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Observatoire du Management Alternatif
Alternative Management Observatory
Compte-rendu
Le Mécénat en France
Estelle Lauvergne
Responsable de Projets Entreprises au sein du Pôle Partenariats de Solidarité
de IMS – Entreprendre pour la Cité
Séminaire HEC Solidarités
Vendredi 1er février 2008
Compte-rendu rédigé par Gaëtan Irrmann, étudiant de la Majeure Alternative Management
(2007-2008)
Le Mécénat en France
Résumé : Le parcours d’Estelle Lauvergne dans le monde du mécénat est représentatif de
l’évolution de ce dernier. Après avoir débuté dans une prestigieuse entreprise du secteur privé, elle
a décidé de redonner du sens à sa carrière et a successivement occupé des postes de responsabilité à
la Fondation de France et à IMS -Entreprendre pour la Cité. Dans cet entretien, elle présente le
Mécénat en France et le type de missions qu’elle a eu à remplir.
Mots clés : Mécénat, association, RSE
Patronage in France
Abstract: Estelle Lauvergne’s career is representative of the evolution of sponsorship in France. She
started her career working for a prestigious private company and then decided to enhance her
action. She successively had key positions at the Fondation de France and IMS – entreprendre pour
la Cité. In this interview, she presents sponsorship in France and the kind of missions she had to
fulfil.
Key words: Sponsorship, NGO, SRE
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Estelle Lauvergne– «Le Mécénat en France» - Vendredi 1 février 2008
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Genèse du document
La Majeure Alternative Management, spécialité de dernière année du programme Grande Ecole
d’HEC Paris, accueille dans le séminaire HEC Solidarités, des anciens élèves d’HEC travaillant
dans les métiers de la solidarité et venant témoigner de leurs expériences professionnelles.
Ces séminaires sont organisés sur le campus d’HEC Paris et ont lieu en présence des étudiants
de la Majeure Alternative Management. Ils font l’objet d’un compte-rendu rédigé par un étudiant de
la Majeure. Ce compte-rendu est relu et corrigé par l’invité avant publication.
Le séminaire HEC Solidarités du 1er février 2008 a accueilli Estelle Lauvergne, actuellement
Responsable de Projets Entreprises au sein du Pôle Partenariats de Solidarité à IMS - Entreprendre
pour la Cité. Elle y a présenté son parcours professionnel dans le monde du mécénat, à la Fondation
de France puis à IMS – Entreprendre pour la Cité.
Genesis of the document
During the HEC Solidarity Seminar, The Major Alternative Management, a final year
specialised track in the Grande Ecole of HEC Paris, welcomes alumni that work in the solidarity
field and that want to give a statement of their professional experience.
Students of the Major Alternative Management participate to these seminars on HEC Paris
Campus and one of them writes down a report of the seminar. This report is read and corrected by
the Guest before publishing.
The 1st February 2008 Seminar welcomed Estelle Lauvergne, who is currently in charge of
promoting companies-run projects in the Solidarity Partnership Area in IMS – Entreprendre pour la
Cité. She presented her professional evolution in sponsorship, in la Fondation de France and then in
IMS – Entreprendre pour la Cité.
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INTRODUCTION
Le constat des dysfonctionnements de notre civilisation s’accompagne de nombreuses
inquiétudes : sur l’environnement, sur la capacité de notre société à apporter bien-être et progrès
économique pour tous, sur l’avenir des protections sociales. Les préoccupations sont d’autant plus
vives que les intérêts économiques semblent de plus en plus primer sur les intérêts des individus et
que partout le rôle et l’influence des Etats reculent. Les Français sont de plus en plus nombreux à
penser que la société aujourd’hui donne trop de place à l’économie et pas assez à l’humain. Ils
prennent conscience que les systèmes de solidarité mis en place entre générations, entre catégories
sociales, entre actifs et inactifs, sont menacés.
Dans un tel contexte, le mécénat semble amené à jouer un rôle prépondérant. Dans le
domaine des solidarités notamment, il est devenu une expression importante de la responsabilité
sociale de l’entreprise. Finalement, le mécénat et le développement durable sont des réponses
inventées par la société pour amener l’entreprise à s’inscrire de façon plus harmonieuse dans un
schéma où l’individu, l’espèce, la société et la planète sont au cœur des préoccupations.
