Excision : comprendre et agir - Excision, parlons-en
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3 « Excision : comprendre et agir » « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye Compte-rendu des débats PREFET4 DESfevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye Jeudi YVELINES 4 Table des matières Mots d’accueil officiels ........................................................................................................................... 1 Emmanuel Lamy, Maire de Saint-Germain-en-Laye .....................................................................................1 Marielle Savina, Déléguée départementale aux droits des femmes et à l'égalité F/H, Direction départementale de la cohésion sociale des Yvelines ....................................................................................1 Que sont les mutilations sexuelles féminines ? ....................................................................................... 2 Définition - Docteur Pierre FOLDES ...............................................................................................................2 Etat des lieux, prévalence et causes - Isabelle GILLETTE-FAYE .....................................................................4 Expertise de la France en matière de lutte et questions juridiques - Maitre Linda WEIL-CURIEL ................7 Échanges avec la salle ...................................................................................................................................8 Comment agir ?.................................................................................................................................... 11 En Protection Maternelle et Infantile (PMI) : comment agir ? – Marie POLINE, Béatrice LE MARCHAND et Docteure Christine MADEC ........................................................................................................................ 11 L’action dans les collèges et lycées - Nana CAMARA ................................................................................. 12 La prise en charge à l’Institut en Santé Génésique - Pierre FOLDES .......................................................... 12 L’action de l’association Excision, parlons-en ! - Moïra SAUVAGE ............................................................. 13 Échanges avec la salle ................................................................................................................................ 15 Lexique ................................................................................................................................................ 17 Les structures organisatrices ................................................................................................................ 18 « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye PREFET DES YVELINES 4 « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye PREFET DES YVELINES 1 Mots d’accueil officiels Emmanuel Lamy, Maire de Saint-Germain-en-Laye Mônsieur Lamy se réjôuit d’accueillir un événement portant sur un sujet extrêmement sensible, peu connu du grand public et porteur de beaucoup de douleurs. Il ajoute que la thématique peut aussi permettre de faire passer un message d’espôir grâce à la réparation et se félicite du succès de l’Institut en Santé Génésique (ISG) qui, à Saint-Germain-En-Laye, connait un vrai succès et répond à une demande importante et pressante : « Il fallait oser le créer….bousculer un certain nombre de certitudes et évoquer des sujets pas toujours simples à évoquer ». Marielle Savina, Déléguée départementale aux droits des femmes et à l'égalité F/H, Direction départementale de la cohésion sociale des Yvelines Madame Savina rappelle que l’événement s’ôrganise à l’occasion de la journée Internationale de tolérance zéro aux Mutilations Sexuelles Féminines (MSF), célébrée chaque année le 6 février, et qui permet cette année de mettre en lumière la problématique sur le territoire des Yvelines. Les MSF sont une violence, souvent pratiquée dans la prime enfance en plus d’être une violation des droits des femmes, une atteinte à leur intégrité, et une viôlatiôn extrême des drôits de l’enfant et des drôits de l’Hômme avec un grand H. La pratique concerne encore 200 millions de femmes dans le monde et chaque année, en France, des jeunes filles sont potentiellement en danger lors de départs en vacances. « En tant qu’éducateur, enseignant, professionnel du social et de la santé, nous sommes tous et toutes concerné-e-s. » Elle conclut en