Jurisprudence récente sur l`obligation de vérification, d`information

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Jurisprudence récente sur l`obligation de vérification, d`information
JURISPRUDENCE RÉCENTE
FICATION, D’INFORMATION
IMMOBILIER
SUR L’OBLIGATION DE VÉRIET DE CONSEIL DU COURTIER
*
Me Claude Barsalou
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION................................................................................................. 3
I. –
LES FONDEMENTS DE L’OBLIGATION DE VÉRIFICATION,
D’INFORMATION ET DE CONSEIL DU COURTIER IMMOBILIER......... 4
A.
L’obligation de vérification........................................................................ 4
B.
L’obligation d’information et de conseil..................................................... 5
II. –
QUELQUES DÉCISIONS RÉCENTES SUR L’OBLIGATION DE
VÉRIFICATION, D’INFORMATION ET DE CONSEIL DU COURTIER
IMMOBILIER ........................................................................................... 6
A.
Absence de consentement éclairé ........................................................... 6
B.
Foyer d’hébergement et conformité à la réglementation........................... 7
C.
Retrait de conditions fondamentales non réalisées .................................. 8
D.
Accès non conforme dévoilé .................................................................... 9
E.
Fondations de bois non divulguées........................................................ 10
F.
Signature d’un contrat de courtage et obligation de conseil ................... 11
G.
Vente d’une ferme laitière et transférabilité des quotas de lait................ 12
H.
Responsabilité quant à la solvabilité de l’acheteur ................................. 13
I.
Fosse septique de nature artisanale ...................................................... 14
CONCLUSION .................................................................................................. 15
*
Directeur, Affaires juridiques et formation, Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
Les opinions émises n’engagent que l’auteur.
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
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Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
3
INTRODUCTION
1
L’actuelle Loi sur le courtage immobilier est entrée en vigueur le 15
1
janvier 1994 . Elle édicte notamment la constitution de l’Association des courtiers
et agents immobiliers du Québec qui, comme son nom l’indique, regroupe les
2
titulaires d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier . Toute personne qui
agit à titre de courtier ou d’agent immobilier ou qui en porte le titre doit être
3
membre de cette association . Il s’agit donc d’une activité d’exercice exclusif et
non pas seulement d’un titre réservé par la loi. Par ailleurs, le caractère d’ordre
4
public de l’ancienne Loi sur le courtage immobilier , affirmé à maintes reprises
5
par les tribunaux, s’applique également à la loi actuelle .
2
La Loi sur le courtage immobilier en vigueur depuis plus de sept ans est
venue modifier en profondeur le droit du courtage immobilier, principalement par
l’imposition d’un encadrement des activités professionnelles des courtiers et des
agents immobiliers d’une manière qui est, pour l’essentiel, identique à celle
6
retenue par le Code des professions pour les professionnels. Ainsi, on retrouve
au sein de l’Association un comité de discipline, un comité d’inspection profes7
sionnelle et un syndic . La volonté du législateur est clairement d’assurer une
8
meilleure protection du public . Comme c’est le cas pour les professionnels régis
par le Code des professions, les courtiers et les agents immobiliers doivent
dorénavant respecter un ensemble d’obligations et de devoirs déontologiques
énoncés à une loi et aux règlements pris en application de celle-ci, soit la Loi sur
le courtage immobilier.
3
D’autre part, l’article 1434 du Code civil du Québec fait référence à la loi
lorsqu’il énumère les différentes sources du contenu obligationnel des contrats.
Cet article incorpore dans les contrats les dispositions d’ordre public des lois
professionnelles et de leurs règlements, dont les règles déontologiques qui
portent sur les relations des professionnels avec leurs clients et qui ne peuvent
9
être écartées par stipulation contraire . Ainsi, les Règles de déontologie de
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9
L.R.Q., c. C-73.1.
Voir l’article 67 de la Loi sur le courtage immobilier.
Articles 3 et 15 de la Loi sur le courtage immobilier.
L.R.Q., c. C-73.
Voir notamment: International Paper Company c. Valeurs Trimont Ltée, [1989] R.J.Q. 1187 (C.A.) ;
Belgo-Fisher (Canada) Inc. c. Lindsay, [1988] R.J.Q. 1223 (C.A.) ; Alepin c. 2625-7162 Québec inc.,
REJB 99-10855 (C.S.) ; Re/Max Élite (1992) inc. c. Couture, [1996] R.D.I. 134 (C.Q.).
L.R.Q., c. C-26.
Articles 128, 107 et 119 de la Loi sur le courtage immobilier.
Pour un examen des changements apportés par cette loi, voir : Claude BARSALOU, « L’Encadrement
professionnel du courtage immobilier québécois », dans Repères, droit civil québécois, Montréal,
Publications Dacfo, février 1996, p. 34-41.
Claude FABIEN, « Le nouveau cadre contractuel de l’exercice des professions», dans Le défi du droit
nouveau pour les professionnels – Le Code civil et la réforme du Code des professions, Montréal,
Éditions Thémis, 1994, p. 72, à la page 84 ; Germain c. Lavoie, C.S. Abitibi, n° 615-05-000292-973,
19 mai 1999, j. Duchesne ; Re/Max Lac St-Jean Inc. c. Côté, L.P.J.-97-0419 (C.S.). L’affaire Germain
c. Lavoie constitue par ailleurs une illustration intéressante du devoir d’information du courtier immobilier en vertu de l’article 28 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec. Dans cette affaire, un courtier immobilier ainsi que son agent ont été condamnés à
payer une somme de plus de 59 000 $ aux acheteurs d’un immeuble affecté de différents vices.
