Roger Dorey Le désir de savoir Nature et destin de la curiosité en
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Roger Dorey Le désir de savoir Nature et destin de la curiosité en
Roger Dorey Le désir de savoir Nature et destin de la curiosité en psychanalyse Table des matières I. Avant‐propos ...................................................................................................................... 2 II. Chapitre I. La curiosité en question : Léonard et Freud..................................................... 3 Léonard et le désir freudien.................................................................................................. 3 L’interdit et la curiosité......................................................................................................... 3 Destins de l’investigation...................................................................................................... 4 Le cas de Léonard ................................................................................................................. 4 Léonard et la mère................................................................................................................ 4 Le regard dans la clinique ..................................................................................................... 5 Un désir insatiable et son interprète. ................................................................................... 5 III. Chapitre II. Le désir et le penser ....................................................................................... 5 L’activité psychique primaire. ............................................................................................... 5 De la clôture à l’ouverture. ................................................................................................... 6 L’effroi et la manque d’objet ................................................................................................ 6 Désir de la mère et castration............................................................................................... 7 La pensée et le « je » ............................................................................................................ 7 L’énigme et l’originaire ......................................................................................................... 8 IV. Pulsion de mort et négation ............................................................................................. 8 La Négation : pulsion de mort et symbole. ........................................................................... 9 Dialectique de la séparation. .............................................................................................. 10 V. Croire à la réalité de la castration.................................................................................... 10 Le danger de la castration................................................................................................... 10 Déni et croyance. ................................................................................................................ 11 Acte de foi et culture. ......................................................................................................... 11 Traces du culte sexuel primitif. ........................................................................................... 12 VI. La relation d’emprise...................................................................................................... 12 Perversion et séduction ...................................................................................................... 12 La tyrannie de l’obsessionnel.............................................................................................. 13 Emprise et phénomène transitionnel. ................................................................................ 13 VII. Le contraire de savoir dans la problématique obsessionnelle....................................... 14 Un penser obsédant............................................................................................................ 15 Une mère paradoxale. ........................................................................................................ 15 La récusation du désir de savoir. ........................................................................................ 16 L’obsessionnel et le désir de l’autre. .................................................................................. 16 VIII. Les fantasmes de fustigation ou l’amour au travers de la haine. ................................. 16 Un enfant est battu............................................................................................................. 16 La haine et l’objet maternel................................................................................................ 17 Désirer la haine. .................................................................................................................. 17 Soumission incestueuse...................................................................................................... 17 La dimension masochique .................................................................................................. 17 IX. Conclusion. Le désir de l’analyste comme énigme. ........................................................ 18 L’analyse et ses règles......................................................................................................... 18 Le désir de l’analyste........................................................................................................... 