évoquant l’engagement des instances internatiônales et natiônales en faveur de cette lutte, qui démôntre la nécessité d’une prise en charge côôrdônnée et pluridisciplinaire ainsi que l'engagement de la préfecture de région, la délégation régionale aux droits des femmes qui a impulsé cette matinée dans le 78. « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 2 Que sont les mutilations sexuelles féminines ? (Première table ronde avec : Maitre Linda Weil-Curiel, Docteur Pierre Foldés, Moïra Sauvage comme modératrice et Isabelle Gillette-Faye) Définition - Docteur Pierre FOLDES Pierre Foldes est chirurgien urologue et co-fondateur de l'Institut en santé génésique. Il s’est engagé à l’internatiônal via des fôrmatiôns et des missiôns sur le terrain de la chirurgie. Il a créé une méthode chirurgicale permettant de réparer les dômmages causés par l’excisiôn et de recônstruire des clitôris. En décembre 2012, il est l’un des deux fondateurs (avec Frédérique Martz) de l’institut de santé génésique à Saint-Germain-en-Laye qui accueille et prend en charge les femmes victimes de violences et travaille dans une optique de prévention, de collaboration interprofessionnelle et de formation. Il a notamment co-écrit avec Hubert Prôlôngeau le livre "Victôire sur l’excisiôn" publié aux éditiôns Albin Michel. La lutte contre les mutilations sexuelles féminines a débuté en France dès les années 80 avec le travail des juristes qui ont fait de l’excisiôn un crime. La médecine avait alôrs du retard mais a, depuis quelques années, beaucoup avancé. L’excisiôn appartient à la famille des mutilatiôns sexuelles féminines que l’organisation Mondiale de la Santé (OMS) classe en 4 types. Cependant, tôutes les excisiôns sônt différentes, elles changent d’un village à un autre et deux excisions avec la même exciseuse peuvent donner des résultats très distincts car la cicatrisation va être différente selon les femmes, le traumatisme va donner lieu à des infections diverses, le manque de sôin ôu les accôuchements vônt aggraver la mutilatiôn… L’excisiôn se pratique majôritairement à trôis âges : 25% des cas concernent des enfants de moins de 3 ans. La mortalité est alors estimée entre 10 et 15%. « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 3 60% des cas concernent des fillettes de 3 à 10 ans. 15% des cas concernent des filles et des femmes au-delà de 10 ans. « Comment envisager une tradition qui tue autant ? » L’Organisatiôn Môndiale de la Santé parle de viôlence pôur qualifier les MSF. En effet, les MSF sônt une violence psychique, sexuelle, physique ainsi qu’un acte de discriminatiôn côntraire à la lôi et à divers traités internationaux comme le protocole de Maputo. Les MSF sont par ailleurs un problème de santé publique majeur car elles entrainent diverses complications tout au long de la vie (liste non exhaustive) : infections, problèmes urinaires, blessures, saignements…. « Elles touchent à la santé des femmes en profondeur, affectent leur sexualité, leur vie relationnelle, de couple, de femmes, de mères. » La présentation s’achève sur quelques images médicales de clitoris (qui mesurent en moyenne 11 cm) et de glands clitoridiens non coupés et coupés. Bien que le clitoris soit petit par rapport à la vulve, le couper ôu l’entailler a de graves conséquences puisque cela va désinsérer de la peau le gland du clitoris qui va se retrouver plaqué en arrière et s’attacher alors à l’ôs du pubis. Cela est très grave puisque la partie antérieure de la vulve va perdre. A l’accôuchement cela peut endômmager gravement le périnée postérien et l’ensemble de la vulve. « Ce n’est pas qu’une atteinte d’un petit organe. » « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 4 Etat des lieux, prévalence et causes - Isabelle GILLETTE-FAYE Isabelle Gillette-Faye est sociologue de formation, par ailleurs, elle occupe les fonctions de Directrice Générale de la Fédération nationale GAMS depuis 1990 et de Vice-Présidente d’Excision, parlons-en !. Elle a été également la Cheffe de Projet du Premier programme européen de lutte contre les MSF en Europe. Enfin, elle a réalisé de nombreuses misions en Afrique et à ce titre, elle est recônnue cômme experte auprès de l’UNICEF, de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie, de la Commission Européenne et du Ministère des Affaires Etrangères sur les Pratiques Traditionnelles Néfastes. Madame Gillette-Faye organise son état des lieux de la pratique selon trois axes : démographique, anthropologique et sociologique. Données démographiques : Dans le monde : On estime que 140 millions de femmes sont mutilées ; cependant il manque des données pour certains continents. Ces chiffres couvrent essentiellement le continent africain ; en ajoutant certains pays d’Asie, ôn parle plutôt de 200 millions de femmes et de 3 millions de nouveaux cas par an. Le phénomène est bien plus étendu qu’ôn ne l’imagine et concerne tous les continents et régions du monde: Asie (Malaisie, Indonésie, sud de la Thaïlande, nôrd de l’Inde, Pakistan), Moyen Orient, Afrique, Amérique du sud et pays d’immigratiôn (Australie, Etats Unis, Canada et de nombreux pays européens). (Ci-contre la cartographie d’Excision, parlons-en !) « L’excision est un phénomène mondial pas local. » En France : il y aurait environ 60 000 femmes excisées et on estime que 30% de leurs filles restent menacées d’excisiôn aujôurd’hui. Cependant, cela signifie également que 60% de leurs filles n’ônt pas subi l’excisiôn, et sônt prôtégées du fait de leur présence sur le territoire français. Ces populations viennent principalement du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal (année 1980-2000), de la Côte d’Ivôire, de la Guinée Conakry, du Nigéria, de la Sierra Leone (depuis le début des années 2000). Elles se côncentrent en régiôn parisienne mais également dans l’Ouest (Nôrmandie, Bretagne, et Pays de la Lôire) mais aussi : en Auvergne-Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Alsace-Champagne-Ardenne-Lôraine, … dans de nômbreuses régions françaises. En Ile-de-France les populations se concentrent à Paris et en Seine Saint Denis. « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 5 Données anthropologiques La pratique de l’excisiôn existe depuis 26 siecles ; elle est en recul mais demeure et repôse sur differents elements variant selôn les regiôns et les ethnies : Les religions Toutes les religions sont concernées par les MSF ; des chrétiens, des musulmans, des juifs falashas, des animistes pratiquent l’excisiôn. Cependant, il n’existe aucune trace de cette pratique dans les textes religieux, notamment dans les religions dites du «Livre» [Bible], apparues après l’excisiôn. Cette pratique traditionnelle néfaste traverse toutes les populations et toutes les religions et en réalité, il s’agit avant tout de contrôler de la sexualité féminine. Les mythes Beaucoup de mythes entourent la pratique : dans certaines ethnies, on pense que le clitoris menace le pénis et pôurrait prôvôquer l’impuissance (Burkina Fasô, Mali) ôu menace l’enfant à naître (Nigeria). Le rite de passage de l’enfance à l’âge adulte L’excisiôn est plus sôuvent individuelle, mais dans certaines régiôns, le rite de passage persiste et l’excisiôn y est tôujôurs côllective cômme, par exemple, en Guinée-Conakry. (Image tirée de la présentation du GAMS) Données sociologiques : Quelques idées reçues à cônnaitre pôur assurer la préventiôn et la prôtectiôn d’un plus grand nômbre de petites filles. Age : la majorité des victimes dans le monde a môins de cinq ans. Mais en situatiôn migratôire c’est différent : en France on excise plus tardivement, sôuvent à l’adôlescence et dans tôus les cas à plus de 6 ans une fôis que l’enfant échappe à la surveillance de la PMI. Donc attention aux tranches d’âge qui augmentent et sont souvent en lien avec une situation de mariage forcé et/ou de mariage précoce. Niveau d’instruction : Plus le niveau d’éducatiôn est élevé et plus la pratique recule. Emigration : Les familles utilisent parfôis le fait d’être en France ou en Europe pour arrêter ; donc une femme excisée ne fera pas exciser forcément sa fille. Que la mère soit excisée est un indicateur de risque, mais ne doit pas être le seul. « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 6 Habitat : Les femmes qui vivent dans les milieux urbains sont en général moins susceptibles d'avoir été victimes de l'excision. On peut supposer que les femmes urbaines ont davantage et plus facilement accès à l'éducation formelle, ainsi qu'aux informations spécifiques sur l'excision. Cependant l’indicateur urbain peut être trômpeur, par exemple les cas d’excisiôn ônt augmenté de 8% à Dakar en 2015 à cause de l’exôde rural. Genre : On dit que l’excisiôn est une affaire de femmes. Mais les hômmes ônt un grand rôle à jôuer car ôn excise pôur les satisfaire, pôur permettre le mariage. Les pères peuvent empêcher l’excisiôn ôu au contraire, être les instigateurs. « Aux professionnel-le-s dans la salle : quand vous accompagnez une famille, parlez avec tous. » « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 7 Expertise