les items de - La Revue du Praticien

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les items de - La Revue du Praticien
LES ITEMS DE
SEPTEMBRE 2016 _ TOME 66 _ NUMÉRO 7
W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R
ITEM 61
ITEM 289
ITEM 249
ITEM 34
ITEM 93
ITEM 117
Trouble
schizophrénique
Diagnostic
des cancers
Amaigrissement
Anomalies
du cycle
menstruel
Radiculalgie
et syndrome
canalaire
Handicap
psychique
ITEM 198
Biothérapies et
thérapies ciblées
Supplément au tome 66 - numéro 7 de la revue principale • Ne peut être vendu séparément
Les items de
larevuedupraticien
VOL. 66 n SEPTEMBRE 2016
Items
61
289
249
198
34
93
117
314, Bureaux de la Colline,
92213 Saint-Cloud Cedex
Tél. : 01 55 62 68 00 Fax : 01 55 62 68 12
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www.larevuedupraticien.fr
DIRECTION GÉNÉRALE-DIRECTION DES PUBLICATIONS
Alain Trébucq (6903) [email protected]
DIRECTION DES RÉDACTIONS MÉDICALES
RÉDACTEUR EN CHEF
Jean Deleuze
RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
Marie-Aude Dupuy
SECRÉTARIAT DE LA RÉDACTION
Patricia Fabre
COMITÉ DE LECTURE ET DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE
Jean-Noël Fiessinger, Jean-Michel Chabot, Jean-François
Cordier, Richard Delarue, Jean Deleuze, Olivier Fain, Bernard
Gavid, Alexandre Pariente, Alain Tenaillon
A COLLABORÉ À CE NUMÉRO
Hélène Esvant
RELECTEURS ET CONSEILLERS SCIENTIFIQUES 2015-2016
P. Astagneau, E. Baron, A. Benachi, J.-F. Bergmann,
C. Bergoignan-Esper, P. Bey, O. Bouchaud, B. Cariou,
T. Carmoi, B. Chevallier, P. Couratier, B. Crestani, N. Danchin,
Y. Dauvilliers, J.-C. Delchier, J.-R. Delpero,
F. Desgrandchamps, I. Durrieu, J.-P. Fermand, C. Glorion,
P. Gorwood, O. Gout, C. Gras-Le Guen, P. Guggenbuhl,
A. Hartemann, S. Hercberg, D. Houssin, X. Jouven,
V. Leblond, Y. Lachkar, C. Lepage, O. Lortholary, J.-L. Mas,
G. Meyer, V. Navarro, J.-F. Nicolas, V. de Parades, P. Parize,
É. Pautas, P.-F. Plouin, G. de Pouvourville, S. QuintonFanconi, G. Rajzbaum, B. Riou, J. Sahel, M. Tauber,
P. Tattevin, É. Thervet, C. Tourette-Turgis, F. Zinzindohoué
COMITÉ D’HONNEUR
Sommaire
Trouble schizophrénique de l’adolescent
et de l’adulte
David Misdrahi, Guillaume Fond, Pierre-Michel Llorca
DIRECTRICE ARTISTIQUE
Item 289 • e291-297
Cristina Hoareau
RÉDACTEURS-RÉVISEURS
Virginie Laforest, Jehanne Joly
ITEM 289
ITEM 249
ITEM 34
ITEM 93
ITEM 117
Trouble
schizophrénique
Diagnostic
des cancers
Amaigrissement
Anomalies
du cycle
menstruel
Radiculalgie
et syndrome
canalaire
Handicap
psychique
ITEM 198
Biothérapies et
thérapies ciblées
Supplément au tome 66 - numéro 7 de la revue principale • Ne peut être vendu séparément
© PHANIE
Schizophrenic disorder in adolescents
and adults
› FOCUS 61 • e290
Prendre en charge la schizophrénie
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R
ITEM 61
David Misdrahi, Guillaume Fond, Pierre-Michel Llorca
RÉDACTION EN CHEF TECHNIQUE
Cécile Formel
SEPTEMBRE 2016 _ TOME 66 _ NUMÉRO 7
Item 61 • e283-289
Claude-François Degos, Dominique Laplane
Chantal Trévoux (6806) [email protected]
LES ITEMS DE
Management of schizophrenia
Diagnostic des cancers. Signes d'appel et investigations
Diagnosis of cancer. Warning signs and paraclinical
paracliniques ; caractérisation du stade ; pronostic
Benoîte Mery, Guillaume Moriceau, Romain Rivoirard, Olivier Collard
investigations; characterization of the stadium; prognosis
› FOCUS 289 • e298
Les métastases des cancers
larevuedupraticien®
Benoîte Mery, Guillaume Moriceau, Romain Rivoirard, Olivier Collard
est une publication de GLOBAL MÉDIA SANTÉ SAS
Principal actionnaire : ATMED SAS
www.globalmediasante.fr
Item 249 • e299-304
Amaigrissement à tous les âges
Cancer metastasis
Weight loss at all ages
Anne-Laure Fauchais, Anne Cypierre
Capital de 4 289 852 e
Durée de 99 ans à compter du 30.03.99
N° de commission paritaire : 0220 W 90254
Impression RAS
Villiers-le-Bel (95400)
Item 198 • e305-309
Biothérapies et thérapies ciblées
Targeted and biological therapies
Arsène Mekinian, Olivier Fain
Item 34 • e311-319
Anomalies du cycle menstruel. Métrorragies
Menstrual abnormalities. Metrorrhagias
Sandra Curinier, Michel Canis
Item 93 • e321-325
Radiculalgie et syndrome canalaire
Nerve root pain and tunnel syndrome
Emmanuelle Dernis, Frédéric Medina
› FOCUS 93 • e321-325
Les signes d’alerte d’une lomboradiculalgie
Warning signs in in nerve root pain
Emmanuelle Dernis, Frédéric Medina
Item 117 • e327-330
La revue adhère à la charte de formation médicale
continue par l’écrit du Syndicat de la presse et de l’édition
des professions de santé (SPEPS) et en respecte les règles.
(Charte disponible sur demande).
Reproduction interdite de tous les articles sauf accord avec
la direction.
Les liens d’intérêts des membres du Comité
de lecture et de rédaction scientifique sont
consultables sur www.larevuedupraticien.fr
(Qui sommes-nous ?).
Le handicap psychique
Psychic disability
Clélia Quilès, Christophe Lançon
› FOCUS 117 • e331
La remédiation cognitive, une technique
de prise en charge à différencier de la thérapie
cognitivo-comportementale
Clélia Quilès, Christophe Lançon
Cognitive remediation, a technique
of care to differentiate from the cognitive
behavioral therapy
RR
Item 61
TROUBLE SCHIZOPHRÉNIQUE
DE L’ADOLESCENT ET DE L’ADULTE
Dr David Misdrahi1, Dr Guillaume Fond2, Pr Pierre-Michel Llorca3
1. Centre hospitalier Charles-Perrens, Bordeaux, fondation FondaMental, CNRS UMR5287-INCIA, université de Bordeaux, France 2. Pôle de psychiatrie des Hôpitaux universitaires Henri-Mondor, DHU Pe-PSY, université Paris-Est Créteil,
fondation FondaMental, INSERM U955, équipe de psychiatrie translationnelle, Créteil, France
3. CMP B, CHU, EA 7280 faculté de médecine, université d’Auvergne, fondation FondaMental, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand Cedex 1, France
[email protected]
objectifs
DIAGNOSTIQUER un trouble
schizophrénique. ARGUMENTER l’attitude
thérapeutique et PLANIFIER le suivi à tous
les stades de la maladie.
Diagnostiquer un trouble schizophrénique
Aspects généraux
La schizophrénie est une maladie psychiatrique fréquente, avec
une prévalence de 0,7-1 %, soit environ 600 000 patients atteints
en France et avec un sex-ratio approximativement égal à 1. Il s’agit
d’un trouble psychiatrique sévère, d’évolution chronique. Le
début chez l’adulte jeune entre 15 et 25 ans est la règle. Cette
maladie peut se manifester plus rarement chez l’enfant dans une
forme plus sévère ou parfois dans une forme d’apparition tardive
(après 35 ans), le plus souvent chez la femme. Elle est présente
dans toutes les régions du globe mais semble plus fréquente en
milieu urbain. Le mode de début, la symptomatologie et l’évolution de cette maladie sont variés d’un sujet à l’autre, ce qui rend
parfois le diagnostic difficile. Si les symptômes aigus bruyants
comme les idées délirantes permettent un diag­nostic précoce,
une évolution insidieuse source de handicap important explique
le diagnostic retardé en moyenne de deux ans après le début
des troubles.
Évaluation clinique
Les symptômes de la schizophrénie sont hétérogènes et sont
rarement présents en totalité chez un même patient. Ces manifestations cliniques sont nombreuses mais d’expression et d’intensité variable d’un individu à un autre et chez un même individu
au cours de l’évolution de la maladie. Aucun signe n’est pathognomonique de la maladie, mais ils sont tous impliqués à des
degrés divers dans un dysfonctionnement des domaines cognitif,
émotionnel ou comportemental. Ils sont classés en trois grands
groupes syndromiques : les symptômes positifs, la désorganisation et les symptômes négatifs.
1.Symptômes positifs (délire, hallucination)
Ce sont les symptômes les plus bruyants. Ils sont le témoin d’une
distorsion de la réalité, et leur présence facilite le diagnostic. Historiquement, le délire dans la schizophrénie a été défini sous le terme
de délire « paranoïde » par opposition au délire chronique « paranoïaque » systématisé. Les mécanismes sont multiples, souvent
intuitifs, interprétatifs ou hallucinatoires. Les thématiques sont polymorphes, avec prédominance des thèmes de persécution. Peuvent
être aussi observés des thèmes mystiques, de filiation, ou de mégalomanie. Les hallucinations peuvent toucher l’ensemble des
5 sens, mais c’est le plus souvent des hallucinations auditives ou
acoustico-verbales qui sont décrites (voix, bruits) avec parfois des
attitudes d’écoute (comportement traduisant la présence active
d’hallucinations au moment de l’examen). Il s’agit d’un délire non
systématisé, c’est-à-dire flou, peu cohérent, avec une adhésion
forte de la part du patient et une participation affective variable selon
les situations cliniques. L’automatisme mental et le syndrome d’influence sont des entités fréquemment retrouvées. Elles consistent
en une perte de l’intégrité psychique avec des hallucinations dites
intrapsychiques comme des devinements de la pensée ou des vols
de la pensée, des idées de références (attribution d’événements
extérieurs comme directement liés à soi), des commentaires ou
échos de la pensée. Dans des situations extrêmes de délire intense
avec une adhésion totale, des injonctions délirantes peuvent
conduire à des passages à l’acte auto- ou hétéro-agressifs.
2.Désorganisation
Elle peut toucher la pensée, la parole, les émotions et le comportement. Il s’agit d’une altération de l’organisation de la pensée
et un relâchement des processus de pensée. La perte logique de
l’enchaînement des pensées donne un discours peu compréhensible avec l’emploi de néologismes (création de mots) ou de
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RR Item 61
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paralogismes (usage de mots inappropriés au contexte). Le langage
peut être parfois totalement incohérent, symptôme appelé la schizo­
phasie. Des réponses à côté, un fading mental (ralentissement du
débit verbal avec réduction du volume sonore) ou des barrages
(suspension du langage avec reprise de la conversation sur un
autre sujet) peuvent être observés. L’altération du système logique
de pensée peut limiter les capacités d’abstraction, donner lieu à
des propos absurdes ou des rationalismes morbides (explication
absurdes pseudo-logiques). La répétition des mots de l’interlocuteur (écholalie) ou un mutisme peut également être observé. Sur le
plan émotionnel, le patient peut exprimer des émotions contraires
dans la même conversation, ce qui est une expression de l’ambivalence affective. Des rires ou pleurs immotivés peuvent témoigner
de la perte de cohérence entre les pensées et les réactions émotionnelles. Sur le plan comportemental, on peut observer un maniérisme (attitudes empruntées) et des stéréotypies. Sur le plan
cognitif, des altérations de l’attention, de la concentration et de la
mémoire sont souvent présentes. L’atteinte des fonctions exécutives se traduit par une incapacité à planifier des tâches simples de
la vie quotidienne, source de handicap.
3.Symptômes négatifs
Ils ont des conséquences fonctionnelles importantes (sociales,
professionnelles) sur les patients, d’autant que les traitements médicamenteux sont moins efficaces sur eux que sur le reste de la symptomatologie. Ils consistent en un appauvrissement affectif et émotionnel et un retrait social. Plus spécifiquement, les patients peuvent
présenter un émoussement affectif (froideur, pauvreté des affects,
indifférence émotionnelle), un apragmatisme (réduction d’activité
avec perte d’initiative), une perte d’intérêt, une incurie et une pauvreté
du contenu du discours (alogie). On distingue les symptômes négatifs primaires qui sont les manifestations directes de la maladie, des
symptômes négatifs secondaires induits par les antipsychotiques
ou la symptomatologie dépressive qui peut être associée.
4.Symptômes associés et comorbidités
En dehors de ces trois dimensions syndromiques, il existe des
symptômes associés non spécifiques tels que l’anxiété ou les
troubles du sommeil. Dans plus de 60 % des cas, le niveau de
conscience de la maladie (ou « insight ») est faible, ce qui contribue
à une mauvaise observance thérapeutique. Un état dépressif
associé est de diagnostic difficile car les symptômes peuvent se
confondre avec les symptômes négatifs de la schizophrénie. On
peut observer aussi des symptômes obsessionnels ou rituels
atypiques. La consommation de tabac est très fréquente, avec
une prévalence autour de 50 % (contre 30 % dans la population
française générale). Les troubles liés à l’usage d’alcool et de
cannabis sont souvent associés à la schizophrénie et de mauvais
pronostic. Les patients dangereux pour la société sont une minorité mis en avant à l’occasion de faits divers. Cette agressivité est
souvent liée à une consommation de toxiques. À l’occasion d’un
épisode aigu, des injonctions délirantes peuvent conduire à des
passages à l’acte médico-légaux (agression, meurtre, exhibition,
troubles de l’ordre public).
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Vol. 66 _ Septembre 2016
Examens complémentaires et diagnostics
différentiels
Le diagnostic de schizophrénie se fait exclusivement sur l’examen
clinique (évaluation clinique, anamnèse et antécédents personnels
et familiaux). Cependant, des examens complémentaires sont
requis dans une démarche de diagnostic différentiel et de bilan
préthérapeutique. La réalisation d’une imagerie cérébrale (TDM
ou IRM) chez un patient jeune au début de la maladie permet
d’éliminer d’autres étiologies d’origine neurologique comme une
tumeur cérébrale. La recherche de toxiques dans les urines permettra d’orienter le diagnostic vers un trouble psychotique induit
par les substances psychoactives (cannabis, LSD, champignons).
Un bilan biologique (hémogramme, ionogramme sanguin, protéine C réactive [CRP], thyréostimuline [TSH], bilan hépatique) permettra d’éliminer les causes somatiques infectieuses ou inflammatoires.
La présence des symptômes psychotiques pendant une période
supérieure à 6 mois confirme le diagnostic de schizophrénie et
permet d’écarter les diagnostics de trouble schizophréniforme
(durée < 6 mois) et d’épisode psychotique bref (durée < 1 mois).
Les autres diagnostics psychiatriques à éliminer sont le trouble
bipolaire à l’occasion d’un accès maniaque ou dépressif associé
à des caractéristiques psychotiques (v. item 62), les troubles délirants chroniques (v. item 63) et les troubles envahissant du développement (v. item 65).
Le trouble schizo-affectif correspond à la présence, sur une
même période de temps, à la fois des symptômes de la schizophrénie et de symptômes d’un épisode thymique caractérisé
(dépressif, ou maniaque). Comme dans un trouble bipolaire, il
peut y avoir une alternance de périodes dépressives et de périodes d’excitation psychomotrice maniaque. Le diagnostic ne
peut se faire que de façon longitudinale. Cette forme serait de
meilleur pronostic.
Modes évolutifs
Le début peut être brutal (50 % des cas) sous la forme d’un
épisode psychotique aigu, avec des symptômes positifs et une
désorganisation au premier plan. Dans l’autre moitié des cas,
l’évolution est d’apparition insidieuse, de diagnostic plus difficile,
progressive, avec des symptômes négatifs (désinvestissement
social, scolaire ou professionnel). La schizophrénie est une maladie d’évolution chronique. En général, elle évolue avec des
rechutes (phases aiguës) durant les premières années, puis se
stabilise avec une persistance de symptômes résiduels. Dans
50 % des cas, la résolution est partielle, avec une stabilité vers
un état fonctionnel « disadaptatif ». Dans 20 à 25 % des cas, on
observe une détérioration progressive avec dégradation sociale
et psychique profonde. Chez 20 à 25 % des patients, une restitution ad integrum est possible avec un retour à l’état fonctionnel
au niveau prémorbide. Un peu moins de la moitié des patients
souffrant de schizophrénie réaliseront au moins une tentative de
suicide au cours de l’évolution. Le taux de décès par suicide est
Facteurs pronostiques
Trouble schizophrénique de l’adolescent et de l’adulte
POINTS FORTS À RETENIR
C’est une pathologie fréquente (0,7 % de la population)
de l’adulte jeune et atteignant avec la même fréquence hommes
et femmes.
La symptomatologie repose sur un trépied associant
de façon variable pendant au moins 6 mois :
– des symptômes dits « positifs » constitués des idées délirantes
dont les thèmes et mécanismes sont polymorphes, et qui sont
non systématisées ;
– des symptômes dits « négatifs » associant repli,
apragmatisme, émoussement affectif et troubles cognitifs ;
– une désorganisation de la pensée et du langage et une
désorganisation comportementale.
Les risques associés à l’évolution de la schizophrénie sont :
– la dépression mais aussi le risque suicidaire, nettement
supérieur à celui de la population générale ;
– les comorbidités somatiques qui sont très fréquentes, avec
notamment les risques métabolique et vasculaire, et réduisent
considérablement l’espérance de vie. Elles peuvent être
aggravées par certaines thérapeutiques antipsychotiques ;
– la désinsertion sociale, notamment liée à la symptomatologie
négative.
Le traitement doit toujours associer le traitement
médicamenteux par antipsychotique de seconde génération,
en première intention, en monothérapie, après un bilan
préthérapeutique, et le traitement non médicamenteux
comprenant notamment psychothérapie de soutien,
psychoéducation, thérapie cognitivo-comportementale (TCC),
remédiation cognitive et soutien aux familles.
La prise en charge sociale est impérative. Elle comprend
la prise en charge en ALD 30, la demande d’allocation adulte
handicapé en cas d’incapacité fonctionnelle, des mesures de
réinsertion socio-professionnelle et l’évaluation de la nécessité
d’une mesure de protection des biens.
proche de 7 %. L’espérance de vie est en moyenne de 15 à
20 ans inférieure à celle de la population générale, principalement du fait des troubles somatiques comorbides et du risque
suicidaire élevé. Plusieurs comorbidités physiques sont retrouvées chez les patients souffrant de schizophrénie. Il s’agit de
l’obésité abdominale (augmentation du périmètre abdominal et
hypertriglycéridémie), du syndrome métabolique (obésité abdominale, diabète, hypertension, HDL-cholestérol diminué) et des
maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires.
Le pronostic varie en fonction des caractéristiques de la maladie. Il dépend de la qualité du soutien psychosocial, de l’accès
aux soins et de l’adhésion à la prise en charge. Un diagnostic
précoce, le recours à un traitement antipsychotique, la réduction
des durées d’hospitalisation au long cours sont des déterminants d’une meilleure évolution. Parmi les facteurs de bon pronostic, on retrouve : le sexe féminin, une situation sociale et familiale stable, une bonne conscience de la maladie (bon insight),
une prise en charge précoce, un début tardif de la maladie et
une bonne observance thérapeutique. Inversement, une période
longue avant l’accès au diagnostic et aux soins, des symptômes
négatifs intenses, la persistance de symptômes résiduels en dépit
d’un traitement bien conduit, une comorbidité addictive, et une
mauvaise observance sont de mauvais pronostic.
Formes cliniques
Les formes cliniques décrites dans le DSM IV-R (paranoïde,
indifférenciée, catatonique et résiduelle) ont été abandonnées
dans la nouvelle version du DSM-5. Elle étaient peu utilisées car
considérées comme non pertinentes pour définir des profils évolutifs ou des stratégies thérapeutiques.
Le syndrome catatonique fait partie maintenant des critères
retenus dans le diagnostic de schizophrénie selon le DSM-5
(tableau). Pourtant, il faut retenir que le syndrome catatonique est
« transnosographique ». Il n’est pas spécifique de la schizophrénie
et peut se rencontrer dans de très nombreuses pathologies. En
psychiatrie, le syndrome catatonique est d’ailleurs plus fréquemment présent dans les troubles de l’humeur. C’est un syndrome
psychomoteur associant la catalepsie (flexibilité cireuse des
membres avec maintien des attitudes imposées) au négativisme
(attitudes de résistance voire d’opposition active pouvant aller
jusqu’au refus de s’alimenter). Des troubles du comportement
sont décrits comme des stéréotypies, impulsions, ou encore
écholalie (répétition non volontaire de la fin des phrases, mots ou
sons de l’interlocuteur) ou échopraxie (imitation non volontaire
en miroir des gestes de l’interlocuteur).
Hypothèses étiopathogéniques
Comme pour les autres maladies psychiatriques, la schizophrénie reste une maladie complexe dont l’origine est encore
mal connue. Son origine est multifactorielle, associant des facteurs génétiques et environnementaux. L’hypothèse d’une origine neuro-développementale est confortée par plusieurs études
épidémiologiques qui ont mis en évidence des liens entre des
facteurs de stress précoce – que ce soit dans la période in utero
(lors de la grossesse de la mère) ou durant la période périnatale
– et un risque accru de schizophrénie. Ces situations de stress
seraient responsables de perturbations dans la maturation du
système nerveux central dont les conséquences pourraient être
l’apparition au moment de l’adolescence (en particulier lors de
certains remaniements dans la vie du sujet mais également de
Vol. 66 _ Septembre 2016
e285
RR Item 61
déséquilibres hormonaux) d’un dysfonctionnement du système
nerveux central. La schizophrénie ne peut pas apparaître comme
une maladie de transmission génétique simple mais plutôt
comme une maladie polygénique (impliquant plusieurs gènes de
susceptibilité). Il n’existe pas de gène spécifique au développement de la maladie, mais le risque de schizophrénie passe de
1 % à 30-40 % chez les jumeaux monozygotes, ce qui vient
conforter cette hypothèse. Le poids des facteurs environnementaux reste mal connu :
––des facteurs précoces obstétricaux ou infectieux peuvent influencer le développement cérébral ;
––des facteurs de risque plus tardifs sont aussi identifiés : ce sont
les traumatismes (abus ou négligence physiques, émotionnels
ou sexuels), la consommation de substance (cannabis), le fait de
vivre en milieu urbain ou encore d’être enfant issu de l’immigration.
La notion de maladie plurifactorielle et polygénique conduit à intégrer la notion d’une vulnérabilité, sous-tendue à la fois par les
aspects génétiques et non génétiques (neuro-développementaux,
environnementaux, sociaux et psychologiques). Une hyperdopaminergie sous-corticale méso-limbique pourrait rendre compte des
symptômes positifs. Une hypodopaminergie préfrontale serait à
l’origine des symptômes négatifs. Ce modèle explicatif des symptômes observés par des anomalies du système de la neurotransmission dopaminergique est conforté par le mécanisme d’action
des antipsychotiques qui agissent tous sur la neurotransmission
dopaminergique. Plus récemment, le développement des techniques d’imagerie cérébrale suggère l’existence d’anomalies morphologiques ou fonctionnelles au niveau cérébral.
Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier
le suivi à tous les stades de la maladie
TABLEAU
T R O U B LE SC HIZ OPHR É NIQU E DE L’ADOL E SC E NT E T DE L’ADU LT E
Critères diagnostiques de la schizophrénie
selon le DSM-5
A
Deux ou plus des symptômes suivants sont présents pendant une partie
significative du temps sur une période d’un mois (ou moins quand elles
répondent favorablement au traitement).
Au moins l’un d’entre eux doit être 1, 2 ou 3.
❚❚1. Idées délirantes
❚❚2. Hallucinations
❚❚3. Discours désorganisé (coq-à-l’âne fréquents ou incohérence)
❚❚4. Comportement grossièrement désorganisé ou catatonique
❚❚5. Symptômes négatifs (réduction de l’expression émotionnelle, aboulie)
B
Pendant une partie significative du temps depuis la survenue du début
du trouble, un ou plusieurs domaines majeurs du fonctionnement tels
que le travail, les relations interpersonnelles, ou les soins personnels sont
nettement inférieurs au niveau atteint avant la survenue du trouble (ou, en
cas de survenue dans l’enfance ou dans l’adolescence, incapacité à éteindre
le niveau de réalisation interpersonnelle, scolaire, ou dans d’autres activités
auxquelles on aurait pu s’attendre).
C. Des signes permanents du trouble persistent pendant au moins 6 mois. Cette
période de 6 mois doit comprendre au moins 1 mois de symptômes (ou moins
quand ils répondent favorablement au traitement) qui répondent au critère A
(c’est-à-dire symptômes de la phase active), et peut comprendre des périodes
de symptômes prodromiques ou résiduels. Pendant ces périodes prodromique
et résiduelle, les signes du trouble peuvent se manifester uniquement par
des symptômes négatifs ou par deux ou plus des symptômes figurant dans le
critère A présents sous une forme atténuée (par exemple, croyances bizarres,
perceptions inhabituelles).
