Roger Dorey Le désir de savoir Nature et destin de la curiosité en

Transcription

Roger Dorey Le désir de savoir Nature et destin de la curiosité en
Roger
Dorey
Le
désir
de
savoir
Nature
et
destin
de
la
curiosité
en
psychanalyse
Table
des
matières
I.
Avant‐propos ...................................................................................................................... 2
II.
Chapitre
I.
La
curiosité
en
question
:
Léonard
et
Freud..................................................... 3
Léonard
et
le
désir
freudien.................................................................................................. 3
L’interdit
et
la
curiosité......................................................................................................... 3
Destins
de
l’investigation...................................................................................................... 4
Le
cas
de
Léonard ................................................................................................................. 4
Léonard
et
la
mère................................................................................................................ 4
Le
regard
dans
la
clinique ..................................................................................................... 5
Un
désir
insatiable
et
son
interprète. ................................................................................... 5
III.
Chapitre
II.
Le
désir
et
le
penser ....................................................................................... 5
L’activité
psychique
primaire. ............................................................................................... 5
De
la
clôture
à
l’ouverture. ................................................................................................... 6
L’effroi
et
la
manque
d’objet ................................................................................................ 6
Désir
de
la
mère
et
castration............................................................................................... 7
La
pensée
et
le
«
je
» ............................................................................................................ 7
L’énigme
et
l’originaire ......................................................................................................... 8
IV.
Pulsion
de
mort
et
négation ............................................................................................. 8
La
Négation
:
pulsion
de
mort
et
symbole. ........................................................................... 9
Dialectique
de
la
séparation. .............................................................................................. 10
V.
Croire
à
la
réalité
de
la
castration.................................................................................... 10
Le
danger
de
la
castration................................................................................................... 10
Déni
et
croyance. ................................................................................................................ 11
Acte
de
foi
et
culture. ......................................................................................................... 11
Traces
du
culte
sexuel
primitif. ........................................................................................... 12
VI.
La
relation
d’emprise...................................................................................................... 12
Perversion
et
séduction ...................................................................................................... 12
La
tyrannie
de
l’obsessionnel.............................................................................................. 13
Emprise
et
phénomène
transitionnel. ................................................................................ 13
VII.
Le
contraire
de
savoir
dans
la
problématique
obsessionnelle....................................... 14
Un
penser
obsédant............................................................................................................ 15
Une
mère
paradoxale. ........................................................................................................ 15
La
récusation
du
désir
de
savoir. ........................................................................................ 16
L’obsessionnel
et
le
désir
de
l’autre. .................................................................................. 16
VIII.
Les
fantasmes
de
fustigation
ou
l’amour
au
travers
de
la
haine. ................................. 16
Un
enfant
est
battu............................................................................................................. 16
La
haine
et
l’objet
maternel................................................................................................ 17
Désirer
la
haine. .................................................................................................................. 17
Soumission
incestueuse...................................................................................................... 17
La
dimension
masochique .................................................................................................. 17
IX.
Conclusion.
Le
désir
de
l’analyste
comme
énigme. ........................................................ 18
L’analyse
et
ses
règles......................................................................................................... 18
Le
désir
de
l’analyste........................................................................................................... 18
Interprétation
et
construction. ........................................................................................... 18
I. Avant‐propos
Le
traitement
psychanalytique
est
d’ordre
«
psychologique
»
et
son
champ
d’action
est
celui
de
la
signification.
Exemple
de
la
différence
des
sexes
:
un
fait
brut,
réel,
anatomique,
biologique,
qui,
en
s’érigeant
dans
le
psychique
devient
porteuse
d’énigmaticité
(Rätselhaftigkeit)
et
mobilise
notre
envie
de
savoir.
A
cette
curiosité
fondamentale,
nous
répondons
par
l’édification
d’une
théorie
:
l’enfant
doit
croire
en
la
réalité
de
la
menace
de
castration,
la
reconnaître
comme
telle
et
s’y
soumettre.
Mais
il
y
a,
avant
l’obstacle
de
la
castration,
une
autre
énigme
à
résoudre
:
celle
de
l’absence
de
l’objet
primaire
(la
mère).
Cette
absence
devient
l’énigme
originaire.
Cette
reconnaissance
de
la
double
signification
(réelle
et
imaginaire)
est
ce
que
Freud
appelle
«
amour
de
la
vérité
»(Wahrheitsliebe,
Cf.
Analyse
avec
fin
et
analyse
sans
fin,
in
Résultats,
idées,
problèmes
II,
p.
263).
Plutôt
que
d’imaginer
un
terme
à
ce
mouvement
d’interrogation,
il
importe
de
maintenir
en
tension
ce
couple
d’opposition
que
forme
l’énigme
et
le
désir
de
savoir.
II. Chapitre
I.
La
curiosité
en
question
:
Léonard
et
Freud.
L’étude
de
Freud
sur
Léonard
de
Vinci
(Un
souvenir
d’enfance
de
Léonard
de
Vinci,
1910,
Gallimard,
1977)
a
été
écrite
en
octobre
1909
et
publiée
en
mai
1910.
Freud
la
considérait
comme
la
plus
belle
chose
qu’il
eût
écrit.
Elle
fut
mal
accueillie.
Freud
était
personnellement
impliqué
dans
cette
œuvre
qui,
loin
de
se
limiter
à
un
exercice
de
psychanalyse
appliquée,
peut
se
voir
comme
le
paradigme
d’une
cure
analytique.
Léonard
et
le
désir
freudien
Ce
qui
frappe
dans
cette
œuvre
est
la
prévalence
donnée
au
souvenir
d’enfance.
Freud
évoque
ce
que
l’on
sait
du
caractère
de
Léonard
:
ses
inhibitions
(relationnelles
et
sexuelles),
son
indifférence
à
la
société,
sa
lenteur,
son
dégoût
de
la
sexualité.
Il
remarque
qu’au
fil
de
sa
vie,
la
création
artistique
s’est
progressivement
effacée
au
profit
de
la
recherche
scientifique,
comme
s’il
y
avait
une
opposition
entre
création
artistique
et
activité
d’investigation.
Léonard
a
écrit
que
l’amour
suppose
la
connaissance
de
l’objet
aimé
;
Freud
pense
que
l’amour
n’a
rien
à
voir
avec
la
connaissance.
(p.
18).
Pour
Freud,
la
réflexion
affaiblit
la
vie
affective.
Ce
domptage
des
affects
est
à
l’origine
de
l’inhibition
qui
permet
la
conversion
(Verwandlung)
de
la
passion
en
désir
de
savoir.
Il
s’agit
là
de
deux
tendances
en
conflit
permanent.
Ce
qui
intéresse
Freud
dans
cette
étude,
c’est
d’examiner
le
jeu
même
de
cette
pulsion
d’investigation
dans
l’économie
psychique
su
sujet.
Freud
relie
ce
qu’il
comprend
en
1909
du
caractère
de
Léonard
à
ce
qu’il
a
écrit
en
1905
(Théories
sexuelles
infantiles),
à
propos
de
l’enjeu
des
premières
questions
de
l’enfant
sur
la
sexualité,
de
la
conséquence
des
conditions
d’accueil
parental
de
ces
investigations
primitives
sur
le
désir
de
savoir
(Wissbegierde).