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
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l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec viennent limiter la
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liberté contractuelle d’un courtier immobilier .
4
Une infraction déontologique pourrait donc constituer une faute civile11.
Sur le plan extra-contractuel, le tiers lésé par les agissements d’un courtier ou
d’un agent peut également invoquer tout manquement à une disposition d’ordre
12
public . Or, plusieurs obligations déontologiques des courtiers et des agents
immobiliers sont envers toutes les parties à une transaction, et non pas
seulement leurs clients. Dans un jugement de 1997, la Cour supérieure précisait
ce qui suit :
5
Ainsi, même en l’absence d’un lien contractuel, les acheteuses ont la
faculté d’invoquer tout manquement du courtier à ses responsabilités
professionnelles dont traite la loi et les règlements qui l’encadrent, s’il y a
13
dommages et liens de causalité.
I. –
6
LES FONDEMENTS DE L’OBLIGATION DE VÉRIFICATION,
D’INFORMATION
ET
DE
CONSEIL
DU
COURTIER
IMMOBILIER
Il est en pratique difficile de distinguer l’obligation de vérification de celles
d’informer et de conseiller. En effet, un courtier doit vérifier les renseignements,
les transmettre pour bien informer et conseiller les gens à qui il les communique,
notamment en ce qui concerne les actions qui doivent être ou non entreprises à
la lumière de ces renseignements.
A.
L’obligation de vérification
7
Les Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents
immobiliers du Québec prévoient que :
8
[l]e membre doit vérifier, conformément aux usages et aux règles de l’art,
les renseignements qu’il fournit au public ou à un autre membre. Il doit
toujours être en mesure de démontrer l’exactitude de ces rensei14
gnements .
9
Notons que l’article 2100 du Code civil du Québec, qui porte notamment
sur le contrat de service, utilise l’expression « usages et règles de leur art ».
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(1993) 125 G.O. 2, 9156. À cet effet, voir notamment: Association des courtiers et agents immobiliers
du Québec c. Les Immeubles G.L.M.C. Inc., comité de discipline de l’Association des courtiers et
agents immobiliers du Québec, n° 33-95-0019, 4 janvier 1996, 11. La Cour d’appel du Québec
indiquait, en obiter, que le courtier doit, dans le cadre de l’exécution du contrat qui le lie à son client,
fournir ses services conformément aux usages et règles de l’art prévues à ces règles déontologiques :
Côté c. Le St-Jovite Hôtel, J.E. 97-1822 (C.A.).
C. FABIEN, op. cit., note 9, p. 95 ; Christian N. DUMAIS, « Doit-on tenir compte de la déontologie
pour évaluer la responsabilité professionnelle ? », Le journal du Barreau, 1er octobre 1997, p. 18-19.
Voir Henri RICHARD, Le courtage immobilier au Québec, 2e édition, Cowansville, Éditions Yvon
Blais, 1994, p. 135-140.
Re/Max Lac St-Jean Inc. c. Côté, précitée, note 9, à la page 29 du jugement intégral. Voir Gauthier c.
Chiquette, J. E. 96-1509 (C.Q.).
Article 11. Pour une étude plus détaillée de l’obligation de vérification du courtier immobilier, voir :
Claude BARSALOU, « L’obligation de vérification du courtier immobilier », Service de la formation
permanente, Barreau du Québec, Récents développements en droit immobilier (1998), Cowansville,
Les Éditions Yvon Blais Inc., p. 113-134.
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
B.
5
L’obligation d’information et de conseil
10
Les Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents
immobiliers du Québec précisent que « [l]e membre doit fournir toutes les
explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation des services qu'il
15
s'engage à rendre ou qu'il rend » . L’obligation d’information des membres de
l’Association ne se limite pas cependant à leurs seuls clients, comme le prévoit
l’article 26 de ces mêmes règles :
11
Le membre doit conseiller et informer avec objectivité son client et
toutes les parties à une transaction visée à l'article 1 de la loi. Cette
obligation porte sur l'ensemble des faits pertinents à la transaction ainsi
qu'à l'objet de celle-ci, et doit être remplie sans exagération,
dissimulation ou fausse déclaration.
(caractères gras ajoutés)
12
La Cour du Québec a souligné l’importance de l’obligation de conseil du
courtier immobilier comme suit :
13
Le courtier est un spécialiste en immeubles. Il a l’obligation de conseiller
son client vendeur et de le représenter adéquatement dans les négociations et la transaction. Le courtier doit s’assurer des caractéristiques de
l’immeuble qu’il propose en vente, de ses qualités et de ses défauts. Il
doit faire plus qu’une courte visite de l’immeuble. Il ne peut se fier
uniquement aux informations transmises par son client puisque ce
dernier n’est pas un expert en la matière. Le courtier, qui est un expert,
est plus en mesure que son client d’établir en quels matériaux sont les
16
différentes composantes de la maison.
14
Par ailleurs, le membre de l’Association doit informer ses clients et toutes
les parties à une transaction de tout facteur dont il a connaissance et qui peut
17
affecter défavorablement les parties ou l'objet de cette transaction . Un membre
a d’ailleurs l’obligation d’entreprendre les démarches nécessaires pour découvrir
18
tout facteur défavorable, conformément aux usages et aux règles de l'art .
