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D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L L E T- A O Û T- S E P T E M B R E 2 0 0 7 61 Petit guide d’astro pratique* SÉBASTIEN FONTAINE Médiateur scientifique au département d’astronomie-astrophysique du Palais de la découverte * L’ensemble des observations que l’on vous propose d’effectuer dans cet article sont valables, entre autres, sur le continent européen. 62 D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 L’observation astronomique du ciel est possible tout au long l’année. Durant les vacances, tout converge vers la contemplation. Mais jouir des spectacles de la nature ne signifie pas être oisif, bien au contraire. Les vacances riment de moins en moins avec farniente et repos abusif sur la plage ou glisse sur les pistes de ski, mais, au contraire, avec le désir de plus en plus vif d’apprendre, d’expérimenter, de découvrir. oin du Palais de la découverte, rien ne vous empêche d’appréhender intelligemment les richesses d’un ciel étoilé. En toute rigueur astronomique, la période estivale n’est pas la plus favorable pour l’observation. En effet, les nuits sont courtes et commencent tard. En revanche, vers la fin de l’été, les nuits sont plus longues, ce qui est un avantage non négligeable pour les astronomes… Bien entendu, il faut s’entendre sur le terme de « nuit ». La nuit ne commence pas avec le coucher du soleil mais, comme chacun le sait, sitôt passé le crépuscule. L Qu’est-ce qu’un crépuscule ? La question peut paraître curieuse, voire naïve, mais le crépuscule trouve dans le vocabulaire de l’astronome une définition très précise. Rappelons tout d’abord que l’on parlera aussi bien du crépuscule du soir que du crépuscule du matin. En effet, les crépuscules peuvent être définis comme les lueurs atmosphériques qui accompagnent les levers et les couchers de Soleil. Lueurs qui créent une pollution lumineuse naturelle bien gênante. On distinguera ainsi trois types de crépuscule : – le crépuscule civil, qui se termine lorsque le Soleil se trouve à une hauteur de 6° sous l’horizon. C’est généralement le moment où les lampadaires s’illuminent ; – le crépuscule nautique, qui se termine lorsque le Soleil se trouve à une hauteur de 12° sous l’horizon. C’est en deçà de ce niveau de luminosité que le point en mer ne pouvait, autrefois, plus se faire ; – le crépuscule astronomique, qui se termine quand le Soleil se trouve à une hauteur de 18° sous l’horizon. Il fait alors complètement nuit. Les observations astronomiques peuvent dès lors décemment commencer. Les crépuscules les plus longs coïncident avec le solstice du 21 juin, soit le début de l’été pour les observateurs européens, situés dans l’hémisphère nord de la Terre. À la latitude de Paris (49° Nord), la nuit n’est jamais complète (pour les astronomes en tout cas) du 13 au 30 juin ! Le reste de l’année, le crépuscule astronomique dure environ deux heures, sauf durant les mois de juillet et d’août où les crépuscules peuvent atteindre plus de trois heures. Ainsi, les astronomes « travaillent » moins en été qu’en hiver. Quelques conseils pour commencer Bien entendu, que ces considérations techniques ne vous empêchent pas de pratiquer l'été une astronomie de qualité. Cette pratique est souvent associée aux lunettes et autres télescopes. Pourtant, une simple paire de jumelles et un appareil photo peuvent suffire pour commencer une initiation. Mais c’est à l’œil nu que tout doit débuter. Cependant, il convient de préparer son observation. Pour les D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 séances diurnes, un chapeau, de la crème solaire, des lunettes de soleil et de l’eau sont indispensables. Pour les séances nocturnes (et même en été !), des vêtements chauds, des couvertures, des bâches (au petit matin, l’herbe est humide), une carte du ciel, une lampe de poche avec un filtre rouge (pour éviter d’être ébloui, le filtre peut être bricolé sur n’importe quel type de lampe de poche), de quoi écrire, une boisson chaude et un encas composent le paquetage minimal de tout astronome amateur. Le choix du site d’observation est également