18 Interprétation et construction. ........................................................................................... 18 I. Avant‐propos Le traitement psychanalytique est d’ordre « psychologique » et son champ d’action est celui de la signification. Exemple de la différence des sexes : un fait brut, réel, anatomique, biologique, qui, en s’érigeant dans le psychique devient porteuse d’énigmaticité (Rätselhaftigkeit) et mobilise notre envie de savoir. A cette curiosité fondamentale, nous répondons par l’édification d’une théorie : l’enfant doit croire en la réalité de la menace de castration, la reconnaître comme telle et s’y soumettre. Mais il y a, avant l’obstacle de la castration, une autre énigme à résoudre : celle de l’absence de l’objet primaire (la mère). Cette absence devient l’énigme originaire. Cette reconnaissance de la double signification (réelle et imaginaire) est ce que Freud appelle « amour de la vérité »(Wahrheitsliebe, Cf. Analyse avec fin et analyse sans fin, in Résultats, idées, problèmes II, p. 263). Plutôt que d’imaginer un terme à ce mouvement d’interrogation, il importe de maintenir en tension ce couple d’opposition que forme l’énigme et le désir de savoir. II. Chapitre I. La curiosité en question : Léonard et Freud. L’étude de Freud sur Léonard de Vinci (Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, 1910, Gallimard, 1977) a été écrite en octobre 1909 et publiée en mai 1910. Freud la considérait comme la plus belle chose qu’il eût écrit. Elle fut mal accueillie. Freud était personnellement impliqué dans cette œuvre qui, loin de se limiter à un exercice de psychanalyse appliquée, peut se voir comme le paradigme d’une cure analytique. Léonard et le désir freudien Ce qui frappe dans cette œuvre est la prévalence donnée au souvenir d’enfance. Freud évoque ce que l’on sait du caractère de Léonard : ses inhibitions (relationnelles et sexuelles), son indifférence à la société, sa lenteur, son dégoût de la sexualité. Il remarque qu’au fil de sa vie, la création artistique s’est progressivement effacée au profit de la recherche scientifique, comme s’il y avait une opposition entre création artistique et activité d’investigation. Léonard a écrit que l’amour suppose la connaissance de l’objet aimé ; Freud pense que l’amour n’a rien à voir avec la connaissance. (p. 18). Pour Freud, la réflexion affaiblit la vie affective. Ce domptage des affects est à l’origine de l’inhibition qui permet la conversion (Verwandlung) de la passion en désir de savoir. Il s’agit là de deux tendances en conflit permanent. Ce qui intéresse Freud dans cette étude, c’est d’examiner le jeu même de cette pulsion d’investigation dans l’économie psychique su sujet. Freud relie ce qu’il comprend en 1909 du caractère de Léonard à ce qu’il a écrit en 1905 (Théories sexuelles infantiles), à propos de l’enjeu des premières questions de l’enfant sur la sexualité, de la conséquence des conditions d’accueil parental de ces investigations primitives sur le désir de savoir (Wissbegierde). Il relie ce désir à sa forme la plus primitive, l’avidité du nourrisson. En formant ce néologisme (Wissbegierde) Freud relie le désir et le savoir. L’interdit et la curiosité Comment une pulsion devient‐elle prépondérante sur les autres ? Grâce à des empreintes (Eindrücken) de la vie infantile fortifiées par les forces pulsionnelles sexuelles. Vers trois ans, l’enfant pose de nombreuses questions pour remplacer une seule qu’il n’ose pas poser : « D’où viennent les enfants ? ». L’enfant perçoit bien l’embarras des parents et sent un interdit peser sur la réponse. Il entre alors dans ce que Freud appelle la « période d’investigation sexuelle infantile » et va forger ses propres théories. Le désir de savoir passe obligatoirement par la question des origines. Ce n’est pas tant le caractère informatif des réponses parentales qui est important, que le fait que les parents ne se dérobent pas aux questions de l’enfant. Ce qui est signifié par l’évitement parental de la question sexuelle posée par l’enfant, c’est un interdit de penser (Denkverbot). Ce qui est signifié par les réponses parentales adaptées, c’est la possibilité de sublimation de la pulsion d’emprise en désir de savoir. Destins de l’investigation. Après cette première phase de développement du désir de savoir, l’évolution de celui‐ci va dépendre de la violente poussée de refoulement de la sexualité infantile qui survient vers cinq ou six ans (entrée dans la latence). Freud envisage trois possibilités évolutives selon l’intensité initiale de la mulsion d’investigation : inhibition, renforcement compulsif, sublimation. • • • Dans le premier cas, la pulsion d’investigation se laisse entraîner dans l’inconscient par le mécanisme de refoulement de la sexualité. C’est l’inhibition névrotique au désir de savoir. Dans le deuxième cas, la pulsion d’investigation résiste au refoulement ; il y a sexualisation de l’acte de penser. C’est la rumination mentale de la névrose obsessionnelle. Dans le troisième cas, une pulsion partielle échappe au refoulement et vient renforcer la pulsion d’investigation (intérêt pour tel secteur d’investigation). C’est l sublimation qui garde un caractère compulsif et tend à remplacer l’activité sexuelle. C’est le cas de Léonard. Le cas de Léonard • • • • • • Elevé par sa seule mère jusqu’à l’âge de 5 ans (défaillance paternelle) Objet d’un amour maternel excessif (séduction maternelle) Maturité sexuelle précoce (intense activité d’investigation sexuelle) Contournement du refoulement par la pulsion partielle d’investigation (sublimation en activité d’investigation et en créativité) Carence paternelle : déficience de la symbolisation (épuisement progressif de son activité artistique) Déni de reconnaissance paternelle (Cf. le procès en homosexualité), versant dépressif de Léonard (amertume, revendication en héritage). Le souvenir‐fantasme du vautour : l’image de la mère phallique, caractéristique de la phase du développement psychosexuel qui précède la reconnaissance de la différence des sexes. Le sourire de Mona Lisa : envoûtement par le mystérieux sourire maternel (séduction maternelle), fascination primitive par le regard maternel, expérience originaire de séduction par la mère à laquelle nul n’échappe. Léonard et la mère Prégnance de la relation archaïque à la mère (écriture en miroir de Léonard) Relation spéculaire, narcissique, en double Le regard dans la clinique Le regard est le signe tangible de la fusion bienheureuse avec le premier objet d’amour. Il est des cas de fétichisme du regard A rapprocher de l’Unheimliche, l’inquiétante étrangeté. La femme‐mère dont le sourire énigmatique et fascinant représente l’intimité première. Kurt Eissler a insisté sur le rapport de Léonard à la mort (La Joconde : immortaliser cette intimité première avec la mère) ; il voit un désir de mort dans le désir nostalgique de retour à l’origine. Cette relation spéculaire est mortifère, aliénant le sujet dans l’image de son semblable. C’est de mort imaginée qu’il s’agit dans la relation narcissique. Un désir insatiable et son interprète. L’étude sur Léonard, en cherchant la spécificité du désir de savoir, découvre que chez tout à chacun, elle est désir de savoir sur le désir de l’autre, la mère en premier lieu. (Cf. la censure de l’amante). La pulsion qui se met au service du travail intellectuel continue toujours à porter la marque du refoulement, en ce sens qu’elle évite de se porter sur les sujets sexuels proprement dits. Le désir de savoir comme transgression de ces limites que sont l’interdit de l’inceste et la mort. III. Chapitre II. Le désir et le penser La représentation freudienne de l’activité psychique de l’homme se fonde sur la distinction de deux systèmes : • L’appareil psychique primaire, structuré comme un appareil réflexe, qui tire son fonctionnement de l’acte de désirer (das Wünschen), accomplissement sous forme hallucinatoire. Système fermé qui deviendra l’inconscient. • L’appareil psychique secondaire, issu du premier par un processus de différenciation, ouvert au monde extérieur grâce à l’apparition de l’acte de penser (Das Denken), avec naissance du langage et de l’activité dirigée. Système ouvert qui deviendra le préconscient‐conscient. L’activité psychique primaire. Le fonctionnement de l’appareil psychique primitif est entièrement orienté vers la recherche de satisfaction. L’organisme humain primitif est initialement dans une impuissance totale pour remédier à son état de tension interne né des besoins. D’où l’état de détresse (Hilflosigkeit) à la fois motrice et psychique. Les premières expériences de satisfaction, par l’apport de l’objet, créent un complexe : tension, satisfaction, trace mnésique de l’objet. D’où, ensuite, réinvestissement hallucinatoire de la trace. Le désir naît de ce réinvestissement du souvenir de la perception de l’objet originairement satisfaisant. Pour Freud, le premier acte de désirer a dû être un investissement hallucinatoire du souvenir de la satisfaction. Ainsi l’appareil psychique primitif est réglé par la polarité plaisir‐déplaisir. Il est de nature essentiellement économique. , correspond à un système clos centré sur la réduction des tensions. Pour Freud, cette représentation est une fiction car l’intervention de l’autre (la mère) est décisive à l’équilibre. C’est dire que, par ses soins réguliers, la mère cautionne régulièrement l’hallucination de l’objet. Ainsi se crée une structure complexe englobant les manifestations de l’enfant et les réactions de la mère. Cette structure se présente comme la matrice de toute communication ultérieure. De la clôture à l’ouverture. Ce qui va mettre fin à ce premier mode de fonctionnement et le transformer en activité secondaire, c’est une amère expérience de déception : le manque d’objet, l’absence de la satisfaction attendue. L’objet ne vient plus cautionner l’hallucination. Le manque d’objet devient l’épreuve décisive : dès lors, l’appareil psychique primitif doit renoncer à la recherche de la satisfaction par voie hallucinatoire pour se représenter les circonstances réelles du monde extérieur et tendre vers le changement réel. Ce détour par le réel est l’opération qui commande l’opération de jugement, de la pensée et du langage, comme de l’action motrice. L’effroi et la manque d’objet S’impose ici un rapprochement avec un type d’expérience que Freud décrit dans la Traumdeutung : il arrive qu’un stimulus soit accompagné d’une excitation douloureuse. C’est l’expérience d’effroi d’origine extérieure (das äuserre Schreckerlebnis). Si cette perception réapparaît, il y aura réaction d’évitement. Cette fuite devant le souvenir de la douleur représente le modèle et le premier exemple de refoulement psychique. Le prototype de cette expérience douloureuse est l’absence de l’objet, prolongée et irrémédiable. Ce terme de Schreck sera celui qui sera utilisé par Freud pour désigner la névrose traumatique. Ces premières conditions de refoulement constituent le refoulement originaire (Urverdrängung). Et les points de fixation. Traces mnésiques élémentaires soustraites dès l’origine à notre conscience. Point d’attraction de toutes les représentations ultérieures comportant cette dimension de manque. Désir de la mère et castration. L’expérience originaire d’effroi, quand la mère décide de ne pas répondre, se révèle comme moment