15
De plus, le Règlement de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec dispose que :
16
[l]e titulaire d'un certificat de courtier ou d'agent immobilier doit, avant de
faire signer un formulaire obligatoire qu'il a complété, permettre aux
parties de prendre connaissance des termes et conditions de ce
formulaire et fournir, avant la signature, toutes les explications et
19
réponses aux questions posées par celles-ci .
(caractères gras ajoutés)
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18
19
Article 23. L’article 2102 du Code civil oblige d’ailleurs le prestataire de services à fournir à son client,
avant la conclusion du contrat et « dans la mesure où les circonstances le permettent, toute
information utile relativement à la nature de la tâche qu’il s’engage à effectuer ainsi qu’aux biens et au
temps nécessaires à cette fin ».
Papineau c. Sigouin, [1994] R.D.I. 154, 158 (C.Q.).
Article 28 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
Articles 27 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
(1993) 125 G.O. 2, 9094, article 97.
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
6
17
Les articles 91 et 92 de ce règlement visent également à favoriser une
20
meilleure compréhension par les parties de leurs engagements contractuels .
18
Plus globalement, « [l]e membre doit informer de façon raisonnable son
client et toutes les parties à une transaction visée à l’article 1 de la loi des droits
21
et obligations découlant des documents qu’il leur fait signer » . Cette obligation
d’information est très importante, notamment en raison du fait que les contrats
signés par l’intermédiaire de courtiers et d’agents immobiliers portent, dans la
plupart des cas, sur le plus important investissement des parties impliquées. Par
contre, le courtier ou l’agent n’étant pas un juriste, il doit, lorsque cela s’avère
nécessaire, référer son client ou les autres parties à une transaction à un avocat
22
ou à un notaire .
II. –
QUELQUES DÉCISIONS RÉCENTES SUR L’OBLIGATION DE
VÉRIFICATION, D’INFORMATION ET DE CONSEIL DU COURTIER IMMOBILIER
A.
Absence de consentement éclairé
19
Dans une affaire de 1995, la Cour du Québec a réitéré l’importance
23
accrue dans notre droit de la présence d’un consentement éclairé :
20
De plus en plus, le droit se préoccupe de l’information qui doit être
connue du contractant pour l’aider à prendre une décision éclairée. Cette
exigence ne se trouve pas formellement exprimée dans le code. Elle
résulte soit d’obligation de renseignements prévue par les lois particulières et pour certains types de contrats seulement, soit de création
jurisprudentielle. Elle est désormais reliée à l’obligation de bonne foi (art.
1375 C.C.Q.). L’exigence supplémentaire d’un consentement réfléchi se
24
rencontre plus particulièrement dans les contrats de consommation.
21
Dans l’affaire sous étude, la Cour du Québec, après avoir relevé que la
défenderesse avait manifesté à plusieurs reprises le fait qu’elle ne désirait pas
contracter avec le courtier, a souligné que les informations fournies par ce
dernier l’ont induite en erreur et comportaient de nombreuses réticences et
25
omissions . Ces informations erronées ou incomplètes, qui portaient entre
autres sur le droit du courtier à sa rétribution dans l’éventualité où une promesse
d’achat conforme aux conditions de vente énoncées au contrat de courtage était
20
21
22
23
24
25
« 91. Un formulaire obligatoire doit être complété clairement et lisiblement par le titulaire d'un certificat
de courtier ou d'agent immobilier à la main ou à l'aide d'une machine à écrire, d'un système informatique ou d'un système d'imprimerie.
Le titulaire ne doit notamment pas utiliser d'abréviation incompréhensible aux parties ni laisser
d'ambiguïté quant au fait que certains termes et conditions d'un formulaire s'appliquent ou non.
92. Lorsque le titulaire d'un certificat de courtier ou d'agent immobilier complète un formulaire obligatoire à la main, il doit le faire à l'encre et utiliser une écriture soignée afin d'en faciliter la lecture. »
Article 30 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
L’article 25 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec
précise que le membre de l’Association doit recommander à son client ou à l'une des parties à une
transaction d'avoir recours à un expert reconnu par la loi lorsque la protection de leurs intérêts l'exige.
3090-6499 Québec Inc. c. Hartt, [1995] R.D.I. 289 (C.Q.).
Id., 292.
Id., 293. Voir Re/Max de l’Estuaire Inc. c. Lauzier, REJB 98-8146 (C.Q.).
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présentée à la défenderesse, ont empêché cette dernière de donner un consen26
27
tement éclairé . Le tribunal a prononcé la nullité du contrat de courtage .
B.
Foyer d’hébergement et conformité à la réglementation
22
Dans l’affaire Côté c. Goulet28, un courtier immobilier qui se disait spécialisé dans les transactions relatives aux foyers d’hébergement poursuit des promettant acheteurs qui n’ont pas procédé à la signature de l’acte de vente à la
suite de l’acceptation de leur promesse d’achat sur un immeuble pour lequel le
demandeur agissait à titre d’intermédiaire. En novembre 1994, l’un des défendeurs s’engage à faire toute offre d’achat par l’intermédiaire du demandeur pour
l’achat de certains immeubles, y compris l’immeuble ayant fait l’objet ultérieurement de la promesse d’achat. Le courtier a alors émis au défendeur la fiche de
description détaillée portant sur cet immeuble. Cette fiche indiquait qu’il s’agissait
d’un foyer d’hébergement affilié au ministère des Affaires sociales qui détenait un
permis pour loger 17 personnes. Par la suite, le demandeur a remis au défendeur un autre document, lequel indiquait notamment que le permis actuel était
pour 12 personnes et avait été accepté pour 17, l’approbation finale étant à venir.
