir !
JACQUES FRESCHEL
Le quatuor Ebène s’est produit à Martigues
(Les Salins) le 1er fev
et au Cadran (Briançon) le 3 fév
Quatuor Ebene © Julien Mignot
37
Sous le charme
À becs et gambes
Qui n’a pas de ces souvenirs anti-musicaux
au possible des flûtes à bec de collège
avec lesquelles des générations de
potaches écorchent vaillamment les saucissons imposés par les programmes ?
Réputation contre laquelle de talentueux concertistes se battent depuis
des années, imposant les flûtes à bec
comme des instruments à part entière.
Jean-Michel Hey et Guy Laurent ont
donné une jolie démonstration de leurs
possibilités harmonieuses, à travers des
pièces du XVIIe, danses enlevées de
Biagio Marini, Battalla de Falconiero,
(très imagée), canzonas et toccata de
l’incontournable Frescobaldi, chiccona
de Tarquino Merula, pièces de Bartolo-
meo Selma, espagnol certes, mais d’inspiration toute italienne, dans la
tonalité du programme choisi par
l’ensemble Baroque. Corinne Bétirac
au clavecin, imperturbable bassecontinue, se révéla virtuose interprète
soliste, et la voix chaude de la viole de
gambe d’Annick Lassalle fit entendre
des graves superbes. La Chapelle des
Oblats offrait à ce concert un écrin
taillé sur mesure, grâce à la belle
intimité qu’accorde son architecture.
M.C.
Ce concert a été donné à Aix
le 30 janv dans le cadre
des Festes d’Orphée
Suite Royale
Dans le cadre des Petites histoires de claviers organisées
par l’ensemble Baroques-Graffiti, la claveciniste
Christine Lecoin a su enchanter l’auditoire
de l’Urban Gallery le 7 février
C’est sous le signe français des ornements royaux de François Couperin
qu’a résonné une Urban Gallery
pleine à craquer. Le clavecin fait
recette, et bien que tombé en désuétude depuis deux siècles, il continue
de plaire et d’attirer mélomanes et
curieux, à la fois par la préciosité qui
l’accompagne comme son ombre mais
aussi par la qualité d’un répertoire
riche et souvent méconnu. La délicate Christine Lecoin avait choisi de
puiser dans l’univers prolixe des
quatre recueils d’Ordres de François
Couperin. Par Ordre entendons Suite
(de courtes pièces à l’instar des suites
de danses) dont la danse disparaitra
petit à petit au profit de pièces de
caractères. Regroupés dans ce récital
par affinités ou correspondances, les
opus aux titres parfois énigmatiques
dépeignent tour à tour des personnages, des atmosphères ou se font
écho de grandes fresques descriptives.
La Visionaire, véritable ouverture à la
française et les célèbres Baricades
mistérieuses dont la mélancolie surprend toujours, furent admirablement
interprétées. Au service de ce florilège d’ornements, notre claviériste
possède une technique impeccable et
sait faire alterner les plans par un
toucher varié et subtil. La Lugubre, la
Voluptueuse ou l’Amphibie en ont été
de parfaits exemples lors de ce récital
singulier, où chaque pièce écrivait sa
propre histoire, au grand bonheur
d’un public captivé.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Christine Lecoin © X-D.R.
Frank Braley © X-D.R.
er
Le 1 février, un magnifique concert
a comblé le public à l’auditorium du
Pharo. Après la délicieuse et sensible
ouverture de L’isola disabitata de
Haydn, le célèbre concerto pour piano
n°21 de Mozart faisait son entrée,
lumineuse. Au brio de l’Orchestre philharmonique de Marseille s’accordait
un piano virtuose. Frank Braley, aux
allures de jeune premier romantique
avec sa coupe à la Liszt, tint sous le
charme un auditorium captivé ! Jouant
littéralement avec l’orchestre, dirigé
avec élégance par le jeune et talentueux chef Thomas Rösner, il s’est
livré à un véritable dialogue, libre,
d’autant plus que sans partition, dans
lequel la simplicité des phrases
mozartiennes s’imposait, comme une
conversation à bâtons rompus que
l’on peut tenir avec des amis, hésitations, traits d’humour, confidences…
La mise en évidence des tensions, des
interrogations accordait une dimension poétique et intellectuelle à la
pièce, comme si nous avions suivi les
méandres de la pensée du musicien,
ses réflexions, ses états d’âme.
L’œuvre si célèbre était complètement
renouvelée par cette interprétation,
qui, cultivant à l’extrême une esthétique de la surprise, lui accordait la
beauté d’une découverte. Bissé, Frank
Braley donna la fantaisie en ré mineur,
dans laquelle il fit parler, d’une
manière incroyable, les silences ! Les
pauses, mises en relief et comme
théâtralisées par d’infimes et calculés
retards, rendaient encore plus sensibles chaque note...
La Nuit transfigurée de Schoenberg
composait la deuxième partie du
concert. Cette pièce plus difficile
soulignait les grandes qualités de
l’orchestre dans un répertoire auquel
il est moins habitué : précieux pianissimi des cordes dans les aigus, beaux
duos des premiers violons et alto
solos, sublimes envolées, magnifiques respirations de l’ensemble…
L’orchestre passa l’épreuve !
MARYVONNE COLOMBANI
38
MUSIQUE
CONCERTS
Celebrate Henry & Georg Friedrich !
Cela fait déjà sept saisons que le Centre Régional d’Art
Baroque «Euterpes» fixe son rendez-vous de mars aux
aficionados des musiques pour clavecin, violes et falsetti !
En 2009, on voyage de Purcell à Haendel… Anniversaires
obligent !
Henry Purcell est né en 1659 quand
Georg Friedrich Haendel est mort en
1759 ! Ces deux atlantes soutiennent,
quasiment à eux seuls (le second
était pourtant un émigré saxon), le
temple de la musique baroque anglaise.
Il était naturel que le claveciniste
Jean-Marc Aymes choisisse, pour la
7e édition de Mars en baroque, de
célébrer leur 350e et 250e anniversaires. Il s’entoure, pour ce faire, d’un
impérieux cortège de spécialistes :
l’incandescente violoniste Hélène
Schmitt, la soprano Monique Zanetti,
les contre-ténors Dominique Visse,
Pascal Bertin, les gambistes de
l’ensemble Orlando Gibbons…
On part à la découverte de musiques
italiennes (Caldara, A. Scarlatti,
Gasparini…) qu’a connues le jeune
Haendel à Rome (Concerto al Palazzo
Ruspoli le 17 mars), ou celles des
exilés (Matteis, Carbonelli…) qui
comme lui ont choisi Londres pour
port d’attache (Exil : les compositeurs étrangers à Londres le 18
mars). On tisse un programme autour
des «fantaisies pour violes» (Sweet
Fantasy le 19 mars) ou du Song de
Purcell (Fine knacks for Ladies le 20
mars)... Et l’on achève la balade par
A night at the opera, véritable feu
d’artifice vocal et parcours historique
conduisant «de Purcell à Haendel» (le
24 mars… concert redonné le 25
mars à Aix).
On goûte aussi, en préambule, aux
éclairages érudits des conférenciers
Marie-Paule Vial, directrice des
musées de Marseille (De la scène au
tableau le 17 mars), Roger Tellart
(De Dowland à Purcell : l’Angleterre
baroque et les désirs d’Italie le 20
mars), Benito Pelegrín (Des affects
aux effets à l’époque baroque le 24
mars).
JACQUES FRESCHEL
Jean-Marc Aymes © Marie-Eve Brouet
Mars en baroque
Eglise Ste Catherine, Marseille
Eglise du St-Esprit, Aix
Concerts à 20h30
Conférences à 18h
www.crab-paca.org
Billetterie
Espace Culture 04 96 11 04 61
Harmonia Mundi 04 91 33 08 12
Le «must» est à Aix !
couplées avec l’une des plus fameuses
symphonie de Haydn : la 88e en sol
majeur (le 19 mars)… En attendant
les jeunes chanteurs baroques du
Jardin des Voix, sélectionnés par
William Christie, et accompagnés
par l’orchestre des Arts Florissants
dirigé par Paul Agnew (le 21 mars) !
L’a-t-on assez dit ? L’édification du Grand Théâtre de
Provence a considérablement bouleversé la vie musicale au
Pays de Cézanne. De fait, les mélomanes de la région ont,
depuis deux saisons, accès au fleuron des productions de
la scène internationale
À la rentrée de mars, les affiches
concoctées par Françoise Jan et
Dominique Bluzet ne font pas exception. Immanquable : la tragédie
lyrique Cadmus et Hermione de Lully
par Le Poème Harmonique dirigé par
Vincent Dumestre ! Une véritable
plongée historique dans le GrandSiècle de Louis XIV ! (les 10 et 11
mars: voir p 40).
On s’incline aussi devant le chefd’œuvre de Brahms : son Requiem
allemand est chanté par Accentus,
dirigé par Laurence Equilbey, avec
Brigitte Engerer et Nicholas Angelich
au piano… rien que ça ! (le 14 mars).
On aime aussi le travail à la fois pédago et d’une grande finesse artistique
réalisé cette saison par FrançoisXavier Roth et son orchestre Les
Cadmus et Hermione © X-D.R
Siècles (voir p 35). Son Portrait
Mozart continue avec la magnifique
et mystérieuse Sérénade «Gran Partita» pour 13 instruments (le 18 mars)
et une triade symphonique : la n°6
(composée par un gamin de 11 ans!)
et la Concertante pour cordes de Mozart,
JACQUES FRESCHEL
Grand Théâtre de Provence, Aix
Concerts à 20h30
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
Lyrique
La grande Ciofi
C’est une star qui se produit dans le
chef-d’œuvre lyrique de Massenet !
Patrizia Ciofi chante Manon, entourée d’une pléiade d’excellent chanteurs:
Marc Barrard (Lescaut), Florian Laconi
(des Grieux). Sous la direction musicale de Vincent Barthe et une mise
en scène de Nadine Duffaut (le 22
fév à 14h30 et le 24 fév à 20h). On
découvre aussi la production Les
Orages Désirés signée Gérard Condé,
dont l’argument (Christian Wasselin) est conçu sur les passions
romantiques du jeune adolescent
Hector Berlioz (le 14 mars).
Le pianiste Miguel-Angel Estrella se
produit dans Bach, Fauré et Chopin,
Mendelssohn (le 3 mars à 20h30).
L’OLRAP joue les deux superbes
Symphonies en sol mineur (25e & 40e)
de Mozart, quand Cristina Zavalloni
chante les Folk Songs de Berio
(Musica Notturna - le 6 mars), suivi
du Concert de révélations classique
2007 de l’ADAMI (le 10 mars).
J.F.
Opéra-Théâtre d’Avignon
04 90 82 81 40
www.mairie-avignon.fr
Berlioz et Haydn
On attend la superbe «Trilogie
sacrée» L’Enfance du Christ d’Hector
Berlioz dans la scénographie de
Frédéric Andrau et sous la direction
musicale de Laurent Petitgirard (le
27 fév à 20 h et le 1er mars à 14h30).
Puis Jérémie Rhorer dirige l’Orchestre du Cercle de l’Harmonie pour la
«burletta per musica» L’Infidélité
déjouée, opéra classique et badin de
Haydn (le 13 mars à 20h et le 15
mars à 14h30).
Récitals lyriques du CNIPAL, L’Heure
Exquise, les 20 fév et 17 mars à 19h,
Foyer Campra.
Opéra de Toulon
04 94 92 70 78
www.operadetoulon.fr
Cosi «light»
L’Ensemble PhilidOr (dir. François
Bazola) et Yves Beaunesne, très
talentueux metteur en scène, représentent l’opéra «coquin» Cosi fan
tutte de Mozart dans un forme plus
légère que l’originale : une orchestration pour treize instruments
inspirée de la «Gran partita».
Cosi fan tutte
Le 13 mars
Théâtre de la Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.ville-gap.fr
Dernières heures
d’un condamné
Richard Brunel met en scène un
Opéra de chambre américain et
contemporain de Philip Glass La
Colonie pénitentiaire, d’après Kafka
(le 4 mars à 19h).
Auparavant, on découvre UR, Les
Sables Calligraphes, une Création
conçue et coordonnée par Aline
Millet-Marteville avec l’Orchestre
de Nîmes dirigé par Franck
Foncouberte (le 27 fév à 20h).
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
http://www.theatredenimes.com
39
Concerts / Récitals
Onefalsettoshow
Concerts à l’opéra
Piano russe
Avec sa nouvelle création, le contre-ténor Alain
Aubin propose une approche personnelle de ce
type de chant et de l’esthétique qu’elle implique.
En marge des représentations de l’opéra Il Pirata
de Bellini, l’Opéra de Marseille propose un
programme original de musique de chambre et un
concert symphonique.
L’alto a longtemps été le parent pauvre de
l’orchestre : il faut attendre Berlioz pour que cet
instrument, plus sombre que son frère le violon,
acquière ses premières lettres de noblesse. Tout le
pupitre d’altos de l’Orchestre de l’Opéra se
mobilise pour offrir un programme original de
pièces festives et de transcriptions vibrantes de
Ravel, Gershwin, Bernstein… à découvrir !
(Altissimo le 21 fév à 17h au Foyer de l’Opéra…
pour 5 euros seulement).
Si le concert dirigé par Cyril Diederich commence
par un hors-d’œuvre élégant, des Airs de concert de
Mozart interprétés par Rachel Harnisch, la suite
est plus dense avec la magistrale 1re Symphonie
«Titan» de Mahler et de superbes Lieder de Richard
Strauss où l’on retrouve la soprano suisse (Concert
symphonique le 4 mars à 20h).
L’enthousiasmant Festival russe, concocté depuis
quatorze saisons par Richard Martin, s’achève par
son traditionnel concert de piano. Cette année
Michel Bourdoncle laisse la scène à un autre éminent concertiste : l’élégant Sandro de Palma balaye
l’histoire du piano russe avec les incontournables
Tableaux d’une Exposition de Moussorgski et un florilège d’opus de Rachmaninov, Liadov, Rubinstein
et Scriabine.
LAM 63 Rue St-Pierre
Le 28 fév à 20h30
Jeune pianiste
et clarinette klezmer
Le jeune pianiste Francesco Tristano Schlimé nous
transporte, d’une salle à l’autre du théâtre martégal,
d’un récital classique (Bach) au registre contemporain (Cage, Arvö Part) pour un programme conçu
autour de la danse (Le 10 mars). En quartet, Yom
rend hommage à Naftule Brandwein, pionnier de la
clarinette klezmer dans les années 20 à New York
(le 17 mars).
Scène Nationale des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
«À propos de Mozart»
Les différentes facettes de la personnalité du compositeur, son cheminement créatif, sont illustrés par
des conférences (Pierre Lemarquis, neurologue,
Frédéric Isoletta, musicologue), récitals (Edna
Stern, piano) et théâtre (Don Juan : Frédéric Ortiz)
Opéra de Marseille
04 91 55 11 10
www.marseille.fr
Station Alexandre.
Les 14, 15, 21, 22 mars
04 91 42 05 87
www.station-alexandre.org
Musique ancienne
Mozart : airs de concert
L’ensemble de Jean-Paul Serra (pianoforte) achève
sa trilogie consacrée à Mozart avec des «Airs de
concerts» du Salzbourgeois et de Beethoven en
compagnie de Frédéric Albou (baryton) et JeanChristophe Deleforge (contrebasse).
Le 12 mars à 12h30 et 18h30 au Musée des
Tapisseries, Aix
Le 13 mars à 20h30 à la bastide de la Magalone,
Marseille
04 91 64 03 46
www.baroquesgraffiti.com
Renaissance vocale
Zygel impro
Jean-François Zygel et ses musiciens donnent un
concert «pédago» pour tout public sur le thème de
l’improvisation.
Théâtre du Jeu de Paume, Aix
Le 21 mars à 17h et 20h30
04 42 63 11 18
www.concertsdaix.com
Théâtre Toursky
Le 24 mars à 20h30
0 820 300 033
www.toursky.org
M. Demesse, D. Emeric, J. Stamboulidès, Ph. Hélion, M. Kérével,
B. Clasen, X. Franck,
C. Florentin, S. Lamarre © X-D.R
L’ensemble vocal Melisma dirigé par Régis
Dejasmin chante des «Motets de la Renaissance»
de Victoria, Palestrina, Praetorius… commentés par
des improvisations à l’orgue.
Le 17 mars à 19h au Temple de la rue de la Masse,
Aix
04 42 99 37 11
www.orphee.org
Contemporain
Atelier d’écoute
Tes mots de Philippe Gouttenoire est
présenté par Jean-Christophe Marti.
Le 14 mars à 17h à l’Alcazar
04 91 00 91 31
Futur… antérieur
et dégustatif !
À l’occasion du centenaire du Manifeste du futurisme publié par Marinetti
en 1909, Jean-Marc Montera accueille une drôle de «proposition» en
partenariat avec l’Institut culturel
italien : un Concert visuel de Rochus
Aust, suivi d’un «vrai» repas futuriste
(en 14 plats dont les «Carneplastico»
ou «Polofiat») cuisiné par Fabienne
Sitri… Pour amateurs de surprises
loufoques et culinaires (voir p 57).
Hall de Montévidéo
Le 21 fév à 20h30
04 91 04 69 59
www.grim-marseille.com
Red rails : création
Musique de chambre
Baltazar Montanaro-Nagy et consorts
propose un croisement des arts,
picturo–musico graphique et vidéo ou
les musiques actuelles improvisées se
métissent aux musiques savante et
traditionnelle.
Le 13 mars à 20h30, Cité de la
Musique
Violon & piano
«Un cœur en hiver»
Philip Bride et Bruno Rigutto
jouent Brahms, Beethoven et Franck.
Les Musiciens d’Hélios -Florence
Cabrita (piano), Noël Cabrita dos
Santos (violon) et Yannick Callier
(violoncelle)- jouent la Sonate pour
violon et violoncelle et le superbe Trio
en la mineur de Ravel, musiques
récurrentes du film de Sautet.
04.91.39.28.28
www.citemusique-marseille.com
Electroacoustique
Les Acousmonautes font leur show…
Médiathèque
Louis
Aragon,
Martigues
Le 20 mars à 18h30
04 42 80 27 97
www.lesacousmonautes.net
Grand-Bleu, Carry le Rouet
Le 10 mars à 20h45
04 42 45 09 85
Jeune duo
Deux jeunes et talentueuses musiciennes Fanny Clamagirand (violon)
et Hélène Couvert (piano) jouent
des Sonates de Mozart, Brahms et
Fauré ainsi que Messiaen ( Thème et
variations).
SMCM Faculté de médecine
Le 10 mars
04 96 11 04 12
Le Méjan, Arles
Le 15 mars à 11h
04 90 49 56 78
www.lemejan.com
Musée des Tapisseries, Aix.
Le 13 mars à 18h30
04 42 21 69 69
www.aixenmusique.fr
Ce programme est également donné
sous la forme d’une Conférence
musicale avec Charles Samuel auteur
du roman «Maurice Ravel tel qu’en
lui-même».
Cité de la Musique
Le 18 mars à 20h30
04 91 39 28 28
JACQUES FRESCHEL
40
MUSIQUE
DISQUES
Comme en
1673 !
Benjamin Lazar, Vincent Dumestre
et son Poème Harmonique nous refont
le coup du Bourgeois Gentilhomme enregistré en 2005 dans sa version
originale et intégrale de 1670, avec
les numéros musicaux de Lully, une
diction baroque «exotique», éclairage
à la bougie, décors authentiques…
C’est à l’Opéra Comique de Jérôme
Deschamps qu’ils gravent en 2008
(un film de Martin Fraudeau) la première Tragédie lyrique de l’histoire de
la musique, véritable acte de naissance de l’opéra français.
Egalement signé Lully, Cadmus et
Hermione est tout à la fois burlesque, fantaisiste, tragique, mêlant dans
un esprit purement baroque, danses,
chœurs et machines… On est
véritablement plongés en 1673 pour
«prendre le divertissement en l’Académie Royale de Musique établie par le
Sieur Baptiste Lulli, fort bel Ouvrage
du Sieur Quinault dans des décorations surprenantes…». Tiré d’Ovide,
le livret allégorique servait aussi de
propagande au Roi Soleil guerroyant
pour imposer la Paix à l’Europe…
JACQUES FRESCHEL
DVD Alpha 701
www.cadmus.fr
Ce spectacle «historique»
est à réserver (sans réserve!)
les 10 ou 11 mars au Grand
Théâtre de Provence (voir page 38)
Pionniers
Divine
musique
Création
hongroise
Dans ce récital baptisé Budapest
1900 (un temps où la création
magyare était encore tout empreinte
de romantisme à la Brahms), Valérie
Aimard (violoncelliste… et sœur de
Pierre-Laurent) et Cédric Tiberghien
(jeune pianiste Lauréat du Marguerite
Long en 1998) se retrouvent devant
les micros de René Gambini. Après
un magnifique disque de musique
française, publié en 2002 par le label
discographique marseillais Lyrinx,
salué par la critique, le couple
récidive en se tournant vers l’Est.
Dans un choix d’opus des trois grands
compositeurs hongrois du début du
XXe siècle, Zoltàn Kodàly (18821967), Béla Bartok (1881-1945) et
Ernö Dohnànyi (1877-1960), le duo
retrouve ses qualités de cohésion
intelligente, de poésie commune et
fait la part belle à la singularité des
créateurs.
J.F
CD Lyrinx LYR 235
Saluons le Divin qui est en eux, car
avec ce premier album, ils s’installent
au septième ciel pour une belle
débauche de sons. Encore une idée
de Cyril Benhamou, qui déserte le
domicile familial (avec son père, ils
ont créé le Al Benson Jazz Band)
pour une after débordante d’envies et
de rencontres. Point de transgression,
on reste Jazz, mais en empruntant
les chemins les plus modernes.
Dans ce genre d’entreprise, on se
promène vite sur des rivages de facilité, et on tombe souvent dans un
easy-listening d’ascenseur, molletonneux sur des rythmes house, ou
poussif au travers de beats et de
scratches répétitifs. C’est tout le
contraire qui se produit quand on sait
jouer de la musique ! Précisons que
les trois morceaux les mieux travaillés
sont sans doute ceux où intervient,
en guest aux scratches, DJ Rebel,
autre acteur actif de la scène marseillaise. Une aubaine pour la ville
que d’accueillir en son sein une telle
formation, qui se fera sans doute
remarquer bien au-delà de la sortie
de ce cd, dans des Jam sessions aux
quatre coins de Marseille. Pour saluer
le divin qui est en nous tous !
X-RAY
Good Baba !
Namaste !
Label Interaction
En quête d’unité jusque dans son
titre, l’album tant attendu de ces
pionniers du Reggae en France est
d’actualité. Alerté par la guerre fratricide entre «la descendance d’Abraham,
Isaac, Ismaël», Soulemane Saar, le
chanteur, se souvient de son expérience vaine au sein des casques bleus
et reprend l’arme du micro.
Installé à Bordeaux, il n’a signé que
quatre albums en 15 ans, mais depuis
sa première frappe (Immigré en 1993),
le groupe a conservé son identité
africaine, si bien qu’il est difficile
aujourd’hui de le considérer comme
groupe français. En live, ils ont très
vite marqué les esprits et attiré le
soutien du label Boucherie, puis le
talent de mix de Dennis Bovell. Le
pied très souvent au Sénégal,
Niominka Bi, l’homme de la mer a
choisi cette fois d’amarrer sa carrière
en Jamaïque et de collaborer avec les
artistes maisons comme Winston Mc
Anuff, toujours parfait dans cet esprit
d’ouverture ou Cedric Myton qui a
ressorti les bandes de son Fisherman.
Les membres du N’Diaxas band ont du
coup disparu du livret et les titres ne
sont plus tout à fait originaux :
Selassié reprend du Gregory Isaacs,
Alhamdou une rythmique de Bunny
Lee, et Ndounsay du Max Roméo. Cet
album si africain dans l’âme se fait
alors l’écho de la musique jamaïcaine,
fait pas si fréquent. La voix si haut
perché du chanteur annonce la paix
entre les deux genres, et son talent
fait mouche. On espère un retour en
force pour les festivals d’été !
X-RAY
Salam Shalom
Niomika bi
Label Makafresh
Balkanique !
Sixième album et déjà vingt ans de
carrière pour Aksak. Le nouvel enregistrement intitulé Portraits, musique
créative des Balkans trace sa route
tout à l’est de l’Europe. Musique festive «pleine de gens» qui se partage
et se transmet oralement, l’univers
tzigane est indissociable de la scène
et le concert gravé au théâtre René
Char de Digne les Bains en est un
témoin privilégié. Titres originaux, ou
quelquefois puisés dans le répertoire
traditionnel d’Anatolie, de Bulgarie et
de Roumanie, l’esprit balkanique sonne
au caval roumain (ou au kaval bulgare)
de l’experte flutiste Isabelle Courroy.
Proche de l’improvisation, cette musique du cœur alterne entre les festives
hora (danses) et les mélancoliques
romances. L’instrumentation riche et
colorée regroupe accordéon, caval,
clarinette, tapan, violon, saxophone,
contrebasse, oud, guitare, tambura,
trompette sans oublier les voix. Une
diversité qui ajoute un intérêt supplémentaire à cette mosaïque tzigane
élargie, et nous apporte un regard
neuf.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Portraits
Aksak
Buda
Musique
42
MUSIQUE
CONCERTS | AGENDA
Dans l’air du temps… la chanson !
Depuis 1997 à Marseille, le festival Avec le temps
s’attache à promouvoir la chanson francophone.
Cette année, le Centre de Rencontre et d’Animation
par la Chanson, à l’origine du projet, investit la ville
du 13 au 25 mars. Avec une quinzaine d’artistes en poche
Cette manifestation se plait à mêler, au
carrefour des influences, les mots et les
univers. Mais pas seulement : de jeunes
talents y côtoient les confirmés. En effet,
non satisfait de réunir, seules, les têtes
d’affiche, Avec le temps n’oublie pas que
la chanson est un art vivant, en invitant
les oreilles à de récentes découvertes
musicales : de nombreux artistes locaux
se voient ouvrir les scènes.
Sans dépoussiérer les vieux mythes,
cette 11e édition ré-invite certains des
meilleurs moments des éditions précédentes, même si Clarika est annulée.
L’équipe tisse un lien très fort avec une
nouvelle scène, où slam (ne pas rater
la prestation du local Ysae en première
partie de Abd Al Malik), poésie
urbaine (les textes de Merlot écrit au
comptoir), et genre décalé (les deux
Wriggles de Volo) tiennent le pavé. Mis
à part la Grande Sophie en tête d’affiche, ils appartiennent tous à un genre
de chanteurs cyniques et désabusés,
avec leur look anti-graines de star
(mention spéciale à Thomas Fersen),
assez de vitriol dans leurs textes pour
être taxé de rebelle et des inspirations
musicales non conformes (rock énervé,
baltringue festif, ou le rythme chaloupé
du reggae). Quand ils prennent l’accordéon (Zaza Fournier vous étonnera),
rien à voir avec le musette et quand ils
sont drôles (comme la sensible Emilie
Loizeau), ce ne sont pas les Frères
Jacques !… Murat et Pigalle (le retour!)
seront les aînés de ce festival, deux
grands moments auxquels il faudra
ajouter le talent de David Lafore et
d’Usthiax, peut-être les plus innovants
du lot…
Le folk, le rap et la poésie s’entremêleront donc durant onze soirées, à
l’Espace Julien, au Théâtre de Lenche,
à l’Intermédiaire, La Machine à coudre
et au Cri du Port. Car Avec le Temps sait
aussi dynamiser la ville de la petite à la
grande scène !