important. Optez, si possible, pour un endroit éloigné de toute pollution lumineuse et attendez dans l’obscurité la plus totale au minimum 20 minutes. C’est le temps dont ont besoin vos yeux pour s’accoutumer au noir. Alors, c’est 3 000 ou même 4 000 étoiles qui vous seront accessibles. Tandis qu’elles semblent n’être que quelques dizaines en ville ou au cœur d’un village éclairé. N’importe quel guide pratique du ciel ou séance de planétarium vous présentera les principales constellations et une méthode pour retrouver l’Étoile polaire (fig. 1 à 3). Je ne m’attarderai donc pas sur ces thèmes. Cependant, les cartes du ciel qui indiquent les positions des constellations et des étoiles s’y rapportant ne comportent pas d’échelle. Il est déconcertant de ne pas retrouver les astres imprimés sur le papier dans le ciel. Si l’on veut se repérer sur la voûte céleste, il faut connaître l’écartement des étoiles les unes par rapport aux autres. Cela revient à mesurer des angles dans le ciel. Ce sont ces distances angulaires qui vont permettre une approche correcte du firmament. Mais à quoi correspond au-dessus de sa tête une distance angulaire de 20 degrés, de 15 minutes ou de 6 secondes d’arc ? Pour mesurer les angles dans le ciel, une méthode simple consiste à se servir de ses mains. En effet, bras tendu, une main écartée vaut environ 20°, le poing fermé 10° et la largeur du pouce 2°. De plus, les diamètres apparents du Soleil et de la Lune correspondent à un demi-degré, soit 30’. Vous êtes maintenant paré pour suivre décemment un stage pratique d’astronomie. C’est l’objectif que se fixent les prochaines pages. 63 64 D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 η LA GRANDE OURSE γ δ β Les Gardes { ξ ε 90˚ α γ β η ξ ε Pôle 90˚ α + δ LA PETITE OURSE La polaire LE COCHER ε α γ La chèvre ou Capella δ β η α CASSIOPÉE FIGURE 1 Autour du pôle Nord. L’Étoile polaire se trouve alignée avec les Gardes de la Grande Ourse, ce qui permet de la repérer facilement. D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 α Deneb δ ε γ LE CYGNE η ε χ γ δ β δ ξ γ β Albireo α ξ γ LE DAUPHIN η ε α β β α β γ ξ Altaïr ε L' AIGLE θ Véga LA LYRE LA FLÈCHE δ α δ FIGURE 2 Le Triangle d’été. Ses trois sommets sont Véga, dans la constellation de la Lyre, Deneb, dans la constellation du Cygne, et Altaïr dans la constellation de l’Aigle. Ces trois constellations sont visibles simultanément en France, de juillet à septembre toute la nuit. 65 66 D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 Kiffa Boréal β Kiffa Austral α LA BALANCE γ β ν Antarès ι γ δ π σ α ι LE SCORPION ε µ µ π ξ ο λ ν δ λ γ σ ε ι ξ η χ η ι θ ξ LE SAGITTAIRE LA COURONNE AUSTRALE FIGURE 3 Le Scorpion et le Sagittaire. Le Scorpion est une constellation des nuits d’été. Entre ses « pinces » se trouve la constellation de la Balance. À sa gauche, se trouve la constellation du Sagitaire appelée aussi tea-pot par les Anglo-Saxons. D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 > Observation 1 Le mouvement diurne Après avoir attendu le début de la nuit, polaire nous semble alors immobile et devient familiarisez-vous avec les positions des astres ainsi le « pivot » du mouvement apparent du visibles en début de nuit. ciel, appelé mouvement diurne. Par ailleurs, n’importe qui a pu être surpris Que voir ? de constater à quelle vitesse le Soleil pouvait Rapidement, on remarque que les constella- se coucher. La vitesse de ce mouvement tions semblent bouger. Plus globalement, les apparent est la même en qui concerne les astres se lèvent vers l’est et se couchent vers étoiles. En effet, la Terre tourne toujours à la l’ouest en donnant l’impression de tourner même vitesse sur elle-même. Ainsi, la course autour de l’Étoile polaire. des astres s’effectue toujours au même rythme. Interprétation Contrairement à ce qui a longtemps été prétendu, ce n’est pas l’Univers avec ses étoiles et ses planètes qui tourne autour de la Terre, mais bien notre planète qui tourne sur elle-même, d’ouest en est et en 24 heures. Bien entendu, je n’ai pas la prétention de vous l’apprendre. Mais posez-vous ces questions : depuis combien de temps savez-vous que la