Ce document indiquait également que l’immeuble serait vendu sous contrôle de
justice.
23
Les défendeurs ont présenté en juin 1995 une première promesse
d’achat par l’intermédiaire du demandeur pour une somme de 555 000 $,
laquelle était notamment conditionnelle à l’obtention d’un financement à 85 % et
à la conformité de l’immeuble au zonage municipal et gouvernemental. Cette
première offre n’a pas eu de suite en raison de l’absence d’un financement. Dès
juillet 1995, une deuxième promesse d’achat est présentée par les défendeurs,
toujours par l’intermédiaire du demandeur, au montant de 485 000 $. Un financement de 75 % du prix de vente est prévu. Peu après, une nouvelle promesse
d’achat est préparée pour se conformer aux dispositions relatives à la vente en
justice. Il est à noter que l’offre ne prévoyait pas qu’elle était conditionnelle à
l’obtention d’un financement, bien que toutes les parties étaient au courant que
son obtention était essentielle pour la conclusion de la transaction. Cette
promesse d’achat a été acceptée peu après mais l’acte de vente n’a jamais été
signé en raison de l’absence de financement.
24
Le prêteur hypothécaire contacté par le défendeur a refusé la demande
de financement en raison notamment du fait que la résidence ne détenait aucun
permis et que les règlements de zonage de la ville interdisaient l’exploitation de
cette entreprise. Par la suite, les défendeurs ont présenté une autre offre d’achat
qui n’a pas eu de suite. La résidence a finalement été vendue à un tiers par
l’entremise du demandeur qui a reçu une rétribution de plus de 9 000 $. Le
courtier réclame le paiement d’une rétribution d’un montant de 21 000 $ à
l’acheteur en raison de son refus de signer l’acte de vente.
25
Dans un premier temps, la Cour du Québec souligne qu’un acheteur qui
n’a pas donné suite à sa promesse en raison de l’absence de financement, alors
même que la promesse ne contenait pas de condition à ce sujet, pouvait ne pas
26
27
28
Id.
Id. Voir Groupe Sutton Actif Inc. c. Kowalczyk, REJB 2000-17468 (C.Q.).
REJB 98-09756 (C.Q.).
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
8
être en faute. Le tribunal a référé à deux décisions à cet effet. Après avoir
examiné les faits, la Cour en est venue à la conclusion que les défendeurs
n’avaient commis aucune faute envers le courtier. En effet, les défendeurs
étaient de bonne foi et toutes les parties à la transaction savaient que l’obtention
d’un financement était essentielle à la conclusion de la vente. Le tribunal a rejeté
l’action du courtier :
26
Les défendeurs ont entrepris des démarches sérieuses pour obtenir le
prêt mais celles-ci n’ont pas eu de résultat compte tenu des représentations erronées faites par le demandeur sur la résidence. En effet,
l’institution prêteuse a refusé de financer le projet puisque l’immeuble
n’était pas au zonage municipal à cette époque et vu l’absence d’un
permis d’exploitation de la résidence pour personnes âgées. Dans ces
29
circonstances, la responsabilité des défendeurs peut (sic) être retenue.
C.
Retrait de conditions fondamentales non réalisées
27
Dans Re/Max Laurentides inc. c. Robitaille30, un courtier poursuit un
acheteur en raison du fait qu’il ne s’est pas présenté à la signature de l’acte de
vente à la suite de la conclusion d’une promesse d’achat portant sur un
immeuble présenté par l’intermédiaire du demandeur.
28
En septembre 1995, le demandeur se voit confier la vente d’une terre
d’environ 12 âcres pour la somme de 169 000 $, la vente incluant tout l’équipement de l’érablière ainsi que des instruments aratoires. Peu après, le défendeur
présente une promesse d’achat, laquelle est conditionnelle notamment à ce qu’il
puisse exploiter une entreprise d’horticulture et qu’une analyse d’eau établisse
que l’eau est cliniquement satisfaisante pour les besoins d’une telle exploitation.
Ces conditions, ainsi que certaines autres précisées à la promesse d’achat,
doivent être satisfaites, à défaut de quoi la promesse d’achat deviendra nulle et
non avenue. Dès janvier 1996, le défendeur signe un document de modification
préparé par l’agent du demandeur qui prévoit que les conditions prévues à la
promesse d’achat sont réalisées. Or, dans les faits, il n’en est rien. Selon l’agent
de la demanderesse, c’est de son plein gré que le défendeur a levé les
conditions.
29
Comme le défendeur refuse de signer l’acte de vente, le courtier poursuit
en paiement de sa rétribution, laquelle se chiffre à plus de 11 000 $. De son côté,
le défendeur refuse de payer la rétribution et considère avoir été berné par la
demanderesse. Il a ajouté que les motifs pour lesquels il désirait acheter cet
immeuble avaient clairement été dénoncés à l’agent de la demanderesse. Les
faits ont révélé par ailleurs que c’est le défendeur lui-même qui a entrepris des
démarches auprès de la municipalité pour obtenir une modification au règlement
de zonage pour permettre l’utilisation d’une entreprise d’horticulture, démarches
qu’il a entreprises de façon immédiate. Or, ce n’est que deux mois après avoir
renoncé aux conditions de la promesse d’achat qu’il a appris que la modification
au règlement de zonage avait été refusée par la municipalité.
29
30
Id., 3.
REJB 99-12947 (C.Q.).