Le Centre de la Chanson proposera également des ateliers d’écritures, ainsi qu’un
tremplin musical et des show cases
organisés avec le Lollipop Music Store
et l’association Guimik.
X-RAY ET JORDAN SAÏSSET
www.festival-avecletemps.com
Pigalle © X-D.R.
Au programme
La Grande Sophie revient sur scène après
l’enregistrement de son cinquième album
vendredi 13 mars, 20h30 à l’Espace
Julien, avec Claire Denamur en première partie.
Jean Louis Murat et ses nouvelles chansons d’amour, samedi 14 mars, 20h30
à l’Espace Julien avec Usthiax en première partie + Petite Musique, 21h30 à
La Machine à Coudre.
Le folk sensible de Emilie Loizeau,
mardi 17 mars, 20h30 à l’Espace Julien
avec Agnès Bilh en première partie +
blind test et scène ouverte, 20h à
l’Intermédiaire.
Volo, duo aux histoires inattendues,
mercredi 18 mars, 20h30 à l’Espace
Julien avec La Marquise
en première partie + Leute
à l’Inter-médiaire à 23h.
Zaza Fournier, entre tradition et modernité, jeudi
19 mars, 20h30 à l’Espace
Julien + Leute à l’Intermédiaire à 23h.
Mélanie Dahan Trio, jeune
espoir du jazz vocal, jeudi
19 mars, 20h30 au Cri du
Port.
L’univers à la fois noir et
drôle de Merlot, vendredi
20 mars, 20h30 à l’Espace
Julien avec David Lafore
en première partie.
JL Cadoré, artiste indépendant, vendredi
20 mars, 20h30 eu Théâtre de l’Œuvre
avec Maurad Mancer en première partie
+ Louis Ville, 23h à l’Intermédiaire
Pigalle, entre folk et punk, samedi 21
mars, 20h30 à l’Espace Julien avec
Debout sur le zinc en première partie +
Mi & Eddy (La) Gooyatsh, 23h à
l’Intermédiaire.
La pop française de Alcaz’ lundi 23
mars, 20h30 au théâtre de Lenche.
Abd Al Malik entre poésie, rap et jazz
mardi 24 mars, 20h30 à l’Espace Julien
avec Ysaé en première partie.
Thomas Fersen et sa poésie fantaisiste
mercredi 25 mars, 20h30 à l’Espace
Julien.
Manifestations musicales un peu partout…
Premiers sur le pavé, les jeunes pousses
passent leurs oraux avec la fin du festival Emergenza au Café Julien (du 26
au 28/02), ou la demie finale Class
Rock au Portail Coucou (27/2).
Les militants reggae unissent leurs efforts dans l’énergie de la scène locale
avec les Messengers, et leur chanteur
anglais Paul Morgan, invitant le parisien Kyssi Wète au Paradox (25/2), le
skank médusé de Dawta Jenna à la
Machine à Coudre (28/2), ou les platines de Renka & Izmo (21/2) à l’Intermédiaire.
Le «Mike» se partagera entre Timike
(ancien de Mister Gang) au Nomad
café (20/2), Mike de Sinsémilia au
Dock des Suds (7/3), ou Mike-y Dread
en session roots-dub à l’Affranchi
(14/3).
La veille, le Soul Stereo accueillera Aidonia tout juste sorti de prison, aux
Salons du Nil de la Valette ! Les autres
pourront revendiquer leur singularité
en allant au spectacle de Thomas Dutronc (13/3), présenté au Grand
Théâtre de Provence à Aix, ou dé-
fendre une certaine créativité en partageant un moment avec Joseph Arthur (12/3) à Toulon, au lieu d’admirer
Steve Lukather, pilier de Toto pourJoseph Arthur © X-D.R.
suivant à l’Usine à Istres (10/3) une
carrière solo un peu trop sage en ces
temps de lutte…
Pour conserver notre Liberté d’expression, le moyen le plus en vogue est le
Slam, avec Grand Corps Malade en
chef de file au Théâtre Galli de Sanary-sur-Mer (13/2), talonné par le
talent rock et nettement plus fulgurant
de Luciole et Nevchehirlian (14/3) à
l’Escale Saint-Michel d’Aubagne. Si
cela ne suffit pas à se faire entendre,
la puissance du set live de Birdy Nam
Nam au Dock des Suds (27/2) réunira
les voies de la jeunesse proche de la
culture du turntablism, déroutant pour
les plus anciens, qui peuvent toujours
rêver devant le bollywoodien spectacle
Bahrati du Dôme (les 28 et 1er Mars,
prolongation les 7 & 8) : en attendant
le printemps sous un lancer de pétales
de Rose…
X-RAY
43
Mars se place !
Le printemps musical sera riche
et quoi de mieux qu’un agenda
bien mijoté pour se tenir prêt ?
Sur la planète Marseille, découvrons les Velvetine
au Lounge (27/ 2) sans trop s’éloigner de la Mèson
qui avant d’ouvrir ses portes aux improvisations de
Hongrie et d’ailleurs de Akosh et Gildas Etevenard
(21 au 23/3) accueillera l’enflammée Yeya
Santiago (13/3) et la flamenca Teresa Deleria
(14/3) pour terminer le week-end façon jazz new
yorkais avec The Fail (15/3). Jazz toujours chez
Gebelin avec le Yves Laplane Quartet (13/3) ou
sur Vitrolles à Charlie Free avec le François
Merville Quartet (14/3).
Sur la scène de l’Espace Julien, Pep’s et Martin
Rappenau seront sur les planches (6 et 7/3) avant
de laisser la place au festival Avec le Temps.
Quelques rues plus bas nous voici dans l’antre du
Poste à Galène et la culture rock de Yann
Lamballee (28/2), le garage rock des Fuzztones
(12/3) et les chansons de La Casa (14/3) dont
l’album est à découvrir.
Si votre cœur balance pour des riffs saturés ne
manquez pas Elektrolux (27/2) à la Machine à
Coudre. Dans ce cas, plus rien ne vous interdit de
débuter mars devant la même scène. Lazy Bones
(6/3) et Ol’Cunts (7/3) sauront vous divertir. Avant
de quitter notre sphère, un tour au Baby pour le
rock envoûtant de Quaisoir (26/2), le contracté
noisy Anything Maria / Helluvah à l’accueillant
Paradox (26/2) et l’expérimental Strings of
Consciousness au Lolipop Music Store (27/2).
Changement de couleur à l’Usine à Istres pour
swinger manouche au son des Caravan Palace
(5/3), attraper l’électron libre Laurent Garnier
(13/3) et (re)découvrir Lucky Peterson (20/3).
Quelques bornes plus loin et nous voici sur le pont
du Cargo de Nuit arlésien où il fera bon écouter
l’électro balkanique Shantel (13/3), la pop
suédoise de Peter Von Poehl (14/3), les punks
historiques anglais Buzzcocks (20/3) et le cocktail
explosif préparé par General Electriks (21/3).
Toujours sur Arles, place Paul Doumer, Tartares et
Conflitures (14/3) au programme varié très
complet : quand l’art parle de la guerre, pour lutter
contre…
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Au programme
MARSEILLE
Cabaret Aléatoire : Neimo, The
Dodoz (20/2), D’Julz, Jack de
Marseille (21/2), Mathieu Bogaerts
(27/2), Dj Spinna (28/2), So Called,
Kabbalah, Squaaly (11/3), Les
Vedettes, Ada, Mlle Caro (13/3), Dj
Babu (14/3)
04 95 04 95 09
www.cabaret-aleatoire.com
Embobineuse : Harry Merry & The
Must, Trike (20/2), Sister Iodone,
Aide Auditive, Conger ! Conger !,
Felix Fujikoon (27/2), The dreams,
Dudu Geva (28/2), KK Null, Philippe
Petit (10/3)
04 91 50 66 09
www.lembobineuse.biz
Espace Julien
Eths (20/2), Qnc (21/2), Emerganza
(28 au 28/2), Pep’s (6/3), Martin
Rappeneau (7/3)
04 91 24 34 10
www.espace-julien.com
La machine à coudre : Antonio
Negro (19/2), La Bonne, la Brute et
le Truand, Vaginal Liquid, The
Remembers (20/2), Les Jolis
(21/2), Elektrolux, 64’s/s’69 (27/2),
Dawta Jena & Urban Lions (28/2)
04 91 55 62 65
www.lamachineacoudre.com
Baby : Sudden Jazz (20/2)
04 91 48 85 67
Paradox : PHM, Dj Nashsweetfingers
& MC Colma & Missy Co (20/2),
Giuben (21/2), L’Oustau Baleti
Orquestra (24/2), Messengers, Kyssi
Wète (25/2), Anything Maria,
Helluvah (26/2), Alexandre Manno
Grupo (27/2), Somanké (28/2)
04 91 63 14 65
www.leparadox.fr
Underground : Micromusic Marseille
HQ, Confipop, J+1 (26/2), Ruffle
Crew, The Unik (13/3), Muskar13
(14/3)
www.myspace.com/nothingtoscratch
Nomad Café : Le Petit Dernier,
Tabarnak (20/2), Bibi Tanga et le
Professeur Inlassable (13/3)
04 91 62 49 77
www.lenomad.com
Planet Mundo Kfé : Marabu Fonk
System (20/2), Lord Library & DjScream (13/3), Beat Jewelers
(20/3)
04 91 92 45 72
www.mundo-planet.com
AUBAGNE
ISTRES
L’Escale : Dissonant Nation, Smack
La, The Host (20/2), Deni Shaïn
(27/2), Luciole, Nevchehirlian
(14/3)
L’Usine : Macadam Bazar, De la
Colline (21/2), Aloula, TchaPaKan,
Les Antibelles (27/2), Caravan
Palace, Syrano (05/3), Steve
Lukather (10/3), Laurent Garnier
(13/3)
04 42 18 17 17
http://mjcaubagne.free.fr
AVIGNON
Ajmi : Jobic le Masson trio (20/2),
Olivier Le Goas (6/3), Denis Badault
Quartet (13/3), Melanie Dahan
Quartet (20/3)
04 90 860 861
www.jazzalajmi.com
04 91 99 0000
www.dock-des-suds.org
AIX
Pasino : Jil Aigrot chante Piaf
(20/2), Patricia Kaas (13 et 14/3),
Maxime Le Forestier (20/3)
04 42 59 69 00
www.pasino-aixenprovence.com
MIRAMAS
La Colonne : Lisboarium Misia (voir
journalzibeline.fr) (14/3)
04 90 17 30 80
www.scenesetcines.fr
BRIANCON
PENNES MIRABEAU
Le Cadran : Biréli Lagrène & Sylvain
Luc (26/2), David Krakauer (17/3)
Jas’rod : Elora, Nesryn, Twisted
Kingdom, Almereyda, K-Ban (20/2),
Buzz From Mars, Tokamak, Harmonic
Génération, Hanami, Solat (21/2),
Ultra Vomit, Brutal Rebirth, Mindlag
Project (7/3), Pura Fe’ (14/3)
04 92 25 52 52
CHÂTEAU-ARNOUX/SAINTAUBAN
Théâtre Durance : Spaccanapoli
(13/3)
04 92 64 27 34
www.theatredurance.com
COUSTELLET
Dock des suds : Birdy Nam Nam,
Yuksek (27/2), Sinsemilia (07/3)
04 42 56 02 21
www.scenesetcines.fr
La Gare : Vertigo Songs (27/2),
Narrow Terence, Zimmer Lane (7/3),
Bertrand Belin (14/3)
04 90 76 84 38
www.aveclagare.org
DIGNE
Centre René Char : Fabienne Zaoui
E Beijo (19/3)
04 92 30 87 10
04 91 51 87 46
www.pennes-mirabeau.org
PERTUIS
Bibliothèque Municipale: Soirée
Slam avec Dizzylez (13/03)
04 90 79 40 45
44
MUSIQUE
CONCERTS
Petit lieu aux idées larges
Créée par la chanteuse-comédienne Isabelle Bloch
Delahaie, cette petite salle située en plein cœur de
la ville d’Aix multiplie les spectacles. Avec les trois
cordes de son arc, cette scène atypique est vouée
à la formation, la création et la diffusion de
spectacles. Fruit de l’association Théâtre et
Chanson, elle se plait à promouvoir la chanson
vivante sous toutes ses formes.
Samedi 21 février, elle accueillera la gaieté, la
pureté et la vigueur de Philippe Forcioli et sa
guitare dans Chante et dit, offrant au spectateur les
bienfait de la langue vivante.
Puis Et toi tu marcheras dans le soleil... mettra en
scène et en chansons l’œuvre de Arthur Rimbaud.
Étreinte par la souffrance d’un homme, marquée par
les multiples paradoxes d’une existence étrange et
curieuse, la création fait intervenir Isabelle, la sœur
de l’écrivain, également présente dans cette
chambre nue de la Conception dans laquelle le
poète s’éteignit après ses tribulations africaines.
Un moment d’immersion particulier, dans l’intimité
des derniers jours de sa vie.
Panier musical
Lors de Mars en musique,
sur les scènes du Lenche, le jeu
s’alliera au chant et le concert
au spectacle pour cinq programmes
mélodiques
Et toi tu marcheras dans le soleil © Christiane Robin
Chante et dit
Philippe Forcioli
21 et 22 fév
Et toi tu marcheras dans le soleil…
Isabelle Bloch-Delahaie,
du 12 au 22 mars
Théâtre et Chanson (Aix)
04 42 27 37 39
www.theatre-et-chansons.com
JORDAN SAÏSSET
Escapade fulgurante... en V7
Le saxophoniste italien Stefano di
Battista dont la réputation n’est plus
à faire, avait un compte à régler avec
la musique jazz pour le plus grand
plaisir du public du Grand Théâtre de
Provence
Fabrizio Bosso (trompettes) a montré, dès le
début du set, son énorme talent, sa vélocité et on
a pu juger de sa grande complicité avec les
Stefano di Battista © Didier Ferry
musiciens. Le concert s’est déroulé à un rythme
soutenu, et même fougueux. Une musique pleine
de délicates et subtiles références à l’histoire du
jazz. Les beaux unissons auxquels on est habitué
dans la musique de Stefano di Battista (saxs)
avaient la précision d’une horlogerie parfaitement
rodée. Un instinct expéditif, mais plein
d’ingéniosité dans son rapport à la mélodie, leur a
permis de retomber toujours sur leurs pattes,
comme des chats à la fulgurance innée. N’oublions
surtout pas Greg Hutchinson à la batterie qui a
participé activement à la cohésion du quartet ! Car
l’extraordinaire pianiste Baptiste Trotignon
(claviers) était aux commandes d’un instrument
que l’on rencontre trop peu souvent : l’orgue
Hammond B3, avec cabine Leslie, qui donne au son
une épaisseur et une expressivité si particulière.
Grâce à lui, l’absence de contrebassiste ne s’est
absolument pas fait sentir. Et pour finir, Stefano di
Battista a même fait chanter son public, pourtant
assis et sage. Un grand bravissimo !
La littérature tchèque contemporaine ouvrira le bal,
entre cuisine et sentiments, avec Petites recettes
pragoises. Une création mise en musique par
Premysl Rut qui aiguillera le spectateur sur l’art de
cuisiner et de cultiver le temps. Le même soir, Les
noces dans la maison contera la rencontre entre la
jeune Eliksa et l’extravagant Bohumil Hrabal.
S’ensuivront Les demi-heures de l’ange, traitant,
avec humour et poésie, des rapports sociaux, à
travers le music hall intime d‘un ange. Tandis que
Griffes, entraînera le spectateur sur les toits de la
ville, dans une poursuite haletante entre un chat
détenteur de clefs musicales et un artiste en quête
d’inspiration…
S‘inscrivant dans le cadre du festival Avec le Temps
(voir p 42), le concert du duo marseillais Alcaz, de
retour des Francofolies de Montréal, aura l’occasion
de fêter la sortie de leur album On se dit tout. Et ce
mois musical se verra clôturé avec Un après-midi
d’avril et son cabaret argentin : l’histoire des mères
de la Place de Mai venues réclamer leurs enfants
disparus à Buenos Aires. Un hommage à la vie,
alliant le récit, parfois grave, à l’harmonie.
JORDAN SAÏSSET
Petites recette pragoises Les noces dans
la maison
Golem Théâtre
du 3 au 7 mars
Théâtre de Lenche
Les demi-heures de l’ange
Cie LaisseToiFaire
du 10 au 14 mars
La Friche du Panier
Griffes
Pictur’music
du 17 au 21 mars
Théâtre de Lenche
DAN WARZY
Alcaz en concert
le lundi 23 mars
Théâtre de Lenche
Ce concert a eu lieu le samedi 7 fév
au Grand Théâtre de Provence d’Aix-en-Provence
Troubleshootin’ / Blue Note / Stefano di Battista
Share / Naïve / Baptiste Trotignon
http://pianoweb.free.fr/orgue-hammondhistoire1.html
Un après-midi d’avril
Compagnie Tableau de Service
du 24 au 28 mars
La Friche du Panier
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
AUBAGNE | TOURSKY
L’Amour
rêvé du Jazz
Avec le CD de Christophe LeLoil quelque chose se
passe tout de suite, qui donne envie de s’en
imprégner, de se l’approprier jusqu’au fond de soi.
Et voilà que le Cri du Port, à la programmation
toujours excellente, a permis de retrouver, le 12 fév,
le sextet en chair et en os ! Un moment de très grand
plaisir musical.
Un seul set pour ce concert des nouvelles compositions de Christophe LeLoil en leader. Ses
E.C.H.O.E.S (Extended Compositions Heard On
Evolutive Swing) ont été déroulés d’une seule traite.
Deux années de maturation ont été nécessaires à ce
projet pour l’écriture et le choix de ses compagnons
de route : Raphaël Imbert (sa, st, clb), Carine
Bonnefoy (p), Thomas Savy (sb, clb), Cedric Bec
(bat), Simon Tailleu (ctb), tous musiciens talentueux ayant participé à des projets musicaux tels
Shawtime, BUKproject, Raphaël Imbert Project,
Newtopia Project ou travaillant dans divers cadres
comme la Cie Nine Spirit. Preuve qu’une créativité
foisonnante existe dans notre région !
DAN WARZY
© Dan Warzy
ECHOES
Christophe
Leloil Sextet
AJMIseries
AJM17
Sous le signe
de Chet
Charlie Free a organisé, en collaboration avec le
cinéma Lumière de Vitrolles, une soirée autour de
Chet Baker le 24 janv. Let’s get lost, film
documentaire en noir et blanc de Bruce Weber a
permis de retracer la vie du célèbre trompettiste du
cool jazz. Interviews en compagnie d’amis, de
musiciens, des femmes qui ont partagé sa vie, de
ses enfants : le cinéaste pointe une caméra parfois
impudique dans un jeu de flash-back, de ses jeunes
années jusqu’en 1988, peu de temps avant sa mort
tragique à 58 ans. On voit un homme, amoureux de
belles voitures, séducteur à la James Dean, jouant
ou chantant auprès des plus grands musiciens avec
sa voix, si reconnaissable dans My Funny Valentine.
Il dira qu’il ne sait pas s’il est «un trompettiste qui
chante ou bien un chanteur qui joue de la trompette».
La soirée s’est poursuivie par un concert du trio
Marc Perez (g),Gérald Moniez (dr), Gilles Cardon
(ctb) avec François Chassagnite (tp) et JeanPaul Florent (g). L’occasion d’entendre des reprises
de standards.
D.W.
CINÉMA
45
Aubagne fait sonner
les films
Puisque nous sommes nes de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana © Tiago Santana
Du 16 au 21 mars, le FIFA,
Festival International du Film
d’Aubagne, fête ses dix ans. Comme
chaque année, des longs et des courts
métrages ont été sélectionnés
pour la qualité de leur bande son
et de la musique originale
Huit longs métrages représentant huit pays, dont
Before the Burial de l’Iranien Behnam Behzadi, Du
bruit dans la tête du Suisse Vincent Pluss ou
Unspoken de la Belge Fien Troch, et le documentaire
Puisque nous sommes nés de Jean-Pierre Duret et
Andréa Santana.
Sur les 1100 courts métrages reçus, 63 seront présentés au public, répartis en quatre sélections,
fiction, expérimental, documentaire et animation.
Ce ne seront pas les seuls courts métrages présentés: s’y ajouteront les 21 films choisis pour la
Nuit de l’Horreur et ceux de la carte blanche donnée à Sacrebleu Productions qui fête aussi ses dix ans.
Et pour les jeunes, un programme de courts métrages, «porteur d’un débat humain et citoyen».
L’acteur belge Olivier Gourmet, présent au FIFA, sera
à l’honneur puisqu’une rétrospective lui est consacrée, avec la projection du Fils des Frères Dardenne
pour lequel il a reçu le prix d’interprétation au Festival
de Cannes 2002, de Home d’Ursula Meier dont il
partage l’affiche avec Isabelle Huppert et de National
7 de Sinapi où il joue le rôle de René, myopathe au
caractère irascible.
De la musique avant toute chose…
«Regards Croisés» mettra en lumière le travail de trois
écoles européennes qui donnent une place essentielle à la création sonore et musicale : La Poudrière
en France, l’Academy of Music and Performing Arts
Film and Tv Faculty de Slovaquie et la Polish National
Film School.
La musique sera spécialement à la place d’honneur
durant deux soirées : des musiciens recomposeront
en direct la musique du film du réalisateur marseillais
Philippe Carrese, l’Arche de Babel, en présence de
l’acteur Féodor Atkine.
Et, à l’occasion de la soirée de clôture sera présenté
un ciné concert, le travail de la master class de composition musicale pour l’image (voir page 7) dirigée
par le compositeur jazzman saxophoniste Raphaël
Imbert, dont les qualités d’écoute et l’inventivité
musicale devraient faire merveille dans cet exercice
périlleux… Et, tous les soirs, des concerts de jeunes
groupes régionaux issus du partenariat avec la
Pépinière d’artistes d’Aubagne.
Sans la musique, la vie serait une erreur : cinéphiles
et mélomanes, notez votre rendez-vous à Aubagne !
ANNIE GAVA
Gogol à l’écran
du Toursky
Du 10 au 14 mars, c’est la semaine cinéma du
quatorzième Festival russe au Théâtre Toursky. Tous
les soirs à 20h 30, des films suivis de cabarets russes,
et aussi des spectacles (voir page 16). La programmation cinématographique y sera cette année très
littéraire. Ainsi on pourra voir trois adaptations de
Nikolaï Gogol : Le Jeu russe de Pavel Tchoukhraï, Le
Mariage de Vitali Melnikov, d’après deux de ses
pièces, et VIY de Konstantin Erchov, d’après une
de ses nouvelles. Quant à Un nid de gentilshommes
d’Andreï Kontchalovski, proposé vendredi 13, il
est adapté d’un roman d’Ivan Tourgueniev. Seule
exception le jeudi 12, avec Les oiseaux du paradis de
Roman Balayan. Après chaque projection, le public
peut discuter, écouter chants et musique tout en
dégustant assiettes russes et vodka.
A.G.
14e festival russe
Théâtre Toursky
04 91 02 58 35
www.toursky.org
46
CINÉMA
AU PROGRAMME
Les rendez-vous d’Annie
Au théâtre de La Baleine qui dit vagues, depuis le 5 février jusqu’au 26,
l’Omnibus propose la découverte d’un village du sud tunisien, en présentant des
portraits de femmes en images et en sons : photographies de Samuel Keller,
écoute de sons et un film de Michael Zeidler.
Les 19 et 20 février, un spectacle, Om al Hikaya, Mère de toutes les histoires : Alif
Mansour, maître de la parole tunisien, apprend à un jeune homme à écouter…
La Baleine qui dit vagues
04 91 48 95 60
http://labaleinequiditvagues.org
Jeudi 19 février, à 20h 30, l’Alhambra
Ciné Marseille propose, en partenariat avec l’I.N.A., un documentaire
de Sandrine Dumarais, Brel, Brassens,
Ferré, trois hommes sur la photo.
Au départ, une photo de Jean-Pierre
Mardi 10 mars (8 mars + 2 !), à 18h,
l’Institut Culturel Italien présente un
documentaire d’Alina Marazzi,
Vogliamo anche le rose, une étape
décisive de l’histoire de l’Italie, celle du
féminisme des années 60 et 70, en
suivant les voix de trois femmes, Anita,
Teresa et Valentina. À travers un
kaléidoscope d’extraits d’actualités, de
films de famille et d’archives, le film est
une invitation à la réflexion qui
s’adresse à toutes les générations.
Institut Culturel Italien de Marseille
04 91 48 51 94
www.iicmarsiglia.esteri.it
Leloir, en noir et blanc, qui réunit les
trois hommes il y a quarante ans. C’est
François-René Cristiani qui a eu l’idée
de les faire parler à bâtons rompus…
en présence du photographe. Ils en font
le récit…
Vous pourrez dialoguer avec Sandrine
Dumarais et François-René Cristiani
après la projection.
Alhambra Cinémarseille
04 91 03 84 66
www.alhambracine.com
Brel, Brassens, Ferre, trois hommes
sur la photo de Sandrine Dumarais
Vogliamo anche le rose de Alina Marazzi
Au cinéma Les Variétés, lundi 23
février à 20 heures, en collaboration
avec Studio Cinelive, projection de Boy
A de John Crowley, film qui a obtenu
de nombreux prix, dont le grand prix du
Jury au Festival du Film britannique de
Dinard.
Jack sort de prison où il a passé toute
son adolescence. Un assistant social
lui donne un autre nom, lui trouve un
travail, une maison. Dans cette ville
d’Angleterre qu’il ne connaît pas, Jack
se construit une nouvelle vie. Mais Jack
ne peut révéler à ses nouveaux amis,
et à la fille dont il tombe amoureux, son
passé. Un jour, par hasard, il devient
un héros local et sa photo apparaît à la
une des quotidiens...
Au cinéma Les Variétés, le 7 mars à
18h00, en collaboration avec
l’association Femmes d’ici et d’ailleurs,
projection du documentaire Parcours
de femmes d’ici et d’ailleurs, portraits
de femmes du bassin méditerranéen
en présence du réalisateur Stéfan Sao
Nélet.
Les Variétés
08 92 68 05 97
Boy A © The Weinstein Company-2007
Samedi 21 mars au Polygone Etoilé,
à partir de 19 heures 360° et même
plus propose de faire découvrir le
travail de deux cinéastes, Philippe
Cote et Catherine Bareau, de l’atelier
expérimental l’ETNA, avec qui le public
pourra dialoguer.
Au programme, plusieurs courts métrages en Super 8 et en 16 de Philippe
Cote dont un film de 2007 au titre poétique, Des Nuages aux fêlures de la
terre, et une performance «pour quatre
projecteurs super huit» de Catherine
Bareau, Le noir éclaire, un voyage dans
les sensations.
«Mon film (…) peut s’écrire Le noir
éclaire ou Le noir éclair ou Le noir est
clair (titre extrait du texte Un film avec
clous et ficelles de Jean-Claude
Rousseau)… Les images regardent les
spectateurs écoutant dans le noir.»