D
Un trouble schizo-affectif et un trouble dépressif ou bipolaire avec
caractéristiques psychotiques ont été éliminés soit 1) parce qu’aucun épisode
dépressif majeur ou maniaque n’a été présent simultanément aux symptômes
de la phase active, soit 2) parce que si des épisodes thymiques ont été
présents pendant les symptômes de la phase active, ils ne l’ont été que pour
une faible proportion de la durée des périodes actives et résiduelles.
E
La perturbation n’est pas due aux effets physiologiques directs d’une
substance (c’est-à-dire une drogue donnant lieu à un abus, un médicament)
ou d’une affection médicale.
F
En cas d’antécédents d’un trouble du spectre autistique ou d’un trouble
de la communication débutant dans l’enfance, le diagnostic additionnel
de schizophrénie n’est fait que si les idées délirantes ou les hallucinations
sont prononcées et sont présentes avec les autres symptômes requis pour
le diagnostic pendant au moins 1 mois (ou moins quand elles répondent
favorablement au traitement).
Principes généraux
1.Objectifs du traitement
Les objectifs du traitement médicamenteux sont de réduire ou
d’éliminer les symptômes, de prévenir le risque suicidaire, de
prévenir les rechutes, de préserver les capacités cognitives et
les capacités d’adaptation pour contribuer à l’autonomie et à la
qualité de vie.
Les objectifs du traitement non médicamenteux sont d’aider le
patient à prendre conscience de sa pathologie et à accepter son
traitement, d’assurer une prise en charge globale du patient et
un soutien de l’entourage, d’assurer et engager des mesures
psycho-éducatives pour le patient et son entourage.
La prise en charge doit être globale et multidisciplinaire (psychiatre, médecin traitant, équipe paramédicale, services sociaux). La prise en charge somatique ne doit pas être négligée
au profit de la prise en charge psychiatrique, la mortalité par
maladies cardio-vasculaires étant très élevée chez ces patients.
2.Modalité de prise en charge (ambulatoire ou hospitalisation)
Les hospitalisations sont souvent nécessaires en début de
maladie et lors des épisodes de décompensation aiguë. La dé-
e286
Vol. 66 _ Septembre 2016
cision d’hospitalisation dépend de la gravité de l’épisode, de
l’évaluation du risque suicidaire et du risque hétéro-agressif et
des capacités d’étayage de l’entourage.
Une hospitalisation libre doit toujours être préférée mais, en raison
de la mauvaise conscience du trouble ou parfois du risque hétéroagressif, un soin sans consentement peut être réalisé (soin psy-
chiatrique sur demande d’un tiers ou sur décision du représentant
de l’État). En dehors des hospitalisations, le patient est suivi en
ambulatoire avec des consultations médicales rapprochées et/
ou des journées d’hospitalisation à temps partiel (hôpital de jour,
centre d’accueil thérapeutique à temps partiel).
Traitements médicamenteux
Les antipsychotiques constituent le traitement pharmacologique
de référence. Leurs effets indésirables doivent être prévenus et
recherchés. Le choix de la molécule doit notamment tenir compte
du bilan clinique et biologique initial (v. infra). Le traitement médicamenteux antipsychotique est indispensable dans la schizophrénie. Il permet à la fois une action curative sur les symptômes
de la phase aiguë, essentiellement les symptômes positifs, et
une action préventive des rechutes. Le traitement médicamenteux est souvent insuffisant à lui seul, et la prise en charge de la
schizophrénie renvoie à d’autres modalités thérapeutiques synergiques.
Les antipsychotiques de deuxième génération sont recommandés en première intention, en raison d’un profil efficacité-tolérance
neurologique plus favorable que les antipsychotiques de première
génération. Les antipsychotiques de deuxième génération disponibles en France sont : la rispéridone, l’olanzapine, l’aripiprazole,
la quétiapine, le palmitate de palipéridone, l’amisulpride et la clozapine (v. items 72 et 326).
Le traitement doit être instauré si possible en monothérapie,
après bilan préthérapeutique, per os, avec possibilité de passer
ensuite à une formulation d’action prolongée. La posologie minimale efficace est recherchée par la suite.
Une surveillance rapprochée de l’efficacité et de la tolérance du
traitement doit être réalisée : électrocardiogramme (allongement
du QT), température (syndrome malin aux neuroleptiques), syndrome métabolique (poids, périmètre abdominal, bilan lipidique
et glycémie).
Le traitement des symptômes associés doit être intégré :
––agitation, troubles du comportement : utilisation d’antipsychotique sédatif (cyamémazine, loxapine) et/ou benzodiazépine.
Dans ce type de situation, la voie orale, notamment par solution buvable ou comprimé oro-dispersible, en monothérapie
doit être privilégiée. La voie intramusculaire doit être préférée à
la voie intraveineuse si l’administration parentérale est nécessaire. Ces traitements devront être interrompus dès que l’état
clinique du patient le permet ;
––symptômes dépressifs : utilisation d’anxiolytiques et d’anti­
dépresseurs ;
––symptômes catatoniques : utilisation de benzodiazépines (lora­
zépam ou zolpidem) en première intention, sinon sismothérapie. Les antipsychotiques de première génération et la rispéridone seront évités car ils aggraveraient la symptomatologie.
La résistance au traitement est définie par l’échec de deux
séquences de traitements antipsychotiques, dont au moins un
de seconde génération et si possible de mécanismes différents,
bien conduits (durée suffisante d’au moins 6 semaines, et
posologie suffisante). Il convient d’éliminer d’autres causes de
mauvaise réponse : défaut d’observance, conduites addictives, inter­
actions médicamenteuses, pathologie somatique.
La clozapine est indiquée dans les formes résistantes de
schizo­phrénie, avec une surveillance (hebdomadaire pendant
18 semaines puis mensuelle pour toute la durée du traitement)
de l’hémogramme en raison du risque d’agranulocytose (0,4 %
des cas).
La durée du traitement est longue, la prévention des rechutes
nécessite la poursuite d’une chimiothérapie antipsychotique à la
posologie minimale efficace ayant permis de traiter l’épisode
aigu. Après la résolution symptomatique d’un épisode unique, le
traitement est maintenu pendant au moins 2 ans en cas de premier épisode psychotique en dehors d’un diagnostic de schizophrénie avéré. L’arrêt est alors progressif en maintenant un suivi
régulier de l’état clinique du malade en concertation avec le médecin. En cas de rechute, le traitement est maintenu au moins
5 ans. Au-delà de 3 épisodes psychotiques ou en cas de schizo­
phrénie avérée, le traitement antipsychotique au très long cours
est la règle.
Prises en charge psychothérapeutiques
Ce sont :
––la psychothérapie cognitivo-comportementale : elle peut être
centrée sur la gestion des crises et des symptômes résiduels
(notamment des hallucinations persistantes), la dépression,
l’anxiété et les symptômes négatifs. Elle comprend un travail
sur les habiletés sociales et la motivation ;
––la remédiation cognitive : son but est d’améliorer les fonctions
cognitives (concentration, mémoire, planification) ;
––la réhabilitation : elle vise à favoriser la réadaptation, l’intégration
et l’insertion sociale ;
––la psychothérapie de soutien : elle est réalisée à chaque consultation de suivi ;
––la psychoéducation de groupe du patient et de sa famille ;
––la psychothérapie de soutien à la famille : entretiens médicaux
avec les familles, mise en contact avec des associations de
malades, parfois thérapie familiale.
Prise en charge sociale
La mise en place d’une prise en charge à 100 % en affection
de longue durée (ALD) est la première étape.
La plupart des démarches sociales nécessitent la constitution
d’un dossier auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Le but de la MDPH est avant tout
de favoriser l’insertion professionnelle par un bilan de compétence, formation préparatrice au travail. Une reconnaissance de
la qualité de travailleur handicapé (RQTH) est mise en place. Elle
vise à une insertion en milieu professionnel ordinaire : entreprise
adaptée (EA) ; ou en milieu protégé : établissement et service
d’aide par le travail (ESAT).
Vol. 66 _ Septembre 2016
e287
RR Item 61
T R O U B LE SC HIZ OPHR É NIQU E DE L’ADOL E SC E NT E T DE L’ADU LT E
Message de l'auteur
Exemple d’un cas clinique et des questions qui peuvent être posées
peuvent imposer la contrainte,
dans un dossier progressif.
et éventuellement des « soins sans
M. D., 22 ans, est amené par les
qui peut être qualifié par sa thématique
pompiers aux urgences. Il aurait fait
« de persécution », ses mécanismes
tomber les étalages d’une supérette en
« polymorphes », avec une « adhésion
criant : « Les aliments sont empoisonnés,
totale au délire ».
je dois combattre le sort ! Ça ne peut pas
avec une procédure classique », compte
tenu de la présence de ses parents. Une
question classique est celle des pièces
nécessaires pour cette modalité
On peut également vous demander
d’hospitalisation, en l’occurrence « deux
d’identifier des symptômes spécifiques
certificats médicaux émanant de deux
tels que le « fading », les « attitudes
médecins différents » et « l’accord écrit
d’écoute » et « l’incurie ».
d’un proche ».
donnent des boutons, regardez… ». Par
Le bilan à pratiquer aux urgences est
Des questions peuvent vous être posées
la suite, au cours de l’entretien, il reste
également une question classique. Dans
sur les stratégies thérapeutiques aux
replié sur lui-même. Il ne croise jamais le
ce cas, il comprend un « bilan biologique
regard de son interlocuteur et, méfiant,
standard », une « recherche des toxiques
explique que « Satan a désolidarisé sa
urinaires » et éventuellement « une
continuer comme ça ! ». Au premier
contact, le patient est sale et débraillé. Il
présente une acné faciale, pour lequel il
explique : « Les virus d’Internet me
3G, que les forces du Mal devinent ce
qu’il pense, c’est pour ça qu’il doit
imagerie cérébrale ».
combattre les ondes qu’elles envoient ».
Le diagnostic est une question
Soudain, il semble tendre l’oreille comme
incontournable et dans ce cas on peut
pour écouter une conversation. Le
évoquer la décompensation d’une
rythme de son discours ralentit
schizophrénie ou un épisode psychotique
progressivement, et le volume de sa voix
bref, mais les éléments anamnestiques
diminue jusqu’au chuchotement. Ses
apportés par les parents permettent de
parents arrivent aux urgences et vous
retenir celui de « schizophrénie ».
informent que ces symptômes évoluent
depuis un peu plus d’un an. Leur fils
s’est progressivement totalement replié
sur lui-même, ses propos devenant de
moins en moins compréhensibles. « Au
cours de l’année il a d’ailleurs arrêté sa
Des questions peuvent également vous
être posées sur la nécessité d’une
hospitalisation et, compte tenu de ses
troubles du comportement, sur la
justification d’une hospitalisation sous
urgences, qui peuvent comprendre
la nécessité en cas d’agitation d’un
« antipsychotique sédatif per os »
et d’une « mise en chambre d’isolement
thérapeutique ».
Enfin, une question sur les mesures
thérapeutiques dites « de fond » après le
début de son hospitalisation en milieu
spécialisé est « classique ». Elles
comprennent :
– un « traitement antipsychotique de
seconde génération », pour lequel les
mesures de surveillance du « syndrome
métabolique » mais aussi de
« l’hyperprolactinémie » peuvent être
demandées ;
contrainte. Dans ce cas-là, c’est
– « les stratégies dites psychosociales »
« l’absence de consentement aux soins »
parmi lesquelles la « psychoéducation »,
Les premières questions peuvent porter
mais aussi la « nécessité de soins
« la psychothérapie de soutien », « la
dans ce cas sur la sémiologie et par
immédiats assortis d’une surveillance
remédiation cognitive » et « les mesures
exemple sur la caractérisation du délire
constante en milieu hospitalier » qui
de réinsertion professionnelle ».
formation et n’a pas validé son CAP. »
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consentement à la demande d’un tiers
Vol. 66 _ Septembre 2016
+
POUR EN SAVOIR ●
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ÉPREUVES CLASSANTES NATIONALES
Q 249. Insuffisance aortique Q 90. Infections naso-sinusiennes
Q 237. Fractures chez l’enfant Q 145. Tumeurs de la cavité buccale (...)
Schizophrénie
Rev Prat 2013;
63(3):323-62
DOSSIER
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CARDIOPATHIES CONGÉNITALES À L’ÂGE ADULTE
Cardiopathies congénitales
à l’âge adulte
Monographie
www.larevuedupraticien.fr
Mars 2013 - Tome 63 - N° 3
Mars 2013 - Tome 63 - N° 3 (297-444)
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F. Schürhoff
d’intérêts.
revue
La mise en place d’une allocation adulte handicapé (AAH) est
justifiée si la personne n’est pas en capacité de travailler, avec
éventuellement compléments d’allocation pour l’autonomie (APA)
et d’aide pour le logement (APL).
En cas d’incapacité au travail, une prise en charge en hôpital
de jour ou centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) peut être proposée pour favoriser l’insertion sociale : activer
les ressources disponibles pour éviter la désocialisation, l’exclusion, la stigmatisation.
Il s’agit notamment d’intervenir sur plusieurs domaines de
l’autonomie (aide à la recherche d’un logement, éventuellement
accueil en appartement thérapeutique) et nécessiter la mise en
place d’aides à domicile (infirmière à domicile, aides ménagères,
portage des repas).
Les hôpitaux de jour et CATTP collaborent étroitement avec
des structures telles que les groupes d’entraide mutuelle (GEM),
les services d’aide à la vie sociale (SAVS) et les services d’aide
médico-sociale pour adultes handicapés (SAMSAH).
Une mesure de protection des biens est parfois nécessaire :
curatelle (simple ou renforcée) le plus souvent, qui préserve les
droits civiques du patient.
MONOGRAPHIE
Schizophrénies
L’importance d’un diagnostic
précoce
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praticien.fr
ET AUSSI SUR LE WEB
larevuedu
Interviews • Vidéos • Photothèques • Quiz • Images mystérieuses
LA REVUE
VOL. 63
DU PRATICIEN 2013
Mars
325
Mais aussi :
Haute Autorité de santé. ALD n° 23. Schizophrénies,
www.has-sante.fr/portail/jcms/c_565630/fr/ald-n23-schizophrenies
Petitjean F, Marie-Cardine M. Schizophrénies débutantes :
diagnostic et modalités thérapeutiques.
6e Conférence de consensus de la Fédération française de psychiatrie
(23-24 janvier 2003). Paris, John Libbey Eurotext, 2003, p. 304.
Llorca PM. La Schizophrénie,
https://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-schizo.pdf
Aménagement du mode de vie
Le soignant doit informer des risques liés à l’usage du cannabis
et autres substances psychoactives vis-à-vis des symptômes,
des rechutes et particulièrement de la continuité des soins, inciter
à l’arrêt de leur consommation et accompagner le patient dans
cette démarche.
Il doit également fournir des conseils hygiéno-diététiques (lutte
contre l’excès de poids, activité physique, quantité de sommeil,
réduction ou arrêt du tabagisme) pour lutter contre les effets
indésirables des traitements pharmacologiques proposés (notamment syndrome métabolique).
Le médecin reste attentif à la vie sexuelle (troubles de la libido,
contraception, prévention des infections sexuellement transmissibles).•
D. Misdrahi, G. Fond et P.-M. Llorca déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e289
RR
FOCUS
Item 61
Prendre en charge
la schizophrénie
Voir l’item complet page e283
et sur larevuedupraticien.fr
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
Dr David Misdrahi1, Dr Guillaume Fond2, Pr Pierre-Michel Llorca3
1. Centre hospitalier Charles-Perrens, Bordeaux, fondation FondaMental, CNRS UMR5287-INCIA, université de Bordeaux, France 2. Pôle de psychiatrie des Hôpitaux universitaires Henri-Mondor, DHU Pe-PSY, université Paris-Est Créteil,
fondation FondaMental, INSERM U955, équipe de psychiatrie translationnelle, Créteil, France
3. CMP B, CHU, EA 7280 faculté de médecine, université d’Auvergne, fondation FondaMental, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand Cedex 1, France
[email protected]
L
a schizophrénie est une pathologie que l’on peut considérer
comme emblématique des troubles psychiatriques. En effet,
tout d’abord son nom est souvent l’objet de confusion car dans
le langage courant la notion de « schizophrénie » est fréquemment
associée à tort au « dédoublement de personnalité », ce qui ne
correspond en rien à la maladie psychiatrique et à sa réalité clinique.
De plus, il s’agit d’une pathologie qui est souvent associée à une
stigmatisation des sujets qui en souffrent : dans l’esprit du grand
public, mais aussi des professionnels de santé, elle correspond
à des patients imprévisibles, dangereux et ne pouvant être traités
de façon satisfaisante.
Ces représentations ont un effet péjoratif pour la prise en charge,
et donc par conséquent sur le pronostic global.
Les enjeux pour les cliniciens sont multiples.
Sur le plan clinique, le tableau qui associe différentes catégories
de symptômes nécessite une grande rigueur pour être décrit de
façon satisfaisante :
––les symptômes « emblématiques » de la schizophrénie que
sont les hallucinations et les idées délirantes ne sont pas patho­
gnomoniques, et leur caractère bruyant fait parfois négliger les
symptômes négatifs et cognitifs qui ont pourtant plus de
conséquences sur le plan fonctionnel, altérant les possibilités
d’insertion sociale du sujet ;
––les symptômes négatifs et cognitifs sont parfois difficiles à re­
pérer car d’apparition insidieuse, assimilés parfois à de simples
« traits de caractère ». Le patient est considéré comme solitaire,
parfois on lui reproche sa fainéantise, sans que le caractère
pathologique de ces comportements ne soit perçu ;
––les patients souffrant de schizophrénie ont le plus souvent une
altération de la conscience de leur trouble et de la nécessité de
traitement, qui rend difficile l’identification des symptômes (car
ils peuvent être dissimulés par le patient) et nécessite parfois la
mise en œuvre de mesures de soins sans consentement. Cet
aspect pose des problèmes pour le maintien de l’alliance théra­
peutique mais aussi en termes de responsabilité médicale dans
la privation de liberté.
290
Vol. 66 _ Septembre 2016
Sur le plan thérapeutique, les stratégies médicamenteuses
doivent toujours être assorties d’une prise en charge psycho­
sociale. Si l’effet observé sur les symptômes positifs est souvent
assez rapide, celui sur les symptômes de repli et de désorgani­
sation est plus long et progressif. Cette dimension temporelle
doit être intégrée par les professionnels, sous peine de percevoir
les stratégies comme inefficaces.
L’état de santé somatique des patients souffrant de schizo­
phrénie est souvent altéré, avec une mortalité très supérieure
par rapport à une classe d’âge équivalente. Cet état de fait est
la conséquence :
––de la nature même de la maladie, avec une vulnérabilité plus
importante à des pathologies notamment métaboliques mais
aussi aux conduites addictives ;
––des symptômes négatifs et cognitifs qui font que le patient
recherche moins les soins et donc bénéficie moins des possi­
bilités de prise en charge par rapport à la population générale ;
––des thérapeutiques qui ont parfois un effet iatrogène ;
––de la stigmatisation évoquée plus haut, associée parfois à un
relatif « rejet » de la part des professionnels.
La responsabilité des soignants est donc de rechercher et
prendre en charge ces comorbidités comme un élément à part
entière du soin de la schizophrénie.
Les enjeux pédagogiques d’une question sur la schizophrénie
portent donc sur :
––le développement de la capacité d’identification et de description
des symptômes pour éviter les errements diagnostiques en début
de maladie et permettre une prise en charge précoce ;
––la possibilité de mise en œuvre de stratégies thérapeutiques
les plus adaptées pour optimiser cette prise en charge ;
––la compréhension de la nécessité d’une prise en compte du
patient dans sa globalité et en particulier sur le plan somatique
et social pour améliorer le pronostic vital et fonctionnel.•
D. Misdrahi, G. Fond et P.-M. Llorca déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
RR
Item 289
DIAGNOSTIC DES CANCERS
Signes d'appel et investigations paracliniques ;
caractérisation du stade ; pronostic
Dr Benoîte Mery, Dr Guillaume Moriceau, Dr Romain Rivoirard, Dr Olivier Collard
Département d’oncologie médicale, institut de cancérologie Lucien-Neuwirth, 42270 Saint-Priest-en-Jarez, France
[email protected]
objectifs
DÉCRIRE les principes du raisonnement
diagnostique en cancérologie.
EXPLIQUER les bases des classifications
qui ont une incidence pronostique.
CONNAÎTRE les principaux marqueurs
diagnostiques et prédictifs des cancers.
L
e diagnostic d’un cancer se fait en 2 étapes : une phase
de présomption devant des signes cliniques ou paracliniques (circonstances de découverte), et une phase de
certitude apportée par l’examen anatomo-pathologique.
L’enjeu est de poser le diagnostic le plus précocement possible dans l’histoire naturelle de la maladie lorsque les chances
de guérison sont les plus importantes.
Une fois le diagnostic posé, il est nécessaire d’évaluer l’extension
du cancer et son retentissement sur l’organisme, ce qui permet
l’établissement d’un pronostic et la délivrance du traitement le
plus adapté à la situation, le plus souvent pluridisciplinaire après
une décision concertée.
Diagnostic de cancer
Circonstances de découverte
Elles sont nombreuses. Tout symptôme, qui persiste ou s’aggrave malgré les traitements habituels ou qui s’accompagne
d’une altération de l’état général, doit être pris au sérieux.
Dépistage systématique : c’est la découverte du cancer à un
stade précoce avant tout symptôme clinique (ex : cancer du
sein, cancer du côlon dans le cadre des dépistages de masse ;
cancer du poumon décelé sur une radiographie thoracique dans
le cadre de la médecine du travail, cancer du col de l’utérus ou
de la prostate dans le cadre de dépistage individuel).
Signes d’alarme : c’est la découverte du cancer à un stade semiprécoce devant un symptôme banal qui attire l’attention : modification apparente d’une verrue ou d’un grain de beauté, nodule
palpable dans le sein, trouble fonctionnel digestif, etc.
Signes plus évocateurs : c’est la découverte du cancer à un stade
plus évolué devant :
––des signes locaux orientant vers un organe précis ; signes
d’irritation ou de compression (hémorragie, cystite, douleur,
constipation, toux, dysphagie…) ;
––des signes généraux : asthénie, anorexie, amaigrissement liés
au retentissement biologique d’une tumeur profonde d’évolution
longtemps silencieuse ;
––des signes inflammatoires cliniques (fièvre…) et/ou biologiques,
rebelles et sans cause évidente ;
––des signes de complication tels que coma, paralysie, hémorragie, occlusion, perforation, fracture, infection…
Métastases prévalentes : le plus souvent ganglionnaires, elles
doivent faire réaliser un examen cytologique, confirmé par l’examen histopathologique, ainsi qu’un examen complet des aires
ganglionnaires et la recherche du cancer primitif (cancer ORL
devant une adénopathie cervicale, cancer du sein devant une
adénopathie axillaire, cancer du poumon devant une adénopathie médiastinale…).
Parfois, il s’agit de métastases viscérales : pulmonaires, hépatiques, osseuses, cérébrales…
Syndrome paranéoplasique : c’est l’ensemble des manifestations
biologiques et anatomo-cliniques non cancéreuses associées
au développement d’un cancer, mais non directement liées à la
tumeur ou ses métastases. Ce sont de véritables « marqueurs »
du cancer qui peuvent révéler la tumeur (dermatomyosite, polyglobulie, myasthénie), disparaissent en général avec le traitement de la maladie et réapparaissent en cas de récidive. Ils ne
reflètent pas la gravité du cancer sous-jacent.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e291
RR Item 289
D IA G N O S T IC DE S C ANC E R S : SIGNE S D'APPE L E T INVE ST IGAT IONS…
Examen anatomo-pathologique
C’est l’acte essentiel que rien ne remplace pour obtenir la
certitude du diagnostic. Il comprend l’examen direct de la lésion,
suivi de son étude microscopique.
1.Aspects macroscopiques
L’aspect macroscopique est évident si l’on a accès à la tumeur
(peau, muqueuses par vision directe ou endoscopique, pièces
opératoires), mais peut être apporté par des examens para­
cliniques tels que la tomodensitométrie (TDM) :
––tumeurs bourgeonnantes : végétantes avec des bourgeons
charnus, implantés sur une base étroite (aspect de lacune sur
la radiographie avec injection de produit de contraste) ;
––tumeurs infiltrantes : indurées souvent sur une grande surface
reposant sur une base large (aspect de rigidité ou de sténose
sur la radiographie), de symptomatologie souvent insidieuse
plus tardive ;
––tumeurs ulcérantes : ulcérations qui ne cicatrisent pas avec une
zone de nécrose centrale et une périphérie charnue (aspect de
niche en radiographie).
Souvent, il existe des formes mixtes ulcéro-bourgeonnantes
ou ulcéro-infiltrantes.
2.Aspects microscopiques
Ce sont les éléments fondamentaux pour le diagnostic et le
traitement ultérieur.
La cytologie : elle consiste à examiner des cellules isolées au
cours d’un prélèvement dans des sécrétions naturelles (frottis
vaginal, crachats) ou au cours de ponction à l’aiguille fine dans
une séreuse (pleurésie, ascite) ou dans un nodule plein
(ganglion, sein, foie…). C’est un examen simple, utile pour le
dépistage de masse ou pour confirmer l’existence d’une autre
localisation d’un cancer déjà connu, mais il présente quelques
insuffisances :
––les résultats n’ont de valeur que s’ils sont positifs, les cellules
malignes ayant pu échapper à un recueil très ponctuel ;
––l’affirmation du caractère malin des cellules repose sur l’existence d’anomalies nucléaires ou cytoplasmiques, nécessitant
un observateur expérimenté en raison du nombre important
d’anomalies douteuses ;
––les caractéristiques de la tumeur telles que son type histologique, son degré de différenciation ne peuvent être appréciées
de façon précise.
