le dossier pédagogique collèges et lycées
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le dossier pédagogique collèges et lycées
17 octobre 2008 21 ème Journée mondiale du refus de la misère Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations Contacts : ATD Quart Monde, secrétariat 17 octobre, 33 rue Bergère, 75009 Paris Internet : www.oct17.org - Mail : [email protected] Ce dossier, réalisé pour l'année scolaire 2008-2009, est diffusé avec le soutien du ministère de l'Éducation nationale. Il est aussi diffusé par le CIDEM, dans le cadre de parcours civiques d'éducation à la citoyenneté (www.cidem.org) SOMMAIRE Ce dossier pédagogique comprend trois parties : Partie 1 - Réfléchir à la pauvreté et à l’exclusion avec les élèves des collèges et lycées ? ......................................3 à 13 (une autre version existe pour les écoles, les enfants jusque 12 ans) (10 pages) Î Titre I - Origine et sens de cette journée du 17 octobre ...................................... 3 à 6 Î Titre II - Pourquoi, comment parler de pauvreté, de misère, d’exclusion ? ........ 7 à 11 Î Titre III - Témoignages d’actions de solidarité menées en lycée ...................... 12 à 13 Partie 2 - Documents pour la classe (24 pages) : ........................................14 à 39 Î Dossier 1 : textes choisis, et questions pour les analyser, argumenter ............ 14 à 34 Î Dossier 2 : Quelques aspects socio-économiques de la pauvreté. ..................35 à 39 Partie 3 - Bibliographie (5 pages) ................................................................40 à 43 Î Quelques suggestions de journaux, livres, chansons, films, adaptées selon les âges des jeunes, ou pour les enseignants et parents. ............40 à 43 C E DOSSIER PÉDAGOGIQUE s’adresse aux enseignants, aux éducateurs, aux animateurs de jeunes, à la communauté éducative toute entière, pour qu’ils aident les enfants et les jeunes à découvrir les valeurs de fraternité, de solidarité, en refusant, à leur niveau, la misère et l’exclusion, en agissant pour que tous les enfants et jeunes soient respectés, réussissent leur scolarité et puissent ainsi trouver, demain, une place utile dans leur pays, en donnant le meilleur d’eux-mêmes. Pour en savoir plus… Ce dossier pédagogique est en ligne sur le site : www.oct17.org rubrique « ce que je peux faire », puis « agir avec les enfants et les jeunes ». Il peut également être commandé à l’adresse suivante : à ATD Quart Monde 107 avenue du Général Leclerc - 95480 Pierrelaye (4 € port compris). Î Î Le Mouvement Tapori a édité pour les enfants de 7 à 12 ans une mallette pédagogique « Ensemble contre la misère, l’Amitié pour vaincre l’exclusion » qui peut être commandée à l’adresse suivante : 107 avenue du Général Leclerc 95480 Pierrelaye (25 € + 5 € de frais de port). Un dossier destiné aux écoles, pour les enfants de moins de 12 ans, est aussi disponible sous forme imprimée (3,5 € port inclus) et peut être commandé à l’adresse suivante : Tapori 33 rue Bergère 75009 Paris. Il peut aussi être téléchargé gratuitement sur le site : www.oct17.org Î 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -2/44 Partie 1 - Réfléchir à la pauvreté et à l’exclusion avec les élèves des collèges et lycées ? Titre 1 - Origine et sens de cette « Journée mondiale du refus de la misère » Le 17 octobre 1987, des défenseurs des Droits de l’Homme et du Citoyen de tous pays se sont rassemblés sur ce parvis. Ils ont rendu hommage aux victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence. Ils ont affirmé leur conviction que la misère n’est pas fatale. Ils ont proclamé leur solidarité avec ceux qui luttent à travers le monde pour la détruire. Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. Joseph Wresinski Photo d’une célébration devant la Dalle du Trocadéro à Paris, le 17 octobre 1992 en présence de M. Pérez de Cuéllar. Ce texte est gravé sur une dalle, scellée le 17 octobre 1987 par Joseph Wrésinski, fondateur du Mouvement ATD Quart Monde, sur le parvis des droits de l’homme et du citoyen au Trocadéro à Paris, en présence de 100 000 défenseurs des droits de l’homme de tous pays et de toutes conditions. Dans l’esprit de ce premier rassemblement, le 17 octobre 1987, la Journée mondiale du refus de la misère est d’abord une journée à l’honneur des personnes victimes de la misère. Elle doit leur permettre de s’exprimer dans la fierté et la dignité, de mieux se faire comprendre, de faire reconnaître leur refus de la misère. Elle doit être l’occasion, pour tous les citoyens, d’entendre le message de ceux qui vivent la misère, de témoigner et de s’engager avec eux. Chacun a un rôle à jouer pour que les plus exclus puissent exercer leur propre rôle de citoyens. Rompant radicalement avec les comportements d’assistance, la journée du 17 octobre peut être pour les enfants, les jeunes, les adultes qui y participent, un temps de réflexion, d’invention, de rencontre, de solidarité, un vrai rendez-vous civique. Dans sa résolution du 22 décembre 1992, l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu cette journée, et invité les États, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales à organiser des activités nationales pour marquer la journée « en accordant l’attention voulue aux problèmes spécifiques des personnes les plus pauvres ». Depuis 1987, seize répliques de cette dalle ont été posées dans différents pays (Allemagne, Belgique, Burkina Faso, Canada, États-Unis, France, Italie, Philippines, Portugal), invitant les populations à refuser la misère, aux côtés des plus défavorisés. Des personnes de plus en plus nombreuses renouvellent cet engagement, chaque 17 octobre. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -3/44 • L a j o u r n é e d u r e f u s d e l a m i s è r e : u n r e n d e z -vv o u s c i v i q u e pour le respect de l’égale dignité de tous « Tant que les droits fondamentaux ne sont pas effectifs pour certains, la démocratie est menacée et il est insuffisant de vouloir la défendre ; le seul combat à mener consiste à se rassembler pour la faire avancer. » Geneviève de Gaulle-Anthonioz La pauvreté et l’exclusion ont de multiples visages, dans le monde et dans notre pays. Ce n’est pas toujours facile de voir la misère à sa porte et de la comprendre. Un rapport du Conseil Economique et Social, en 1987, a mis des mots sur ces situations : «La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte (...) conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même dans un avenir prévisible. » Les droits fondamentaux sont liés : comment conserver son logement quand on a perdu son travail ? Comment apprendre à l’école dans de bonnes conditions sans logement décent, sans manger à sa faim ? Notre pays a adopté en juillet 1998 une loi d’orientation contre les exclusions qui prend en considération tous les domaines de la vie (logement, emploi, santé, justice, éducation et culture, protection de la famille et de l’enfance). Elle s’est donnée pour ambition de garantir le respect de l’égale dignité de tous, par un accès effectif à l’ensemble des droits fondamentaux. Cette loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions a ouvert une nouvelle étape du combat contre la misère, en affirmant avec force que la reconnaissance de l’égale dignité de tous est le fondement de notre vie ensemble. seulement d’atténuer, de soulager provisoirement, ponctuellement : • Elle atteint la dignité même des personnes qui sont humiliées, car elles ne peuvent plus assumer leurs responsabilités familiales, professionnelles ou sociales, de manière autonome. •Elle isole, coupe de leur communauté les personnes et familles qui vivent dans la misère, Elle risque de devenir permanente, durable, • comme le montre la situation de chômeurs de longue durée et des personnes qui dépendent durablement de l’assistance. Tous perdent progressivement espoir de redevenir autonomes. C’est pourquoi le premier but de cette journée est de rendre espoir et courage aux personnes qui, isolées, n’espèrent plus pouvoir s’en sortir. Faire respecter cette égale dignité partout et pour tous nécessite un nouvel engagement de chacun dans tous les domaines de notre vie sociale (travail, école, vie de quartier, organisations syndicales, politiques, culturelles, religieuses...). Il s’agit d’inventer concrètement ensemble les moyens d’avancer vers une société respectueuse de la dignité de chacun, en reconnaissant comme acteurs indispensables de cette transformation sociale les personnes et familles qui en sont aujourd’hui les plus exclues. Cet engagement civique permettra à chacun de contribuer, à sa mesure, au respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et de préparer, avec la participation de tous, un avenir sans misère. La misère est un vrai scandale, qu’il s’agit d’abolir – comme l’a été l’esclavage – et non 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -4/44 • L e 1 7 o c t o b r e 2 0 0 7 , 2 0 ème a n n i v e r s a i r e de la journée mondiale du refus de la misère Le 17 octobre 2007, cela a fait 20 ans qu'à l'appel de Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart Monde, 100 000 personnes défenseurs des droits de l'homme se sont rassemblés sur le parvis des libertés des droits de l'Homme, au Trocadéro, à Paris. À l'occasion de cet anniversaire, ATD Quart Monde a fait de cette date un important rendez-vous dans la lutte contre la pauvreté. (…) En ce 17 octobre 2007 dans nos têtes et dans nos cœurs se bousculent les noms d'hommes et de femmes, d'enfants de jeunes, de familles qui nous ont précédés, qui n'en pouvaient plus de la honte, de ces regards qui les traversaient, comme s'ils étaient transparents. Le chant qui nous porte ce soir nous unit à leur espérance. Les voix qui nous rejoignent depuis 150 pays, à travers la Déclaration de solidarité : « Refuser la misère, un chemin vers la paix », font apparaître dans la lumière cette chaîne de personnes qui luttent pour la justice et appellent à la fraternité. Chaîne humaine dans laquelle, vous les enfants, vous les jeunes, vous êtes devant… Mais restons vigilants ! L'actualité nous y oblige : « Les droits de l'homme sont violés »… Les forts continuent à décider à la place des faibles, sous prétexte de les protéger…. Osons agir ! Face au changement climatique… Face à la globalisation de l'économie… Dans ce monde passionné de communication… Face aux conflits qui ensanglantent la terre, osons apprendre de celles et de ceux qui, violentés par une vie insupportable, portent en eux une paix que le monde ne connaît pas, une paix bâtie à l'épreuve du pardon…. « S'unir est un devoir sacré » Donnons-nous les moyens de ce défi ! Ne laissons pas le dernier mot à l'assistance et à la dépendance !