Le Polygone Etoilé
04 91 91 58 23
www.polygone-etoile.com
Des nuages aux felures de la terre de Philippe Cote
CINÉMA
47
L’occupant à Clermont-Ferrand
Cuba Libre !
Du 30 janvier au 7 février 2009, la capitale auvergnate est devenue
la capitale du court métrage : plus de 400 films répartis en 70 programmes,
14 salles de projection, plus de 130 000 personnes…
L’association Solidarité Provence
Amérique du Sud organise
les onzièmes Rencontres du Cinéma
sud-américain du 17 mars au 3 avril,
sous la présidence de Carlos Sorin.
Cette année, pour la 31e édition, en plus des
compétitions internationale (74 films), nationale (59
films) et labo (cinéma expérimental, 43 films), deux
rétrospectives dédiées aux courts métrages
néerlandais et aux comédies musicales, des
documentaires venus de Lussas et des films africains.
Pourtant ce festival organisé par l’association Sauve
qui peut le court métrage, qui permet de découvrir de
nouveaux cinéastes -un tiers des films français sont
des premiers films- subit, comme nombre de
manifestations culturelles, des attaques graves : un
redressement financier sur trois ans pour avoir
employé des bénévoles, la suppression de la
subvention du Ministère des Affaires Etrangères… ce
qui risque de fragiliser l’édition de 2010.
La région PACA, dont l’aide au court métrage va
passer de 195 000 euros en 2008 à 220 000 en
2009, était représentée à Clermont par un film de
Gabriel Le Bomin, L’Occupant, dont le long
métrage, Les Fragments d’Antonin, avait été nominé
pour le César du meilleur premier film en 2007.
L’Occupant raconte l’histoire de Pierre, jeune garçon
d’une famille de maquisards, en Corse, en pleine
occupation italienne en 1942. Il sympathise avec un
L'Occupant de Gabriel le Bomin
soldat italien et lui apporte, chaque jour, de quoi
manger en échange d’une page de son livre
d’architecture de la Renaissance italienne qui
l’émerveille, jusqu’au jour où…
Le film, en noir et blanc, a été tourné dans le décor
naturel des glacières de Brando, sur les hauteurs
d’Erbalunga où le réalisateur a trouvé son interprète
principal, Sébastien Leonardi. Quant au déserteur,
c’est Jean-Baptiste Iera, un acteur des Fragments
d’Antonin.
Un court métrage à la construction classique et
rigoureuse.
ANNIE GAVA
La fête à Rousset
Un hommage est rendu à Abdellatif Kechiche avec
Jean-Michel Frodon des Cahiers du Cinéma. L’occasion
de (re)voir ses trois longs métrages, La Faute à Voltaire,
L’Esquive (qui avait obtenu quatre César en 2005) et
La Graine et le mulet.
En partenariat avec l’Institut de la Mode de
Marseille, seront projetés des documentaires sur la
création de mode et, avec le Musée de l’Arles
Antique, fictions et documentaires sur la vie en
Provence au temps des Romains.
Samedi soir est consacré à la compétition de treize
courts métrages tournés en Provence, en présence
des réalisateurs et de l’équipe des films.
Des séances sont réservées au public scolaire avec,
entre autres, la projection d’un film autour du poème
Mireille de Frédéric Mistral, à l’occasion du 150e
anniversaire de sa publication.
Durant ces quatre jours à Rousset, vous pourrez aussi
écouter de la musique et goûter aux plats d’un jeune
Chef de la région ou à la cuisine romaine : réservez
d’ores et déjà vos soirées, nous y reviendrons !
A.G.
Les Films du Delta
04 42 53 36 39
www.filmsdelta.com
La graine et le mulet d'Abdellatif Kechiche © X-D.R
Organisée par les Films du Delta, du 26 au 29 mars, se déroulera
à Rousset la 7e édition du Festival Provence Terre de Cinéma.
En partenariat avec les Variétés, mardi 17 mars à
20 heures, projection du documentaire, Cuba, une
utopie blessée en présence d’un des réalisateurs,
Renaud Schaack.
En janvier 1959, le triomphe de la Révolution cubaine
provoque un véritable séisme en Amérique latine. Les
nouveaux dirigeants parlent d’indépendance, de
justice et d’émancipation. Ils développent une
politique culturelle ambitieuse et organisent une
réforme agraire qui dérange Washington… À travers
un voyage dans l’histoire et ses tumultes, ce film
propose une réflexion sur les ambitions et les
difficultés d’une politique culturelle émancipatrice.
La suite dans le prochain Zib !
A.G.
04 91 48 78 51
Corée et Godard
L’Institut de l’Image, à Aix, propose
du 11 au 24 mars une rétrospective
du cinéma coréen. Au programme les
films de Im Sang-soo.
The President’s Last Bang, présenté à la Quinzaine des
Réalisateurs en 2005, raconte les dernières heures
du Président Park Chun-Hee et les conséquences
immédiates de son assassinat.
Girls’ Night Out raconte la vie sentimentale et sexuelle
de trois jeunes coréennes.
Une Femme coréenne est l’histoire d’une ancienne
danseuse mariée à un avocat de renom infidèle qui
décide de sortir de sa torpeur quotidienne en cédant
aux charmes de son jeune et timide voisin.
Le réalisateur sera présent le 14 mars en compagnie
d’Antoine Thirion des Cahiers du cinéma.
Le lendemain, Antoine Thirion présentera Memories
of Murder de Bong Joon-ho, une enquête sur un serial
killer, en 1986, sous le régime militaire du dictateur
Chun Do-Hwan.
On pourra voir aussi des films de Im Kwon-taek, de
Shin Sang-ok, de Kim Ki-duk, de Park Chanwook,
de Hong Sang-soo, et de Lee Chang-dong.
Et si vous voulez partager quelques Morceaux de
conversations avec Jean-Luc Godard, ce sera le 9 mars,
à 20h, à l’Institut de l’Image. Présentés par Marc
Cerisuelo, les échanges de Jean-Luc Godard avec
Dominique Païni, Jean Narboni, Danièle Huillet, JeanMarie Straub… filmés par Alain Fleischer.
A.G.
Institut de l’Image
04 42 26 81 82
www.institut-image.org
48
ARTS VISUELS
MUSÉE ZIEM | CAC ISTRES
Que la cire perdure !
Découvrir ou revoir les sculptures en
bronze de Joan Miró, les confronter
à d’autres pièces contemporaines ou
des objets quotidiens… une proposition
du musée Ziem
Coproduite avec les musées des
Beaux-Arts de Carcassonne et de la
Chartreuse de Douai, l’exposition présente une trentaine de sculptures
dont vingt-cinq en bronze issues de la
collection de la fondation Miró de
Barcelone. Réalisées entre1966 et
1983, en dehors de la pièce
polychrome ouvrant la visite, chacune
conserve en totalité l’aspect brut de
l’alliage. Surprenante cette uniformité
qui contraste avec l’image plus
connue du Miró extravagant ! La
friction des formes, des matières et
des couleurs hétérogènes disparaissant au profit de l’unité plastique,
l’œuvre recouvre le statut plus
traditionnel de sculpture/socle, et
perd du même coup sa fonction
d’excitateur d’images mentales. Le
surréaliste Miró semble rentrer dans le rang malgré le
choix de la fonte à la cire perdue !
À priori les accidents provoqués par cette technique, ainsi
que le souhaitait l’artiste, ne transcendent pas suffisamment la matière pour compenser le déficit de sens. Ou bien
faut-il y regarder de plus près, abandonner l’ensemble de
l’assemblage ? Ce dernier conserve le plus souvent une
évocation figurative humaine ou animale, toujours ambiguë. Ailleurs, quelques vitrines présentent les objets
glanés par l’artiste (courge, compas de tailleur de pierre
ou simple bûche de bois, cuillère, assiette, cornière métallique…) et il est étrange de voir ces objets quotidiens et
vernaculaires transmutés à travers cette matière réputée
noble… Figés comme ils l’auraient été à Pompéi ?
Il faut donc faire un crochet à l’étage supérieur par la
galerie des arts et traditions populaires du musée, afin de
suspendre encore le temps. Au retour, les sculptures de
l’artiste surréaliste semblent plus étran-gement familières…
Fidèle à son principe d’ouverture sur d’autres champs de
l’art, le musée complète la visite par une sélection
d’œuvres issues de ses collections. Au rez-de-chaussée
plusieurs sculptures d’artistes contemporains (Pons,
Milner, Jaccard, Bertholin, Valabrègue) présentent d’autres
voies du réemploi, du détournement, de l’assemblage ou
du ready-made.
Au premier étage, une série de photographies en noir et
blanc ouvre sur des portraits d’artistes dans leur atelier.
On reconnaît les plus célèbres : Magritte, Dali ou Léger,
Picasso par André Villers ou Lucien Clergue, ainsi que d’autres
figures actives de l’art contemporain au sud de la France,
tels Claude Viallat, Marie Ducaté, Traquandi, Mezzapelle dont
les œuvres sont présentes dans les collections du musée.
Orange au désespoir
Vanités, pessimisme, orange et noir bitume. Peintures
récentes et une installation sur un étage : Frédéric
Clavère est au Centre d’Art Contemporain d’Istres
Joan Miró © X-D.R.
Les monstruosités dépeintes par
Jérôme Bosch et bien d’autres imagiers condamnaient notre vie terrestre
pour en espérer une meilleure audelà. Avec Frédéric Clavère, point de
paradis à venir, l’horrible reste à terre
comme en témoigne la fabrication des
images. Avec l’impact chromatique
provoqué par le duo infernal orange
minium/noir bitume cher à l’artiste,
nous prenons en pleine figure le leurre
des images, qu’elles eussent été
fabriquées depuis des siècles ou bien
qu’elles s’exhibent et s’insinuent dans
notre quotidien à travers divers
simulacres.
En modifiant le format de la toile, et
surtout en substituant les couleurs
originales d’œuvres antérieures imaginées par Philippe de Champaigne,
Ensor, Manet, Artemesia Gentileschi,
Frédéric Clavère glisse entre l’œil du
spectateur et la mise en scène peinte
un filtre paradoxalement évident. Un
philtre rétinien en quelque sorte, un
acte de sorcellerie visuelle, qui instillerait de l’impur dans la peinture. Visita
Interiora Terrae Rectificando Invenies
Occultum Lapidem (Visite l’intérieur
de la Terre et en te rectifiant tu trouveras la pierre cachée) ou l’acronyme
Frederic Clavere, Fokker, 110x160 cm, 2008
Frederic Clavere, Je t'aiderai, 99x144,5 cm, 2008
alchimique et franc-maçon V.I.T.R.I.O.L.
Faire le vitriol signifie en alchimie séparer le pur de l’impur de la matière
philosophale. Que peut le peintre
(lui-même par nature maître de la
représentation et des illusions) si ce
n’est proposer la vanité d’un Je t’aiderai
en plusieurs langues mais à l’avenir
ultra pessimiste? Ou bien transformer
la décollation d’Holopherne en un
accouchement monstrueux et fatal
dont le sens outrepasse l’imagerie
mythique (on supprime encore de nos
jours en certains lieux sur cette terre
les nouveaux-nés jugés infâmes et
inutiles).
Il s’agit donc de peindre la stupéfaction. Tant le vitriol est corrosif pour
la matière, autant l’orangé s’avère
irritant pour la rétine et le penser.
Nabokov aurait raison : il n’y a que la
fiction qui dise le vrai. Alors c’est quoi
ce german underground du titre ?
CLAUDE LORIN
CLAUDE LORIN
La métaphore de l’objet
Miró
Jusqu’au 03 mai
Musée Ziem, Martigues
04 42 41 39 60
www.ateliermuseal.net
V.I.T.R.I.O.L. german underground
Frédéric Clavère
jusqu’au 20 mars
Centre d’Art Contemporain
Intercommunal, Istres
04 42 55 17 10
www.ouestprovence.fr
ENTRETIEN AVEC NADEIJE LANEYRIE-DAGEN
ARTS VISUELS
49
Un monde nouveau
Quelles transformations
s’opèrent dans les modalités
de la représentation artistique
au tournant du Moyen Âge vers
la Renaissance ?
Spécialiste de cette période, Nadeije Laneyrie-Dagen
signe un bel et érudit ouvrage dans la collection
Beaux Livres chez Flammarion : L’Invention de la
Nature, qui fait logiquement suite à L’Invention du
Corps chez le même éditeur. Nous l’avons rencontrée
à l’Espace Leclere lors de la conférence proposée par
Jean-Noël Bret et Art Culture et Connaissance.
Zibeline : L’Invention du Corps nous menait jusqu’au
XIXe siècle. L’Invention de la Nature s’arrête au début
du XVIe avec Vinci ou Dürer. Des changements fondamentaux s’opèrent donc dans cette période dans les
œuvres d’art ?
Nadeije Laneyrie-Dagen : Dans L’Invention du Corps
j’ai cherché à savoir quand on est passé du signe du
corps à la description, à la véritable envie d’imiter le
corps et pourquoi. Au Moyen Âge un ciel c’était de l’or
ou du bleu, puis on voit apparaître des nuages…
Vous vous attachez un peu, à la manière de Daniel
Arasse, à l’analyse de très nombreux détails qui
composent ce qu’on appelle un genre, le paysage.
Daniel Arasse choisit dans le tableau ce qui est là, ne
se voit pas mais finit par se remarquer, et fait que ça
donne un autre sens au tableau. Mon problème est
plutôt de faire des zooms sur ce qui n’est pas tout à
fait un détail, car je cherche ce qui est au cœur du
sujet.
Vous procédez par une analyse extrêmement fine et
par comparaison…
Ma méthode est d’abord descriptive sans paraphraser le tableau. Il faut regarder au plus près ces œuvres
car ce n’est pas un hasard si on met un moulin, un
oiseau à l’horizon.
Ainsi vous attirez notre attention sur l’importance de
choses apparemment anodines comme ce vol d’oiseaux qui exprime un élément naturel difficile à
peindre : l’épaisseur de l’air, plusieurs siècles avant
Cézanne.
Cennino Cennini a été un des premiers à donner des
conseils aux peintres pour la représentation des éléments. Par exemple partir d’un caillou pour en faire
une montagne. Cela veut dire aussi qu’on prend déjà
un modèle dans la nature. Comme ça ne suffit pas,
on va aller dans la nature pour en faire des dessins,
des aquarelles. Le premier christianisme a fait de
notre terre un corridor d’attente vers la vraie vie
qu’est le paradis. Donc, on ne va surtout pas aimer
cette vie ! Au XIIe siècle ça commence à changer pour
des raisons sociologiques. Banquiers et marchands,
le populo grasso comme on dit en italien, aimerait
bien qu’on leur laisse un tout petit peu apprécier cette
vie, se promener dans la nature. Saint-François
d’Assise, fils de banquier, s’il a renoncé à l’argent, n’a
pas renoncé au monde qui est l’œuvre de Dieu. Il s’est
mis à louer frère soleil, sœur lune…
Justement, vous commencez par analyser dans votre
livre les quatre éléments.
La pensée du Moyen Âge est scholastique, abstraite,
théorique. On pense en terme des quatre éléments,
de ceux qui composent le corps de l’Homme et qui
donnent les Humeurs. L’Air, le Feu, l’Eau, la Terre
avec un grand T. Mais ce n’est pas tout à fait la même
chose lorsque vous faites tomber une goutte d’eau
Andrea Mantegna, La Priere au jardin des Oliviers (detail), vers 1456-1460, tempera sur bois. Bourges, musee des Beaux-Arts
dans votre verre, que vous recevez une douche
lorsqu’il pleut beaucoup. Tout ça serait l’Eau ? Moi, je
vois plein d’eaux.
Par cette nouvelle attitude d’observation, les artistes
passent donc d’une figuration symbolique à une représentation plus naturaliste ?
Cela se fait progressivement et très rapidement : on
peut suivre sur presque dix ans le passage du ciel d’or,
en Flandres, vers un palissement de l’horizon et voir
apparaître les premiers nuages ; puis vers le sud en
Italie.
Vous avancez aussi l’idée que le peintre serait ainsi le
premier savant ?
Celui qui regarde (le peintre) ne peut se contenter
d’un système théorique. Son regard le mène vers une
représentation qui classe les choses. Hors la première
des attitudes scientifiques c’est l’observation. Donc
le peintre, premier observateur, est d’une certaine
manière le premier savant ! Incomplet, puisqu’il ne
va pas expérimenter, ou bien, si c’est le cas comme
Léonard de Vinci, il abandonne la peinture. Là vous
quittez l’esthétique, le poétique, l’imaginaire. C’est
pourquoi je me suis arrêtée à Vinci et à Dürer.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CLAUDE LORIN
Conférence donnée le 23 janv à l’Espace Leclere,
www.damienleclere.auction.fr
Art, Culture et Connaissance
06 87 92 91 09
(Voir critique livre p 61)
Nadeije Laneyrie-Dagen est professeur d’histoire de
l’art à l’Ecole Normale Supérieure. Elle s’intéresse
au passage entre le Moyen Âge et le premier âge
moderne. Elle a publié notamment L’Invention du
Corps chez Flammarion et aux éditions Larousse les
incontournables Lire la peinture : Dans l’intimité des
œuvres, Dans le secret des ateliers. Elle travaille
actuellement à une histoire générale de l’art, et en
projet une participation à un ouvrage collectif sur la
représentation des enfants chez Mazenod-Citadelles.
Lucas Cranach
l'Ancien, Le Martyre
de Ste Catherine
(detail), 1505,
huile sur bois,
112x95cm. Budapest,
Library of the
Reformed C
50
ARTS VISUELS
MOURLOT | FORT NAPOLÉON | PORTE-AVION
Coup double
pour Nicolas Pilard
Nicolas Pilard est un habitué des lieux.
En 2003 déjà, il exposait à la galerie
Mourlot Jeu de paume, mais cette
fois-ci il est aussi l’invité des Galeries
du Fort Napoléon à La Seyne-sur-Mer.
Un enjeu de taille qui l’a forcé à maintenir une intense activité à l’atelier
parallèlement à sa pratique d’enseignant à l’École d’architecture, et un
double événement qu’il estime «gratifiant.»
On aura donc la chance de découvrir à
Marseille ses œuvres récentes tout en
remontant le fil de son parcours, dans
le Var, à travers un vaste ensemble de
tableaux, dessins et aquarelles. Lors
de ses précédentes expositions à la
galerie du Tableau, chez Jean-François
Meyer et au Passage de l’art, ses
peintures composaient déjà un patchwork d’éléments divers empruntés à
l’espace urbain ; aujourd’hui, «les
morceaux composites sont totalement
digérés et viennent tout de suite sur la
toile», l’artiste ayant de moins en
moins besoin de motifs pour peindre.
Plus fluides mais toujours très architecturées, plus ouvertes sur l’extérieur
mais toujours en déséquilibre, ses
compositions de facture très classique
entraînent le regard dans un vaste
tourbillon. On serait tenté de tourner
lentement sur soi-même pour optimiser cette sensation de mouvement
perpétuel. «Le chaos, ça se construit,
remarque Nicolas Pilard, j’aime composer sur les obliques dans mes
tableaux, comme dans la peinture
baroque.» Jetés sur la toile au sol, les
tons rouges acides mêlés aux orangés
réchauffent les pourpres en autant de
fragments et autant de points de vue,
ce premier exercice de composition lui
permettant de débloquer l’espace
pour mieux l’appréhender puis se
l’approprier. Subterfuge technique ou
simple feinte, cette entreprise très
physique lui est nécessaire pour
pouvoir relier les fragments éclatés
telles des météorites. Car ses toiles
sont majoritairement des polyptyques
autonomes que le trait, ou la couleur,
assemble : «Aujourd’hui, explique-t-il,
je pense les éléments comme un ensemble tout en travaillant sur le hors
champ, le vide, l’ellipse.» Toute
l’évolution de son travail depuis 1998
réside là : dans l’évacuation de la
surface de la toile d’éléments perturbateurs, anecdotes ou ornements.
Dans ce qu’il décide être l’essentiel, et
qui a toute sa raison d’être ici.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Nicolas Pilard
jusqu’au 28 février
Galerie Mourlot Jeu de paume,
Marseille
04 91 90 68 90
jusqu’au 7 mars
Galeries du Fort Napoléon,
La Seyne-sur-Mer (83)
04 94 87 83 43
Nicolas Pilard, de g. à d.
101 - huile sur toile 200x300 cm - 2007,
La River - huile sur toile 190,5x153 cm - 2008,
Linote - huile sur toile 200x150 cm - 2008
Spectateur oui, acteur non…
Spect-acteurs, Diptyque, oeuvre d'Ariane Maugery. 4 dessins de 80 cm x 120cm soit 160 cm x 240 cm, 2006
Il y a comme un sentiment de maldonne, un gouffre entre l’intitulé de
l’exposition d’Ariane Maugery, Spectacteurs, et la réalité de son installation
vidéographique et dessinée à la
galerie Porte-Avion. Vidéaste et plasticienne, l’artiste marseillaise montre
pour la première fois l’essentiel de son
travail pictural sans avoir pris toute la
mesure de la tâche à accomplir. Si son
désir était «de créer, à travers un
dispositif sonore et visuel, un cadre
sensitif générateur d’improvisations
dansées qui incorpore et dérive de
diptyques dessinés», encore fallait-il
appréhender l’espace de la galerie et
inventer un environnement adéquat…
Malheureusement, on regrettera l’absence de dialogue entre les œuvres
plastiques (pastels et encres de Chine
qui manquent encore de maturité) et
les projections, autant que l’impossibilité au spectateur d’expérimenter
quoi que ce soit. Il est loin, très loin
même, d’être acteur !
Cette désillusion serait à mettre sur le
compte «d’un défaut de jeunesse»
comme le souligne la galerie qui a
souhaité accompagner «un projet
expérimental.» Bref, Spec-acteurs est
un projet visuel interactif qui n’en a
que le nom, mais dont on retiendra
tout de même le travail vidéo. Projetées en boucle, Micro-gravity oddity,
Swarmming bodies et Erratic meandering développent le même
vocabulaire que les tableaux (la chaise
flottante, le bonhomme en silhouette…) selon une temporalité, un rythme
et une forme différents. Les images et
les sons saturent, les corps dansent
ou en gravitent, les mouvements
s’étirent : réelles et fictionnelles, les
images fabriquent un «tableau vidéographique» original. De ceux qu’Ariane
Maugery réalise au contact de
danseurs et d’acteurs pour ses projets
de pièces vidéochorégraphiques
(Ultra-relativistic e-motion) et autres
performances (Cathédrales liquides).
C’est dans cette interaction entre l’art
vidéo et le spectacle vivant que son
travail capte au mieux la relation au
corps.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Spect-acteurs
Ariane Maugery
Jusqu’au 28 février
Galerie Porte-Avion
04 91 33 52 00
Prix de peinture Mourlot 2009
Pour sa 9e édition, le comité de sélection du
Prix Mourlot a validé 170 dossiers d’artistes
français et étrangers, en a présélectionné 14
pour en retenir 5. Ce sont Samuel Aligand
(Paris), Amélie Bertrand (Cannet), Jérémie
Delhome (Marseille), Balthazar Leys (Marseille)
et Alexandra Roussopoulos (Paris).
Les artistes en lice présenteront leurs travaux
à la galerie de l’Esbam du 18 mars au 10 avril,
date à laquelle sera élu le lauréat 2009. Le jury
sera composé de Jean-Pierre Alis (galerie
Athanor), Olivier Billard (galerie Mourlot),
Christophe Boursault (lauréat 2008), JeanJacques Ceccarelli (peintre), Jean-Louis Connan
(directeur de l’Esbam), Jean-Louis Marcos
(critique d’art, écrivain), Huguette Mille
(association Mourlot), Gérard Traquandi (peintre)
et Frédéric Valabrègue (écrivain, professeur à
l’Esbam). À suivre…
M.G.-G.
VILLA TAMARIS (LA SEYNE) | GALERIE D’ART DU CG (AIX)
Peuplée d’une forêt de socles blancs,
la galerie d’art du Conseil général 13
se pare d’atours qui ne tiennent qu’à
un fil…
Décoiffante et surréaliste, l’exposition Hair du temps
conçue par Olivier Saillard, en charge de la
programmation des expositions mode aux Arts
décoratifs à Paris, touche autant au sacré qu’au
monstrueux, à l’esthétique qu’au religieux. Les
œuvres sont là qui témoignent de l’éternel défi des
femmes à se plaire et séduire, et des hommes à
honorer Dieu. Entre être et paraître, créateurs et
anonymes font preuve d’une imagination et d’une
dextérité à tous crins. On connaissait la symbolique
de la parure déjà répandue dans l’Antiquité,
l’extravagance des coiffes au Moyen Âge (chevelure
sacrifiée ?), les tableaux funéraires mêlant poudre
de cheveux et perles, ou les imprimés «cheveux» sur
des mousselines de soie pour les collections de
haute couture de Jean-Paul Gaultier et Vivienne
Westwood… Peut-être moins le cheveu coupé en
quatre, tressé, tire-bouchonné, brodé pour la
confection de capes et de bustiers à porter à même
la peau : la veste courte en cheveu torsadé de
Sandra Backlund est du plus bel effet… À la limite
entre l’organique et le minéral, les cheveux sont des
phanères quasiment imputrescibles, et, comme les
ongles, les poils, les écailles ou les cornes, focalisent
toutes sortes de sentiments, entre attraction et
répulsion. Mais leur utilisation implique une
sophistication extrême qui rend alors possible la
réalisation par Clémence Agnez d’un mobile
arachnéen, œuvre presque invisible, ou à l’opposé,
permet d’atteindre la monumentalité avec la pièce
murale de Christian Wijnants.
F. Daireaux vert de terre 2000
des produits manufacturés démultipliés à l’infini, des outils mal assemblés:
pièces de tissu, aliments, fagots de
bois ou tas de ferraille… Il moule des
bustes en plâtre lactescents qu’il
juche sur des selles de sculpteur,
dans un silence écrasant, un brin
déstabilisé par le gros plan vidéo d’un
visage noir aux yeux sans cesse écarquillés… Il installe des sculptures
minimalistes ou monumentales qui
interrogent la multitude et l’identique,
révèlent la matière dans son étrange
amoncellement (ballons en caoutchouc,
baudruche, douilles, fils) et explorent
ses formes potentielles… Tout commence par les pieds est l’œuvre d’un
artiste pérégrin, selon le directeur du
centre d’art Robert Bonaccorsi, et, à
cet égard, une invitation au pèlerinage
contemplatif.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Hair du temps
jusqu’au 29 mars
Galerie d’art du Conseil général
des Bouches-du-Rhône, Aix
04 42 93 03 67
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Tout commence par les pieds
François Daireaux
Jusqu’au 1er mars
Villa Tamaris centre d’art,
La Seyne-sur-Mer (83)
04 94 06 84 00
51
Née coiffée
Les voyages aléatoires
de François Daireaux
Il est des expositions comme des
opéras, quand l’orchestre et les
chanteurs rencontrent la perfection.
Tout commence par les pieds de
François Daireaux à la Villa Tamaris
est de celles-là qui émerveillent et
conquièrent par leur complétude. On
aura rarement habité l’espace (et quel
espace !) avec une telle compréhension de l’œuvre, si polymorphe soit-elle.