L’examen histologique : il est réalisé sur un fragment tissulaire, et
non plus sur des cellules isolées. Il permet d’étudier à la fois les
anomalies cellulaires et les modifications de structure du tissu. Il
nécessite un matériel tumoral plus important obtenu par biopsie
chirurgicale, ponction-biopsie (drill-biopsie dans les tumeurs du
sein, biopsie endoscopique) ou examen de la pièce opératoire
(avec examen extemporané, puis examen définitif). Cet examen
permet :
––d’affirmer le diagnostic de cancer (anomalies cellulaires et de
structure du tissu) ;
e292
Vol. 66 _ Septembre 2016
––de préciser sa variété histologique (adénocarcinome ou carci­
nome épidermoïde, sarcome, lymphome…) ;
––de définir certains caractères évolutifs et pronostiques tels
que le degré de différenciation (de bien différencié à indifférencié), l’activité mitotique (nombre de cellules en cycle cellulaire par rapport à la population globale), le grade histologique (grade de Scarff-Bloom-Richardson [SBR] dans le
cancer du sein) ;
––de déterminer l’extension microscopique dans les diverses
couches du tissu atteint : c’est un élément pronostique essentiel
dans de nombreuses localisations car l’atteinte d’un certain niveau
d’extension conditionne en partie l’évolution locorégionale et
métastatique (niveaux de Clark dans le mélanome, Dukes dans
les cancers colorectaux…) ;
––de réaliser d’autres examens indispensables à la caractérisation
de la tumeur et la définition du traitement : recherche de marqueurs biologiques dans des cellules sur une tumeur complexe
(tumeur mixte du testicule), étude immunologique (lymphome),
recherche de récepteurs hormonaux ou de HER2 (cancer du
sein).
Bilan d’extension
Généralités
Il repose sur un examen clinique ciblé et des examens complémentaires appropriés (sensible, spécifique, le moins invasif possible,
disponible).
Trois niveaux d’extension sont à explorer :
––local : évaluation des rapports de la tumeur par rapport aux
organes de voisinage ;
––loco-régional : recherche d’adénopathie témoignant de l’atteinte des ganglions lymphatiques dans le territoire de drainage lymphatique de l’organe atteint par la tumeur primitive. Si
le ganglion est palpable, la tétrade évocatrice (mais inconstante) d’une adénopathie tumorale est dure, fixée, immobile,
rarement douloureuse ;
––général : recherche de lésions secondaires à distance du site
primitif que l’on appelle des métastases. Les métastases
peuvent être viscérales ou ganglionnaires dans le cas de
ganglions qui ne sont pas dans le territoire de drainage.
Moyens diagnostiques
1.Examen clinique Il peut s’agir de :
––syndrome tumoral : adénopathies périphériques palpables,
hépatomégalie, splénomégalie, douleurs spontanées ou provoquées par la palpation, touchers pelviens ;
––signes d’insuffisance d’organe ;
––syndrome compressif : syndrome occlusif en cas de carcinose
péritonéale, hydronéphrose par compression extrinsèque (tumeurs pelviennes) ou intrinsèque (tumeur urothéliale), dysphonie,
dysphagie, dyspnée par compression respectivement des
Diagnostic des cancers :
signes d'appel et investigations paracliniques ; caractérisation
du stade ; pronostic
POINTS FORTS À RETENIR
Le diagnostic de cancer repose toujours sur un examen
anatomo-pathologique de la tumeur et/ou de ses métastases.
Un bilan d’extension complet est fondé sur une évaluation
de l’atteinte locale de la tumeur, lymphatique régionale
et métastatique.
La classification du cancer permet d’élaborer
une prise en charge thérapeutique adaptée et de faire un portrait
du pronostic global.
La classification TNM est la plus utilisée.
Les principaux marqueurs prédictifs de l’évolution
d’un cancer correspondent à l’une des trois catégories
suivantes : caractéristiques tumorales, terrain du patient,
conditions du traitement.
cordes vocales ou des nerfs laryngés, de l’œsophage, de la
trachée ou des bronches par une tumeur ou des adénopathies
cervicales ou médiastinales, déficit sensitif et/ou moteur et/ou
troubles sphinctériens en cas de compression médullaire… ;
––syndrome paranéoplasique (hippocratisme digital, syndrome
cave supérieur, syndrome de Claude-Bernard-Horner…).
2.Examens paracliniques
Radiographies simples : disponibles, peu irradiantes, ce sont :
––radiographie de thorax (lésions pulmonaires unique ou multiples en « lâcher de ballon ») ;
––radiographies osseuses (lyse, condensation, fracture) ;
––mammographie.
Échographie :simple, non invasive mais très opérateur-dépendante.
Des échographies dynamiques sont possibles dans l’exploration
du foie en cas de diagnostic différentiel : lésions d’angiomatoses
(bénignes) ou métastatiques (malignes).
Tomodensitométrie (TDM = scanner) : avec injection de produit de
contraste iodé, elle reste l’examen de référence.
Avantages : permet d’explorer tous les niveaux, peu opérateur-dépendant (ne pas lire le compte-rendu sans regarder les
images !), comparaisons possibles entre plusieurs examens
successifs (évaluation selon les critères RECIST 1.1 : réponse
complète ou partielle, stabilité ou progression).
Inconvénients : irradiation non négligeable (surtout en cas
d’examens répétés), qualité de l’examen dépendant de l’injection d’un produit de contraste iodé (risque allergique, nécessité
d’une fonction rénale conservée avec une clairance de la créatinine > 50 mL/min, arrêt des antidiabétiques oraux).
Imagerie isotopique. Plusieurs sont possibles :
––tomographie par émission de positons (TEP = PET-scan) : traceur
radioactif 18-FDG (flurorodésoxyglucose) : intérêt dans le bilan
d’extension ganglionnaire et général, peu spécifique (hyperfixation également des foyers infectieux ou inflammatoires) ;
––scintigraphie osseuse au technétium (sensible, dans le bilan lésionnel de l’atteinte osseuse, peu spécifique, irradiant et invasif)
ou au FNa (très spécifique sur l’os), scintigraphie thyroïdienne.
Imagerie par résonance magnétique (IRM) : c’est un examen d’imagerie non irradiant. Il permet d’augmenter la sensibilité dans la
détection des lésions secondaires cérébrales, méningées et
hépatiques. C’est l’examen de référence pour l’évaluation de
l’atteinte par compression médullaire. Elle nécessite une injection
de gadolinium afin d’avoir des séquences avec injection permettant d’évaluer la vascularisation. Les contre-indications sont rares :
corps étranger métallique, prothèse métallique, claustrophobie.
Un délai d’au moins 6 semaines après la mise en place de matériel d’ostéosynthèse, par exemple, est à respecter en raison
du risque de déplacement par le champ magnétique. C’est un
examen long et encore peu disponible.
Endoscopie :elle peut être digestive haute (gastroscopie) et basse
(colonoscopie, rectoscopie), respiratoire (fibroscopie bronchique),
urinaire (cystoscopie), gynécologique (hystéroscopie), permettant
une localisation précise, une description, la recherche d’éventuelles
complications (sténose, ulcération, perforation…) et la réalisation
d’une biopsie permettant le diagnostic de certitude.
Chirurgie : il s’agit par exemple de la cœlioscopie exploratrice à
la recherche de nodule de carcinose péritonéale (métastases
péritonéales en cas de cancer de l’ovaire ou de l’estomac).
Place de la biologie :
––les marqueurs tumoraux sont peu sensibles et peu spécifiques, probablement plus utiles pour le suivi et l’évaluation de
l’efficacité thérapeutique, discutables pour le dépistage des
rechutes. Il n’y a pas d’intérêt au moment du diagnostic sauf
alpha-fœtoprotéine et sous-unité bêta de l’hCG dans les tumeurs germinales, et l’alpha-fœtoprotéine (+ imagerie) dans le
carcinome hépatocellulaire ;
––la biologie moléculaire sur pièce opératoire ou biopsie a un
intérêt pronostique et thérapeutique : récepteurs hormonaux
(cancer du sein), sur expression de HER2 (sein, estomac),
mutation du récepteur de l’EGF (cancer colorectal, cancer
bronchique non à petites cellules), B-Raf (mélanomes), k-Ras
(cancers colorectaux)…
Sur point d’appel uniquement : on retient en particulier le myélogramme à la recherche d’un envahissement médullaire, et la ponction lombaire à la recherche d’une méningite carcinomateuse.
Bilan préthérapeutique
Il a plusieurs objectifs :
––capacité du patient à supporter le traitement anticancéreux ;
––choix du traitement en fonction du terrain.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e293
RR Item 289
D IA G N O S T IC DE S C ANC E R S : SIGNE S D'APPE L E T INVE ST IGAT IONS…
Retentissement général de la tumeur
1.Examen clinique
Il évalue : poids et évolution du poids, indice de performance
de Karnofsky ou de l’OMS, signe d’insuffisance d’organe, adénopathie périphérique palpable, hépatomégalie et splénomégalie, touchers pelviens, pression artérielle.
2.Examens paracliniques
On discute en particulier l’imagerie (v. bilan d’extension) et la
biologie avec :
––calcémie et calcémie corrigée en cas d’atteinte osseuse ;
––bilan hépatique : phosphatases alcalines (PAL) élevées en cas
de métastases osseuses condensantes (cancer du sein ou de
la prostate) ; cholestase anictérique avec élévation des PAL et
des gamma GT sans élévation de la bilirubine en cas de métastases hépatiques ; bilirubine élevée en cas de compression
(intrinsèque ou extrinsèque) des voies biliaires ; signe d’insuffisance hépatique (transaminases, TP, albumine) et rénale (urée,
créatinine, calcul du débit de filtration glomérulaire) ;
––syndrome inflammatoire fréquent avec une CRP parfois élevée
(jusqu’à plus de 100 mg/L), ferritine élevée avec une carence
martiale fonctionnelle (coefficient de saturation de la transferrine < 20 %), pouvant entraîner à plus long terme une anémie ;
––hémogramme : anémie à documenter et à corriger : hémorragie
aiguë ou à bas bruit, anémie inflammatoire ou carentielle ;
leucopénie avec le risque infectieux ; thrombopénie avec le
risque hémorragique (et se méfier d’une coagulation intravasculaire disséminée) ;
––myélogramme : en cas de pancytopénie, de suspicion de syndrome d’activation macrophagique) et de l’envahissement
médullaire.
Bilan du terrain
Il est important en cas de comorbidité, avec une évaluation
spécialisée au cas par cas et équilibre des traitements préexistants (diabète, insuffisance cardiaque, hypertension artérielle,
asthme…).
Bilan préopératoire
Il évalue l’extension de la maladie et le retentissement fonctionnel pouvant nécessiter une chirurgie en urgence (occlusion,
sténose, anurie…).
Bilan pré-chimiothérapie
Il est fonction du protocole de chimiothérapie envisagé, en lien
avec les toxicités spécifiques de certaines molécules de chimiothérapie.
Pose d’une voie veineuse centrale de type chambre implantable
sous-cutanée ou cathéter central d’insertion périphérique (Picc
line) permettant l’administration de la chimiothérapie intraveineuse (produits irritants ou vésicants) directement dans la veine
cave supérieure.
e294
Vol. 66 _ Septembre 2016
Cœur : les anthracyclines, le 5-fluoro-uracile, la capécitabine
(5-FU oral) et le trastuzumab (anticorps monoclonal dirigé contre
le récepteur HER2) ont une toxicité cardiaque : cumulative et irréversible dans le cas des anthracyclines, réversible pour le trastuzumab et risque de spasmes coronariens responsables d’un
angor voire d’un syndrome coronaire aigu pour le 5-FU. Leur
utilisation nécessite au préalable une consultation cardiologique
avec au minimum un électrocardiogramme et une échocardiographie avec mesure de la fraction d’éjection ventriculaire
gauche.
Moelle osseuse : le caractère myélotoxique de la plupart des traitements de chimiothérapie impose la réalisation d’un hémogramme avant chaque cure.
Fonction rénale et hépatique : elle doit être surveillée avant chaque
cure de chimiothérapie présentant une toxicité rénale ou hépatique ou chez le patient ayant un risque de détérioration de l’une,
l’autre ou des deux fonctions.
Pulmonaire : on réalise des explorations fonctionnelles respiratoires avec mesure de la DLCO (mesure du transfert de l'oxyde
de carbone) avant chimiothérapie par bléomycine en raison du
risque de fibrose pulmonaire immuno-allergique. Ce risque est
potentialisé par le tabagisme actif poursuivi pendant le traitement.
La radiographie de thorax initiale permet de vérifier la position du
cathéter central, épanchement pleural, adénopathies médiatisnales, foyer de pneumopathie… : à répéter au moindre doute.
Classification
Les objectifs des classifications sont de préciser le degré
d’extension du cancer, en différentes classes, au décours du
bilan local, régional et général, le choix de la thérapeutique et la
détermination du pronostic global selon la classe déterminée.
Généralités
Le bilan d’extension local, régional et général du cancer permet de classer précisément la maladie en différents profils diag­
nostiques, de gravité croissante.
La classification va aider le médecin dans ses choix thérapeutiques. Elle facilite également les échanges d’informations entre
différents centres de traitement, notamment à l’international
(classifications internationales des cancers).
La classification permet aussi d’apprécier et de comparer objectivement les résultats des traitements.
Chaque localisation de cancer dispose de sa propre classification.
Classification TNM
C’est la classification la plus utilisée pour la majorité des tumeurs solides. Elle est formulée par l’Union internationale contre
le cancer (UICC).
L’extension anatomique de la maladie repose sur les trois éléments suivants :
––T : degré d’extension de la tumeur primitive (T = tumor) ;
––N : absence ou présence, nombre de métastases ganglionnaires dans les territoires de drainage de la tumeur primitive,
voire plus à distance pour certains cancers (N = node = ganglion) ;
––M : absence ou présence de métastases à distance de la tumeur primitive.
Chaque élément (T, N et M) a un chiffre qui lui correspond.
1.T : tumeur primitive
On distingue :
––Tis : carcinome in situ, à un stade très précoce. Pas d’invasion
des tissus voisins ;
––T0 : pas de signe de tumeur primitive (clinique, paraclinique) ;
––T1-T2-T3-T4 : degré croissant de taille et/ou d’extension locale
de la tumeur primitive ;
––Tx : données insuffisantes pour l’évaluation de la taille tumorale.
2.N : atteinte ganglionnaire régionale (adénopathies)
On distingue :
––N0 : pas d’envahissement ganglionnaire régional ;
––N1-N2-N3 : augmentation en nombre et/ou en extension de
l’envahissement ganglionnaire régional ;
––Nx : données insuffisantes pour l’évaluation de l’atteinte
ganglionnaire.
3.M : Métastase à distance
On distingue :
––M0 : absence de métastase à distance ;
––M1 : présence de métastase(s) à distance ;
––Mx : données insuffisantes pour l’évaluation des métastases à
distance.
4.Règles de la classification TNM
Chaque cas doit avoir une confirmation anatomo-pathologique
du diagnostic avant classification.
Pour chaque localisation, quatre classifications peuvent être
données :
––classification clinique : TNM ou cTNM (clinical classification),
qui s’appuie sur les constatations cliniques, radiologiques, endoscopiques… faites avant tout traitement. Les examens
complémentaires requis pour cette classification varient selon
la localisation de la tumeur primitive. Il s’agit de la classification
la plus souvent utilisée en pratique clinique ;
––classification pathologique : pTNM (pathological classification),
prenant en compte les informations anatomo-pathologiques
supplémentaires recueillies au cours de l’acte d’exérèse
chirurgicale ou suite à l’examen de la pièce opératoire ;
––classification de la rechute : rTNM (retreatment classification) ;
––classification à l’autopsie : aTNM (autopsy classification), réalisée au décours d’un examen post mortem.
Un préfixe y précise que la classification pathologique a été
réalisée pendant ou après un traitement néo-adjuvant (= préopératoire) ayant pu modifier la classification : ypTNM.
Une fois établi initialement, le stade TNM n’est plus modifié
quelle que soit l’évolution de la maladie.
En cas de tumeurs multiples au sein d’une même localisation,
la classification dépend de la tumeur de plus grande taille, et le
nombre m total de tumeurs est indiqué entre parenthèses :
T2(m) = T2(5) si présence de 5 tumeurs, par exemple.
Quelques notions essentielles pour les examens,
l'ECN et votre pratique future
w Le diagnostic de cancer impose (sauf
rares cas, par exemple l’hépatocarcinome)
une preuve anatomo-pathologique.
w L’IRM avec injection de gadolinium est
l’examen de choix pour l’exploration des étages
encéphaliques et pelviens.
w Le bilan d’extension de la maladie comprend
3 niveaux : local, locorégional et général.
w Privilégier autant que possible les examens
complémentaires non irradiants.
w Le poumon, le foie, l’os et le cerveau sont les
principaux organes cibles des métastases.
w Les marqueurs tumoraux biologiques
n’ont pas leur place dans la stratégie
diagnostique (seules exceptions : carcinome
hépato-cellulaire, tumeurs germinales).
w Principes de la classification TNM pour les
tumeurs solides.
w M+ = stade IV.
w Le scanner avec injection de produit
de contraste reste l’examen le plus sensible
et le plus spécifique pour le niveau thoracique
et abdominal.
w Bilan préthérapeutique cardiaque avant
traitement cardiotoxique.
w Classification spécifique pour le cancer
de la prostate, le cancer de l’ovaire.
w Pronostic favorable = objectif CURATIF = guérison.
w Pronostic défavorable = objectif PALLIATIF
= limiter les symptômes sans trop de toxicité.
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RR Item 289
D IA G N O S T IC DE S C ANC E R S : SIGNE S D'APPE L E T INVE ST IGAT IONS…
Message de l'auteur
Cet item est très vaste, et aucun cas clinique ne peut
être construit à partir de ce seul chapitre. Cependant,
son contenu sera utilisé pour tous les dossiers portant
sur un cas de cancer. Plusieurs types de dossiers
peuvent être proposés nécessitant les connaissances
fondamentales de cet item (dossier clinique pur
sur un cancer en particulier et/ou dossier transversal).
Il est impératif de savoir hiérarchiser les examens
complémentaires et de garder en tête l’impérative
nécessité d’une preuve anatomo-pathologique avant
tout traitement du cancer. Il faut savoir penser au bilan
d’extension après chaque diagnostic de cancer.
Vous devez insister sur l’information donnée au patient,
et la marche à suivre dans l’annonce diagnostique
du cancer. Le mode décisionnaire en RCP de tout
traitement pour un cancer est à connaître.
Le cadre général des symptômes du cancer conduisant
au diagnostic doit être compris et doit permettre
d’élaborer des hypothèses diagnostiques (symptômes
généraux, symptômes directement liés à la tumeur
maligne, et syndromes paranéoplasiques), la majorité
des dossiers comprenant de la cancérologie sont
transversaux avec des complications liées au cancer
lui-même (hypercalcémie, occlusion, compression
médullaire…) ou à ses traitements.
Les marqueurs tumoraux peuvent être demandés
sur un cas clinique de cancer du sein, cancer
de la prostate, cancer du pancréas, tumeurs germinales
ou cancer du côlon.
Les dépistages recommandés en France doivent être
maîtrisés ainsi que les conditions particulières amenant
un diagnostic individuel précoce.
La classification TNM est à connaître pour les cancers
du sein, du côlon, de la prostate et du poumon
essentiellement.
e296
Vol. 66 _ Septembre 2016
Classification en stades
La classification TNM fournit une description très précise de
l’extension anatomique du cancer.
Une localisation tumorale dont la classification a 4 catégories
de T, 3 catégories de N et 2 catégories de M correspond à
24 catégories TNM possibles.
Dans une optique de simplification, toutes ces catégories sont
généralement groupées en stades de gravité croissante.
Chaque stade correspond à un groupe relativement homogène
de catégories TNM sur le plan de la survie. Les différences de
survie entre les différents stades sont souvent très importantes.
Le plus souvent, on distingue 5 stades de gravité croissante :
––stade 0 : cancer in situ ;
––stade 1 : tumeur primitive de petit volume, sans adénopathie
ni métastase ;
––stade 2 : extension locale plus avancée et/ou envahissement
ganglionnaire minime ;
––stade 3 : extension locale très avancée avec possible atteinte
des organes de voisinage et/ou envahissement ganglionnaire
important ;
––stade 4 : présence de métastase(s) à distance et/ou adénopathies à distance de la tumeur primitive.
Dans la majorité des cas, les cancers de stade 0, 1 et 2 sont
traités avec un objectif curatif, tandis que les stades 3 et 4 sont
des indications de traitement à but palliatif.
Classifications spécifiques
Pour certaines localisations de cancer, et à certains stades, des
classifications spécifiques sont utilisées. Par exemple, la classification de D’Amico pour les cancers de prostate localisés :
––permet de déterminer le risque de rechute après traitement
local du cancer ;
––distingue 3 groupes à risque de rechute faible, intermédiaire et
élevé ;
––est fondée sur TNM, taux sanguin de PSA au diagnostic et score
anatomo-pathologique de Gleason.
La classification de la Fédération internationale de gynécologie
et d’obstétrique (FIGO) distingue :
––pour le cancer de l’ovaire, 4 stades : limité à l’ovaire, extension
vers les organes de voisinage, extension au péritoine ou lymphatique régionale, extension à distance (plèvre, foie) ;
––pour le cancer du col utérin, 4 stades : limité au col, extension
au vagin (deux tiers supérieurs) et/ou aux paramètres, extension au tiers inférieur du vagin et/ou à la paroi pelvienne, extension à la vessie et/ou au rectum et/ou aux organes à distance ;
––pour le cancer de l’endomètre, 4 stades : limité au corps utérin,
extension au stroma du col, extension ganglionnaire régionale
et/ou annexes et/ou paramètres et/ou séreuses, extension à la
vessie et/ou intestin et/ou à distance.
Enfin, la classification d’Ann Arbor s’adresse aux lymphomes
malins non hodgkiniens et lymphomes hodgkiniens.
Pronostic
Terrain
Généralités
Il évalue :
––l’âge ;
––l’état général et notamment le degré d’autonomie ;
––le statut nutritionnel : une dénutrition modérée à sévère est un
facteur de mauvais pronostic ;
––la présence de comorbidités : insuffisance rénale, hépatique,
cardiopathie, coronaropathie, artériopathie, insuffisance respiratoire obstructive, restrictive, déficit immunitaire ;
––l’état psychologique : dépression, troubles anxieux, troubles
psychiatriques ;
––la situation socio-professionnelle : bas niveau socio-économique,
précarité, mauvaise observance thérapeutique ;
––génétique : formes familiales (exemple : polypose adénomateuse
familiale), cytogénétique ;
––statut hormonal (ménopause et cancer du sein).
Les facteurs pronostiques sont des critères permettant de prévoir
l’évolution du cancer, mais ils n’échappent pas aux incertitudes
de toute prévision. Le but global est d’évaluer l’agressivité de la
maladie, en termes de rechute locale, régionale ou métastatique.
Ces facteurs pronostiques sont recueillis avant tout traitement,
mais peuvent aussi évoluer pendant et après le traitement.
L’évaluation d’un pronostic global avant tout traitement est indispensable pour définir la stratégie thérapeutique :
––pour un cancer à pronostic favorable, l’objectif est de réaliser
un traitement le plus efficace possible et ayant le moins d’effets
secondaires ;
––pour un cancer de mauvais pronostic, l’objectif est d’obtenir
une réponse au traitement, en prenant le risque d’obtenir des
effets secondaires plus importants.
Les facteurs pronostiques sont très nombreux et correspondent
schématiquement à 3 grandes catégories : la tumeur, le terrain,
le traitement (3T).
Tumeur
L’évaluation dépend de :
––la taille de la tumeur et l’extension du cancer :
. extension pariétale, aux organes de voisinage ;
. extension ganglionnaire ;
.extension à distance : la découverte de métastases est un
facteur pronostique péjoratif majeur ;
––l’histologie, en particulier :
. le type histologique (par exemple, pour les tumeurs cérébrales
primitives, glioblastome de moins bon pronostic que les oligodendrogliomes) ;
. le degré de différenciation : le caractère indifférencié aggrave le
pronostic ;
. l’index de prolifération : le temps de doublement court pour une
tumeur est un marqueur d’agressivité donc de mauvais pronostic ;
. l’envahissement vasculaire (emboles vasculaires péritumoraux) ;
. le grade histologique (par exemple, score de Gleason pour le
cancer de la prostate, score Scarff-Bloom-Richardson pour le
cancer du sein, grade de la Fédération nationale des centres
de lutte contre le cancer [FNCLCC] dans les sarcomes des
tissus mous).
––la biologie, par exemple :
. hormonosensibilité : présence de récepteurs à l’estrogène et à
la progestérone pour une tumeur du sein, facteurs de bon pronostic ;
. analyse de l’expression (immuno-marquage) et/ou de l’amplification (FISH) de certains gènes dans la tumeur : par exemple,
HER2 et cancer du sein ;
.dosages sériques des marqueurs tumoraux : par exemple
β-hCG, LDH et αFP dans le cancer du testicule, immunoglobuline monoclonale et myélome multiple.