Un des enjeux majeurs pour le mécénat est de répondre au souci de professionnalisme exigé
de façon constante par les entreprises et de trouver des approches permettant de renforcer leur
rendement sociétal. On observe depuis quelques années la montée des transferts de compétences et
de savoir-faire des entreprises vers des associations, et plus globalement vers des entreprises
d’économie sociétale.
Le parcours d’Estelle Lauvergne est d’autant plus intéressant qu’il procède d’une « quête de
sens » liée aux nouvelles préoccupations sociétales et témoigne de la professionnalisation du
mécénat en France, Estelle Lauvergne ayant débuté sa carrière dans un prestigieux cabinet de
conseil.
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Le parcours professionnel d’Estelle Lauvergne
Estelle Lauvergne, en tant qu’ancienne HEC, participe activement au groupement HEC
Solidarité. Le groupement a grossi au fil des années et donne dorénavant lieu à 4 réunions par an.
Elle s’est diplômée d’HEC en 1997 après avoir effectué la majeure Stratégie Juridique &
Fiscale et un DESS de fiscalité internationale. Elle débute au poste de conseiller fiscaliste chez
Arthur Andersen. Son parcours chez Arthur Andersen lui permet de passer le CFPA, le CAPA, de
devenir avocate et de travailler 1 an et demi dans leur bureau de Los Angeles.
Elle décide après la naissance de son premier enfant de faire un changement et ressent le
besoin de donner du sens à sa carrière professionnelle. Elle pourrait se reconvertir comme fiscaliste
en entreprise mais préfère se réorienter complètement. Elle se replonge dans son expérience
d’étudiante HEC dans l’association Solidarité Népal, reprend contact avec des anciens HEC qui
travaillent dans des ONG et réalise qu’elle préfèrerait travailler dans ce domaine. Au cours de ses
recherches, Estelle Lauvergne postule pour un poste à la Fondation de France. Pendant 5 ans, elle
est en charge de fondations abritées par la Fondation de France. Elle rejoint ensuite IMS –
Entreprendre pour la Cité, où elle est aujourd’hui Responsable de Projets Entreprises au sein du
Pôle Partenariats de Solidarité. Toutes ces années passées à la Fondation de France et à l’IMS ont
permis à Estelle Lauvergne d’acquérir une excellente connaissance du monde du mécénat en France
et des différents types de fondations.
Les Fondations en France
Trois types de fondations
Le premier type regroupe les fondations reconnues d’utilité publique, agrées par le Ministère
de l’Intérieur. Il en existe environ 500 en France, telles que la Fondation des Hôpitaux de ParisHôpitaux de France (Opération Pièces Jaunes), l’Institut Pasteur ou la Fondation des Orphelins
Apprentis d’Auteuil. Elles sont adaptées aux gros financements et opérationnelles le plus souvent.
Le délai de création est d’environ un an. L’Etat peut faire partie du Conseil d’administration mais
ce n’est plus une obligation depuis 2003. Par ailleurs, ces fondations peuvent être habilitées à
abriter d’autres fondations (une vingtaine de fondations abritantes en France).
Le deuxième type est composé des fondations abritées créées par des particuliers, des
associations ou des entreprises.
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Le troisième type correspond aux fondations d’entreprises. Ces dernières sont complètement
autonomes, prennent en charge la redistribution des fonds et peuvent collecter auprès des salariés
des entreprises fondatrices.
On ne dénombre au total que 2200 fondations en France ce qui paraît ridicule par rapport
aux Etats-Unis, et ce malgré toutes les incitations fiscales existantes. La France n’est pas
particulièrement en retard par rapport aux autres Etats européens et ce retard face aux Etats-Unis
s’explique par des raisons culturelles et historiques. En France, les fondations créées par des
particuliers sont souvent anonymes, ces derniers préférant ne pas communiquer sur le fait qu’ils ont
de l’argent et qu’ils font preuve de générosité.
La mission d’Estelle Lauvergne à la Fondation de France
Fonctionnement de la Fondation de France
La Fondation de France a un statut particulier ; privée mais reconnue d’utilité publique, elle
vise à développer la générosité. Elle a été créée en 1969 sur le modèle des fondations américaines
dédiées à la culture.
Elle a deux principales activités. La première consiste à fonctionner comme un opérateur
intermédiaire, bailleur de fonds pour redistribuer auprès d’associations et ONG moins connues
ayant pas ou peu accès aux dons du grand public. Ce travail est coordonné par des salariés et réalisé
avec l’aide de bénévoles ayant une certaine expertise dans les domaines concernés. Les associations
répondent à des appels à projets avec des critères précis, et les projets retenus reçoivent une
subvention dont le montant n’est pas très élevé mais qui permettent souvent de débloquer l’aide
d’autres bailleurs de fonds.