fondateur équivalent à celui que représente son pendant : l’expérience primaire de la satisfaction. Le défaut de la mère prend valeur non seulement de défaillance, de manquement, mais encore d’abandon et surtout de trahison. Le mère comme sujet désirant échappe à son omnipotence. Une relation dialectique s’établit se constituant comme un axe autour duquel se structurera le sujet, ainsi que sa relation avec le monde extérieur. L’enfant s’identifie au phallus comme objet du désir de la mère. Le désir de la mère est opposé à l’enfant comme limite à son propre plaisir. Cette épreuve recouvre exactement l’instauration du principe de réalité. Ce nouveau mode de fonctionnement est imposé à l’enfant orque celui‐ci est placé en situation de refus (der Versagung). Le refus de la mère est l’équivalent d’une parole (la racine sagen qui signifie dire, dans Versagung, le refus), parole première qui est un non (négation) par lequel elle opère une séparation radicale. Le dire de la mère fait implicitement référence à la présence du père, d’un tiers ; elle a valeur de code triangulé. En introduisant la fonction paternelle comme référence de son désir et comme fonction médiatrice, la mère permet à l’expérience de manque d’objet de s’inscrire dans un nouveau contexte significatif. Cette expérience prend sens d’après‐coup : ce qui était source d’effroi, traumatique, économique, se voir élaboré secondairement comme porteur de sens, psychique. La mère insémine le référent paternel. La pensée et le « je » Le désir de la mère s’offre à l’enfant comme toute première réalité qu’il se doit d’intégrer par une mutation profonde de son activité psychique primitive. Cette activité trouve son accomplissement sous une forme substitutive : l’acte de penser (Denkätigkeit). Toute cette activité de pensée qui va de l’image mnésique à l’identité de perception par les objets du monde extérieur, n’est qu’un détour (Umweg) dans l’accomplissement du désir rendu nécessaire par l’expérience. La pensée n’est pas autre chose que le substitut (Ersatz) du désir hallucinatoire. Il y a médiation du désir originaire (et originairement violent) par le désir de l’Autre (la mère). Le désir de la mère, en s’offrant comme limite au désir hallucinatoire de l’enfant, pour le détourner de son objet, se présente comme limite constitutive du sujet. Avec la naissance de la pensée et du langage apparaît le « je » comme sujet du discours, lequel s’oppose au sujet du désir, au sujet de l’inconscient. C’est dire que l’opération de médiatisation du désir de la mère constitue le sujet comme fondamentalement clivé. L’énigme et l’originaire Première réalité que l’enfant a à affronter, le désir de la mère se présente pour lui comme première et fondamentale énigme. Cet obstacle se transforme en désir de savoir sur le désir de la mère ; c’est le moteur de la nouvelle activité psychique. (NDLR : donc, 1ère étape : le « non », deuxième étape, le « pourquoi ? ») Cette curiosité va concerner la relation entre le père et la mère. C’est dire que le désir de savoir est étroitement lié à la configuration œdipienne. Il s’agit, comme l’énigme du sphinx, d’une interrogation sur la question même des origines. Cette poussée de savoir (Wissendrang) est originairement ciblée sur la scène primitive. Le père y est vécu comme agresseur et la mère comme victime. Ainsi l’enfant cherche à se convaincre que la mère ne saurait éprouver de désir pour le père. L’enfant se trouve partagé entre deux « opinions » : admettre le désir de la mère, ou le refuser. Les théories sexuelles infantiles représentent la base du premier conflit psychique et du clivage qui en découle. La scène primitive est le schème fondamental construit par l’enfant en réponse à l’énigme du désir de la mère. Elle correspond à : • Un processus d’élaboration psychique qui est le prototype du travail ultérieur de la pensée • Une construction défensive qui occulte le manque et n’est que partiellement vraie, faisant rebondir à l’infini le désir de savoir. IV. Pulsion de mort et négation La question de la haine s’est posée à Freud dès l’introduction du narcissisme (1914). Elle préfigure le dualisme pulsionnel introduit en 1920. L’introduction de la Todestrieb précise la place de la haine par rapport à la sexualité. En 1925, c’est dans l’article sur La Négation que Freud reconnaît à la pulsion de mort un rôle fondamental. La Négation : pulsion de mort et symbole. Le texte sur La Négation est une étude sur la genèse du jugement : jugement d’attribution d’une part, jugement d’existence d’autre part. La pulsion de mort représente la tendance fondamentale à séparer du moi l’objet lorsqu’il est source d’excitation, à l’expulser au dehors et à le fuir. Le moi constitue ainsi l’objet. La pulsion de mort est au principe même de la constitution de l’objet et de l’opposition moi‐objet. Cette action constructive est donc inhérente à sa fonction séparatrice. Freud situe l’action nouvelle de la pulsion de mort sous la forme de la création du symbole de la négation. La négation est rattachée à l’action de la pulsion de mort. « L’étude du jugement nous introduit pour la première fois à la compréhension de la naissance d’une fonction intellectuelle à partir du jeu des motions pulsionnelles primaires. L’action de juger est la suite du processus originaire du principe de plaisir : l’inclusion dans le moi ou l’expulsion hors du moi. Cette polarité correspond aux deux groupes de pulsion : l’affirmation fait partie de l’Eros, la négation fait partie de Thanatos » (Freud, La Négation, 1925, p. 39) La fonction de la négation peut se lire dans le mécanisme courant de la dénégation dans le langage : il s’agit d’une levée