Découvrir / décrire / nommer une nouvelle espèce animale

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Découvrir / décrire / nommer une nouvelle espèce animale
Découvrir / décrire / nommer une nouvelle espèce animale
Pour tout un chacun, les espèces désignent tous les organismes que nous pouvons
observer dans la nature. Pour les scientifiques, la définition de l’espèce est plus précise : il
s’agit d’un ensemble d’individus qui peuvent se reproduire entre eux (l’interfécondité). Nous,
nous connaissons ces espèces à travers leurs noms communs (vernaculaires) tels que le
chien, le chat, le cheval, le moineau etc alors que les scientifiques les reconnaissent par un
nom en latin. Saviez-vous par exemple que le nom scientifique du chat domestique est Felis
silvestris catus ?
Voir : “La notion d’espèce” (Fiche pédagogique - plateforme pédagogique du Muséum
national d’Histoire naturelle) http://edu.mnhn.fr/mod/page/view.php?id=286
À l’heure actuelle, les scientifiques découvrent encore de nombreuses nouvelles espèces,
notamment chez les insectes, qui sont très nombreux sur Terre. Comment découvrent-ils
ces espèces ? Comment vont-ils les observer et les décrire ? Comment vont-ils choisir leurs
noms scientifiques ?
DÉCOUVRIR UNE NOUVELLE ESPÈCE
Chaque année, les scientifiques découvrent environ 16 000 à 18 000 espèces nouvelles. Il
faut beaucoup d’expérience et de connaissances pour reconnaître une espèce nouvelle,
seuls les spécialistes le peuvent. Or ils ne sont pas très nombreux dans le monde. C’est
pourquoi, parfois 50 ans peuvent s’écouler entre la découverte et la certitude qu’il s’agit
d’une nouvelle espèce. De plus, les espèces reconnues comme nouvelles par la
communauté internationale sont souvent connues depuis plus ou moins longtemps pas les
populations autochtones.
La découverte d’espèces s’effectue lors d’expéditions scientifiques programmées, partout
dans le monde. Sur le terrain, les chercheurs peuvent découvrir de nouveaux animaux qui
ne ressemblent à rien de déjà vu, ils pensent alors avoir découvert une nouvelle espèce.
Mais ceci est rare. Bien souvent, c'est en revenant au laboratoire, et en voulant ranger et
classer les nouveaux spécimens trouvés, qu'ils se rendent compte qu'un spécimen est très
différent de ceux déjà présents. C’est l’étude des caractères morphologiques
(essentiellement les organes génitaux) qui certifie la découverte car dans la pratique il est
difficile de vérifier le critère d'interfécondité.
Les scientifiques qualifient les spécimens qu’ils étudient de “matériel d’étude” même s’il
s’agit d’animaux.
Voir les vidéos et enregistrements suivants :
Interview de Jérôme Barbut, chercheur au MNHN
“Découvrir une nouvelle espèce”
https://www.canal-u.tv/video/decouvrir_une_nouvelle_esp%C3%A8ce.19375
Enregistrements de Philippe Bouchet, chercheur au MNHN :
“On arrête pas de découvrir des espèces nouvelles”
http://edu.mnhn.fr/mod/resource/view.php?id=4940
‘Où découvrir des nouvelles espèces “
http://edu.mnhn.fr/mod/resource/view.php?id=4941
“Etat des lieux de la description (l’inventaire) des espèces”
http://edu.mnhn.fr/mod/resource/view.php?id=4937
De nouvelles espèces peuvent également être découvertes en réétudiant des espèces déjà
connues des chercheurs, grâce à de nouvelles techniques scientifiques. Par exemple, en
examinant leur ADN. Ces analyses permettent d’avoir des connaissances plus précises sur
chaque spécimen. Elles complètent ce que le chercheur ne peut pas voir à l’oeil nu.
Certaines découvertes sont étonnantes !