Traitement
Les éléments importants sont :
––délai de prise en charge initiale : facteur pronostique majeur
pour certains types de tumeurs ;
––qualité de l’exérèse chirurgicale (= marges) : une résection
complète monobloc microscopique est un facteur de meilleur
pronostic qu’une résection macroscopiquement incomplète ;
––réponse au traitement initial : chimiothérapie, radiothérapie ;
––prise en charge pluridisciplinaire, prérequis indispensable à un
traitement de qualité ;
––récidive précoce malgré le traitement, élément pronostique
péjoratif ;
––arrêt ou poursuite d’une exposition à risque (tabagisme, alcoolisme…).
Conclusion
Le cancer est devenu la première cause de mortalité en France
et l’incidence augmente en raison du vieillissement de la population, de facteurs génétiques mais aussi toxiques, environnementaux, sociétaux.
Dans le cadre de l’apprentissage de la cancérologie, il est important pour les étudiants en médecine, quelle que soit leur spécialité, d’être sensibilisés à l’intérêt des dépistages organisés
(sein, col de l’utérus, côlon-rectum), aux signes d’appel évocateurs (syndrome tumoral, syndrome compressif, hémorragie,
altération de l’état général…) et aux principaux facteurs de
risque (antécédents personnels et familiaux, exposition professionnelle, tabagisme actif ou passif). •
B. Mery, G. Moriceau, R. Rivoirard et O. Collard déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e297
RR
FOCUS
Item 289
Les métastases des cancers
Dr Benoîte Mery, Dr Guillaume Moriceau, Dr Romain Rivoirard, Dr Olivier Collard
Voir l’item complet page e291
et sur larevuedupraticien.fr
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
Département d’oncologie médicale, institut de cancérologie Lucien-Neuwirth,
42270 Saint-Priest-en-Jarez, France
[email protected]
a métastase est une lésion cancéreuse dont l’origine est le
tissu de la tumeur initiale. Une métastase hépatique d’un
cancer du sein n’est pas un cancer du foie, mais une évolution
d’un cancer du sein.
La localisation des métastases dépend de la vascularisation
des organes cibles et/ou d’affinité particulière d’un type tumoral
pour un organe cible. Les principaux sites sont :
––les poumons : bien distinguer, au niveau thoracique, les méta­
stases pulmonaires parenchymateuses et les adénopathies
médiastinales. Les métastases pulmonaires peuvent se voir
dans pratiquement tous les cancers. Une métastase envahis­
sant une bronche ou un vaisseau expose à des complications
qui peuvent être particulièrement sévères (pneumothorax, dé­
tresse respiratoire aiguë, hémoptysie…) ;
––le foie : les métastases hépatiques sont particulièrement fré­
quentes (et surviennent en premier lieu) dans les cancers digestifs
(colorectal) mais aussi du sein ou du poumon. La double vascu­
larisation (système hépatique et système porte) explique l’affi­
nité du foie pour les localisations secondaires. Le nombre de
lésions, leur localisation dans le parenchyme et le rapport avec
les gros vaisseaux sont fondamentaux pour la prise en charge
(chirurgie des métastases, radiofréquence…) ;
––l’os : les cancers les plus ostéophiles sont le cancer du poumon,
du rein, du sein, de la prostate et de la thyroïde. Le bilan d’exten­
sion permet d’évaluer le risque fracturaire, ainsi que le rapport
au canal médullaire en cas d’atteinte vertébrale ;
––le cerveau : les métastases cérébrales proviennent de cancer
du sein, du rein, du poumon et du mélanome… On recherche
tout particulièrement la survenue d’un effet de masse, d’un
engagement, ou d’un signe de compression d’une zone fonc­
tionnelle en cas de signe d’appel neurologique. Pour le diag­
nostic de métastases cérébrales, l’IRM avec injection est plus
performante que la TDM avec injection ;
––tout autre organe peut être le siège d’une métastase (rein,
surrénale, choroïde, muscle, peau…).
L’apparition de métastases constitue un tournant dans l’histoire
naturelle du cancer. La maladie cancéreuse n’est plus limitée à
un organe mais disséminée (éviter le terme « généralisée » même
si, en pratique, c’est le cas).
Savoir si le cancer est métastatique a un intérêt pronostique
majeur dans la prise en charge médicale et chirurgicale du patient.
e298
Vol. 66 _ Septembre 2016
Coll. J.-F. Cordier
L
FIGURE Métastases multiples d’un sarcome des parties molles.
Aspect de « lâcher de ballons » avec masses multiples des deux poumons.
Par ailleurs, le suivi des métastases (taille, aspect) permet d’ap­
précier la réponse au traitement.
Le risque métastatique est théoriquement possible pour tous
les types de cancer, même si, en pratique, il est en fait très va­
riable selon les localisations : par exemple, les carcinomes ba­
socellulaires ne donnent pas de métastases et les tumeurs céré­
brales exceptionnellement.
Une adénopathie tumorale en dehors du territoire de drainage
de l’organe atteint doit être considérée comme une métastase
ganglionnaire (M du TNM) et pas comme une simple atteinte
ganglionnaire (N du TNM).
Des métastases peuvent être retrouvées sans que la tumeur
primitive puisse être mise en évidence, le diagnostic histologique
est fait sur l’une des métastases, le bilan à la recherche de la
tumeur primitive (orienté par l’histologie, l’histoire de la maladie,
les antécédents du patient…) peut être négatif et un traitement
à « large spectre » est alors réalisé contre les métastases et le
primitif présumé.•
B. Mery, G. Moriceau, R. Rivoirard et O. Collard déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
RR
Item 249
AMAIGRISSEMENT À TOUS
LES ÂGES
Pr Anne-Laure Fauchais, Dr Anne Cypierre
Service de médecine interne A, CHU Dupuytren, 87000 Limoges, France
[email protected]
Le poids
objectifs
ARGUMENTER les principales hypothèses
diagnostiques et JUSTIFIER les examens
complémentaires pertinents.
Définition
L’amaigrissement est défini par une perte de poids supérieur à
5 % du poids corporel sur une période de 6 mois. Il est considéré
important s’il est supérieur ou égal à 10 % du poids.
L’amaigrissement est à distinguer de la maigreur constitutionnelle où le poids, bien qu’inférieur à la norme, est stable et ne
s’accompagne d’aucun symptôme.
L’amaigrissement peut avoir plusieurs origines :
––une insuffisance d’apport alimentaire ;
––un défaut d’absorption des aliments ;
––un excès de consommation métabolique (maladies inflammatoires, néoplasies…).
Une grande variété de pathologies peuvent être à l’origine
d’un amaigrissement, l’interrogatoire et l’examen clinique guidant
habituellement la prise en charge. Lorsque l’amaigrissement est
isolé, la démarche diagnostique doit faire appel à des examens
complémentaires hiérarchisés.
Démarche diagnostique
Elle est essentielle, vrai travail de détective, s’appuyant sur le
recueil précis des antécédents et des traitement suivis, retraçant
les modalités et la rapidité d’installation des symptômes, chiffrant
la perte de poids.
L’amaigrissement, signe aspécifique, est rarement réellement
isolé, et la démarche diagnostique doit s’attacher à découvrir un
signe anamnestique, clinique ou biologique plus spécifique qui
servira de fil conducteur à l’enquête étiologique.
L’anamnèse pondérale s’assure tout d’abord de la réalité de
l’amaigrissement (courbe de poids idéalement, antécédents
pondéraux [anciennes consultations ou hospitalisations], changements de vêtements, changement des tours de taille et de cou…),
des modifications du comportement alimentaire et apprécie la
diminution éventuelle des apports alimentaires (anorexie, contexte
socio-économique) ou leur augmentation.
L’interrogatoire doit systématiquement évaluer l’apport en
nourriture journalier de manière qualitative (exclusion ou non de
certains aliments) et quantitative (nombre de calories). Dans les
cas complexes, on s’aidera d’une enquête alimentaire menée par
une diététicienne entraînée ou de l’observation directe de l’alimentation et de la perte de poids au cours d’une hospitalisation.
On garde en mémoire que l’anorexie mentale restrictive est la
première cause d’amaigrissement chez l’adolescent, et l’interrogatoire recherche alors régimes d’exclusion, activité physique
intense et excessive, vomissements provoqués.
Être systématique à l’interrogatoire,
c’est être diagnostique
L’interrogatoire recherche systématiquement des antécédents
de cancer, d’anorexie mentale, de consommation de toxiques
(alcool, tabac), de rapports sexuels à risque, de primo-infection
et/ou de contage tuberculeux.
La connaissance des conditions de vie (difficultés sociales et
professionnelles) et le contexte psychologique font partie intégrante de l’évaluation.
Le recueil des traitements suivis est indispensable, la polymédicamentation et/ou certaines classes médicamenteuses étant
source d’anorexie, de dysgueusie conduisant à un amaigrissement parfois important, surtout chez le sujet âgé ou polypathologique.
On recherche systématiquement les autres signes généraux
associés (asthénie, anorexie et fièvre) et leur chronologie d’apparition.
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RR Item 249
A MA IG R IS SE ME NT À T OU S L E S ÂGE S
On recherche également une aménorrhée, des troubles de la
libido qui vont orienter vers une anorexie mentale ou une origine
endocrinologique.
L’examen clinique
Le poids, la taille et le calcul de l’indice de masse corporelle
sont à la base de l’évaluation, il ne faut pas se contenter de noter ce que déclare le patient mais il faut réaliser réellement les
mesures. L’épaisseur cutanée tricipitale permet la mesure de la
masse adipeuse.
L’état nutritionnel est systématiquement évalué avec :
––la recherche d’une dénutrition : un indice de masse corporelle
à moins de 17 ou une perte de poids en un mois supérieure à
5 % permettent de l’affirmer ;
––la recherche d’une amyotrophie ou de signes de carence
(peau sèche, dépilation, chute des cheveux, purpura des
membres inférieurs, gingivorragies…) ;
––la recherche d’un syndrome œdémateux lié à l’hypoprotidémie, les œdèmes pouvant masquer une partie de la perte de
poids.
On recherche ensuite plus particulièrement un syndrome tumoral ; la palpation des aires ganglionnaires est systématique,
de même que la réalisation des touchers pelviens et un examen
thyroïdien.
Les signes de gravité clinique sont systématiquement recherchés : indice de masse corporelle < 15, perte de poids > 30 %,
hypothermie, hypotension artérielle, bradycardie, ralentissement
psychomoteur.
Examens complémentaires
Le bilan biologique recherche des signes de gravité :
––hypoglycémie ;
––troubles ioniques ;
––hypophosphorémie ;
––perturbation du bilan hépatique ;
––hypo-albuminémie profonde.
Le choix des examens complémentaires doit être guidé avant
tout par un point d’appel clinique : en l’absence, on réalise un
bilan de première et deuxième intention non consensuel quant à
son contenu (fig. 1 et 2) sans oublier le bilan de la dénutrition
souvent associée.
La recherche d’un syndrome inflammatoire doit être systé­
matique et permet de guider la démarche diagnostique. Sa
présence fait discuter la biopsie de l’artère temporale chez le
sujet âgé.
Une hospitalisation est parfois nécessaire, permettant de reprendre l’enquête en recherchant à nouveau un trouble du comportement alimentaire (fiche de recueil alimentaire++), un trouble
psychiatrique mais également d’approfondir la recherche d’une
pathologie organique par la réalisation d’une tomodensitométrie
thoraco-abdomino-pelvienne et d’endoscopies digestives.
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Vol. 66 _ Septembre 2016
Étiologie
Les principaux cadres diagnostiques sont les suivants, étio­
logiques, néoplasiques, infectieuses, digestives et endocrinologiques étant les plus fréquentes des pathologies somatiques
responsables d’un amaigrissement chez l’adulte.
Le tableau résume les points clés de certaines causes pouvant
se révéler par un amaigrissement et à connaître pour l’ECN.
Néoplasiques
Tout cancer peut être révélé par un amaigrissement, la fréquence
des origines néoplasiques pouvant atteindre 25 à 35 % des cas
dans certaines études, avec une majorité de cancers digestifs.
L’origine de la perte de poids est souvent multiple (cytokinique,
réduction alimentaire conséquence directe des cancers digestifs
et ORL, hypercatabolisme, douleurs).
Le bilan est orienté par :
––des antécédents personnels ou familiaux néoplasiques ;
––le tabagisme, l’éthylisme chronique ;
––un syndrome tumoral clinique ;
––l’anémie de profil ferriprive (néoplasie digestive) ou inflammatoire
(néoplasie rénale)…
Causes organiques non néoplasiques
Elles représentent de 30 à 50 % des causes.
1.Infectieuses
Ce sont les infections subaiguës avec abcès profond, endocardites, tuberculose, virus de l’immunodéficience humaine (VIH),
hépatites virales B et C chroniques, virus d’Epstein-Barr, cyto­
mégalovirus.
Deux affections sont à rechercher systématiquement, la tuberculose et l’infection par le VIH.
Le bilan est orienté par :
––l’interrogatoire avec pratiques à risque ;
––la fièvre ;
––le syndrome inflammatoire biologique ;
––l’hyperleucocytose et/ou la lymphopénie, le syndrome mononucléosique.
2.Métaboliques
Ce sont l’hyponatrémie, l’hypercalcémie, l’insuffisance rénale
aiguë ou chronique.
Le bilan est orienté par :
–– l’ionogramme sérique, la fonction rénale, le bilan phosphocalcique ;
––l’analyse des traitements pris par le patient+++.
3.Endocriniennes
Ce sont le diabète de novo ou décompensé, l’hyper- ou l’hypo­
thyroïdie, l’insuffisance surrénalienne, panhypopituitarisme.
Le bilan est orienté par :
––l’amaigrissement à appétit conservé (diabète, hyperthyroïdie) ;
––l’asthénie, la mélanodermie, l’hypotension (insuffisance surrénalienne) ;
––la thermophobie, les palpitations, les tremblements (hyperthyroïdie).
Histoire pondérale / Enquête alimentaire
Interrogatoire précis, examen clinique minutieux
Poids stabilisé avec apports
nutritionnels conservés
Examen physique et bilan
de première intention
Perte de poids
avec apports
nutritionnels conservés
ou augmentés
Perte de poids
avec apports
nutritionnels diminués
(anorexie)
Maigreur
constitutionnelle
Diabète (glycémie)
Hypertrophie (TSH)
Malabsorption (SB carence)
Bilan étiologique
Éliminer
✗ causes organiques
Attention chez SA
ou polypathologique
Causes intriquées
Facteur déclenchant aigu
Situation de rupture
(cancer, infections, digestives,
métaboliques, endocriniennes,
neurologiques…)
✗ causes psychiatriques
✗ causes iatrogènes
✗ causes sociales
FIGURE 1
Démarche diagnostique au cours d’un amaigrissement isolé. SB : signes biologiques ; TSH : thyréostimuline.
Amaigrissement / Interrogatoire précis, examen clinique minutieux
Orientation diagnostique
Pas d'orientation diagnostique
Exploration ciblée
Bilan de première intention
Bilan de deuxième intention
NFS, plaquettes, taux de prothrombine,
temps de céphaline activée, vitesse de
sédimentation, protéine C réative, fibrinogène,
EPP, ionogramme, urée, créatinine, glycémie,
bandelette urinaire ± ECBU, calcium,
phosphore, LDH, TSH, bilirubine, TGO, TGP, GT,
sérologie VIH, anticorps antitransglutaminase,
dépistage d'une malabsorption (albumine,
pré-albumine, ferritine, folates, B12)
Intradermoréaction à la tuberculine
Tomodensitométrie
thoraco-abdomino-pelvienne
Endoscopies digestives avec biopsies
systématiques duodénales
Radiographie de thorax,
échographie abdomino-pelvienne
FIGURE 2 Bilan biologique et paraclinique hiérarchisé. NFS : numération formule sanguine ; EPP : électrophorèse des protéines plasmatiques ; ECBU : examen
cytobactériologique des urines ; LDH : lactate déshydrogénase ; TSH : thyréostimuline ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
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TABLEAU
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Quelques étiologies susceptibles d’être révélées par un amaigrissement isolé
Étiologie
Pour y penser
Éléments paracliniques évocateurs
Causes néoplasiques
Tout type de cancer
❚❚Altération de l’état général aggravante
❚❚Syndrome tumoral clinique
❚❚Penser à l’existence parfois associée d’un syndrome de sécrétion
inappropriée d’hormone antidiurétique ou d’une hypercalcémie
aggravant l’anorexie
❚❚Dégoût des viandes : cancer digestif+++
❚❚Syndrome inflammatoire peut manquer
❚❚Traquer l’anémie ferriprive pour le cancer digestif
❚❚Autres signes biologiques évocateurs : élévation de la lactate
déshydrogénase (LDH), cytolyse ou cholestase
Étiologies endocriniennes et métaboliques
Diabète
❚❚Syndrome cardinal
❚❚Diabète de type 1 de novo
❚❚Diabète de type 2 déséquilibré ou devenant insulino-requérant
❚❚Glycémie
❚❚Hémoglobine glyquée (HbA1c)
❚❚Rechercher pancréatite chronique associée+++
Hyperthyroïdie
❚❚Signe de thyrotoxicose (tachycardie, diarrhée motrice,
thermophobie…)
❚❚TSH effondrée
Hypercalcémie
❚❚Anorexie
❚❚Syndrome polyuro-polydypsique
❚❚Calcémie corrigée ou Ca ionisé
❚❚Recherche hyperparathyroïdie, métastases, myélome
(électrophorèse)
Insuffisance surrénalienne
❚❚Hypotension, mélanodermie
❚❚Tableau pseudo-abdominal
❚❚Hyponatrémie et hyperkaliémie
❚❚Hypoglycémie
❚❚Traitement d’épreuve
❚❚Dosage matinal de cortisol et de l’ACTH
Endocardite
❚❚Fièvre parfois au 2e plan
❚❚Modification ou apparition d’un souffle cardiaque
❚❚Porte d’entrée ++
❚❚Hémocultures
❚❚Syndrome inflammatoire
❚❚Échocardiographie transthoracique ± échocardiographie
transœsophagienne
Tuberculose
❚❚Fièvre, anorexie
❚❚Sueurs nocturnes
❚❚Contexte socio-économique
❚❚Radiographie du thorax
❚❚Intradermoréaction à la tuberculine
Causes infectieuses
Causes hépatiques et digestives
Malabsorption (maladie
cœliaque, maladie de
Crohn, pancréatite
chronique…)
❚❚Diarrhée chronique parfois au second plan
❚❚Signe de carence clinique
❚❚Carence martiale chronique chez la femme non ménopausée +++
❚❚Anticorps anti-transglutaminase (maladie cœliaque)
❚❚Carences vitaminiques
❚❚Endoscopie digestive avec biopsies systématiques
Hépatopathies
❚❚Ictère
❚❚Hépato-splénomégalie
❚❚Origine virale, éthylique, dysmétabolique ou auto-immune
Causes auto-immunes et inflammatoires
Vascularite
Sarcoïdose
❚❚Amaigrissement rarement isolé
❚❚Penser à l’altération de l’état général des formes systémiques
pures de l’artérite à cellules géantes (syndrome inflammatoire)
❚❚Attention à la sarcoïdose multiviscérale avec tableau pseudonéoplasique
TSH : thyréostimuline ; ACTH : adreno-cortico trophic hormone.
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❚❚Syndrome inflammatoire si vascularite
❚❚Enzyme de conversion de l’angiotensine si suspicion de sarcoïdose
❚❚Pas de bilan auto-immun non orienté
❚❚Si amaigrissement au cours d’un lupus érythémateux
disséminé, du syndrome de Sjögren : penser à rechercher
la maladie cœliaque associée
Amaigrissement à tous les âges
POINTS FORTS À RETENIR
Vérifier la réalité de l’amaigrissement.
Rechercher la dénutrition associée.
Éliminer le cancer (25-35 % des cas).
Origine psychogène fréquente (20 %) mais diagnostic
d’élimination.
La « to do list »
de l’amaigrissement
1. S’assurer de la réalité, quantifier l’amaigrissement et
toujours rechercher une dénutrition associée.
2. Faire une rapide enquête alimentaire à la recherche d’une
réduction des apports : les amaigrissements à appétit conservé
évoquent hyperthyroïdie, diabète et malabsorption.
3. Rechercher une addiction (alcool, tabagisme).
4. Ordonnance à rallonge = source d’amaigrissement.
5. La recherche d’un cancer (25-35 % des cas) doit être
systématique.
6. Rechercher les troubles digestifs, parfois au deuxième plan ;
leur présence renforce l’indication d’explorations endoscopiques
qui doivent s’accompagner systématiquement de biopsies
duodénales.
7. Le bilan biologique et paraclinique devra être hiérarchisé et
centré, au départ, sur un point d’appel clinique ou
anamnestique.
8. Penser au bilan de malabsorption (hémogramme, TP,
cholestérol, fer, ferritine, calcémie, électrophorèse des protides,
vitamine B12, folates, stéatorrhée, créatorrhée…) et à la
maladie cœliaque (anticorps anti-transglutaminase).
9. Rechercher dépression et troubles psychiatriques, parfois
intriqués à une pathologie somatique aiguë.
. Chez le sujet âgé, penser à explorer les causes sociales
(misère, isolement), buccales (édentation, prothèses dentaires
inadaptées), neurologiques (démences, maladie de
Parkinson…), iatrogènes et psychiatriques souvent intriquées.
4.Digestives
Ce sont les ulcères gastriques ou duodénaux, œsophagites,
candidoses bucco-œsophagiennes, hépatopathies chroniques
(éthylique, virale, métabolique et auto-immune), la malabsorption
(insuffisance pancréatique, la maladie cœliaque, la pullulation
microbienne, les maladies inflammatoires du tube digestif).
Le bilan est orienté par :
––l’anorexie au premier plan, diarrhée chronique ;
––l’anémie de profil ferriprive associée.
5.Inflammatoires
Ce sont surtout les vascularites (artérite giganto-cellulaire de
Horton : forme systémique avec altération de l’état général isolée
et syndrome inflammatoire), sarcoïdose, maladies auto-immunes
systémiques, mais l’amaigrissement est rarement isolé dans ce
cadre étiologique.
L’amylose peut, en revanche, être responsable d’un amaigrissement isolé.
Le bilan est orienté par :
––un syndrome inflammatoire chronique (protéine C réactive et
fibrinogène élevés) ;
––des signes cliniques spécifiques à rechercher systématiquement.
6.Cardiaque
On retient l’insuffisance cardiaque terminale (toute cardiopathie
notamment de surcharge : amylose, hémochromatose, shunts
vieillis).
Le bilan est orienté par :
––un antécédent personnel ou familial ;
––la portion N-terminale du propeptide natriurétique de type B
(NT-ProBNP), l’électrocardiogramme.
7.Pulmonaire
Ce sont : l’insuffisance respiratoire chronique décompensée
ou terminale (broncho-pneumopathie chronique obstructive,
pneumopathies interstitielles…), la néoplasie pulmonaire, la tuber­
culose, les embolies pulmonaires récidivantes (néoplasie ou
syndrome des antiphospholipides).
Le bilan est orienté par :
––une dyspnée progressive ;
––une hémoptysie.
8.Iatrogénique
C’est extrêmement fréquent chez le sujet âgé et/ou polypatho­
logique représentant 10-15 % des hospitalisations des personnes
âgées de plus de 75 ans.
Le bilan est orienté par la lecture de l’ordonnance :
––hyponatrémie des diurétiques et/ou des inhibiteurs de recapture de la sérotonine ;
––syndrome confusionnel des psychotropes ;
––insuffisance rénale aiguë des anti-inflammatoires non stéroïdiens ;
––surdosage en digitaliques…
9.Neurologique
On retient la démence chez le sujet âgé, souvent non encore
diagnostiquée, l’encéphalopathie carentielle, la maladie de Parkinson, les séquelles d’un accident vasculaire cérébral…
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Le bilan est orienté par :
––une anomalie examen neurologique systématique, les fausses
routes ;
––le mini-mental state (MMS) pathologique ;
––parfois des symptômes dysthymiques au premier plan en cas
de démence débutante.
10.Anomalies de la cavité buccale
Elles sont multiples (édentation, prothèse inadaptée, candidose
chronique) surtout chez le sujet âgé.
Causes psychogènes
Elles comprennent le syndrome dépressif, l’anxiété avec somatisation, l’addiction (alcool, toxicomanie), l’anorexie mentale
(triade anorexie, amaigrissement, aménorrhée). Les origines
psychogènes représentent 15 à 60 % des cas selon les études.
L’origine psychogène de l’amaigrissement reste un diagnostic
d’exclusion.
Le bilan est orienté par :
––la normalité de l’examen clinique et des examens complémentaires à visée étiologique ;
––l’attention à l’intrication avec une pathologie aiguë somatique.
Amaigrissement inexpliqué
Entre 10 et 15 % des amaigrissements restent inexpliqués malgré
une enquête étiologique bien conduite.
Principes de prise en charge et suivi
La prise en charge est avant tout étiologique.
Le protocole de renutrition sera adapté à la pathologie causale
et à l’intensité de la perte de poids. On favorisera autant que
possible l’alimentation entérale (compléments nutritionnels oraux
avec supplémentation vitaminique et minérale...).
Chez le sujet âgé, il faut tenir compte des problèmes éventuels
de mastication et penser à introduire des aides à domicile pour
les repas.