Photographies, vidéos (projetées au
sol dans un puits de lumière ou sur
écran géant), sculptures, tirages jets
d’encre et dessins : avec une économie de moyens, des matériaux
insolites issus de différentes cultures,
François Daireaux fait l’éloge de la
lenteur. L’ensemble formant des installations précaires in situ, tantôt irradiées
de lumière, tantôt émergeant de
l’ombre. Et, à coup sûr, il fait mouche,
instille dans chaque millimètre carré
une atmosphère singulière. Expliquant
avec constance qu’il n’y a pas grandchose à dire sur son travail et qu’il en
dit déjà trop en disant cela, il écrit
cependant comme pour mieux nous
éclairer : «J’utilise le médium photographique avec la pensée d’un plasticien
et d’un marcheur, c’est-à-dire d’un
artiste qui affectionne la lenteur.»
C’est donc sur la pointe des pieds,
armé d’une patiente curiosité, que l’on
chemine, l’œil alerté par sa vision du
monde. François Daireaux photographie en plan serré les gestes experts
et répétitifs de travailleurs manuels,
ARTS VISUELS
Jean-Charles de Castelbajac,
robe hommage a Guy Pelhaert.
Collection pret-a-porter
printemps été 2002.
Image Katerina Jebb, 2008
52
ARTS VISUELS
ESPACE ÉCUREUIL | MAISON DE L’ARCHITECTURE
Aujourd’hui, les villes
L’espace de
Balthus
L’Espace Ecureuil entame
la nouvelle année avec un artiste
de renom. Un événement ?
couleur, et dans bien des cas la troublante évacuation
du végétal. Afin de parfaire la compréhension du
visiteur, un livret aurait été bien venu précisant les
lieux, les architectes et les monuments montrés. On
aurait aimé aussi avoir son regard sur les réalisations hexagonales peu représentées, comme le
Pavillon Noir de Ricciotti à Aix, le vaisseau bleu du
Conseil Général par Alsop à Marseille. Peut-être les
tours de Zaha Hadid et Jean Nouvel, les futurs bâtiments du Mucem et du Frac l’amèneront dans la cité
phocéenne remodelée à travers Euroméditerranée ?
Si la crise…
Le catalogue (bientôt dans nos pages) poursuit avec
le même dépouillement ce grand tour européen.
2008 célébrait le centenaire de la naissance de
Balthazar Klossowski de Rola, dit Balthus, avec une
importante rétrospective à la Fondation Pierre
Gianadda en Suisse. Toutes proportions gardées
pour Marseille, l’exposition de l’Espace Ecureuil
voulue comme l’évènement de rentrée pour sa
saison 2009 peut décevoir. Les amateurs de frissons
pubertaires y seront pour leurs frais: pas de jupettes
adolescentes retroussées, ce qui peut réjouir par
ailleurs tant cette image colle depuis trop longtemps
à la toile du peintre. Qu’en est-il des pièces montrées?
Des dessins, crayon et encre, études de nu, portraits
(un beau et triste Giacometti) ou autoportraits,
d’arbre et de nature, dans la veine académique qu’on
connaît de Balthus, quelques peintures aussi, deux
de bon format dont une inachevée. Peut-être la plus
intéressante. Moins pour l’aspect didactique mettant
en évidence le processus de travail du peintre que
pour cette ouverture offerte par le non-fini.
Il ne s’agit pas de céder aux sirènes de la contemporanéité à tous crins ni de voir dans cet inachèvement
(dû à la disparition prématurée du peintre en 2001)
un critère d’authenticité artistique. C’est que, par
défaut, et contredisant la volonté légendaire de
l’auteur à peaufiner longuement son œuvre souvent
empesée d’une narration par trop littéraire, le regard
se voit offrir pour une fois des espaces libres, voire
libérés, ouvrant matière à quelconque rêverie
poétique. Ce vers quoi Balthus semblait tendre parfois, sans y être toujours parvenu.
C.L.
CLAUDE LORIN
Manchester © Marco Zanta
L’exposition UrbanEurope propose
un regard photographique singulier
sur l’architecture contemporaine,
entre confrontation et intégration
au patrimoine
Pendant quatre ans, Marco Zanta a parcouru les
villes d’Europe, d’Helsinki à Lisbonne et rapporté
une magnifique série de clichés de grand format.
Son regard s’est porté sur la relation des expressions architecturales contemporaines les plus récentes
avec des édifices plus anciens. Adoptant un point de
vue distancié -pour la plupart des cadrages horizontaux, lumière diffuse, grande restitution des détails-,
le photographe laisse la surprise et l’étonnement
s’installer entre les objets bâtis. Ses images suscitent
un véritable dialogue entre le passé et le contemporain : rapports à l’espace, volumes et structures,
confrontation des formes et des matières, transparence ou opacité, fonctionnalité et monumentalité,
universalité ou temporalité des styles.
Ainsi, en servant le contraste entre une église de
pierre et un édifice en matériaux industriels, il nous
rappelle en même temps l’audace constructive des
constructions gothiques. Dans d’autres images
Marco Zanta choisit une approche plus plasticienne
et expressive, l’ambiance lumineuse d’un
nocturne, le graphisme des structures, les
contrastes de masse, d’échelle ou de
UrbanEurope
Marco Zanta
jusqu’au 27 mars
Maison de l’Architecture et de la Ville Paca
04 96 12 24 10
www.ma-leresau.org
Balthus
jusqu’au 02 avril
Espace Ecureuil
04 91 57 26 49
www.fondation-ecureuil.fr
Balthus, l'oeuvre inachevee
London © Marco Zanta
Avoir la banane
Commencer cette année avec le sourire, c’est le pari
que fait Regards de Provence avec son exposition
de rentrée Humour et dérision. Tout n’est
(temporairement ?) pas si morose
Gilbert Garcin, Communiquer
Les partisans de la théorie médicale
des (bonnes) humeurs ne nous contrarieront certainement pas : alors qu’en
ce moment de grande dépression
chacun fait grise mine, il ne serait pas
inutile de prendre une bonne dose de
drôlerie amusée. Apprécions donc sans
fard ces formes pas si légères de l’art !
Seize artistes et plus d’une centaine
d’œuvres ont été sélectionnées avec le
conseil de Bernard Muntaner qui signe
aussi les textes du catalogue. On y fait
donc des rencontres fortuites (Christian
Ramade, René Maltête, Bernard de
Tournadre), on monte des saynètes
auto fictionnelles (Gilbert Garcin, Teun
Hocks, Joan Foncuberta, Olivier Rebufa,
Philippe Ramette), on fignole des fictions facétieuses (Jean Bellissen, Pilar
Albajar et Antonio Altarriba), on fait
genre peinture d’histoire(s) (Michel
Zevort), on installe en forme de cabine
d’essayage (Dominique Carrié), on manipule l’alimentaire (Jeane Derome),
on dessine humoristique et caustique
(Albert Dubout, Roger Blachon) et on
fait l’amuseur de service (Ben).
Bon nombre des pièces ont été choisies
avec les artistes ou sont issues de la
collection de Regards de Provence. En
ce sens, saluons l’initiative plus que
pertinente en ces temps de la fondation : en tant que mécènes ils font
acquisition d’une œuvre pour chaque
artiste exposé. Une raison de plus
pour lutter contre la déprime.
Un regret : pressentis, Robert Combas
et William Wegman (avec son chien)
n’ont pu rejoindre les cimaises. Snif !
CLAUDE LORIN
Humour et dérision
jusqu’au 23 mai
Palais des Arts
Regards de Provence
04 91 42 51 50
www.regards-de-provence.org
catalogue
textes de Bernard Muntaner
152 p. ill. quadri.
Editions Regards de Provence, 2009
Bernard de Tournadre,
Goa -Indes,
2002
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ARTS VISUELS
EXPOSITIONS
[MARC INGOGLIA]
Quand Marc Ingoglia n’œuvre pas au sein du collectif d’artistes Artistic promotion
ou au lancement de nouveaux événements -on se souvient du 1er festival de
performances Les Arts en chantier organisé cet été à la Chapelle des Pénitents
bleus à La Ciotat-, il se consacre à la peinture. Tel cet Autoportrait à la texture
tourmentée et à l’esprit facétieux exposé avec d’autres œuvres inédites.
M.G-G.
Jusqu’au 23 février
Maison du Béal à Pont de l’Étoile
04 42 04 01 58
Autoportrait 1, peinture de Marc Ingoglia
Elvire Bonduelle, Haltères, 2008, bois tourné laqué, dimensions variables
Jetee de l'oubli © Fabrice Lauterjung
[MARSEILLE LAUTERJUNG]
Films et installation vidéo suite à résidence à l’ESBAM à propos de La Jetée de
l’oubli à Marseille, et travaux d’étudiants réalisés lors d’un workshop
sous la direction de Piotr Klemensiewicz.
Fabrice Lauterjung - de l’oubli
du 20 février au 14 mars
Galerie de l’ESBAM rue Montgrand
04 91 33 11 99
www.esbam.fr
Projection en avant première
et table ronde avec G. Viatte,
N. Féodoroff, P. Klemensiewicz,
en présence de l’artiste
mardi 10 mars à 18h
Alcazar Bmvr
www.bmvr.marseille.fr
[MARSEILLE ASTERIDES...]
Mais qu’ont-ils fait lors de leur résidence marseillaise ? C’est à voir à la Friche.
Vous pourrez rencontrer les artistes et les passer à la question, en appelant un peu
à l’avance Astérides ou Triangle, c’est plus sûr.
Carte Blanche aux résidents
jusqu’au 15 mars
Galerie de la Friche et Salle des petites colonnes
Astérides
04 95 04 95 01
www.asterides.org
Triangle France
04 95 04 96 14
www.trianglefrance.org
Villa personnelle d'Andre Lefevre
© Olivier Amsellem
[VILLA NOAILLES]
Après Rudy Ricciotti, Patrick Bouchain, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal,
Luca Merlini, la Villa Noailles poursuit son exploration des paysages varois
à travers l’architecture en consacrant sa nouvelle exposition à l’agence André
Lefèvre et Jean Aubert. Deux architectes pour une même conception d’une
«architecture enracinée et solide» photographies d’Olivier Amsellem, plans,
maquettes et film de Florence Sarano et Luc Bouery.
M.G-G.
Architecture de la disparition
Du 22 février au 5 avril.
Villa Noailles, Hyères (83)
04 98 08 01 98
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[FOS]
Comment la photographie peut-elle traduire la ville et le sentiment de tragique ?
Acquisition récente du Frac montrée pour la première fois, cette série a été
effectuée à Beyrouth et le mémorial du camp de Chatila. Exposition hors les murs
avec la collaboration de l’Adapp Intercommunale.
Monique Deregibus
I love you for ever Hiba
jusqu’au 22 mars
Centre Culturel Marcel Pagnol, Fos-sur-Mer
04 42 11 01 99
http://ass.adapp.free.fr
Vue de l'exposition de Monique Deregibus I love you for ever Hiba, en partenariat
avec le FRAC Provence-Alpes-Cote d'Azur © X-D.R
[GAP]
Voici une belle occasion de voir
rassemblées trois séries : Nu (2003),
Bobigny Centre Ville (2004/05), La
Chute (2006) qui parlent toujours du
corps en situations paradoxales,
comme avec cette dernière où des
danseurs sont arrêtés en lévitation et
qui a permis au photographe d’accéder
à une reconnaissance internationale.
Denis Darzcq
Langage des Corps jusqu’au 28 mars
Galerie du Théâtre de la Passerelle,
Gap-04 92 52 52 58
www.denis-darzacq.com
Serie Nu, 2003 © Denis Darzacq
«J’essaie dans mes textes
et mes photographies de ne pas
soustraire totalement les sujets de
l’ensemble, du monde.»
Récemment installée dans la zone
critique La Plaine/Cours Julien,
la galerie Por Aya poursuit sa
programmation pour la promotion de
la jeune photographie avec Ordinary
Dust, série de tirages noir et blanc
argentiques et barytés d’Adrien
Perrin.
jusqu’au 14 mars
04 91 02 82 21
www.por-aya.fr
© Mocydlarz Agata
[MJC AUBAGNE]
Au Féminin pluriel
La MJC d’Aubagne réunit plus de 80 artistes dans le cadre de la Journée
Internationale des Femmes, dont deux expositions.
Univers Parallèles
Photos de Jazel Kristin
Du 6 au 26 mars
Vernissage le 6 mars à 18h30
Salle d’exposition
Photographie de Adrien Perrin, tirages barytes
Reg’Art sur le corps
Exposition collective
Du 7 au 22 mars
Vernissage le 7 à 18h
Chapelle des Pénitents Noirs
L’Escale - MJC Pays d’Aubagne
04 42 18 17 17
www.mjcaubagne.fr
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LIVRES
ÉCRIVAINS EN DIALOGUE | THÉÂTRE DU PETIT MATIN
Rencontre avec des hommes illustres
Il y avait du monde aux ABD pour
écouter les deux écrivains que Pascal
Jourdana mettait ce soir-là «en
dialogue». Boualem Sansal et Jean
Rouaud, venus évoquer leurs derniers
romans, Le village de l’Allemand pour le
premier (voir p.60), La femme promise
pour le second, nous ont offert un
échange passionnant.
Les deux hommes ont de nombreux
points communs. Tous deux ont un parcours éclectique et ont exercé plusieurs
métiers avant d’écrire leur premier
roman vers la quarantaine ; tous deux
font partie de la «dream team» de J.-M.
Laclavetine chez Gallimard ; tous deux
militent pour le retour à un romanesque poétique, qui dise le monde, la
société et l’individu, par le biais de la
fiction, dans la grande tradition du
roman ; tous deux ont visiblement eu
plaisir à échanger, au fil d’une longue
conversation qui a filé à toute allure.
écrire ma révolte ou partir
la pleurer dans l’exil
Boualem Sansal a choisi de rester en
Algérie et d’écrire pour rappeler qu’«il y
a péril en la demeure», aujourd’hui
encore. Il évoque l’état déplorable dans
lequel se trouve l’édition algérienne. Le
monde arabo-musulman a pourtant
une production éditoriale énorme :
beaucoup de textes religieux, de discours, d’apologétique, mais pas ou peu
de romans ; de la reproduction, peu de
création. Car un roman, c’est «un indi-
vidu qui s’adresse à d’autres individus» ;
or, dans les sociétés ancrées dans la
religion et la tradition, on laisse peu de
champ au regard individuel, forcément
libre, potentiellement dangereux. Le
village de l’Allemand, en abordant deux
pans d’histoire tabous en Algérie, la
Shoah et la guerre civile des années 90,
a suscité des réactions très violentes chez
les compatriotes de Sansal. Menacé de
mort, celui-ci continue pourtant de
clamer son droit à se définir lui-même
et à raconter des histoires complexes,
loin du prêt à penser des slogans.
l’écriture aide
à devenir libre
Le credo de Rouaud rejoint celui de son
collègue. Pour lui aussi, il s’agit à travers
la fiction de dire le poids de l’Histoire,
de savoir ce qui nous compose afin de
«parmi les origines, choisir celle avec
laquelle on va pouvoir avancer.» Cet
autodidacte à l’immense culture et à la
mémoire prodigieuse se promène parmi
les références littéraires et historiques,
dont il fait son miel ; il emporte le
public dans des digressions aux perspectives vertigineuses, de Lascaux à la
Collaboration, des Lumières à la création d’Israël. C’est aussi la profondeur
de la réflexion, l’ampleur du propos qui
ont donné son prix à cette rencontre
d’envergure entre deux auteurs à lire
absolument.
FRED ROBERT
Boualem Sansal et Jean Rouaud © Pierre Ciot
Ecrivains en dialogue,
des rencontres mensuelles organisées
par l’ADAAL, en partenariat avec
la Bibliothèque départementale
Gaston Defferre et l’Association
Libraires à Marseille
Salam India
Après un superbe café littéraire consacré au Japon, au
printemps dernier, le Théâtre du Petit Matin a
renoué fin janvier avec ses rendez-vous rituels autour
des écritures contemporaines étrangères. Nocturne
indien cette fois-ci, avec des lectures bien sûr, mais pas
seulement. Car le principe des Kfés littéraires que
propose Nicole Yanni est de faire connaître des
auteurs et des œuvres, mais également de plonger le
public, le temps d’une soirée, dans l’atmosphère du
pays évoqué. Là, tout le monde avait mis le paquet
pour immerger le public, dès le seuil, dans l’ambiance
sensuelle et colorée du sous-continent mythique :
bâtonnets d’encens, tentures satinées aux teintes
chaudes, thé de bienvenue au lait et aux épices. Bref,
la totale, toute la soirée : le public a été invité à prendre
place sur des tapis et des coussins (pas très confortable,
mais tellement dépaysant), les lectures ont été
ponctuées d’intermèdes musicaux, chorégraphiques,
audiovisuels made in India (joueuse de sarode en
ouverture, danseuse Bollywood vers la fin), à la pause,
on a grignoté indien (seul le vin n’était pas de là-bas);
quant à l’équipe des lecteurs, 3 filles et un garçon, elle
avait su adopter l’indian touch (tuniques, corsages
courts et bijoux de corps scintillants). Tout était fait
pour qu’on y croie ! Et aussi, pour qu’on goûte mieux
encore les textes proposés.
Dans la foisonnante palette indienne, Nicole Yanni
avait sélectionné 12 extraits, de genres et de registres
divers, tous d’auteurs nés entre 1930 et 1976. Elle
avait volontairement omis Rushdie et Seth, pour
mettre en lumière d’autres romanciers, poètes ou
journalistes un peu moins connus en Europe. Les
lectures, variées et agréablement mises en scène, ont
fini d’emballer un public déjà conquis par la magie du
décor.
Des lieux comme celui-ci accueillent un public fidèle.
Ils proposent des rencontres originales et stimulantes.
Hélas, les subventions sont en baisse, et les lendemains
pas vraiment chantants. Alors, pour que survivent ces
espaces de création et de convivialité, n’hésitez pas,
allez-y : d’autres belles soirées vous y attendent dans les
mois à venir.
FRED ROBERT
http://www.theatredupetitmatin.free.fr
Et pour les lecteurs avides d’Inde,
quelques références
Inderjit Badhwar, La Chambre des parfums ;
Arundhati Roy, Le dieu des petits riens
et Le coût de la vie ;
Tarun J Tejpal, Loin de Chandigarh ;
Vikas Swarup, Les fabuleuses aventures d’un Indien
malchanceux qui devint milliardaire ;
Suketu Mehta, Bombay maximum city.
Voir aussi p.59 la chronique du roman
de Raj Kamal Jha.
LES JEUDIS DU COMPTOIR | AGENDA
LIVRES
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Gens de peu et comptoir nouveau
Le Bouchon Marseillais ayant fermé ses portes,
l’association Libraires à Marseille a dû trouver un
autre lieu d’accueil pour les Jeudis du Comptoir.
C’est chose faite depuis le 12 février : le bar mythique
de La Caravelle, sur le Vieux Port, au premier étage,
héberge désormais les rencontres littéraires radiophoniques mensuelles. Toujours selon le même principe :
Pascal Jourdana reçoit autour d’une table informelle
un ou deux écrivains ; ils évoquent dans le brouhaha
sympathique d’un bar en fin d’après-midi leurs ouvrages, que l’on peut acquérir à la table proposée par des
libraires et faire dédicacer en fin de rencontre. Seuls
l’horaire (17h30) et le cadre ont changé. Ce sera sans
doute un peu tôt pour certains, mais la lumière dans
la salle à cette heure-là et la vue sur le port valent à elles
seules le détour…
La salle à l’ancienne du bistrot fameux seyait plutôt
bien aux deux invités du jour, Jean-Pierre Levaray et
Efix. En tournée dans le cadre du Prix littéraire des
lycéens et apprentis de la région PACA, l’écrivainouvrier et le dessinateur ont parlé de l’ouvra-ge
sélectionné, Putain d’usine (voir p 58), de leurs choix
graphiques et scénaristiques mais aussi du lien qui s’est
créé entre eux : «C’est pas un coup de foudre mais ça y
ressemble», résume Levaray. Leur collaboration s’est
d’ailleurs poursuivie avec Les fantômes du vieux bourg,
adapté du recueil de nouvelles À quelques pas de l’usine
(éd. Chants d’Orties, 2008).
De même que Pascal Jourdana et Libraires du Sud
souhaitent intégrer la littérature à la vie, Levaray et Efix
ont la généreuse ambition de donner à voir les
combattants du quotidien et l’enfer du salariat. De ces
«gens de peu» que tous deux affectionnent et côtoient,
on parle peu, particulièrement dans la BD ! L’adaptation graphique des écrits de Levaray (que celui-ci
revendique comme des «livres politiques à la 1re personne») vient combler cette lacune, en représentant avec
lucidité un monde en voie de disparition, où l’on
souffre, où l’on meurt, où on lutte aussi. Avec l’énergie
du désespoir.
FRED ROBERT
Mon amie la poof
(l’intégrale)
Efix
éd Petit à Petit,
20 euros
Les Fantômes
du vieux bourg
Levaray/ Efix
éd. Petit à petit,
14,90 euros
Les Jeudis du Comptoir
Libraires à Marseille
04 96 12 43 42
Au Programme
Aix-en-Provence
Cavaillon
Cité du livre – 04 42 91 98 88
Exposition de photos de Guy Le Querrec,
Sur la piste de Big Foot. Jusqu’au 14 mars,
Galerie Zola.
Itinérances littéraires - 04 96 12 43 42
La librairie Le Lézard amoureux reçoit Carole
Martinez et Ingrid Thobois.
Le 19 fév à 17h30.
Itinérances littéraires - 04 96 12 43 42
La librairie Forum Harmonia Mundi reçoit
Carole Martinez pour Le cœur cousu (voir Zib
15 éd. Gallimard, 2008) et Ingrid Thobois
pour Le simulacre du printemps (éd. Le Bec en
l’Air, 2008). Le 19 fév à 19h.
Manosque
Théâtre du Manguier – 04 42 96 33 31
Dans le cadre de la semaine de la langue
française, le Théâtre du Manguier explore
l’avenir et propose C’est pour demain !?,
des rencontres singulières et musico-théâtrales
itinérantes, dans les rues de la ville.
Du 16 au 31 mars.
Arles
Chapelle du Méjan – 04 90 49 56 78
Rencontre avec Alaa El Aswany, auteur
de L’Immeuble Yacoubian, Chicago et J’aurais
voulu être égyptien (tous parus aux éditions
Actes Sud), en présence de son traducteur,
Gilles Gauthier, d’Hubert Nyssen,
fondateur des éd. Actes Sud, Michel
Parfenov, directeur des Lettres Russes aux
éd. Actes Sud, et de Thierry Fabre, rédacteur
en chef de la revue La Pensée de Midi.
Le 10 mars à 18h30.
Cassis
Itinérances littéraires - 04 96 12 43 42
La librairie Préambule reçoit Carole Martinez
et Ingrid Thobois. Le 26 fév à 18h.
Itinérances littéraires – 04 96 12 43 42
L’Hôtel Voland reçoit Carole Martinez et
Ingrid Thobois.
Le 28 fév à 17h.
Marseille
BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34
Fébrige et troubaïres au temps de Mistral :
exposition de photographies, journaux
et éditions originales. Vitrines de l’allée
centrale. Jusqu’au 14 mars.
Les Jeudis du comptoir – 04 96 12 43 42
Rencontres littéraires radiophoniques
en public : Et si on reparlait littérature ?
Pascal Jourdana animera cette rencontre avec
François Bégaudeau, en collaboration
avec la librairie L’Attrape Mots.
À la Caravelle, le 26 fév à 17h30.
ABD Gaston Defferre – 04 91 08 61 00
Conférence de Dominique Guillaud
sur Des hommes-plantes en Asie du Sud-Est
insulaire, en lien avec l’exposition Des âmes
en équilibre. Le 19 fév à 18h30
dans l’auditorium.
Rencontre avec Alaa El Aswany, auteur
de L’Immeuble Yacoubian, Chicago et J’aurais
voulu être égyptien (tous parus aux éditions
Actes Sud), en présence de son traducteur,
Gilles Gauthier, et de Thierry Fabre,
rédacteur en chef de la revue La Pensée
de Midi, qui animera la séance.
Le 11 mars à 18h30.
Des écrivains en dialogue :
Alain Mabanckou et Leonoira Miano
discuteront «Entre Lettres de rage et d’ironie».
Le 17 mars.
Institut culturel italien – 04 91 48 51 94
Repas futuriste, Ristorante Santo Food Turismo :
Re-Load Futura invite le public à diner, avec,
au programme, pieces de musique, projections
videos, recital d’artistes italiens, allemands
et français, tous unis contre la standisartion du
goût. En collaboration avec le Grim
et le Centre franco-allemand de Provence.
À Montévidéo,
le 21 fév à 20h30.
Centre international de poésie –
04 91 91 26 45
Le Futur a 100 ans : exposition coordonnée
par Jean-François Bory, présentant les travaux
graphiques d’Ivan Messac consacrés
au mouvement futuriste, ainsi que
de nombreuses archives, documents et livres
du Futurisme italien. Vernissage le 20 fév à
partir de 18h30 en présence de l’artiste, suivi
de lectures futuristes avec Véronique
Durousseau, Ivan Messac et Nicolas
Tardy.
Itinérances littéraires - 04 96 12 43 42
La librairie Histoire de l’œil reçoit Carole
Martinez et Ingrid Thobois. Le 27 fév à 19h.
Echange et diffusion des savoirs –
04 96 11 24 50
Apprendre à voir ensemble : Marie-José
Mondzain, philosophe, développera sa
réflexion sur les différents régimes de l’image,
le 19 février à 18h45.
Être adulte, pour une écologie des générations :
conférence de Bernard Stiegler, philosophe
et directeur du développement culturel
du Centre Georges Pompidou. Crise
intergénérationnelle, reconstruction de l’être
adulte mis à mal par le système consumériste,
reconstruction de la démocratie… tous ces
thèmes seront abordés le 12 mars à 18h45.
Hôtel du département.
Espace Leclere – 04 91 50 00 00
Conférence de Jean-Robert Cain, directeur
du patrimoine religieux de la Ville de Marseille
sur Les orgues d’églises à Marseille, le 23 janvier
à 18h.
Trets
Voyons voir-Art et territoire –
04 42 61 48 19
Appel à projets destiné aux artistes visuels
professionnels : 6 artistes seront sélectionnés et
affectés à lieu de résidence selon leur capacité
à répondre à ce nouvel environnement,
à l’investir et à l’intégrer dans leur démarche.
Dossier de candidature (25p, représentatif
de la démarche et travail général de l’artiste)
à envoyer avant le 27 février.
Période des résidences de mai à juillet.
58
LIVRES
LITTÉRATURE
Les âmes blessées
Pour son cinquième opus, l’auteur et documentariste
Xavier-Marie Bonnot a délaissé l’Écailler du Sud
pour l’éditeur parisien Belfond, mais a gardé le goût
du roman policier. Les âmes sans nom plongent le
lecteur dans une enquête entre l’Irlande et Marseille,
doublée d’une descente dans les entrailles du
terrorisme. Le souffle court, on desserre la tension
grâce aux descriptions naturalistes balayées par le vent
des côtes irlandaises ou les embruns méditerranéens…
Un roman policier et d’espionnage donc, sinueux par
son découpage spatio-temporel, et complexe par ses
multiples ramifications dans les milieux politiques et
policiers. On en perdrait presque son franglais ! Mais
l’auteur n’est pas un novice et offre une galerie de
portraits convaincants -dont le héros De Palma dit le
Baron, «un flic à l’ancienne, un matador qui passe les
bornes»- grâce à des fondations en béton : travail
documentaire et historique fouillé, écriture nerveuse et
dialogues au vocabulaire imagé, intrigues et meurtres
à répétition qui laissent peu de répit. D’autant que la
connexion entre les secousses politiques, les réseaux
anti-terroristes et la presse semble un gage de succès,
au vu de la tornade provoquée par la trilogie de Stieg
Larsson… Dès les premières pages, Xavier-Marie
Bonnot plante le décor (Marsiho, Dublin, Belfast, la
Bretagne), l’époque (années 80 et aujourd’hui) et les
personnages (Barbara, Sean, Anne, Quéré, Martel…).