Il
relie
ce
désir
à
sa
forme
la
plus
primitive,
l’avidité
du
nourrisson.
En
formant
ce
néologisme
(Wissbegierde)
Freud
relie
le
désir
et
le
savoir.
L’interdit
et
la
curiosité
Comment
une
pulsion
devient‐elle
prépondérante
sur
les
autres
?
Grâce
à
des
empreintes
(Eindrücken)
de
la
vie
infantile
fortifiées
par
les
forces
pulsionnelles
sexuelles.
Vers
trois
ans,
l’enfant
pose
de
nombreuses
questions
pour
remplacer
une
seule
qu’il
n’ose
pas
poser
:
«
D’où
viennent
les
enfants
?
».
L’enfant
perçoit
bien
l’embarras
des
parents
et
sent
un
interdit
peser
sur
la
réponse.
Il
entre
alors
dans
ce
que
Freud
appelle
la
«
période
d’investigation
sexuelle
infantile
»
et
va
forger
ses
propres
théories.
Le
désir
de
savoir
passe
obligatoirement
par
la
question
des
origines.
Ce
n’est
pas
tant
le
caractère
informatif
des
réponses
parentales
qui
est
important,
que
le
fait
que
les
parents
ne
se
dérobent
pas
aux
questions
de
l’enfant.
Ce
qui
est
signifié
par
l’évitement
parental
de
la
question
sexuelle
posée
par
l’enfant,
c’est
un
interdit
de
penser
(Denkverbot).
Ce
qui
est
signifié
par
les
réponses
parentales
adaptées,
c’est
la
possibilité
de
sublimation
de
la
pulsion
d’emprise
en
désir
de
savoir.
Destins
de
l’investigation.
Après
cette
première
phase
de
développement
du
désir
de
savoir,
l’évolution
de
celui‐ci
va
dépendre
de
la
violente
poussée
de
refoulement
de
la
sexualité
infantile
qui
survient
vers
cinq
ou
six
ans
(entrée
dans
la
latence).
Freud
envisage
trois
possibilités
évolutives
selon
l’intensité
initiale
de
la
mulsion
d’investigation
:
inhibition,
renforcement
compulsif,
sublimation.
•
•
•
Dans
le
premier
cas,
la
pulsion
d’investigation
se
laisse
entraîner
dans
l’inconscient
par
le
mécanisme
de
refoulement
de
la
sexualité.
C’est
l’inhibition
névrotique
au
désir
de
savoir.
Dans
le
deuxième
cas,
la
pulsion
d’investigation
résiste
au
refoulement
;
il
y
a
sexualisation
de
l’acte
de
penser.
C’est
la
rumination
mentale
de
la
névrose
obsessionnelle.
Dans
le
troisième
cas,
une
pulsion
partielle
échappe
au
refoulement
et
vient
renforcer
la
pulsion
d’investigation
(intérêt
pour
tel
secteur
d’investigation).
C’est
l
sublimation
qui
garde
un
caractère
compulsif
et
tend
à
remplacer
l’activité
sexuelle.
C’est
le
cas
de
Léonard.
Le
cas
de
Léonard
•
•
•
•
•
•
Elevé
par
sa
seule
mère
jusqu’à
l’âge
de
5
ans
(défaillance
paternelle)
Objet
d’un
amour
maternel
excessif
(séduction
maternelle)
Maturité
sexuelle
précoce
(intense
activité
d’investigation
sexuelle)
Contournement
du
refoulement
par
la
pulsion
partielle
d’investigation
(sublimation
en
activité
d’investigation
et
en
créativité)
Carence
paternelle
:
déficience
de
la
symbolisation
(épuisement
progressif
de
son
activité
artistique)
Déni
de
reconnaissance
paternelle
(Cf.
le
procès
en
homosexualité),
versant
dépressif
de
Léonard
(amertume,
revendication
en
héritage).
Le
souvenir‐fantasme
du
vautour
:
l’image
de
la
mère
phallique,
caractéristique
de
la
phase
du
développement
psychosexuel
qui
précède
la
reconnaissance
de
la
différence
des
sexes.
Le
sourire
de
Mona
Lisa
:
envoûtement
par
le
mystérieux
sourire
maternel
(séduction
maternelle),
fascination
primitive
par
le
regard
maternel,
expérience
originaire
de
séduction
par
la
mère
à
laquelle
nul
n’échappe.
Léonard
et
la
mère
Prégnance
de
la
relation
archaïque
à
la
mère
(écriture
en
miroir
de
Léonard)
Relation
spéculaire,
narcissique,
en
double
Le
regard
dans
la
clinique
Le
regard
est
le
signe
tangible
de
la
fusion
bienheureuse
avec
le
premier
objet
d’amour.
Il
est
des
cas
de
fétichisme
du
regard
A
rapprocher
de
l’Unheimliche,
l’inquiétante
étrangeté.
La
femme‐mère
dont
le
sourire
énigmatique
et
fascinant
représente
l’intimité
première.
Kurt
Eissler
a
insisté
sur
le
rapport
de
Léonard
à
la
mort
(La
Joconde
:
immortaliser
cette
intimité
première
avec
la
mère)
;
il
voit
un
désir
de
mort
dans
le
désir
nostalgique
de
retour
à
l’origine.
Cette
relation
spéculaire
est
mortifère,
aliénant
le
sujet
dans
l’image
de
son
semblable.
C’est
de
mort
imaginée
qu’il
s’agit
dans
la
relation
narcissique.
Un
désir
insatiable
et
son
interprète.
L’étude
sur
Léonard,
en
cherchant
la
spécificité
du
désir
de
savoir,
découvre
que
chez
tout
à
chacun,
elle
est
désir
de
savoir
sur
le
désir
de
l’autre,
la
mère
en
premier
lieu.
(Cf.
la
censure
de
l’amante).
La
pulsion
qui
se
met
au
service
du
travail
intellectuel
continue
toujours
à
porter
la
marque
du
refoulement,
en
ce
sens
qu’elle
évite
de
se
porter
sur
les
sujets
sexuels
proprement
dits.
Le
désir
de
savoir
comme
transgression
de
ces
limites
que
sont
l’interdit
de
l’inceste
et
la
mort.
III.
Chapitre
II.
Le
désir
et
le
penser
La
représentation
freudienne
de
l’activité
psychique
de
l’homme
se
fonde
sur
la
distinction
de
deux
systèmes
:
• L’appareil
psychique
primaire,
structuré
comme
un
appareil
réflexe,
qui
tire
son
fonctionnement
de
l’acte
de
désirer
(das
Wünschen),
accomplissement
sous
forme
hallucinatoire.
Système
fermé
qui
deviendra
l’inconscient.
• L’appareil
psychique
secondaire,
issu
du
premier
par
un
processus
de
différenciation,
ouvert
au
monde
extérieur
grâce
à
l’apparition
de
l’acte
de
penser
(Das
Denken),
avec
naissance
du
langage
et
de
l’activité
dirigée.