Un amaigrissement isolé sans syndrome inflammatoire bio­
logique et anomalie clinique ou paraclinique (bilan hiérarchisé)
doit être surveillé régulièrement en consultation.
e304
Vol. 66 _ Septembre 2016
Message de l'auteur
L’item « Amaigrissement » est le prototype du dossier
progressif transversal où les premières questions se
focalisent sur la démarche diagnostique (ne jamais
oublier le bilan du retentissement, c’est-à-dire les signes de
gravité et une dénutrition associée), le dossier débouchant
ensuite sur le diagnostic de nombreuses pathologies,
qu’elles soient néoplasiques (cancer digestif et anémie
ferriprive), infectieuses (endocardite, tuberculose, VIH),
digestives (diarrhée chronique de la maladie cœliaque
ou des maladies inflammatoires du tube digestif) voire
neurologiques (amaigrissement, confusion aiguë et diagnostic
de démence)… L’amaigrissement inexpliqué peut également
révéler un trouble des conduites alimentaires avec un diagnostic
final d’anorexie mentale à la fin du dossier progressif.
+
POUR EN SAVOIR ●
Leduc D, Rougé PE, Rousset H, Maitre A, Champay-Hirsch AS, Massot C.
Clinical study of 105 cases of isolated weight loss in internal medicine. Rev
Med Interne 1988 Nov-Dec;9(5):480-6.
Hernández JL, Riancho JA, Matorras P, González-Macías J. Clinical
evaluation for cancer in patients with involuntary weight loss without specific
symptoms. Am J Med 2003;114(8):631-7.
Metalidis C1, Knockaert DC, Bobbaers H, Vanderschueren S. Involuntary
weight loss. Does a negative baseline evaluation provide adequate
reassurance? Eur J Intern Med 2008 Jul;19(5):345-9.
Baicus C, Rimbas M, Baicus A, Caraiola S. Cancer and involuntary
weight loss: failure to validate a prediction score. PLoS One 2014 Apr
24;9(4):e95286.
A.-L. Fauchais déclare avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises
Actelion, Roche, GSK, LFB, Genzyme, Pzizer, Lilli et avoir été prise en charge, à l’occasion
de déplacement pour congrès, par elles. A. Cypierre déclare n'avoir aucun lien d'intérêts.
RR
Item 198
BIOTHÉRAPIES ET
THÉRAPIES CIBLÉES
Dr Arsène Mekinian, Pr Olivier Fain
Service de médecine interne, hôpital Saint-Antoine, AP-HP, université Paris-VI, 75012 Paris, France
[email protected]
Greffes de moelle ou de cellules souches
objectifs
CONNAÎTRE les bases cellulaires et moléculaires
des cellules souches embryonnaires et adultes,
des cellules reprogrammées.
CONNAÎTRE les principes des thérapies cellulaires
et géniques.
EXPLIQUER les principes d’évaluation
des biothérapies.
CONNAÎTRE les bases cellulaires et tissulaires
d’action des thérapies ciblées.
ARGUMENTER les principes de prescription
et de surveillance.
Principes des thérapies cellulaires et géniques
Cellules souches
1.Cellules souches adultes
Les cellules souches adultes sont naturellement présentes
dans les organes, et participent au renouvellement et à la réparation des tissus adultes.
2.Cellules souches embryonnaires
Issues de l’embryon à un stade très précoce de son développement, les cellules souches embryonnaires sont capables de
se multiplier à l’infini, par simple division (autorenouvellement), et
de donner naissance à tous les types de cellules de l’organisme
(pluripotence).
Les cellules souches embryonnaires sont cultivées à partir de
cellules dans l’embryon quand il est âgé de seulement quelques
jours et, chez les humains, cela correspond au blastocyste. Elles
sont pour le moment principalement utilisées en recherche médicale mais, du fait de leur pluripotence, elles pourraient l’être
pour produire des cellules humaines différenciées et être
transplantées afin de guérir les tissus malades.
1.Cellules souches hématopoïétiques (CSH)
Les cellules souches médullaires sont des cellules capables de
s’autorenouveler et de donner naissance à au moins une lignée
cellulaire différenciée. Elles peuvent être totipotentes (à l’origine
de toutes les lignées), pluripotentes (la quasi-totalité des cellules)
ou multipotentes (plusieurs lignées cellulaires).
Ces greffes peuvent avoir pour rôle de remplacer (une moelle
aplasique, une population cellulaire génétiquement malade…) ou
de lutter contre une maladie (hémopathie maligne). En effet,
l’agression du greffon contre l’hôte a un effet positif, à savoir l’éradication des cellules malignes encore présentes. C’est l’effet GVL
(graft versus leukemia) qui est recherché.
2.Principe
Il s’agit de remplacer le tissu hématopoïétique du receveur par
celui du donneur. De ce fait, l’allogreffe doit être précédée et
accompagnée par une immunosuppression lourde, afin d’éviter
la réaction de rejet (du greffon donneur vers le receveur).
Les greffes peuvent être « myéloablatives » (conditionnement prégreffe standard, chimiothérapique, et parfois avec une irradiation
corporelle totale, à triple activité : antitumorale, anti-moelle normale,
immunosuppresseur) ou non myéloablatives (à conditionnement
atténué : l’activité du greffon permet à elle seule d’éliminer la moelle
résiduelle du receveur). Il y a moins de toxicité de ce type de greffe,
mais un risque accru de maladie du greffon contre l’hôte.
3.Source cellulaire des cellules souches hématopoïétiques
Cela peut être :
––à partir de la moelle osseuse (prélèvement en crête iliaque sous
anesthésie générale) ;
––à partir du sang périphérique : les cellules souches hématopoïétiques sont obtenues par cytaphérèse après injection de
G-CSF ;
––à partir du sang placentaire.
4.Donneurs de cellules souches hématopoïétiques (CSH)
Ils peuvent être :
––apparentés (HLA identique ou pas) : un frère ou une sœur
identique (1 chance sur 4), les parents pour un enfant (haploidentique) ;
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e305
RR Item 198
B IO T H É R A P IE S E T T HÉ R APIE S C IB L É E S
––non apparentés : donneurs vivants non apparentés du registre
international ;
––du sang placentaire (à partir d’un ou plusieurs donneurs).
5.Indications
Ce sont :
––des hémopathies malignes myéloïdes (leucémies aiguës, leucémies chroniques, syndromes myéloprolifératifs) ou lymphoïdes
(lymphomes, leucémies lymphoïdes chroniques…) ;
––des aplasies médullaires, le plus souvent idiopathiques ;
––des pathologies génétiques : drépanocytoses, déficits immunitaires combinés sévères, autres maladies génétiques rares.
6.Complications des greffes de cellules souches hématopoïétiques
allogéniques
Ce sont :
––des infections :du fait de l’immunosuppression nécessaire, il
existe une augmentation du risque infectieux (bactérien, viral,
fongique) ;
––une réaction du greffon contre l’hôte (GVH) :les réactions du
greffon contre l’hôte peuvent être aiguës (avant J100) ou chroniques (après J100). La maladie du greffon contre l’hôte aiguë
peut être de grade I à IV, avec une fièvre, une atteinte cutanée
(rash, érythrodermie), une hépatite cholestatique, une atteinte
digestive (diarrhée).
Thérapie génique
La thérapie génique est une stratégie thérapeutique fondée sur
le transfert de gènes avec l’objectif d’introduire la copie normale
ou de modifier l’expression du ou des gènes responsables de la
maladie chez le patient. Le gène exogène est ainsi un médicament dont l’objectif est de modifier la source de la protéine ou
de la molécule anormale, c’est-à-dire le matériel génétique.
Il existe deux modalités de thérapie génique :
––somatique, qui consiste à transférer le(s) gène(s) au patient
(soit in vivo dans le tissu cible à l’aide d’un vecteur, soit ex vivo
en modifiant les cellules cibles qui seront ré-administrées au
patient) ;
––germinale, qui n’est pas actuellement utilisée du fait de lois
bioéthiques et qui consisterait à introduire un gène à l’embryon
au stade précoce et ainsi le transmettre à toutes les cellules
qui seront formées au cours de l’embryogenèse.
Les vecteurs sont le plus souvent viraux, ou non viraux (tels
que des sphères lipidiques, les liposomes).
La thérapie génique est encore au stade d’essais cliniques,
mais les indications théoriques pourraient être très nombreuses.
Thérapie ciblée en oncologie et hématologie
Dans le traitement des pathologies néoplasiques, les différentes
stratégies peuvent comprendre le traitement carcinologique
chirurgical, par radiothérapie ou chimiothérapie visant à diminuer
ou éradiquer la masse tumorale. Les nouvelles thérapies ciblées
complètent les choix des thérapeutiques possibles, visant de
e306
Vol. 66 _ Septembre 2016
façon spécifique un élément ou événement moléculaire caractérisant une cellule tumorale. Pour qu’une cible soit pertinente, elle
doit être exprimée par un grand nombre de cellules tumorales,
être accessible à une thérapeutique et que son ciblage ait un impact
clinique. La cible peut être un marqueur exprimé spécifiquement par
un type cellulaire particulier, une molécule dans la transduction du
signal, en particulier celui de la cellule tumorale (tel qu’un récepteur
HER2), un facteur de croissance nécessaire à l’expansion tumorale
(tel que le VEGF [pour vascular endothelial growth factor]).
Les anomalies moléculaires spécifiques des cellules tumorales
le plus souvent ciblées sont les molécules de la famille HER, les
gènes de fusion (ABL-BCR) et la néo-angiogenèse tumorale.
Ces cibles sont différentiellement exprimées entre les tissus
sains et le tissu tumoral. Les anticorps monoclonaux humanisés
(x-mab) ciblent ses marqueurs cellulaires et les petites molécules les fonctions tyrosine kinase (X-inib).
Parmi les anticorps monoclonaux, les principaux sont les anticorps
anti-CD20, ciblant les lymphocytes B de façon spécifique. Ils
sont indiqués, entre autres, dans le traitement des lymphomes B.
En oncologie, notamment dans le traitement de certains cancers du sein, les anticorps anti-HER2 bloquent la transmission
du signal de la réplication du HER2, empêchant la prolifération
des cellules tumorales. Le VEGF est un facteur de croissance
des cellules endothéliales nécessaire à la croissance et la vascularisation des tissus. Le blocage de cette molécule peut inhiber
la croissance tumorale. Les thérapies anti-angiogéniques ciblent
la population endothéliale (stroma). L’anticorps monoclonal
bévacizumab (Avastin) bloque le VEGF, il est utilisé dans le cancer
colorectal et le cancer du sein métastatiques.
Les « petites molécules » : le sorafénib (Nexavar) ou le sunitinib
(Sutent) sont indiqués dans le carcinome hépatocellulaire et le cancer du rein métastatique. Dans ce cas, on cible une molécule produite par la tumeur et non pas directement la tumeur elle-même.
Immunothérapies en oncologie
et en médecine interne (tableaux 1 et 2)
L’immunothérapie consiste à moduler (inhiber, activer) le système immunitaire, afin d’induire le contrôle d’une tumeur, d’une
maladie auto-immune ou d’une greffe d’organe. Celle-ci peut
être spécifique (par exemple d’un antigène tumoral particulier,
d’un auto-antigène) ou non spécifique, modulant de façon générale non spécifique d’un antigène la réponse immunitaire. Bien
qu’étant non spécifique d’un antigène tumoral ou d’un auto-antigène, cette immunothérapie non spécifique est une thérapeutique ciblée, inhibant par exemple une cytokine particulière (les
anticorps anti-TNFα) ou un type de cellules en particulier (les
lymphocytes B par les anticorps anti-CD20).
Les différents types d’immunothérapie non spécifique sont dirigés contre les :
––cytokines immunomodulatrices (activatrices ou inhibitrices) ;
––molécules d’interaction cellulaires (anti-CTLA4, anti-PD1…) ;
Biothérapies et thérapies ciblées
POINTS FORTS À RETENIR
L’allogreffe consiste à remplacer le tissu hématopoïétique du
receveur par celui du donneur et de ce fait doit être précédée par
une immunosuppression lourde, afin d’éviter la réaction de rejet.
La thérapie génique est une stratégie thérapeutique
fondée sur le transfert de gènes avec l’objectif d’introduire
la copie normale ou de modifier l’expression du ou des gènes
responsables de la maladie chez le patient.
L’immunothérapie consiste à moduler (inhiber, activer)
le système immunitaire, afin d’induire le contrôle d’une tumeur,
d’une maladie auto-immune ou d’une greffe d’organe. Celle-ci
peut être spécifique (antigène tumoral particulier, auto-antigène)
ou non spécifique, modulant de façon générale non spécifique
d’un antigène la réponse immunitaire.
cytokine pro-inflammatoire est le tocilizumab, anticorps anti- IL6
récepteur, empêchant la fixation d’IL-6 soluble sur son récepteur
et ainsi l’action de celui-ci sur la cellule cible.
Molécules d’interaction cellulaire (anti-CTLA4,
anti-PD1)
De façon similaire, il existe des anticorps monoclonaux ciblant
les molécules impliquées dans l’activation cellulaire ou les interactions entre les cellules et la synapse immunologique. Ainsi,
l’abatacept et le bélatacept sont des protéines de fusion entre
CTLA4 (CD152), un antigène lymphocytaire T apparenté à CD28
doué de propriétés immunorégulatrices, et le Fc d’une IgG1.
Elles se lient aux molécules de costimulation CD80 et CD86 des
cellules présentatrices d’antigène avec une plus forte affinité que
CD28 et, de ce fait, elles bloquent le second signal et empêchent
l’activation des lymphocytes T. Leur activité immunosuppressive
est mise à profit dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde
(abatacept) et en transplantation (bélatacept).
Anticorps monoclonaux ciblant une cellule,
un récepteur cellulaire ou une voie de signalisation
––molécules d’angiogenèse (anti-VEGF…) [v. chapitre précédent] ;
––cellules du système immunitaire.
Les différents types d’immunothérapie spécifique sont :
––passive (administration d’effecteurs antitumoraux) :
. anticorps monoclonaux ciblant une cellule, un récepteur cellulaire ou une voie de signalisation ;
. transfert adoptif de lymphocytes T spécifiques CTL (spécifiques
d’un antigène de tumeur ; lignées CTL modifiées pour exprimer
un TCR spécifique d’un antigène tumoral) ;
––active (administration d’un antigène spécifique pour initier la
réponse spécifique adaptative) : vaccination avec un antigène
pour induire des lymphocytes T cytotoxiques de tumeurs spécifiques in vivo.
Cytokines immunomodulatrices (activatrices
ou inhibitrices)
Les cytokines sont un ensemble hétérogène de molécules
synthétisées par des cellules activées et qui se lient à un récepteur membranaire spécifique. Une même cytokine peut être produite par des cellules différentes et avoir des effets différents et
redondants entre elles. Les cytokines sont impliquées dans l’inflammation, la réponse immunitaire et l’hématopoïèse. En ce qui
concerne leur effet sur l’inflammation, on distingue des cytokines
pro-inflammatoires (telles que TNF-α, IL-1, IL-6, etc.) et antiinflammatoires (tels que IL-10). Ainsi, parmi les anticorps anticytokines, ceux les plus utilisés dans les rhumatismes inflammatoires sont les anticorps anti-TNF-α qui bloquent l’action du
TNF-α soluble et/ou membranaire en se liant au TNF-α avec une
haute affinité et spécificité, et empêchent ainsi l’action de la cytokine
sur les cellules cibles. Un autre anticorps monoclonal anti-
Le rituximab est un anticorps monoclonal dirigé contre la molécule CD20 présente de façon spécifique à la surface des cellules B du stade pré-B au stade de lymphocyte B mature. Il
s’agit d’un anticorps chimérique composé de domaines constants
humains et de domaines variables murins. Le rituximab induit
une déplétion lymphocytaire B par différents mécanismes, induisant une apoptose de lymphocytes B.
Des anticorps contre l’ EGFR (epidermal growth factor receptor)
[cétuximab et panitumumab] bloquent la croissance tumorale et
sont indiqués dans le traitement des adénocarcinomes coliques
et, pour le cétuximab, des carcinomes épidermoïdes de la sphère
ORL. Un anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur HER2,
le trastuzumab, est indiqué dans le traitement des tumeurs du
sein et de l’estomac surexprimant cet oncogène.
Principes d’évaluation des biothérapies
Les principales biothérapies ciblées utilisées actuellement en
rhumatologie et médecine interne sont les antagonistes du TNFα
(infliximab, étanercept, adalimumab, certolizumab, golimumab),
les anti-IL1 (anakinra, canakinumab), les antagonistes IL-6R
(tocilizumab), l’agoniste de CTLA-4 (abatacept), l’anti-BLYS
(bélimumab) et l’anticorps anti-CD20 (rituximab).
La prescription de la biothérapie sera dépendante de l’indication clinique, du choix de la galénique (sous-cutanée ou intraveineuse), du rythme de la perfusion d’entretien (mensuel pour le
tocilizumab, tous les 6-8 semaines pour l’infliximab, une cure de
J1-15 à renouveler selon la réponse pour le rituximab), d’autres
facteurs tels que les habitudes de prescription, l’âge ou les comorbidités. Certains de ces traitements peuvent être utilisés en
première ligne ou après échec d’autres traitements, en particulier
les immunosuppresseurs conventionnels.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e307
TABLEAU 1
RR Item 198
B IO T H É R A P IE S E T T HÉ R APIE S C IB L É E S
Différentes biothérapies utilisés pour le traitement des maladies auto-immunes
Nom
Caractéristique
Voie d’administration
et posologie
Précaution d’utilisation
Principaux effets
secondaires
Infliximab (Remicade)
Étanercept (Enbrel)
Adalimumab (Humira)
❚❚Antagonistes de TNFα
❚❚3-5 mg/kg 6-8 semaines (IV)
❚❚25-50 mg/semaine (SC)
❚❚40 mg/15 jours (SC)
❚❚Vaccinations, prévention BK
❚❚Réactions d’hypersensibilité
❚❚Infections
❚❚Réactivation BK
❚❚Cancers cutanés
Tocilizumab (Roactemra)
❚❚Anti-IL-6 Récepteur
❚❚4-8 mg/kg/mois (IV)
❚❚Vaccinations, prévention BK,
suivi dermatologique
❚❚Réactions d’hypersensibilité
❚❚Infections
❚❚Réactivation BK
❚❚Cancers cutanés
anakinra (Kineret)
❚❚Anti-IL-1
❚❚100 mg/jour (SC)
❚❚Vaccinations, prévention BK,
suivi dermatologique
❚❚Réactions d’hypersensibilité
❚❚Infections
❚❚Réactivation BK
rituximab (Mabthera)
❚❚Antagoniste de CD20
❚❚1 g J1-J15 (IV)
❚❚375 mg/m2/semaine,
4 semaines (IV)
❚❚Vaccinations, prévention BK
❚❚Réactions d’hypersensibilité
❚❚Infections
❚❚Hypogammaglobulinémie
TABLEAU 2
BK : bacille de Koch ; CD20 : cluster de différenciation 20 ; IL : interleukine ; IV : intraveineux ; SC : sous-cutané ; TNFα : tumor necrosis factor alpha.
Différentes formes de thérapies ciblées utilisées en oncologie et hématologie (non exhaustif)
Nom
Caractéristique
Biomarqueur
Indication
Imatinib, dasatinib
❚❚Inhibiteurs de tyrosine kinase
❚❚Translocation BCR-ABL
❚❚LMC, LAL
Gefitinib
❚❚Inhibiteur de tyrosine kinase du
récepteur de facteur de croissance
épidermique
❚❚Mutation EGFR
❚❚Cancer poumon
Sorafénib
❚❚Inhibiteur de tyrosine kinase du
récepteur de VEGF
-
❚❚Cancer hépatocellulaire, cancer
du rein métastatique
Cétuximab
❚❚Anticorps monoclonal ciblant le
récepteur de facteur de croissance
épidermique (EGFR)
❚❚Mutation KRAS (présence de mutation
KRAS confère une résistance à cette
molécule)
❚❚Cancer colorectal métastatique
Trastuzumab
❚❚Anticorps monoclonal ciblant récepteur
HER2
❚❚Amplification HER2
❚❚Cancer du sein, cancer gastrique
Bévacizumab
❚❚Anticorps monoclonal ciblant le facteur
de croissance VEGF-
-
❚❚Cancer colorectal métastatique
BCR-ABL: break-point cluster region-Abelson ; EGFR : epidermal growth factor receptor ; KRAS : kirsten rat sarcoma ; LAL : leucémie aiguë lymphoïde; LMC : leucémie myéloïde chronique;
VEGF : vascular endothelial growth factor.
e308
Vol. 66 _ Septembre 2016
Leur prescription nécessite :
––une évaluation de l’efficacité du traitement, sur les paramètres
de la maladie mais également sur la qualité de vie et dans
certaines situations, telle que la polyarthrite rhumatoïde, la diminution du risque de morbi-mortalité cardiovasculaire ;
––une surveillance des effets indésirables ;
––des conseils de prévention de risque infectieux dans les situations de chirurgie, de voyages et de grossesse.
L’évaluation de l’efficacité comportera, selon le cadre de la
maladie, des examens cliniques (amélioration ou disparition des
atteintes cliniques et évaluation subjective du patient), biologique
(tels que le syndrome inflammatoire biologique) et/ou immuno­
logique (tels que la normalisation des anti-ADN ou de complément),
pouvant être combinés dans un score tel que DAS28 pour la
surveillance de la polyarthrite rhumatoïde.
Les principaux effets secondaires des biothérapies ciblées
sont les allergies, les infections (virales, bactériennes et parasitaires), le risque de réactivation de tuberculose et le risque de
cancers cutanés. De façon très rare, il existe un risque de pathologie auto-immune, telle qu’une maladie démyélinisante du système nerveux central ou un lupus.
Message de l'auteur
Connaître les principes de la greffe de moelle ou de cellules
souches et de la thérapie génique.
l
Connaître les principes des thérapies ciblées
et les principales cibles moléculaires.
l
Connaître les principes d’immunothérapie, les différents
types et les principes d’évaluation des biothérapies.
l
Conclusion
L’essor des immunothérapies et des thérapies ciblées devrait
permettre de gagner en efficacité thérapeutique, tout en diminuant
les effets secondaires. La stratégie, pour être efficace, doit cibler
une molécule particulièrement impliquée dans la physiopathologie
de la maladie. •
A. Mekinian déclare avoir été pris en charge lors de congrès par LFB, Genzyme et Chugai. O. Fain déclare être conseiller scientifique auprès des laboratoires Shire, Behring, GSK et Pfizer.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e309
RR
Item 34
ANOMALIES DU CYCLE
MENSTRUEL. MÉTRORRAGIES
Dr Sandra Curinier, Pr Michel Canis
Pôle gynécologie obstétrique et reproduction humaine, CHU Estaing, 63003 Clermont Ferrand Cedex 1, France
[email protected]
objectifs
Hypothalamus
DIAGNOSTIQUER une aménorrhée,
une ménorragie, une métrorragie.
RECONNAÎTRE et TRAITER un syndrome
prémenstruel.
Rétrocontrôle négatif :
œstrogène, inhibine
GnRH
Hypophyse
FSH/LH
Ovaires
Utérus
1. Folliculogenèse, follicule
dominant (De Graaf) :
production d'œstrogènes
2. Corps jaune : production
de progestérone
1. Prolifération endométriale
2. Différenciation
et maturation endométriale
Physiopathologie
L’axe hypothalamo-hypohysaire
L’anté-hypophyse sécrète de manière cyclique les hormones
gonadotropes : l’hormone folliculo-stimulante (FSH, pour follicle
stimulating hormone) et l’hormone lutéinisante (LH, pour luteinizing
hormone) sous l’influence de l’hormone de libération des gonado­
trophines hypophysaires (GnRH pour gonadotropin releasing
hormone) produite par l’hypothalamus. Il existe également des
rétrocontrôles entre ces deux niveaux (fig. 1).
Chez la femme, la FSH a pour rôle :
––de stimuler les cellules de la granulosa qui sécrètent de l’œstradiol et de l’inhibine B et expriment des récepteurs pour la LH ;
sous l’influence de la FSH elles produisent également l’aromatase capable de convertir les androgènes en œstrogènes ;
––d’entraîner la croissance des follicules ;
––de permettre l’ovulation en fragilisant la paroi de l’ovaire.
La LH a pour rôle de déclencher l’ovulation puis de provoquer
la transformation du follicule rompu en corps jaune pendant la
phase lutéale du cycle menstruel.
FIGURE 1 Axe hypotalamo-hypophysaire et influences sur l’utérus
et les ovaires.
progestérone
LH
œstrogènes
FSH
Le cycle menstruel
Il est indispensable de connaître les étapes du cycle menstruel
pour procéder ensuite aux démarches diagnostiques et thérapeutiques des anomalies du cycle (fig. 2).
Phase folliculaire
J1
FIGURE 2
Phase lutéale
J14
J28
Le cycle menstruel.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e311
RR Item 34
A N O MA L IE S DU C YC L E ME NST R U E L . MÉ T R OR R AGIE S
1.Phases
Le cycle menstruel comprend 3 phases.
De J1 à J14, phase folliculaire : la FSH stimule la croissance
folliculaire. En quelques jours, les follicules vont produire les
œstrogènes qui exerceront un rétrocontrôle négatif sur
l’hypo­physe pour réguler les taux de FSH et éviter l’hyper­
stimulation.
Avant l’ovulation, le follicule dominant produit beaucoup
d’œstrogènes, faisant ainsi chuter le taux de FSH.
À J14, ovulation : comme on peut l’observer sur les courbes,
c’est le rétrocontrôle positif des œstrogènes (lorsque leur taux
dépasse les 200 pg/mL) qui provoque le « pic de LH ». Ce dernier
induit l’ovulation dans les 24 à 36 heures qui suivent.