Terre tourne sur elle-même ? Qui vous l’a enseigné ? Et surtout, comment le vérifier par vous-même ? À moins d’être astronaute, personne ne peut avoir le privilège de voir la Terre tourner sur elle-même. Pourtant, des expériences en apportent la démonstration, telle l’expérience du pendule de Foucault. Néanmoins, chacun sait que la Terre tourne sur un axe qui passe par ses pôles. En plantant un poteau à la verticale du pôle Nord de la Terre, et en l’élevant indéfiniment vers les astres, il pointerait une région fixe du ciel : le pôle Nord céleste, prolongement du pôle Nord de la Terre dans le ciel. Se trouvant à proximité du pôle Nord céleste, l’Étoile FIGURE 4 Appareil photo numérique sur un trépied. © S. Fontaine. 67 68 D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 une étoile bien brillante et photographiez-la. Ensuite, dans le mode lecture de l’APN, grossissez au maximum l’image obtenue précédemment. Pour garantir une image nette, il faut que l’étoile soit la plus « ronde » possible. Recommencez l’opération autant que nécessaire car le bon résultat final de l’expérience en dépend ! – déclenchez en notant l’heure ; – pendant toute la durée de la pose, prenez garde à ce qu’aucune lumière ne soit allumée à proximité et ne touchez plus à l’installation. Evitez même de marcher, les vibrations produites par vos pas altéreraient inéluctablement l’acquisition de l’image ; – après une pose de 20 minutes minimum, refermez l’obturateur. FIGURE 5 Photographie du mouvement diurne, prise en très longue pose. © S. Fontaine. Expérimentation Le mouvement diurne peut donc facilement être observé mais il peut également être mis en évidence par l’utilisation de la photographie. Appareils argentiques ou numériques dotés d’un mode « longue pose », ou pose « B », donnent des résultats très intéressants. Après avoir installé l’appareil photo sur un pied bien stable (fig. 4), visez la direction de l’Étoile polaire et conformez-vous aux instructions suivantes : – placer le déclencheur souple ou programmer le minuteur ; – réglez la netteté à l’infini. Si vous disposez d’un appareil photo numérique (APN), visez Résultats Après un temps de pose de plusieurs dizaines de minutes, toutes les étoiles se sont déplacées autour de l’Étoile polaire et ont tracé des arcs de cercle centrés sur le pôle Nord céleste (fig. 5). On peut chercher à reconnaître les constellations. Pour ce faire, posez un calque sur la photographie et notez la position des étoiles les plus brillantes au début de la pose. Ce type de cliché porte le nom de filé d’étoiles. Le filé sera d’autant plus grand que la pose sera longue. En choisissant judicieusement un premier plan, vous pourrez aussi composer une image très esthétique. D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 > Observation 2 Découvrir les couleurs des étoiles Une fois vos yeux correctement accoutumés à l’obscurité, regardez très attentivement les étoiles les plus éclatantes. Que voir ? Dans de bonnes conditions d’observations, et à l’œil nu, on remarquera que les étoiles ne sont pas toutes blanches. En effet, de la même manière que le Soleil est jaune, d’autres étoiles sont rouges, orange ou bleues. Seules les étoiles les plus brillantes offrent leur couleur à l’observateur. Avec une paire de jumelles, ce sont des milliers d’étoiles qui, à leur tour, révèlent leur teinte (fig. 6). Interprétation La couleur d’une étoile est directement liée à sa température de surface. À l’inverse des codes de couleur des robinets, les étoiles bleues sont les plus chaudes, au moins 10 000 °C, tandis que les étoiles rouges sont les moins chaudes, 3 000 °C environ. Les étoiles jaunes comme le Soleil, avec une couleur intermédiaire entre le bleu et le rouge, ont une température de surface également intermédiaire de 6 000 °C environ. Là encore, une méthode photographique simple permet de bien mettre en évidence cet état de fait. Expérimentation Après avoir installé votre dispositif de même que pour l’expérience précédente, pointez l’appareil photo en direction de l’étoile Antarès, dans la constellation du Scorpion (fig. 3). Si possible en zoomant, effectuez à nouveau une