… En ce 17 octobre 2007, nous réaffirmons avec les artisans de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, notre engagement pour un monde, « où chacun est libre de croire, libéré de la misère et de la terreur ». Nous réaffirmons, avec tous les acteurs de la Déclaration de Solidarité, notre responsabilité pour « un monde riche de tout son monde ». Nous réaffirmons avec les mots de Joseph Wresinski, notre passion pour « un monde où la justice et le coeur seront enfin réconciliés ». Extraits du discours prononcé par Eugen Brand, délégué général du Mouvement international ATD Quart Monde, au Trocadéro, le 17 octobre 2007. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -5/44 S L A M (1) d ’ A m i K a r i m J'voulais écrire un beau texte, plein de bons sentiments Ça parlerait d'un monde meilleur et de rassemblement Des phrases touchantes, de la douceur quelque chose de consensuel Un truc un peu abstrait, comme un joli conte de Noël... Mais maintenant c'est mon stylo qu'a pas été d'accord, Il m'a dit que raconter la misère ça se faisait pas dans le confort Que je devais pas oublier en écrivant au chaud devant l'ordinateur Qu'au bout de ma rue des gens ignoraient, la définition du mot radiateur (...) C'est pas dans un pays lointain, pas besoin de visa ni de passeport Pour découvrir l'exclusion, y a qu'à s'balader gare du Nord Et observer le triste ballet qui se joue sous le panneau des départs Où se croisent sans se regarder, SDF, et voyageurs en Eurostar (...) On est tous au fond de nos cœurs des Martin Luther King, des Gandhi On a tous la place pour recevoir la foi d'un Malcolm X ou d'un Joseph Wresinski Alors combien de temps encore avant qu'on remette les pieds sur terre ? Combien de temps avant qu'on refuse tous la misère ? Je veux plus fermer les yeux, je veux me sentir agressé, Quand au lieu de la faire disparaître, on me parle de la faire régresser, C'est comme si on avait offert aux esclaves noirs d'en libérer 20 % Y a peut-être pas assez de prof d'histoire au sein de nos gouvernements (...) Moi j'voulais écrire un beau texte, plein de bons sentiments, Ca parlerait d'un monde meilleur et de rassemblement, Mais pour écrire autant de courage, y a pas de mots suffisamment forts, Juste une question, pas compliquée... ... mais combien de temps encore ? Trocadéro le 17 octobre 2007, extraits du journal Feuille de Route de novembre 2007 (1) Slam : art d'expression populaire oral, qui se pratique dans les lieux publics sous forme de rencontres et de joutes oratoires. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -6/44 Titre 2 - Pourquoi et comment parler de pauvreté, de misère, d'exclusion, en classe ? C’est une question à laquelle il n’est pas facile de répondre, pour plusieurs raisons : Historiquement, c’est une réalité assez mal connue, car elle a surtout été étudiée de l’extérieur, les personnes vivant ces situations n'ayant que très rarement la possibilité d'exprimer, de décrire ellesmêmes leur situation. Vue de l'extérieur, la pauvreté est surtout décrite en termes de manques, sous un angle essentiellement matériel. Quelle différence existe-t-il entre pauvreté et misère (ou grande pauvreté) ? Vivre modestement peut être un choix de pauvreté, volontaire, et cela n’a alors rien de dégradant. « La misère commence là où sévit la honte », disait le fondateur d’ATD Quart Monde, ayant luimême vécu dans la grande pauvreté. Si certaines personnes, par exemple des personnes qui vivent dans la rue, peuvent donner l’impression de se résigner, d’accepter ce mode de vie, chacun peut cependant percevoir qu’il s’agit là d’une véritable atteinte à leur dignité. C’est aussi une atteinte à la dignité des autres êtres humains, au même titre que l’esclavage, réduisant des hommes à une humiliation extrême, une atteinte à leur dignité. Cette atteinte touche tous les hommes, les uns étant réduits à la misère, les autres tolérant cette misère à leurs côtés. Bien appréhender ces réalités qu’on appelle pauvreté, misère, n’est donc pas facile : elles sont dures pour ceux qui les vivent, mais sont aussi dures à regarder ! D’autant que très peu de personnes peuvent se croire totalement à l’abri de la misère : les maladies, les catastrophes - naturelles ou non les conflits et les guerres, les dégradations de l’environnement, nous l’apprennent, si on se donne la peine de regarder ce qui se passe autour de nous. Ceci ne veut pourtant pas dire que nous serions tous égaux face au risque de se retrouver un jour dans le dénuement le plus total, de se sentir complètement rejeté. Les inégalités ne sont pas réparties au hasard, elles sont aussi le résultat de l’organisation économique et politique, elles peuvent être plus ou moins tolérées, ou au contraire combattues par l’organisation communautaire, politique, sociale, religieuse des pays ou des groupes, à toutes les échelles. La pauvreté dans le monde n’est pas qu’une question « humanitaire », elle concerne aussi et surtout l’organisation politique et économique des sociétés et les valeurs qui les fondent. • Provoquer une recherche et un changement de regard… Dans un esprit de travail volontaire, coopératif, cette recherche pour s’intéresser à la pauvreté depuis l’école, depuis sa classe, est une excellente occasion pour encourager l’initiative des élèves. C’est pourquoi il nous semble beaucoup plus intéressant de ne pas proposer trop vite les réponses et explications, mais plutôt d’éveiller leur curiosité. Pour les jeunes des collèges et lycées, il s’agit de les inviter progressivement à s’intéresser au monde dans lequel nous vivons ? Pourquoi y a-t-il tant d’écart de richesses entre certains pays, dits développés, et d’autres ? Combattre la grande pauvreté, cela implique sans doute de mieux répartir les richesses produites, mais n’est sans doute pas suffisant, car cela ne peut pas se réduire à prendre à ceux qui ont trop pour donner à ceux qui n’ont pas assez. C’est aussi permettre à chacun d’apporter sa contribution, pour ne pas réduire certaines personnes ou groupes à la dépendance, à l’assistance. Toute personne a une valeur, a des qualités, qu’il s’agit de repérer, de mettre en valeur. Il s’agit de chercher à quelle place, dans une classe, un groupe, une entreprise, chacun pourra donner de luimême, et avoir ainsi la fierté d’apporter sa pierre à la communauté. Ainsi, cette recherche sur la grande pauvreté - qui ne semble pas d’emblée quelque chose de facile à travailler, y compris dans une classe - peut devenir un élément fondamental d’une véritable formation à la citoyenneté, en s’attachant à développer ce que chacun peut comprendre par luimême, en lien avec ce qu’il vit concrètement. C’est donc la connaissance du monde dans lequel nous vivons, l’esprit critique et le sens des responsabilités qu’il s'agit d'encourager. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -7/44 Une définition de la grande pauvreté : Pour la première fois, en février 1987, le Conseil économique et social donne une définition de la pauvreté en France, dans son rapport intitulé : « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible. [...] Les propositions (de ce rapport du CES) intéressent directement la population actuellement en grande pauvreté ou menacée par elle, composée par des personnes en âge de travailler, mais le plus souvent sans travail, sans qualification et sans sécurité de ressources minima. Sont pris en compte les parents, les enfants et les jeunes, mais aussi la cellule familiale en tant que telle. La pauvreté est ainsi définie en référence aux droits fondamentaux ; le lien entre les différentes précarités, leur cumul éventuel et leur durée permettent une approche plus juste de la réalité, et donc une meilleure définition des politiques de lutte contre la grande pauvreté. On est d’autant plus pauvre que les manques sont nombreux, touchent plusieurs domaines en même temps. Ces domaines concernent les six droits fondamentaux, dont le respect est une condition pour vivre dignement : 1. les moyens convenables d’existence, en priorité par l’emploi et la formation, 2. le logement, 3. la promotion de la santé et l’accès aux soins, 4. le droit de vivre en famille, 5. l’accès à une égale justice, 6. l’éducation et la culture. Combattre la grande pauvreté et l’exclusion nécessite donc de garantir l’accès simultané à tous ces droits fondamentaux. Mais on « tombe » rarement dans la grande pauvreté par hasard, ceux qui vivent dans la misère ont le plus souvent une longue histoire derrière eux, qui remonte parfois à plusieurs générations. D’où la nécessité de concevoir aussi les moyens de combattre la grande pauvreté et l’exclusion dans la durée. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -8/44 Quelques repères : Il nous semble important de tenir compte de plusieurs orientations pour mener à bien un travail de découverte de la pauvreté : 1. Prendre la réalité dans toutes ses dimensions : la misère est sans doute matérielle, mais elle est aussi une réalité culturelle, et elle implique aussi les relations aux autres, des mécanismes d’exclusion. Lutter contre la misère et l’exclusion ne peut se limiter à soulager ses effets par une aide financière ; il faut agir aussi sur les causes, culturelles, pour que les personnes retrouvent leur autonomie : « Apprendre à pêcher, plutôt que donner du poisson », dit un proverbe chinois. 2. Ne pas se contenter d’un regard extérieur : il nous semble essentiel de chercher à connaître ce que disent et font les personnes qui vivent la pauvreté, pour les associer d’emblée aux recherches de solutions. 3. Ne pas se contenter de rechercher une connaissance lointaine, à l’autre bout du monde. Cela réduirait la possibilité que la prise de conscience débouche sur des engagements concrets. La misère existe aussi à notre porte. Cela n'interdit pas, évidemment, de s'intéresser aussi à ce qui se vit à travers le monde. 4. Provoquer à un changement de regard : face à la misère, la réaction spontanée est de vouloir aider, assister, comme on l’a fait récemment avec les victimes du Tsunami. Combattre vraiment la misère et l’exclusion, cela ne peut pas se réduire à une aide, cela doit viser aussi la participation, la réintégration de ceux qui risquent l’exclusion comme des acteurs, des personnes utiles, qui contribuent au développement de leur pays, notamment par un travail reconnu. 