La Fondation de France a été créée par des banques et des organismes financiers (dont la
CDC), elle collecte des fonds auprès de particuliers et d’entreprises qu’elle redistribue aux
associations et à ce titre perçoit des frais de gestion sur les montants collectés. En cas de don
important, les donateurs peuvent créer une fondation abritée qui est un compte individualisé au sein
de la Fondation de France et qui leur permet d’aiguiller la redistribution des fonds sur les
thématiques et associations de leur choix sous le contrôle de la Fondation de France. Les plus
grosses fondations abritées par la Fondation de France peuvent déléguer la gestion de leur trésorerie
à leur propre banque, tandis que la trésorerie des fondations plus petites est gérée collectivement par
la Fondation de France. En tant que Fondation reconnue d’utilité publique faisant appel à la
générosité du public, la Fondation de France est soumise au contrôle de la Cour des Comptes.
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Les fondations abritées
600 fondations sont abritées à la Fondation de France: 10% créées par des entreprises, 90%
par des particuliers. On trouve par exemple des familles qui créent des fondations pour la recherche
contre le cancer parce qu’elles ont elles-mêmes été touchées par cette maladie. Les fondations
abritées ont le choix entre faire des dons ensuite redistribués ou constituer une dotation qui peut
permettre à la fondation d’être pérenne ; ce sont alors les revenus financiers sur cette dotation qui
sont redistribués tous les ans. Les fondations créées par des particuliers sont très diverses en taille ;
leurs dotationss vont de quelques milliers d’euros à cent millions d’euros. Les dons et donations
sont défiscalisés à hauteur de 66% pour les particuliers et 60% pour les entreprises. Estelle
Lauvergne explique qu’on assiste depuis quelques années à l’émergence d’un nouveau type de
fondateurs, des quadragénaires portés par un projet familial qui n’attendent plus la fin de leur vie
pour donner. Les plus grosses fondations d’entreprises abritées à la Fondation de France sont par
exemple celles créées par Nature et Découvertes, MacDonalds ou BNP Paribas. Parfois les
entreprises créent plusieurs fondations, certaines fonctionnant de manière autonome. Les PME
peuvent avoir leur fondation à condition d’y investir un minimum de 54000 euros par an.
Estelle Lauvergne gérait directement 110 fondations abritées, certaines actives une seule fois
par an, d’autres quotidiennement. Selon les cas le fondateur est décisionnaire (s’il est vivant) ou
délègue totalement. A titre d’exemple, il est arrivé à Estelle Lauvergne d’aller à l’Ecole des Beaux
Arts pour détecter des étudiants répondant à certains critères définis par un fondateur pour recevoir
une bourse d’études. Plus généralement, Estelle Lauvergne avait une double mission :
- Un travail en aval, consistant à accompagner et aiguiller les particuliers ou les entreprises
souhaitant créer une fondation ;
- Un travail en amont, consistant à participer accompagner et contrôler les fondations
existantes, à participer aux conseils d’administration des fondations, à aider à trouver les personnes
ayant les compétences requises pour participer aux comités de sélection et à s’assurer de la bonne
gouvernance des entreprises (s’assurer notamment que la fondation ne soit pas uniquement utilisée
à des fins publicitaires).
D’après Estelle Lauvergne, la Fondation de France a un organigramme très en rateau qui
rend difficile les possibilités d’évolution et elle a préféré quitter la Fondation de France et rejoindre
l’IMS.
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La mission d’Estelle Lauvergne à IMS – Entreprendre pour la Cité
Fonctionnement de IMS - Entreprendre pour la Cité
L’IMS est une association de type loi 1901 crée par Claude Bébéar en 1986 (Institut du
Mécénat de Solidarité). Il anime un réseau de 200 entreprises et est dirigé par un ancien HEC. Ce
dernier a connu un parcours similaire à celui d’Estelle Lauvergne et a eu une double expérience
privé/ONG dans la cadre de sa carrière.
L’IMS avait été créé avec la vocation de faire du « mécénat humanitaire/social » et non pas
seulement du mécénat culturel comme cela était majoritairement le cas dans les années 1980.