Système
ouvert
qui
deviendra
le
préconscient‐conscient.
L’activité
psychique
primaire.
Le
fonctionnement
de
l’appareil
psychique
primitif
est
entièrement
orienté
vers
la
recherche
de
satisfaction.
L’organisme
humain
primitif
est
initialement
dans
une
impuissance
totale
pour
remédier
à
son
état
de
tension
interne
né
des
besoins.
D’où
l’état
de
détresse
(Hilflosigkeit)
à
la
fois
motrice
et
psychique.
Les
premières
expériences
de
satisfaction,
par
l’apport
de
l’objet,
créent
un
complexe
:
tension,
satisfaction,
trace
mnésique
de
l’objet.
D’où,
ensuite,
réinvestissement
hallucinatoire
de
la
trace.
Le
désir
naît
de
ce
réinvestissement
du
souvenir
de
la
perception
de
l’objet
originairement
satisfaisant.
Pour
Freud,
le
premier
acte
de
désirer
a
dû
être
un
investissement
hallucinatoire
du
souvenir
de
la
satisfaction.
Ainsi
l’appareil
psychique
primitif
est
réglé
par
la
polarité
plaisir‐déplaisir.
Il
est
de
nature
essentiellement
économique.
,
correspond
à
un
système
clos
centré
sur
la
réduction
des
tensions.
Pour
Freud,
cette
représentation
est
une
fiction
car
l’intervention
de
l’autre
(la
mère)
est
décisive
à
l’équilibre.
C’est
dire
que,
par
ses
soins
réguliers,
la
mère
cautionne
régulièrement
l’hallucination
de
l’objet.
Ainsi
se
crée
une
structure
complexe
englobant
les
manifestations
de
l’enfant
et
les
réactions
de
la
mère.
Cette
structure
se
présente
comme
la
matrice
de
toute
communication
ultérieure.
De
la
clôture
à
l’ouverture.
Ce
qui
va
mettre
fin
à
ce
premier
mode
de
fonctionnement
et
le
transformer
en
activité
secondaire,
c’est
une
amère
expérience
de
déception
:
le
manque
d’objet,
l’absence
de
la
satisfaction
attendue.
L’objet
ne
vient
plus
cautionner
l’hallucination.
Le
manque
d’objet
devient
l’épreuve
décisive
:
dès
lors,
l’appareil
psychique
primitif
doit
renoncer
à
la
recherche
de
la
satisfaction
par
voie
hallucinatoire
pour
se
représenter
les
circonstances
réelles
du
monde
extérieur
et
tendre
vers
le
changement
réel.
Ce
détour
par
le
réel
est
l’opération
qui
commande
l’opération
de
jugement,
de
la
pensée
et
du
langage,
comme
de
l’action
motrice.
L’effroi
et
la
manque
d’objet
S’impose
ici
un
rapprochement
avec
un
type
d’expérience
que
Freud
décrit
dans
la
Traumdeutung
:
il
arrive
qu’un
stimulus
soit
accompagné
d’une
excitation
douloureuse.
C’est
l’expérience
d’effroi
d’origine
extérieure
(das
äuserre
Schreckerlebnis).
Si
cette
perception
réapparaît,
il
y
aura
réaction
d’évitement.
Cette
fuite
devant
le
souvenir
de
la
douleur
représente
le
modèle
et
le
premier
exemple
de
refoulement
psychique.
Le
prototype
de
cette
expérience
douloureuse
est
l’absence
de
l’objet,
prolongée
et
irrémédiable.
Ce
terme
de
Schreck
sera
celui
qui
sera
utilisé
par
Freud
pour
désigner
la
névrose
traumatique.
Ces
premières
conditions
de
refoulement
constituent
le
refoulement
originaire
(Urverdrängung).
Et
les
points
de
fixation.
Traces
mnésiques
élémentaires
soustraites
dès
l’origine
à
notre
conscience.
Point
d’attraction
de
toutes
les
représentations
ultérieures
comportant
cette
dimension
de
manque.
Désir
de
la
mère
et
castration.
L’expérience
originaire
d’effroi,
quand
la
mère
décide
de
ne
pas
répondre,
se
révèle
comme
moment
fondateur
équivalent
à
celui
que
représente
son
pendant
:
l’expérience
primaire
de
la
satisfaction.
Le
défaut
de
la
mère
prend
valeur
non
seulement
de
défaillance,
de
manquement,
mais
encore
d’abandon
et
surtout
de
trahison.
Le
mère
comme
sujet
désirant
échappe
à
son
omnipotence.
Une
relation
dialectique
s’établit
se
constituant
comme
un
axe
autour
duquel
se
structurera
le
sujet,
ainsi
que
sa
relation
avec
le
monde
extérieur.
L’enfant
s’identifie
au
phallus
comme
objet
du
désir
de
la
mère.
Le
désir
de
la
mère
est
opposé
à
l’enfant
comme
limite
à
son
propre
plaisir.
Cette
épreuve
recouvre
exactement
l’instauration
du
principe
de
réalité.
Ce
nouveau
mode
de
fonctionnement
est
imposé
à
l’enfant
orque
celui‐ci
est
placé
en
situation
de
refus
(der
Versagung).
Le
refus
de
la
mère
est
l’équivalent
d’une
parole
(la
racine
sagen
qui
signifie
dire,
dans
Versagung,
le
refus),
parole
première
qui
est
un
non
(négation)
par
lequel
elle
opère
une
séparation
radicale.
Le
dire
de
la
mère
fait
implicitement
référence
à
la
présence
du
père,
d’un
tiers
;
elle
a
valeur
de
code
triangulé.
En
introduisant
la
fonction
paternelle
comme
référence
de
son
désir
et
comme
fonction
médiatrice,
la
mère
permet
à
l’expérience
de
manque
d’objet
de
s’inscrire
dans
un
nouveau
contexte
significatif.
Cette
expérience
prend
sens
d’après‐coup
:
ce
qui
était
source
d’effroi,
traumatique,
économique,
se
voir
élaboré
secondairement
comme
porteur
de
sens,
psychique.
La
mère
insémine
le
référent
paternel.
La
pensée
et
le
«
je
»
Le
désir
de
la
mère
s’offre
à
l’enfant
comme
toute
première
réalité
qu’il
se
doit
d’intégrer
par
une
mutation
profonde
de
son
activité
psychique
primitive.
Cette
activité
trouve
son
accomplissement
sous
une
forme
substitutive
:
l’acte
de
penser
(Denkätigkeit).
Toute
cette
activité
de
pensée
qui
va
de
l’image
mnésique
à
l’identité
de
perception
par
les
objets
du
monde
extérieur,
n’est
qu’un
détour
(Umweg)
dans
l’accomplissement
du
désir
rendu
nécessaire
par
l’expérience.
La
pensée
n’est
pas
autre
chose
que
le
substitut
(Ersatz)
du
désir
hallucinatoire.
Il
y
a
médiation
du
désir
originaire
(et
originairement
violent)
par
le
désir
de
l’Autre
(la
mère).