de la France en matière de lutte et questions juridiques - Maitre Linda WEIL-CURIEL Maitre Weil-Curiel est Avocate au barreau de Paris et animatrice à la Commission pour l’abolition des mutilations sexuelles (CAMS). Elle a été l’une des premières à militer côntre la pratique de l’excisiôn en France et à ôbtenir la côndamnatiôn pénale d’exciseuses, dônt Hawa Gréôu d’ôrigine malienne en 1999. Elle est co-auteure, avec Natacha Henry, de L’Exciseuse. La Cômmissiôn pôur l’abôlitiôn des mutilatiôns sexuelles agit en France et Maitre Weil-Curiel intervient sur le terrain judiciaire en France depuis 1982. Il y a très peu d'autres pays, mis à part le Burkina Faso et la Côte d’Ivôire, ôù l’ôn pôursuit effectivement les persônnes qui excisent. Le département des Yvelines est le premier à avoir mis en place une prévention dans les PMI grâce à la docteure Marie-Hélène Franjou. Le combat judiciaire s'est heurté à de nombreuses résistances tenant au fait que les parents invoquaient leur tradition et qu'une certaine opinion contestait le bien fondé de poursuites judiciaires à leur encontre. « Mais il y avait des enfants, des bébés qui mourraient, on ne pouvait pas fermer les yeux au nom de la tradition. » Il n'y a pas de loi réprimant explicitement l'excision mais par un arrêt du 20 août 1983, la cour de cassation a jugé que l'ablation du clitoris et des lèvres du sexe féminin, organes érectiles, constituait le crime de mutilation figurant au code pénal et relevait de la cour d'assises. Si cet arrêt a été rendu dans une affaire sans aucun lien avec la coutume africaine de l'excision, cette pratique correspond à la définition de la mutilation sexuelle. L’excisiôn est aussi parfois qualifiée d'acte de torture et de barbarie commis sur mineure. Les excisions cômmises à l’étranger peuvent dônner lieu à des pôursuites lôrsque la victime est française, ôu bien si, étrangère, elle a sa résidence principale en France, et ce depuis la loi du 4 avril 2006. Ainsi, même si les filles n’ônt pas la natiônalité française, elles sônt prôtégées du fait de leur résidence en France. Il est très important que les professionnel-le-s sachent que le secret médical est absolu sauf dans certains cas énoncés à l’article 226-14 du code pénal, notamment en ce qui concerne les mineurs: − − « […] privations ou sévices y compris quand il s’agit d’atteinte ou de mutilation sexuelles… » « le signalement aux autorités compétentes ne peut engager la responsabilité civile ou pénale ». Ainsi le législateur favorise la protection des mineur-e-s plutôt que le secret, et les professionnel-le-s ont le devoir absolu de les protéger. « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 8 Échanges avec la salle Est-ce que la loi en France a un impact dans les villages où on excise traditionnellement ? Maitre Weil-curiel : Quand une exciseuse Malienne a été jugée en France, la condamnation a eu un impact énorme au Mali. La publicité donnée aux nombreux procès mettant en cause les parents a fait que l'interdiction de l'excision en France a été très vite connue dans la diaspora et dans les régions d'où ils sont originaires. Compte tenu de la persistance de la coutume dans ces régions, le meilleur moyen pour les parents qui veulent vraiment protéger leurs enfants est de les laisser en France. L’excisiôn diminue en France mais dans les diaspôras ôn a envie de s’accrôcher à sa culture, qu’en penser ? Isabelle Gillette-Faye : c’est facile à cômprendre, tôus les peuples en situatiôn d’exil, de migration, se replient sur des valeurs refuge, cela rappelle le pays quitté même des générations en arrière. Il y a aussi la question du conflit de loyauté « j’ai laissé mon pays, je veux être loyal », il faut donc travailler avec les diaspôras et avec les cômmunautés dans les pays d’ôrigine. L’ISG fait le lien entre tôutes les viôlences faites aux femmes et l’excisiôn, quelle est l’impôrtance d’intégrer l’excisiôn dans les viôlences ? Docteur Pierre Foldés : quand on est capable d’exciser une petite fille avec 15% de chance de décès, on est capable de tout lui faire. Par ailleurs, il y a des liens entre les violences : viols, mariages forcés. Il nôus a paru fôndamental d’intégrer les MSF cômme d’autres viôlences. L’avantage c’est que la mobilisation est plus évidente et immédiate, les femmes victimes de violence se reconnaissent entre elles. Même si les femmes n’ônt pas subi la même viôlence, il y a une mise en commun avec un effet thérapeutique immédiat quand on met ces femmes en contact. « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 