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
9
30
À la lumière de l’ensemble des faits, le tribunal a conclu que le défendeur
désirait réellement acquérir la terre qui était l’objet de la promesse d’achat
présentée, mais pas à n’importe quelle condition :
31
Ces conditions sont toutes deux clairement indiquées, spécifiées et
dénoncées à l’agent immobilier. Madame Faliel sait très bien, par les
conditions mentionnées à l’acte que cet achat est fait dans le but d’y
ériger des serres pour faire pousser des fleurs et en faire un commerce.
La qualité de l’eau est importante pour ce commerce et une modification
31
au règlement de zonage s’impose.
32
Le tribunal rappelle dans un premier temps que le devoir d’un agent
immobilier est d’agir avec habilité, diligence et prudence. Il doit conseiller son
client et effectuer les vérifications qui s’imposent. Ses devoirs et obligations sont
édictés aux Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents
immobiliers du Québec. Le tribunal cite notamment les dispositions des articles
29 et 30 qui prévoient que les droits et les obligations des clients doivent être
consignés par écrit par l’agent et refléter adéquatement leur volonté ainsi que
l’obligation d’informer de façon raisonnable le client et toutes les parties à une
transaction des droits et obligations qui découlent des documents que l’agent
32
leur fait signer . Après avoir souligné que le comportement de l’agent de la
demanderesse est fautif en l’espèce et que par conséquent, son action doit être
rejetée, le tribunal s’exprime comme suit :
33
Le rôle de l’agent d’immeuble n’est pas que de vendre. Pour vendre,
l’agent doit respecter les obligations que lui impose son client et les
conditions que ce dernier mentionne pour concrétiser son acte d’achat
ou de vente.
34
Comme l’acte ou la promesse d’achat mentionne que si certaines des
conditions prévues ne se réalisent pas la promesse devient « nulle et
non avenue », c’est dire l’importance que l’acheteur leur accorde. En ne
les respectant pas et en faisant signer par son client qu’elles sont
réalisées, sachant que cette affirmation est inexacte, l’agent commet une
33
faute que le tribunal n’a aucune hésitation à qualifier de lourde.
D.
35
Accès non conforme dévoilé
Dans Lapierre c. Woodworth34, l’acheteur d’un immeuble a poursuivi le
vendeur, le notaire instrumentant ainsi que les agents immobiliers qui agissaient
pour le compte du vendeur. La demanderesse avait acquis une propriété dont le
garage était situé à l’arrière. Le propriétaire vendeur y accédait depuis plusieurs
années en empiétant sur le terrain du voisin, en raison du fait que l’espace entre
le mur de l’immeuble et la ligne de division était insuffisant. À la suite de l’achat
de l’immeuble, l’acheteur s’est retrouvé dans l’impossibilité d’utiliser son garage
qui a été converti en une pièce habitable. La demanderesse réclame donc à
l’ensemble des défendeurs des dommages et intérêts pour la diminution de la
valeur de la propriété, pour les coûts d’aménagement d’un stationnement devant
l’immeuble ainsi qu’une certaine somme à titre de dommages moraux.
31
32
33
34
Id., 3.
Id., 4. Voir 9019-8656 Québec Inc. c. Boivin, REJB 2000-18175 (C.Q.), à la page 5.
Id., 4.
J.E. 2000-706 (C.S.).
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
10
36
La Cour supérieure a maintenu l’action de la demanderesse à l’encontre
du vendeur ainsi que du notaire instrumentant. Entre le moment de la conclusion
de la promesse d’achat et la signature de l’acte de vente, le vendeur s’est
engagé à entreprendre des démarches pour l’obtention d’une servitude auprès
du propriétaire du lot voisin. Ces démarches se sont avérées infructueuses et,
par la suite, le propriétaire du lot voisin, qui tolérait l’empiétement depuis plusieurs années, a vendu son immeuble à des personnes qui prévoyaient faire des
réaménagements rendant impossible l’empiétement comme par le passé. Cette
information n’a pas été transmise à la demanderesse par le vendeur. Dans les
faits, la demanderesse a été dans l’impossibilité d’accéder au garage à l’arrière
de son immeuble et a, par conséquent, procédé aux modifications nécessaires
pour le rendre habitable.
37
En ce qui concerne plus particulièrement les agents œuvrant pour le
vendeur, la demanderesse leur reproche d’avoir manqué à leur devoir d’information. Dans un premier temps, le tribunal note que seule la mention « interior
garage with storage cabinets » apparaît à la fiche de description détaillée
préparée par les agents immobiliers du vendeur et ne précise pas l’existence
35
d’un problème d’accès à celui-ci . Cependant, poursuit le tribunal, les agents
n’ont pas tenté de camoufler le problème et, au moment de la visite libre, ils ont
clairement indiqué au fils de la demanderesse le problème d’accès, lequel a été
communiqué à la demanderesse. Au moment de la conclusion de la promesse
d’achat en avril 1994, la demanderesse a admis qu’elle était alors au courant de
l’existence d’un problème d’accès au garage et qu’elle savait également que la
solution était l’obtention d’une servitude.
38
Comme le soulignait le tribunal, la promesse d’achat de la demanderesse
n’était pas conditionnelle à l’obtention d’une telle servitude. D’autre part, le
tribunal a noté que les parties à la promesse d’achat ont discuté directement
entre elles à partir de l’acceptation de la promesse. L’obligation de divulguer
l’état des pourparlers avec le propriétaire du lot adjacent quant à la servitude
incombait, dans les circonstances, au propriétaire vendeur. C’est pourquoi le
tribunal n’a pas reproché aux agents de ne pas avoir communiqué eux-mêmes le
36
refus du propriétaire du lot voisin de consentir à une servitude . Leur responsabilité n’a donc pas été retenue.