Le
désir
de
la
mère,
en
s’offrant
comme
limite
au
désir
hallucinatoire
de
l’enfant,
pour
le
détourner
de
son
objet,
se
présente
comme
limite
constitutive
du
sujet.
Avec
la
naissance
de
la
pensée
et
du
langage
apparaît
le
«
je
»
comme
sujet
du
discours,
lequel
s’oppose
au
sujet
du
désir,
au
sujet
de
l’inconscient.
C’est
dire
que
l’opération
de
médiatisation
du
désir
de
la
mère
constitue
le
sujet
comme
fondamentalement
clivé.
L’énigme
et
l’originaire
Première
réalité
que
l’enfant
a
à
affronter,
le
désir
de
la
mère
se
présente
pour
lui
comme
première
et
fondamentale
énigme.
Cet
obstacle
se
transforme
en
désir
de
savoir
sur
le
désir
de
la
mère
;
c’est
le
moteur
de
la
nouvelle
activité
psychique.
(NDLR
:
donc,
1ère
étape
:
le
«
non
»,
deuxième
étape,
le
«
pourquoi
?
»)
Cette
curiosité
va
concerner
la
relation
entre
le
père
et
la
mère.
C’est
dire
que
le
désir
de
savoir
est
étroitement
lié
à
la
configuration
œdipienne.
Il
s’agit,
comme
l’énigme
du
sphinx,
d’une
interrogation
sur
la
question
même
des
origines.
Cette
poussée
de
savoir
(Wissendrang)
est
originairement
ciblée
sur
la
scène
primitive.
Le
père
y
est
vécu
comme
agresseur
et
la
mère
comme
victime.
Ainsi
l’enfant
cherche
à
se
convaincre
que
la
mère
ne
saurait
éprouver
de
désir
pour
le
père.
L’enfant
se
trouve
partagé
entre
deux
«
opinions
»
:
admettre
le
désir
de
la
mère,
ou
le
refuser.
Les
théories
sexuelles
infantiles
représentent
la
base
du
premier
conflit
psychique
et
du
clivage
qui
en
découle.
La
scène
primitive
est
le
schème
fondamental
construit
par
l’enfant
en
réponse
à
l’énigme
du
désir
de
la
mère.
Elle
correspond
à
:
• Un
processus
d’élaboration
psychique
qui
est
le
prototype
du
travail
ultérieur
de
la
pensée
• Une
construction
défensive
qui
occulte
le
manque
et
n’est
que
partiellement
vraie,
faisant
rebondir
à
l’infini
le
désir
de
savoir.
IV.
Pulsion
de
mort
et
négation
La
question
de
la
haine
s’est
posée
à
Freud
dès
l’introduction
du
narcissisme
(1914).
Elle
préfigure
le
dualisme
pulsionnel
introduit
en
1920.
L’introduction
de
la
Todestrieb
précise
la
place
de
la
haine
par
rapport
à
la
sexualité.
En
1925,
c’est
dans
l’article
sur
La
Négation
que
Freud
reconnaît
à
la
pulsion
de
mort
un
rôle
fondamental.
La
Négation
:
pulsion
de
mort
et
symbole.
Le
texte
sur
La
Négation
est
une
étude
sur
la
genèse
du
jugement
:
jugement
d’attribution
d’une
part,
jugement
d’existence
d’autre
part.
La
pulsion
de
mort
représente
la
tendance
fondamentale
à
séparer
du
moi
l’objet
lorsqu’il
est
source
d’excitation,
à
l’expulser
au
dehors
et
à
le
fuir.
Le
moi
constitue
ainsi
l’objet.
La
pulsion
de
mort
est
au
principe
même
de
la
constitution
de
l’objet
et
de
l’opposition
moi‐objet.
Cette
action
constructive
est
donc
inhérente
à
sa
fonction
séparatrice.
Freud
situe
l’action
nouvelle
de
la
pulsion
de
mort
sous
la
forme
de
la
création
du
symbole
de
la
négation.
La
négation
est
rattachée
à
l’action
de
la
pulsion
de
mort.
«
L’étude
du
jugement
nous
introduit
pour
la
première
fois
à
la
compréhension
de
la
naissance
d’une
fonction
intellectuelle
à
partir
du
jeu
des
motions
pulsionnelles
primaires.
L’action
de
juger
est
la
suite
du
processus
originaire
du
principe
de
plaisir
:
l’inclusion
dans
le
moi
ou
l’expulsion
hors
du
moi.
Cette
polarité
correspond
aux
deux
groupes
de
pulsion
:
l’affirmation
fait
partie
de
l’Eros,
la
négation
fait
partie
de
Thanatos
»
(Freud,
La
Négation,
1925,
p.
39)
La
fonction
de
la
négation
peut
se
lire
dans
le
mécanisme
courant
de
la
dénégation
dans
le
langage
:
il
s’agit
d’une
levée
du
refoulement
sans
être
une
acceptation
du
refoulé.
Il
y
a
admission
intellectuelle
de
la
représentation
refoulée,
mais
seulement
intellectuelle,
tandis
que
le
refoulement
persiste.
On
voit
dans
le
mécanisme
de
la
dénégation
comment
la
fonction
intellectuelle
se
sépare
du
processus
affectif.
Un
contenu
de
représentation
refoulé
peut
être
admis
sans
qu’il
y
ait
production
de
déplaisir
;
l’essentiel
du
refoulement
est
maintenu.
La
négation
apparaît
alors
comme
un
ressort
indispensable
de
l’activité
de
pensée.
La
création
du
symbole
de
la
négation
est
étroitement
liée
au
passage
du
premier
au
second
système
de
fonctionnement
de
l’appareil
psychique,
c’est‐à‐dire
à
la
mutation
que
subit
le
désirer
lorsqu’il
donne
naissance
au
penser.
Ce
passage
est
lié
à
la
mutation
de
la
pulsion
de
mort
en
symbole
de
négation.
Ces
deux
mutations
coextensives
constituent
le
processus
d’anthropogénéisation.
C’est
dire
que
le
désir
de
l’Autre
s’offre
comme
limite
absolue,
non
seulement
au
désir
originaire,
mais
aussi
à
la
pulsion
de
mort.
Renonçant
à
l’essai
de
satisfaction
par
voie
hallucinatoire,
l’appareil
psychique
doit
se
résoudre
à
se
représenter
l’état
réel
du
monde
extérieur.
Un
nouveau
principe
de
l’activité
psychique
est
instauré
:
ce
qui
est
représenté
n’est
plus
ce
qui
est
agréable,
mais
ce
qui
est
réel.
Avec
cette
instauration
du
principe
de
réalité,
un
pas
décisif
est
franchi.
Donc,
double
mutation
:
• Le
désirer
se
transforme
par
détour
en
acte
de
penser
• La
pulsion
de
mort
se
convertit
en
symbole
de
négation
La
pensée
se
présente
bien
comme
le
témoin
privilégié
de
l’intrication
pulsionnelle
dans
sa
forme
la
plus
achevée.
Dialectique
de
la
séparation.