Et c’est là que la lecture se complique, car les «âmes
sans nom» se multiplient comme des petits pains avec
moult pseudonymes et autres patronymes de guerre.
On serait tenté de dessiner soi-même un arbre
généalogique, histoire de ne pas perdre le fil de
l’enquête, et de poursuivre avec l’auteur une réflexion
plus large sur la notion de résistance à l’ennemi.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Les âmes sans nom
Xavier-Marie Bonnot
Ed. Belfond, 20 euros
Au fil de Belsunce
De son séjour à Marseille, Nathalie Bontemps
semble avoir gardé la nostalgie de ce quartier populaire
qui s’étend sous la gare Saint-Charles et abrite toujours,
malgré travaux et réhabilitations, nombre de petits
hôtels meublés et d’immeubles autrefois prestigieux,
aujourd’hui décatis. Elle réside actuellement à Damas,
où l’ont conduite ses études et son travail de
traductrice de l’arabe ; mais son Hôtel Coup de soleil et
autres récits de Belsunce rappelle son passage dans le
quartier, son observation minutieuse, amusée et émue
des choses et des gens ; de ces lieux et de ces gens
modestes, à peine visibles parfois, dont on parle si peu,
qu’on ignore et méprise le plus souvent, qui fondent
pourtant l’humanité de ce carrefour des migrants, des
touristes et des simples passants.
De ses souvenirs, de ses promenades est née cette
chronique charmante d’un hôtel et de son patron,
Monsieur Enervé, sorte de monarque analphabète,
intransigeant et magnanime à la fois. De courts
chapitres égrènent les temps forts d’une existence de
labeur, de tracasseries administratives, de soucis de
santé, mais également d’amitié, de discussions et de
cafés dans la cuisine, avec les vieux amis ou les touristes
de passage. Ces textes brefs et poétiques tissent en
filigrane le roman d’une vie, empreinte de générosité,
de tolérance. Malgré l’exiguïté des chambres, malgré
la modestie des lieux, à Belsunce, n’en déplaise aux
esprits chagrins, on vit, on vibre, on aime… sous l’œil
bienveillant de la Vierge au coin de la rue.
FRED ROBERT
Hôtel Coup de soleil et autres récits de Belsunce
Nathalie Bontemps
illustration de couverture : Kamel Khelif
éditions P’tits Papiers, 12 euros.
C’est beau une usine la nuit
Ouais, mais c’est dur d’y travailler, parfois même le
dimanche, de se lever à 4 heures du mat’, d’attendre
les licenciements, les fermetures de sites, l’accident
grave aussi. Les angoisses, les frustrations, l’«aliénation
du travail salarié», Jean-Pierre Levaray connaît bien:
depuis plus de 30 ans, il est ouvrier de fabrication dans
une usine de produits chimiques près de Rouen.
Lorsque l’usine AZT, classée Seveso comme celle où il
travaille, a explosé à Toulouse, il n’a plus hésité, il s’est
mis à écrire. Cela a donné Putain d’usine, paru en
2002, récit sans concession d’une «vie déjà si courte et
que le taf grignote doucement.»
Aujourd’hui, c’est l’adaptation en bande dessinée
de ce roman qui a été sélectionnée pour le Prix des
Lycéens et Apprentis de la région PACA. Aux
mots de Levaray se sont ajoutés les dessins noir et
blanc d’Efix, au fil d’une longue et fructueuse
collaboration, malgré la distance, entre le scénariste et
le dessinateur qui a lui-même connu ce genre de travail
et s’en déclare marqué à jamais. À l’arrivée, un roman
graphique dense, sauvage, de 120 pages et 17 chapitres,
où défilent les temps forts, souvent terribles, de la vie
à l’usine. Si la couverture de l’album reflète la sombre
beauté de l’usine la nuit, c’est nettement la violence,
la dureté des conditions de travail, l’âpreté des rapports
avec la direction qui dominent dans les vignettes
inspirées des photos de Levaray. Ombres et contrejours, vues d’ensemble de la machine broyeuse
d’humanité, gros plans sur les cernes des yeux fatigués,
les échappées dans le clair restent rares. La falaise
blanche d’Etretat, c’est pour les autres.
Belle réussite donc pour cette adaptation, où le trait
nerveux et efficace de l’un a su rendre l’univers
désespéré et pourtant combatif de l’autre.
FRED ROBERT
Putain d’usine
texte de J.-P. Levaray, dessins d’Efix
éditions Petit à petit, 12,90 euros
59
Voies sans issue
Comment vivre et mourir à bas bruit ?
L’époque n’est certes pas propice au rêve.
Tout juste si on parvient à vivoter et encore
sans trop faire de vagues, sans avoir trop
de prétention à être. Quatre personnages
vont en faire la démonstration. Chacun dans
un domaine différent : Vincent, cadre déglingué de moins en moins performant ;
Elisabeth, vieille mère indigne qui se laisse
pourrir dans un mouroir ; Jeanne, prise au
piège d’une famille pathologique, et enfin
Anatole, personnage emblématique de tous
les réfugiés, de tous les persécutés du monde.
Le combat sera rude et il se termine parfois mal. Mais c’est la vie. La vie moderne
pour le cadre sans dynamisme, la vie tout
court pour les autres.
La structure narrative entremêle les différents récits sans que, finalement, ce choix
ne se justifie ; quatre nouvelles auraient pu
constituer un recueil et créer un système
d’échos, peut-être plus solides à distance
que juxtaposés en tranches. Mais l’écriture
est travaillée, riche d’images fortes : «Aujourd’hui je n’ai plus rien. À qui vais-je
proposer de venir s’asseoir aujourd’hui à ma
table, moi qui ne possède rien d’autre que des
visages morts dans la poche intérieure de
mon pardessus…» Toutes évoquent le vide,
la déréliction, la désagrégation de l’être,
toujours par l’intérieur, comme cet homme
qui constate : «Je me défais comme une pelote
de laine.»
Et tout l’art de Frédérique Clémençon
consiste à créer avec ce qui se détruit.
Peut-être est-ce pour cela qu’elle tisse entre
eux ses récits ?
SYLVIA GOURION
Traques
Frédérique Clémençon
Editions de l’Olivier, 16 euro
Histoires de solitude
et d’allégresse
L’écriture d’un recueil de nouvelles est un
exercice périlleux : s’il faut des idées, originales de préférence pour assurer la fameuse
«chute finale», le style n’est pour autant
pas à négliger. Donc, pour être un bon
nouvelliste, talent littéraire et imagination
doivent se fondre harmonieusement. De
plus, la brièveté exigée par ce type de texte
demande une précision de vocabulaire,
une finesse dans la narration et un sens du
rythme que bien peu parviennent à doser.
L’imagination ne manque pas à Stefano
Benni. À partir de situations modernes, il
est capable d’entraîner le lecteur à la limite
des territoires fantastiques ; qu’est-ce qui
pousse le chien Boomerang à rejoindre
son maître quelle que soit la distance que
ce dernier met entre eux ? Un amour dévoué ou une volonté de persécution ?
Mieux encore, on part d’un personnage
surnaturel : une jeune sorcière de huit ans,
promise à un mariage avec Belzébuth luimême se transforme, après une série de
désillusions, en une jeune femme qui
conclut, pragmatique : «Je n’ai pas fait la
connaissance du diable, mais je suis déjà sortie
avec un électricien, un employé de banque
blond et un joueur de volley.»
D’autres nouvelles sont poétiques, cyniques ou désopilantes. L’écrivain dispose
de plusieurs registres dont il joue en maître.
Les styles sont tout autant travaillés, en
adéquation parfaite, chaque fois, avec le
sujet.
Un recueil de belle facture qui réjouira les
amateurs de belles histoires bien racontées.
SYLVIA GOURION
La grammaire de Dieu
Stefano Benni
Traduit de l’italien
par Marguerite Pozzoli
Actes Sud, 21,80 euros
Survivant malgré tout
Le village de l’allemand ou le journal des frères
Schiller a fait couler beaucoup d’encre
depuis sa sortie en janvier. Il y est question
de culpabilité et de filiation. Est-on responsable des crimes de ses parents, doit-on
en payer la dette ? L’Islamisme a-t-il des
racines dans les violences des Nazis ?
Boualem Sansal ne tranche pas, mais
écrit un magnifique pamphlet contre le
mensonge, un roman qui fustige tous
ceux qui pensent qu’on peut réparer en
oubliant.
Deux frères sont arrivés jeunes en France
pour y faire leurs études. Le père allemand
et la mère algérienne sont restés au village,
près de Sétif, de sinistre mémoire. L’ainé,
Rachel, a réussi : marié, cadre, bagnole, carte
de crédit : vie de «papier musique». Malrich, lui, a 17 ans, banlieusard, apprenti
mécano, copains de galère. Deux mondes
parallèles. Le 25 avril 1994 tout bascule :
une nouvelle boucherie en Algérie a tué
leurs parents. Rachel décide d’aller làbas, pour faire son deuil, sans rien dire à
personne. Il va découvrir le passé soigneusement caché de son père : criminel de
guerre nazi, responsable de la mort atroce
de milliers de gens !
À partir de ce jour Rachel parcourt l’Europe
sur ses traces ; il perd l’appétit, sa femme,
son boulot, et endosse la culpabilité des
crimes à la place de son père. Il lit tout ce
qu’il trouve sur le nazisme et la Shoah, va
visiter tous les camps de la mort. Il consigne ses étâts d’âme, son écœurement dans
un journal que son jeune frère recevra en
héritage après son suicide. Le livre se
compose des voix des 2 frères qui se parlent
au-delà de la mort par journal interposé.
Le journal de Rachel ouvre les yeux de
Malrich, lui donne une conscience politique en éveillant un sentiment de révolte
et une envie de lutter contre l’islamisme
qu’il associe au nazisme : «C’était du pareil
au même.» Il part lui aussi en Algérie retrouver ses amis d’enfance, prendre en
compte tout le lourd passé de sa famille,
pour enfin tenter de vivre, sans aveuglement, sans déracinement, sans dénégation,
comme un homme.
CHRIS BOURGUE
Le Village de l’Allemand
Boulem Sansal
Gallimard, 17 euros
60
LIVRES
LITTÉRATURE
Naissance aux Enfers
Directeur de publication à l’Indian Express, Raj
Kamal Jha a été témoin des violences interethniques
perpétrées dans l’État du Gujarat en février 2002. Il en
rappelle le lourd bilan en postface de ce livre. C’est
pourtant par le biais de la fiction qu’il a choisi de
revenir sur cet épisode traumatisant pour le pays tout
entier. Fireproof, joliment traduit par Et les morts nous
abandonnent, est son 3e roman, paru en 2006 et tout
récemment édité dans la série Lettres indiennes
d’Actes Sud.
L’action se situe à Ahmedabad, dans le quartier
résidentiel de Gulbarga, où eut lieu l’un des nombreux
massacres de représailles qui firent plus de 1000
victimes, après la mort de 59 hindous dans un train
attaqué par des musulmans. Dans ce cadre véridique,
au cœur des incendies meurtriers et de la folie vengeresse, s’enchaînent les 3 actes d’une pièce étrange,
«cette nuit-là», «le jour d’après», «la nuit d’après», qui
mêlent le réalisme le plus cru à un surnaturel où le
nonsense va de pair avec le macabre.
Carroll mâtiné de Lewis. Après tout, why not ? Dans
une cité livrée aux flammes, à la fureur et aux agonies
les plus atroces, quand les cadavres tombent du ciel, on
ne s’étonne de rien. Le narrateur, Mr Jay, vit ainsi une
sorte de cauchemar éveillé, de la naissance d’un enfant
monstrueux à une infernale odyssée. Au long de son
errance, sous diverses formes, les morts parlent, témoignant des horreurs subies. Et au bout du chemin, tout
s’éclaire pour Jay, et pour le lecteur qui comprend
la «morale de l’histoire».
Une fable fantastique et brillante, à la forme complexe
et aux personnages originaux, pour que justice soit
rendue, que les vivants assument leurs actes et que les
morts enfin les abandonnent.
FRED ROBERT
Et les morts nous abandonnent
Raj Kamal Jha
traduit de l’anglais (Inde) par Alain Porte
Éditions Actes Sud, 25 euros.
Dans l’entre-deux, l’Arbre de Mer
C’est un tout petit livre, tout fin, tout mince, pour des
éditions qui semblent taillées juste pour lui, P’tits
papiers… L’écriture en est légère, avec la simplicité des
évidences, la beauté des jours, pas des grands jours, du
quotidien, avec des personnages si transparents dans la
vie normale, si héroïques et sensibles, si grands et
humains dans ce texte poétique, à l’instar du Petit
Prince. Est-ce parce qu’il est composé pour être dit sur
scène ? La seule version écrite déjà nous parle,
murmure, fredonne, rit, danse à nos oreilles. La
naissance du quartier du Panier redevient légende,
avec ses habitants qui viennent de tous les bords de la
Méditerranée. Kaléidoscope sensible et tendre, le
conte voyage, et c’est d’un vol merveilleux que la grue
nous emporte jusqu’à l’Arbre de Mer. Ce conte
moderne nous entraîne vers les autres, invite à la
compréhension des êtres au-delà de leurs origines.
Richesse des cultures mêlées !… Un bel hommage à la
vie, qui palpite encore plus riche de tout ce qui la tisse.
À lire, à écouter, à transmettre, absolument ! Et à
retrouver sur scène : Stéfanie James est aussi une
conteuse de grand talent, subtile et forte, qui sait avec
Samuel Barroo et Saleha Moudjari donner corps
à ses contes…
MARYVONNE COLOMBANI
Entre deux rives
Stéfanie James
P’tits Papiers, 10 euros
Polar et politique étrangère
Il y a de nombreux polars qui flirtent avec les scandales
financiers. L’exploitation de l’Afrique par des
barbouzes sans scrupules, des trafics d’armes, des
fausses factures, des actions humanitaires qui ne sont
que des couvertures, grugeant à qui mieux mieux les
populations… Nous retrouvons tout cela dans nos
quotidiens, et le cinéma s’empare de ces thèmes,
«toute ressemblance…» ne serait que fortuite et
involontaire… C’est l’impression que l’on retrouve en
lisant ce roman, bien écrit, qui jongle entre les voix, les
points de vue, les registres. L’action débute en
Ouganda, un homme fuit, poursuivi, on ne sait
pourquoi… puis, rupture, c’est en Corse qu’un crime
est commis. Un commissaire de Marseille, Etienne
Gouirand, est mis sur l’enquête, il s’agit de la mort de
son meilleur ami. Ses investigations le conduiront en
Corse bien sûr, (le chapitre consacré à l’historique des
mouvements indépendantiste est remarquable), puis
en Afrique. L’affaire est énorme… Y aura-t-il justice,
la raison d’État sera-t-elle supérieure ?
Un très beau roman, ancré dans les problèmes
contemporains, et vraisemblable au plus haut point !
Nicolas Michel, un nom à retenir !
M.C.
Corsika
Nicolas Michel
éditions Buchet Chastel, 18 euros
ARTS
LIVRES
Faire un film
Le 16 septembre 2004, au cinéma le Panthéon, à
Paris, Jacques Mandelbaum, critique au Monde, assiste à la projection du film d’Arnaud des Pallières,
Adieu. C’est là qu’après un entretien avec le cinéaste il
décide de l’accompagner dans la préparation de son
nouveau film, Parc.
L’entreprise sera longue, difficile et éprouvante. Il
s’agit de l’adaptation du roman de John Cheever, Les
Lumières de Bullet Park. Le film (voir Zib 15) ne sortira
qu’en 2009.
À travers la chronique de Mandelbaum, le lecteur suivra
pas à pas le parcours semé d’embûches d’un réalisateur
indépendant et exigeant ; il apprendra comment les
efforts du producteur sont mis à mal par les obstacles
que dressent les agents des acteurs, les responsables des
chaînes de télévision ou de festivals ; comment la défection de membres de l’équipe de tournage peut tourner
au tragique et laisser de lourdes cicatrices ; comment
le cinéma d’auteur doit gérer sans cesse le désir et le réel:
«Nous avions rêvé d’un film et nous n’avons pas pu ou voulu voir que nous n’avions pas les moyens de réaliser ce rêve
(…) le film s’est pulvérisé sur le mur de cette réalité»
constate amèrement Arnaud des Pallières.
Et pourtant, en mai 2008, Parc est achevé ; malgré les
espoirs du réalisateur et du producteur, Serge Lalou, il
n’ira ni à Cannes, ni à Venise !
L’Anatomie d’un film nous permet de passer de l’autre côté
de l’écran et de comprendre comment le cinéma est un
art, comment par ailleurs c’est aussi une industrie…
Parc est sorti sur les écrans le 14 janvier… et n’est plus
projeté que dans sept lieux en France, preuve de
l’inefficacité paradoxale d’un système de distribution
qui, en les privant d’une véritable exploitation,
condamne certains films aux oubliettes faute de salles.
ANNIE GAVA
Anatomie d’un film
Jacques Mandelbaum
Ed Grasset, 17,90 euros
Autobilan
Cet imposant ouvrage compile les projets menés par
le Bureau des Compétences et Désirs (BCD),
structure de production et de diffusion d’art
contemporain, installée à Marseille depuis 1994. Ce
sont donc 65 projets classés par ordre alphabétique
faisant l’objet de présentations spécifiques, déclaration
d’intentions d’artistes ou des organisateurs (Sylvie
Amar, Yannick Gonzalez), extraits de conversation et
interviews. Constituée d’une notice, de documents et
photographies situant les intentions, les artistes et les
démarches, les commanditaires et partenaires
impliqués, une chronologie situe l’ensemble sur les
quatorze années. On découvre ainsi la multiplicité des
propositions initiées par le BCD et des domaines
d’investigation de l’art contemporain dans le champ
sociétal, comme la diversité des publics concernés.
L’ouvrage est préfacé par un complice de la première
heure, Chris Dercon, directeur de la Haus der Kunst
de Munich, suivi d’une présentation en forme
d’inventaire thématique de Baptiste Lanaspeze ;
puis d’un entretien (dont on ne connaît pas le
contradicteur) avec les fondateurs du BCD qui
expliquent leur démarche et leurs choix en regard des
modalités d’intervention dans le domaine de l’art
contemporain. Et analysent la scène marseillaise en
particulier.
CLAUDE LORIN
(à) partir de Marseille
65 projets d’art contemporain
édition bilingue français/anglais
256 p. 379 ill. coul, 79 ill. n&b
Édition Les Presses du Réel, 23 euros
L’artiste premier savant
En observant de très près les œuvres visuelles des XIVe
et XVe siècle resituées dans la pensée qui les a
produites, Nadeije Laneyrie-Dagen renouvelle
notre regard de manière éblouissante et simple (voir p
49). À partir de la théorie médiévale des quatre
éléments, évitant l’approche formelle ou stylistique par
trop réductrice, l’auteur focalise notre attention sur
nombre de détails qui construisent les images d’une
nouvelle posture esthétique fondée sur l’observation
de la nature. La symbolique théologique (l’or ou le
lapis-lazuli pour le ciel…) laisse peu à peu place à la
représentation réaliste et individualisée des choses (on
reconnaît un cumulus dans l’azur, la figuration de la
terre devient géologique…). Vinci ou Dürer
n’inventent pas la nature -contrairement à ce que le
titre laisse supposer- mais en montrent désormais les
phénomènes : c’est l’avènement de l’homme
moderne, et l’artiste en serait la première expression
savante !
En conclusion l’auteur montre de manière inattendue
que ces approches renouvelées ont leur prolongement
dans les préoccupations actuelles pour notre
environnement et son devenir. Il n’y aurait pas tant
d’écart dans les mentalités entre la pré-renaissance et
notre post-modernité. Ce travail fin d’explicitation est
conforté par une riche iconographie, présente à
chaque page. Ce qui en fait un beau livre en tous
points. Les étudiants en art devront cependant le
consulter en bibliothèque, étant donné son prix !
CLAUDE LORIN
L’Invention de la nature
Nadeije Laneyrie-Dagen
256 p. 200 ill.coul.
Editions Flammarion, 75 euros
61
62
LIVRES
ARTS
Romantische Musik
La musique allemande romantique se trouve être très
souvent le pilier des programmes de concerts du monde
entier : des grandes symphonies et concertos de
Beethoven ou Brahms, du piano de Schumann à la
musique de chambre de Mendelssohn… sans compter
les grandes fresques sacrées comme la Missa Solemnis
ou le Requiem allemand, le Lied ou l’opéra qui trace sa
route du Freischütz de Weber au Ring wagnérien…
C’est une montagne, tout un pan de la culture européenne, dont les concepts nationaux (celui de l’«âme
allemande» en particulier) ont été parfois récupérés à
des fins douteuses.
Brigitte François-Sappey s’affranchit de l’écueil,
sans l’occulter, replace la musique dans ses contextes
historique, littéraire hérité de Goethe, philosophique,
pictural… en partant de l’idée nietzschéenne que le romantisme «n’est arrivé au but que sous forme de musique».
Ce livre est une mine, une somme dans laquelle l’amateur trouve, classés par genre (symphonie, concerto,
opéra…), l’essentiel des grands opus du répertoire,
analysés, commentés avec toute la science de l’auteur.
De surcroît, à côté des monuments cités plus haut, le
XIXe siècle germanique fourmille de compositeurs qui
ne sont ni négligeables, ni négligés dans l’ouvrage,
comme Spohr, Loewe, Ries, Moscheles, Joachim, Hiller,
Lortzing, Cornelius, Humperdinck…
JACQUES FRESCHEL
La musique dans l’Allemagne romantique
Brigitte François-Sappey
éditions Fayard, 35 euros
Un bout d’histoire
Les Jamaïcains restent surpris «d’entendre parler en France
de musique roots pour ce qu’ils définissent eux comme du
reggae», observait récemment le chanteur Alborosie.
Le terroir musical de cette île repose sur les rythmes
mento et ska mais les ouvrages de référence survolent
trop souvent ces racines. L’auteur nous en propose une
relecture aboutie à grands renforts de citations, et
décrit ici les balbutiements d’une industrie locale qui
deviendra vite planétaire…
25 ans d’histoire, du Island in the sun de Harry Belafonte, qui inspira Chris Blackwell pour nommer son
label, à la fausse idée que le ska s’est répandu dans la
liesse de l’indépendance de 1962. Témoignant d’un
travail documentaire, presque scolaire parfois quand il
cite son environnement politique, le livre de Jérémie
Kroubo Dagnini apprend à discerner les genres :
calypso et mento, rock steady et skinhead reggae.
Mais cette synthèse n’est pas suffisante si l’on veut par
exemple comprendre le clivage entre quartiers est et
ouest de Kingston, à l’origine du reggae roots ! Aucune
nouvelle réponse à cette histoire orale sans doute déjà
trop ancienne pour être précise, aucune mention de
Winston Grennan, Justin Yap, les Tennors, au fameux
«ska-lipso» de Count Owen ou à la mort «prédestinée»
de Leslie Kong. Ceux-là semblent avoir disparu des
ouvrages sur le reggae et après une telle étude «half the
story has been told», seule une partie de l’histoire a été
écrite…
X-RAY
Les origines du reggae
Jérémie Kroubo Dagnini
Ed. l’Harmattan, 24 euros
Abbé métalleux !
Le monde de la musique métal et celui de la religion,
en particulier le christianisme, sont des univers que
tout semble opposer : plusieurs essais émanant de
l’église ont diabolisé le métal. L’abbé Robert Culat,
auteur du livre L’âge du métal paru aux éditions
Camion Blanc, apporte quelque chose de nouveau
malgré sa condition de prêtre. Il essaie de montrer avec
une étude statistique et sociologique (questionnaires
diffusés auprès des métalleux français avec analyse en
1re partie) que tous les clichés véhiculés par ces deux
sphères ne sont pas forcément justes (annexes rédigées
par différents auteurs experts en 2de partie).
Robert Culat s’immerge dans le monde des métalleux
et étudie de près leurs comportements et leur
musique, jusqu’à en devenir fan ! Le métal est souvent
associé au satanisme et à l’anti-christianisme. Or c’est
une musique pleine de variété et les textes, loin d’être
tous liés au satanisme, sont d’ordre philosophique,
ésotérique, historique ou fantastique…
En découle une description très précise de l’univers
métal français, une typologie du métalleux (âge, sexe,
look, religion…), une identification précise des styles
(heavy, dark, death, black, hardcore, doom) et les
éventuels pièges à éviter (préjugés, amalgames et
sectorisation).
Certes les métalleux sont généralement agnostiques
ou athées, mais il existe même une minorité de
croyants. Et ils ont, dans leur ensemble, plébiscité cet
essai et comptent désormais parmi les «fans» de l’abbé!
Preuve que le métal est une mystique ?
SONIA ISOLETTA
L’Âge du métal
Robert Culat
Éditions Camion Blanc, 520 pages, 30 euros
63
Architectes
de demain
L’architecture permet l’évasion par les
livres et ce n’est pas la publication de
Neil Spiller qui fera prétendre le
contraire ! Cybrid(s) - Architectures
Virtuelles nous emmène dans un voyage entre onirisme, poésie et innovations
technologiques.
L’architecture virtuelle est un monde
infini où les créations les plus folles et
les plus visionnaires sollicitent le
concours de l’infographie numérique
architecturale. Les travaux sélectionnés
dans cette monographie conséquente
illustrent les préoccupations et les
ambitions actuelles de ceux que nous
pouvons appeler créateurs d’architectures. L’infographie est en perpétuelle
mutation, et lorsqu’elle se met au
service de l’imaginaire du créateur, elle
donne naissance à une alliance démesurée, que ce soit pour l’Auditorium de
Beukenhof aux Pays-Bas par l’agence
Asymptote ou la Maison cellulaire de
Los Angeles par l’agence Emergent, pour
ne citer qu’eux. La nouvelle génération
d’architectes travaillant avec les outils
numériques, dans les univers hybrides
et le cyberespace, fait l’objet avec ce livre
d’un véritable état des lieux de sa
condition actuelle, mais également de
projections quant à son futur.
Ce très bel ouvrage aux illustrations de
qualité supérieure donne un aperçu
complet de ce nouveau monde sans
limite.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Cybrid(s) Architectures virtuelles
Neil Spiller
Ed. Parenthèses, 400p., 52 euros
Économie
et enseignement
La démocratisation scolaire a-t-elle été un succès ?
Dans La nouvelle question scolaire, c’est la question que pose
Éric Maurin, économiste à l’EHESS et déjà auteur
de l’excellent Le Ghetto français
Oui, nous répond-il. Le problème tourne autour
d’une question simple : à quoi sert l’école ? Deux
points de vue s’opposent en économie sur ce sujet.