Hyperplasie
congénitale
des surrénales
TUMEUR VIRILISANTE
DE L'OVAIRE :
– Tumeur de Leydig
– Arrhénoblastome
Syndrome
des ovaires
polykystiques
17-OH P augmentée
± test au synactène
Testostéronémie
augmentée
LH > FSH
De J14 à J28, phase lutéale : après l’ovulation, le follicule devient
corps jaune et entraîne la production de progestérone qui rend
la glaire cervicale hostile. La progestérone effectue un rétrocontrôle négatif sur le complexe hypothalamo-hypophysaire.
S’il n’y a pas eu fécondation, le corps jaune disparaît à J26,
et la chute brutale des hormones (œstrogène et progestérone)
provoque les menstruations. S’il y a eu fécondation, l’embryon
produit l’hormone chorionique gonadotrope (hCG, pour human
chorionic gonadotropin) et le corps jaune persiste.
2.Explorations
En pratique, les bilans complémentaires à demander pour
définir l’étiologie d’une anomalie de cycle testent les différents
niveaux de cet axe hypothalamo-hypophyso-ovarien.
Absent
RETARD PUBERTAIRE
Virilisés
Aménorrhée
primaire
Caractères sexuels
secondaires
Absents
Retard de croissance
FSH et LH
sont basses
Surveillance simple
Sésamoïde du pouce
Présent
IMPUBÉRISME
Normaux
Courbe de température
Normale
Douleur
Oui
Douleur
Non
Malformation
Imperforation
hyménéale
Aplasie du col
Diaphragme vaginal
Aplasie vaginale
Malformation
Syndrome de
Rokitansky
Tuberculose
prépubertaire
FIGURE 3
e312
Monophasique
FSH et LH
basses
Entraînement intense
Anorexie mentale
Hypothyroïdie fruste
de Kallman-De Morsier
(olfaction-)
Syndrome de Morris
46XY
Conduite à tenir devant une aménorrhée primaire.
Vol. 66 _ Septembre 2016
FSH et LH
augmentées
Turner 45X0
Mosaiques
Autres dysgénésies
gonadiques
Chimiothérapie
Radiothérapie
Auto-immunité
Tumeur hypothalamohypophysaire
Craniopharyngiome
Gliome nerf optique
Pan hypopituitarisme
Toxoplasmose
congénitale
Pour l’axe hypothalamo-hypophysaire :
––un dosage de la FSH/LH à J3 du cycle ;
––un dosage de la prolactinémie car un adénome peut induire
une diminution de la sécrétion de GnRH (syndrome de masse) ;
––le « test au Clomid » : qui par son effet anti-œstrogénique induit
normalement une augmentation de la FSH et de la LH (dès le
3e ou 4e jour) par rétrocontrôle. Il teste également la réserve
ovarienne car une élévation exagérée de la FSH signe une
raré­faction des follicules primordiaux ;
––un dosage des FSH/LH après une injection de GnRH ;
––une IRM de la selle turcique.
Pour les ovaires :
––dosage de l’œstradiol à J3 du cycle, progestérone à J21 ;
––dosage de l’hormone antimüllérienne (AMH, pour anti-müllerian hormone) pour évaluer la réserve ovarienne (à noter que le
taux d’AMH ne varie pas en fonction du cycle mais est influencé par la méthode utilisée par le laboratoire et par les méthodes
de conservation du prélèvement [dosage non remboursé]) ;
––dosage de la tyréostimuline (TSH, pour thyroid-stimulating hormone) car en cas d’hypothyroïdie on a une augmentation de
l’hormone thyréotrope (TRH, pour thyrotropin-releasing hormone), ce qui induit une augmentation de la prolactinémie et
donc une diminution de la GnRH) ;
––une échographie pelvienne avec compte folliculaire et évaluation
de l’endomètre ;
––pour tester la fonction androgène : D4 androstènedione, dihydrotestostérone et globuline (SHBG, pour sex hormone-binding
globulin) ;
––un caryotype pour les aménorrhées primaires (syndrome de
Turner, monosomie du chromosome X) ;
––une courbe de température : c’est un moyen simple de renseigner la présence ou non d’une ovulation (décrochage sur la
courbe en milieu de cycle).
Radiographie du poignet et de la main gauche : elle permet de déterminer l’âge osseux, qui est un repère quantifiable de la maturation du squelette par les stéroïdes sexuels. L’apparition de l’os
sésamoïde sur la radiographie du pouce se fait à 11 ans et demi
d’âge osseux chez la fille et 13 ans et demi chez le garçon. En
cas d’aménorrhée avec absence des autres caractères sexuels
secondaires, la présence ou non de l’os sésamoïde permet de
différencier l’« impubérisme » du « retard pubertaire » (fig. 3).
Aménorrhée
Diagnostic
L’aménorrhée est définie par l’absence de règles. On parle
d’aménorrhée primaire en cas d’absence de cycle menstruel
chez la fille après l’âge de 16 ans et d’aménorrhée secondaire
en cas d’interruption des règles pendant plus de 3 mois chez
une femme préalablement réglée. Les causes sont liées à une
atteinte de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien ou à une anomalie anatomique de l’utérus et/ou du vagin.
Anomalies du cycle menstruel. Métrorragies
POINTS FORTS À RETENIR
Il est indispensable de connaître les étapes du cycle
menstruel pour procéder ensuite aux démarches diagnostiques
et thérapeutiques des anomalies du cycle.
Les dosages hormonaux sont toujours à réaliser à J3 du cycle.
La première cause d’aménorrhée secondaire
est la grossesse, toute patiente en période d’activité génitale
et en aménorrhée doit bénéficier d’un dosage de bhCG.
Le syndrome des ovaires polykystiques doit être connu
car il touche 6-8 % des femmes en âge de procréer et constitue
la première cause d’infertilité.
Toute patiente en âge de procréer présentant des
métrorragies doit également bénéficier d’un dosage de bhCG.
L’apparition de métrorragies post-ménopausiques
doit faire rechercher un cancer de l’endomètre mais également
du col de l’utérus et de l’ovaire.
Le syndrome prémenstruel est un ensemble
de manifestations bénignes dont le traitement de première
intention est symptomatologique.
Causes
1.Aménorrhée primaire
En cas d’aménorrhée primaire, l’examen clinique recherche
les autres caractères sexuels secondaires pour différencier les
aménorrhées primaires avec ou sans retard pubertaire. Chez la
jeune fille, les caractères sexuels secondaires correspondent à
la ménarche, la thélarche (développement de la glande mammaire), au développement de la pilosité pubienne (pubarche) et
axillaire et au pic de croissance (différences également sur le
squelette, la répartition des masses musculaire et graisseuse).
L’examen recherche également des signes cliniques de virilisation, et en fonction de ces éléments on s’oriente vers les différentes causes (fig. 3).
Aménorrhée primaire avec retard pubertaire : dans cette situation, la
ménarche n’a pas eu lieu et les autres caractères sexuels secondaires sont également absents après l’âge de 16 ans. Si la
cause est haut située sur l’axe hypothalamo-hypophysaire (FSH,
LH, estradiol et progestérone bas), on parle d’un hypogonadisme
hypogonadotrope, et les causes peuvent être :
––une tumeur hypothalamo-hypophysaire ;
––un retard pubertaire simple (diagnostic d’élimination) ;
––une anomalie congénitale (syndrome de Kallmann-De Morsier) ;
––un entraînement intense, une anorexie mentale.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e313
RR Item 34
A N O MA L IE S DU C YC L E ME NST R U E L . MÉ T R OR R AGIE S
Aménorrhée
primaire
Examen clinique ± b-hCG
Grossesse
Courbes de température, FSH, LH, E2, prolactine, testostérone
Courbes
de température
biphasiques
FSH, LH,
E2, PRL, T
Normaux
Prolactine ➚
Courbes
de température
plate
FSH, LH, b
E2 c
Cause
utérine
Cause
ovarienne
Hystérosalpingographie
Dysgénésie
gonadique
Hyper‑prolactinémie
Échographie
ovarienne
Non
IRM hypothalamohypophysaire
FIGURE 4
Ménopause
précoce
Primitive
Secondaire
Chirurgie
Chimioirradiation
Adénome à prolactine
ou tumeur
hypothalamohypophysaire
ou IRM normale
IRM hypothalamo-hypophysaire
Testostérone
> 1,5 ng/mL b
Scanner des
surrénales
Échographie
ovarienne
Deux gros
ovaires
Pathologique
Tumeur
ou infiltration
de la région
hypothalamohypophysaire
Normale
Ovaires
polykystiques
Enquête
nutrition
Aménorrhée
psychogène
Tumeur des
surrénales
ou ovarienne
androgéno‑
sécrétante
Conduite à tenir devant une aménorrhée primaire.
Si la cause est bas située, les bilans biologiques retrouveront
un hypogonadisme hypergonadotrope (FSH et LH élevées), et la
cause peut être une dysgénésie gonadique comme on en retrouve
dans le syndrome de Turner. Dans ce dernier, l’examen clinique
retrouve d’autres éléments caractéristiques : petite taille, grand
nombre de nævi (grains de beauté), lymphœdème des mains et
des pieds, dysmorphie cranio-cervicale…
Aménorrhée primaire sans retard pubertaire : dans ce cas, il n’y a pas
eu de ménarche, mais le reste du développement pubertaire s’est
produit normalement. Si la patiente présente une courbe de température normale et se plaint de douleurs cycliques, il peut s’agir d’une
malformation type imperforation hyménéale ou diaphragme vaginal
(avec hématocolpos) ou une aplasie vaginale. En l’absence de douleur, on recherchera une aplasie congénitale de l’utérus (syndrome
de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser, fréquence 1/4 500).
Si la courbe de température est monophasique, il peut s’agir
d’un syndrome d’insensibilité aux androgènes (organes génitaux
externes féminins normaux, organes génitaux internes féminins
absents et caryotype 46XY).
e314
Courbe
de température
plate
FSH normale ;
LH > FSH
T normale
ou < 1,5 ng/mL
Insuffisance
gonadotrope
Enquête
médicamenteuse
Oui
Sténose du col
Synéchie
• traumatique
• tuberculose
Courbe
de température
plate
FSH, LH, E2 c
Vol. 66 _ Septembre 2016
Aménorrhée avec signes de virilisation. Il existe trois causes principales :
––les tumeurs virilisantes de l’ovaire : la testostéronémie est augmentée ;
––l’hyperplasie congénitale des surrénales : la 17-OH progestérone est augmentée spontanément ou après simple stimulation par l’adrénocorticotrophine (ACTH, pour adrenocorticotrophic hormone) [test au Synacthène] ;
––enfin l’aménorrhée primaire est rarement le mode de découverte d’un syndrome des ovaires polykystiques (plus souvent,
spanioménorrhée ou aménorrhée secondaire).
2.Aménorrhée secondaire
Les deux causes à évoquer en première intention sont la grossesse et la ménopause.
La ménopause est définie par l’absence de règles depuis plus
de 2 ans souvent associée à des bouffées de chaleur. Pour les
patientes en âge de procréer, on recherche les signes sympathiques de grossesse (nausées, vomissements, tension mammaire) et on demande un dosage de b-hCG. À noter qu’en
post-partum la lactation retarde le retour de couches.
TABLEAU 1
On retrouve ensuite deux types d’étiologies : centrale ou périphérique. Là encore, après l’examen clinique, c’est un bilan hormonal qui guide la recherche étiologique (fig. 4).
Causes d’aménorrhée secondaire centrales : les causes hypothalamiques sont à rechercher à l’examen clinique : anorexie ou dénutrition, stress, pratique intensive du sport.
Parmi les causes liées à l’hypophyse, on retrouve principalement l’adénome à prolactine qui par le syndrome de masse qu’il
entraîne diminue la production de GnRH. La prolactinémie est
augmentée, et une IRM de la selle turcique doit être demandée.
Le syndrome de Sheehan, devenu exceptionnel, est également
une cause d’aménorrhée secondaire par insuffisance antéhypophysaire consécutive à une anoxie lors d’une hémorragie de la
délivrance.
Causes d’aménorrhée secondaire périphériques : à l’interrogatoire,
il faut rechercher la prise de contraception mais aussi l’antécédent de geste endo-utérin (curetage pour avortement spontané
incomplet ou interruption volontaire de grossesse, révision utérine, embolisation…) ou d’hystérotomie (césariennes, myomectomies) qui peuvent être à l’origine de synéchies utérines.
L’échographie pelvienne est l’examen de première intention à
réaliser. Cette dernière peut également mettre en évidence des
ovaires polykystiques. Le syndrome des ovaires polykystiques (fig. 5) touche 6 à 8 % des femmes en âge de procréer
et constitue une cause d’infertilité. Ces patientes ont un taux
de LH plus important qui stimule la sécrétion d’androgènes par
les ovaires et entraîne une maturation folliculaire aberrante. Cliniquement, elles présentent des cycles anovulatoires (durée de
plus de 35 jours ou moins de 8 menstruations par an), une
spanioménorrhée et dans 50 % des cas une aménorrhée, dans
La présence de deux critères sur trois est nécessaire
• Oligoménorrhée ou aménorrhée (< 8 cycles/an)
• Hyperandrogénisme clinique (hirsutisme, acné, alopécie)
ou biochimique (b testostérone, rapport LH/FSH > 2*)
• Au moins un ovaire polykystique à l'échographie
(12 follicules ou plus de 2 mm à 9 mm de diamètre par ovaire
ou augmentation du volume ovarien de > 10 mL
[0,5 × longueur × largeur × épaisseur])
+
Exclusion des autres causes d'hyperandrogénisme
et anovulation (voir tableau 1)
FIGURE 5 Critères diagnostiques du syndrome des ovaires polykystiques.
* : un rapport LH/FSH augmenté est un élément de plus pouvant faciliter le
diagnostic. D'après Lujan ME, Chizen DR, Pierson RA. Diagnosis criteria for
polycystic ovary symdrome: pitfalls and controversies. J Obstet Gynaecol Can
2008;30:671-9.
69 % des cas des signes d’hyperandrogénisme (tableau 1) et
dans 50 % des cas un indice de masse corporelle supérieur à
30 kg/m2.
En cas d’insuffisance ovarienne précoce, la patiente peut présenter des signes de ménopause et avoir des antécédents familiaux. L’échographie retrouve peu ou pas de follicule, et la FSH
est très augmentée.
Diagnostic différentiel d'aménorrhée et d'hyperandrogénisme
Affection
Éléments à rechercher
Hormones à doser
Hyperprolactinémie
z galactorrhée, troubles visuels
z prolactine sérique (en avant-midi)
Hyper- et hypothyroïdie
z changement de poids, chaleurs, frilosité, diarrhée, constipation
z TSH
Grossesse
z mastalgie, nausées, fatigue
z b-hCG
Troubles hypothalamiques
z exercice excessif, trouble alimentaire, perte de poids
z LH et FSH c
Insuffisance ovarienne précoce
z symptômes de ménopause, antécédents familiaux
z FSH bb
Hyperplasie des surrénales
z apparition rapide d'acné et d'hirsutisme, raucité de la voie, clitomégalie
z progestérone-17-OH b, DHEAS b
Tumeurs ovariennes
z mêmes éléments que pour l'hyperplasie des surrénales
z testostérone bb
Syndrome de Cushing
z obésité du visage, du cou et du tronc, vergetures
z cortisol sérique
D'après Welt C, Barbieri RL. Etiology, diagnosis, and treatment of secondary amenorrhea. UpToDate, version 17.3. Site Internet : www.uptodate.com.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e315
RR Item 34
A N O MA L IE S DU C YC L E ME NST R U E L . MÉ T R OR R AGIE S
Ménorragie et métrorragie
Les règles normales ont une durée de 3 à 6 jours avec une
perte sanguine menstruelle considérée comme normale jusqu’à
80 mL. La définition des ménorragies concerne donc des règles
de plus de 7 jours et/ou une perte sanguine supérieure à 80 mL.
Les métrorragies sont définies par des pertes sanguines d’origine utérine en dehors des règles.
La prévalence des ménométrorragies est estimée de 11 à 13 %
dans la population générale et augmente avec l’âge pour atteindre
24 % chez les 36-40 ans.
L’interrogatoire recherche également les facteurs de risque et
les signes sympathiques de grossesse. On note enfin les facteurs de risque personnels ou familiaux de trouble de l’hémostase (antécédent de maladie de Willebrand), hypothyroïdie, tabagisme, pathologie utérine connue, cancer, prise de contraception
et observance, prise de médicaments inducteurs enzymatiques.
2.Examen physique
On réalise un examen clinique complet avec en particulier une
recherche des signes d’anémie, un examen soigneux du vagin
et du col avec réalisation d’un frottis cervico-vaginal. Les pathologies cervico-vaginales représentent le diagnostic différentiel et
ne sont pas traitées dans ce chapitre.
Causes
Examens complémentaires
Définitions
Elles sont rappelées dans le tableau 2.
Examen clinique
TABLEAU 2
1.Interrogatoire
Il vise à quantifier les pertes en utilisant par exemple le score
de Higham (tableau 3).
Causes des ménométrorragies
Causes organiques
Iatrogènes
z anticoagulant
Causes fonctionnelles
Idiopathiques
z progestatif (atrophie endométriale)
z stérilet au cuivre
Systémiques
z trouble de l’hémostase
z causes endocriniennes :
hypothyroïdie, diabète, obésité
« D’ovulation »
ou
« fonctionnelles cycliques »
z insuffisances cardiaques
et respiratoires chroniques
Locales
z cancer de l’endomètre : à évoquer
en 1re intention pour tout épisode de
métrorragies post-ménopausiques
Conduite à tenir
Anovulatoires
z syndrome des ovaires polykystiques
z métrorragies périménopausiques par
hyperœstrogénie relative
z polype endométrial, fibrome interstitiel
ou sous-muqueux, hypertrophie
endométriale
z adénomyose
z atrophie endométriale
z hydrorrhée
z infection génitale haute
z malformation artério-veineuse
(antécédent de curetage)
e316
Le bilan est guidé par les éléments retrouvés à l’examen clinique.
En première intention on demande :
–– b-hCG si la patiente est en âge de procréer ;
––hémogramme, ferritinémie ;
––échographie pelvienne ± hystérosonographie ;
––± recherche de troubles de l’hémostase, d’une maladie de
Willebrand, en cas d’antécédent personnel ou familial, avec
indications larges chez les adolescentes ;
––± une biopsie de l’endomètre à la pipelle de Cornier si la patiente est âgée de plus de 45 ans.
En dehors d’une grossesse, en l’absence d’anémie et si l’examen clinique et l'échographie sont normaux, on ne poursuit pas
les investigations. Dans le cas contraire, on peut prévoir :
––une hystéroscopie ;
––un bilan hormonal :
. en cas de cycles irréguliers ou de syndrome des ovaires polykystiques : FSH/LH, testostérone, androgène, SHBG, 17 OH pro‑
gestérone, prolactinémie à J3 du cycle ;
.en présence de facteurs de risque d’hypothyroïdie : TSH ±
prolactinémie ;
––une IRM qui peut faire le bilan d’un utérus polymyomateux ou
adénomyosique.
Vol. 66 _ Septembre 2016
1.Chez les patientes ayant un désir de grossesse
En cas de ménométrorragies fonctionnelles : la conduite à tenir est
rappelée ci-dessous (fig. 6).
En cas de ménométrorragies organiques : la conduite à tenir dépend
de la cause (tableau 4).
En ce qui concerne le traitement des ménométrorragies d’origine iatrogène, il faut retirer le dispositif intra-utérin au cuivre si les
saignements sont mal tolérés et rechercher une infection à bas
bruit. En cas d’atrophie endométriale liée aux progestatifs, on peut
les remplacer par une pilule œstroprogestative, en l’absence de
contre-indication. Pour les patientes sous traitement anticoagulant, il convient d’en vérifier la posologie avec le médecin référent,
puis on peut proposer un dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
car les pilules œstroprogestatives et l’acide trane­xanique sont
TABLEAU 3
Score de Higham – Score d'évaluation objective des ménométrorragie
Nom :
Prénom :
DN :
Date :
Jour de règles
Serviette ou tampon
1
er
2
e
3
e
4
e
5e
6e
7e
8e
Points
1 point /
linge
5 points /
linge
20 points /
linge
Caillots
Débordement
Total des points
z Durant les règles, il faut noter, chaque jour, le nombre de linges (serviettes ou tampons) dans la case correspondant au degré d'imprégnation en sang.
z En additionnant les points à la fin des règles, on obtient la valeur du score de Higham.
z Un score supérieur à 100 points correspond à un saignement supérieur à 80 mL du sang (définition de la ménorragie).
Extrait et adapté de Michel Ploin. Ménométrorragies : un symptôme souvent difficile à appréhender par le gynécologue. Génésis, numéro spécial, février 2003.
contre-indiqués. En cas de découverte d’une coagulopathie, la
prise en charge est multidisciplinaire et dépend de la cause. On
discute ensuite des options thérapeutiques qui peuvent être la
prise d’une pilule contraceptive ou la pose d’un dispositif intra-utérin au lévonorgestrel. Enfin, pour les métrorragies sous pilule œstroprogestative sans cause organique retrouvée, il est
conseillé d’attendre 2 à 3 mois avant de changer de pilule. D’une
manière générale, les pilules plus dosées en œstrogènes provoquent moins de saignements. Pour les ménor­ragies, on peut
conseiller une administration de la pilule en continu.
2.Chez les patientes de plus de 40 ans et n’ayant pas de désir
de grossesse dans l’avenir
En cas de ménométrorragies fonctionnelles : la conduite à tenir est
rappelée dans la fig. 7.
Dans le cas des ménométrorragies périménopausiques par
hyperœstrogénie relative, on propose en première intention un
traitement par progestatifs du 5e au 25e jour si l’on cherche un
effet contraceptif ou du 15e au 25e jour dans le cas contraire. En
cas d’échec, on s’oriente vers une prise en charge chirurgicale
(endométrectomie ou thermocoagulation de l’endomètre).
En cas de ménométrorragies organiques : la conduite à tenir dépend
de la cause (tableau 4).
À noter que le traitement des myomes dépend de leur nombre,
des éventuelles douleurs associées et également du choix éclairé
de la patiente sur les différentes techniques.
Pour les patientes sous anticoagulants, on peut proposer un
dispositif intra-utérin au lévonorgestrel ou une endométrectomie,
ou encore une destruction de l’endomètre par thermocoagulation.
Désir de grossesse immédiat ?
OUI
NON
• Dispositif intra-utérin
au lévonorgestrel
• Acide tranexanique
• Acide tranexamique
• Anti-inflammatoires
non stéroïdiens
• Contraceptifs
oraux/progestatifs
• Anti-inflammatoires
non stéroïdiens
SI ÉCHEC
Curetage endo-utérin doux et superficiel
± dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
FIGURE 6 Ménorragies fonctionnelles chez une patiente ayant un désir de
grossesse.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e317
TABLEAU 4
RR Item 34
A N O MA L IE S DU C YC L E ME NST R U E L . MÉ T R OR R AGIE S
Conduite à tenir en cas de ménométrorragies organiques
Chez les patientes de plus de 40 ans
et n’ayant pas de désir de grossesse dans l’avenir
Chez les patientes ayant un désir de grossesse
Pathologie
Options thérapeutiques
Pathologie
Options thérapeutiques
Hyperplasie endométriale
z curetage puis progestatifs (du 15 au 25 jour)
Hyperplasie
z curetage puis progestatifs ou endométrectomie
Polype endométrial
z résection hystéroscopique du polype
± dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
en postopératoire
Polype
z résection hystéroscopique du polype
et endométrectomie ± dispositif intra-utérin
au lévonorgestrel en postopératoire
Myome sous-muqueux
ou interstitiel de moins
de 4 cm
z dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
Résection hystéroscopique du myome
± analogues de la GnRH, une injection
6 semaines avant l’intervention
± dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
en postopératoire
Myome sous-muqueux
ou interstitiel de moins
de 4 cm
z dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
z résection hystéroscopique du myome
± analogues de la GnRH, une injection 6 semaines
avant l’intervention ± dispositif intra-utérin au
lévonorgestrel en postopératoire
z myomectomie ou hystérectomie
Myome de plus de 4 cm
z Esmya (acétate d’ulipristal)
z dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
z myomectomie par cœlioscopie
ou laparotomie
Myome de plus de 4 cm
z Esmya (acétate d’ulipristal)
z dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
z myomectomie ou hystérectomie
z embolisation
Adénomyose
z dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
z analogues de la GnRH
Adénomyose
Malformation artério-veineuse
z embolisation
z dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
z analogues de la GnRH
z hystérectomie
e
e
Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?
CAS CLINIQUE
QUESTION 5
Mme V., 38 ans, G3 P3, se plaint de ménorragies depuis 2 ans. Elle ne prend aucun
traitement et n’a pas d’antécédent chirurgical. Elle a présenté une thrombose veineuse
profonde du membre inférieur gauche il y a 5 ans alors qu’elle prenait une contraception
par œstroprogestatifs et qu’elle fumait 10 cigarettes par jour. Elle ne fume plus et utilise
actuellement des préservatifs. Elle n’a pas de désir de grossesse pour le moment.
Mme V. se plaint également d’un syndrome
prémenstruel.
Quels sont les trois symptômes
qui caractérisent ce syndrome ?
QUESTION 1
QUESTION 3
Quelle est la définition des ménorragies ?
Quel est le score utilisé en routine ?
Quels traitements de première intention
lui prescrivez-vous ?
QUESTION 2
QUESTION 4
Le bilan morphologique de l’utérus
est normal. Quels examens complémentaires
de première intention prescrivez-vous ?
Vos traitements médicamenteux n’ont pas été
efficaces, vers quelle alternative chirurgicale
orientez-vous la patiente ?