Ainsi,
la
création
du
symbole
de
la
négation
se
révèle
déterminante
dans
le
processus
de
structuration
de
l’appareil
psychique
puisqu’elle
est
la
condition
préalable,
indispensable
au
déploiement
de
la
pensée.
Elle
se
constitue
à
partir
de
la
pulsion
de
mort
qui
convertit
son
action
première
grâce
à
la
médiatisation
par
le
désir
de
l’Autre.
Avec
le
refus
maternel
d’être
considérée
comme
objet
partiel
primordial,
ce
non
maternel
met
l’enfant
sur
la
voie
de
la
médiatisation,
ce
refus
qui
n’est
pas
une
expulsion
est
une
séparation
structurante.
Exemple
du
travail
du
Fort‐Da
(Au
delà
du
principe
de
plaisir).
L’enfant
répète
sous
forme
de
jeu
une
expérience
pénible,
la
disparition
de
l’objet.
L’enfant
devient
acteur
de
la
pulsion
d’emprise,
d’une
séparation
qui
a
valeur
de
négation.
L’acte
de
penser
résulte
de
la
médiatisation
du
désir
originaire
et
la
négation
de
la
médiatisation
de
la
pulsion
de
mort.
La
pensée
est
suspension
du
désir
originaire,
la
négation
suspension
de
la
pulsion
de
mort.
La
négation
a
pour
fonction
l’acceptation
des
représentations
pénibles
sans
dégagement
de
déplaisir,
ce
qui
suppose
que
soit
partiellement
levée
l’action
expulsive
du
refoulement.
On
voit
ici
comment
la
fonction
intellectuelle
se
sépare
de
du
processus
affectif.
C’est
le
processus
de
sublimation.
La
logique
du
second
système,
celle
du
Préconscient‐Conscient,
est
une
logique
de
contradiction
qui
s’oppose
à
la
logique
binaire
de
l’appareil
primitif.
V. Croire
à
la
réalité
de
la
castration.
À
Noel
1937,
avant
de
partir
pour
Londres,
Freud
écrit
un
article
dense
:
«
Le
clivage
du
moi
dans
les
mécanismes
de
défense
».
Le
danger
de
la
castration
Face
à
une
circonstance
difficile,
le
moi
adopte
une
double
attitude
:
se
soumettre
à
la
réalité
dangereuse,
la
refuser.
Cette
déchirure
grandira
avec
l
temps.
Exemple
du
fétichisme
et
du
complexe
de
castration,
problématique
centrée
sur
la
découverte
de
la
différence
des
sexes,
conjonction
de
la
découverte
perceptive
et
de
la
menace.
Pour
Freud,
en
1937,
l’angoisse
de
castration
devient
le
véritable
moteur
du
refoulement.
Une
angoisse
devant
un
danger
véritablement
imminent
ou
jugé
comme
réel.
Dans
cette
vision,
la
réalité
devient
dangereuse.
Déni
et
croyance.
Le
déni
(Verleugnung)
est
un
mécanisme
de
défense
tourné
vers
la
réalité.
Il
porte
sur
la
perception
de
l’absence
de
pénis
chez
la
femme,
une
absence
interprétée
en
terme
de
castration.
Le
clivage
apparaît
comme
coexistence
de
deux
positions
:
celle
fondée
sur
le
désir
et
celle
fondée
sur
la
réalité.
Cette
menace
a
pour
fonction
de
véhiculer
l’interdit
paternel
concernant
les
vœux
incestueux,
donc
d’être
l’expression
de
la
prohibition
de
l’inceste.
Ainsi
la
perception
ne
prend‐elle
sa
véritable
signification
que
par
effet
d’après‐coup.
Il
y
a
existence
de
deux
précédés
à
la
fois
distincts
et
intriqués
:
un
procès
de
reconnaissance
et
un
procès
de
croyance.
Freud
dit
que
l’enfant
se
met
à
croire
à
la
réalité
du
danger
de
la
castration.
L’intervention
du
déni
permet
à
l’enfant
de
ne
plus
croire
en
la
réalité
du
danger
de
la
castration
et
peut
ne
pas
renoncer
à
ses
vœux
incestueux.
Les
deux
réactions
au
conflit,
réactions
opposées,
se
maintiennent
comme
noyau
d’un
clivage
du
moi.
Donc
plusieurs
temps
logiques
dans
le
comportement
du
moi
face
à
la
découverte
de
la
différence
des
sexes
:
Le
moi
refoule
la
perception
de
l’absence
de
pénis
maternel
Retour
de
ce
refoulé
par
deux
voies
:
névrotique
(phobie,
avec
angoisse
car
le
danger
est
reconnu)
et
perverse
(fétichisme)
avec
levée
partielle
du
refoulement
permettant
l’admission
seulement
intellectuelle
(sans
angoisse)
et
contre‐investissement
(le
fétiche).
La
dénégation
se
présente
sous
forme
de
déclaration
explicite
alors
que
le
déni
correspond
à
un
agir,
la
mise
en
acte
d’une
motion
pulsionnelle
interdite
et
refoulée.
•
•
Acte
de
foi
et
culture.
Le
déni
est
donc
aussi
à
envisager
en
terme
de
croyance.
À
partir
de
la
croyance,
la
foi
est
un
engagement
dans
un
système
symbolique
de
valeurs,
d’interdits
et
de
lois.
Cf
Octave
Mannoni
(Je
sais
bien
mais
quand
même,
1969)
:
«
Le
moment
où
la
croyance,
abandonnant
sa
forme
imaginaire,
se
symbolise
assez
pour
s’ouvrir
sur
la
foi,
c’est‐à‐dire
sur
un
engagement
».
On
trouve
cette
opposition
en
couples
de
contraires
:
•
•
•
•
Le
désirer
et
le
penser
La
pulsion
de
mort
et
la
négation
Le
sensoriel
maternel
et
l’esprit
paternel
La
croyance
et
la
foi
Le
fétichiste
a
une
relation
biaisée
à
la
fonction
paternelle
:
fixation
imaginaire
où
la
croyance
à
l’imago
de
la
mère
phallique
prend
une
valeur
défensive.
Traces
du
culte
sexuel
primitif.
La
perversion
apparaît
comme
une
sorte
de
religion
primitive
avec
ses
rituels,
ses
cérémonials,
voire
même
sa
liturgie
marquée
par
la
fascination.
Le
complexe
de
castration
pose
la
question
de
la
relation
du
moi
à
la
réalité,
mais
il
s’agit
d’une
réalité
culturelle
de
nature
symbolique
;
ordre
des
valeurs,
c’est
l’ordre
du
signifiant.
Pout
tout
humain,
il
résulte
de
sa
rencontre
avec
cet
ordre
symbolique,
posé
comme
réalité
que
le
sujet
est
fondamentalement
et
originairement
clivé.
VI.
La
relation
d’emprise
Freud
la
constitue
comme
la
finalité
d’une
pulsion
spécifique
non
sexuelle,
d’abord
rattachée
à
la
cruauté
infantile,
puis
au
sado‐masochisme,
et
enfin,
à
partir
de
1920,
à
la
pulsion
de
mort.