E.
39
Fondations de bois non divulguées
Dans l’affaire Royer c. Bélanger37, les acheteurs d’un immeuble dont les
fondations sont de bois érigées et construites de façon non conforme,
demandent la résolution de la vente de l’immeuble. Des vices majeurs se sont
manifestés quelques semaines après la transaction. La preuve a révélé que le
défendeur principal, soit le vendeur, ignorait cet état de fait. Il avait lui-même
acheté cet immeuble d’une société en commandite dont l’un des commandités
agissait pour le compte du courtier immobilier qui a procédé à la vente. Malgré la
connaissance qu’en avaient ces agents, le courtier immobilier n’a pas dévoilé au
demandeur le fait que les fondations étaient en bois.
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36
37
Id., 13.
Id., 26.
REJB 98-9628 (C.S.).
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
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11
Après avoir rappelé que le courtier immobilier est soumis aux obligations
contractuelles de loyauté, d’information et de bonne foi, la Cour supérieure a
souligné que le courtier doit également respecter les dispositions de la Loi sur le
courtage immobilier, notamment les règles de déontologies adoptées en vertu de
38
cette loi . En l’espèce, poursuit le tribunal, l’un des agents impliqués, actionnaire
et administrateur du courtier immobilier visé « a outrepassé de façon cavalière
toutes les règles d’éthique, de bonne foi et d’honnêteté. Il s’est fait complice,
pour ses propres fins, d’un manque de loyauté et de dignité face à sa
39
profession » . Le courtier a été condamné à payer la somme dont le vendeur a
40
été tenu responsable face aux acheteurs .
F.
Signature d’un contrat de courtage et obligation de conseil
41
Dans Immo-Nord inc. c. Miller41, la demanderesse réclame du défendeur
une somme de plus de 6 000 $ à titre de rétribution. À l’été 1997, un agent de la
demanderesse se voit confié la vente d’une pourvoirie, le prix demandé se
chiffrant à 300 000 $. Le défendeur se déclare intéressé après avoir effectué une
visite des lieux. Il indiqua cependant à l’agent de la demanderesse qu’il devait au
préalable vendre sa maison, à défaut de quoi il ne pourrait compléter l’achat.
Deux jours après cette visite, un autre agent de la demanderesse entre en
contact avec le défendeur et conclut avec ce dernier un contrat de courtage pour
la vente de sa maison. Trois jours après la conclusion de ce contrat de courtage,
le même agent de la demanderesse suggéra au défendeur de formuler une
promesse d’achat pour la pourvoirie pour un montant de 260 000 $, la maison du
défendeur évaluée à 89 000 $ devant être utilisée à titre de paiement partiel. Il
est à noter que cette promesse d’achat ne prévoyait pas qu’elle était conditionnelle à l’obtention d’un financement pour le solde de 171 000 $. Le défendeur
ayant été dans l’impossibilité de se financer, les propriétaires de la pourvoirie ont
accepté d’annuler la transaction, la demanderesse réclamant néanmoins sa
rétribution.
42
La Cour, après avoir mentionné son étonnement devant le fait qu’aucun
des deux agents de la demanderesse n’ait suggéré d’entrée de jeu au défendeur
d’offrir sa maison en échange, s’exprime comme suit :
43
Si la suggestion d’offrir la maison en échange avait été faite plus
rapidement, le défendeur aurait évité le paiement d’une commission mais
la demanderesse aurait été privée d’une deuxième commission sur la
même transaction.
44
La Cour a l’intime conviction que si la suggestion d’offrir la maison en
échange a tardé à venir, c’est que la demanderesse voulait d’abord
s’assurer le paiement d’une deuxième commission avant de proposer
42
cette solution.
45
La Cour a souligné qu’en agissant de cette façon, la demanderesse a
préféré son intérêt à celui du défendeur. Or, poursuit le tribunal, à la lumière de
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40
41
42
Id., 2.
Id., 2.
Id., 3.
C.Q. Terrebonne, n° 715-22-000035-987, 30 septembre 1999, j. Grammond.
Id., 4.
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
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l’article 26 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents
immobiliers du Québec, le courtier et ses agents avaient à l’égard du défendeur
une obligation d’information et de conseil à propos de la transaction projetée sur
43
la pourvoirie . Cette obligation de conseil obligeait le courtier à conseiller au
défendeur d’offrir sa maison en échange, même si cette option le désavantageait, les conseils devant être donnés en toute objectivité suivant les dispositions
44
de l’article 26 de ce règlement . Dans la mesure où les deux agents impliqués
de la demanderesse ont manqué à cette obligation de conseil et que ce manquement a fait en sorte que le défendeur a signé le contrat de courtage pour la vente
de sa maison, contrat qui constitue la base de la réclamation, le tribunal a rejeté
45
l’action du courtier demandeur sur cette seule base . Après avoir souligné le
manque d’expérience du défendeur dans le domaine immobilier, le tribunal
rappelle l’importance de l’obligation de conseil du courtier immobilier :
46
Inexpérimenté, le défendeur ne savait pas qu’il pouvait poser comme
condition à sa promesse d’achat l’obtention de financement. M. Perrault
le savait très bien mais il n’a pas jugé opportun d’en parler au défendeur
et d’au moins lui faire part de cette possibilité qui aurait évité au
défendeur de se retrouver dans une situation périlleuse.