du refoulement sans être une acceptation du refoulé. Il y a admission intellectuelle de la représentation refoulée, mais seulement intellectuelle, tandis que le refoulement persiste. On voit dans le mécanisme de la dénégation comment la fonction intellectuelle se sépare du processus affectif. Un contenu de représentation refoulé peut être admis sans qu’il y ait production de déplaisir ; l’essentiel du refoulement est maintenu. La négation apparaît alors comme un ressort indispensable de l’activité de pensée. La création du symbole de la négation est étroitement liée au passage du premier au second système de fonctionnement de l’appareil psychique, c’est‐à‐dire à la mutation que subit le désirer lorsqu’il donne naissance au penser. Ce passage est lié à la mutation de la pulsion de mort en symbole de négation. Ces deux mutations coextensives constituent le processus d’anthropogénéisation. C’est dire que le désir de l’Autre s’offre comme limite absolue, non seulement au désir originaire, mais aussi à la pulsion de mort. Renonçant à l’essai de satisfaction par voie hallucinatoire, l’appareil psychique doit se résoudre à se représenter l’état réel du monde extérieur. Un nouveau principe de l’activité psychique est instauré : ce qui est représenté n’est plus ce qui est agréable, mais ce qui est réel. Avec cette instauration du principe de réalité, un pas décisif est franchi. Donc, double mutation : • Le désirer se transforme par détour en acte de penser • La pulsion de mort se convertit en symbole de négation La pensée se présente bien comme le témoin privilégié de l’intrication pulsionnelle dans sa forme la plus achevée. Dialectique de la séparation. Ainsi, la création du symbole de la négation se révèle déterminante dans le processus de structuration de l’appareil psychique puisqu’elle est la condition préalable, indispensable au déploiement de la pensée. Elle se constitue à partir de la pulsion de mort qui convertit son action première grâce à la médiatisation par le désir de l’Autre. Avec le refus maternel d’être considérée comme objet partiel primordial, ce non maternel met l’enfant sur la voie de la médiatisation, ce refus qui n’est pas une expulsion est une séparation structurante. Exemple du travail du Fort‐Da (Au delà du principe de plaisir). L’enfant répète sous forme de jeu une expérience pénible, la disparition de l’objet. L’enfant devient acteur de la pulsion d’emprise, d’une séparation qui a valeur de négation. L’acte de penser résulte de la médiatisation du désir originaire et la négation de la médiatisation de la pulsion de mort. La pensée est suspension du désir originaire, la négation suspension de la pulsion de mort. La négation a pour fonction l’acceptation des représentations pénibles sans dégagement de déplaisir, ce qui suppose que soit partiellement levée l’action expulsive du refoulement. On voit ici comment la fonction intellectuelle se sépare de du processus affectif. C’est le processus de sublimation. La logique du second système, celle du Préconscient‐Conscient, est une logique de contradiction qui s’oppose à la logique binaire de l’appareil primitif. V. Croire à la réalité de la castration. À Noel 1937, avant de partir pour Londres, Freud écrit un article dense : « Le clivage du moi dans les mécanismes de défense ». Le danger de la castration Face à une circonstance difficile, le moi adopte une double attitude : se soumettre à la réalité dangereuse, la refuser. Cette déchirure grandira avec l temps. Exemple du fétichisme et du complexe de castration, problématique centrée sur la découverte de la différence des sexes, conjonction de la découverte perceptive et de la menace. Pour Freud, en 1937, l’angoisse de castration devient le véritable moteur du refoulement. Une angoisse devant un danger véritablement imminent ou jugé comme réel. Dans cette vision, la réalité devient dangereuse. Déni et croyance. Le déni (Verleugnung) est un mécanisme de défense tourné vers la réalité. Il porte sur la perception de l’absence de pénis chez la femme, une absence interprétée en terme de castration. Le clivage apparaît comme coexistence de deux positions : celle fondée sur le désir et celle fondée sur la réalité. Cette menace a pour fonction de véhiculer l’interdit paternel concernant les vœux incestueux, donc d’être l’expression de la prohibition de l’inceste. Ainsi la perception ne prend‐elle sa véritable signification que par effet d’après‐coup. Il y a existence de deux précédés à la fois distincts et intriqués : un procès de reconnaissance et un procès de croyance. Freud dit que l’enfant se met à croire à la réalité du danger de la castration. L’intervention du déni permet à l’enfant de ne plus croire en la réalité du danger de la castration et peut ne pas renoncer à ses vœux incestueux. Les deux réactions au conflit, réactions opposées, se maintiennent comme noyau d’un clivage du moi. Donc plusieurs temps logiques dans le comportement du moi face à la découverte de la différence des sexes : Le moi refoule la perception de l’absence de pénis maternel Retour de ce refoulé par deux voies : névrotique (phobie, avec angoisse car le danger est reconnu) et perverse (fétichisme) avec levée partielle du refoulement permettant l’admission seulement intellectuelle (sans angoisse) et contre‐investissement (le fétiche). La dénégation se présente sous forme de déclaration explicite alors que le déni correspond à un agir, la mise en acte d’une motion pulsionnelle interdite et refoulée. • • Acte de foi et culture. Le déni est donc aussi à envisager en terme de croyance. À partir de la croyance, la foi est un engagement dans un système symbolique de valeurs, d’interdits