5. Agir dans la durée, ne pas se contenter de solutions ponctuelles. Pour plus d’informations : quelques pistes de recherches : Par internet, notamment, les élèves de collèges et lycées peuvent mener eux-mêmes une recherche pour prendre conscience de ce qu’est la pauvreté, la misère, l’exclusion sociale, en France ou même dans le monde. Voici quelques pistes, non exhaustives : Î L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale : www.cohesionsociale.gouv.fr/presse/breves/rapport-observatoire-national-pauvrete-exclusionsociale-2003-est-paru-736.html Î Voir aussi le Rapport n°4 du Conseil pour l’Emploi, les Revenus et la Cohésion sociale (CERC) intitulé « les enfants pauvres en France », Janvier 2004 : www.cerc.gouv.fr/rapports/rapport4cerc.pdf ou son résumé, en 6 pages : Î Statistiques de l’INSEE : www.insee.fr/fr/ffc/accueil_ffc.asp - www.cerc.gouv.fr/rapports/sixpages.pdf Î Dossier sur la grande pauvreté et la réussite scolaire sur le site « Eduscol » : www.eduscol.education.fr/D0115/default.htm D’autres sites associatifs existent, il suffit de taper les noms des associations pour obtenir leur adresse internet et mener une recherche, trouver leur manière de présenter la pauvreté. Î Quelques sites associatifs : www.emmaus-international.org - www.secours-catholique.asso.fr www.secourspopulaire.asso.fr - www.ccfd.asso.fr Î Les sites des organisations internationales www.unicef.org et www.unicef-irc.org/cgibin/unicef/Lunga.sql?ProductID=467 qui traite de la pauvreté des enfants en perspective: Vue d’ensemble du bien-être des enfants dans les pays riches (rapport 2007) Î Ceux de certains médias, peuvent aussi apporter des informations utiles. Par exemple, Le Monde diplomatique donne des informations sur la pauvreté dans le monde : www.monde-diplomatique.fr/cartes/pauvreteindimdv51 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -9/44 Donner la parole à ceux qui vivent la grande pauvreté : La pauvreté peut être définie en termes économiques, politiques ou encore sociologiques. Mais parce que les chiffres ne disent rien des souffrances, les meilleures définitions de la pauvreté sont celles des personnes qui vivent dans les difficultés. Témoignages : « La pauvreté, c’est… » On ne veut plus être pauvres « La pauvreté, c’est pas seulement dans les poches, c’est dans la tête. » « La misère, c’est quand tu ne sais pas comment fonctionne le monde, un peu comme si tu étais hors du monde. » « La pauvreté, c’est avoir les mêmes rêves que tout le monde pour l’avenir, mais aucun moyen de les réaliser sur terre. » « La pauvreté, c’est devoir mieux me comporter avec mes gosses que quiconque, parce que quelqu’un m’observe. » « La pauvreté, c’est marcher partout, tout le temps, par tous les temps. » « La pauvreté, c’est être traité comme rien, moins que rien, et l’accepter. » « Héberger quelqu’un, c’est interdit. Mais les familles disent souvent : on ne peut pas laisser un chien dehors, on ne laisse personne dehors ! » « La pauvreté, c’est garder ses secrets, devoir dire des mensonges et faire semblant. » « La pauvreté, c’est avoir besoin d’aide, mais avoir trop peur d’être jugée comme une mère incapable pour la demander. » « La pauvreté, c’est raconter toute ma vie, encore et encore, simplement pour obtenir ce à quoi j’ai droit. » « La pauvreté, c’est que chacun pense avoir le droit de dire son opinion à mon sujet, simple-ment parce que je demande un peu d’aide. » « La pauvreté, c’est ne pas avoir une seule personne à qui parler qui ne soit payée pour m’écouter. » « Dans le fait d’être pauvre, le pire, c’est de regarder la vie passer et de ne jamais être dedans. C’est difficile, car même si on fait des efforts pour être dedans, on n’y arrive pas. On ne veut pas de nous. » « Le plus dur, quand on est pauvre, ce n’est pas de ne pas avoir de sous, c’est de ne pas être reconnu, c’est de ne pas avoir de place dans la société. » (Extrait du journal « Résistances », publié à l’occasion du 17 octobre 2004) 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -10/44 Cette présentation de la pauvreté, de la misère, telle qu’elle est ressentie par ceux qui la vivent, montre à l’évidence que leur perception est très différente de celle que d’autres peuvent avoir, de l’extérieur. La grande pauvreté n’est pas seulement une question de manques matériels, de privations, elle s’exprime aussi par d’autres sentiments : « Nous sommes perçus comme des êtres différents. Nous nous sentons nous-mêmes différents. Porter les vêtements des autres, offrir des jouets d’occasion à ses enfants, ne pas pouvoir leur donner d’argent de poche... » Si certains peuvent accepter, voire même choisir d’être pauvre (choix philosophique ou religieux), personne ne peut choisir d’être dans la misère, car c’est la dignité même de la personne qui est alors atteinte, bafouée. L’attente, l’aspiration de celui qui connaît la misère, est de se sentir respecté par les autres. Etre respecté, ce n’est pas seulement être aidé, assisté, c’est être reconnu utile, capable d’apporter quelque chose aux autres. Une expression caractéristique de la plus grande misère est de se sentir « bon à rien ». C’est par exemple ce que ressentent des parents auxquels on retire leurs enfants, à cause de la misère dans laquelle ils vivent. Cela est ressenti comme la négation de leur capacité à élever eux-mêmes leurs enfants, d’être considérés comme de vrais parents, qui aiment leurs enfants, malgré la misère que toute la famille vit ensemble. C’est pourtant une aspiration essentielle des familles qui vivent la misère : « Que nos enfants ne vivent pas la misère que nous avons vécue ». La honte, le regard des autres, font que les personnes qui vivent la grande pauvreté ressentent de la part des autres un jugement : « S’ils sont dans la misère, c’est parce qu’ils le veulent bien ! » Ceci conduit souvent à un très grand isolement des plus défavorisés, qui compro-met gravement leurs espoirs de s’en sortir. Dans le contexte du collège ou du lycée, de nombreux signes, matériels ou culturels, peuvent retenir l’attention de l’enseignant : les habits, le comportement avec l’argent, la nourriture, les questions d’hygiène, de santé, mais aussi le langage, l’isolement. Les relations que les enfants ont entre eux sont aussi des signes à observer, qui révèlent la plus grande fragilité de certains : les moqueries et insultes révèlent souvent des situations d’exclusion. Un jeune qui se fait humilier par d’autres, à l’école, sera de plus perturbé dans son travail scolaire. Le jeune a besoin de ressentir un respect envers son milieu et sa famille. Certes, la première demande des parents est que l’enseignant « ne fasse pas de différences ». Ceci ne doit pas empêcher l’enseignant de prêter une attention particulière à chacun. Cette attention lui permettra d’apprendre du jeune ce que celuici vit, ressent à l’école, monde qui peut être très différent de son milieu familial. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -11/44 Titre 3 - Témoignages d'actions de solidarité menées en lycée Au collège Louis Aragon de Mably (environs de Roanne), les droits de l'homme sont une matière vivante. La place située aux abords porte ce nom et, chaque jour, les élèves y côtoient la plaque portant le message de la dalle du Trocadéro souhaitée par la municipalité pour valoriser la mobilisation de l'établissement lors du dernier 17 octobre. Pour l'inauguration, le 17 décembre 2007, les 470 élèves ont entendu leur proviseur évoquer « un droit fondamental de l'homme, celui de vivre dans la dignité ». Dans ce collège où le soutien en situation de handicap physique par leurs camarades s'organise spontanément, on essaie d'avoir « un regard différent sur la différence ». Avec 70 % des élèves issus de familles en grande précarité, la lutte contre l'exclusion n'est pas de la théorie. Même si « c'est délicat d'en parler », témoigne Madame P. enseignante en lettres. « On donne à ces jeunes l'occasion d'avoir une réflexion sur les problèmes de société qui les concernent. C'est notre rôle », explique Madame V. qui a consacré, en section d'UPI (1), près d'une douzaine de séances à cette sensibilisation au refus de la misère : travail sur internet, réflexion en rédaction collective d'une poésie d'après le texte d'Eluard « Liberté ». « Ces ado qui vivent au quotidien la souffrance ont une révolte intérieure. Ils ne sont pas du tout blasés et ont été valorisés par la cérémonie », affirme l'enseignante. « Ils m'ont surpris par leur implication. La citoyenneté ne s'apprend pas que dans les livres. On a exprimé la lutte contre la misère avec du beau », ajoute Monsieur B. de SEGPA. Et Monsieur R. proviseur d'ajouter : « Nous avons le souci de la réussite de tous. Beaucoup de nos élèves ont besoin que leur présence à l'école fasse sens. Nous saisissons ces occasions pour leur ouvrir l'esprit, en essayant que ce soit pour eux des moments agréables. Nous voulons en faire des citoyens éclairés capables d'analyses, de critiques et leur permettre de voir qu'ensemble on est plus fort, on peut convaincre » Dans la rue A la tribune de l'ONU Aux oreilles des Présidents Je crie ton nom... Dans les restos de mon cœur Dans les restos de l'honneur Sur la table bien garnie Je crie ton nom... Dans l'enfer de mon corps Où mon esprit n'est pas d'accord Dans la haine d'être dehors Je crie ton nom... Sur mon cahier d'écolier Dans les classes d'exclusion Sur les bancs de l'humiliation Je crie ton nom... Dans la démolition de ma maison Dans les gravats de mes illusions Bulldozers obus de guerre Destruction Je crie ton nom... Et ce jour du 17 octobre Je suis là pour te détruire Autant que tu détruis la vie Je suis né pour te repousser Pour te combattre PAUVRETÉ Texte écrit par Ophélie, Kevin, Morgan, élèves en 3ème UPI. D'après un poème de Paul Eluard : Liberté. (1) (Unité pédagogique d'intégration). 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -12/44 « Etre utiles » au lycée Pasteur de la Grand Combe près d'Alès « Ça me transporte la foi que ces jeunes mettent dans leurs projets. Ils s'investissent dans des associations sur des sujets très lourds. Ils prennent tout en pleine figure avec une énorme envie de passer le message aux autres, de manière interactive. Nous, enseignants, ça nous aide dans notre pratique et ainsi on forme des gens actifs », se réjouit Madame L., sous-directrice du lycée privé professionnel Pasteur de La Grand Combe, près d'Alés. Dans cette ancienne région minière éprouvée par le chômage, un BAC professionnel a été ouvert il y a deux ans, seul de sa spécialité dans le Gard. Ce BAC « Services de proximité et vie locale » est adapté aux demandes des collectivités publiques et des associations dans deux domaines : l'aide et le soutien à l'intégration et la médiation au cœur d'espaces ouverts au public. Les élèves sont donc sensibilisés à toutes les manifestations à destination de publics en difficulté : semaine contre le racisme, téléthon, journée contre le sida et, bien sûr, Journée mondiale du refus de la misère. Deux élèves ont été épaulées dans le cadre de leur stage d'école par le groupe local d'Atd Quart Monde, trois semaines l'an dernier, six cette année. En 2007, Camille a étudié des documents du Mouvement et participé à une bibliothèque de rue (1) avec des familles du voyage semi-nomades. En ce moment, elle réfléchit sur un projet d'infrastructure souple et itinérante pour continuer les lectures en cas d'intempéries. Prescillia, elle, s'est engagée en 2007 dans un réseau santé et une radio. Investie également en bibliothèque de rue, elle doit, en plus, soutenir une personne en recherche de logement ainsi que des clandestins pour la régularisation de leurs contrats de travail et de leurs papiers. A 20 et 18 ans, les voilà confrontées en direct à la lutte contre l'exclusion, avec un intense sentiment d'être "utiles". Le 17 octobre 2007, organisatrices de la journée au lycée, elles ont communiqué leur enthousiasme