Sécurité de l`applicateur lors de l`utilisation des pesticides.

Transcription

Sécurité de l`applicateur lors de l`utilisation des pesticides.
Sécurité de l’applicateur lors de l’utilisation
des pesticides.
Bruno HUYGHEBAERT, Olivier MOSTADE, Frédéric DEDONCKER
Ministère de la Région Wallonne, CRA-W Gembloux (Département Génie rural)
Les pesticides se composent de substances biologiquement actives, et en tant que tels, ils
peuvent causer des dégâts ailleurs qu’aux organismes ou aux plantes qu’ils sont destinés à
éliminer ou régulariser. Aussi, leur emploi comporte certains risques pour l’homme,
spécialement l’utilisateur, et l’environnement. Les effets directs inhérents aux traitements
phytosanitaires (irritations des yeux et de la peau, étourdissements, nausées, migraines) sont
bien connus des agriculteurs. Par contre, les effets à long terme dus à un contact régulier
sont souvent négligés, voire ignorés. Pourtant des gestes simples permettent de réduire les
risques de contamination et d’améliorer significativement la sécurité de tout un chacun.
Où se situe le danger ?
D’un point de vue de la sécurité, on
subdivise
l’utilisation
des
produits
phytosanitaires en quatre phases principales :
le stockage, la préparation de la bouillie, la
pulvérisation et le rinçage. Ces différentes
phases présentent des niveaux de danger plus
ou moins élevés pour les différents
intervenants concernés : l’agriculteur, ses
proches, le consommateur et l’environnement.
Les produits présentent évidemment des
niveaux de risques différents. Certains sont
plus dangereux que d’autres. Un symbole
(tête de mort, croix de Saint-André…) sur
l’étiquette
de
l’emballage
précise
l’importance du danger (voir pictogrammes
ci-dessous). Une bonne connaissance de ces
symboles et une gestion adéquate (moyens de
protection adaptés, précautions spécifiques
durant la manipulation…) permettent à
nouveau de réduire fortement les risques de
contamination.
Comburant
Explosif
Facilement
inflammable
Extrêmement
inflammable
Toxique
Très toxique
Irritant
Nocif
Corrosif
Dangereux pour
l’environnement
Les voies de contamination.
Les voies de pénétration des produits
phytosanitaires dans le corps sont maintenant
bien connues. Une étude a
montré
que
45%
des
intoxications se font par la peau
et les muqueuses ; 38% par les
voies respiratoires, l’appareil
digestif et les yeux.
D’autres études plus fouillées
ont déterminé les parties du
corps les plus touchées. Tout d’abord, il faut
noter que 90% de la contamination de
l’utilisateur se fait durant la préparation de la
bouillie. On n’insistera jamais assez sur le
fait que cette phase est la plus dangereuse car
le manipulateur est en contact direct avec des
produits concentrés. Durant cette phase
critique, les mains sont les plus touchées (71
% de la contamination) et ensuite le tronc (20
%).
Lors de la pulvérisation (seulement 10% de
la contamination totale), à nouveau les mains
constituent la voie de pénétration principale,
ensuite les jambes (21 %) et les pieds (16 %).
L’agriculteur contamine le bas du corps
lorsqu’il descend du tracteur et marche dans
la partie du champ déjà traitée.
Un rapide aperçu des modes de pénétration
des
produits
phytosanitaires
montre
clairement qu’un équipement de protection
minimum est nécessaire et permet de réduire
fortement les risques de contamination. Le
port de gants, combinaison et bottes doit
être systématique lors de la manipulation
des produits. L’utilisation d’un masque et de
lunettes protectrices sera raisonnée en
fonction de la formulation du produit et de
son niveau de risque.
Précautions à prendre et phases
d’utilisation :
Stockage.
Le stockage n’est pas à proprement parler
une phase de la pulvérisation. Cependant, il
comporte certains risques non-négligeables
pour l’utilisateur et ses proches. Un stockage
sûr et ordonné doit éviter tout risque
d’intoxication accidentelle et conserver aux
produits leur efficacité. Quelques moyens
simples à mettre en place permettront
d’atteindre ces deux objectifs.
Avant tout, il faut éviter les stocks trop
importants et utiliser en priorité les reports de
stocks. Il faut appliquer la politique du
« premier entré, premier sorti ». Cela
nécessite une gestion suivie de l’ensemble
des produits qui sont conservés (achat,
utilisation et restes). Mais cela permet de
disposer de produits « frais » au mieux de
leur efficacité phytosanitaire.