Pour la théorie du capital humain, l’école forme des
individus et les rend plus productifs. Pour la théorie du
signal, l’école n’a pour fonction que de trier les plus
talentueux, leur permettant, au travers de filtres divers,
de signaler leurs qualités. Dans les deux cas, des études
plus longues ouvrent des perspectives plus réjouissantes en termes de salaires et d’emploi. Néanmoins,
la théorie du capital humain fait de l’éducation une
activité utile individuellement et socialement (en
élevant le niveau général de compétence), alors que la
théorie du signal assimile les études à une course de
rats source de gaspillage pour la société, les positions
relatives restant les mêmes à l’arrivée.
Cette hypothèse a le vent en poupe : «baisse du
niveau» et braderie des diplômes qui ne créent que
déclassement et frustrations en seraient la preuve. Éric
Maurin avance pourtant que la démocratisation
scolaire a été un bon investissement ! Il compare les
performances des pays conservant des systèmes élitistes
(orientation précoce des moins doués et filières
restreintes pour les autres, voir l’Allemagne ou
l’Autriche) à ceux qui ont démocratisé (la France en
étant un bon exemple avec son collège unique). Sa
conclusion est que les seconds font mieux que les
premiers en termes de niveau global des élèves. Et
d’autre part, l’étude des transitions dans le temps d’un
système élitiste à un système démocratisé met en
évidence des gains significatifs !
sur les nouveaux défis et esquisse les pistes d’une
poursuite renouvelée de la démocratisation.
Le livre de Maurin est remarquable parce qu’il mobilise tous les travaux importants de l’analyse
économique et de l’économétrie de l’éducation dans
un langage accessible, sur un sujet trop souvent traité
sur le mode de l’approximation, de l’anecdote ou de
l’invective. Et même si l’auteur laisse de côté certains
points intéressants et trahit parfois des préférences
personnelles, l’ensemble est un modèle d’honnêteté
intellectuelle, dans la mesure où Éric Maurin est
toujours prudent sur la portée des travaux qui vont
dans son sens.
Last but not least, ce travail est probablement, à ce
jour, le plus fourni sur le sujet en France !
STÉPHANE MÉNIA
Investir dans l’étude…
La seconde partie de la démonstration repose sur
l’analyse des trajectoires générationnelles. Elle montre
que l’accroissement du niveau général d’études a eu
un effet réel sur les élèves qui en ont bénéficié, aussi
bien en termes de salaires que de protection contre la
précarité. Et la dernière partie de l’ouvrage se penche
La nouvelle question scolaire :
les bénéfices de la démocratisation
Éric Maurin
Points Seuil, 8 euros
64
LIVRES
PHILOSOPHIE
Le pouvoir des Fables
Une petite anthologie rigolote
et rigoureuse ça fait toujours du bien
en philosophie. Celle-ci en plus
est à deux euros, qui dit mieux !
Ce sont seize textes qui vont piquer chez les grands
auteurs des passages où ils se laissent aller enfin à des
exemples concrets : quand la philosophie fait l’épreuve
du concret, de l’anecdote. Ainsi Descartes doit-il
recourir au panier de pommes dans sa «réponse aux 7e
objections» des Méditations pour faire comprendre sa
méthode. Le geste philosophique inaugural de la
pensée rejette les idées mortes pour se vider la tête
comme on ferait avec un panier de pommes
susceptibles d’en contenir quelques-unes pourries, et
éviter ainsi que celles-ci ne corrompent les pommes
saines.
Plus classique sera le choix du mythe de Prométhée
dans le Protagoras de Platon ; l’occasion de rappeler les
qualités individuelles de l’homme que lui apporte
Prométhée avec la technique, et celles collectives
apportées in extremis par Hermès sur mandat
salvateur de Zeus : la politique, afin que l’espèce ne
disparaisse pas. À ce texte pourrait répondre, plus loin
dans l’anthologie, l’extrait du De cive de Hobbes où
il est question de la moquerie : le rire signifie bien que
les hommes se plaisent à la vie en société, sans laquelle
il n’y aurait pas de railleries ; or, ce plaisir de la
compagnie est pour lui le ferment de la compétition,
et par-là de la division, de la violence et du conflit ;
d’où la guerre de tous contre tous.
Autre réponse violente à Platon est le texte de l’Ethique
à Nicomaque par la patiente distinction d’Aristote
entre l’action volontaire et de l’action involontaire ;
cette distinction doit se référer au moment où elle
s’accomplit et il est illusoire de vouloir définir la vertu
en soi comme le fait Platon. Jeter sa cargaison pardessus bord en cas de tempête : l’anecdote d’Aristote
montre le véritable coup de théâtre du temps, qui
réfute l’idéalisme platonicien.
Toujours contre Platon, mais rien ne se fait sans lui, le
rappel des provocations individualistes de Diogène
rejetant toute contrainte sociale : se masturbant en
public il se disait qu’il serait aussi bon de se faire passer
la faim en se frottant le ventre à terre !
Dans le même genre intempestif est le poème de
Lucrèce sur l’amour dans un passage du De natura :
le jaloux ne perçoit pas les choses pour elles-mêmes
mais les métamorphose en autant d’indices possibles.
Et de conclure par le non moins intéressant Proust et
les signes de Deleuze, qui définit la philosophie
comme aventure de l’involontaire…
Si la philosophie m’était contée
présenté par Guillaume Pigeard de Gurbert
Librio, 2 euros
REGIS VLACHOS
Émancipation subtile
Cette dernière publication de Rancière est réjouissante et stimulante.
Réjouissante est la forme, l’écriture claire et percutante sur des questions
complexes et risquées ; et stimulante la pensée qui ne s’abandonne pas
à la morosité des retournements de vestes ou des fatalités du monde
Cette pensée politique de l’émancipation se dresse sur
le terrain de la pédagogie afin de bouleverser les
conceptions communes de l’enseignement. Le maître
doit-il toujours creuser l’écart entre lui et ceux qu’il
enseigne ? L’apprenant doit toujours être dans une
situation de savoir qu’il ne sait pas ? C’est la
conception classique de la pédagogie, que Rancière
remet en cause : «La distance que l’ignorant a à franchir
n’est pas le gouffre entre son ignorance et le savoir du
maître. Elle est simplement le chemin de ce qu’il sait déjà
à ce qu’il ignore encore, mais qu’il peut apprendre comme
il a appris le reste, qu’il peut apprendre non pour occuper
la position du savant mais pour mieux pratiquer l’art de
traduire, de mettre ses expériences en mots et ses mots à
l’épreuve, de traduire ses aventures intellectuelles à l’usage
des autres et de contre traduire les traductions qu’ils lui
présentent de leurs propres aventures. Le maître ignorant
[…] s’appelle ainsi non parce qu’il ne sait rien, mais parce
qu’il a dissocié sa maîtrise de son savoir. Il n’apprend pas
à ses élèves son savoir, il leur commande de s’aventurer
dans la forêt des choses et des signes…»
Les propos de Rancière s’articulent à une conception
de la politique entendue ici comme art du vivre
ensemble, et visent à dépasser la pensée émancipatrice
classique. Celle-ci analyse l’enseignement comme une
relation de celui qui connaît les rapports de
domination vers celui à qu’il faut les montrer, et qui
vit dans une situation d’aliénation. Rancière explique
qu’il y a un savoir de l’aliéné qui n’est pas réductible
aux schémas dominants…
Cette pensée pédagogique politique est également
articulée à une pensée de l’art ; la condamnation
platonicienne de l’art souligne le paradoxe du
spectateur, nécessaire au spectacle mais envisagé dans
une situation de servilité intellectuelle : regarder n’est
ni connaître ni agir… La question du spectateur
rejoint donc celle de l’enseigné, et sous-tend celle d’un
artiste «ignorant» qui seul ouvrirait des portes…
REGIS VLACHOS
Le spectateur émancipé
Jacques Rancière
La Fabrique, 13 euros
MICHEL FOUCAULT
Dès le tome 1 de L’Histoire de la sexualité, «la volonté de savoir», Foucault nous
prenait déjà à contre-pied : allait-il faire
l’histoire de «l’hypothèse répressive»
qui pèse sur le sexe dans notre monde
judéo-chrétien ? Cela aurait été trop
simple pour ce grand intempestif : déjà
parce que c’est un leurre de faire de
l’interdit du sexe «l’élément fondamental
et constituant à partir duquel on pourrait
écrire l’histoire de ce qui a été dit à propos
du sexe à partir de l’époque moderne.»
Deuxième contre-pied quant à l’idée
de répression que l’on fait reposer
traditionnellement sur un pouvoir institutionnel : pour Foucault le pouvoir
réside dans les moindres interstices du
champ social, des rapports humains :
«et c’est de cette image qu’il faut s’affranchir, c’est-à-dire du privilège de la loi et de
la souveraineté, si on veut faire une
analyse du pouvoir dans le jeu concret et
historique de ses procédés.»
Car cette Histoire de la sexualité fait
l’historique du lien noué entre l’obligation de dire la vérité et les interdits
qui pèsent sur la sexualité : Foucault
plongera dans ces trois tomes aux origines de la pensée grecque et romaine,
afin de voir comment les hommes élaborent un savoir sur eux-mêmes. Là
aussi le philosophe bouleverse le fameux
«connais-toi toi-même» (gnothi seauton)
qui a été paradoxalement saisi dans
notre morale comme un moyen de
renoncer à soi : puisque notre tradition
séculaire a toujours vu dans la loi
extérieure le fondement de la morale (et
du pouvoir), Foucault s’intéressera lui à
l’epimeleisthai sautou, qui est le souci
de soi. Joli défi de se demander
comment le respect qu’on se porte à
soi-même peut être la base de notre
morale.
Réflexion sur le pouvoir et condition de production des discours
-qui induisent ce que les hommes
pensent et font à une époque donnée-,
tels sont les maîtres concepts de la
recherche foucaldienne. Plus généralement, Foucault interroge la notion de
vérité, qui n’est plus l’adéquation du
discours et de son objet, l’objet n’étant
pas séparé des cadres dans lesquels
nous le connaissons. Dans Nietzsche, la
généalogie, l’histoire Foucault critique
l’explication causale dont pour lui les
historiens ont la superstition: «il faut
séparer la singularité des évènements de
toute singularité monotone […] nous
pensons les choses humaines à travers des
idées générales que nous croyons adéquates,
alors que rien d’humain n’est adéquat.»
Ce travail conduit à démonter l’idée
même du cogito qui affirme pouvoir
PHILOSOPHIE
65
Viennent de sortir les deux derniers volumes de cours
de Foucault au collège de France qui éclairent l’œuvre
qu’il laissa avant de mourir : les trois tomes
de l’histoire de la sexualité
Le sexe, le pouvoir,
le cogito
rapporter toute chose à un état de
conscience. D’ailleurs son ouvrage le
plus célèbre, Les mots et les choses, sera une
attaque contre la phénoménologie :
il y a pour lui une irréductibilité totale
entre l’être et le je pense: «aussitôt, en
effet, que le Je pense s’est montré engagé
dans toute une épaisseur où il est quasi
présent, qu’il anime mais sur le mode
ambigu d’une veille sommeillante, il n’est
plus possible d’en faire suivre l’affirmation
que Je suis.» (Les mots et les choses).
Ainsi son travail met en lumière le fait
que l’histoire des idées est loin de la
philosophie : un règlement administratif est parfois plus révélateur que le
Discours de la méthode ! À une origine
transcendantale de la pensée selon
Kant et Husserl, Foucault oppose une
origine empirique et contextuelle : le
discours n’est pas soutenu par la conscience mais par les classes sociales, les
intérêts économiques, les normes les
institutions et règlements. Il aurait
rajouté l’habitus aussi, s’il avait lu
Bourdieu.
Un humanisme est néanmoins possible
qui fait l’économie des insoutenables
idées de nature humaine et de privilège de la conscience, qui nous
empêchent de voir jusqu’où il est possible de penser autrement.
RÉGIS VLACHOS
«Puis-je dire, en effet, que je suis
ce langage que je parle et où
ma pensée se glisse au point de
trouver en lui le système de toutes
ses possibilités propres, mais qui
n’existe pourtant que dans
la lourdeur de sédimentations
qu’elle ne sera jamais capable
d’actualiser entièrement ?
Puis-je dire que je suis ce travail
que je fais de mes mains,
mais qui m’échappe non
seulement lorsque je l’ai fini,
mais avant même que je l’aie
entamé ? Puis-je dire que je suis
cette vie que je sens au fond de
moi, mais qui m’enveloppe
à la fois par le temps formidable
qu’elle pousse avec soi et qui me
juche un instant sur sa crête, mais
aussi par le temps imminent qui
me prescrit ma mort ? Je peux dire
aussi bien que je suis et que
je ne suis pas tout cela ; le cogito
ne conduit pas à une affirmation
d’être, mais il ouvre justement sur
toute une série d’interrogations
où il est question de l’être.»
(Les mots et les choses).
66
PHILOSOPHIE
LE BONHEUR
Comment
être heureux ?
l’épicurien ; beau contresens quand on se rappelle le plaisir pour Epicure, un verre d’eau et deux olives : il faut
prendre du plaisir à ce que je peux toujours avoir, se
contenter de ce que l’on a ; et puis exercer son âme à ne
pas s’inquiéter ; car l’inquiétude et l’angoisse, source du
malheur, sont des superstitions ; et comme je suis un être
raisonnable… Et si ta femme et tes enfants meurent cramés
dans l’incendie de la maison alors que tu étais parti cueillir
tes olives, dis-toi que la mort fait partie de la vie et que
c’est le destin ; j’accepte ce qui arrive en me disant que ça
devait arriver… c’est moins triste !
Balancier
Sans parler de dialectique, on résumera les éternels mouvements de balanciers du plaisir : d’un côté je jouis de tel
plaisir, et la frustration naît quand l’objet n’est pas là (objection : je peux jouir et ne pas être frustré quand il n’est
pas là ! Mais peut-on prendre du plaisir à quelque chose
qui ne nous a pas manqué ? Débat ouvert… qu’on referme avec la parenthèse).
De l’autre côté du balancier, je désire tellement cet objet
(cf. l’Albertine de Proust) que quand je l’obtiens je m’en
lasse ; tout ça pour dire que le bonheur hors les stoïciens
semble une vaste supercherie. Et puis c’est Platon qui le
dit : «cet homme, comme tous ceux qui désirent, désire ce qui
n’est pas actuel ni présent ; ce qu’on n’a pas, ce qu’on n’est pas,
ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour.»
(Banquet)
Bonheur de savoir
© Tonkin Prod.
Tiens, un titre racoleur : ça fait vendre…
mais on est un gratuit ! Alors pourquoi ce titre ?
Parce qu’en temps de crise, il est bon d’essayer d’y voir
plus clair sur les liens entre l’état économique, social
et écologique de la planète et notre état mental.
Bien ambitieux ! ben oui, et vive l’ambition !
Nous ferons donc quelques brèves remarques issues de trois
auteurs sur la question du bonheur. Exercice très périlleux
puisqu’il s’agit d’une question existentielle majeure, et
puisque chacun peut balayer d’un revers de main les arguties philosophiques : «et bien moi j’aime cette personne
et voilà le bonheur». Que rajouter, sachant que les autarcies d’Epicure ne valaient guère mieux ? Alors rajoutons!
On a coutume de présenter ce dont on parle comme une
des notions clé de la philosophie. Alors on n’y échappera
pas : oui le bonheur est une question essentielle. Pour la
raison existentielle évoquée plus haut, mais aussi parce
que la philosophie est amour de la sagesse et que le
rapport entre cette dernière et le bonheur est étroit.
Détachement
Le sage vise la vie bonne dans la pure contemplation des
idées essentielles ; c’est ce détachement qui origine le philosophe planqué dans sa tour d’ivoire. Rien de tel pour être
heureux que de se détacher des contingences de la vie sublunaire, désordonnées (le cycle de la nature, les actions
humaines) : tout change, naît, périt et se corrompt, c’est la
pagaille, on n’y comprend rien, rien de tel pour s’angoisser.
Tandis qu’il y a quelque chose à espérer de la sphère des
étoiles fixes par exemple, pour reprendre ici quelques
schèmes d’Aristote ; et puis la question de l’être est tout
de même plus consistante et immuable que celle de la
reproduction des crevettes à marée basse (quoique) !
Alors, pour être heureux n’écoutez pas les prédictions des
économistes sur le capitalisme, ne lisez aucune bêtise sur
le bonheur, moquez-vous de vos existences terrestres…
on sait où cela conduit. Amen !
Ceci dit sur le plan pratique les épicuriens et les stoïciens
nous offrent de belles philosophy-box pour jouir. Déjà en
ne cherchant pas à jouir. Rien de pire que le plaisir qui
conduit à la frustration. On sait que pour Epicure le
bonheur est le plaisir ; d’où l’assimilation du jouisseur à
En bref, on voit bien que ce qui nous rend malheureux
c’est de penser que l’on est libre : on pose trop de choses
comme dépendantes de nous ; se dire, comme les stoïciens,
que rien ne dépend de nous puisque nous sommes déterminés, c’est déjà faire preuve de sagesse. Spinoza
retiendra ça dans sa célèbre formulation : «les hommes se
figurent être libres parce qu’ils ont conscience de leurs désirs
et ignorent les causes qui les déterminent.» Dès lors, le vrai
bonheur ne réside pas de cette fausse liberté où je crois que
j’ai choisi ce métier ou ce conjoint parce que je l’ai voulu : ce choix était déterminé par des causes que j’ignore
ou que j’ai tout le loisir d’explorer dans une analyse.
Notre véritable humanité ne s’acquiert que dans la compréhension des causes qui font ce que nous sommes, des
relations des hommes entre eux et de la causalité de la
nature. Peut-il y avoir un vrai bonheur dans l’ignorance?
Comment peut-on vivre sans savoir pourquoi la lune ne
nous tombe pas sur la tête ? Comment peut-on vivre sans
savoir pourquoi il y a tant de misère sur la planète ? Suisje plus heureux en me disant que c’est comme ça et qu’on
n’y peut rien (pour les actions humaines, pas pour la
lune!) ou en comprenant ce qui pourrait faire que ça
change ; vaste question : nous préférons la lucidité de la
compréhension, même si René Char disait que la lucidité est la blessure la plus proche du soleil. Être heureux
c’est un choix entre le souci de la vérité ou l’insouciante
ignorance. En tout cas c’est Spinoza qui le dit, et pas mal
d’autres philosophes comme Descartes. Voie rationaliste du bonheur.
Bonheur d’agir
Ceci dit, et sauf à considérer le bonheur humain dans
une existence d’huître, pour être heureux il faut se bouger, intellectuellement d’abord : savoir et agir. La question
67
du bonheur surgit tout droit de la liberté
et de sa dimen-sion projective pour
Sartre : si je cherche à être heureux c’est
que je me projette sans cesse dans ce que
je ne suis pas. C’est la dimension de
néantisation de la conscience : être sur le
mode d’être ce que je ne suis pas ;
contrairement à l’être qui est ce qu’il est.
En bref, être heureux c’est réaliser qu’on
est malheureux et qu’il faut agir, et que
quelque chose ne va pas dans ma vie ;
incessante insatisfaction qui nous fait
avancer. Et on peut dépasser un bonheur
strictement égoïste, que Jung reprochait à
Freud, pour s’insérer dans un projet qui
rapproche des autres hommes. Et se
demander quel monde on veut pour
ensuite réaliser l’absurdité de celui qu’on
vit, et dans le même élan le changer vraiment. Si l’élan est absent c’est que le
projet manque aussi. Bref, être heureux
c’est encore, toujours, une question de
révolution !
REGIS VLACHOS
Sénèque Lettre à Lucilius
«Tout ce qui doit arriver fatalement à
l’homme qui résiste, cesse d’être une
fatalité pour l’homme qui accepte. Je te le
dis : quiconque reçoit de bonne grâce les
ordres qu’on lui donne, échappe à l’aspect
le plus pénible de la servitude, qui est de
faire ce qu’on ne voudrait pas. L’homme
malheureux n’est pas celui qui fait
quelque chose sur commande, mais celui
qui le fait à contrecœur. Disposons-donc
notre esprit de manière à vouloir tout ce
que les circonstances exigeront, et surtout
de manière à penser sans tristesse à la fin
de notre existence. Nous devons nous
préparer à la mort avant de nous préparer
à la vie. La vie est approvisionnée de
manière suffisante, mais nous, nous
sommes toujours insatiables de ses
ressources : nous avons le sentiment que
quelque chose nous manque, et nous
l’aurons toujours. Ce ne sont ni les
années, ni les jours qui font que nous
avons assez vécu : c’est notre esprit. J’ai
vécu, très cher Lucilius, autant qu’il
suffisait ; convive rassasié, j’attends la
mort. Porte-toi bien.»
Épicure Lettre à Ménécée
«C’est un grand bien, croyons-nous, que
le contentement, non pas qu’il faille
toujours vivre de peu en général, mais
parce que si nous n’avons pas
l’abondance, nous saurons être contents
de peu, bien convaincus que ceux-là
jouissent le mieux de l’opulence, qui en
ont le moins besoin. Tout ce qui est fondé
en nature s’acquiert aisément,
malaisément ce qui ne l’est pas. Les
saveurs ordinaires réjouissent à l’égal de la
magnificence dès lors que la douleur
venue du manque est supprimée. Le pain
et l’eau rendent fort vif le plaisir, quand
on en fut privé. Ainsi l’habitude d’une
nourriture simple et non somptueuse
porte à la plénitude de la santé, elle fait
l’homme intrépide dans ses occupations,
elle renforce grâce à l’intermittence de
frugalité et de magnificence, elle apaise
devant les coups de la fortune. Partant,
quand nous disons que le plaisir est le but
de la vie, il ne s’agit pas des plaisirs
déréglés ni des jouissances luxurieuses
ainsi que le prétendent ceux qui ne nous
connaissent pas, nous comprennent mal
ou s’opposent à nous. Par plaisir, c’est
bien l’absence de douleur dans le corps et
de trouble dans l’âme qu’il faut entendre.»
Sartre L’être et le néant
«Car il faut ici inverser l’opinion générale
et convenir de ce que ce n’est pas la dureté
d’une situation ou les souffrances qu’elle
impose qui sont motifs pour qu’on
conçoive un autre état de choses où il en
irait mieux pour tout le monde ; au
contraire, c’est à partir du jour où l’on
peut concevoir un autre état de choses
qu’une lumière neuve tombe sur nos
peines et nos souffrances et que nous
décidons qu’elles sont insupportables.
L’ouvrier de 1830 est capable de se
révolter si l’on baisse les salaires, car il
conçoit facilement une situation où son
misérable niveau de vie serait moins bas
cependant que celui qu’on veut lui
imposer. Mais il ne se représente pas ses
souffrances comme intolérables, il s’en
accommode, non par résignation, mais
parce qu’il manque de la culture et de la
réflexion nécessaires pour concevoir un
état social où ces souffrances n’existeraient
pas. Aussi n’agit-il pas […] souffrir et être
ne font qu’un pour lui ; sa souffrance est
la pure teneur affective de sa conscience
non-positionnelle, mais il ne la contemple
pas. Elle ne saurait donc être par ellemême un mobile pour ses actes.
Mais tout au contraire, c’est lorsqu’il aura
fait le projet de la changer qu’elle lui
paraîtra intolérable. Cela signifie qu’il
devra avoir pris du champ, du recul par
rapport à elle et avoir opéré une double
néantisation : d’une part, en effet, il
faudra qu’il pose un état de choses idéal
comme pur néant présent, d’autre part il
faudra qu’il pose la situation actuelle
comme néant par rapport à cet état de
choses. Il lui faudra concevoir un bonheur
attaché à sa classe comme pur possible c’est-à-dire présentement comme un
certain néant ; d’autre part, il reviendra
sur la situation présente pour l’éclairer à
la lumière de ce néant et pour la néantiser
à son tour en déclarant : je ne suis pas
heureux.»
68
SCIENCES ET TECHNIQUES
DARWIN | QUINSON | MUSÉUM
Darwin, du neuf
ou de la poule ?
2009, la France décrète
l’année Darwin. Que
peut bien motiver ce
soudain réengouement
pour le célèbre
naturaliste anglais et
son œuvre ?
Est-ce la commémoration du bicentenaire de sa
naissance, ou des 150 ans de son travail On the
Origin of Species by Means of Natural Selection, or
the Preservation of Favoured Races in the Struggle
for Life (L’origine des espèces) publié pour la première fois à Londres le 24 novembre 1859 ? Si l’œuvre
de Darwin a largement contribué à la fondation de
la biologie moderne, il semble injuste de lui
attribuer la paternité de la théorie de l’évolution.
Lamarck (1744-1829) en a largement la primeur
qui publie, il y a 200 ans (1809), sa Philosophie
Zoologique sans pourtant mériter aujourd’hui de
commémoration. C’est d’ailleurs son grand-père
Erasmus et son maître Robert Edmond Grant (17931874) qui incitent Darwin à développer les thèses
évolutionnistes de son illustre prédécesseur. En cela,
il ne peut être considéré ni comme un «innovateur»
théorique ni comme un subversif luttant contre les
thèses créationnistes de l’obscurantisme religieux.
L’expérience malheureuse de quelques-uns de ses
prédécesseurs sévèrement réprimés par la religion
incite Darwin à n’enfourcher les thèses
évolutionnistes qu’avec prudence et discrétion,
d’autant que ses études l’avaient nourri des thèses
adaptationistes religieuses de Paley. Il n’est pas
impossible que ce soit l’étroit passage de sa
vocation théologique à celle de naturaliste qui ait
induit plus tard sa théorie de la sélection naturelle.
Et si… ?
Si on fait preuve d’optimisme, on peut imaginer
que cette année Darwin a pour but progressiste de
réaffirmer les thèses évolutionnistes au moment où
la théorie créationniste semble se revigorer dangereusement. Enfoncer le clou de «l’égalité du vivant»
n’est jamais un luxe, bien qu’en astrophysique la
thèse idéaliste et tout aussi créationniste du «bigbang» ne soit guère battue en brèche. Ce regain
d’intérêt pour Darwin peut être un concours de
circonstance numérique (1809, 1859, 2009 tout
neuf) lié à une volonté d’attirer l’attention du grand
public sur les sciences biologiques actuelles et en
particulier la génétique, fille «naturelle» du
darwinisme.
Mais si on est d’humeur légèrement atrabilaire, on
entraperçoit dans cette entreprise aussi bicentenaire que spectaculaire, un possible glissement
des thèses de la «sélection naturelle» vers leurs
anciennes interprétations «socio-biologiques», relookées aujourd’hui sous le terme plus neutre de
neurogénétique. Cette soudaine exhumation ne
tend-elle pas à laisser imaginer que les lois que
Darwin avait tirées de l’étude de mollusques marins
pourraient être soudain appliquées à phénomènes sociétaux ? L’application de la
génétique à des phénomènes ou
caractères sociaux comme
le «talent artistique»
ou «la violence
chez l’enfant»
confinent à un
évolutionnisme
génétique qui permet l’émergence d’une nouvelle
forme d’eugénisme, la théorie pseudo-scientifique
des «dons» naturels. Ainsi le «principe de réussite»
deviendrait dans le monde libéral une «règle de
sélection naturelle». Les règles de «sélection biologique» transposées à la société permettraient de
valider les lois eugéniques de «sélection du meilleur»
et, pourquoi pas, le tri génique de «l’adaptation ou
inadaptation sociale», voire la «loi du meilleur» ou
la «loi du plus fort». Principes que prônent malheureusement déjà certains dirigeants politiques.