à leurs camarades. Faire comprendre que « les associations fonctionnent en réseau » et développer l'idée que le travail social consistera de plus en plus à « aider les gens à monter des projets » ; voilà ce qui motive leur accompagnateur d'ATD Quart Monde, Joël P. Cet ex-enseignant apprécie la démarche menée à Pasteur : considérer l'élève comme un citoyen. (1) échange avec des enfants autour du livre dans leur quartier Lycée Jean Monnet de Franconville : Tout un établissement sensibilisé à l'extrême pauvreté Depuis 2005, Madame D. professeur de Français a eu l'idée de travailler à partir de programmes de seconde sur « l'Altérité ». Partie de livre « Grâce et dénuement » d'A.Ferney, elle élargit son projet à l'extrême pauvreté avec trois collègues. Elle fait visionner à sa classe le film « Dites-leur que nous nous sommes battus » et reçoit toute une matinée Bernard Jarhling qui présente son livre « Pierre d'homme ». C'est le choc pour ses 32 élèves de 15-16 ans sauf pour E. qui peut enfin parler à ses camarades de sa famille, des gens du voyage sédentarisés. Forte de son succès, Madame D. voit plus large l'année suivante : une journée entière, le 20 mars 2007, avec cinq associations, 44 enseignants concernés et 600 élèves sur le thème « La misère estelle une fatalité ? ». Les jeunes présentent sur des panneaux leurs travaux consacrés à ce thème et B.Jarhling revient avec G.Lecointe, un autre militant Quart Monde. Nouvelle richesse des échanges : « On ne dialogue pas avec sa télé », commente Madame D. ; pour qui ces face à face valent tous les reportages. A la rentrée 2007, retour au micro-projet : la réalisation de banderoles pour participer à la Journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre. Parmi les productions ce texte : « (...) C'est en rencontrant des étrangers, des inconnus … qu'on forme un couple, une famille, un groupe, une nation… On est tous l'étranger de quelqu'un. Mais on est aussi tous citoyens du monde ! ». Si mes élèves réussissent au Bac, bien sûr je suis contente. Mais si j'arrive à en faire des citoyens, c'est encore mieux », témoigne leur professeur de Français devenue depuis, alliée d'ATD Quart Monde. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -13/44 Partie 2 - Documents pour la classe Cette partie propose aux enseignants des collèges et lycées des outils leur permettant de mener à bien avec leurs élèves une réflexion sur le problème de la grande pauvreté et de l'exclusion, dans le cadre de travaux de préférence interdisciplinaires. Cette partie comporte deux dossiers : Dossier 1 - Textes choisis et questions Ensemble de textes suivis d'une première série de questions (analyse ciblée des différents textes, test de connaissances) s'adressant particulièrement aux collégiens. La 2ème série de questions (argumentation) concerne essentiellement les jeunes de lycée. Î Î Î Î Î Î Î Î Î Î Î Î Î Î Î Î Texte 1 : À la gloire du Quart Monde de tous les temps (J.Wresinski) Texte 2 : La pauvreté et les droits de l'homme pendant la Révolution française Texte 3 : « Frère » poème de Serge Ntamack (Cameroun) Texte 4 : « J'ai un rêve » (M.L.King) Texte 5 : Discours sur la misère (V.Hugo, 9 juillet 1849) Texte 6 : Repenser les droits de l'homme (J.Wresinski) Texte 7 : Le cheval d'orgueil (P.J.Hélias) Texte 8 : Le secret de l'espérance (G.de Gaulle-Anthonioz) Texte 9 : « Je continue la lutte » (N.Mandela) Texte 10 : Le savoir le plus profond (E.Morin) Texte 11 : Pierre d'homme (B.Jarhlïng) Texte 12 : « Etre pauvre c'est vivre en dehors de la société » Texte 13 : « Les droits de l'homme sont violés » (P.Bouchet) Texte 14 : L'Epine sous les roses (J.M.Defromont) Questions : Analyse, argumentation Testez vos connaissances Dossier 2 - Quelques aspects socio-économiques de la pauvreté en France et en Europe Î Î Î Î Î 1/ 2/ 3/ 4/ 5/ Peut-on définir la pauvreté ? Revenus et taux de pauvreté Caractéristiques des populations pauvres Devenir scolaire des enfants pauvres La pauvreté en Europe (Pour les plus jeunes, un autre dossier pédagogique adapté aux enfants jusqu'à 12 ans, sur le sens du 17 octobre, est réalisé par Tapori et se trouve aussi, comme ce présent dossier, sur le site du 17 octobre à www.oct17.org, dans la rubrique « agir avec les enfants et les jeunes »). 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -14/44 Fiche 1 Strophes à la gloire du Quart Monde de tous les temps Millions et millions d’enfants, de femmes et de pères qui sont morts de misère et de faim, dont nous sommes les héritiers. Vous qui étiez des vivants, ce n’est pas votre mort que j’évoque aujourd’hui en ce parvis des libertés, des droits de l’homme et du citoyen. C’est de votre vie dont je témoigne. Je témoigne de vous , mères dont les enfants condamnés à la misère, sont de trop en ce monde. Je témoigne de vos enfants tordus par les douleurs de la faim, n’ayant plus de sourire, voulant encore aimer. Je témoigne de ces millions de jeunes qui, sans raison de croire, ni d’exister, cherchent en vain un avenir en ce monde insensé. Je témoigne de vous, pauvres de tous les temps, et encore aujourd’hui, happés par les chemins, fuyant de lieux en lieux, méprisés et honnis. Travailleurs sans métier, écrasés en tout temps par le labeur. Travailleurs dont les mains, en ces jours, ne servent plus à rien. Millions d’hommes, de femmes et d’enfants, dont les coeurs à grands coups battent encore pour lutter, dont l’esprit se révolte contre l’injuste sort qui leur fut imposé, dont le courage exige le droit à l’inestimable dignité. Je témoigne de vous, enfants, femmes et hommes qui ne voulez pas maudire, mais aimer et prier, travailler et vous unir pour que naisse une terre solidaire. une terre, notre terre, où tout homme aurait mis le meilleur de lui-même avant que de mourir. Je témoigne de vous, hommes, femmes et enfants dont le renom est désormais gravé par le cœur, la main et l’outil sur le marbre de ce parvis des libertés. Je témoigne de vous, pour que les hommes, enfin, tiennent raison à l’homme et refusent à jamais, de la misère, la fatalité. Père Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement ATD Quart Monde, le 17 octobre 1987, sur le parvis des libertés et des droits de l’homme, à Paris. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -15/44 Fiche 2 La pauvreté et les droits de l'homme au moment de la Révolution française Au printemps de l'année 1789, Dufourny de Villiers, qui jouera un rôle important durant la révolution française (il appartiendra notamment au groupe fondateur du Club des Droits de l'Homme, le Club des Cordeliers), s'indigne contre l'exclusion des plus pauvres au sein des Assemblées de districts de Paris, réunies en vue de rédiger les Cahiers de Doléances et d'élire les électeurs représentants des trois Ordres, le Clergé, la Noblesse et le Tiers-état. Le 25 avril 1789, il publie un pamphlet « Cahiers du Quatrième du Quatrième ordre, celui des pauvres journaliers, des infirmes, des indigents, l'ordre sacré des infortunés » afin qu'ils soient reconnus comme de véritables citoyens. Le 26 août 1789, l'assemblée constituante vote la Déclaration des Droits de l'homme. dont l'art 1 stipule que « les hommes naissent libres et égaux en droit » mais dans la pratique de la vie politique qui se met en place, les plus pauvres continuent à être exclus. Notre première constitution, la Constitution de 1791 distingue les citoyens passifs (ceux qui ne payent pas l'équivalent de trois journées de travail d'imposition) et les citoyens actifs. • Dufourny de Villiers, le 25 avril 1789 « (...) Je ne demanderai pas seulement pourquoi il y a tant de malheureux, mais pourquoi ils ne sont pas considérés chez nous comme des hommes, comme des frères, comme des Français... Pourquoi cette classe immense de journaliers, de salariés, de gens non gagés, sur lesquels portent toutes les révolutions physiques, toutes révolutions politiques, cette classe qui a tant de représentations à faire, les seuls qu'on pût peut-être appeler du nom trop véritable, mais avilissant et proscrit de doléances, est-elle rejetée au sein de la Nation ? Pourquoi n'a-t-elle pas de Représentants propres ? Pourquoi cet Ordre qui aux yeux de la grandeur et de l'opulence, n'est que le dernier, le quatrième des Ordres, mais qui aux yeux de l'humanité, aux yeux de la vertu comme aux yeux de la religion, est le premier des ordres, l'Ordre sacré des Infortunés ; pourquoi dis-je cet Ordre, qui n'ayant rien, paye plus, proportionnellement, que tous les autres, est le seul qui, conformément aux anciens usages tyranniques des siècles ignorants et barbares, ne soit pas appelé à l'Assemblée Nationale, et envers lequel le mépris est, j'ose le dire, égal à l'injustice ?... » Extraits de Cahiers du quatrième ordre (1) celui des pauvres journaliers, des Infirmes, des Indigents, l’ordre sacré des Infortunés. Il est question du droit à la subsistance • En 1790, La Rochefoucauld Liancourt président du comité de mendicité affirmait : « On a toujours pensé à faire la charité aux pauvres, et jamais à faire valoir les droits de l'homme pauvre sur la société et ceux de la société sur lui. L'organisation de l'assistance doit être prévue dans la constitution. La bienfaisance publique n'est pas une vertu compatissante, elle est un devoir, elle est la justice. Là où existe une classe d'hommes sans subsistance, là existe la violation des droits de l'humanité. » Il est question du droit à l'éducation pour les enfants, au travail , au secours pour ceux qui ne peuvent travailler à cause de l'invalidité ou la vieillesse. • Barère au nom du comité de Salut public affirmait devant la Convention le 22 mai 1794 le droit des pauvres à la « bienfaisance nationale » « Oui, je parle de leurs droits, parce que dans une démocratie... tout doit tendre à élever le citoyen au-dessus du premier besoin par le travail s'il est valide, par l'éducation s'il est enfant, par le secours s'il est invalide ou dans la vieillesse. » Citations extraites du rapport grande pauvreté et précarité économique et sociale du Conseil économique et social de février 1987. Quant aux droits civils et politiques, si après le coup de force du 10 août 1792 et la chute du Roi, il n'y a plus de distinction entre les citoyens, elle sera rétablie en 1795, il faudra encore longtemps avant de supprimer « le suffrage censitaire » pour le suffrage universel qui n'est encore que masculin. (1) Le mot Quart Monde fait référence aux expressions Quatrième ordre et Tiers Monde signifiant que les plus pauvres du monde entier aspirent à être reconnus comme des citoyens à part entière, et que leur cause doit être entendue. Le Mouvement créé en 1957 par le Père Joseph Wresinski, devient alors ATD Quart Monde. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -16/44 Fiche 3 FRÈRE Ton Ton Ton Ton frère frère frère frère c’est moi a la peau noire a la peau jaune a la peau blanche Ton Ton Ton Ton Ton frère frère frère frère frère c’est moi aux yeux bruns aux yeux bleux aux yeux noirs aux yeux verts Ton frère c’est moi Ton frère abandonné dans les taudis Ton frère qui se meurt dans la rue Ton frère que tu pourchasses dans le klaxon des guerres Ton frère c’est moi Ce frère que tu rejettes et méprises Serge Ntamack (Cameroun) Correspondant du Forum permanent (1) ATD Quart Monde (1) Forum permanent : réseau d’amis d’ATD qui luttent contre la misère dans leur propre pays et par des moyens locaux. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -17/44 Fiche 4 « J’ai un rêve » – « I have a dream » Le 28 août 1963, à Washington, Martin LutherKing, en présence de 250 000 personnes manifestant en faveur des droits civiques, prononce son plus célèbre discours en grande partie improvisé. (...) Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux » Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je rêve que, un jour, l’État du Mississipi luimême, tout brûlant des feux de l’oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice. Martin Luther King Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve ! Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux… un jour, justement en Alabama, les petits garçons et les petites filles noirs, les petits garçons et les petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. (...) Telle est notre espérance. Telle est la foi que je remporterai dans le Sud. Avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans des montagnes de désespoir, un caillou d’espérance. Extraits de l’Autobiographie de Martin Luther King . Textes réunis par Clayborne Carson. (Traduction et notes de Marc Saporta et Michèle Truchan-Saporta). Bayard éditions 2000, réédité en 2008, disponible en libraire. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -18/44 Fiche 5 ... « Discours sur la misère », Victor Hugo à l’Assemblée législative, le 9 juillet 1849 Au lendemain de la révolution de 1848, M. de Melun avait proposé à l’Assemblée législative, de « nommer dans les bureaux une commission de trente membres, pour préparer et examiner les lois relatives à la prévoyance et à l’assistance publique. » Le rapport sur cette proposition fut déposé à la séance du 23 juin 1849. La discussion de cette proposition, le 9 juillet suivant, s’ouvre par le discours de soutien de Victor Hugo dont voici quelques extraits (La proposition de M. de Melun fut votée à l’unanimité.) : (...) Il faut profiter du silence imposé aux passions anarchiques pour donner la parole aux intérêts populaires. Il faut profiter de l’ordre reconquis pour relever le travail, pour créer sur une vaste échelle la préVictor Hugo voyance sociale ; pour substituer à l’aumône qui dégrade, l’assistance qui fortifie. (...) Donner à cette assemblée pour objet principal l’étude du sort des classes souffrantes, c’est-àdire le grand et obscur problème posé par Février, environner cette étude de solennité, tirer de cette étude approfondie toutes les améliorations pratiques et possibles : substituer une grande et unique commission de l’assistance et de la prévoyance publique à toutes les commissions secondaires qui ne voient que le détail et auxquelles l’ensemble échappe ; placer cette commission très haut, de manière à ce qu’on l’aperçoive du pays tout entier ; réunir les lumières éparses, les expériences disséminées, les efforts divergents, les dévouements, les documents, les recherches partielles, les enquêtes locales, toutes les bonnes volontés en travail, et leur créer ici un centre, un centre où aboutiront toutes les idées et d’où rayonneront toutes les solutions ; faire sortir pièce par pièce, loi à loi, mais avec ensemble, avec maturité, des travaux de la législature actuelle le code coordonné et complet, le grand code chrétien de la prévoyance et de l’assistance publique (...). Il y a des détresses très-vives, très-vraies, trèspoignantes, très-guérissables. Il y a enfin, et ceci est tout à fait propre à notre temps, il y a cette attitude nouvelle donnée à l’homme par nos révolutions, qui ont constaté si hautement et placé si haut la dignité humaine et la souveraineté populaire, de sorte que l’homme du peuple aujourd’hui souffre avec le sentiment double et contradictoire de sa misère résultant du fait et de sa grandeur résultant du droit (...). Je ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde, la souffrance est une loi divine, mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère. Remarquez-le bien, Messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain; la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu. Détruire la misère ! oui, cela est possible. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas le fait, le devoir n’est pas rempli. La misère, Messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir où elle en est, la misère? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen-âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? (...) 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -19/44 . . . suite F i c h e 5 Voici donc ces faits : Il y dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtements, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures humaines s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver. Voilà un fait. En voici d’autres : ces jours derniers, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère n’épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux est mort de faim, mort de faim à la lettre et l’on a constaté, après sa mort, qu’il n’avait pas mangé depuis six jours. Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Mont-faucon ! Eh bien, Messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! je dis que de tels faits dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière ; que je m’en sens, moi qui parle, complice et solidaire (...). Je voudrais que cette assemblée, majorité et minorité, n’importe, je ne connais pas, moi de majorité et de minorité en de telles questions ; je voudrais que cette assemblée n’eût qu’une seule âme pour marcher, à ce but sublime, l’abolition de la misère ! Et, Messieurs, je ne m’adresse pas seulement à votre générosité, je m’adresse à ce qu’il y de plus sérieux dans le sentiment politique d’une assemblée de législateurs ! Et, à ce sujet, un dernier mot : je terminerai là. (...) Vous n’avez rien fait tant que le peuple souffre ! Vous n’avez rien fait tant qu’il y a audessous de vous le peuple qui désespère ! Vous n’avez rien fait tant que ceux qui sont dans la force de l’âge et qui travaillent peuvent être sans pain ! tant que ceux qui sont vieux et qui ont travaillé peuvent être sans asile! tant que l’usure dévore nos campagnes, tant qu’on meurt de faim dans nos villes (...). Vous le voyez, Messieurs, je le répète en terminant, ce n’est pas seulement à votre générosité que je m’adresse, c’est à votre sagesse, et je vous conjure d’y réfléchir. Messieurs, songez-y, c’est l’anarchie qui ouvre les abîmes, mais c’est la misère qui les creuse. Vous avez fait des lois contre l’anarchie, faites maintenant des lois contre la misère ! Victor Hugo. Extraits de « Le droit et la loi, et autres textes citoyens » (Éd. 10-18). Quelques années après avoir prononcé ce discours devant l’Assemblée législative, Victor Hugo, sur l’invitation de l’économiste Adolphe Blanqui, se rend dans les quartiers populaires de Lille. À son retour, il prépare un discours pour l’Assemblée, que d’ailleurs il ne prononcera pas. Toutefois, cette expérience qui a profondément bouleversé Victor Hugo, lui inspirera deux ans plus tard un poème : « Un jour je descendis dans les caves de Lille... » (« Joyeuse Vie », les Châtiments livre III, 9, Jersey 1853). 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -20/44 Fiche 6 Repenser les droits de l’homme (...) L’exclusion existe donc, à travers les âges et sous toutes les latitudes. Partout, nous semblons retrouver le même mépris, le même rejet des plus pauvres à qui paraît être niée leur condition d’homme, puisque aussi bien, il n’est jamais question d’eux dans nos discours sur la société, sur la démocratie, sur la justice, la paix et le développement. La souffrance ainsi infligée – de cela, nous sommes témoins à travers le monde – est indicible et ce n’est pas d’être infligée inconsciemment dans bien des cas qui la rend plus supportable. C’est de voir s’étendre cette souffrance en même temps que le développement, en même temps que le souci des droits de l’homme… Puisque par notre partage de vie dans les zones de misère, nous sommes témoins, peut-être plus que d’autres que l’exclusion infligée aux plus pauvres est la pire des souffrances. C’est eux-mêmes qui nous le disent tous les jours et nous obligent à le répéter : ce n’est pas d’avoir faim ou de ne pas savoir lire, ce n’est pas de ne pas avoir de quoi faire vivre et s’épanouir sa famille, ce n’est même pas de ne pas avoir de travail qui est le pire des malheurs de l’homme. Le pire des malheurs est de s’en savoir privé par mépris, tenu à l’écart du partage, littéralement traité comme hors-la-loi, parce qu’on ne connaît pas en vous un être humain, sujet de droits, digne de partage et de participations. L’homme dont les droits et libertés sont bafoués, mais qui peut se dire qu’il est victime d’une injustice, qu’il est un homme malgré tout, est à plaindre, certes, mais il n’a pas touché le fond de sa souffrance. L’homme du Quart Monde, lui, touche le fond, car comme le disait une mère de famille d’une cité sousprolétarienne aux environs de Paris, « ce n’est pas qu’il ne connaît pas ses droits, il ne sait même pas qu’il a des droits ». En parlant d’un de ses voisins, décédé récemment, elle dit encore : « Il avait eu tellement peu de droits dans sa vie qu’à la fin, il n’en demandait plus aucun. Il ne demandait rien, quoi, il n’avait plus rien à demander ». Cet homme nous l’avons connu. Nous avons fait un bout de route ensemble et, chemin faisant, il avait, pour la première fois de sa vie, obtenu un emploi décent et découvert la Sécurité sociale. Et ses voisins, hommes et femmes du Quart Monde qui se trompent bien moins dans les mots que certains ne le pensent, ses voisins disaient de lui : « Il a retrouvé sa dignité, il a revécu. » Aux familles du Quart Monde, aux travailleurs sous-prolétaires, on a tellement fait sentir qu’ils ne valaient rien, qu’ils n’étaient rien, qu’ils ne pensent même pas être des victimes. On leur a trop dit qu’ils étaient coupables, moins que des hommes en somme. Et ne pas se savoir homme, c’est ne pas pouvoir vivre. Quand les familles des cités dépotoirs disent que « ce n’est pas une vie », leurs mots disent bien ce qu’elles veulent dire. C’est d’avoir une existence qui n’est pas une vie, qui fait naître une question insoutenable que nous avons entendue dans toutes les langues, sur tous les continents : « Sommes-nous donc des chiens, pour avoir à vivre ainsi ? » (...) Joseph Wresinski, le 18 octobre 1980. Extrait de l'introduction faite au premier cercle de pensée « Quart Monde et société » tenu à Pierrelaye rassemblant une quarantaine de juristes, philosophes, alliés et volontaires (Refuser la misère , une pensée politique née de l'action) éditions du Cerf/éditions/Quart Monde septembre 2007). 