longue pose pour mettre en évidence le mouvement apparent des astres. Si vous disposez d’un APN, choisissez la sensibilité numérique la plus forte (800 ou 1 600 ISO) et procédez à des temps de poses plus courts que précédemment (de l’ordre d’une FIGURE 6 Les étoiles n’ont pas toutes la même couleur. Sur ce filé d’étoiles, certaines apparaissent blanches, d’autres jaunes ou bleues. © S. Fontaine. vingtaine de secondes) mais en défocalisant. C’est-à-dire en prenant délibérément une image « floue » des étoiles. Procédez à ces mêmes opérations sur l’étoile Véga, dans la constellation de la Lyre (fig. 2). Résultats Sur les « filés d’étoiles » et les images « floues », la couleur des étoiles apparaît nettement. Antarès est rouge et Véga est bleue. Attention, toutefois car la couleur bleue est difficile à voir à l’œil nu et délicate à rendre compte sur une photographie. En effet, notre œil n’est pas très sensible à cette couleur et la saturation est vite atteinte en photographie, ce qui a pour conséquence de donner une image blanche de l’étoile. Cependant, avec un peu d’entraînement, ces deux méthodes rendent bien compte des colorations stellaires. 69 70 D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 > Observation 3 Des étoiles filantes par milliers Toute l’année, l’observation d’étoiles filantes est possible. Mais, à certains moments, ce sont de véritables pluies qui s’abattent sur la planète. Nul besoin de parapluie pour en profiter et encore moins de jumelles ou de télescope. C’est à l’œil nu que le spectacle est le plus merveilleux. Que voir ? Les étoiles filantes apparaissent comme de fugitives traînées lumineuses (fig. 7). Avec un peu de patience et de chance, vous aurez l’oc- FIGURE 7 casion d’en compter jusqu’à plusieurs Pluie d’étoiles filantes. dizaines par minute. Le phénomène ne dure Les météorites paraissent émaner d’un même point qu’une fraction de seconde. Mais les plus bril- appelé « radiant ». © Palais de la découverte. lantes peuvent être admirées pendant plusieurs secondes, laissant derrière elles une du mois d’août. Cette année, le moment le traînée persistante (de quelques secondes à plus favorable pour observer les Léonides est quelques dizaines de secondes). prévu dans la nuit du 17 novembre. Toutes ces poussières proviennent de la comète 109 P Interprétation Swift-Tuttle. Le nom de ces pluies d’étoiles Contrairement à ce que laisse supposer leur filantes provient de la région du ciel d’où nom, les étoiles filantes ne sont pas des semblent venir ces astres rapides (fig. 7). Les étoiles. Encore moins des cadavres d’étoiles étoiles filantes des Perséides semblent ainsi nous tombant dessus, comme on l’entend sou- venir de la constellation de Persée. vent dire ! Dans sa course autour du Soleil, la Terre croise sur son orbite des poussières et Expérimentation autres « pierres ». Lorsque l’une d’entre elles Pour réaliser cette expérience dans de pénètre dans l’atmosphère, elle se consume. bonnes conditions, il faut s’assurer de se trouTotalement ou partiellement. Lorsqu’une de ver sur un site très sombre avec un ciel sans Installez-vous confortablement. ces pierres extraterrestres touche le sol, on Lune. parle alors de météorite. Attirés par la Terre, Chaises longues, transats et autres couvertures ces corps peuvent nous foncer dessus jusqu’à sont de rigueur pour cette observation. Soyez la vitesse de 100 km/s ! À cette vitesse, le attentifs et révisez vos constellations (fig. 1 à frottement contre l’air est si fort que la 3) en attendant de faire des vœux. Quant aux matière s’échauffe brutalement jusqu’à s’illu- résultats, c’est à vous de juger. miner. Régulièrement, la Terre croise sur son orbite des régions riches en poussières (la plu- En bonus part du temps laissées par une comète de pas- Pendant que vous scruterez le ciel à la sage). De ces rencontres naissent les pluies recherche d’étoiles filantes, vous serez cerd’étoiles filantes. Les plus remarquables sont tainement amené à remarquer la présence de celles des Quadrantides (début janvier), des points semblables à des étoiles assez brilÉta Aquarides (de fin avril à mi-mai), des lantes, se