Il est indispensable :
de disposer d’un local fermé à clef,
réservé au stockage des pesticides.
de disposer d’un local sec, aéré et ventilé
à l’abri des gelées.
d'afficher les sigles "tête de mort",
POISON et défense de fumer sur la
porte.
d’avoir un local propre, bien entretenu,
et une installation électrique en parfait
état.
de conserver les pesticides dans leur
emballage
d’origine.
Si
un
transvasement est nécessaire (emballage
déchiré ou percé), faites suivre
l’étiquette sur le nouvel emballage
(évitez des emballages de remplacement
qui portent à confusion : bouteille d’eau
ou de limonade).
Lors du rangement des produits sur les
étagères, il faut positionner les produits les
plus dangereux (tête de mort et croix de
Saint-André) sur les planches supérieures
hors de portée des enfants, et classer les
produits par familles. Il faut conserver hors
du local les vêtements de protection
(combinaison, gants, bottes, lunettes,
masques et leurs filtres) afin d’éviter toute
contamination.
Il est fortement recommandé :
d’avoir un revêtement de sol cimenté,
étanche et nettoyable, avec bordure à
l’entrée ou un bac de récupération.
de placer les produits sur caillebotis
(aération
et
protection
contre
l’humidité).
de conserver dans le local les ustensiles
(seaux, mesures, entonnoirs..) réservés
aux préparations et de les identifier
clairement (apposition d’une marque).
de disposer dans le local d’une réserve
de matière absorbante (sable, sciure…).
de disposer d’un extincteur et d’un point
d’eau à proximité.
le local sera éloigné des habitations.
d’avoir un cahier d’inventaire.
d’avoir une liste de numéros téléphoniques d’appels visible en cas d’urgence.
de disposer d’une armoire fermée à clef
pour les produits dangereux.
de construire son local avec des
matériaux ininflammables.
Préparation de la bouillie.
La phase la plus dangereuse, car le produit
manipulé est sous forme concentrée. Les
statistiques parlent d’elles-mêmes, 90 % de
la contamination totale se fait durant cette
phase.
Avant tout, il faut lire attentivement
l’étiquette du produit. Elle reprend toutes les
informations nécessaires à la bonne
utilisation en toute sécurité du produit : la
nature du produit (matière active et
concentration), les emplois autorisés, les
doses, des conseils d’utilisation, de
préparation et d’application, la compatibilité
avec d’autres produits en cas de mélange et
surtout les phrases de risque avec les
précautions à prendre pour la sécurité des
hommes et de l’environnement ainsi que le
symbole de risque.
La préparation nécessite une protection
efficace du manipulateur contre les
éclaboussures, les poussières ou les
émanations. Pour cela, il faut porter au moins
des gants, une combinaison et des bottes. Le
port des lunettes et du masque sera raisonné
en fonction du niveau de risque du produit. Il
est vrai que porter la panoplie complète de
protection contre les produits n’est pas facile
pour des questions de confort mais aussi
d’image.
Il ne faut absolument pas boire, manger, ni
fumer pendant toutes les trois phases de la
pulvérisation et tant que l’on ne s’est pas
changé et lavé les mains.
Lors de la préparation proprement dite, il
faudra tant que possible essayer de suivre les
quelques conseils suivants : préparer la
bouillie à l’extérieur (meilleure ventilation),
vider les sacs de poudre dos au vent pour
éviter l’absorption des poussières, ouvrir les
emballages avec un couteau ou des ciseaux
sans les déchirer pour éviter le jaillissement
de produit et avoir un bord de déversement
bien net. On apportera également un soin
particulier au rinçage des emballages et à
leur élimination.
La pulvérisation
La phase de pulvérisation est importante pour
le consommateur et l’environnement. Le
respect des doses et des délais avant récolte,
l’utilisation d’un matériel en parfait état de
marche sont autant d’actions préventives qui
permettent de limiter la quantité de résidus et
d’obtenir ainsi une production de qualité. Au
niveau de l’environnement, le suivi de
quelques conseils de bonne pratique permet
de limiter la pollution du milieu naturel et
des eaux de surface. Par exemple, il faut
éviter tout traitement par grand vent (dérive),
par forte chaleur (évaporation) ou en période
de floraison (protection des insectes
pollinisateurs)…
Bien
que
la
pulvérisation
soit
moins « dangereuse »
pour l’agriculteur, le
port de vêtement de
protection reste nécessaire. Il faut également
éviter quelques mauvais gestes comme
déboucher les filtres ou les buses en soufflant
avec la bouche. Les nouvelles
générations de pulvérisateurs
disposent maintenant d’une
réserve d’eau propre (15 litres
minimum)
destinée
exclusivement au nettoyage
des mains. En cas de
contamination sur le champ, ce
« gadget » vient bien à point.