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -21/44 Fiche 7 Le Cheval d’orgueil Pierre Jakez Hélias « Quand on est pauvre mon fils, il faut avoir de l’honneur »... Ainsi parlait à l’auteur son grand-père, l’humble paysan Alain Le Goff qui n’avait d’autre terre que celle qu’il emportait aux semelles de ses sabots de bois. Pierre Jakez Hélias se souvient de son enfance en pays bigouden tout en racontant minutieusement comment on y vivait au début du 20ème siècle. Dehors, je vois s’approcher lentement un grand diable d’homme maigre, curieusement vêtu d’un pantalon de marin de l’État et d’un chupeen de drap qui a été bleu avant sa naissance, mais si usé qu’il n’en reste plus qu’une trame grisâtre... Derrière lui s’avancent, plus lentement encore, comme si elles avaient peur ou honte, une femme et trois fillettes dont la plus grande doit avoir autour de sept ans. La plus petite est encore en bonnet, les deux autres sont habillées comme la mère de lourdes robes rapiécées qui leur tombent sur les sabots, de corselets sans velours ni couleurs et de coiffes basses en toile brunie. La mère donne la main à ses deux aînées tandis que la benjamine s’accroche désespérément à son tablier de coton. Propres dans leurs haillons autant qu’on peut l’être mais visiblement tombées sous une mauvaise planète. Elles s’arrêtent au milieu de la route et, immobiles, sans un mot, elles regardent vers la porte de notre maison. Déjà le père est arrivé près du seuil et voilà qu’il ôte son chapeau. Je sais que les hommes n’ôtent leur chapeau qu’à l’église et devant les morts. À se découvrir la tête dehors, il n’y a que les mendiants. Celui-ci a les cheveux couleur de poussière. Il est trop gris pour qu’on puisse distinguer ses traits dans le gris de l’hiver. J’écrase mon nez contre la vitre pour savoir ce qui se passe. Et je vois le bras de ma mère qui se tend, la main fermée. L’homme avance la sienne, la paume ouverte. Au même moment, la femme et les trois fillettes baissent la tête et font le signe de croix... Et là-dessus ma mère à moi qui est rentrée sans bruit, m’attrape à bras-le-corps, m’arrache de la fenêtre et me secoue d’importance en me demandant si je n’ai pas honte. Je m’en vais avaler mes larmes derrière la maison. Qu’ai-je fait de mal, Jésus ! Le soir autour du chaudron de bouillie, mes parents parlent des mendiants envers lesquels je me suis mal conduit, paraît-il. J’apprends que ce sont des gens de l’autre canton, vers le sud. Le père et la mère vont en journée. Le mois dernier, le feu a pris dans leur maison, et tout a brûlé, y compris l’armoire où étaient les quatre sous de papier. La vache elle-même a péri dans la crèche. Il y a seulement cinq enfants, c’est encore une chance. Deux enfants de neuf ans et deux ans ont été engagés comme pâtres pour le prix de leur pain. Le reste de la famille est parti mendier sur les routes du pays Bigouden, comptant sur la charité des bonnes âmes pour rester en vie en attendant d’avoir de nouveau un toit sur la tête. C’est dur de tendre la main, même au nom de la Trinité, quand on a toujours vécu honorablement du travail de ses bras. Et c’est pourquoi je devais, moi, m’abstenir de les regarder pendant que ma mère donnait quelque chose. Le plus dur à supporter, quand on est tombé dans la misère, c’est le regard des gens. Je n’aurais pas dû monter sur l’appui de la fenêtre pour montrer mon nez, même écrasé contre la vitre. Mon père trouve que je m’en suis tiré à bon compte, je méritais le festin du bâton. Alain Le Goff soupire : « Il ne pouvait pas savoir, dit-il. C’est la première fois qu’il voit ça. ». Pierre Jakez Hélias Extrait du « Cheval d’orgueil », de Pierre Jakez Hélias, aux Éditions Plon collection Terre humaine 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -22/44 Fiche 8 ... Le secret de l’Espérance Geneviève de Gaulle-Anthonioz Geneviève de Gaulle Anthonioz (1920-2002), ancienne résistante, raconte sa rencontre avec le père Joseph Wresinski et sa découverte du camp des sans-logis de Noisy-le-Grand durant l’hiver 1960. Elle nous livre ainsi 34 années de son combat à la présidence d’ATD Quart Monde-France auprès de ceux qui lui ont fait découvrir le « secret de l’Espérance ». Extrait : (...) Lorsque pour la première fois, je suis entrée dans ce grand bidonville, au bout d’un chemin de boue, sans lumière, j’ai pensé au camp, l’autre celui de Ravensbrück Bien sûr il n’y avait pas de miradors, pas de sentinelles SS, pas d’enceinte barbelée et électrifiée, mais ce paysage de toits bas et ondulés d’où montaient quelques fumées grises était un lieu à part, séparé de la vie. Et ses habitants portaient sur leur visage, cette marque de détresse que je connaissais bien et qui avait sans doute été la mienne. A sa demande, une famille avait ouvert la porte de son « igloo » au père Joseph, qui m’avait présentée. Dans la pénombre, j’avais rencontré le regard triste et las du père qui avait avancé deux caisses pour nous faire asseoir. La maman était apparue au fond de la pièce portant un tout petit bébé. Elle était jeune, belle malgré ses cheveux épars. D’autres enfants, quatre, cinq, entraient, sortaient, comme dans un jeu, tendant leurs menottes au père Joseph pour recevoir des bonbons qu’il tirait de la poche de sa soutane. Il faisait vraiment très froid, plus qu’au dehors, et j’avais entendu avec stupeur le père Joseph demander pour nous un café. Comment était-ce possible, dans un dénuement pareil ? Les gosses avaient disparu, puis étaient revenus assez vite, apportant qui deux verres, qui du café et du sucre, tandis que l’eau chauffait. Nous avons bu notre café à la lueur d’une bougie fichée dans une bouteille. Le père Joseph était silencieux, attentif à ce que disaient les parents : il faudrait trouver un travail pour obtenir un logement ; on ne serait pas si souvent malades – un des enfants était de nouveau à l’hôpital – ; les petits iraient à l’école si on habitait moins loin et que la maman puisse les laver, laver leurs habits et surtout les faire sécher. Malgré tout ils gardaient l’espérance, et ce bébé était si beau, si gentil ; pour lui la vie allait changer, c’était sûr. (...) Le pire, c’est de ne rien pouvoir donner, avait dit le père Joseph, et qu’on ne vous demande plus rien. (...) (...) ... Château de France - tel est le nom du lieu-dit où s’est implanté ce bidonville, sous l’impulsion de l’Abbé Pierre. Avec des fonds récoltés, il avait acheté pour « pas cher » ce terrain marécageux et insalubre. Sous des tentes de l’armée américaine d’abord, remplacées plus tard par les « igloos », une population très diverse s’était rassemblée. (...) Des bonnes volontés se manifestaient épisodiquement pour apporter des vêtements, presque toujours usagés, qui s’accumulaient dans les baraques, ou de la nourriture : un jour, des camions de bananes qui avaient ravi tout le monde, au début, et qu’on avait mangées à satiété, crues, cuites, jusqu’à ce que les derniers cageots aient fini par pourrir dans les coins ! Dès le départ, des volontaires se sont manifestés. (...) Le père Joseph ne refuse personne, passe son 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -23/44 . . . suite F i c h e 8 temps à coordonner, à expliquer. Ainsi des travaux ont quelque peu assaini le camp, comblé des mares sales et boueuses. Ainsi ont été construits la chapelle dont Jean Bazaine a créé les vitraux, et le foyer féminin, devenu lieu essentiel ; et encore un jardin d’enfants, une fois incendié, puis reconstruit, et une bibliothèque bien fournie grâce à cette amie qui m’a fait connaître le père Joseph : Mme de Brancion, âgée et percluse de rhumatismes, vient chaque semaine avec Mlle Lucile Sumpt, une ancienne assistante sociale. (…) L’une et l’autre prennent tôt le matin la métro puis deux autobus pour venir tenir la bibliothèque, les bras chargés de livres, de beaux livres qu’elle mendient autour d’elles. Tandis que se succèdent au camp de Noisy des personnes de bonne volonté et des associations apportant qui des vêtements, qui de la nourriture, qui la force de leurs bras, ces deux femmes continuent d’assurer leurs humbles et fidèles services. (...) « Quelle idée saugrenue, entendent souvent dire ces dames, que d’apporter des livres à des gens qui manquent de tout et vivent dans la boue ! » A Ravensbrück, nous avions découvert qu’un livre était plus précieux que le pain. De tels rapprochements m’aident peu à peu à prendre un peu conscience du projet conçu par le père Joseph : ceux que la misère détruit peuvent seuls nous apprendre ce qu’ils voudraient vivre, il faut donc être très attentifs à leurs aspirations profondes. (...) (…) 9 Juillet 1998 (...) Bon, c’est terminé. La loi d’orientation de lutte contre les exclusions est votée. (…) Une fois encore, je revois ces témoins silencieux et si éloquents du Quart Monde, pendant les séances du Conseil économique et social, se succédant dans les tribunes du Sénat et de l’Assemblée nationale avec leur inlassable patience. Ils ont tout surmonté pour témoigner : leurs humiliations, leur peine à trouver les mots pour dire la vie, leur vie. Ils ont répondu aux enquêtes, pris le micro dans les universités populaires, ont rencontré des élus, des maires, des notables. Maintenant, ils vont rentrer dans leur caravane, leur taudis, leur quartier, avec une iintense interrogation : « Qu’est-ce que la loi va changer ? Serons-nous pris en compte ? Et les enfants ? Quel sera leur avenir ? » Une aube apparaît. Elle est encore bien grise. Mais le jour se lèvera. Il ne faut pas perdre l’espérance. Geneviève de Gaulle-Anthonioz « Le secret de l’Espérance », 2001 (Éd. Fayard/Éd. Quart Monde) 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -24/44 Fiche 9 Je continue la lutte Nelson Mandela (...) Tout comme Amnesty International, je lutte pour la justice et les droits humains depuis de longues années. Je me suis maintenant retiré de la vie publique, mais tant que l’injustice et l’inégalité perdureront, aucun d’entre nous ne pourra prendre de repos. (...) Comme l’esclavage ou l’apartheid, la pauvreté n’est pas naturelle. Ce sont les hommes qui créent la pauvreté et la tolèrent, et ce sont les hommes qui la vaincront. Vaincre la pauvreté n’est pas un geste de charité. C’est un acte de justice. Il s’agit de protéger les droits humains fondamentaux. Toute personne, partout dans le monde, a le droit de vivre dans la dignité, libre de toute crainte et de toute oppression, libérée de la faim et de la soif, et libre de s’exprimer et de s’associer comme elle l’entend. Cependant, à l’aube de ce nouveau siècle, des millions de personnes sont toujours prisonnières, esclaves et enchaînées. La pauvreté massive et les inégalités sont de terribles fléaux de notre temps, à une époque où le monde s’enorgueillit des avancées formidables réalisées dans les domaines de la science, de la technologie, de l’industrie, de l’accumulation de richesses. Tant que la pauvreté persistera, il ne saurait y avoir de véritable liberté. Les populations pauvres sont celles qui ont le moins accès au pouvoir en vue de déterminer les politiques à venir, en vue de déterminer leur avenir. Mais elles ont droit à une voix. On ne doit pas les faire asseoir en silence tandis que le « développement » se produit autour d’elles, à leurs dépens. Un véritable développement est impossible sans la participation des personnes concernées. (...) J’ai parlé auparavant de la nécessité d’un « tournant ». (...) Si tous les militants des droits humains à travers le monde croient cela et agissent sur cette base et s’ils arrivent à amener d’autres personnes à croire en cela, nous aurons alors atteint ce tournant dont je parlais. Traduction-adaptation des propos tenus par Nelson Mandela, (Prix Nobel de la paix en 1993, ancien président de la République d’Afrique du Sud de 1994 à 1999) à l’occasion de sa distinction comme Ambassadeur de la conscience par Amnesty International (Le Monde, le 8/11/2006). 