“Chat-ours ou arbre-dragon, les 10 espèces les plus étonnantes découvertes”,
Le Monde, le 22/05/2014
http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/05/22/les-dix-nouvelles-especes-decouvertes-en2013_4423449_3244.html
Voici un aperçu de certaines nouvelles espèces découvertes en 2015 :
“Les plus belles espèces découvertes en 2015”,
Sciences et Avenir Animaux, le 31/12/2015
http://www.sciencesetavenir.fr/galeries-photos/animaux/biodiversite/20150519.OBS9142/les12-plus-belles-especes-decouvertes-en-2015.html
DÉCRIRE UNE NOUVELLE ESPÈCE
Laurent Charles photographiant les animaux de petites tailles
© MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Afin de divulguer la découverte de la nouvelle espèce, le scientifique doit la décrire par écrit.
Pour cela il doit suivre les règles du Code International de Nomenclature Zoologique (dont la
4e édition est datée de 1999) adopté par la Commission Internationale de Nomenclature
Zoologique.
Pour le consulter : (Commission nationale de nomenclature zoologique)
http://www.iczn.org/iczn/index.jsp (en anglais)
http://iczn.org/sites/iczn.org/files/Code%20International%20de%20Nomenclature%20Zoologi
que.pdf (en français)
(Pour les végétaux, les règles se trouvent dans le Code international de nomenclature pour
les algues, les champignons et les plantes)
La description (appelée diagnose), écrite en latin ou en anglais, doit être précise et
minutieuse, un peu comme un portrait-robot. Le scientifique analyse les caractères
morphologiques et toutes les données dont il dispose, notamment des données
moléculaires. Cette partie écrite doit être accompagnée d’illustrations scientifiques et/ou de
photos. L’objectif est de mettre en avant les éléments de comparaison qui permettent de
faire la différence entre cette espèce et les espèces proches. Il doit prouver qu’il s’agit d’une
nouvelle espèce.
Le spécimen qui sert à la description de la nouvelle espèce devient un spécimen de
référence (ou spécimen type ou holotype) pour les chercheurs du monde entier. Il est
conservé avec beaucoup de précautions dans une institution scientifique et peut être étudiée
par tous les chercheurs qui le souhaitent. C'est un peu le modèle pour reconnaître/identifier
la nouvelle espèce
Voir la vidéo suivante :
Interview de Jérôme Barbut, chercheur au MNHN
“Décrire une nouvelle espèce”
https://www.canal-u.tv/video/mnhn/decrire_une_nouvelle_espce.19374
NOMMER UNE NOUVELLE ESPECE
© MNHN - Thierry Magniez
Au moment de la description de la nouvelle espèce, le chercheur va lui donner un nom, un
peu comme on donne un prénom à un nouveau membre d’une famille. Ce nom correspond
à un groupe d’animaux précis, il n’est pas donné par hasard. Il suit les règles du Code
International de Nomenclature Zoologique.
Les règles à respecter :
Avant de choisir un nom, le Code conseille de consulter certaines bases de données pour
vérifier qu’il n’est pas utilisé pour d’autres genres (notamment pour une plante). Par
exemple, pour les araignées, il existe un catalogue mondial consultable en ligne.
Voir : World Spider Catalog (version 17.0)
http://www.wsc.nmbe.ch/
Il est possible de réutiliser un nom d’un autre genre mais cela est déconseillé car source de
confusions. Les noms disponibles figurent sur la List of Available Names in Zoology éditée
par la Commission internationale de nomenclature zoologique.
Le nom donné doit :
-
-
utiliser uniquement les lettres de l’alphabet (les signes, apostrophes, nombres, traits
d’union ne sont pas autorisés)
être en latin ou être un mot dérivé du latin, du grec ou de toute autre langue, du
moment que le mot est latinisé (il doit avoir des caractéristiques latines, par exemple
la terminaison)
être lisible (pas trop compliqué)
Il se présente sous la forme d’une combinaison de deux mots en italique (le binom). On
parle de nomenclature binominale (binomiale ou linnéenne du nom de son inventeur Carl
von Linné). Le premier (le nom générique) commence par une majuscule. Il s’agit du genre.
Le second (l’épithète spécifique) commence par une minuscule. Ces deux mots sont suivis
du nom du premier scientifique à avoir décrit l’espèce et de l’année de description. C’est
comme si les animaux possédaient un nom de famille et un prénom.
Par exemple, les êtres humains appartiennent au genre Homo et à l’espèce Homo sapiens.