47
La Cour est d’avis qu’en vertu de son obligation de conseil, M. Perreault
avait l’obligation d’au moins mentionner cette possibilité et de lui
mentionner les dangers qu’il courrait au cas où ses tentatives d’obtenir
46
du financement échoueraient.
G.
Vente d’une ferme laitière et transférabilité des quotas de lait
48
Dans l’affaire Majeau c. Chamberland47, les vendeurs d’une ferme laitière
poursuivent le notaire instrumentant ainsi que leur courtier, alléguant que ces
derniers les auraient mal conseillés et informés en ce qui concerne la transférabilité du quota de lait de leur entreprise au moment de sa vente. Plus
spécifiquement, les informations inexactes portaient sur la transférabilité à un
nouvel acquéreur d’un quota de relève. Le notaire impliqué dans le dossier se
présente au début de l’année 1996 chez le demandeur en compagnie d’un agent
immobilier au service de la codéfenderesse. Peu de temps après, l’agent du
courtier se présente à la ferme avec un acheteur potentiel. Une promesse
d’achat est préparée avant le départ de l’acheteur pour l’Europe. Cette promesse
d’achat est finalement signée par l’acheteur qui la transmet par la poste à l’agent
du courtier. Cette promesse est au montant de 650 000 $ et une rétribution de
57 500 $ est établie pour le courtier.
49
Le 16 février 1996, les demandeurs signent le contrat de courtage et
l’acceptation de l’offre d’achat. Peu après la signature de l’acte de vente en
septembre 1996, la Fédération des producteurs de lait avise par écrit l’entreprise
propriétaire de la ferme, dont les actions sont désormais détenues par les
nouveaux acquéreurs, qu’une récente vérification a permis d’établir que cette
société ne rencontre plus les critères d’éligibilité au programme de la relève en
43
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45
46
47
Id., 4.
Id., 5.
Id., 5.
Id., 7.
REJB 99-11873 (C.Q.).
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
13
production laitière et que, par conséquent, le quota suivant ce programme est
retiré. En règlement d’une action intentée à leur encontre par les acquéreurs, les
demandeurs ont versé une somme de 13 000 $.
50
Après avoir relevé que l’agent immobilier de la défenderesse se présente
comme un expert spécialisé dans la vente de fermes, le tribunal mentionne que
les demandeurs se sont sentis faussement en sécurité et qu’ils ont été mal
48
renseignés par leur agent à qui ils ont versé une rétribution de 57 500 $ :
51
En tant qu’expert dans la vente de fermes laitières, monsieur Violet
devait savoir ce qu’était un quota de relève et devait savoir qu’un tel
quota n’était pas transférable. S’il l’ignorait, ce dont la soussignée doute
sérieusement, il aurait dû prendre des informations lorsqu’il en a été
question lors de l’acceptation de l’offre d’achat plutôt que de fournir un
renseignement erroné, prétention qu’il a d’ailleurs maintenue dans sa
défense.
52
Le tribunal en vient à la conclusion que le représentant de la défenderesse a mal renseigné, mal conseillé les demandeurs et qu’il a commis
49
une faute pour laquelle il doit être tenu responsable.
53
Le tribunal a donc condamné la défenderesse à payer au demandeur la
somme de 13 000 $.
H.
Responsabilité quant à la solvabilité de l’acheteur
54
Dans une autre affaire récente, des acheteurs présentés à un vendeur
par un courtier ont émis plusieurs chèques qui ont été retournés par l’institution
50
financière en raison de provisions insuffisantes . Le tribunal a rappelé dans un
premier temps qu’il existe un principe bien établi au niveau de la jurisprudence à
l’effet que l’agent immobilier n’est pas garant de la solvabilité d’un acheteur à
moins d’indices très importants qui peuvent laisser croire à son insolvabilité.
L’agent immobilier a néanmoins une obligation de fournir à son client un
51
acheteur sérieux et honnête .
55
Après avoir relevé l’existence de différentes dispositions prévues aux
Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du
Québec qui portent sur l’obligation de vérification, de conseil et d’information
ainsi que sur celle de découvrir les facteurs pouvant affecter défavorablement la
transaction, le tribunal a reproché au courtier et à ses agents de ne pas avoir
vérifié les renseignements et certains documents fournis au client vendeur qui
52
portaient notamment sur la capacité financière des acheteurs . Bref, souligne le
tribunal :
56
Le courtier ou l’agent immobilier engage sa responsabilité s’il transmet
aux parties lors d’une transaction immobilière des renseignements qui
48
49
50
51
52
Id., 4.
Id., 4.
Gauthier c. Valois, 2000BE-359 (C.S.).
Id., 7.
Id., 7 et 8.
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
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s’avèrent faux et qui n’ont fait l’objet d’aucune vérification ou d’une
53
vérification superficielle .
57
La défenderesse et ses deux préposés ont présenté aux demandeurs
des acheteurs qui en plus d’être complètement insolvables n’étaient pas
d’une grande honnêteté, c’est le moins que l’on puisse dire. Ils se sont
contentés d’une vérification très superficielle de la qualité de ces acheteurs et en cela, ils sont responsables des dommages causés à leurs
clients, les demandeurs, et en plus, n’ont pas droit à leurs honoraires de
54
courtier.
I.
Fosse septique de nature artisanale
58
Dans Caron c. Les Immeubles Claude Dupont55, les vendeurs d’un
immeuble poursuivent le courtier qui a agi comme intermédiaire pour la vente.