et de lois. Cf Octave Mannoni (Je sais bien mais quand même, 1969) : « Le moment où la croyance, abandonnant sa forme imaginaire, se symbolise assez pour s’ouvrir sur la foi, c’est‐à‐dire sur un engagement ». On trouve cette opposition en couples de contraires : • • • • Le désirer et le penser La pulsion de mort et la négation Le sensoriel maternel et l’esprit paternel La croyance et la foi Le fétichiste a une relation biaisée à la fonction paternelle : fixation imaginaire où la croyance à l’imago de la mère phallique prend une valeur défensive. Traces du culte sexuel primitif. La perversion apparaît comme une sorte de religion primitive avec ses rituels, ses cérémonials, voire même sa liturgie marquée par la fascination. Le complexe de castration pose la question de la relation du moi à la réalité, mais il s’agit d’une réalité culturelle de nature symbolique ; ordre des valeurs, c’est l’ordre du signifiant. Pout tout humain, il résulte de sa rencontre avec cet ordre symbolique, posé comme réalité que le sujet est fondamentalement et originairement clivé. VI. La relation d’emprise Freud la constitue comme la finalité d’une pulsion spécifique non sexuelle, d’abord rattachée à la cruauté infantile, puis au sado‐masochisme, et enfin, à partir de 1920, à la pulsion de mort. Au niveau relationnel, cette Bemächtigung, relation d’emprise, correspond aux notions : • • • d’appropriation par dépossession de l’autre de domination de l’autre. d’empreinte gravée sur l’autre. Il s’agit toujours d’une atteinte portée à l’autre en tant que sujet désirant. Perversion et séduction L’arme utilisée est essentiellement la séduction. Cette séduction prend valeur de fascination et fait violence. Le pervers assure sa domination par la contrainte. Il y a une dimension destructrice ; il s’agit de nier toute différence. La haine à l’état pur. Les contes de fées sont les romans érotiques des enfants. Retrouvaille de l’unité primordiale. La mort par abolition de toutes les tensions. Dans l’histoire des pervers, il est un fait retrouvé avec la plus grande régularité : l’existence de conduites séductrices subies par l’enfant de la part de la mère. La mère est fondamentalement ambivalente : l’emprise apparaît comme la résultante d’une double tendance, unificatrice d’une part, destructrice d’autre part. La découverte par Freud de la nature fantasmatique des scènes traumatisantes n’a jamais annulé la portée d’événements effectivement vécus qui ne sont pas aussi rares qu’on a voulu le croire. La tyrannie de l’obsessionnel L’obsessionnel exerce son emprise sur l’autre dans le registre du pouvoir et dans l’ordre du devoir. C’est principalement à la force qu’il a recours pour contraindre. L’autre doit agir comme il entend, lui, qu’il fasse ; il doit penser selon des normes qu’il lui impose. Il aime à s’opposer, à contrarier les projets des autres. Chaque fois qu’il y a rapport d’autorité, l’obsessionnel tentera de le transformer en épreuve de force. Sado‐masochisme et organisation obsessionnelle sont considérés comme allant de pair, pourtant il convient de les distinguer. Dans la relation d’emprise de l’obsessionnel, Éros et Thanatos agissent séparément de façon désintriquées. Ces deux activités sont conjointes mais désintriquées. Il y a demande paradoxale d’amour (unification) dans un contexte de destruction. Comme s’il disait « Aime‐ moi, compte tenu que je fais tout pour ne pas être aimé et même pour te détruire ». L’emprise de l’obsessionnel est une emprise de et par la mort. La relation de la mère obsessionnelle avec son enfant est marquée par la pudeur, la retenue, la mise à distance sur le plan physique, et la rigueur, l’austérité, le devoir sur le plan moral. Le surgissement de l’autre est réactivateur de l’expérience originaire de détresse. C’est la médiation par le père qui, tant pour l’objet obsessionnel que pour le pervers, fait défaut ou n’intervient que de manière imparfaite. Emprise et phénomène transitionnel. Winnicott désigne l’objet transitionnel comme « first not me possession ». Cette première « possession non‐moi » peut être parfaitement différenciée de l’objet interne de nature fantasmatique (le sein) et de l’objet total externe (la mère). Elle n’est réductible ni à l’un ni à l’autre et pourtant participe de l’un et de l’autre. Pour Winnicott, c’est une défense contre l’angoisse de type dépressif. C’est une réaction de protection contre l’état de détresse lié au manque d’objet révélé par le désir de la mère. Le phénomène transitionnel est un moment génétiquement fondateur, antérieur à l’épreuve de réalité. Dans le phénomène transitionnel qui s’établit avant l’instauration de l’épreuve de réalité, la possession concerne un objet protecteur qui a une fonction d’occultation, et non pas la représentation, de métaphorisation de l’absence, comme c’est le cas dans le jeu. Premier temps d’une série continue d’expériences. On peut donc différencier le type de relation d’emprise : • • Dans la problématique perverse, l’emprise se fait par la ruse du désir, le pervers se présentant en position de savoir, savoir sur ce qu’il en est du désir de l’autre, ce qui rend possible sa captation. Dans le problématique obsessionnelle, l’emprise se fait par la force, c’est une emprise destructrice, l’obsessionnel se présentant en position de pouvoir sur l’autre. Mais le but pulsionnel est le même : le retour à la stabilité organique. Le jeu réciproque des pulsions de vie et de mort y est comparable : c’est celui qui caractérise le fonctionnement psychique maternel repris en compte par l’enfant. La relation d’emprise est interprétée comme formation défensive spécifique dans laquelle l’objet a pour fonction