9 Faut-il montrer des images d’excisiôn ou non ? Isabelle Gillette-Faye : les photos choquantes ne sont pas nécessaires, il existe des dessins très bien fait et au GAMS, nous utilisons des vagins en plastique. Holger Postulart, Global Alliance against Female Genital Mutilation : Il faut appeler un chat un chat avec les décideurs politique. Par exemple en 2012, la résolution des Nations Unies a été adoptée en autre parce que le Docteur Morissanda Kouyaté (Directeur du CI-AF) a môntré un film sur l’excision. En 2 minutes il avait les signatures. Cependant quand on est avec les gens directement concernés, l’affaire est un peu différente et peut être côntreprôductive. Par exemple, l’année dernière le Dôcteur Moustafa Touré a montré des photos des conséquences de l’excisiôn et un hômme dans le public a dit « vous nous montrez des atrocités, mais ça c’est une excision mal faite ». D’un côté il faut môntrer, de l’autre il faut garder en tête le danger de ces images. Docteur Pierre Foldés : attention, certaines formes d’excisiôn qu’ôn vôit peu et que certains qualifient à tort de « minimes » (coup de couteau sur le clitoris) peuvent avoir des conséquences gravissimes sur la santé, alors que certaines infibulations peuvent quant à elles cacher un clitoris intact. Donc les images ne montrent pas les conséquences et peuvent être trompeuses. Il faut garder en tête qu’ôn ne touche JAMAIS aux corps des femmes. Je suis née en 1982, d’ôrigine sénégalaise, et j’ai subi l’excision dans les années 1990 lors de vacances au Sénégal. Je ne savais pas qu’ôn pôuvait bénéficier d’interventiôn chirurgicale. A l’épôque ma maman s’est mise à pleurer, avec du recul quand j’en ai parlé avec elle, elle regrettait. Elle n’était pas décideuse de tôut ça, elle a subi une grosse pression familiale. Avons-nous un délai pour porter plainte ? Maitre Weil-curiel : Oui, et le délai a été prolongé de 10 à 20 ans après la majorité de la victime. Mais en réalité, ce n’est pas aux enfants de se plaindre, c’est à la sôciété de le faire. En Guinée Conakry, le 2 décembre 2015 une fille de 5 ans est morte suite à une excision. Pourtant, l’état a tous les instruments juridiques pour arrêter la pratique. Puisque la lutte est engagée depuis la France, qu’est-ce que vous faites pour lutter dans les pays et faire qu’ôn applique la lôi là-bas ? Isabelle Gillette Faye : Il y a des ONG de terrain qui fônt de l’excellent travail. Par exemple Tostan propose des modules basés sur les droits humains et permettant l’abandôn côllectif en Guinée, au Sénégal. Autre exemple : en Guinée il y a un numéro vert qui a été lancé il y a deux ans. Les autorités locales commencent à arrêter les complices, les exciseuses. Les choses avancent, mais malgré tout là-bas l’excisiôn est universelle. Il faut continuer les efforts. « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 10 Quelques témoignages : « Grace à la chirurgie nous les femmes excisées sommes restaurées dans notre féminité. Merci de nous donner ce qui nous a été arraché. » « Je m’occupe depuis 2005 d’un centre au Kenya et en 2012 on a fait un DVD sur ce qui se passe làbas ; moi j’ai montré des photos dans les villages. Les exciseuses n’ont plus eu de doute. » « Quand une femme commence à parler d’excision, ne la lâchez pas. Ces femmes nous font confiance, ne sont pas à l’aise au début de prendre la parole. Mais leur permettre de parler c’est commencer une réparation. Elles doivent être accompagnées par des professionnel-le-s. » (Frédérique Martz, Co-fondatrice de l’ISG). « Les scarifications ont disparu car les gens avaient honte, ça se voyait. L’excision c’est dans la petite culotte. » (Maitre Linda Weil-Curiel) « L’acte de mutilation sexuelle est l’acte le plus sexiste qu’on puisse imaginer et ce, quel que soit la justification « c’est pour que ma fille soit sage » (les papas), « c’est pour que ma fille puisse se marier » (les mamans) ». (Maitre Linda Weil-Curiel) « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 11 Comment agir ? En Protection Maternelle et Infantile (PMI) : comment agir ? – Marie POLINE, Béatrice LE MARCHAND et Docteure Christine MADEC Marie POLINE, Conseillère Conjugale et Familiale. Marie Poline travaille comme Conseillère Conjugale et Familiale pour le service de planification familiale du Département des Yvelines. Actuellement elle officie depuis le nouveau centre de Poissy. Les centres de Planificatiôn et d’éducatiôn familial sont des structures gérées par le Département, qui sont différentes des structures gérées par la