Cet immeuble était alimenté en eau par l’aqueduc municipal et les eaux usées se
déversaient dans une fosse septique privée. Lors de la signature du contrat de
courtage avec l’agent du défendeur, les demandeurs ont mentionné qu’ils
avaient installé eux-mêmes le système de drainage et qu’il était de nature
artisanale.
59
Après quelques années de mise en marché, l’immeuble est finalement
vendu. À la suite de différents problèmes d’infiltration d’eau, les acheteurs de
l’immeuble ont poursuivi les vendeurs en réduction du prix de vente pour un
montant de 35 000 $. Les rapports d’experts ayant démontré que l’infiltration
d’eau résultait d’un problème avec le système de drainage installé par les
56
vendeurs, ces derniers ont réglé le litige pour une somme de 15 000 $ .
60
Selon les demandeurs, le courtier savait, par l’intermédiaire de son agent,
que le système de drainage avait été construit par les vendeurs et il aurait dû
procéder à certaines vérifications concernant la valeur du système avant de
vendre l’immeuble et même qu’il aurait dû faire appel à des experts afin de faire
procéder à ces vérifications. L’agent avait donc, selon eux, l’obligation de vérifier
l’efficacité du système de drainage. Enfin, ils reprochent à l’agent de ne pas avoir
révélé à l’acheteur le fait que le système était de nature artisanale.
61
Après avoir examiné les dispositions législatives applicables, soit l’article
41 de l’ancienne Loi sur le courtage immobilier, le tribunal souligne que le
courtier n’a pas l’obligation de retenir les services d’un ingénieur à moins que le
client vendeur n’en fasse expressément la demande et en assume les frais. La
Cour ajoute que ce type de dépenses ne fait pas partie de celles qu’un courtier
57
engage, à la lumière des usages en matière de vente d’immeubles . Quant à
l’obligation de vérifier l’efficacité du système de drainage, le tribunal souligne ce
qui suit :
62
Il est normal que le mandataire se fie à la déclaration de son mandat. Le
mandataire n’avait pas à douter de la parole de son mandat et n’avait
53
54
55
56
57
Id., 9.
Id., 10.
REJB 2000-17057 (C.Q.).
Id., 3.
Id., 5.
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
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pas à faire un trou près de la maison pour vérifier l’état du drain
58
ceinturant la base de la maison.
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En ce qui concerne le fait que le courtier n’ait pas révélé à l’acheteur que
le système de drainage était de construction artisanale, la Cour du Québec
conclut à l’effet que l’on ne peut reprocher au courtier de ne pas avoir révélé
cette information, dans la mesure où c’est le vendeur qui avait en quelque sorte
le dernier mot, le courtier mandataire n’agissant qu’à titre d’intermédiaire entre le
59
proposant vendeur et le proposant acquéreur .
CONCLUSION
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L’examen des quelques décisions rapportées ci-dessus permet de constater que les tribunaux n’hésitent pas à recourir aux dispositions pertinentes de la
Loi sur le courtage immobilier et de ses règlements, en particulier les Règles de
déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec pour
déterminer si un courtier ou un agent immobilier a agi conformément aux usages
et règles de son art. Cette étude par les tribunaux a lieu non seulement dans le
cadre de recours intentés à l’égard des courtiers mais également à l’occasion de
réclamations formulées par des courtiers à l’encontre notamment de promettants
acquéreurs qui n’ont pas donné suite à leur engagement prévu à un avantcontrat d’achat.
65
L’obligation de vérification, d’information et de conseil du courtier et de
l’agent immobiliers est, en pratique, probablement la plus importante pour la
sauvegarde des droits des parties. D’une part, le vendeur fait appel à leurs
services pour offrir en vente son immeuble avec l’objectif que la vente de celui-ci
se déroule sans problème. Cela comprend le fait de ne pas se voir réclamer
ultérieurement des dommages ou même l’annulation de la vente en raison
d’allégations par l’acheteur que des renseignements erronés lui ont été transmis.
D’autre part, la personne qui désire acheter un immeuble veut obtenir toutes les
informations pertinentes pour la guider dans ses choix et communiquera bien
souvent avec un courtier ou un agent pour les obtenir. Elle aura bien souvent
besoin de conseils de la part de l’intermédiaire impliqué.
66
De l’ensemble des décisions rendues depuis quelques années par les
tribunaux, force est de constater que le niveau de compétence exigé de la part
60
des courtiers et agents immobiliers est désormais plus élevé .
58
59
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Id., 5. Il est clair cependant à notre avis qu’un courtier ne peut s’en remettre aux déclarations de son
client vendeur : Grenier c. Bellotti-Scott, J.E. 99-63 (C.Q.); C. BARSALOU, op. cit., note 14, pp. 125126.
Id., 5. En vertu de l’actuelle Loi sur le courtage immobilier, le courtier a clairement l’obligation de
divulguer à l’acheteur un fait aussi important, en vertu de l’article 28 des Règles de déontologie de
l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, soit de l’informer de tout facteur dont il a
connaissance qui peut affecter défavorablement l’objet de la transaction.
Voir les propos du professeur Fabien dans la préface de l’ouvrage de Me Henri Richard : op. cit., note
12, p. XIII. Ce dernier souligne, à la page 72 de son ouvrage, que « [l]es derniers changements
législatifs et réglementaires se rapportant à ce domaine démontrent bien à quel point le législateur
entend encadrer sévèrement cette industrie et les personnes qui y œuvrent ».
Jurisprudence récente sur l’obligation de vérification, d’information et de…
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