promenant dans les constellations Léonides, des Géminides (autour du 14 pour disparaître subitement avant de toucher décembre) et, bien sûr, des célèbres Perséides l’horizon. Il s’agira très probablement de D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 satellites artificiels. Ils sont des centaines à tourner autour de la Terre et sont très remarquables en raison de leur éclat et de leur curieuse traversée céleste. Si vous en repérez, dirigez-vous vers ce site : www.obsat.com, afin de connaître l’origine et l’objectif du satellite. Mais ne vous trompez pas d’interprétation quant à leur éclat. C’est le Soleil qui les éclaire et non pas un dispositif lumineux qui leur serait propre. Lorsqu’un satellite disparaît du ciel alors qu’il se trouve encore haut, c’est qu’il passe dans l’ombre de la Terre. La Station spatiale internationale (ISS) est, elle aussi, fréquemment visible au-dessus de la France comme un point étonnamment brillant. Mais comment savoir si ce que vous observez est bien l'ISS ? Si vous allez sur la page http://esa.heavens-above.com/esa/iss_ step1.asp, qui vous indique où se trouve l'ISS au moment précis où vous allez sur le site, vous saurez au moins si elle se trouve audessus de la France ! > Observation 4 Mouvements et phases de la Lune La Lune, l’astre le plus proche de la Terre, est bien changeant : parfois visible ou invisible, parfois pleine ou sous la forme d’un croissant visible le matin, ou le soir. Comment expliquer ces changements d’aspect et de position ? L’observation de ces phénomènes peut apporter des éléments de réponse. Alors, observons ! a) Que voir ? Le principe de cette expérience est d’observer régulièrement la Lune sur un mois entier. L’idéal consiste à noter l’heure de l’ob- b) servation, l’aspect et éventuellement la position par rapport aux étoiles de notre satellite. L’utilisation de la photographie est conseillée. Pour vos repérages, vous pouvez vous aider d’un calendrier précisant les phases de la Lune. Pour information, voici les dates des phases les plus remarquables pour le mois de septembre : 04 septembre : DQ (Dernier Quartier), 11 septembre : NL (Nouvelle Lune), 19 septembre : PQ (Premier Quartier), FIGURE 8A) et B) 26 septembre : PL (Pleine Lune), Photographies du déplacement de la lune 03 octobre : DQ Dernier Quartier). On peut rapidement mettre en évidence le devant les étoiles. © S. Fontaine. mouvement de la Lune en notant sa position par rapport à des repères fixes comme les étoiles (fig. 8). La Lune tourne autour de la Terre. L’intervalle moyen entre deux retours consécutifs de la Lune devant une même 71 72 D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 Lumière solaire Nouvelle lune Croissant du soir Croissant du matin 1 2 Premier quartier 8 3 Dernier quartier 7 4 6 5 Lune gibbeuse Lune gibbeuse Pleine lune 1 2 3 4 FIGURE 9 La Lune, telle qu’on la voit de la Terre. Lorsque la Lune est dans la direction du Soleil, c’est la Nouvelle Lune. Le satellite présente à la Terre sa partie non éclairée. Elle est invisible dans le ciel. À mesure que la Lune va tourner autour de la Terre, sa partie éclairée va apparaître de plus en plus, comme un fin croissant qui va « s’épaissir ». Environ une semaine après la Nouvelle Lune, c’est le Premier Quartier. La Lune se trouve à 90° du Soleil ; elle se lève en milieu de journée, culmine vers le coucher du Soleil et se couche en milieu de nuit. Puis la Lune devient gibbeuse (bossue) jusqu’à la Pleine Lune. La Lune se trouve alors à l’opposé du 5 6 7 8 Soleil (par rapport à la Terre). Elle nous présente entièrement sa partie éclairée et est toute « ronde » dans le ciel. Elle brille toute la nuit, se lève au coucher du Soleil et se couche à son lever. C’est le moment le plus défavorable pour observer le ciel. La lumière engendrée par une Pleine Lune est suffisante pour lire un livre ! Autant dire que notre satellite devient alors une source de pollution lumineuse très gênante. Passée cette phase, la Lune décroît jusqu’à la Nouvelle Lune en passant par le Dernier Quartier. Lors de cette phase, la Lune se lève en milieu de nuit, culmine au lever du Soleil et se couche vers le milieu de la journée. D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 Soleil 27,3 j 29,5 j FIGURE 10 Différence entre révolution sidérale (27,3 j.) et révolution synodique (29,5 j.). Pendant que la Lune tourne autour de la Terre, la Terre tourne autour du Soleil. Donc, si la Lune revient à une position précise de son orbite au bout de 27 jours et 8 heures (1 et 2), il faut qu'elle tourne encore un peu pour être dans la même position par rapport à la Terre et au Soleil (3). 