L’IMS aide les entreprises qu’il fédère à intégrer, dans leur politique de Responsabilité Sociale, des
démarches d’engagement sociétal innovantes, répondant à la fois à leurs enjeux de développement
et aux attentes de la société : partenariats de solidarité, insertion des publics éloignés de l’emploi,
promotion de la non-discrimination et gestion de la diversité, accès des produits et services aux
populations en difficulté, soutien au développement socio-économique local, notamment dans les
quartiers sensibles. L’IMS invite les entreprises à ouvrir de nouvelles voies de collaboration avec
les autres acteurs concernés et participe à l’élaboration des politiques de responsabilité sociale, au
suivi opérationnel et à la formation.
L’IMS s’efforce de montrer que la diversité est une richesse et aide les entreprises à évoluer
dans ce sens. L’IMS s’occupe également d’insertion et aide les entreprises à recruter dans les
quartiers sensibles. La plupart du temps, les entreprises d’insertion sont liées à un projet personnel
et donc portées par une seule personne et demandeuses de soutien. Ces entreprises d’insertion sont
jugées sur le « taux de retour à l’emploi » des personnes qu’elles embauchent. Estelle Lauvergne
souligne qu’une des difficultés lorsqu’on s’occupe d’insertion dans les cités est liée au fait que les
jeunes issus des quartiers difficiles ont tendance à s’autocensurer. Pour y faire face, L’IMS s’engage
aux côtés de partenaires locaux (missions locales, ANPE…). Estelle Lauvergne cite l’exemple du
pôle « Entreprises et quartiers » de L’IMS qui a participé à des actions très locales notamment à
Roissy, Lorient et Bordeaux.
Le Pôle Partenariats de Solidarité de IMS
L'équipe du pôle Partenariats de Solidarité, dont Estelle Lauvergne fait partie, accompagne
les entreprises dans leurs réflexions sur le mécénat et les nouvelles formes de partenariats de
solidarité. Ce pôle a pour vocation d'aider les entreprises à mettre en œuvre des projets concrets
avec le monde associatif et des structures d’intérêt général.
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Le travail d’Estelle Lauvergne consiste notamment à servir d’interface entre le monde
associatif et les entreprises et à accompagner en profondeur les entreprises dans leur démarche
mécénat, dans leurs projets d’implication de collaborateurs dans des projets de solidarité ou encore
dans leur communication interne et externe relative à ses enjeux. Estelle travaille en partenariat
avec les responsables du mécénat de nombreuses entreprises ; elle constate qu’ils se sentent souvent
isolés et sont très demandeurs et donneurs d’échange. Elle organise dans ce but des groupes de
travail et des rencontres.
Par ailleurs, elle les accompagne individuellement en fonction de leurs besoins. A titre
d’exemple, elle travaille actuellement pour une pour une entreprise qui lui a délégué la remontée de
projets qui seront financés par son budget mécénat. Le travail d’Estelle consiste à repérer des
associations répondant aux critères de l’entreprise puis de les mettre en lien avec l’entreprise.
Une des missions les plus intéressantes sur lesquelles elle travaille actuellement à IMS
consiste à structurer et à penser la démarché mécénat d’une entreprise récemment rachetée par une
qui elle était très active en matière de RSE et mécénat. Estelle Lauvergne a organisé des
« brainstorming » pour définir la culture de l’entreprise et s’est entretenue avec le personnel des
deux entreprises. L’entreprise rachetée venait tout juste d’être privatisée et n’avait jamais
réellement eu de politique RSE. Les recommandations prendront aussi en compte un benchmark
établi sur des entreprises concurrentes afin de s’en rapprocher ou, au contraire, de s’en démarquer.
Le but est de donner les clés permettant de structurer une politique qui facilite l’intégration des deux
entités.
Estelle Lauvergne souligne que les organismes oeuvrant pour le mécénat peuvent être,
comme dans le secteur privé, concurrents entre eux (par exemple pour les dons ou pour les
adhésions).
Le mécénat doit encore relever un certain nombre de défis. Certes il s’est renouvelé grâce à
la montée en puissance du développement durable, mais il doit encore davantage répondre au souci
de professionnalisme exigé par les entreprises et trouver des approches permettant de renforcer leur
rendement sociétal. L’importance et la difficulté des défis posés à la société sont telles que les
meilleures ressources, tant en termes de compétences qu’en termes de moyens techniques, devront
être mobilisées.
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