La cabine du tracteur ne dispense pas
toujours le port d’un masque. Elle donne une
fausse impression de sécurité. Pour être
opérationnelle, elle doit être étanche avec
une légère surpression interne et être équipée
d’un système de filtration à charbon actif.
Rinçage
L’élimination des fonds de cuve et un
premier rinçage du pulvérisateur doivent être
effectués directement après le traitement. Ils
permettent d’éviter des problèmes récurrents
de bouchage et d’endommagement de la
culture suivante. Les pulvérisateurs récents,
ou adaptés disposent d’une cuve de rinçage.
Un circuit de rinçage intégré permet un
nettoyage en profondeur de la cuve
principale et de l’ensemble du pulvérisateur.
Afin d’éviter les pollutions localisées de
l’environnement dues aux vidanges sauvages
de fond de cuve, la procédure de rinçage
suivante a fait ses preuves :
1. En fin de parcelle, diluer le fond avec la
réserve d’eau de la cuve de rinçage.
2. Opérer une agitation en circuit fermé de
la bouillie diluée
3. Pulvériser sur les fourrières la bouillie
diluée jusqu’à vidange complète de la
cuve.
4. De retour à l’exploitation, effectuer un
nettoyage avec un produit spécifique (All
Clear, Spraynet…), si nécessaire, et un
rinçage à l’eau claire.
Quel que soit le rinçage (cuve ou emballage),
le plus important n’est pas le volume d’eau
utilisé mais bien le nombre de fois qu’est
répété le rinçage. Par exemple dans le cas du
pulvérisateur sur le champ, si vous disposez
d’une cuve d’eau propre de 150 l, il est
préférable de fractionner cette quantité et de
pratiquer 3 rinçages successifs de l’appareil
avec 50 l d’eau.
Les vêtements de protection
Eviter l’intoxication est surtout une question
de prévention. Le port systématique de
vêtements de protection évite l’intoxication
directe et aiguë mais prévient également des
effets à plus long terme liés à une toxicité
chronique. Par vêtements de protection on
comprend les gants, la combinaison
(salopette) et les bottes, les
lunettes et le masque
Les agriculteurs sont souvent
réticents à porter ces vêtements,
certainement pour des raisons de
confort, mais surtout pour des
questions d’image. Les couleurs
voyantes de la combinaison
(blanc, vert électrique ou parfois
rose) associées à la panoplie complète de
protection (gants, lunettes et masque)
confèrent à l’utilisateur un look digne d’un
film de science-fiction post-nucléaire de
Spielberg qui n’est pas très rassurant pour les
riverains. Cependant, il faut prendre
conscience que ces vêtements sont
nécessaires et qu’il faut les porter
systématiquement lors de l’utilisation des
produits phytosanitaires, quitte à malmener
quelque peu son ego.
Il ne faut jamais conserver les vêtements
dans le local de stockage des produits
phytosanitaires. Ils seraient naturellement
contaminés par les vapeurs toxiques.
Les gants
L’utilisation des gants est un minimum dès la
préparation du traitement et pour toute
intervention sur le pulvérisateur.
Bien qu’ils soient étanches à l’eau, les gants
dits de « ménagère » en latex ou en PVC ne
sont pas suffisants. Il faut choisir des gants
en nitrile ou néoprène d’une épaisseur
suffisante pour arrêter les produits
chimiques. Afin de ne pas se tromper, il
suffit de vérifier que le gant comporte le sigle
de résistance aux agressions chimiques. Au
niveau du confort, il faut veiller à conserver
la sensation du toucher.
Le bon choix des gants n’est pas suffisant, il
faut également bien les utiliser et surtout bien
les retirer :
1. Avant de retirer les gants, laver
soigneusement les mains gantées.
2. Retourner le haut des
gants ainsi lavés.
3. Retirer les gants en
tirant sur les bords
retournés
afin
d’assurer le séchage
de l’intérieur pour une utilisation
ultérieure.
4. Se laver les mains nues à l’eau et au
savon.
5. Jeter les gants qui présentent des défauts
(perforation, coupure).