QUESTION 6
Deux ans plus tard, elle vous demande
une stérilisation tubaire.
Quelles informations lui délivrez-vous ?
QUESTION 7
Quelles sont les deux techniques
chirurgicales permettant la stérilisation
tubaire et quels sont les délais respectifs
d’efficacité ?
Retrouvez les réponses sur etudiants.larevuedupraticien.fr/item-ecni/N°item
e318
Vol. 66 _ Septembre 2016
Syndrome prémenstruel
DIU au lévonorgestrel ± ac tranexanique
Contraceptifs oraux/progestatifs, AINS
Définition
Il s’agit de l’ensemble des manifestations cycliques bénignes
pouvant toucher tous les appareils et apparaissant dans les jours
qui précèdent les règles pour disparaître au début ou au cours de
la menstruation. Il est très fréquent, puisqu’il touche environ 40 %
des femmes. La physiopathologie est incertaine : une des explications serait la fluctuation hormonale de 2e partie de cycle : tandis
que la sécrétion d’œstrogènes baisse, celle de la progestérone
augmente, puis chute à son tour en l’absence de grossesse. La
perméabilité tissulaire semble jouer un rôle, avec constitution d’un
œdème tissulaire interstitiel (mammaire, cérébral et péritonéo-colique) secondaire à une hyperœstrogénie relative. Il pourrait aussi
y avoir une fluctuation des neuro‑transmetteurs dans le cerveau
(la sérotonine, en particulier).
Signes fonctionnels
L’interrogatoire doit rechercher la date de début des troubles et
éventuellement le contexte psycho-émotionnel déclenchant, ce
qui sera utile pour le traitement par la suite. Les manifestations
sont multiples et varient selon les patientes, mais trois types de
symptômes se rencontrent presque systématiquement :
––une tension mammaire d’intensité variable, de la légère tension
à la mastodynie gênant les mouvements du bras. Cette gêne
peut être présente sur un sein normal ou en présence d’une
mastopathie fibrokystique ;
––des troubles abdomino-pelviens tels que pesanteur pelvienne,
ballonnements, voire troubles du transit, avec parfois une prise
de poids de 3-4 kg ;
––des signes neuropsychiques comme l’irritabilité, l’asthénie, les
troubles de la concentration.
La durée de l’épisode est variable (parfois débutant dès le milieu
de cycle) mais l’évolution est constante : les symptômes s’amendent
avec la survenue des règles.
Il existe également des pathologies prémenstruelles dites cata­
­méniales, sans syndrome prémenstruel proprement dit, de type
neurologiques (comitialité, migraine), urinaires (cystalgie) ou pulmo­
naires (hémoptysie, asthme). Ce sont les fluctuations endocriniennes qui permettent à un terrain particulier de s’extérioriser. Il
faut donc traiter la pathologie mais également limiter si possible
les variations hormonales (prescription par exemple de pilules
œstroprogestatives en administration continue).
Examen physique
SI ÉCHEC
Non recommandé
Techniques de destruction de l'endomètre
TG 1 rollerball, TG 2 thermocoagulation
FIGURE 7 Conduite à tenir en cas de ménométrorragies fonctionnelles chez
une patiente de plus de 40 ans et n'ayant pas de désir de grossesse dans
l'avenir.
psychologique si l’on a retrouvé un facteur déclenchant dans
l’histoire de la symptomatologie. En cas de syndrome prémenstruel dysphorique, on peut avoir recours aux inhibiteurs sélectifs
de la recapture de la sérotonine. On rappelle également des
règles hygiéno-diététiques : limiter les excitants comme le thé, le
café ou le tabac. Il est conseillé également de limiter les sucres
rapides et les apports hydrosodés.
Ensuite, il s’agit de délivrer des traitements symptomatiques :
l’application locale de gel de progestérone pour les patientes
atteintes de mastodynies, un traitement laxatif pour les patientes
constipées et des antalgiques voire des anti-inflammatoires pour
les patientes douloureuses.
En cas d’échec de ces traitements, une hormonothérapie doit
être discutée. On peut prescrire des progestatifs en 2e partie de
cycle (ou du 5e au 25e jour si un effet contraceptif est attendu)
voire la prise d’une pilule œstroprogestative afin de limiter les
variations hormonales physiologiques. À noter que le mécanisme
des céphalées cataméniales semble plus dépendre de la chute
rapide de l’œstradiol, on utilise donc préférentiellement une œstrogénothérapie (éventuellement percutanée en périmenstruel).
Enfin, dans les rares formes sévères ou résistantes de syndromes
prémenstruels, on peut avoir recours au blocage du cycle par
l’administration d’un agoniste de la GnRH. En cas d’utilisation
prolongée, il faut systématiquement prescrire un traitement œstro­
progestatif substitutif. •
S. Curinier et M. Canis ne déclarent aucun lien d’intérêts.
+
POUR EN SAVOIR ●
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Il doit être complet (examen des seins bilatéral et comparatif,
recherche d’adénopathie, frottis cervico-vaginal) et il est strictement
normal. Aucun examen complémentaire ne doit être demandé.
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DOSSIE
Cancers du col et du corps
de l’utérus
Rev Prat 2014;64:771-820
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En premier lieu, il faut rassurer la patiente sur la bénignité des
symptômes. Il est parfois utile de proposer une prise en charge
Hystérectomie
Pathologie utérine bénigne
Rev Prat 2014;64:531-52
Vol. 66 _ Septembre 2016
e319
RR
Item 93
RADICULALGIE ET
SYNDROME CANALAIRE
Dr Emmanuelle Dernis, Dr Frédéric Medina
Service de rhumatologie, centre hospitalier du Mans, 72037 Le Mans Cedex, France
[email protected]
objectifs
SAVOIR DIAGNOSTIQUER une radiculalgie
et un syndrome canalaire.
IDENTIFIER les situations d’urgence
et PLANIFIER leur prise en charge.
ARGUMENTER l’attitude thérapeutique
et PLANIFIER le suivi du patient.
Radiculalgies
On distingue les radiculalgies communes d’origine discale ou
arthrosique et les radiculalgies symptomatiques secondaires à
des affections infectieuses, inflammatoires ou tumorales.
Lombo-radiculalgies communes
1.Lombosciatique
La lombosciatique correspond à une lombo-radiculalgie affectant les racines L5 ou S1. Elle affecte préférentiellement l’homme
entre 30 et 40 ans.
Interrogatoire : la lombosciatique se manifeste par une lombalgie
irradiant au membre inférieur au-dessous du genou. L’irradiation
dépend de la racine touchée :
–L5 : fesse, face postéro-externe de la cuisse, postéro-externe ou
externe de la jambe, malléole externe ou gouttière prémalléolaire,
dos du pied, gros orteil ;
–S1 : fesse, face postérieure de la cuisse, creux poplité, face
postérieure de la jambe, tendon calcanéen, rétromalléolaire externe, plante ou bord externe du pied en direction du 5e orteil.
Parfois, le trajet est plus imprécis lorsque l’irradiation est incomplète (irradiation tronquée) ou peut concerner plusieurs territoires.
Examen physique : le syndrome rachidien se manifeste par une
attitude antalgique dans le plan sagittal (diminution ou perte de la
lordose lombaire) et dans le plan frontal (inclinaison latérale irréductible) ainsi que par une raideur lombaire dans le plan sagittal
(flexion-extension) et dans le plan frontal (inclinaisons latérales).
On retrouve des contractures musculaires paravertébrales. Certains signes orientent vers un conflit disco-radiculaire :
–signe de Lasègue : déclenchement de la douleur par élévation
du membre inférieur en extension ;
–signe de Lasègue croisé : déclenchement de la douleur par
élévation du membre inférieur controlatéral ;
–signe de la sonnette : déclenchement de la douleur par pression
de l’espace interlamaire correspondant à la racine en cause.
L’examen neurologique permet de rechercher des signes déficitaires du territoire atteint :
–déficit moteur : L5 (tibial antérieur, extenseurs des orteils, fibulaires,
marche sur les talons), S1 (triceps sural, marche sur la pointe des
pieds) ;
–abolition ou diminution du réflexe achilléen (S1) ;
–hypoesthésie sur le territoire de la douleur.
On recherche un syndrome de la queue de cheval.
2.Lombo-cruralgie
Elle correspond à une lombo-radiculalgie affectant les racines L3
ou L4. Elle est moins fréquente que la lombo‑sciatique et touche
plus fréquemment l’homme que la femme entre 50 et 60 ans.
Interrogatoire : la topographie de la douleur dépend de la racine
en cause :
–L3 : face postéro-interne puis antéro-interne de la cuisse sans
dépasser le genou ;
–L4 : face antéro-externe de la cuisse, face antérieure de la jambe,
malléole interne.
La douleur est d’installation brutale associée à des dysesthésies
(brûlures, sensation de broiement) et à recrudescence nocturne.
Examen clinique : comme pour la lombosciatique, on recherche
un syndrome rachidien (attitude antalgique et raideur lombaire).
On recherche un signe de Léri : la douleur est reproduite par la
flexion du genou à 90° lorsque le malade est en décubitus ventral
(premier temps). Le deuxième temps correspond à l’extension de
la cuisse sur le bassin mais il est moins spécifique. On recherche
des signes neurologiques déficitaires :
–déficit moteur : L3 (psoas), L4 (quadriceps) ;
–déficit sensitif dans le territoire de la douleur (face antérieure de
la cuisse) ;
–abolition ou diminution du réflexe rotulien (L3 ou L4) ;
–syndrome de la queue de cheval.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e321
TABLEAU 1
RR Item 93
R A D IC U L A LGIE E T SYNDR OME C ANAL AIR E
Signes de complication des lomboradiculalgies
z Anesthésie en selle
z Dysurie, rétention d’urine
z Incontinence urinaire et/ou fécale
z Perte de la sensibilité lors du passage
des urines et/ou des selles
z Hypotonie du sphincter anal
z Troubles de l’érection
Lombo-radiculalgie paralysante
z Déficit moteur o 3
Lombo-radiculalgie hyperalgique
z Douleur résistante aux antalgiques
de palier III
TABLEAU 2
Syndrome de la queue de cheval
Causes des lombo-radiculalgies
symptomatiques
z Métastase osseuse
z Myélome
z Lymphome
z Tumeur osseuse primitive
z Tumeur intrarachidienne (neurinome)
Pathologie infectieuse
z Spondylodiscite infectieuse
z Méningoradiculite (Lyme, VZV, HSV, VIH)
z Arthrite articulaire postérieure
infectieuse
Pathologie inflammatoire
z Spondyloarthrite
TABLEAU 3
Pathologie tumorale
Signes d’alerte orientant vers une radiculalgie
symptomatique
z Âge de début : avant 20 ans et après 55 ans
z Traumatisme de haute énergie
z Douleur constante s’aggravant progressivement
z Douleur de rythme inflammatoire
z Atteinte pluriradiculaire
z Douleur thoracique associée, terrain polyvasculaire, notion d’anévrisme de l’aorte
z Altération de l’état général, perte de poids inexpliquée, sueurs nocturnes
z Fièvre
z Antécédent de néoplasie
z Toxicomanie, séropositivité pour le VIH
z Corticothérapie au long cours
z Raideur lombaire multidirectionnelle et persistante
z Déformation rachidienne importante
e322
Vol. 66 _ Septembre 2016
3.Étiologie
Lombo-radiculalgie par hernie discale : la lombo-radiculalgie d’origine discale est surtout rencontrée entre 30 et 40 ans, avec une
prédominance masculine. Elle est évoquée par les données de
l’interrogatoire et l’examen clinique. La douleur est de rythme
mécanique, monoradiculaire, impulsive à la toux et associée à
des lombalgies. On retrouve fréquemment un facteur déclenchant (effort de soulèvement). La douleur est augmentée par la
station assise et par la mobilisation du rachis dans le plan
sagittal. Elle est soulagée par le décubitus. Le patient présente
généralement des antécédents rachidiens. Cliniquement on retrouve une attitude antalgique avec contractures paravertébrales
et raideur lombaire, un signe de Lasègue et un signe de la sonnette.
Deux situations représentent une urgence chirurgicale et imposent un examen d’imagerie en urgence :
–la lombo-radiculalgie paralysante définie par un déficit moteur
o 3 ;
–la lombo-radiculalgie associée un syndrome de la queue de
cheval.
La lombo-radiculalgie hyperalgique est définie par une douleur
rebelle à un traitement morphinique bien conduit. À l’heure
actuelle, le traitement médical permet rapidement de réduire
l’hyperalgésie de sorte que cette situation représente rarement
une indication chirurgicale urgente.
Lombo-radiculalgie d’origine arthrosique : il s’agit du diagnostic diffé‑
rentiel principal de la lombo-radiculalgie commune discale. Il n’y
pas de signe de conflit disco-radiculaire (impulsivité, facteur
déclenchant, signe de Lasègue et de Léri). La douleur est de
rythme mécanique et entraîne parfois des réveils nocturnes liés
aux changements de position. Elle est aggravée par la station
debout statique, le décubitus ventral ou dorsal et la rotationextension du rachis lombaire. La position en chien de fusil et
l’antéflexion lombaire soulagent la douleur. À l’examen clinique,
il n’y a pas de contracture paravertébrale majeure. On retrouve
des points électifs paravertébraux.
Canal lombaire étroit : il concerne surtout le sujet âgé de plus de
60 ans. Il correspond à une sténose acquise du canal rachidien
par prolifération ostéophytique, hypertrophie du ligament jaune et
protrusion discale. Il peut toucher un ou plusieurs étages. Les
douleurs sont pluriradiculaires et bilatérales, associées à des
paresthésies. La douleur apparaît ou s’aggrave à la marche (claudication à la marche) du fait de l’accentuation du rétrécissement
canalaire par la lordose en position debout et limite le périmètre
de marche. La douleur est soulagée par la position penchée en
avant (signe du Caddie). L’arrêt de la marche soulage la douleur
en quelques minutes d’autant plus que le patient s’assoit. L’examen neurologique est assez pauvre. Le diagnostic différentiel
est la claudication d’origine artérielle (artériopathie oblitérante
des membres inférieurs) imposant la palpation des pouls périphériques et la réalisation d’un Doppler artériel au moindre
doute.
Radiculalgie et syndrome canalaire
POINTS FORTS À RETENIR
On distingue des lombo-radiculalgies communes (non
spécifiques) et symptomatiques (spécifiques). L’interrogatoire
et l’examen clinique permettent de rechercher des signes
d’alerte en faveur d’une lombo-radiculalgie symptomatique.
Deux situations nécessitent la réalisation d’un scanner
ou d’une IRM en urgence et un avis chirurgical : la lomboradiculalgie déficitaire (force motrice o 3) et le syndrome
de la queue de cheval.
Les examens complémentaires sont réalisés en cas de
signes d’alerte évoquant une lombo-radiculalgie symptomatique,
de signes de complication (déficit moteur, syndrome de la queue
de cheval) et en cas d’échec du traitement médical bien conduit
après 7 semaines d’évolution.
Le syndrome du canal carpien est le syndrome canalaire
le plus fréquent caractérisé par des acroparesthésies dans
le territoire du nerf médian. Fréquemment idiopathique,
certaines étiologies doivent être évoquées (microtraumatisme,
diabète, hypothyroïdie, rhumatisme inflammatoire…).
Le traitement est le plus souvent médical.
4.Examens complémentaires
Chez un adulte jeune, une lombo-radiculalgie commune typique
non compliquée ne nécessite aucun examen complémentaire.
Au contraire, chez un adolescent ou un patient de plus de
50 ans, en cas de fièvre, d’antécédent de tumeur, de signes
neurologiques déficitaires ou de tableau clinique atypique, un
examen radiologique est réalisé précocement. En dehors de ces
cadres, il n’y a pas lieu de demander d’examen d’imagerie dans
les 7 premières semaines d’évolution de la lombo-radiculalgie
(recommandations de l’ANAES de 2000). Les examens d’imagerie permettent de mettre en évidence le conflit discoradiculaire et sont réalisés en vue d’une intervention chirurgicale. L’examen à demander est une IRM ou à défaut un scanner
en fonction de l’accessibilité de ces examens.
5.Traitement
Le traitement médical comprend la prescription d’antalgiques,
d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et de myorelaxants.
Un repos au lit relatif peut être nécessaire à la phase aiguë
lorsque la douleur est intense. Les infiltrations péridurales
peuvent être utiles. La guérison est généralement obtenue après
6 à 8 semaines. Après amélioration des douleurs, une rééducation
est indiquée afin de renforcer la musculature paravertébrale et
de la sangle abdominale. Le traitement chirurgical est réservé
aux formes compliquées (tableau 1) ou résistantes au traitement
médical après réalisation d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) ou d’un scanner confirmant la concordance radioclinique. Il s’agit de la résection de la hernie discale. Le traitement
chirurgical améliore la radiculalgie mais n’a pas d’action sur la
lombalgie qui nécessite de la rééducation.
Lombo-radiculalgies symptomatiques
Il s’agit de lombo-radiculalgies qui ne sont pas dues à une
origine discale ou arthrosique mais à des affections plus sévères
(tableau 2). À l’interrogatoire et à l’examen clinique, on recherchera les signes d’alerte orientant vers une radiculalgie symptomatique (tableau 3). En cas de suspicion de lombo-radiculalgie
symptomatique il faudra réaliser des radiographies standard et
un bilan biologique (hémogramme, VS, CRP, électrophorèse des
protides). Les autres explorations sont guidées par l’orientation
diagnostique (IRM, myélogramme, hémocultures, ponction lombaire, ponction-biopsie disco-vertébrale…).
Névralgie cervico-brachiale commune
1.Présentation clinique
Il s’agit d’une douleur radiculaire par atteinte d’une des racines
du plexus brachial associée à un syndrome cervical.
Interrogatoire : la topographie de la douleur dépend de la racine
atteinte :
–C5 : moignon de l’épaule, face externe du bras ;
–C6 : face externe du membre supérieur jusqu’au pouce ;
–C7 : face postérieure du membre supérieur jusqu’aux 2e et
3e doigts ;
–C8/T1 : face interne du membre supérieur jusqu’aux 4e et
5e doigts.
Examen physique du rachis cervical : on recherche une raideur se
traduisant par une limitation de la mobilité en flexion-extension,
rotations et inclinaisons latérales. Les contractures intéressent
les muscles de la ceinture scapulaire. Dans les formes aiguës, il
peut s’agir d’une véritable attitude antalgique en torticolis. On
recherche des signes déficitaires dans le territoire atteint :
–hypoesthésie dans le territoire de la douleur ;
–déficit moteur : C5 (deltoïde, rotateurs de l’épaule), C6 (biceps
brachial, brachial, flexion du pouce, supination), C7 (triceps brachial, extenseurs du poignet et des doigts, pronation), C8/T1
(fléchisseurs des doigts, interosseux) ;
–abolition du reflexe bicipital (C5), stylo-radial (C6), tricipital (C7)
et cubito-pronateur (C8/T1).
On recherche des signes d’irritation médullaire traduisant une
myélopathie cervicarthrosique : syndrome pyramidal recherché
aux 4 membres (réflexes vifs diffus et polycinétiques, signes de
Babinski et Hoffmann, signe de Lhermitte). La présence d’un
déficit moteur o 3, d’une douleur hyperalgique (résistant aux
antalgiques de palier III) représentent une urgence chirurgicale et
imposent la réalisation d’un scanner ou d’une IRM en urgence.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e323
RR Item 93
R A D IC U L A LGIE E T SYNDR OME C ANAL AIR E
TABLEAU 4
2.Étiologie
Hernie discale : elle concerne surtout le sujet jeune. La douleur
est de rythme mécanique avec parfois une recrudescence nocturne en cas de douleur intense. On retrouve classiquement un
facteur déclenchant. La douleur radiculaire est impulsive à la
toux. À l’examen physique, la douleur peut être aggravée par la
compression axiale, extension et rotation homolatérale de la tête
(signe de Spurling) ou par la manœuvre d’étirement du membre
supérieur en arrière. Elle peut être soulagée par une traction cervicale.
Uncarthrose : elle concerne surtout les patients âgés de plus de
40 ans. Il s’agit d’une compression de la racine nerveuse par conflit
disco-ostéophytique.
3.Examens complémentaires
Les radiographies standard du rachis cervical de face, de profil
et de trois quarts sont réalisées en première intention. Ils permettent d’analyser les foramens vertébraux et de mettre en évidence l’arthrose cervicale. Le scanner injecté ou l’IRM cervicale
sont réalisés en deuxième intention en cas de névralgie cervicobrachiale résistant au traitement médical ou en urgence en cas
de signes de complication. Ils permettent d’objectiver un conflit
disco-radiculaire ou disco-ostéophytique.
Étiologie du syndrome du canal carpien
Causes traumatiques
z Fracture de l’extrémité distale du radius
ou du carpe
z Cal vicieux
z Pseudarthrose du scaphoïde
z Maladie de Kienbock
Causes microtraumatiques
z Pathologie professionnelle (mouvements
répétitifs)
z Utilisation d’appareils vibrants
Causes endocriniennes
z Grossesse
z Diabète
z Hypothyroïdie
z Acromégalie
Causes mécaniques
z Compression externe (cannes, chaise
roulante)
z Ténosynovite inflammatoire et infectieuse
z Tumeur (kyste synovial, lipome, hémangiome)
z Dépôts intracanalaires (chondrocalcinose,
hydroxyapatite, goutte, amylose)
z Malformations congénitales canalaires,
musculaires et tendineuses
z Vasculaires (persistance d’une artère médiane)
Cause idiopathique
e324
Vol. 66 _ Septembre 2016
4.Traitement
Le traitement médical comprend la prescription d’antalgiques
classiques et d’AINS ainsi qu’un repos par collier cervical. Dans les
formes rebelles on peut proposer une corticothérapie systémique
(0,5 mg/kg/j pendant 2 à 3 semaines). Les infiltrations cervicales
périradiculaires et foraminales sous contrôle radiographique ou
scanographique sont de moins en moins proposées en raison du
risque d’infarctus médullaire et d’accident vasculaire cérébral. Le
traitement chirurgical est rarement indiqué. Il est réservé aux
formes compliquées ou en cas d’échec du traitement médical. Il
s’agit de la résection des ostéophytes ou de la hernie discale.
Névralgie cervico-brachiale symptomatique
Il s’agit de névralgies cervico-brachiales d’origine traumatique
(fracture vertébrale, luxation), infectieuses (spondylodiscite,
méningo­radiculite), tumorale bénigne (neurinome, syringomyélie,
méningiome) ou maligne (métastase osseuse, myélome, lymphome, syndrome de Pancoast et Tobias). On recherchera les
signes d’alerte orientant vers une radiculalgie symptomatique
(tableau 3).
Syndromes canalaires
Les syndromes canalaires résultent de la compression des nerfs
périphériques dans des zones de passage étroit. Le syndrome du
canal carpien est le syndrome canalaire le plus fréquent.
Syndrome du canal carpien
Le syndrome du canal carpien correspond à la compression
du nerf médian dans le canal carpien. Il s’agit d’un nerf mixte
assurant la sensibilité palmaire des trois premiers doigts et de
la moitié radiale du quatrième doigt, la sensibilité dorsale des
2e et 3e phalanges de l’index, du majeur et de la moitié radiale
de l’annulaire. Il assure la motricité des muscles de l’éminence
thénar et des deux lombricaux externes. Ce syndrome touche
préférentiellement la femme (3 femmes pour 1 homme) à un âge
moyen de 50 ans. Il est bilatéral dans 50 % des cas et prédomine
au niveau du membre dominant. Il est reconnu comme maladie
professionnelle (tableau 4).
1.Présentation clinique
Il débute par une symptomatologie sensitive : acroparesthésies
dans le territoire du nerf médian irradiant à l’avant-bras à prédominance nocturne ou au réveil obligeant le patient à se secouer
la main ou à la tremper dans l’eau chaude. L’irradiation peut parfois atteindre l’épaule. Les paresthésies peuvent également être
provoquées par des activités manuelles inhabituelles. La percussion de la face antérieure du poignet (test de Tinel) et la flexion
forcée du poignet pendant une minute (test de Phalen) peuvent
reproduire les paresthésies. L’évolution se fait vers la persistante
des paresthésies entraînant une maladresse de la main associée
à des troubles moteurs (déficit de la force du pouce) et une amyo­
trophie thénarienne représentant alors des signes de sévérité.
Autres syndromes canalaires
1.Au membre supérieur
Ce sont :
–la compression du nerf radial dans la gouttière humérale ;
–le syndrome de l’arcade de Fröhse : compression du nerf radial
lors de la traversée du muscle supinateur ;
–le syndrome du tunnel radial : compression de la branche motrice du nerf radial lors de son trajet entre l’articulation huméroradiale et sa sortie du muscle supinateur ;
–la compression du nerf ulnaire au coude dans la gouttière épitro­
chléo-olécranienne ;
–le syndrome de la loge de Guyon : compression du nerf ulnaire
du poignet.
2.Au membre inférieur
–la méralgie paresthésique : compression du nerf cutané latéral
dans un canal ostéofibreux en regard de l’épine iliaque ;
–le syndrome du tunnel tarsien : compression du nerf tibial
postérieur lors de son passage dans le tunnel tarsien ;
–le syndrome de Morton : compression du nerf digital dans le
tunnel intermétatarsien ;
–la névralgie pudendale ou syndrome d’Alcock : compression
du nerf honteux pudendal. •
E. Dernis déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour les
entreprises Abbvie, MSD, Roche et Pfizer. F. Medina déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
+
POUR EN SAVOIR ●
Dossier
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SOMMAIRE
2.Étiologie
Le syndrome du canal carpien est idiopathique dans plus de
50 % des cas. Les causes sont listées dans le tableau 4.