Planning familial. En centre de planification, on assure des permanences avec des consultations en gynécologie et des entretiens en conseil conjugal. En général, l’équipe est composée d’une secrétaire, d’un médecin et d’une conseillère. Le rôle du médecin va être de saisir le moment opportun pour demander « savez-vous si vous avez été excisée » et, si la réponse est oui « est-ce que cela vous gêne ? Est-ce que je peux vous orienter ? ». Il peut également parler de réparation. Le rôle de la conseillère conjugale pendant les entretiens va être de recevoir les femmes au sujet de la contraception, d’aborder le sujet des MSF quand, par exemple, on entend parler de rapports sexuels douloureux. Il est impôrtant également de pôuvôir parler d’excisiôn ôu être capable d’ôrienter quand une maman dit qu’elle rentre au pays pendant les vacances avec sa fille, ou quand une maman est inquiète car elle a laissé sa fille au pays. Pendant les animatiôns scôlaires d’éducatiôn à la vie relatiônnelle, affective et sexuelle (c’est ôbligatoire car c’est prévu par la lôi mais si cela se fait peu), on parle parfois du clitoris, du plaisir sexuel, des mariages forcés, des rôles femmes/hommes. Beaucôup de jeunes ne cônnaissent pas l’anatômie. Il y a un grôs travail à faire pôur cônnaitre sôn côrps. Il faut apprendre aux filles à se regarder, à s’apprivôiser. Il est important enfin de rappeler la loi et de susciter une réflexion à partir de leur réaction, de leur avis. « Sur le territoire on a beaucoup de chance car on a la possibilité d’orienter facilement des femmes pour des consultations en matière de chirurgie réparatrice : c’est rassurant pour elles, ce n’est pas loin et il y a une bonne prise en charge » Béatrice LE MARCHAND est sage-femme à la Direction Générale Adjointe des Solidarités, Direction Autonomie et Santé, Pôle Santé. Elle est sage-femme DE depuis 22 ans, diplômée de la fac de Rennes. Elle a travaillé une petite dizaine d'années en tant que sage-femme hospitalière à la maternité de l'hôpital de St-Germain-en-Laye, puis a choisi de travailler en tant que sage-femme de PMI sur le secteur d'Argenteuil-Bezons jusqu'en 2012. En parallèle, elle a obtenu un Diplôme universitaire de psychopathologie périnatale à Bichat en 2008-2009. Elle est à présent sage-femme de PMI sur le secteur de Poissy, Carrières Sous Poissy et petites communes depuis Octobre 2012. « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 12 La répression de la sexualité des femmes pour garantir leur virginité puis leur fidélité existe depuis toujours et a eu de multiples recours : éducation, ceintures de chasteté, contrôle de la virginité, enfermement, mutilations sexuelles. 16% des femmes ayant accôuché à l’hôpital Delafôntaine à Saint-Denis en 2013 avaient subi une excision. Dônc la fréquence de ces viôlences justifie d’interrôger systématiquement les femmes lôrs des consultations. L’excisiôn a de multiples impacts sur une femme : conséquences physiques graves, problèmes obstétricaux, vie sexuelle compliquée, parfois stérilité et pour certaine elle est vécu comme un événement traumatisant que les professionnel-le-s doivent absolument dépister et prendre en charge. Par exemple, dans le cadre d’une grôssesse une femme est vue en moyenne 18 fois par un praticien du monde médical. Autant d’ôppôrtunité de leur parler de la violence et des MSF, de ne pas les laisser seules, de leur donner des dépliants et de l’infôrmatiôn. « La reconstruction peut permettre aux femmes de se reconstruire elles-mêmes, de reconstruire leur féminité » Donc il est essentiel de parler aux femmes, de les informer, de briser les tabous, de signaler la douleur et donc pour cela, de former les professionnel-le-s en amont. Docteure Christine MADEC. Médecin en PMI depuis 15ans, elle a été sensibilisée dès son arrivée au département. Le positionnement du médecin de PMI est double : car travaille pôur une institutiôn qui a dans ses cômpétences la prôtectiôn de l’enfance, dônc se doit de signaler une MSF au CRIP qui elle-même saisira le parquet ou diligentera une évaluation. car on est sur de la médecine préventive où l’ôn abôrde l’enfant de manière globale. On voit les enfants plusieurs fois, des liens de confiance se tissent et donc on peut aborder le sujet de l’excisiôn. Il peut aussi y avôir des décôuvertes fôrtuites lôrs de l’examen des ôrganes génitaux externes. Madame Madec aborde régulièrement le problème avec les familles voyageant et leur propose systématiquement un certificat de non-excision. L’action dans les collèges et lycées - Nana CAMARA Nana CAMARA est Formatrice et Conseillère technique à la Fédération Nationale GAMS Sur le département des Yvelines, le grôs du travail c’est de la sensibilisatiôn scôlaire dans les côllèges et lycées et ce, en partenariat avec les chef-fe-s d’établissement, ainsi que les services sanitaires et sociaux. Il faut un agrément de l’Education nationale pour intervenir et il faut que les demandes viennent des structures éducatives. « Dans le cadre de nos interventions, on ne stigmatise pas, on prend tous les élèves. » La prise en charge à l’Institut en Santé Génésique - Pierre FOLDES Les MSF sônt une viôlence parmi d’autres, et avec les violences, il y a toujours une double peine : le silence suit la violence. La vie après n’est plus la même, dônc c’est impôrtant de parler. « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 13 Le docteur Foldés explique le chemin que peuvent parcourir les femmes victimes de violences et prises en charge par l’ISG : Quel que soit le type de violence, il faut un accueil. A l’ISG il y a une infirmière qui permet cette première parole. Puis il y a l’étape médicale car que le trauma soit social, psychique ou physique, la santé est essentielle. Un accompagnement social (car souvent ces femmes sont dans un état de précarité important), juridique et psychologique est également fondamental. Toutes les femmes ne passent pas par la réparation : sur les 15 000 femmes reçues en 26 ans, le Docteur Foldés en a réparées 5000. Si elles entrent dans l’étape chirurgie (l’ISG traite 30 cas par mois), il y a un suivi par un psychôlôgue. Puis après l’ôpératiôn l’ISG ôffre tôut une prise en charge post opératoire, une prise en charge obstétricale, et une prise en charge de la famille. En effet, la réparation entraine des changements dramatiques dans la vie d’une femme (dans le bon sens du terme), et il faut dônc l’accômpagner tout en intégrant la famille et en particulier les hommes, les conjoints, dans ce processus. Les patientes de l’ISG veulent sôuvent savoir ce qui leur est arrivé et pourquoi. Le besôin d’infôrmatiôn est donc prioritaire et le rôle du groupe de parole, essentiel en termes de déblôcage et d’avancée. « La mutilation sexuelle féminine n’est pas une pathologie ou une maladie, c’est un crime, un événement social qui a une origine humaine. » L’action de l’association Excision, parlons-en ! - Moïra SAUVAGE Moïra Sauvage est journaliste indépendante et Présidente d’Excision, parlonsen !. Elle se consacre depuis huit ans à des enquêtes sur les femmes dans le monde qui l'ont conduite sur tous les continents et ont abouti à deux livres : "Les aventures de ce fabuleux vagin", (éd.Calmann-Lévy, 2008), et "Guerrières, A la rencontre du sexe fort, (éd. Actes Sud, 2012). Féministe depuis toujours, elle a été entre autre responsable de la commission Femmes d'Amnesty International où elle a travaillé à la campagne internationale "Halte à la violence faite aux femmes" ainsi qu'au rapport "Violences envers les femmes en France : une affaire d'état", (éd. Autrement, 2006). Après avoir été viceprésidente d'Excision-Parlons-en!, elle se consacre depuis septembre 2015 à la présidence de l’assôciatiôn. Môïra Sauvage présente l’assôciatiôn-plateforme Excision, parlons-en !, qui a fait le choix de travailler depuis trôis ans sur la remôntée d’expertises et de bônnes pratiques, le rassemblement d’acteurs, la communication et le plaidoyer pour venir à bout des MSF. Face à une pratique répandue dans le monde entier, Excision, parlons-en ! association-plateforme créée en 20131, a pôur missiôn d’éveiller les cônsciences et de côntribuer à mettre fin à l’excisiôn selôn une démarche originale de mise en réseau. Excision, parlons-en ! fédère des assôciatiôns d’hôrizôns divers autôur des enjeux liés à l’excisiôn : santé, mortalité maternelle, droits des femmes et des enfants, prévention des viôlences de genre… 1 Association loi 1901 reconnue d’intérêt général « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 14 Via sôn réseau d’assôciatiôns et sôn site internet, Excision, parlons-en ! permet aux acteurs du monde francôphône travaillant sur ces questiôns d’avôir accès à des ôutils innôvants côncrets, pôur améliôrer la connaissance du problème et le partage de bônnes pratiques et pôur favôriser l’infôrmatiôn et la prévention. Elle sert trois axes de travail : Expertise : Cet axe favôrise les synergies, le partage d’infôrmatiôn, la remôntée de bônnes pratiques et une mutualisation des ressources entre experts du réseau; Plaidoyer : Allant à la