3 Terre Pleine lune 2 Pleine lune 1 Vers l'étoile Vers l'étoile Terre Pénombre Soleil Ombre Orbite de la lune FIGURE 11 Principe de l’éclipse de Lune. Il y a éclipse de Lune lorsque la Lune passe dans le cône d'ombre qu'engendre la Terre en tournant autour du Soleil. 73 74 D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 étoile vaut 27 jours 7 heures et 43 minutes. C’est la révolution sidérale. Chaque jour, elle se décale par rapport aux étoiles d’environ 13 ° vers l’est. Ce déplacement important est donc facile à mettre en évidence. De plus, en l’espace de seulement une heure d’observation, la Lune se décale de l’équivalent de son diamètre. Vérifiez-le en vous référant à une étoile bien brillante. La Lune est éclairée par le Soleil. D’un côté, il y fait jour, de l’autre, il y fait nuit. À mesure qu’elle va tourner autour de la Terre, sa position va donc changer dans le ciel. Et elle va traverser chacune des 13 constellations du zodiaque (Ophiuchus vient s’ajouter aux 12 signes du zodiaque, nom de la bande du ciel où vont s’observer les principaux corps du système solaire et qui est situé dans le prolongement du plan de l’écliptique). Depuis la Terre, elle va présenter différentes phases (fig. 9). En effet, la partie de la Lune éclairée par le Soleil est plus ou moins orientée vers la Terre. C’est la progression de ces change- ments d’aspect que l’on appelle les phases de la Lune. Un cycle complet, la lunaison, dure environ 29 jours 12 heures et 44 minutes. C’est la révolution synodique, qui correspond à l’intervalle moyen de temps entre, par exemple, deux Pleines Lunes successives. La différence entre révolution sidérale et révolution synodique s’explique par le mouvement de la Lune autour de la Terre, combiné au mouvement de la Terre autour du Soleil (fig. 10). Au cours de ces observations, vous constaterez que si la Lune est par exemple visible le soir, elle se lève environ 50 minutes plus tard le lendemain. Si ces observations sont sérieusement réalisées, vous constaterez également la différence entre révolution sidérale et révolution synodique. Notez enfin que la Lune est souvent parfaitement visible en plein jour. La régularité des phases de la Lune ont permis la création des premiers calendriers, dont certains sont toujours en usage aujourd’hui, tel le calendrier musulman. > Observation 5 Mesurer la distance de la Terre à la Lune Un peu d'histoire La première estimation de la distance Terre-Lune a été faite par Aristarque de Samos (vers 310-230 av. J.-C.). Sa méthode ne donnait pas de résultat en terme de valeurs absolues mais sous forme de proportion. Ainsi, il avait calculé une distance TerreLune d’environ 60 rayons terrestres. Vers 200 av. J.-C, Ératosthène proposa une valeur du diamètre de la Terre à partir de la mesure de sa circonférence (ce qui sous-entend que les astronomes de l'époque pensaient que la Terre était ronde, ce qui ne sera pas forcément le cas par la suite !). Il savait qu’au solstice de juin, à midi, le Soleil se trouvait directement au-dessus de la ville de Syène (dans le sud de l’Égypte, l’actuelle Assouan). L’histoire raconte que les rayons du Soleil parvenaient à toucher le fond d’un puits étroit et profond. En revanche, observé le même jour, à midi, mais à Alexandrie (dans le nord de l’Égypte), le Soleil ne se trouvait pas au zénith de la ville. Les objets projetaient une ombre. Ératosthène mesura l’ombre d’un obélisque à Alexandrie et calcula que les rayons du Soleil tombaient à un angle de 7° par rapport à la verticale. Il supposa que le Soleil était assez éloigné de la Terre pour que l’on puisse considérer que les rayons qui tombent à Alexandrie sont parallèles à ceux qui tombent au même moment à Syène. Si la circonférence de la Terre est de 360°, la distance d’Alexandrie à Syène égale les 7/360 de la circonférence de la Terre. À l’époque d’Ératosthène, cette distance est connue. En unités modernes, elle était estimée à environ D É C O U V E R T E N ° 3 5 0 J U I L . - A O Û T- S E P T. 2 0 0 7 820 kilomètres. Tous les éléments ont ainsi été réunis pour mesurer la taille de la Terre ! 