Au
niveau
relationnel,
cette
Bemächtigung,
relation
d’emprise,
correspond
aux
notions
:
•
•
•
d’appropriation
par
dépossession
de
l’autre
de
domination
de
l’autre.
d’empreinte
gravée
sur
l’autre.
Il
s’agit
toujours
d’une
atteinte
portée
à
l’autre
en
tant
que
sujet
désirant.
Perversion
et
séduction
L’arme
utilisée
est
essentiellement
la
séduction.
Cette
séduction
prend
valeur
de
fascination
et
fait
violence.
Le
pervers
assure
sa
domination
par
la
contrainte.
Il
y
a
une
dimension
destructrice
;
il
s’agit
de
nier
toute
différence.
La
haine
à
l’état
pur.
Les
contes
de
fées
sont
les
romans
érotiques
des
enfants.
Retrouvaille
de
l’unité
primordiale.
La
mort
par
abolition
de
toutes
les
tensions.
Dans
l’histoire
des
pervers,
il
est
un
fait
retrouvé
avec
la
plus
grande
régularité
:
l’existence
de
conduites
séductrices
subies
par
l’enfant
de
la
part
de
la
mère.
La
mère
est
fondamentalement
ambivalente
:
l’emprise
apparaît
comme
la
résultante
d’une
double
tendance,
unificatrice
d’une
part,
destructrice
d’autre
part.
La
découverte
par
Freud
de
la
nature
fantasmatique
des
scènes
traumatisantes
n’a
jamais
annulé
la
portée
d’événements
effectivement
vécus
qui
ne
sont
pas
aussi
rares
qu’on
a
voulu
le
croire.
La
tyrannie
de
l’obsessionnel
L’obsessionnel
exerce
son
emprise
sur
l’autre
dans
le
registre
du
pouvoir
et
dans
l’ordre
du
devoir.
C’est
principalement
à
la
force
qu’il
a
recours
pour
contraindre.
L’autre
doit
agir
comme
il
entend,
lui,
qu’il
fasse
;
il
doit
penser
selon
des
normes
qu’il
lui
impose.
Il
aime
à
s’opposer,
à
contrarier
les
projets
des
autres.
Chaque
fois
qu’il
y
a
rapport
d’autorité,
l’obsessionnel
tentera
de
le
transformer
en
épreuve
de
force.
Sado‐masochisme
et
organisation
obsessionnelle
sont
considérés
comme
allant
de
pair,
pourtant
il
convient
de
les
distinguer.
Dans
la
relation
d’emprise
de
l’obsessionnel,
Éros
et
Thanatos
agissent
séparément
de
façon
désintriquées.
Ces
deux
activités
sont
conjointes
mais
désintriquées.
Il
y
a
demande
paradoxale
d’amour
(unification)
dans
un
contexte
de
destruction.
Comme
s’il
disait
«
Aime‐
moi,
compte
tenu
que
je
fais
tout
pour
ne
pas
être
aimé
et
même
pour
te
détruire
».
L’emprise
de
l’obsessionnel
est
une
emprise
de
et
par
la
mort.
La
relation
de
la
mère
obsessionnelle
avec
son
enfant
est
marquée
par
la
pudeur,
la
retenue,
la
mise
à
distance
sur
le
plan
physique,
et
la
rigueur,
l’austérité,
le
devoir
sur
le
plan
moral.
Le
surgissement
de
l’autre
est
réactivateur
de
l’expérience
originaire
de
détresse.
C’est
la
médiation
par
le
père
qui,
tant
pour
l’objet
obsessionnel
que
pour
le
pervers,
fait
défaut
ou
n’intervient
que
de
manière
imparfaite.
Emprise
et
phénomène
transitionnel.
Winnicott
désigne
l’objet
transitionnel
comme
«
first
not
me
possession
».
Cette
première
«
possession
non‐moi
»
peut
être
parfaitement
différenciée
de
l’objet
interne
de
nature
fantasmatique
(le
sein)
et
de
l’objet
total
externe
(la
mère).
Elle
n’est
réductible
ni
à
l’un
ni
à
l’autre
et
pourtant
participe
de
l’un
et
de
l’autre.
Pour
Winnicott,
c’est
une
défense
contre
l’angoisse
de
type
dépressif.
C’est
une
réaction
de
protection
contre
l’état
de
détresse
lié
au
manque
d’objet
révélé
par
le
désir
de
la
mère.
Le
phénomène
transitionnel
est
un
moment
génétiquement
fondateur,
antérieur
à
l’épreuve
de
réalité.
Dans
le
phénomène
transitionnel
qui
s’établit
avant
l’instauration
de
l’épreuve
de
réalité,
la
possession
concerne
un
objet
protecteur
qui
a
une
fonction
d’occultation,
et
non
pas
la
représentation,
de
métaphorisation
de
l’absence,
comme
c’est
le
cas
dans
le
jeu.
Premier
temps
d’une
série
continue
d’expériences.
On
peut
donc
différencier
le
type
de
relation
d’emprise
:
•
•
Dans
la
problématique
perverse,
l’emprise
se
fait
par
la
ruse
du
désir,
le
pervers
se
présentant
en
position
de
savoir,
savoir
sur
ce
qu’il
en
est
du
désir
de
l’autre,
ce
qui
rend
possible
sa
captation.
Dans
le
problématique
obsessionnelle,
l’emprise
se
fait
par
la
force,
c’est
une
emprise
destructrice,
l’obsessionnel
se
présentant
en
position
de
pouvoir
sur
l’autre.
Mais
le
but
pulsionnel
est
le
même
:
le
retour
à
la
stabilité
organique.
Le
jeu
réciproque
des
pulsions
de
vie
et
de
mort
y
est
comparable
:
c’est
celui
qui
caractérise
le
fonctionnement
psychique
maternel
repris
en
compte
par
l’enfant.
La
relation
d’emprise
est
interprétée
comme
formation
défensive
spécifique
dans
laquelle
l’objet
a
pour
fonction
d’occulter
le
manque,
c’est‐à‐dire
d’occulter
toute
différence.
Un
des
exemples
utilisés
par
Freud
pour
illustrer
ce
processus
de
maîtrise
concerne
l’activité
ludique
de
l’enfant.
Il
ne
s’agit
plus
de
l’édification
d’une
formation
défensive
pour
colmater
le
manque
en
s’assurant
une
emprise
absolue
sur
un
objet
substitutif,
mais
bien
d’un
véritable
travail
psychique
d’élaboration
intérieure
d’une
expérience
vécue
angoissante
dans
laquelle
l’objet
lui‐même
est
tout
à
fait
secondaire.
Alors
que
l’emprise
nous
est
apparue
comme
une
production
défensive
et
régressive
fondée
sur
le
déni
de
cette
réalité
spécifique
qu’est
le
manque
d’objet,
la
maîtrise
se
présente
au
contraire
comme
fondée
sur
la
reconnaissance
et
l’acceptation
de
ce
manque.
Il
s’agit‐là
d’un
couple
d’opposition
emprise‐maîtrise.