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -25/44 Fiche 10 Le SAVOIR le plus profond Edgar Morin Notre civilisation arrache des gens à une pauvreté digne de les jeter dans la misère des bidonvilles urbains. La mondialisation crée ici et là des zones de prospérité en créant des classes moyennes, et des zones encore plus vastes de misère avec les mégapoles, les bidonvilles. Que ce soit à Clichy-sous-bois, à Rio ou ailleurs, c’est un problème de civilisation. Actuellement, la science, la technique, l’économie et le profit vont ensemble, et créent un processus qui, à mon avis, conduit la planète vers la catastrophe. Il manque la régulation internationale ; l’économie se déchaîne. De plus notre civilisation a détruit des anciennes solidarités et créé une machine de solidarité anonyme. Quand une personne tombe dans la rue, les gens continuent leur chemin en se disant que c’est au SAMU ou à la police de s’en occuper. Cette mentalité strictement individualiste a progressé. La fraternité inscrite sur nos monuments est absente. Il faudrait créer des institutions qui la revitalisent. Le savoir profond, à mon avis, vient de l’exclusion. Le problème de l’exclusion est un problème très profond et ceux qui le vivent le plus profondément ce sont les plus pauvres et les plus exclus. Partir de cette expérience, c’est fondamental, et cette expérience doit se transformer en conscience. Je dirais même qu’elle doit humaniser. Mais il est toujours possible que, comme disait Victor Hugo, l’opprimé d’hier devienne l’oppresseur de demain. C’est pour cela que l’idée d’association est importante : des « miséreux » associés avec d’autres qui ne le sont pas mais les comprennent. C’est grâce à cela que l’on peut arriver à cette conscience qui peut changer les choses. Et les « miséreux » non seulement ont un savoir, mais doivent bénéficier des droits humains. Les pouvoirs publics doivent créer les conditions qui tendent à supprimer la misère. Edgar Morin, sociologue et philosophe Journal Résistances n°4, octobre 2007 (p. 16), édité par ATD Quart Monde. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -26/44 Fiche 11 PIERRE D’HOMME Bernard Järhling Réfugié avec sa mère allemande dans la France de l’après-guerre, Bernard Järhrling a 14 ans en 1955, quand on le dépose avec les siens au « camp des sans-logis » de Noisy-le-Grand près de Paris. Dans cet enfer humain où la haine pousse comme une mauvaise herbe, l’adolescent révolté voit en l’aumônier du camp, le père Joseph Wresinski, la seule figure paternelle... « ...Ma mère avait honte que je fasse la ferraille. En plus on n’avait pas d’assurance, pas de sécurité sociale, rien. Souvent, dans le camp, c’était la boue. A l’arrêt du bus, avec un chiffon ou de l’herbe, on essuyait le plus gros sur nos chaussures. – Je regrette... on vient juste d’embaucher quelqu’un... Je ne peux pas vous prendre... Je comprends tout de suite... En sortant, écoeuré, je crache sur la porte. Je vois encore cette femme et son gentil sourire devenu soudain un masque de haine... Dans le car, c’était courant qu’une fois assis une personne se lève après nous avoir auscultés du regard, de la tête aux pieds. Me voilà une fois de plus sans travail. (...) Leur diagnostic : vulgaires et chaussures sales. Ils savaient d’où on venait. Ils s’écar taient... Souvent on continuait jusqu’à la porte de Vincennes. Ce jour-là, je suis descendu à Bry-sur -Marne. Pour avoir une chance d’être pris, il valait mieux être seul à se présenter. Première usine, je demande s’il y a de l’embauche. « Non ». Toute la matinée dans cette zone industrielle, je vais d’une entreprise à l’autre. Partout la même réponse : « Vous êtes trop jeune. À la rigueur on peut vous prendre comme apprenti ». Apprenti, ça ne m’intéressait pas, ça ne payait pas assez. Il fallait vraiment que je ramène de l’argent pour ma famille. Je savais bien que pour avoir un métier, il fallait étudier plusieurs années. Mais on ne peut pas apprendre avec l’estomac vide... L’après-midi je continue mes recherches. À l’entrée d’une serrurerie industrielle, je vois un écriteau : « Embauche ». Je demande à une dame assise derrière un bureau si c’est bien là qu’il faut s’adresser pour la place. Elle me sourit gentiment. – Oui, on cherche un manœuvre. Tout de suite elle me demande mes papiers. Je ne sais plus ce que je lui montre, mais c’est un papier avec mon adresse. Elle lit tout haut, comme pour vérifier : – 116 rue Jules Ferry ? Elle lève la tête vers moi. – C’est bien votre adresse ? Son expression a changé. Son sourire a disparu ; D’un ton froid, elle ajoute : – C’est le camp de l’abbé Pierre, çà. – Vous connaissez ? Embarrassée, elle commence à bafouiller. (...) C’est par mes frères que j’ai pu être embauché comme apprenti... J’ai eu la chance de rencontrer un compagnon maçon, du Berry, qui m’a appris à monter des parpaings, des briques, un peu de pierres taillées... Je me rappelle il me disait : « une pierre, c’est comme une femme, si tu sais la toucher, elle devient belle ». Avec les pauvres, c’est pareil, si vous les sortez du trou, ils trouveront leur place... (...) Combien sont-ils encore, aujourd’hui, à endurer l’inhumain ? Comme eux, comme vous, je veux être humain jusqu’au bout. Avant, rongé par la haine, je ne l’étais plus. Si je le suis redevenu, c’est parce que j’ai compris que je ne suis pas seul. Je sais que le combat qu’on mène est loin d’être gagné. Je sais aussi que beaucoup d’hommes et de femmes ne le lâcheront jamais... » Bernard Järhrling, Extraits de « Pierre d’homme », collection Racine, éditions Quart Monde. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -27/44 Fiche 12 Etre pauvre, c’est vivre en dehors de la société Être dans la pauvreté, est-ce uniquement vivre avec très peu d’argent ? Bien sûr, c’est d’abord une question d’argent. On doit compter centime par centime. Seule au RMI, avec mes enfants qui passent souvent à la maison et sont dans une situation encore un peu compliquée, je vis avec 380 euros par mois. Ma priorité, c’est de payer mon loyer, les factures courantes, pour ne pas avoir de dettes et plonger encore plus bas. A côté de l’alimentation, il y a l’entretien du logement, les imprévus qui font tomber dans des creux. Il y a la santé, le fait de devoir se soigner attendre pour se soigner car de moins en moins de médicaments sont pris en charge. Avoir un budget serré, c’est aussi ne pas avoir accès à des loisirs qui font partie de la vie ordinaire des autres. Être pauvre, pour moi, c’est surtout cela : vivre à côté, en dehors de la société. Lorsqu’on parle des pauvres, comment réagissez-vous ? Je n’ai pas de problème avec le regard des autres. Cette situation, je ne l’ai pas choisie. Mais c’est vrai : on juge trop facilement les personnes. On revient trop sur le passé des familles. Tout le monde aujourd’hui, suite à une maladie, à un licenciement, peut plonger dans la pauvreté. Ce qu’il faut, c’est regarder la valeur de la personne. En lui redonnant sa dignité, sa confiance, tout le reste revient. Or, tous les jours, on nous rappelle qu’on n’est pas comme les autres. On est montré du doigt, rabaissé. « Je ne sais plus rien faire », me disent des voisines. Certaines ont accumulé tellement de soucis qu’elles en oublient les gestes les plus simples. En plus, on est trop poussé à l’assistanat. Or, faire à ma place, c’est grave. Que faites-vous pour soutenir d’autres personnes en difficulté ? J’ai été femme-relais (1) et je reste attentive à la vie de mon quartier. J’essaie de rassurer, d’indiquer à quelle porte il faut frapper. On n’est pas des magiciennes, mais la confiance et le respect déclenchent l’écoute, qui se transforme en action. Interview d’Emilienne Kaci, Militante d’ATD Quart Monde à Nancy. Alternatives économiques, N° 256 bis, mars 2007. (1) habitantes d’un quartier, elles créent un lien social et servent de médiatrice dans les institutions. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -28/44 Fiche 13 Les droits de l’homme sont violés Paul Bouchet « La misère est une violation des droits de l’homme » : ce n’est pas une simple formule, mais d’abord une réalité vécue par ceux et celles qui doivent faire face à la grande pauvreté. C’est une évidence quand on connaît les situations de ceux qui n’ont pas de travail et de logement dignes, d’accès à l’éducation et la culture, à la protection de la santé... Pourtant, cette évidence n’est pas reconnue depuis longtemps, et elle ne l’est pas encore par tous, en France et dans le monde. Il faut rompre définitivement avec une tradition séculaire qui considérait trop souvent que la pauvreté était une fatalité sociale (« il y aura toujours des pauvres ») ou parfois même culpabilisait les pauvres en les rendant responsables de leur condition (« ils ne font rien pour s’en sortir »). Cela implique un triple changement, à la fois éthique, juridique, civique. Un changement éthique Sur le plan éthique, le devoir d’assistance aux malheureux est certes aussi ancien que les grandes religions et il a pu donner naissance à des institutions charitables remarquables. Mais cela relevait d’une obligation purement morale à la charge des plus favorisés qui voulaient bien s’y soumettre. Ce n’était pas un droit pour les personnes pauvres. C’est la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée en 1948, qui a expressément lié dans son préambule « la reconnaissance de la dignité de tous les membres de la famille humaine » à celle de leurs « droits égaux et inaliénables », afin que tous les êtres humains soient « libérés de la terreur et de la misère ». D’où, sur le plan juridique l’énoncé de droits « fondamentaux », aujourd’hui reconnus. « Fondamentaux » parce que fondés sur l’égale dignité de tout être humain. Ils sont dus à tous, non seulement dans le domaine civil et politique, mais aussi dans le domaine économique, sociale et culturel. Ainsi l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille… ». En France, l’article 1er de la loi contre les exclusions