3.Examens complémentaires
Électromyogramme : il représente l’examen de référence. Il permet
d’objectiver l’atteinte du nerf médian et d’éliminer une autre pathologie. La stimulodétection montre un ralentissement de la conduction motrice et/ou sensitive du nerf médian au canal carpien. Elle
analyse également l’amplitude et la durée des réponses évoquées
motrices et sensitives. Cet examen peut être normal dans les
formes débutantes.
Autres examens : l’échographie permet une analyse morpho‑
logique et dynamique du nerf médian. Elle montre un épaississement du nerf médian à l’entrée du canal carpien, un aplatissement
à la partie distale du canal carpien et un bombement palmaire
du rétinaculum des fléchisseurs. Elle permet éventuellement de
mettre en évidence la cause de la compression du nerf médian :
ténosynovites des fléchisseurs, tumeur synoviale.
La radiographie du poignet peut mettre en évidence une anomalie
osseuse (masse calcifiée, fracture des os du carpe).
4.Traitement
Le traitement étiologique est mis en œuvre chaque fois que
possible.
Dans les formes sensitives pures, on privilégie le traitement
médical en première intention : infiltrations cortisoniques intra‑
canalaires, attelle nocturne de repos.
Le traitement chirurgical est indiqué dans les formes sévères
(déficit moteur ou amyotrophie) et dans les formes résistant au
traitement médical. Il consiste en la section du ligament annulaire
sur son versant ulnaire. Cette section peut être réalisée par
technique classique (ouverture palmaire) ou par technique endo­
scopique.
Vol. 66
377
_ Avril 2016
378
Mais aussi :
Portier A., Rajzbaum G. Névralgie cervico-brachiale : fréquente et parfois
très douloureuse. Rev Prat 2016;66(5)549-54.
Liverneaux P, Gouzou S. Syndrome du canal carpien et autres syndromes
canalaires. Rev Prat 2013;63(9):1258-62.
Vol. 66 _ Septembre 2016
e325
RR
FOCUS
Item 93
Voir l’item complet page e321
et sur larevuedupraticien.fr
Les signes d’alerte
d’une lomboradiculalgie
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
Dr Emmanuelle Dernis, Dr Frédéric Medina
Service de rhumatologie, centre hospitalier du Mans, 72037 Le Mans Cedex, France
[email protected]
L’
interrogatoire et l’examen physique sont des temps essen­
tiels dans la démarche diagnostique d’une lomboradicu­
lalgie. En effet, ils permettent de rechercher les signes de gravité
et les signes orientant vers une cause spécifique. Les lombo­
radiculalgies symptomatiques ou spécifiques témoignent d’affec­
tions rachidiennes ou extra-rachidiennes potentiellement sévères
(infection, cancer, rhumatisme inflammatoire…) et doivent être
diagnostiquées précocement pour ne pas retarder la mise en
place du traitement.
Les signes d’alerte (ou drapeaux rouges ou red flags) sont des
signes qui doivent être systématiquement recherchés à l’examen
clinique car ils indiqueraient une haute probabilité de cause spé­
cifique. Initialement, ils s’appliquaient aux lombalgies aiguës puis
se sont étendus à toute lombalgie ou lomboradiculalgie. La pré­
sence d’au moins un signe d’alerte justifie la prescription précoce
d’examens complémentaires (radiographies, biologie, scanner,
IRM…).•
IRM du rachis lombaire, étage L5S1. Hernie discale L5S1 paramédiane
gauche, avec conflit sur la racine S1 gauche.
FIGURE
E. Dernis déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour les
entreprises Abbvie, MSD, Roche et Pfizer. F. Medina déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
Signes d’alerte d’une lombalgie ou lomboradiculalgie
l Âge du début des symptômes inférieur
à 20 ans ou de plus à 55 ans
l Antécédent récent de traumatisme
violent
l Douleur permanente, progressivement
croissante
l Douleur non mécanique
(non soulagée par le repos au lit, douleur
supérieure le matin par rapport au soir)
e326
Vol. 66 _ Septembre 2016
l Douleur thoracique
l Perte de poids inexpliquée
l Antécédents médicaux de tumeur
maligne
l Syndromes neurologiques diffus
(incluant le syndrome de la queue
de cheval)
l Utilisation prolongée de corticoïdes
l Toxicomanie, immunosuppression,
infection par le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH)
l Altération de l’état général
l Déformation rachidienne importante
l Fièvre
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Item 117
LE HANDICAP PSYCHIQUE
(VOIR ITEM 54 ET 115)
Dr Clélia Quilès1, 2, Pr Christophe Lançon3
1. Centre hospitalier Charles-Perrens, F-33000 Bordeaux, France
2. Université de Bordeaux, F-33000 Bordeaux, France
3. Pôle psychiatrie universitaire, CHU Sainte-Marguerite, F-13274 Marseille Cedex 09, France
[email protected]
objectifs
ÉVALUER le handicap psychique de l’adulte.
ANALYSER les implications du handicap
en matière d’orientation professionnelle
et son retentissement social.
ÉVALUER le handicap psychique de l’enfant
et de l’adolescent en matière d’intégration scolaire
et d’articulation entre le secteur sanitaire et
médico-social. ARGUMENTER les principes
d’orientation, de prise en charge et d’aide (MDPH
Auxiliaire de vie scolaire collectif et individuel,
Médico-social – intégration scolaire, etc) pour
les enfants porteurs de handicap psychique
ARGUMENTER les principes d’utilisation
et de prescription des principales techniques
de remédiation cognitive.
ARGUMENTER les principes d’utilisation et de
prescription des principales techniques éducatives
et d’entraînement cognitif chez les enfants
porteurs de handicap psychique.
Définitions « pour comprendre »
Définition et épidémiologie du handicap
Le handicap affecte 80 millions de personnes en Europe (selon
l’European Disability Strategy) et 1 milliard de personnes dans le
monde selon le rapport mondial sur le handicap de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) 2013.
Le terme « handicap » se rapporte à la limitation des possibilités
d’interaction d’un individu avec son environnement. Cette limitation est la conséquence d’une déficience, elle-même à l’origine
d’une incapacité, conduisant à des difficultés psychiques, intellectuelles, sociales et/ou physiques. La loi n° 2005-102 du
11 février 2005, article 14 pour l’égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a défini la notion de handicap : « Constitue un handicap,
au sens de la présente loi, toute limitation d’activités ou restriction
de participation à la vie en société subie dans son environnement
par une personne en raison d’une altération substantielle, durable
ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles,
mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un
trouble de santé invalidant ».
Le handicap n’est donc pas un « état », mais une « situation de
handicap » d’origine physique, sensorielle, mentale, cognitive ou
psychique. Les fonctions psychiques sont donc bien reconnues
dans cette définition comme des sources de handicap (la loi de
2005 a ainsi « reconnu » le handicap psychique).
Deux notions différentes doivent être distinguées : le handicap
mental et le handicap psychique.
La « situation de handicap d’origine mentale » est reliée à une
altération cognitive globale entraînant une efficience intellectuelle
diminuée (souvent non évolutive dans le temps). Présente dès la
naissance, il s’agit d’une situation de handicap durable, nécessitant des soins médicaux habituellement peu fréquents, essentiellement de nature à diminuer l’impact du handicap. L’exemple
d’une personne souffrant d’un retard mental dans le cadre d’une
trisomie 21 peut être cité.
La « situation de handicap d’origine psychique » est reliée à une
altération cognitive spécifique ou des biais cognitifs (évoluant
par poussées dans le temps) perturbant l’organisation des activités et des relations sociales. Le handicap psychique est donc
secondaire à un trouble psychiatrique. Apparaissant à l’adolescence ou à l’âge adulte, ce handicap est évolutif, et requiert des
soins médicaux indispensables, permettant de stabiliser le trouble
psychiatrique (tels les psychotropes) et de diminuer l’impact du
handicap (telle la remédiation cognitive, par exemple).
Le handicap psychique fait partie des premières causes de
handicap selon l’OMS. On estime à 700 000 le nombre de personnes présentant un handicap psychique en France. Il s’agit de
la première cause de mise en invalidité par la Sécurité sociale.
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RR Item 117
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Modèle de l’OMS du handicap
Prise en charge du handicap
Trois niveaux (déficience, limitations et restriction de participation), de complexité croissante et en interaction les uns avec les
autres, constituent le modèle de l’OMS du handicap. Il existe par
ailleurs deux catégories de facteurs susceptibles d’influencer la
cascade de conséquences menant des déficiences aux restrictions
de participation :
––les facteurs personnels (conceptions issues de la psychologie
de la santé : le stress perçu, le soutien social perçu, le contrôle
perçu et les stratégies d’adaptation) ;
––et les facteurs environnementaux (éléments du contexte de vie
de l’individu).
Ces facteurs peuvent constituer des obstacles ou des facilitateurs
de la participation à la vie sociale.
1.Déficience
Les déficiences correspondent au dysfonctionnement des
structures anatomiques. Les altérations cognitives retrouvées dans
les troubles psychiatriques appartiennent à ce type de dysfonctionnement et s’évaluent par des tests neuropsychologiques,
indispensables dans tout bilan de troubles psychiatriques sévères.
Les altérations cognitives contribuent fortement au pronostic
fonctionnel des troubles psychiatriques.
2.Limitation d’activité
Les limitations d’activité désignent les difficultés qu’une personne
peut rencontrer pour mener une activité, c’est-à-dire ce que la
personne est capable ou non de faire. Ainsi, les limitations d’activités peuvent concerner différentes tâches de la vie quotidienne, ou encore les compétences sociales et professionnelles.
3.Restriction de participation
Les restrictions de la participation désignent les problèmes
qu’une personne peut rencontrer pour participer à une situation de la vie réelle. Il ne s’agit pas de ce que la personne est
capable de faire ou pas, mais surtout de ce qu’elle fait réellement (fig. 1).
Principes généraux de la prise en charge (fig. 2)
Déficiences
Problème
de santé
Limitation
d'activités
Facteurs
personnels
Facteurs
environnementaux
Restriction
de participation
FIGURE 1 Classification internationale du fonctionnement, du handicap
et de la santé, OMS, 2001.
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La réhabilitation psychosociale comporte l’ensemble des stratégies qui permettent aux sujets souffrant de troubles psychiatriques de récupérer leur fonctionnement social et instrumental
dans la plus large mesure possible en utilisant des procédés
d’apprentissage et des mesures prothétiques. La réhabilitation
inclut donc la remédiation, la réadaptation, la réinsertion.
Prise en charge des déficiences et limitations
d’activité : la psychoéducation et la remédiation
cognitive
Des interventions de psychoéducation ont été développées
pour communiquer les connaissances actuelles sur la maladie et
le traitement de personnes atteintes de schizophrénie, et leur
permettre ainsi d’établir un lien entre d’éventuelles altérations
rapportées par leur bilan et leurs conséquences concrètes. Il a
été montré que la psychoéducation réduisait le taux de rechutes,
de réadmissions à l’hôpital et la durée du séjour, et permettait
d’améliorer l’observance médicamenteuse, et ce d’autant plus
qu’elle intervient précocement dans l’évolution de la pathologie.
La remédiation cognitive a pour objectif de diminuer les altérations cognitives des sujets souffrant de trouble psychiatrique.
Les altérations cognitives se manifestent par :
––des altérations non spécifiques aux troubles psychiatriques
(pouvant se retrouver dans les maladies neurologiques, par
exemple), à savoir des altérations neurocognitives ;
––mais également par des altérations spécifiques aux troubles
psychiatriques, à savoir la cognition sociale et la métacognition.
La remédiation de ces altérations nécessite préalablement une
évaluation complète neuropsychologique individuelle. L’objectif
de cette évaluation est, d’une part, de connaître les altérations
les plus importantes du sujet, et, d’autre part, de connaître les
conséquences de ces déficiences dans la vie quotidienne (restrictions de participation). Le travail de remédiation ne cible en effet
pas simplement une amélioration des performances cognitives
dans les domaines les plus altérés mais aussi et surtout une réduction des répercussions de ces altérations.
La schizophrénie représente l’une des principales indications de
la remédiation cognitive, qu’elle soit non spécifique ou spécifique.
Prise en charge des restrictions de participation
Il s’agit principalement des techniques de réadaptation et de
réinsertion. La réadaptation peut être définie comme l’ensemble
des actions permettant de supprimer, atténuer, ou surmonter les
obstacles générateurs de handicap. La réinsertion quant à elle a
pour objectif d’aider un individu à retrouver son milieu familial,
social et professionnel.
La prise en charge des restrictions de participation nécessite
le plus souvent des démarches administratives (maison départementale des personnes handicapées, MDPH) et/ou judiciaire
POINTS FORTS À RETENIR
Le modèle de l’OMS du handicap distingue trois niveaux :
déficience, limitation d’activité, restriction de participation.
Ce modèle s’applique à la psychiatrie comme au reste
de la médecine.
La prise en charge des déficiences et limitations d’activité
en psychiatrie repose sur les techniques de remédiation
cognitive, qui sont des techniques de rééducation ayant pour
objectif de diminuer les altérations cognitives.
La prise en charge des restrictions de participation
repose sur les aides au logement, les aides financières,
et le développement d’un réseau social.
La prise en charge des déficiences, limitations d’activités
et restriction de participation participent à la réhabilitation
psychosociale.
(tribunal de grande instance) spécifiques. Un dossier est ainsi
constitué afin de demander l’ouverture de droits par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées
(CDPAH) à la MDPH.
Les prestations, dans trois domaines en fonction du niveau
de restriction de participation (sévérité du handicap évaluée
par le guide d’évaluation des besoins de compensation de la
personne handicapée [GEVA]), sont attribuées pour :
––le logement ;
––le travail ou aides financières ;
––le réseau social.
Problème
de santé
1.Logement
Il existe plusieurs possibilités de logement pour les personnes
souffrant de handicap psychique, en fonction des possibilités du
sujet. Le logement peut ainsi être ordinaire, ou alors adapté (maisons
relais, résidences d’accueil) ou encore en appartement communautaire ou associatif. Afin de maintenir l’autonomie dans ce logement
et dans la vie quotidienne, il existe des possibilités d’accompagnement à la vie sociale sous la forme :
––d’un service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) ;
––ou d’un service d’accompagnement médico-social pour adultes
handicapés (SAMSAH).
Le SAMSAH propose, en plus de l’accompagnement dans la
vie quotidienne pour les activités sociales et professionnelles, un
accompagnement dans le suivi médical et paramédical du patient.
Des aides ménagères peuvent s’ajouter.
Enfin, il est aussi possible de demander l’intervention d’infirmiers
à domicile, voire de soins médicaux ambulatoires, afin de compléter
le suivi médical ambulatoire. Ces différents dispositifs ont pour
objectif de favoriser un travail de réhabilitation psychosociale en
condition écologique.
2.Travail et aides financières
En fonction de la sévérité de son handicap, le patient peut
travailler en milieu ordinaire, avec recherche d’emploi standard,
ou bien bénéficier de la reconnaissance de qualité de travailleur
handicapé (RQTH) accordée par la MDPH, permettant un aménagement de poste.
Si le travail en milieu ordinaire est impossible, la RQTH permet
également le travail en milieu protégé, soit en entreprise adaptée,
soit en établissement et service d’aide par le travail (ESAT) qui
peut s’associer temporairement à un foyer d’hébergement pour
travailleurs handicapés.
Si le travail n’est pas possible, le patient peut bénéficier soit
d’une pension d’invalidité (versée par la Sécurité sociale) s’il a
déjà travaillé, soit d’une allocation pour adulte handicapé (AAH),
accordée par la MDPH.
Déficiences
• Altérations cérébrales • Altérations cognitives
• Symptômes psychiatriques
Limitation
d'activités
• Tâches cognitives plus ou moins complexes
Restriction
de participation
• Activités de la vie quotidienne •Habiletés
sociales • Logement, emploi, argent
Pharmacothérapie
Neurostimulation électrique
Remédiation cognitive
Réadaptation psychosociale
Réhabilitation psychosociale
Le handicap psychique (voir item 54 et 115)
Sauvegarde de justice, curatelle, tutelle
FIGURE 2 Schéma synthétisant les différents axes de la prise en charge du handicap psychique selon le modèle de l’OMS
(Organisation mondiale de la santé).
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Message de l'auteur
Les questions posées portant sur cette item
s’intègreront parfaitement dans l’esprit de
transversalité de l’ECN. Elles pourront
facilement être intégrées à tout cas clinique
portant sur une pathologie psychiatrique ou
pathologie susceptible d’engendrer un
handicap psychique.
Les questions pourraient par exemple être
les suivantes, à partir d’un cas clinique :
– quelles sont les déficiences présentées par
ce patient ?
– quelles sont les limitations présentées par
ce patient ?
– quelles sont les restrictions de participation
présentées par ce patient ?
– quels sont les facteurs personnels
et environnementaux influençant
les déficiences limitations d’activités et
restriction de participation chez ce patient ?
– quelle prise en charge des limitations
d’activité proposez-vous au patient
– quelle prise en charge des restrictions
de participation proposez-vous au patient ?
– quelles mesures de réhabilitation
psychosociale pourriez-vous proposer
à ce patient ?
Lorsque le handicap est très sévère, le patient peut être orienté
en institution de type :
––foyer de vie, principalement pour les personnes qui ne peuvent
pas exercer d’activité professionnelle, y compris en structure
spécialisée ;
––foyer d’accueil médicalisé (FAM), pour les personnes nécessitant un accompagnement médical et une aide éducative pour
favoriser le maintien ou l’acquisition d’une plus grande auto­
nomie dans les actes de la vie courante ;
––ou maison d’accueil spécialisée (MAS), lorsque l’état de santé
de la personne handicapée doit nécessiter le recours à une tierce
personne pour les actes de la vie courante et une surveillance
médicale ainsi que des soins constants.
Tous ces types d’hébergement s’adressent uniquement aux patients dans l’incapacité de mener une vie autonome à l’extérieur.
Ces institutions organisent l’ensemble de la vie quotidienne et des
activités du patient avec notamment des éducateurs spécialisés et
des ergothérapeutes. Il faut par ailleurs souligner qu’il peut s’agir
d’un lieu de vie transitoire, à un moment donné de la vie du patient.
En effet, les mesures de réhabilitation, en particulier les mesures
sanitaires dont la remédiation cognitive, peuvent contribuer à
modifier la trajectoire de vie des usagers en leur permettant d’exprimer de manière plus efficace leurs potentialités, leur permettant alors de vivre à l’extérieur de manière indépendante.
3.Réseau social
Il existe également des programmes de réhabilitation structurés
comme le programme de renforcement de l’autonomie et des
capacités sociales (PRACS). Ce programme propose de travailler
4 domaines de compétences sociales, à savoir gérer son argent,
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Vol. 66 _ Septembre 2016
– quelles possibilités de logement
peuvent être proposées à ce patient ?
– des aides financières peuvent-elles
être proposées à ce patient ?
– quelles modalités de travail pourraient
être proposées à ce patient ?
– dans quel objectif proposez-vous
une remédiation cognitive à ce patient ?
– citez des possibilités d’aide dans
les compétences sociales pour ce patient,
afin d’élargir son réseau social.
gérer son temps, favoriser ses capacités de communication et de
loisirs, et améliorer sa présentation (avec éducation à la santé).
Les activités sociales se déroulent sous la forme d’ateliers
d’ergothérapie animés par un professionnel (généralement en
hôpitaux de jour du suivi ambulatoire) ou sous la forme d’ateliers
animés par les patients notamment dans le cadre de groupes
d’entraide mutuelle (GEM) et d’associations (Club loisirs, etc.).
Prise en charge judiciaire
Lorsque le handicap nécessite une surveillance et un contrôle
continu pour les actes de la vie civile (et parfois civique), des
démarches judiciaires (tribunal de grande instance) spécifiques
doivent être initiées par le médecin afin mettre en place des
mesures de protection des biens des majeurs (sauvegarde de
justice, tutelle, curatelle).•
C. Quilès déclare avoir des liens durables ou permanents avec l’entreprise EdiPsy,
avoir participé à des interventions ponctuelles pour le laboratoire Janssen, et avoir été
prise en charge, à l’occasion de déplacement pour congrès, par Janssen et Lundbeck.
C. Lançon déclare déclare avoir participé à des interventions ponctuelles (activités
de conseil) pour l’entreprise pour les laboratoires Janssen, Roche, lundbeck et Lilly.
+
POUR EN SAVOIR ●
Collège national universitaire des enseignants de psychiatrie (CNUP),
Association pour l’enseignement de la psychiatrie (AESP). Le Référentiel
de psychiatrie, Tours : Presses universitaires François-Rabelais, 2014.
Franck N. Remédiation cognitive dans la schizophrénie. Encyclopédie
médico-chirurgicale 2014 ;37-820-A-55.
Union nationale des amis et familles de malades psychiques.
http://www.unafam.org/
Voir l’item complet page e327
et sur larevuedupraticien.fr
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
RR
FOCUS
Item 117
La remédiation cognitive,
une technique de prise en charge
à différencier de la thérapie
cognitivo-comportementale
Dr Clélia Quilès1, 2, Pr Christophe Lançon3
1. Centre hospitalier Charles-Perrens, F-33000 Bordeaux, France
2. Université de Bordeaux, F-33000 Bordeaux, France
3. Pôle psychiatrie universitaire, CHU Sainte-Marguerite, F-13274 Marseille Cedex 09, France
[email protected]
L
a remédiation cognitive a pour objectif de diminuer les altérations cognitives des sujets souffrant de trouble psychiatrique. La thérapie cognitivo-comportementale a pour objectif
de modifier les distorsions cognitives ou biais cognitifs, conduisant aux idées délirantes. Il ne s’agit pas dans ce dernier cas
d’altérations cognitives dans le sens où elle ne porte pas sur des
processus de pensée, mais sur des contenus de pensée (pour
distinguer ces deux aspects, prenons l’exemple de la lecture
d’un texte ; si je me pose des questions sur l’histoire que je suis
en train de lire, alors je me pose des questions sur le contenu de
la pensée ; si je me pose des questions sur la vitesse de ma
lecture, mes capacités de compréhension, alors je me pose des
questions sur les processus de pensée).
Certains programmes, tel le Michael’s game, jeu de cartes au
cours duquel le patient doit trouver des hypothèses alternatives
aux explications données par le personnage Michael sur des
situations auxquelles il est confronté, permettent de travailler à la
fois les biais cognitifs (erreurs de raisonnement par les hypothèses alternatives) et les altérations cognitives (par exemple, ici,
la flexibilité cognitive).
Les altérations des processus de pensée telles que les altérations
cognitives sont accessibles via les programmes de remédiation
cognitive. Les biais cognitifs, portant sur des contenus de pensée,
sont accessibles via la thérapie cognitivo-comportementale.
Les techniques de remédiation cognitive s’apparentent à celles
de la rééducation et proposent soit un entraînement des processus
altérés, soit un renforcement des processus préservés destinés
à compenser les altérations.
Les altérations cognitives se manifestent par des altérations
non spécifiques aux troubles psychiatriques (pouvant se retrouver
dans les maladies neurologiques, par exemple) ou par des altérations spécifiques aux troubles psychiatriques.
Concernant les altérations non spécifiques, elles peuvent toucher comme dans les maladies neurologiques l’attention et la
vitesse de traitement de l’information, la mémoire, les fonctions
exécutives.
La remédiation de ces altérations nécessite préalablement une
évaluation complète neuropsychologique individuelle. L’objectif
de cette évaluation est, d’une part, de connaître les altérations
les plus importantes du sujet, et, d’autre part, de connaître les
conséquences de ces déficiences dans la vie quotidienne (restrictions de participation). Le travail de remédiation ne vise en
effet pas simplement une amélioration des performances cognitives dans les domaines les plus altérés mais aussi et surtout
une réduction des répercussions de ces altérations. Plusieurs
programmes de remédiation cognitive ciblant les altérations cognitives ont déjà été validés et sont disponibles en français (en
particulier integrated psychological treatment [IPT], cognitive remediation therapy [CRT], remédiation cognitive par entraînement
hiérarchisé assisté par ordinateur à l’aide du logiciel REHA-COM
et programme de remédiation cognitive pour patients présentant
une schizophrénie ou un trouble associé [RECOS]).
Concernant les altérations cognitives spécifiques, particulièrement
présentes dans la schizophrénie, est retrouvé une altération de :
––la métacognition (c’est-à-dire la connaissance et la conscience
de son propre fonctionnement cognitif) ;
––la cognition sociale (c’est-à-dire les processus cognitifs impliqués
dans les interactions sociales).
La remédiation de ces altérations cognitives spécifiques nécessite également préalablement un bilan de cognition sociale mais
qui ne fait pas encore l’objet d’un consensus. Des programmes
destinés à traiter les troubles de la métacognition (metacognitive
training ou MCT) et la cognition sociale sont déjà disponibles
(remédiation de la théorie de l’esprit ou ToMRemed et Gaïa).
D’autres sont en cours de développement ou de validation.
La schizophrénie représente l’une des principales indications
de la remédiation cognitive, qu’elle soit spécifique ou non.•
C. Quilès déclare avoir des liens durables ou permanents avec l’entreprise EdiPsy, avoir
participé à des interventions ponctuelles pour le laboratoire Janssen, et avoir été prise en
charge, à l’occasion de déplacement pour congrès, par Janssen et Lundbeck.
C. Lançon déclare déclare avoir participé à des interventions ponctuelles (activités de
conseil) pour l’entreprise pour les laboratoires Janssen, Roche, lundbeck et Lilly.
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