Pourtant
Freud
utilise
les
deux
termes
de
façon
équivalente.
Dans
la
Disposition
à
la
névrose
obsessionnelle,
Freud
dit
que
la
pulsion
de
savoir
n’est
qu’un
rejeton
sublimé,
intellectualisé,
de
la
pulsion
d’emprise
(Névrose,
psychose
et
perversion,
p.
196).
L’emprise
tend
aussi
bien
à
traduire
l’action
unificatrice
de
la
pulsion
de
vie
que
l’action
destructrice
de
la
pulsion
de
mort.
Mais
la
désintrication
domine
sur
l’intrication.
L’emprise
apparaît
comme
l’exact
contraire
du
renoncement.
On
peut
dire
que
la
relation
d’emprise
apparaît
chaque
fois
que
la
maîtrise
se
révèle
impossible.
VII.
Le
contraire
de
savoir
dans
la
problématique
obsessionnelle.
Cliniquement,
contrairement
à
ce
que
pensait
Freud,
la
névrose
obsessionnelle
n’est
pas
une
indication
facile
d’analyse.
Dans
les
cas
graves,
le
problème
d’une
structure
psychotique
sous‐jacente
se
pose
(Cf.
K.
Abraham,
M.
Klein,
Bouvet).
Un
penser
obsédant.
La
névrose
obsessionnelle
est
caractérisée
avant
tout
par
un
conflit
d’ambivalence,
entre
l’amour
et
la
haine.
Cette
constellation
étrange
de
la
vie
amoureuse
est
conditionnée
par
une
séparation
précoce
des
deux
tendances
antagonistes,
à
l’âge
préhistorique
de
l’enfance,
avec
le
refoulement
de
l’une
d’entre
elles,
habituellement
la
haine.
«
Le
doute
correspond
à
la
perception
interne
de
l’indécision
qui
s’empare
du
patient
à
chaque
intention
d’agir,
par
suite
de
l’inhibition
de
l’amour
par
la
haine
».
(Freud,
L’Homme
aux
rats,
p.
256).
Zwang
neurose
:
névrose
de
contrainte.
La
contrainte
intérieure
est
la
caractéristique
de
cette
organisation
;
contrainte
à
penser
:
ce
sont
les
obsessions,
contrainte
à
agir
:
ce
sont
les
compulsions.
Freud
remarque
que
dans
l’histoire
infantile
des
obsessionnels
un
événement
se
retrouve
:
l’apparition
précoce
et
le
refoulement
prématuré
de
la
pulsion
sexuelle
de
voir
et
de
savoir.
Il
y
a
régression
topique
de
l’agir
au
penser.
Il
y
a
fixation
au
stade
sadique‐anal.
C’est
plus
en
rapport
avec
une
modalité
particulière
de
la
relation
mère‐enfant
précoce
que,
comme
le
pensait
Freud
à
l’époque,
un
refoulement
de
la
haine
à
l’égard
du
père.
La
naissance
de
la
curiosité
infantile
et
son
refoulement
ultérieur
dépendent
de
la
relation
précoce
à
la
mère,
ce
qui
détermine
:
•
•
•
Soit
l’inhibition
intellectuelle
Soit
la
sublimation
Soit
l’organisation
d’une
problématique
obsessionnelle
Une
mère
paradoxale.
Il
s’agit
d’une
relation
maternelle
étroite,
intime,
mais
comme
désincarnée.
La
position
maternelle,
en
vérité,
est
double
et
contradictoire.
La
mère
investit
libidinalement
son
enfant,
mais
refuse
de
prendre
en
compte
tout
attachement
libidinal
de
la
part
de
celui‐ci.
Ceci
évoque
la
«
double
contrainte
»
des
familles
à
fonctionnement
psychotique.
Dans
le
type
de
famille
engendrant
un
obsessionnel,
la
mère
fait
la
loi
du
père.
Le
désir
de
savoir
concernant
le
désir
de
la
mère
devient
insoluble
et,
répétitivement,
la
pulsion
de
savoir
va
exercer
sa
poussée
jusqu’à
en
devenir
obsédante.
Le
mécanisme
d’isolation
s’y
rencontre
souvent
:
il
correspond
à
la
séparation
de
l’affect
et
de
la
représentation,
résultat
comparable
à
celui
de
la
dénégation.
La
rumination
compulsive
est
sous‐tendue
par
la
mécanisme
de
sexualisation
du
penser
qui
fait
que
l’investigation
intellectuelle
devient
une
activité
sexuelle
à
part
entière,
parfois
exclusive.
La
récusation
du
désir
de
savoir.
La
carapace
caractérielle
de
l’obsessionnel
correspond
à
la
lutte
contre
les
pulsions
libidinales
agressives,
mais
aussi
contre
le
désir
de
savoir.
Comme
si
l’obsessionnel
mettait
tout
en
œuvre
pour
ne
pas
savoir.
Ainsi
le
désir
de
savoir
sur
le
désir
de
la
mère
est
le
moteur
principal
de
la
névrose
obsessionnelle.
L’obsessionnel
et
le
désir
de
l’autre.
L’obsessionnel
manifeste,
dans
tous
les
secteurs
de
ses
activités,
une
agressivité,
une
destructivité,
un
désir
de
mort.
La
haine
est
la
tendance
fondamentale
à
l’annihilation
du
désir
de
l’autre.
A
la
puberté,
moment
décisif
dans
la
genèse
de
la
névrose
obsessionnelle,
la
lutte
contre
la
sexualité
se
poursuit
désormais
sous
la
bannière
de
la
moralité.
L’obsessionnel
oscille
en
permanence
entre
deux
positions
opposées
et
complémentaires
:
détruire
le
désir
de
l’autre,
craindre
la
vengeance
de
l’autre.
Rien
ne
le
pousse
au
changement.
VIII.
Les
fantasmes
de
fustigation
ou
l’amour
au
travers
de
la
haine.
La
haine
est
un
facteur
de
différenciation.
Elle
précède
l’amour.
Il
n’y
a
amour
que
parce
qu’il
y
a
eu
haine
à
l’origine
:
les
deux
tendances
sont
unies
par
un
lien
dialectique.
Un
enfant
est
battu.
Ce
fantasme,
quand
il
est
rencontré
en
clinique,
est
toujours
en
rapport
avec
une
organisation
obsessionnelle.
Freud
le
voit
comme
un
résidu
du
complexe
d’œdipe
:
il
correspond,
chez
le
garçon
comme
chez
la
fille,
à
une
fixation
incestueuse
au
père.
Cet
article
correspondait
pour
Freud
à
une
contribution
à
la
connaissance
de
la
genèse
des
perversions
sexuelles.
Avec
le
fantasme
de
fustigation,
Freud
démontre
que
la
perversion
n’échappe
pas
à
la
dialectique
œdipienne.
Être
battu
par
le
père
s’apparente
au
désir
d’avoir
des
rapports
sexuels
passifs
avec
lui.
Freud
voit
là
le
sens
caché
du
besoin
inconscient
de
punition.