6. Il ne faut jamais retirer les gants sans
s’être lavé les mains gantées.
La combinaison et les bottes
Il faut choisir une combinaison légère et
jetable afin de ne pas devoir la laver. En
effet, le vêtement souillé serait nettoyé avec
le linge familial au risque de le contaminer.
Il n’y a pas de choix spécifique au niveau des
bottes. Par contre, lors de leur utilisation,
veiller à les recouvrir par le pantalon de la
combinaison afin d’éviter l’écoulement du
produit dans celles-ci.
Les lunettes
L’œil est particulièrement sensible aux
agents corrosifs et irritants. De plus, l’œil est
une bonne voie de pénétration due à son
humidité et sa vascularisation. Le port de
lunettes correctrices ne dispense pas du port
d’une protection oculaire.
Il faut impérativement protéger les yeux
lorsque l’étiquette présente les pictogrammes
corrosif, tête de mort (très toxique et toxique)
et croix de St André (nocif et irritant) ou que
l’on peut lire les phrases de risques
suivantes : provoque des brûlures, risque de
lésions oculaires graves et irritant pour les
yeux.
uniquement les yeux, l’écran facial qui
protège l’ensemble du visage et le masque
complet qui intègre également une
cartouche filtrante.
Le masque
Le port du masque sera nécessaire
lors de l’utilisation de fongicides et
d’insecticides dont l’étiquette mentionne les
phrases de risques suivantes : nocif, toxique
ou très toxique par inhalation, dégage des gaz
toxiques au contact de l’eau, irritant pour les
voies respiratoires, peut entraîner une
sensibilisation par inhalation.
Il existe différents types de masque selon
leur dimension (quart, demi ou complet) et
leur mode de filtration (filtration passive ou
masque ventilé). Indépendamment du type, la
cartouche constitue le principal problème
lors d’un choix du masque.
La cartouche à charbon actif suit une
codification couleur et alphabétique qui
définit le type de protection : le type A
(marron) protège des vapeurs organiques, le
type B (gris) protège des vapeurs acides et
inorganiques et le type P protège des
poussières. Il existe d’autres types de
protection, mais qui ne concernent pas
l’utilisation des produits phytosanitaires. De
plus, le degré de protection est déterminé par
un chiffre : 1, 2 ou 3 (3 pour le niveau le
plus efficace).
Il existe trois types de protection oculaire :
les lunettes masques qui protègent
Que faut-il faire en cas d’intoxication ?
Les signes d’intoxication sont des maux de
têtes, vomissements, gestes incontrôlés, perte
de connaissance, troubles de la vision, toute
réaction qui semble anormale. Les
intoxications aiguës sont heureusement
exceptionnelles mais dans ce cas, il convient
de réagir très rapidement.
1. Garder l’emballage et l’étiquette du ou
des produits en cause pour les montrer au
médecin. Il est conseillé de les emporter
lors du traitement.
2. S’il y a des projections dans l’œil, rincer
immédiatement quinze minutes à l’eau
claire en maintenant l’œil ouvert.
3. S’il y a des projections sur la peau, rincer
immédiatement quinze minutes à l’eau
claire.
4. S’il y a encore des signes une heure après
le rinçage, consulter rapidement un
médecin.
5. S’il y a ingestion ou inhalation, consulter
immédiatement un médecin.
6. Dans les cas graves (inconscience de la
victime), mettre la personne en position de
sécurité, c’est-à-dire sur le côté (jamais
sur le dos !). Prévenir immédiatement,
muni de l’emballage et de l’étiquette du
ou des produits en cause, les secours
d’urgence (100), le médecin et le centre
anti-poisons (070/ 245 245).
7. Ne pas faire boire, surtout jamais de lait ni
d’alcool. Ne pas faire vomir, sauf si
l’étiquette du produit en cause le prescrit
(cas du paraquat qui a dans sa
composition un vomitif). Eviter les
frictions avec de l’eau de Cologne ou une
lotion alcoolisée (interactions possibles
avec le produit).
Adresses et n° de téléphone
. Secours d’urgence, tél. : 100
. Centre anti-poisons, tél. : 070/ 245 245
. Collecte des emballages, Phytofar-Recover asbl, Square Marie-Louise 49 1000 Bruxelles – tél. : 02/ 238 97 72 – fax. : 02/ 280 03 48
. Vêtements de protection, VDP Wallonie, City Nord – rue de Namur 101 –
6041 Gosselies – tél. : 071/ 25 87 25 – fax. : 071/ 25 87 20