820 x 360/7 = 42 000 kilomètres. La valeur réelle est proche de 40 000 kilomètres, ce qui représente un écart d’à peine 5%! Un demi-siècle plus tard, Hipparque réussit un autre exploit remarquable. Il mesura la distance de la Terre à la Lune. Son génie a été de comprendre que la durée d’une éclipse de Lune (fig. 11) est directement liée à la distance qui la sépare de la Terre. De plus, il connaissait la durée de la révolution synodique de notre satellite (29,5 jours environ, soit 708 heures) et avait estimé que les éclipses de Lune les plus longues duraient 2,5 heures. Ainsi, les éclipses les plus longues occupent 0,35 % (2,5/708) du temps d’une révolution complète de la Lune. À partir de ces connaissances, Hipparque déduisit que, pour que l’éclipse représente 0,35 % de l’orbite, il fallait que la Lune soit à une distance correspondant à 32,5 diamètres terrestres (en réalité la Lune se situe à une distance de 30 diamètres terrestres). S’appuyant sur les travaux d’Ératosthène, Hipparque détermina la distance Terre-Lune avec une marge d’erreur de moins de 10 %. Expérimentation Un soir de Pleine Lune, disposez sur une pique ou un poteau une balle de ping-pong. En prenant du recul, placez-vous à la distance depuis laquelle la balle cache exactement la Lune et mesurez votre distance à la balle. Pour déduire la distance Terre-Lune à partir de cette expérience, les données nécessaires sont en votre possession. Résultat Si votre balle de ping-pong a un diamètre de 4 centimètres (0,04 mètres), elle sera placée à 4,6 mètres de vous pour paraître aussi grosse que la Lune. Le rapport distance/taille vaudra 4,6/0,04 = 115. Il en sera de même pour la Lune dont la distance à la Terre vaudra 115 fois son diamètre réel, soit 3 476 kilomètres (valeur moderne) multiplié par 115. Soit une distance de 400 000 kilomètres environ. De la même façon, en pleine journée, l’om- bre de la balle se projette à la même distance de 4,6 mètres. Ce qui montre que, vus depuis la Terre, la Lune et le Soleil ont un même diamètre apparent et cela rend de ce fait possible le phénomène des éclipses totales de Soleil. Cependant, les distances Terre-Lune et Terre-Soleil varient. Les diamètres apparents varient donc également. Ainsi, la Lune semble parfois trop petite pour masquer totalement notre étoile. Elle laisse visible un anneau de Soleil (éclipse annulaire de Soleil). Remarquez que l’on ne trouve pas toujours la valeur 115 selon que la Lune se trouve au périgée ou à l’apogée : la distance Terre-Lune varie de 356 000 kilomètres à 407 000 kilomètres. De nos jours, c’est quotidiennement que cette distance est mesurée précisément. Grâce aux tirs laser effectués depuis plusieurs observatoires sur les réflecteurs disposés par les astronautes des missions Apollo, la précision est désormais de l’ordre du centimètre. Conclusion Nombreuses sont les étoiles et les planètes à observer toute l'année. Même si vous ne partez pas en vacances loin des agglomérations, rien ne vous empêche de mettre en pratique l’essentiel des conseils et suggestions d’observations précédentes. Souvent, les meilleurs souvenirs que l’on garde d’une soirée d’observation sont liés aux imprévus et aux heures de contemplation, ou de débat, que le regard porté sur les astres suscite. Repérer les planètes du soir, dans les dernières lueurs du crépuscule, est un moment émouvant à vivre. Et nul besoin d’être un grand connaisseur des choses du ciel pour le faire ! S. F. 4 Médiateur scientifique au département d’astronomie-d’astrophysique du Palais de la découverte, Sébastien Fontaine est observateur associé à l’observatoire du pic du Midi. Il coordonne régulièrement des expositions scientifiques à l’étranger. 75