Instaurer l’évolutionnisme religieux pour combattre
la religion du créationnisme ne permet-il pas
d’inculquer dans les consciences une justification
scientifique du «sélectionnisme génétique» ? et de
généraliser le principe de l’horreur humaine… et
on tuera tous les affreux ?
YVES BERCHADSKY
Face aux faits
© Tonkin prod.
Le département des Alpes de Haute-Provence
proclame un véritable intérêt pour la culture
scientifique, avec ses trois sites exceptionnels : le
centre d’Astronomie de Saint-Michel l’Observatoire,
le musée ethnologique de Salagon, et le musée de
la Préhistoire de Quinson. C’est dans ce dernier que
se célèbre l’année Darwin, au rez-de-chaussée de
l’exceptionnelle collection permanente dont les
pièces uniques servent ici à illustrer le propos.
Quoi de mieux pour comprendre les principes de
l’évolution des espèces (variation, exception, ressemblances..) que la collection de crânes d’hominidés
du musée, ceux des mammifères préhistoriques, les
reconstitutions du T.Rex ou de la machoire du
Mégalodon ? À ces pièces impressionnantes s’ajoutent des crânes actuels de phacochères aux défenses
entortillées, et des espèces naturalisées, tatou,
ornithorynque, pangolin, tout aussi sidérants de
développements surréalistes… et des bornes interactives, un film, des panneaux, des livres pour
enfants enchaînés à de petites tables dont le siège
adulte est proscrit…
La muséologie, simple, permet d’entrer au cœur de
la démarche darwinienne, en observant des cas, en
s’en étonnant, puis en s’attardant sur la théorie
élaborée en 1859 parce qu’elle seule pouvait expliquer la réalité du constat.
Sur les murs, les panneaux rendent hommage aux
précurseurs fixistes convaincus que la «création»
des espèces interdisait leur évolution, malgré
69
Pourquoi Darwin ?
Crânes de sangliers © Frédéric Exubis
«l’épaisseur du temps» historique
constatée par Linné, et la variété de la
vie répertoriée par Buffon. Hommage
aussi aux évolutionnistes : Lamarck
bien sûr, qui constata l’évolution des
espèces sans la relier à la sélection
naturelle, et Wallace, qui travailla
avec Darwin et lui apporta nombre de
ses études de cas.
Mais surtout, les panneaux entrouvrent des portes vers l’avenir : en
montrant comment Mendel et la génétique ont permis de confirmer Darwin,
et ses généalogies approximatives,
fondées sur la ressemblance (arbres
cladistiques) faute de preuve de
descendance ; en explorant des endémismes liés à l’insularité par exemple,
ou en s’attachant au gigantisme
reprenant le flambeau de l’expo sur le
Yeti de 2007…
Aucun point d’interrogation n’est
dissimulé : le tableau de l’évolution
humaine en regorge, et aucune cau-
salité ne cherche à s’établir. Si les
espèces évoluent globalement sur le
principe de la variation entre générations, nul n’est capable de dire
pourquoi et quand elle surgit…
Hasard en tant que variation génétique et nécessité dans la sélection
naturelle peuvent tenter d’expliquer
l’évolution des espèces ; mais à bien
regarder le tatou à 9 bandes, qui produit systématiquement des quadruplés
identiques, on se demande encore à
quelle nécessité il a bien pu obéir…
L’exposition de Quinson s’est inaugurée très officiellement le 5 février,
par un discours enthousiaste du
Président du Département. JeanLouis Bianco affirma les raisons de
cet hommage appuyé que le musée va
rendre pendant un an au naturaliste
anglais à travers diverses manifestations. Il a choisi d’honorer Darwin
parce que 40% des citoyens américains remettent en cause la théorie
évolutionniste pourtant désormais
parfaitement vérifiée ; parce que «nous
sommes en face d’une régression dramatique de la pensée, d’un refus de la
science» ; parce que les Américains,
qui imposent une loi divine, ne sont
pas «très différents de la théocratie
iranienne.»
Mais aussi parce que la sociobiologie
n’est pas l’œuvre de Darwin mais une
déviation de sa pensée, qui confond
sélection naturelle et loi du plus fort,
et se permet de justifier «le libéralisme intégral, la loi de la jungle, voire
l’eugénisme.» Enfin, il s’agit d’honorer
Darwin parce «qu’on peut aujourd’hui
penser que l’humanité est entrée dans
une autre phase de son évolution, on
peut penser que les instincts sociaux
aboutiront non plus à l’élimination
mais à la protection des moins aptes,
des voisins»… Darwin utopiste ?
A.F.
J.-M. Reymond, P. Tort, J. Gagnepain, J.-L. Bianco, S. Chaumont © Frédéric Exubis
AGNÈS FRESCHEL
Les sciences de l’évolution
De Darwin aux biotechnologies
du 6 fev au 15 dec
Musée de préhistoire des gorges
du verdon
Quinson (04)
04 92 74 09 59
www.museeprehistoire.com
Du muséum au théâtre
Même si les motivations de cette année de commémoration restent floues, elle a le mérite de solliciter
la gent «créative» autour d’un thème philosophique et scientifique. Les Zibelclaustros ne se
plaindront pas que les manifestations pullulent
pour évoquer notre Darwin Wood. Ainsi, la pièce
Quelque chose vous turlupine Monsieur Darwin ? de
Clara Bensoussan mise en scène par Caroline
Steinberg trouve une place de choix dans ce cadre.
D’une pédagogie très vivante et sympathique, on
sent tout de suite que cette production de
l’Association Esprit Toile de fond prend ses racines
dans un rapport direct à la curiosité enfantine. En
effet, ce texte est né à la suite d’ateliers que Clara
Besoussan anime pour les élèves de CM2 au
Muséum d’Histoire Naturelle de Marseille autour
du rapport de la science et du théâtre.
La mise en scène de cette comédie scientifique de
Caroline Steinberg est aussi mouvementée en son
début que la vie de Darwin. Le premier acte évoque
le voyage d’étude de cinq ans qu’il mena sur le
Beagle de 1831 à 1836. Le deuxième acte présente
la reconnaissance que son voyage lui apporta, puis
le rude combat contre l’obscurantisme conjoint à
celui contre la maladie. Lentement, avec le vieillissement et les doutes du chercheur déclinant, le
rythme dramatique ralentit et se colore d’une
pointe de nostalgie dubitative. L’expérience de
pédagogie théâtrale de Caroline Steinberg permet
une mise en écho du contenu textuel et de la
scénographie. D’une forme de commedia dell’arte
qui s’appuie sur une forte sollicitation du public, la
pièce tend vers un appel au questionnement
philosophique et religieux. Les acteurs assurent
sans faillir un jeu vif et nerveux.
Une pièce hilarante, émouvante et questionnante,
à prescrire sans réserve aux Zibelcurieux et autres
Zibulons de 7 à 107 ans.
YVES BERCHADSKY
Quelque chose… a été créé au Carpe Diem
(Marseille) du 6 au 7 fév et sera reprise
du 17 au 19 avril au Divadlo
(69 rue Sainte Cécile, Marseille 5e,
04 91 25 94 34), et le 29 mai au Hang’Art
(106 bis Bd. Françoise du Parc, Marseille 4e)).
70
HISTOIRE
SAINT-VICTOR
Qui est Saint-Victor?
Les martyrs qui peuplent les médias aujourd’hui
s’illustrent par la violence de la mort qu’ils
infligent aux autres autant qu’à eux-mêmes.
Mais dans l’antiquité, aux débuts du christianisme,
il en allait tout autrement !
Abbaye Saint-Victor © Robert Valette
Marseille possède son martyr, associé à une abbaye:
Victor ! Pour ce saint patron, la question est pourtant
épineuse car les historiens divergent sur l’interprétation des faits. Jean-Claude Moulinier a repris l’ensemble
du dossier textuel dans une étude magistrale. Le «récit
symbolique» est le manuscrit le plus ancien : il serait
de la fin du Ve siècle. Le texte est certainement tributaire d’une source antérieure inconnue, peut-être du
IVe siècle, et appartient à la littérature du martyre,
avec ses codes et ses contingences.
Les récits
Victor est un soldat romain qui, sous le règne de
Dioclétien, au début du IVe siècle, ne veut plus
toucher sa solde et se réclame chrétien. Arrêté, il est
remis au préfet Euticius qui lui ordonne -pour tester
sa fidélité à Rome- de sacrifier aux dieux. Victor
refuse. Traîné dans la ville, supplicié, il s’obstine. Pire,
il rabroue son juge. Intervient alors son supérieur
militaire qui se charge de lui infliger le châtiment
mérité. Victor est frappé avec des gourdins, suspendu
et de nouveau frappé avec des lanières de cuirs.
Enfermé, il reçoit ses frères chrétiens et les rassure:
sa souffrance est allégée par le Christ. Enfin, le 21
juillet de l’année 303 ou 304, Victor est une dernière
fois reconduit devant le préfet. On veut l’obliger à
sacrifier, il résiste. Il fait tomber l’autel des dieux qu’on
lui présente : on lui coupe le pied pour représailles.
Une dernière fois il dit «non». Alors, on le jette sous
la meule entraînée par un animal, et il rend l’âme.
C’est donc l’histoire d’un sacrifice et d’un refus : celui
de la religion impériale romaine qui fonde toute la
cohérence de la société. C’est aussi une affirmation,
celle d’une foi nouvelle venue d’orient.
Le panégyrique ancien, issu du milieu monacal, et
daté de la première moitié du VIe siècle, nous donne
d’autres précisions. S’il diverge parfois du précédent ce
n’est que sur les détails, même s’il semble reprendre
une autre tradition concernant le Martyr : Victor y est
pilote (une fonction usuelle dans un port) ; l’Empereur
Maximien, persécuteur notoire, serait intervenu
directement dans le châtiment. Surtout, il affirme que
Victor et ses compagnons, jetés à la mer, furent
repêchés et ensevelis dans des tombeaux dissimulés
sur la colline qui fait face à la ville. Pour la tradition
chrétienne, c’est donc sur l’emplacement de l’abbaye
fondée plus tard par Jean Cassien que se trouvent ces
sépultures.
Les fouilles
Mais le dossier a été aussi réexaminé du point de vue
archéologique. Lors de fouilles récentes, l’équipe de
Fixot et Pelletier a tenté de restituer la topographie de
la basilique dans ses premiers temps. D’anciennes
prospections avaient montré l’existence d’une nécropole antique sur les lieux, hors des limites urbaines,
à l’emplacement d’une ancienne carrière. La fouille a
mis en valeur la présence d’un édifice, peut-être
couvert. Il partait de ce qui est l’esplanade actuelle
devant l’abbaye, mais à un niveau plus bas que le sol
d’aujourd’hui, pour se prolonger vers le sud, dans
l’ancienne carrière. C’est l’actuelle chapelle St André à
l’intérieur des cryptes, qui marquait l’axe et l’entrée de
cette construction. Un mur percé de différentes ouvertures, un vestibule, une area, tout cela délimitait un
espace d’inhumation. La fonction cimetériale est donc
bien attestée.
Mais les tombeaux des martyrs n’avaient pas leur
place en ce lieu. La recherche au travers des textes
-pour comprendre ce qui a été mis à jour- a permis de
faire un constat très éloigné de ce que les traditions
hagiographiques avaient établi au sujet de la
localisation. Il n’y a aucun texte de contemporains
permettant d’identifier le martyre de Victor et de ses
compagnons à Marseille (le père Moulinier répondait
que l’évidence rendait la précision inutile).
D’autre part les sources comme Grégoire de Tours ou
Venace Fortunat signalent la présence d’un culte à
Victor mais ne l’identifient pas à l’actuelle abbaye. Les
tombes présentées comme celles de Victor et de ses
compagnons n’ont donc que peu de chance d’être les
bonnes ! Pire, l’affirmation que l’abbaye a été créée
par Jean Cassien (on sait qu’il édifia un monastère
pour les hommes et un pour les femmes) est elle aussi
en cause. En effet, il faut attendre l’abbé Isarn, le
grand rénovateur du monastère au XIe siècle, pour lire
que l’abbaye a été fondée par Saint-Victor.
On l’aura compris : les fouilles de l’édifice ne permettent pas de convenir, pour l’heure, de sa présence dans
les murs de l’abbaye !
RENÉ DIAZ
La Chapelle Saint Andre © Robert Valette
ÉCHANGE ET DIFFUSION DES SAVOIRS
© X-D.R.
HISTOIRE
Représentations
anxiogènes
de la violence
urbaine
Sa contribution, à l’hôtel du département le 5 février,
intervenant dans le cycle sur la violence, portait
sur le thème de la peur dans nos sociétés. Citant
Wittgenstein : «le langage a le pouvoir de rendre
tout semblable», elle constate que nous négligeons
d’analyser réellement les situations en nous laissant
submerger par nos impressions, et surtout en étant
dupes de notre langage.
Avons-nous raison d’avoir peur de la violence,
de l’immigration, des quartiers pauvres ?
Pour y répondre, Échange et Diffusion des Savoirs
avait invité Sophie Body-Gendrot
Les mots et les faits
En Europe la situation la plus anxiogène, pour les
médias, concerne les musulmans. Mais la France
s’en tire mieux que ses voisins : si en Angleterre
81 % des musulmans se disent d’abord musulmans
puis ensuite Anglais, en France ils se considèrent
autant Français que musulmans. Les difficultés de
l’intégration varient en fonction des contextes
généraux (économique, politique…), mais c’est
l’angoisse du déclassement vécue par les populations cohabitant avec eux qui est le principal
ressort de l’hostilité. Hostilité encore accentuée par
la recherche du sensationnel et de la caricature
(islam égale islamisme) des médias. L’État, lui,
néglige les nouveaux venus pour distribuer des
ressources aux populations déjà installées.
Dans les zones délaissées -les quartiers sensibles
de nos villes- la peur est identifiée à des lieux, à
des situations. Elle est donc différente de la peur
fantasmée, extensive, de la classe moyenne, ou des
personnes âgées qui réclament un surplus de
sécurité.
Premier responsable : le système médiatique qui
distille la peur. Il focalise sur les atteintes aux
biens et interprète les scènes de violence comme
de véritables menaces pour l’ordre social : on parle
de guérilla, d’émeutes... Il induit ainsi des représentations dramatiques et anxiogènes. Il confisque
aussi le débat : les discussions sur la violence n’ont
plus de place. Les causalités, les contextes disparaissent devant la statistique, l’identification des
délits et la description du dommage. Si la conférencière rappelle que la mauvaise réputation des
villes est un lieu commun de la littérature, elle
montre que la peur suscitée est un instrument de
domination, de construction de l’ordre social. Cette
peur, qui gît dans les mots et dans les représentations, doit cesser de nous abuser.
Présentant une évolution de la démographie
mondiale, Sophie Body-Gendrot fait le constat
d’une explosion des pays en voie de développement, d’une diminution du poids relatif de
l’Europe en même temps que son vieillissement.
Cette situation a des conséquences importantes
pour nos sociétés : le recours à l’immigration
semble inévitable. Pourtant, seulement 200 millions d’habitants, sur les 6, 5 milliards qui peuplent
la terre, ne sont pas nés dans le pays qu’ils habitent!
Prenant l’exemple de Miami, prise de panique face
à l’arrivée massive des boat people cubains en
1981, elle montre que, depuis, la ville a retrouvé
tout son équilibre et réussi à intégrer ces populations. En fait, au-delà des craintes, l’immigration
est une bonne affaire ! Apport culturel, économique, et, pour les populations migrantes, à terme,
une ascension sociale et une reconnaissance
politique.
71
L’intégration
Nécessité de l’action
Cependant, insiste Sophie Body-Gendrot, les
populations sont capables de réduire l’angoisse en
identifiant les peurs. C’est le cas après les attentats
(New York, Londres, Madrid…) : les populations ne
se laissent pas submerger ; au contraire, elles
redécouvrent la solidarité, l’entraide. Cet isolement
de l’angoisse, cette volonté de dépasser le contingent se retrouvent dans nombre d’expériences
urbaines. Après le constat d’une augmentation de
la violence, d’une dégradation des conditions de
l’existence à Mexico, elle raconte comment, dans
une ville aussi dangereuse et statistiquement
criminelle, des expériences ont prouvé que l’on
pouvait changer les choses. C’est le cas d’un
quartier très pauvre, faro del oriente, où la culture
(théâtre, expositions, concerts…) a permis de faire
vivre ensemble les populations et de voir diminuer
la violence.
Concluant son exposé, l’oratrice a insisté sur
l’importance des associations, sur le volontarisme
qui doit conduire les populations à ne pas désespérer. Des actions de régulation, la mobilisation de
personnes de la communauté susceptibles de
désamorcer les conflits ont la capacité de
transformer la vie des habitants.
Réussite du groupe
Alors que les médias et le personnel politique
construisent une société irréelle mais bien
commode pour y trouver leur place, Sophie BodyGendrot en appelle à la prise en main, à l’éclosion
de la conscience, à la réflexion, à l’identification
des dangers réels et au refoulement de la peur.
Dans tous les cas, on constate que seules les
sociétés humaines débarrassées de l’illusion de la
réussite individuelle au détriment du groupe, de
l’argent aux dépens de la vie en communauté,
peuvent se donner les moyens de se réguler. Et,
bien évidemment, les positionnements politiques
qui permettent de faire triompher des carrières ou
des intérêts particuliers ne peuvent être compatibles avec de telles expériences !
RENÉ DIAZ
72
PATRIMOINE
ABD GASTON DEFFERRE
Des Fleurs
et des
Hommes
© Anna Clopet
© Anna Clopet
Où partez-vous cet été ?
Nous avons un plan sympa,
nous allons vers Java…
oui, en Indonésie,
à 130 Kms environ au sud
de la grande île de Sumatra…
Les ABD Gaston Defferre nous en offrent une merveilleuse exposition, avec de splendides photographies
d’Anna Clopet, qui a su trouver le ton juste pour saisir
sur la pellicule les expressions, les gestes, évitant complètement l’écueil du voyeurisme. Les photographies,
immenses, constituent autant de cloisons entre lesquelles le visiteur déambule, retrouvant une structure
quasi forestière. Des commentaires riches et passionnants
éclairent avec intelligence les principes de cette société,
de son mode de vie. Les objets, que vous devez absolument découvrir, (pagaies, boites étranges, matériel à
poison !!!) proviennent tous de la collection privée de
Franck Noell.
Siberut… non, pas Soubirou ! Même s’il y a quelque chose
qui tient de l’apparition là dedans ! C’est la plus vaste des
îles tremblantes. Oui oui, tremblantes ! Sans être volcaniques, ces îles se situent au bord de failles majeures,
c’est par là que la plaque de l’Océan Indien passe sous
celle de la Sonde. La tectonique frappe ici aussi !
Quel intérêt à la surface ? Des populations incroyables
vivent toujours dans la forêt tropicale, en harmonie,
presque en symbiose ! Et par choix !!! Ils connaissent
notre monde, s’y rendent parfois, mais retournent chez
eux, avec les plantes, les moustiques, le sagou,(un
palmier dont ils font une farine, leur aliment de base), le
taro, une espèce de pomme de terre…
La culture d’ailleurs n’abîme pas la nature, pas d’OGM ou
d’hormones ! Ils minimisent le plus possible l’intervention
sur le monde, les sagouteraies (comme des bananeraies
mais pour le sagou !…), se développent toutes seules et
la végétation coupée est laissée sur le sol, se décompose,
fertilise… Ils chassent avec des arcs, des flèches, pêchent,
construisent des pièges, cueillent, élèvent des cochons…
Comme des hommes du néolithique ? Non ! Ils n’ont
jamais eu la pierre et ont toujours vécu en harmonie avec
la forêt…
La pensée du respect de l’environnement n’est pas chez
les Hommes-Fleurs le résultat d’une démarche tardive,
induite par la nécessité des faits qui s’accumulent, dramatiques, mais elle émane de la conception religieuse et
mystique des Mentavaï. L’homme, selon eux, participe du
grand tout ; pas de supériorité dans la relation entre les
êtres, humains, animaux, végétaux. Les âmes les habitent tous. L’équilibre et l’harmonie doivent être cultivés
pour ne pas rompre cet accord entre l’homme et la nature. Le Chamane, ou Kerei, est chargé de maintenir cet
équilibre, permettant à l’âme de rester dans les corps.
C’est dans la sphère des âmes que se nouent et se dénouent les enjeux liés à l’harmonie cosmique. D’où ces
interventions modérées sur l’environnement, pour éviter
de perturber les équilibres du monde. C’est pourquoi les
forêts de l’île connaissent un état de conservation si
exceptionnel !
C’est la faute à Rousseau !
Des jouets pour les âmes ?
On ne serait pas dans une résurgence du mythe du bon
sauvage ? C’est un peu gros ! Et pourtant… Cadre sublime,
lumière verte dans laquelle baignent les arbres, végétation luxuriante, beauté d’une nature sans apprêts… et
au milieu, confondus avec les arbres dont ils portent
l’écorce en sacs, les feuilles en pagne, les hommes-fleurs.
Étranges mœurs qui entraînent la fabrication de jouets
pour les âmes : de petites barques, que l’on suspend au
plafond de maisons ! Dans ce monde habité par le surnaturel, les morts sont représentés par des mains et
des pieds de bois que l’on accroche dans les arbres : la
végétation qui grimpe le long des troncs les «digère»,
Animisme écologique ?
symbolisant le cycle de la vie et de la mort.
Mais attention, les Hommes-Fleurs ne sont pas un peuple
fossile, ni Siberut un paradis pour anthropologues, qui
les étudient depuis les années 1970. Une autre démarche
menée par des chercheurs de l’IRD (l’Institut pour la
Recherche et le développement) développe des projets
scientifiques centrés sur la relation entre l’homme et son
environnement dans la zone intertropicale. Un archéologue et une géographe se sont attelés à la délicate
recherche des origines, de l’histoire de ce peuple, et à
dresser un état des lieux, à décrire cette «tradition en
transition».
Quelle évolution ?
Difficile d’envisager la confrontation de ces populations
avec le monde contemporain, les tentatives politiques
d’évangélisation ou d’islamisation, les vues sur les capacités économiques de la forêt, la tentation d’enfermer
dans une réserve ethnographique des personnes qui
vivent différemment. Comment concilier modernité et
tradition ? Quelle légitimité sociale, politique, philosophique accorder à tel ou tel choix ? L’exposition laisse la
question ouverte.
Les photographies soulignent discrètement l’évolution,
une montre au poignet de personnages en tenue traditionnelle, des objets issus de matériaux comme le métal
ou le plastique, ou plus simplement ce chapeau confectionné par la dernière femme capable de le faire ! La
richesse de l’exposition tient dans ces détails, autant que
dans l’évocation documentaire de l’organisation sociale
des Mentavaï, de la «Uma», de leurs rites…. Dans la réflexion sur l’environnement… et dans l’indéniable beauté
de l’ensemble !
MARYVONNE COLOMBANI
Des âmes en équilibre
Les hommes-fleurs au défi du XXIe siècle
Visites guidées gratuites sur réservation
au 04 91 08 61 00
Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône
Gaston Defferre
Jusqu’au 28 mars
04 91 08 61 00
www.biblio13.fr
PICASSO
ÉDUCATION
73
Maquette Dodeskaden © Succession Picasso 2009
Comprendre Picasso
Après avoir acheté le château
de Vauvenargues Picasso aimait
à dire : «J’habite chez Cézanne !».
Avec Picasso.Métamorphoses.,
le Musée Granet offre aux
enfants l’impression d’entrer
chez lui. Dans son œuvre…
Les visites du Parcours multimédia Picasso.Métamorphoses. pour les scolaires (voir Zib 15) ont démarré
au Musée Granet : 400 m2 de découvertes et d’expériences sensorielles ! Zibeline en a profité pour se
glisser parmi les élèves d’une classe de CE2 d’Aixen-Provence.
La pomme ou les pépins ?
Alexandra, médiatrice culturelle, s’assure en préambule que chaque enfant sait bien ce que veut dire
«métamorphose», et explique que chaque salle
présente un aspect particulier de la démarche de
Picasso. On se dirige ensuite vers la salle 2 qui met
en parallèle Cézanne et Picasso, montrant comment
le maître a mis en évidence les formes géométriques par des touches et comment l’adepte a
accentué cet effet jusqu’au cubisme. La notion de
point de vue est abordée ensuite d’une manière
pratique par la découverte d’une nature morte, fruits
et compotier en plâtre, éclairée alternativement de
spots situés tout autour. Les enfants comprennent
bien que Picasso a cherché à montrer en même
temps tous les côtés, donnant l’effet de reflets
dans un miroir brisé. Si l’on laisse traîner ses oreilles
du côté des haut-parleurs, on entend le poème de
Prévert Promenade de Picasso, et l’on sait que le
peintre a mangé la pomme et cassé l’assiette ! Au
diable la représentation de la réalité, épuisons le réel!
On observe ensuite attentivement les différents
dessins d’un taureau qui décomposent peu à peu son
image et mettent en évidence l’essentiel des lignes
jusqu’à l’épure. Cela introduit au Passage des Métamorphoses qui se présente comme un couloir avec
un long écran blanc. Quand on est devant et qu’on
bouge, des caméras enregistrent le mouvement et
restituent sur l’écran des lignes et des courbes qui
sont les «métamorphoses» du corps de chacun :
chaque enfant passe et s’amuse des mutations, des
traces. Ils aiment !
Femme-fleur et portraits
Le couloir débouche sur une petite salle sombre ; au
fond une image s’anime : Picasso en personne apparaît en transparence un pinceau à la main. Il se tient
derrière une vitre et commence à tracer des traits
blancs qui forment comme une grande tulipe. La
suite révèle qu’il s’agit du pubis d’une femme dont le
corps se dessine peu à peu tout autour ! La preuve
est faite : tout le monde ne commence pas par la tête
le dessin d’un corps ! Le film a été réalisé en 1949 par
Paul Haesaerts, est le premier qui porte sur Picasso
un regard de critique d’art ; analyse des gestes qui
captive les enfants.
On pénètre ensuite dans la salle des portraits : 7
femmes assises et 10 autoportraits. Chacun est
caractéristique d’une étape du travail de Picasso, de
l’évolution de son regard et de son style ; chaque
inspiratrice se reconnaît au style utilisé pour la
peindre.
Une autre salle présente 4 tableaux des Maîtres que
Picasso s’est plu à copier et les réalisations de l’artiste. Les visiteurs peuvent passer de l’œuvre copiée à
la copie en appuyant sur un bouton : Le déjeuner sur
l’herbe de Manet (1863), Femmes d’Alger de
Delacroix (1834), L’enlèvement des Sabines de David
(1799), Les Ménines de Velasquez (1656) ; on peut
constater ce que Picasso a supprimé ou privilégié,
comment il a transposé, transformé, métamorphosé!
Des «Carrières de Bibémus» de Cézanne aux «Trois femmes» de Picasso (ensembles et détails). Maquette Dodeskaden
Travaux pratiques
La visite se termine par la première salle, celle de la
«forêt» de 92 tiges suspendues, représentant les
années de la vie de Picasso. Chacune porte des
plaquettes avec le nom des tableaux réalisés cette
année-là. Quand on passe délicatement la main
dessus, le tableau désigné s’allume sur le mur en
face! Si bien qu’au bout d’un moment les 4 murs sont
couverts des peintures de Picasso et on se retrouve
dans un bain d’images et de sensations ! Magique !