L’envie
du
pénis
est
la
pierre
angulaire
de
cette
construction.
Ce
fantasme
se
présenterait
comme
une
formation
déniant
l’absence
de
pénis.
Ainsi,
la
signification
masturbatoire
du
fantasme
s’applique‐t‐elle
d’abord
à
la
fille,
mais
plus
fondamentalement
encore
à
la
mère
:
le
clitoris
battu‐caressé
est
le
clitoris
maternel.
Sa
signification
la
plus
précoce
est
liée
à
l’identification
de
l’enfant
au
phallus
maternel.
La
haine
et
l’objet
maternel
Le
sens
originaire
de
haïr
pourrait
être
rendu
en
termes
de
force
centrifuge,
celui
d’aimer
de
force
centripète.
C’est
donc
l’objet
qui
est
au
principe
de
la
haine
:
les
prototypes
véritables
de
la
relation
de
haine
ne
proviennent
pas
de
la
vie
sexuelle
mais
de
la
lute
du
moi
pour
sa
conservation
et
son
affirmation.
La
haine
provient
de
la
frustration.
La
première
expérience
de
haine
peut
être
située
en
ce
temps
logique
dit
du
refus
maternel.
La
mère
de
l’obsessionnel
serait
une
mère
haineuse
qui
répond
à
la
haine
par
la
haine.
Désirer
la
haine.
Pour
Freud,
le
fantasme
de
fustigation
comporte
aussi
un
problème
de
rivalité
:
la
survenue
d’un
rival
au
cours
des
premières
années
de
vie
détermine
chez
l’enfant
un
sentiment
de
dépossession
d’une
très
grande
intensité,
un
puissant
sentiment
de
jalousie.
La
rivalité
se
joue
électivement
par
rapport
à
la
mère
et
il
y
a
souffrance
morale
car
l’enfant
est
convaincu
d’être
négligé
par
elle
au
profit
de
l’autre.
Derrière
la
fixation
incestueuse
au
père,
nous
découvrons
en
effet
toujours
la
très
grande
prégnance
de
la
relation
pré‐œdipienne
à
la
mère.
L’enfant
est
dans
l’incapacité
d’assumer
la
haine
précoce
qu’il
porte
à
sa
mère,
d’om
un
intense
sentiment
de
culpabilité.
Soumission
incestueuse.
Dans
le
fantasme
de
fustigation,
l’homme
se
trouve
en
position
féminine
(passive,
dimension
d’homosexualité
latente).
Dans
le
fantasme
«
être
battu
par
la
mère
»,
l’homme
évite
l’homosexualité
en
inversant
le
sexe
du
batteur.
La
dimension
masochique
Le
fantasme
de
fustigation
se
situe
au
point
d’articulation
des
problématiques
obsessionnelles
et
perverses.
Par
le
fait
d’être
battu,
le
sujet
retrouve
l’omnipotence
infantile
:
il
est
le
phallus
triomphant
de
la
mère
et
sa
jouissance
est
participation
à
la
jouissance
maternelle.
Ce
que
le
masochiste
recherche,
au
travers
des
rituels
les
plus
variés,
c’est
d’être
un
objet
entièrement
et
inconditionnellement
soumis
au
désir
de
l’autre.
L’effet
comique
du
clown,
par
exemple,
dépend
d’un
renversement
du
ridicule
lié
à
la
détresse
infantile
réactualisée
sous
forme
de
caricature.
Le
fantasme
de
fustigation
se
situe
au
point
d’articulation
de
la
perversion
et
de
la
névrose
obsessionnelle.
On
peut
se
demander
si
le
fantasme
de
fustigation
n’est
pas
purement
et
simplement
un
avatar
du
fantasme
originaire
de
séduction,
qui
vise
à
l’unification
sujet‐objet.
IX.
Conclusion.
Le
désir
de
l’analyste
comme
énigme.
La
pathologie
a
changé
L’analyse
et
ses
règles.
Etats‐limites,
problématiques
psychosomatiques
:
il
faut
savoir
aménager
la
cure,
voire
proposer
de
nouveaux
modèles
théoriques.
La
règle
:
le
patient
est
invité
à
dire
tout
ce
qui
surgit
en
lui.
L’analyste
se
campe
dans
un
triple
refus
:
agir,
diriger
le
patient,
répondre
aux
demandes.
La
situation
est
essentiellement
asymétrique.
Le
désir
de
l’analyste.
L’enjeu
de
l’analyse
est
de
réactualiser
un
passé
oublié.
Le
désir
de
l’analyste
est
le
moteur
du
processus.
Il
s’agit
pour
lui
de
maintenir
au
niveau
le
plus
élevé
cette
valeur
d’appel,
ce
mouvement
d’interrogation
qu’une
réponse
trop
prompte
risque
de
désamorcer.
De
par
son
retrait,
son
silence,
le
psychanalyste
est
investi
d’une
toute‐puissance,
objet
d’une
idéalisation.
Le
patient
tente
de
parvenir
à
une
identification
massive
à
la
personne
même
de
son
analyste.
L’énigme
que
constitue
le
désir
de
l’analyste
entraine
la
réactivation
de
la
situation
originaire
d’angoisse.
Cette
construction
n’est
autre
que
la
scène
originaire,
schème
fondamental
s’imposant
comme
organisateur
privilégié
de
la
situation
analytique.
Toute
cure
analytique
est
structurée
par
la
problématique
œdipienne.
La
névrose
de
transfert
correspond
à
la
présentification,
dans
ce
cadre,
du
drame
originaire
constitutif
du
sujet.
Marquée
par
la
compulsion
de
répétition,
la
névrose
de
transfert
se
présente
d’abord
comme
résistance,
obstacle
majeur
à
la
remémoration
du
matériel
refoulé.
Interprétation
et
construction.
Tout
se
passe
comme
si
le
désir
de
l’analyste
qui
soutient
sa
construction
agissait
là
en
tant
que
facteur
de
médiatisation
du
désir
inconscient
du
sujet
analysé,
qui
se
transforme
alors
en
désir
de
savoir.
Le
mythe
a
pour
fonction
essentielle
de
traiter
des
origines.
La
véritable
scène
primitive
est
une
scène
mythique.
«
Il
n’y
a
pas
de
création,
même
scientifique,
sans
germination
poétique
».
(St
John
Perse,
Œuvres
complètes,
La
Pleïade,
p.
577).
Il
y
a
une
recherche
purement
esthétique.
La
tâche
de
l’analyste
est
de
mettre
en
paroles
l’informulé
du
fantasme
inconscient
originaire.
L’activité
de
l’analyste
est,
à
proprement
parler,
activité
créatrice
;
créatrice
d’une
histoire
non‐événementielle,
édification
d’une
structure
mythique
qui,
dans
le
mouvement
de
son
élaboration
fait
advenir
le
sujet
comme
autre
lui‐même.
Il
y
a
interaction
de
deux
désirs
éprouvant
leur
irréductible
altérité
tout
en
découvrant
leur
profonde
parenté.
Il
s’agit
de
faire
parler
le
sujet
du
désir,
le
sujet
de
l’énonciation.
°°°