d’occulter le manque, c’est‐à‐dire d’occulter toute différence. Un des exemples utilisés par Freud pour illustrer ce processus de maîtrise concerne l’activité ludique de l’enfant. Il ne s’agit plus de l’édification d’une formation défensive pour colmater le manque en s’assurant une emprise absolue sur un objet substitutif, mais bien d’un véritable travail psychique d’élaboration intérieure d’une expérience vécue angoissante dans laquelle l’objet lui‐même est tout à fait secondaire. Alors que l’emprise nous est apparue comme une production défensive et régressive fondée sur le déni de cette réalité spécifique qu’est le manque d’objet, la maîtrise se présente au contraire comme fondée sur la reconnaissance et l’acceptation de ce manque. Il s’agit‐là d’un couple d’opposition emprise‐maîtrise. Pourtant Freud utilise les deux termes de façon équivalente. Dans la Disposition à la névrose obsessionnelle, Freud dit que la pulsion de savoir n’est qu’un rejeton sublimé, intellectualisé, de la pulsion d’emprise (Névrose, psychose et perversion, p. 196). L’emprise tend aussi bien à traduire l’action unificatrice de la pulsion de vie que l’action destructrice de la pulsion de mort. Mais la désintrication domine sur l’intrication. L’emprise apparaît comme l’exact contraire du renoncement. On peut dire que la relation d’emprise apparaît chaque fois que la maîtrise se révèle impossible. VII. Le contraire de savoir dans la problématique obsessionnelle. Cliniquement, contrairement à ce que pensait Freud, la névrose obsessionnelle n’est pas une indication facile d’analyse. Dans les cas graves, le problème d’une structure psychotique sous‐jacente se pose (Cf. K. Abraham, M. Klein, Bouvet). Un penser obsédant. La névrose obsessionnelle est caractérisée avant tout par un conflit d’ambivalence, entre l’amour et la haine. Cette constellation étrange de la vie amoureuse est conditionnée par une séparation précoce des deux tendances antagonistes, à l’âge préhistorique de l’enfance, avec le refoulement de l’une d’entre elles, habituellement la haine. « Le doute correspond à la perception interne de l’indécision qui s’empare du patient à chaque intention d’agir, par suite de l’inhibition de l’amour par la haine ». (Freud, L’Homme aux rats, p. 256). Zwang neurose : névrose de contrainte. La contrainte intérieure est la caractéristique de cette organisation ; contrainte à penser : ce sont les obsessions, contrainte à agir : ce sont les compulsions. Freud remarque que dans l’histoire infantile des obsessionnels un événement se retrouve : l’apparition précoce et le refoulement prématuré de la pulsion sexuelle de voir et de savoir. Il y a régression topique de l’agir au penser. Il y a fixation au stade sadique‐anal. C’est plus en rapport avec une modalité particulière de la relation mère‐enfant précoce que, comme le pensait Freud à l’époque, un refoulement de la haine à l’égard du père. La naissance de la curiosité infantile et son refoulement ultérieur dépendent de la relation précoce à la mère, ce qui détermine : • • • Soit l’inhibition intellectuelle Soit la sublimation Soit l’organisation d’une problématique obsessionnelle Une mère paradoxale. Il s’agit d’une relation maternelle étroite, intime, mais comme désincarnée. La position maternelle, en vérité, est double et contradictoire. La mère investit libidinalement son enfant, mais refuse de prendre en compte tout attachement libidinal de la part de celui‐ci. Ceci évoque la « double contrainte » des familles à fonctionnement psychotique. Dans le type de famille engendrant un obsessionnel, la mère fait la loi du père. Le désir de savoir concernant le désir de la mère devient insoluble et, répétitivement, la pulsion de savoir va exercer sa poussée jusqu’à en devenir obsédante. Le mécanisme d’isolation s’y rencontre souvent : il correspond à la séparation de l’affect et de la représentation, résultat comparable à celui de la dénégation. La rumination compulsive est sous‐tendue par la mécanisme de sexualisation du penser qui fait que l’investigation intellectuelle devient une activité sexuelle à part entière, parfois exclusive. La récusation du désir de savoir. La carapace caractérielle de l’obsessionnel correspond à la lutte contre les pulsions libidinales agressives, mais aussi contre le désir de savoir. Comme si l’obsessionnel mettait tout en œuvre pour ne pas savoir. Ainsi le désir de savoir sur le désir de la mère est le moteur principal de la névrose obsessionnelle. L’obsessionnel et le désir de l’autre. L’obsessionnel manifeste, dans tous les secteurs de ses activités, une agressivité, une destructivité, un désir de mort. La haine est la tendance fondamentale à l’annihilation du désir de l’autre. A la puberté, moment décisif dans la genèse de la névrose obsessionnelle, la lutte contre la sexualité se poursuit désormais sous la bannière de la moralité. L’obsessionnel oscille en permanence entre deux positions opposées et complémentaires : détruire le désir de l’autre, craindre la vengeance de l’autre. Rien ne le pousse au changement. VIII. Les fantasmes de fustigation ou l’amour au travers de la haine. La haine est un facteur de différenciation. Elle précède l’amour. Il n’y a amour que parce qu’il y a eu haine à l’origine : les deux tendances sont unies par un lien dialectique. Un enfant est battu. Ce fantasme, quand il est rencontré en clinique, est toujours en rapport avec une organisation obsessionnelle. Freud le voit comme un résidu du complexe d’œdipe : il correspond, chez le garçon comme chez la fille, à une fixation incestueuse au père. Cet article correspondait pour Freud à une contribution à la connaissance de la genèse des