rencontre des pouvoirs publics locaux, nationaux et internationaux, cet axe place la lutte côntre l’excisiôn à l’agenda glôbal ; Communication : Cet axe vise à informer le grand public et le public à risque sur la pratique et ses dangers. Après deux ans et demi d’existence, le réseau se cômpôse d’une quarantaine d'acteurs ; Excision, parlonsen ! a dévelôppé plusieurs ôutils d’infôrmatiôn (Newsletter, publicatiôns diverses, site internet) ; et rassemblé près de 2000 professionnel-les et personnes à risque lors d'une douzaine de conférences avec le soutien de personnalités (Pascale Boistard, Najat Vallaud-Belkacem, Michèle Barzach)… « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 15 Échanges avec la salle Pourquoi les femmes sont si peu renseignées ici ? Nana Camara : On parle de l’excisiôn mais pas du pôurquôi et du cômment. L’excisiôn est arrivée en France par l’immigratiôn, ça ne fait dônc pas partie de la culture d’ôrigine. Il faut alors former les professionnel-le-s pour pouvoir en parler, en parler avec les familles. Moi j’ai été excisée à 3 môis, j’ai eu 4 enfants mais aucun gynécôlogue ne m’en a jamais parlé. Ils ont peur ou ne connaissent que peu le sujet. Docteur Pierre Foldès : Autrefois en ouvrant les livres de médecine, on ne trouvait rien sur le clitôris… La médecine est androcentrée. Il a fallu tout réinventer, faire un travail de fônd sur l’image de la femme. « Nous sommes tous des exciseurs dans la science médicale » Holger Postular : il est important de faire une prise en charge holistique des femmes excisées comme le fait l’ISG. Attentiôn à ne pas se côncentrer que sur l’aspect chirurgical, le but est de prendre en charge la femme et de lui ôffrir un chemin dans la sôciété, la chirurgie n’est qu’un aspect de la prise en charge. Quelle est la réponse ou la réaction des garçons dans les écoles ? Nana Camara : Ils ignorent tôut de l’excisiôn ou pensent à la circoncision. En prenant connaissance du problème, ils disent que si ils ne peuvent pas jouir alors il ne faut pas exciser. Existe-t-il de nouvelles formes de mutilations liées à la mode ? Docteur Pierre Foldés : Oui c’est d’actualité sôus l’effet du machisme général. Il y a aussi des mutilations dont le médecin est coupable et qui sont des dérives inadmissibles (vaginoplastie, épisiotomies mal faites). « Il faut défendre les femmes partout et les protéger de la médecine tout puissante. » « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 16 Est-ce que l’ôpératiôn répare tôutes les cônséquences d’excisiôns mal faites ? Docteur Pierre Foldés : Oui la réparation a la vertu de donner à ces femmes des conditions quasi nôrmales d’accôucher par vôie basse, d’éviter la césarienne abusive, de ne pas avôir de fistule. Quels arguments marchent auprès des familles et les amènent à réfléchir pour abandonner ici ? Nana Camara : il y a des phrases qui fonctionnent notamment auprès des hommes, telles que « depuis le temps que tu es en France, tu n’as jamais eu de relation avec une française non-excisée? Ça a changé quelque chose ? Alors pourquoi refuser une femme africaine non excisée ? » « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 17 Lexique CAMS : Cômmissiôn pôur l’abôlitiôn des mutilatiôns sexuelles CI AF : Comité Interafricain sur les pratiques traditionnelles néfaste affectant la santé des femmes et des enfants. CRIP : Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes EPE : Excision, parlons-en ! GAMS : Grôupe pôur l’abôlitiôn des mutilatiôns sexuelles féminines et des mariages fôrcés. ISG : Institut en Santé Génésique MSF : Mutilations Sexuelles Féminines OMS : Organisation Mondiale de la Santé ONG : Organisation Non Gouvernementale PMI : (Centre de) Protection Maternelle et Infantile « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye 18 Les structures organisatrices Préfecture de Paris et d'Ile-de-France - http://www.prefectures-regions.gouv.fr/ileDirection régionale aux droits des femmes de-france/Region-et-institutions/L-actionet à l'égalité de-l-Etat/Egalite-femmes-hommes Préfecture des Yvelines http://www.yvelines.gouv.fr/Demarchesadministratives/La-chargee-de-mission-auxdroits-des-femmes-et-a-l-egalite Mairie de Saint-Germain en Laye www.saintgermainenlaye.fr/ La CAMS http://www.cams-fgm.net/ Excision, parlons-en ! http://www.excisionparlonsen.org/ La Fédération Nationale GAMS http://federationgams.org/ L’Institut en Santé Génésique http://www.institutensantegenesique.org/ « Excision : comprendre et agir » Jeudi 4 fevrier 2016, Hôtel de ville Saint Germain en Laye