Ils ont été décrits et nommés la première fois par le grand scientifique Carl von Linné en
1758. Cela donne le nom d’espèce suivant : Homo sapiens Linné, 1758.
Il existe également des noms scientifiques de sous-espèces. Dans ce cas, le nom prend la
forme d’un trinom c’est-à-dire d’un binom suivi d’une épithète subspécifique. Pour reprendre
notre exemple, Felis silvestris catus est une sous-espèce de chat.
Le choix du nom :
Du moment que ces obligations sont remplies, le choix du nom est assez libre. Il peut faire
référence à des caractères morphologiques, au pays de découverte de l’espèce ou encore
être dédié à une personne en lien avec le contexte de découverte.
Certains noms sont même humoristiques !
Voir : “Espèces de noms, noms d’espèces”,
[Lab]map Gabrielle Zimmermann, le 22/01/2016
https://labmap.wordpress.com/2016/01/22/especes-de-noms-noms-despeces/
Les particularités en fonction des espèces :
Toutes les espèces obéissent aux mêmes règles. Néanmoins, les caractéristiques
morphologiques de chaque espèce peuvent être utilisées pour choisir un nom. Par exemple,
le nom d’une araignée pourra utiliser un terme latinisé qui caractérise la particularité de ses
pattes. Ce ne sera pas le cas pour un mollusque qui n’a pas de pattes. Ou alors, le nom d’un
oiseau pourra utiliser un terme latinisé qui caractérise la particularité de ses serres. Ce ne
sera pas le cas d’un poisson qui n’a pas de serres.
Pour aller plus loin (la classification des espèces)
Les espèces sont classées les unes par rapport aux autres. On appelle cela la
systématique. Plusieurs systèmes de classification ont été utilisés et dès les années 1950,
a été mis au point la classification phylogénétique (ou cladistique) qui prend en compte
l’évolution des espèces et leur degré de parenté entre elles. La classification prend la forme
d’un arbre phylogénétique.
Les espèces possédant une parenté commune relèvent du même taxon. Il existe plusieurs
degrés de parenté. L’espèce est le rang de base de la classification du monde vivant.
Viennent ensuite le genre, la famille, l’ordre, la classe, l’embranchement, le règne et le
domaine.
Voir : “Rappel sur les conventions taxinomiques” (Fiche pédagogique - plateforme
pédagogique du MNHN)
http://edu.mnhn.fr/mod/page/view.php?id=366#B
Il ne faut pas confondre la systématique et la taxonomie. La systématique permet de
classer les taxons, tandis que la taxonomie est la science qui a pour objectif de décrire,
identifier, regrouper et nommer les taxons.
La publication de la description et du nom :
La description et la dénomination sont ensuite publiées dans des revues scientifiques, soit
sur support papier, soit en ligne.
La publication valide le nom scientifique, à sa date, lorsqu’elle a pour but de constituer une
référence scientifique publique et permanente et que le nom respecte les obligations du
Code.
S’il y a synonymie (plusieurs noms scientifiques similaires ont été utilisés pour différents
taxons), c’est la publication la plus ancienne qui l’emporte.
=> Le spécimen devient alors le référent unique au monde pour l’application du nom de
l’espèce.
En conclusion
Deux chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle (une spécialiste des araignées et
un spécialiste des mollusques) résument ces différents points au cours d’une interview.
https://www.canalu.tv/video/mnhn/decouvrir_decrire_et_nommer_une_nouvelle_espece_animale.23086
https://www.canalu.tv/video/mnhn/decouvrir_decrire_et_nommer_une_nouvelle_espece_animale.23088
Pour aller plus loin (la conservation des types)
Les spécimens types sont conservés soigneusement dans les collections de muséums
d’Histoire naturelle ou d’universités. Ils portent une étiquette rouge qui permet de les
distinguer des autres spécimens. Certains muséums, tel que Muséum national d’Histoire
naturelle (MNHN), possèdent des typothèques, c’est-à-dire des locaux qui abritent des
collections faites uniquement de types. C’est le cas pour les fossiles. Ils y sont rangés en
sûreté et lorsque l’on sait que les collections de Paléontologie du MNHN comptent entre
cinq et six millions de spécimens, cela permet de les retrouver plus facilement. En effet,
ils doivent être disponibles pour tout chercheur qui souhaite les étudier puisqu’ils vont
servir de point de comparaison. Grâce à ces types, les chercheurs déterminent si leur
découverte constitue une nouvelle espèce.