perversions sexuelles. Avec le fantasme de fustigation, Freud démontre que la perversion n’échappe pas à la dialectique œdipienne. Être battu par le père s’apparente au désir d’avoir des rapports sexuels passifs avec lui. Freud voit là le sens caché du besoin inconscient de punition. L’envie du pénis est la pierre angulaire de cette construction. Ce fantasme se présenterait comme une formation déniant l’absence de pénis. Ainsi, la signification masturbatoire du fantasme s’applique‐t‐elle d’abord à la fille, mais plus fondamentalement encore à la mère : le clitoris battu‐caressé est le clitoris maternel. Sa signification la plus précoce est liée à l’identification de l’enfant au phallus maternel. La haine et l’objet maternel Le sens originaire de haïr pourrait être rendu en termes de force centrifuge, celui d’aimer de force centripète. C’est donc l’objet qui est au principe de la haine : les prototypes véritables de la relation de haine ne proviennent pas de la vie sexuelle mais de la lute du moi pour sa conservation et son affirmation. La haine provient de la frustration. La première expérience de haine peut être située en ce temps logique dit du refus maternel. La mère de l’obsessionnel serait une mère haineuse qui répond à la haine par la haine. Désirer la haine. Pour Freud, le fantasme de fustigation comporte aussi un problème de rivalité : la survenue d’un rival au cours des premières années de vie détermine chez l’enfant un sentiment de dépossession d’une très grande intensité, un puissant sentiment de jalousie. La rivalité se joue électivement par rapport à la mère et il y a souffrance morale car l’enfant est convaincu d’être négligé par elle au profit de l’autre. Derrière la fixation incestueuse au père, nous découvrons en effet toujours la très grande prégnance de la relation pré‐œdipienne à la mère. L’enfant est dans l’incapacité d’assumer la haine précoce qu’il porte à sa mère, d’om un intense sentiment de culpabilité. Soumission incestueuse. Dans le fantasme de fustigation, l’homme se trouve en position féminine (passive, dimension d’homosexualité latente). Dans le fantasme « être battu par la mère », l’homme évite l’homosexualité en inversant le sexe du batteur. La dimension masochique Le fantasme de fustigation se situe au point d’articulation des problématiques obsessionnelles et perverses. Par le fait d’être battu, le sujet retrouve l’omnipotence infantile : il est le phallus triomphant de la mère et sa jouissance est participation à la jouissance maternelle. Ce que le masochiste recherche, au travers des rituels les plus variés, c’est d’être un objet entièrement et inconditionnellement soumis au désir de l’autre. L’effet comique du clown, par exemple, dépend d’un renversement du ridicule lié à la détresse infantile réactualisée sous forme de caricature. Le fantasme de fustigation se situe au point d’articulation de la perversion et de la névrose obsessionnelle. On peut se demander si le fantasme de fustigation n’est pas purement et simplement un avatar du fantasme originaire de séduction, qui vise à l’unification sujet‐objet. IX. Conclusion. Le désir de l’analyste comme énigme. La pathologie a changé L’analyse et ses règles. Etats‐limites, problématiques psychosomatiques : il faut savoir aménager la cure, voire proposer de nouveaux modèles théoriques. La règle : le patient est invité à dire tout ce qui surgit en lui. L’analyste se campe dans un triple refus : agir, diriger le patient, répondre aux demandes. La situation est essentiellement asymétrique. Le désir de l’analyste. L’enjeu de l’analyse est de réactualiser un passé oublié. Le désir de l’analyste est le moteur du processus. Il s’agit pour lui de maintenir au niveau le plus élevé cette valeur d’appel, ce mouvement d’interrogation qu’une réponse trop prompte risque de désamorcer. De par son retrait, son silence, le psychanalyste est investi d’une toute‐puissance, objet d’une idéalisation. Le patient tente de parvenir à une identification massive à la personne même de son analyste. L’énigme que constitue le désir de l’analyste entraine la réactivation de la situation originaire d’angoisse. Cette construction n’est autre que la scène originaire, schème fondamental s’imposant comme organisateur privilégié de la situation analytique. Toute cure analytique est structurée par la problématique œdipienne. La névrose de transfert correspond à la présentification, dans ce cadre, du drame originaire constitutif du sujet. Marquée par la compulsion de répétition, la névrose de transfert se présente d’abord comme résistance, obstacle majeur à la remémoration du matériel refoulé. Interprétation et construction. Tout se passe comme si le désir de l’analyste qui soutient sa construction agissait là en tant que facteur de médiatisation du désir inconscient du sujet analysé, qui se transforme alors en désir de savoir. Le mythe a pour fonction essentielle de traiter des origines. La véritable scène primitive est une scène mythique. « Il n’y a pas de création, même scientifique, sans germination poétique ». (St John Perse, Œuvres complètes, La Pleïade, p. 577). Il y a une recherche purement esthétique. La tâche de l’analyste est de mettre en paroles l’informulé du fantasme inconscient originaire. L’activité de l’analyste est, à proprement parler, activité créatrice ; créatrice d’une histoire non‐événementielle, édification d’une structure mythique qui, dans le mouvement de son élaboration fait advenir le sujet comme autre lui‐même. Il y a interaction de deux désirs éprouvant leur irréductible altérité tout en découvrant leur profonde parenté. Il s’agit de faire parler le sujet du désir, le sujet de l’énonciation. °°°