Les enfants font apparaître et disparaître les images
avec un plaisir évident.
À l’issue du parcours Alexandra distribue une feuille
à chacun : ils doivent relier des dates, des noms, des
peintures par des flèches. Cela permet de retenir les
noms de tableaux importants comme Guernica ou
les Demoiselles d’Avignon, les dates de certains autoportraits caractéristiques de styles très différents. Ils
repartent avec l’envie de peindre, de partager leurs
découvertes et surtout le projet d’aller visiter le
Château de Vauvenargues : l’entreprise pédagogique
est accomplie !
CHRIS BOURGUE
Vacances d’hiver au musée !
Visites et ateliers autour du travail de Picasso :
le geste pictural, les aspects du cubisme,
la quête des formes
4 demi-journées en bloc ou au choix sur réservation
(5 euros la demi-journée)
du 24 au 27 février pour les 5-8 ans
du 3 au 6 mars pour les 9-12 ans
mais aussi ateliers du mercredi et samedi
en période scolaire
04 42 91 99 12
www.mairie-aixenprovence.fr
Picasso.Métamorphoses
Parcours multimédia
Jusqu’au 15 déc 2009
Musée Granet
04 42 52 88 32
www.picasso-aix2009.fr
IME DE VERT-PRÉ | LA FABRIK
EDUCATION
75
S’épanouir à l’art
Une façade colorée dans une petite rue tranquille du quartier Sainte
Marguerite, à Marseille, intrigue depuis peu les passants. Elle abrite
un lieu consacré à des enfants particuliers
© La Fabrik
Au n°55 du Bd Aguillon dans le 9e on peut voir des
couleurs, des dessins et des sculptures dans une vitrine.
Une porte vitrée ouvre sur une grande salle occupée
d’un grand tapis et de coussins. Aux murs, des dessins.
Au fond, des tables couvertes d’objets hétéroclites, du
matériel de peinture, de la terre... et un grand rideau qui
cache une petite scène parquetée. Des enfants
s’approchent et vous sourient. Mais qu’est-ce qu’on
fabrique ici ?
Et bien justement, on fabrique ; on peint, on construit
des marionnettes, on joue des percussions, on chante,
on se maquille, on se déguise : on joue, on vit ! On
efface, on recommence, on essaie, on se trompe, on
refait ! C’est un lieu nouveau, ouvert en septembre,
destiné aux enfants et aux adolescents de l’Institut
Médico-Éducatif (IME) de Vert-Pré. Ça s’appelle La
Fabrik.
Les enfants en internat ayant besoin d’occupations
ludiques, les éducateurs proposaient des activités
artistiques le mercredi après-midi et le week-end. Peu à
peu l’idée a germé d’avoir un lieu autonome qui
permettrait à tous de s’essayer à différentes formes
d’expression... Il y a deux ans un grand local, à 5
minutes à pieds de l’Institut, était à la location et le rêve
est devenu réalité.
Un tel espace se mérite et se construit en commun,
c’est en tous cas l’avis de Katia Jeudy, initiatrice et chef
du projet. Ainsi des équipes d’enfants et d’éducateurs
se sont constituées : dessins et plans, chantier,
récupération et rénovation de mobilier... Deux ans de
travaux. Inauguré en septembre. En plus des ateliers du
rez-de-chaussée, un appartement à l’étage peut servir
de résidence à des artistes. En échange ceux-ci animent
des ateliers avec les jeunes et donnent un spectacle à
la fin de leur résidence.
La liberté, une marque de Fabrik !
Peu à peu les projets se sont précisés. Depuis le mois
de septembre, des stages de découverte d’une semaine
sont organisés et adaptés pour les 13 groupes. À la fin,
chaque enfant repart avec un livret, journal de bord, qui
sera
Histoire d’un rêve
Depuis 1955 l’IME accueille des enfants et adolescents
handicapés, déficients intellectuels avec ou sans trouble
associé, suite à la création de l’Association
Départementale pour la Sauvegarde de l’Enfance de
l’Adolescence et des Adultes (ADSEA) en 1951. Il s’agit
de leur assurer la plus grande autonomie possible et un
épanouissement personnel grâce à un système éducatif
adapté ; d’autant plus que des enfants psychotiques et
autistes auparavant accueillis en hôpital de jour sont
maintenant à l’IME, faute de places dans les hôpitaux.
©La Fabrik
complété au fur et à mesure des autres activités.
Des partenariats se sont créés. Des ateliers de
percussion avec l’atelier Batucassa, de danse
africaine, de théâtre pour apprendre à s’écouter et
travailler en groupes. Un projet de comédie musicale
concerne 10 jeunes et un partenariat a été signé avec
les classes de Carrières Sanitaires et Sociales du lycée
professionnel Brochier. Mais sont aussi en cours des
ateliers d’écriture, d’enregistrement de musique...
Les projets ? Le Carnaval de Marseille en mars, la Fête
de la Musique en Arles en juin, la Fête du Plateau, au
Panier, en septembre… L’IME est en pleine
effervescence !
CHRIS BOURGUE
Art et handicap
Katia Jeudy responsable
du programme d’animation
de La Fabrik, parle de son
engagement auprès
de ces enfants.
Comment en êtes-vous venue à proposer ces activités
artistiques à ces enfants ?
Je suis éducatrice spécialisée et j’ai commencé dans la
rue, dans le 93 ! Mon travail actuel est le fruit d’une
longue maturation. Face aux phénomènes d’exclusion et
de peur de la différence, il m’a semblé évident que
l’expression artistique pouvait permettre qu’un autre
regard se pose sur les handicapés. Un regard qui les
libère.
Et comment La Fabrik, projet qui pouvait paraître un peu
fou au départ, est-elle née ?
C’est la rencontre de plusieurs motivations, de plusieurs
convictions, qui a permis la réalisation de ce projet.
Notre directeur, Michel Agius, Lucie Tassonne,
responsable des ateliers d’arts plastiques et Rubben
Bakker, qui s’est occupé de l’intendance, du chantier
éducatif. Toute seule, sans cet engagement commun,
je n’aurais rien pu faire !
La Fabrik
04 91 75 92 50
76
EDUCATION
LES ZIBULONS
Le 21 janvier, au Théâtre du Gymnase, les élèves
de l’option DP3 du Collège Thiers, dans le cadre
de leur projet sur les métiers du spectacle, ont assisté
à la représentation de la comédie du bord de mer
de Serge Valletti, Le Jour se Lève, Léopold !,
mis en scène par Michel Didym
Comédie du bord
de mer
Les élèves ont surtout apprécié le langage et la gestuelle des comédiens,
même s’ils ont eu quelques difficultés
à entrer dans l’histoire. En effet les personnages, des adultes, semblent avoir
des comportements infantiles et irrationnels. Ce n’est pas facile pour des
collégiens de se laisser porter par cette
pièce, mais ils ont aimé l’ambiance
créée par le décor, les éclairages et les
effets sonores.
Pour certains, les points forts ont été
les moments où Lemarhi parlait avec
Flippo, le chien imaginaire, pour d’autres,
la représentation du numéro de Nelly
et de l’ingénieur, pour l’ensemble, la dernière scène, au lever du jour, où tous
les personnages sont rassemblés pour
la mort de Mérédick qui «veut que le
bruit de la jetée l’entoure».
Le lendemain, les élèves ont eu la
chance de rencontrer deux des comédiens, Quentin Baillot et Alain
Fromager, ainsi qu’un musicien,
Mathias Lévy, qui leur ont parlé de
leur parcours professionnel, de leur
rencontre, il y a plusieurs années, avec
Michel Didym, au festival La Mousson
d’été, à Pont-à-Mousson. Ils ont répété
durant deux mois ensemble, chacun
avait sa méthode pour apprendre son
texte, le personnage se construisant au
fil des répétitions.
Puis, grâce à Marie-Julie, chargée des
relations publiques, ils ont aussi découvert les coulisses de ce théâtre à
l’Italienne, son histoire, tous les métiers
et les salles de travail. Une visite passionnante qui a ouvert les portes d’un
monde que certains ne connaissaient
pas du tout !
ELODIE FARRÉ, OLIVIER GUIBERT,
MANON SIMEONE ET JULIEN SCHÄFERS
EN TROISIÈME AU COLLÈGE THIERS,
MARSEILLE
Et les élèves de Première STL du Lycée Marie Curie,
présents quelques jours plus tôt, ont relevé
quelques paradoxes…
La pièce comporte une énigme : le titre
Le jour se lève Léopold ! surprend,
Meredick étant le personnage
principal. YANNICK RAIMOND
Le langage est actuel et très familier,
les étagères servent d’échelle pour grimper à la fenêtre, Suzy se dénude sans
tabou… MILLERA FERRIZ
Ils parlent comme nous ou presque !
STEFFY RICOU
Les airs de manouche servent à la fluidité du rendu. MARVIN AMADY
Nous avons beaucoup ri, bien que ce
soit une tragédie ! MARION GERAY
Quelle solitude ! Monsieur Calberson
va à la buvette pendant sa nuit de noces au lieu de la passer avec sa
femme. YOANN BOIRGES
Le mélange des tonalités dans cette
pièce donne un côté détendu, et tout
semble constitué de petites histoires
racontées au fil… JEREMY ALLOUCHE
La musique servait de décor, le violon
pour le tragique et la guitare le reste du
temps. FLORIAN SAUVECANNE
Le Jour se leve Leopold ! © Agnes Mellon
Emma Garbeur, 1ere L2, Lycées Vauvenargues de l’option Histoire des Arts du Lycée
Vauvenargues, Aix, rend compte du spectacle de Wayne Mac Gregor,
qui a eu lieu au Pavillon Noir
Technologie sensorielle
C’est la notion de «corps technologique» que Wayne McGregor met le
plus en avant dans son dernier ballet
ENTITY. En effet, cette recherche permanente des limites du corps offre une
vision virtuelle de ces danseurs virtuoses!
Mélangeant plusieurs styles, d’une musique classique de Joby Talbot aux sons
électros envoûtants de Jon Hopkins,
Wayne McGregor emporte par ses
chorégraphies poignantes son public
pour l’emmener au sommet de la modernité et du renouveau dans la danse
contemporaine.
Ces dix danseurs ensorcelés nous donnent cette sensation de naturel et de
simplicité tout en étant dans une étonnante complexité, en réelle fusion et
en contraste permanent à la fois !
Des moments de pur bonheur où l’on
se sent décoller, notamment lors de
ces duos d’hommes, autre signe de
modernité, dont émane une sensualité
troublante…
Une transe sensorielle, au-delà de
toute réalité mais tellement vraie !…
Entity © X-D.R
77
Une étudiante nous parle d’Une île, un spectacle de la Cie L’Entreprise,
représenté à La Friche Belle de Mai
Un voyage plein de poésie
Partons à la découverte d’une île et de son histoire.
À travers des personnages masqués plus surprenants
les uns que les autres, on découvre les habitants, ou
plutôt les fantômes, de cette île que tout semble avoir
abandonné. Les personnages sont envoûtants et
évoquent, entre émotion et rire, leurs souvenirs, leur
passé, leurs désirs, leurs rêves et leurs désillusions.
Une histoire qui parle de la vie, de la mort et de cette
limite si étroite entre les deux. Et une belle
performance pour les quatre acteurs qui jouent une
douzaine de rôles différents. Les masques les
rendent méconnaissables et leur permettent
d’endosser les multiples personnages avec d’autant
plus de liberté. Les costumes et décors, simples mais
très évocateurs, transportent dans un univers
intrigant et magique où évoluent des morts bien plus
vivants que les vivants eux-mêmes!
Les étudiants de BTS Expression
Visuelle du Lycée Marie Curie sont
allés visiter l’exposition de Pierre
Malphettes (voir Zib 15) au Frac
à Marseille. Leur projet ? Produire
un travail plastique à partir
de ces œuvres… nous en suivrons
le cheminement, mais voici dès lors
leurs réactions et analyses
Les étudiants lors de l'exposition Sculptures terrestres
et atmospheriques de Pierre Malphettes © Dominique Castell
ALICE MORA, EN 2E ANNÉE DE BTS EXPRESSION VISUELLE AU
LYCÉE MARIE CURIE À MARSEILLE
Une ile © Christophe Raynaud de Lage
Une classe de 2nde STL du Lycée Marie Curie de Marseille a assisté à Nous ne
nous étions jamais rencontrés, à la Cité Maison de Théâtre
Melting Potes
Issus de quartiers et de cultures différents, 5 adolescents marseillais du XXIe siècle apprennent à se connaître
à travers 5 acteurs adultes qui rapportent leurs paroles, leurs attitudes, leur façon de penser. Plus de deux ans
de travail pour aboutir à une amitié entre ces jeunes et les acteurs qui les incarnent sur scène, car, sans ce
projet au long cours, c’est sûr, ils ne se seraient jamais rencontrés ! MAXIME
Quelles rencontres !
Le décor est simple, composé de cubes blancs modulables, qui se transforment en murs de cités, en bancs,
en skates et même en piste de danse… et forment l’espace de contact des 5 personnages, leurs voies de
rencontre. Ceux-ci sont a priori très marqués dans des habitudes et des clichés : le jeune des cités, la fille pour
qui «tout va bien», l’homo refoulé, la baba cool et la fille renfermée. Pourtant, petit à petit, on a pu se retrouver
en chacun d’eux ; on a ainsi pris conscience des différences et des difficultés de la vie dans certains quartiers.
JEAN-CLAUDE, LAURA C., LAURA V. ET CHARLOTTE
Sois moi, je serai toi
Toutes les sculptures se rapportent à la nature, nuage,
brouillard, vent, mais aussi au Japon, comme des haïkus
de sculptures. L.M.
Œuvres ajourées, formes courbes et aléatoires, même
la poutre devient légère, aérienne, dentelle… Les flaques de métal, incrustées de pierres, surprennent,
paradoxales, avec cette opposition entre le matériau
et l’élément représenté, l’eau… La dimension atmosphérique de la perception que nous avons des œuvres,
cette légèreté, cette sérénité est-elle en phase avec
la nature ? Si c’est le cas, pourquoi des matériaux industriels pour la représenter ? E.B.
J’ai d’abord été déçue par la petite taille de l’expo, 8
œuvres, mais à y regarder de plus près j’ai compris la
volonté de l’artiste... A.D.
Une exposition faible en œuvre mais riche en sens. A.C.
L’ambiance est froide, chirurgicale, le discours de l’artiste est plus long que la visite. Pourtant… On perçoit
la circulation de l’air, et les fortes oppositions entre
l’aspect rigide des matériaux et l’agencement aérien
des sculptures… grâce à l’accueil et aux explications
chaleureuses de notre guide Mélanie ! M.OZ
Seule couleur ? Celle des matériaux industriels. S.J.
Mise en scène en accord avec la thématique de l’expo:
les couleurs dominantes gris-blanc, l’emplacement
qui permet la circulation de l’air entre les œuvres…
Les acteurs ont travaillé avec «leurs» jeunes, de façon à ce que leur prestation les reflète fidèlement, même si
par exemple un acteur homme joue une jeune fille ou si un adulte blanc incarne un jeune comorien malgache.
Chaque spectateur peut aussi se reconnaître dans ces jeunes. Une belle expérience, qui parle de tolérance
et d’intégration. Un spectacle de théâtre agréable, rythmé par la musique et les extraits vidéo, et un échange
d’émotions entre hommes, quels que soient leur âge, leur allure, leur classe sociale et leur culture. DJEMA,
A.P.
DAYLIA, NELYA ET JOHANNA
C.C.
Nous ne nous etions jamais rencontre © X-D.R
D’abord on perçoit une froideur, un manque de poésie
dans ce nuage de verre découpé brutalement, géométriquement… Puis le paradoxe créé par l’artiste apparaît,
et on commence à comprendre sa démarche créative…
La figure dominante ? L’oxymore : la régularité des tas,
les nuages attachés au sol, la nature froide, l’industrie
légère… À nous maintenant de jouer avec les mots,
les paradoxes, rendre l’eau tangible, de retranscrire
les immeubles d’en face comme un paysage ouvert.
M.OK
Il ne reste plus qu’à faire une œuvre terrestre ou atmosphérique, en mélangeant le naturel et l’industriel. J.V.
Pour parvenir à naturaliser l’industrie, à la rendre
admirable. C.B.
Matériaux ? Inox, verre et métal, plastique, vent de
ventilateur, eau figée, brouillard dessiné… L.D.
Et transformer l’acier en élément fragile et léger. L.P.
78
EDUCATION
LA LOI LRU
Ubu et la Scélérate LRU
Lundi 2 février 2009. Répondant
à l’appel de la coordination nationale des universités en lutte,
le «comité de mobilisation» de la
faculté de St Jérôme établit à
7h30 un barrage filtrant à l’entrée
du site…
La décision a été prise en Assemblée Générale la
semaine précédente. Déjà, les personnels de 46
universités françaises regroupés en coordination
avaient lancé le mot d’ordre de grève illimitée à
compter du lundi 2 pour le retrait immédiat de la LRU.
Une saveur de mai en janvier, une odeur de jamais vu
à Saint-Jérôme. La LRU ! Loi relative aux «Libertés et
Responsabilités des Universités». Té, té, té, la rime
est aussi pauvre que le projet déjà combattu fin 2007
par quelques étudiants aussi lucides que seuls dans
la lutte (même si Zibeline déjà sonnait l’alarme). À l’époque, les universitaires et chercheurs n’avaient pas cru
bon de soutenir la jeunesse dans son combat…
Pourtant la loi était la même. Elle menaçait tout
autant cette indépendance et cette liberté de recherche et d’enseignement supérieur que son titre
prétend étendre et «responsabiliser». Il y a un an cette
loi revendiquait déjà de faire de l’université française
une «libre entreprise» de vente du savoir. Déjà des présidents d’université, aux pouvoirs renforcés, devaient
vassaliser l’éducation aux impératifs locaux du marché
du travail. Déjà l’université devait devenir un creuset
de «formateurs» aux emplois précaires, modulables
et corvéables à merci. Déjà la disparition des petites
universités «de province» était programmée, ainsi que
l’augmentation colossale des droits d’inscription aux
diplômes «rentables». Déjà quelques pôles d’excellence avaient été triés pour y concentrer des thèmes
«très choisis» et surtout très fructueux de recherche.
Douze sites, pas un de plus, dénommés «plan campus»,
élus parmi les élus, seuls qualifiés encore à recevoir
quelques subsides pour restaurer un patrimoine
immobilier en ruine (avez-vous visité les facs où vous
envoyez vos enfants ?) qui pourrait abriter encore un
semblant de recherche et concentrer les incubateurs
de matière grise.
Coupe pleine
Alors pourquoi cet embrasement soudain ? Le 22
janvier, le Président de la République partait dans une
diatribe fracassante dont il a le secret contre la
recherche et l’enseignement supérieur français.
Comme un Père Ubu il déclarait la guerre ouverte au
CNRS, par sa chandelle verte ! cette vieille institution
devait disparaître ! Née de la dernière pluie au nom
de la dernière guerre ! La recherche française malgré
ses récents prix Nobel devait se soumettre à son bâton
de phynance. Merdre, merdre, merdre, vitupérait le
pathétique !
Et puis le reste… Les milliards en cadeaux aux
banques alors que l’on refuse à l’éducation nationale
© Y.B
le plan de relance qui endiguerait l’hémorragie d’étudiants qui pénalise l’économie depuis bientôt dix ans.
Les cadeaux fiscaux somptuaires aux grands possédants de l’industrie spéculative alors que l’activité des
laboratoires publics de recherche des EPST
[Etablissement Publics de Sciences et Techniques]
sont asphyxiés financièrement et menacés de disparition. Le 29 janvier, 300000 provençaux dans les rues
chantent une nouvelle marseillaise, celle de la protestation contre le bâton à phynance. Père Ubu est
sourd. Père Ubu est ivre, puissant par la crise, riche
de la pauvreté. Des millions de français agitent leur
colère. Père Ubu est aveugle et les forces de son
ordre ne savent pas compter.
© Y.B
Agir
Lundi 2 février 2009, 13h30, amphithéâtre Pasteur,
Faculté des Sciences de Saint-Jérôme, 450
personnes se pressent. Du jamais vu ! Même la fac
de droit est en grève reconductible. Imaginez ! Un
enseignant juriste intervient. Il rappelle que c’est en
1950 que le droit de grève a été reconnu légal à
l’université… 59 ans pour que le droit exerce son
droit, historique, non ? Alors, pourquoi ? Plusieurs le
clament, la liberté d’enseignement et de recherche
est menacée. Comme aux pires périodes de notre
pays, la liberté d’expression et de création est remise
en cause. Ce qu’aucune force politique n’avait tenté
de faire, Père Ubu le fait. La grève est reconduite. De
nouveaux modes d’action sont recherchés.
Les amphis sont au travail, dans la résistance
affichée, malgré les menacesi.
YVES BERCHADSKY
1
Rappelons pour mémoire à tous les enseignants
qui pensaient être encore libres d’énoncer leurs
opinions hors de leur classe, cet appel d’offre de
202000 euros (100000 euros pour le secondaire,
102000 euros pour les universités) lancé par le
ministère de l’Éducation Nationale en octobre
2008.
«Les présents marchés portent sur la veille de
l’opinion dans les domaines de l’éducation, de
l’enseignement supérieur et de la recherche. [...]
Le dispositif de veille vise [...] à repérer les leaders
d’opinion, les lanceurs d’alerte, et analyser leur
potentiel d’influence et leur capacité à se
constituer en réseau […]. Les vidéos, pétitions en
ligne, appels à démission, doivent être suivis avec
une attention particulière et signalées en temps
réel.»
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième jeudi du mois
Edité à 25 000 exemplaires
Edité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse | n°11
13009 Marseille
Dépôt légal : janvier 2008
Directrice de publication
Agnès Freschel
Imprimé par Rotimpress
17181 Aiguaviva (Esp.)
Cinéma
Annie Gava
[email protected]
06 86 94 70 44
photo couverture
© Agnès Mellon
Conception maquette
Max Minniti
Histoire et patrimoine
René Diaz
[email protected]
Rédactrice en chef
Agnès Freschel
[email protected]
06 09 08 30 34
Secrétaire de rédaction
Dominique Marçon
[email protected]
06 23 00 65 42
Éducation
Chris Bourgue
[email protected]
06 03 58 65 96
Philosophie
Régis Vlachos
[email protected]
Sciences et techniques
Yves Berchadsky
[email protected]
Économie
Stéphane Menia
[email protected]
Polyvolantes
Maryvonne Colombani
[email protected]
Marie Godfrin-Guidicelli
[email protected]
Maquettiste
Philippe Perotti
[email protected]
06 19 62 03 61
Arts Visuels
Claude Lorin
[email protected]
06 25 54 42 22
Responsable commerciale
Véronique Linais
[email protected]
06 63 70 64 18
Livres
Fred Robert
[email protected]
06 82 84 88 94
Ont également participé à ce numéro :
Susan Bel, Marie-Jo Dhô, Sylvia Gourion, Dan
Warzy, Pierre-Alain Hoyet, Christine Rey, XRay, Sonia Isoletta, Delphine Michelangeli,
Jordan Saïsset
Musique et disques
Jacques Freschel
[email protected]
06 20 42 40 57
Musiques et disques
Frédéric Isoletta
[email protected]
06 03 99 40 07
Photographe : Agnès Mellon
LA REGIE
Jean-Michel Florand
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(Sabine Tamisier)
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Le Toursky
4 invitations par soir
pour le cycle cinéma du XIVe
Festival Russe
Le Jeu russe de Pavel Tchoukhraï
le 10 mars à 20h30
Le Mariage de Vitali Melnikov
le 11 mars à 20h30
Les Oiseaux du paradis de
Roman Balayan
le 12 mars à 20h30
Un nid de gentilshommes de
Andreï Kontchalovski
le 13 mars à 20h30
VIY de Konstantin Erchov
Le 14 mars à 20h30
4 invitations
pour Le Journal d’un fou
de Gogol
le 22 mars à 15h
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Théâtre du Gymnase
10 invitations par soir
pour Otto Witte par la cie du
Centaure
mes de Michel Didym
le 20 fév à 20h30
le 21 fév à 20h30
résa par mail à
[email protected]
Le Gyptis
14 invitations
pour Gloria d’après Sunset
Boulevard
mes de Jacques Hansen
le 10 mars à 20h30
6 invitations pour toutes les
représentations suivantes
le 11 mars à 19h15
le 14 mars à 20h30
le 17 mars à 20h30
le 18 mars à 19h15
et pour tous les spectacles de la
saison
tarif réduit
à toutes les représentations
04 91 11 00 91
Montévidéo
3 invitations par soir
pour Vice-Versa de Will Self
le 17 fév à 20h30
le 18 fév à 20h30
le 23 fév à 20h30
le 24 fév à 20h30
le 25 fév à 20h30
Le Ballet National de
Marseille
8 invitations par soir
pour Ouvertures #12
Cartes blanches aux stagiaires
de DANCE
le 27 fév à 20h30
le 28 fév à 20h30
résa par mail à
[email protected]
Théâtre de Lenche
Tarif réduit
pour toutes les représentations
04 91 91 52 22
Les Bancs Publics
1 place offerte pour 1 place
achetée
pour tous les spectacles
04 91 64 60 00
Théâtre Vitez (Aix)
2 invitations par soir
pour Personne ne voit la vidéo
mes de Nanouk Broche
le 3 mars à 20h30
le 4 mars à 19h
le 5 mars à 19h
le 6 mars à 20h30
le 7 mars à 20h30
2 invitations par soir
pour Main dans la main
de Sofia Fredén
le 17 mars à 20h30
le 18 mars à 20h30
au-delà de ce quota
d’invitations,
tarif à 8 € pour tous ces
spectacles
04 42 59 94 37
Pavillon Noir (Aix)
4 invitations
pour Ulysse
de Josette Baïz
le 1er mars à 17h
04 42 93 48 00
3bisf (Aix)
Entrées et visites gratuites sur
réservations
04 42 16 17 75
Les Salins (Martigues)
10 invitations
pour le concert de Yom
le 17 mars à 20h30
réservation indispensable avant
le 6 mars
04 42 49 02 00
Festival Les Élancées
(Ouest Provence)
4 invitations
pour Correspondances
par la cie Georges Momboye
le 21 fév à 18h30 à l’Espace G.
Philippe (Port-St-Louis)
Réservations au théâtre de
l’Olivier, 04 42 56 48 48
OMC Simiane
4 invitations
pour Âmes à grammes, le bal
perdu
le 21 mars à 20h30
04 42 22 81 51
Le Festival Provence Terre de
Cinéma
vous offre
10 invitations
pour la soirée d’ouverture
le 26 mars
5 invitations
pour l’hommage à Abdelatif
Kechiche
le 27 mars à partir de 14h
5 invitations
pour la soirée compétition de
courts métrages
le 28 mars
5 invitations
pour la journée Provence Terre
Romaine
le 29 mars à partir de 11h
Salle Emilien Ventre (Rousset)
04 42 53 36 39
GRIM
tarif réduit
pour tous les concerts
(10€ au lieu de 12€)
04 91 04 69 59
Le Balthazar
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