de 1998 énumère six droits fondamentaux, dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, la formation et la culture, et de la protection de la famille et de l’enfance. Un combat juridique et civique Mais il y a loin des droits « déclarés », même dans un texte solennel, aux droits effectivement appliqués. Les faits sont là dans toute leur cruauté. Plus d’un demi-siècle après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la grande pauvreté n’a nulle part disparu et s’est même accrue dans certaines régions du monde. Des programmes de lutte pour réduire la pauvreté ont certes été conçus mais, outre l’insuffisance des moyens matériels qui y sont affectés, ils continuent pour l’essentiel à relever de l’esprit d’assistance et de charité d’État. C’est donc à juste titre et au plein sens du mot, qu’on doit voir dans la persistance de la misère une violation des droits fondamentaux de tout être humain, proclamés mais non pleinement appliqués. Dès lors, c’est sur le plan civique que doit être menée, partout et pour tous, la lutte pour assurer le respect effectif des droits élémentaires outrageusement violés, en combattant l’indifférence et la résignation. Car ce ne sont pas les textes qui font désormais défaut, en France comme sur le plan international, mais la volonté de les promouvoir et d’en garantir l’application. A chacun d’en prendre conscience et de prendre part, aux côtés des pauvres eux-mêmes, à la longue lutte pour la dignité de tous. Paul Bouchet, ancien président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ancien président d’ATD Quart Monde Journal Résistances n° 2, octobre 2005, (p. 16) L’article 1er de la loi d’orientation contre les exclusions (1998) est rédigé comme suit : « La lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation. La présente loi tend à garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance... » 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -29/44 Fiche 14 D’où vient la colère ? Jean-Michel Defromont Envoyés sur les roses, expulsés après trente ans de résidence sur la commune, c’est comme partout, le sort des voyageurs du Bois de l’Épine. Peu importe qu’ils n’aient pas de permis, ni même d’autos parfois, et que leur habitation n’ait plus de roues. « Au nom du peuple français », par une justice étrange, les voilà jetés dans le ravin de l’errance, l’avenir de leurs enfants aux orties. Pour garder une trace qu’aucun bulldozer ne pourra effacer, ces familles, ensemble avec Jean-Michel Defromont, volontaire-permanent d’ATD Quart Monde nous racontent ce qui arrive, quand, selon les mots de Joseph Wresinski, « notre hâte d’imposer un ordre nous fait oublier l’homme ». Sandrine me pose un gobelet bien chaud dans une main, un sucre dans l’autre, fière de se souvenir de mes manies pour prendre le café qu’elle ne boit pas elle-même. Elle essuie vigoureusement la table du petit bungalow transformé pour l’heure en jardin d’enfants. Ils sont quatre, cinq ? Entre zéro et deux ans, à gambader, pleurnicher, dormir, grignoter autour de nous, gardés par Catherine, grand-mère de trente-huit ans et Sandrine, sa voisine, toujours disposée à accueillir les visiteurs. Longs cheveux lisses, sourcils épilés, peau blanche hormis le bout jauni de quelques doigts, dans la fumée qui voile son regard, comme si le bruit ne l’atteignait pas, Catherine scrute sa mémoire. - Le jour de l’assignation, non, on n’était pas en colère. On a cherché notre respiration, oui, soupiré. Les bras nous en sont tombés parce qu’on ne s’y attendait pas, mais il n’y a pas eu de colère. La colère, elle est venue au tribunal, quand l’autre avocat a parlé de nous. C’est pas tant ce qu’il disait que la façon dont il le disait. - Auprès de cet avocat, on est des pourritures. Qu’on soit avec nos enfants au bord de la route, il en a rien à secouer ! - La colère, d’où elle vient ? Elle sort de l’estomac, une boule dans l’estomac... Non... Je ne sais pas. Par exemple, un début d’après-midi, à la sous-préfecture. A l’état civil, pas de monde. J’avance jusqu’au guichet, une femme très aimable. « Bonjour madame (forcément toujours très polie) je viens faire un renouvellement de carte d’identité. » La mienne, je l’avais depuis la naissance de Steeve, en avril 85. Celle en carton, marron. « Vous avez les papiers ? » Je lui donne tout ce que j’ai. Pas de quittances de loyer, évidemment. « Je vis en caravane, c’est pour ça que j’en ai pas. » Alors elle m’explique qu’il faut faire un carnet de circulation et, dès que je l’aurai obtenu, j’aurais droit à une carte, avec SDF dessus. Tout simplement. Là je me suis fâchée. C’est du ventre que ça part, oui, du ventre. Puis le feu monte aux joues. Rouge. Je voulais une pièce d’identité, pas de sa carte avec SDF dessus. Moi, en colère, j’ai pas des belles phrases comme vous, mais que des injures ! On m’a jetée comme un chien. Il y a parfois aussi des colères qui font rire. Aux services techniques, quand j’ai fait la demande pour la pose de la boîte EDF, une nana à l’accueil m’a regardée de très haut en demandant mon adresse. Bon. Je lui ai dit: « 60, chemin du Bois de l’Epine » et elle m’a répondu : « Vous avez déjà vu un numéro de rue dans un champ de carottes ? » C’était royal ! Je suis partie dans un éclat de rire pour toute la journée. Des fois, c’est tellement énorme ! Elle prononce haine - norme et elle en rit encore. Jean-Michel Defromont. Extraits de « l’Épine sur les roses », 2006, (p. 47 à 51), Éditions ATD Quart Monde. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -30/44 Fiche 15 QUESTIONS Î • • Î • Î • Texte 1 : Dans quel contexte ces paroles ont-elles été prononcées ? Que vous inspirent-elles ? Texte 2 : Pourquoi Dufourny de Villiers dit-il en parlant des gens du « Quatrième ordre », « qu'ils ne sont pas considérés chez nous comme des hommes » ? Texte 3 : Quelles sont les mille facettes du frère qu'on rejette ? Î • Î • • Î • • Î • Î • Texte 4 : En quoi peut-on dire que le combat de Martin Luther King en faveur des Droits civiques est un combat universel ? Î • • • • Î • • Texte 6 : Quelle est la pire des souffrances infligées aux plus pauvres ? Comment une existence peut-elle n'être pas une vie ? • • Texte 7 : Quelle est la faute de Pierre ? De quoi aurait-il dû s'abstenir ? Î Î • • • • Texte 10 : Quel est ce « savoir profond » dont parle Edgar Morin ? A quelles conditions peut-il changer les choses ? Texte 11 : En quoi la situation vécue par l'auteur estelle toujours d'actualité ? En quoi nos regards et nos paroles peuventelles blesser ou redonner de la dignité ? Texte 12 : Pourquoi E.Kaci dit-elle : « On n'est pas comme les autres... » Texte 5 : En quoi Victor Hugo est-il un visionnaire ? Î Î Texte 9 : Commentez les phrases : « vaincre la pauvreté…justice ». « un véritable développement…personnes concernées ». Texte 8 : Quelles formes d'aides sont dénoncées dans ce texte ? A quels droits cette famille n'a-t-elle pas accès ? « Le pire c'est de ne rien pouvoir donner » : commentez. Pourquoi Geneviève de Gaulle dit-elle : « Nous avions découvert qu'un livre était plus précieux que le pain » ? Texte 13 : Enumérez les 6 droits fondamentaux et dites dans quel texte de loi ils sont mentionnés pour la première fois ? En quoi la Déclaration universelle était-elle novatrice par rapport à la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ? Que signifie le mot DIGNITE ? A quelle date et dans quel document est-il énoncé pour la première fois ? Texte 14 : • Expliquez les phrases en caractères gras. • A quels droits cette famille n'a t-elle pas accès ? 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -31/44 POUR ALLER PLUS LOIN !... • « Des programmes de lutte pour réduire la pauvreté ont certes été conçus, mais… ils continuent pour l'essentiel à relever de l'esprit d'assistance et de charité d'Etat » (texte 10): Qu'en pensez-vous ? • « Tant que les droits fondamentaux ne sont pas effectifs pour certains, la démocratie est menacée » (Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Feuille de Route février 2002) : Commentez. • Que signifie cette phrase de Martin Luther King « Nous avons permis que la pauvre devienne invisible ». • « Tous les hommes sont frères » : commentez et illustrez à l'aide des textes précédents cette phrase de Gandhi. • Dans quelle mesure peut-on dire que les droits de l'Homme ont progressé en France et dans le monde ? Votre argumentation pourra s'appuyer sur les grands auteurs et les grands textes. • « Les pauvres nous le disent souvent : ce n'est pas d'avoir faim, ce n'est même pas d'être sans travail qui est le pire malheur de l'homme. Le pire des malheurs est de vous savoir compté pour nul au point où même vos souffrances sont ignorées... » (Joseph Wresisnki). • En quoi la lutte contre la pauvreté s'est-elle améliorée depuis la fin du 18 ème siècle ? • La misère est-elle une fatalité ? • Ce n'est pas tellement de nourriture, de vêtements qu'avaient besoin tous ces gens, mais de dignité, de ne plus dépendre du bon vouloir de autres (Joseph Wresinski à propos du bidonville de Noisy le Grand (Seine St Denis) : Commentez. • Quelle réponse, à votre avis, la société peut-elle donner aux problèmes posés par le développement actuel de l'exclusion ? • Le droit à la culture est à réaliser en même temps que les sécurités matérielles les plus élémentaires que représentent le toit, la santé, le revenu… (Joseph Wresinski) : Commentez. • En quoi la notion de "droit" vient-elle appuyer la nécessité d'éradiquer la grande pauvreté ? (Dufourny de Villiers, V.Hugo, la déclaration universelle de 1948, la loi contre les exclusions…) • Suggestion : demander aux élèves de se mettre dans la peau d'un député à l'Assemblée Nationale qui ferait un discours sur les problèmes de la grande pauvreté en France 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -32/44 TESTEZ VOS CONNAISSANCES 1) Faites correspondre la date aux événements • • • • • • • La conférence de San Francisco a adopté la charte des Nations Unies : ..novembre 1950 Signature de la Convention européenne des droits de l'homme : ......................juin 1945 Abolition de l'esclavage en France : ........................................................décembre 1948 Déclaration universelle des droits de l'Homme : ..............................................avril 1848 Convention internationale des droits de l'enfant: ............................................juillet 1998 Vote de la loi contre les exclusions par le Parlement français :............22 décembre 1992 L'Assemblée générale de l'ONU a reconnu le 17 octobre « Journée mondiale du refus de la misère » : ..........................................................1957 • Création du Mouvement ATD Quart Monde : ....................................20 novembre 1989 2) Entourez la bonne réponse • Qui a évoqué le sort du 4ème ordre en 1789 ?: Robespierre, Danton, Dufourny de Villiers ? • Qui a dit au Sommet mondial pour le développement social de Copenhague en 1995 : • • • • • « La misère est le nouveau visage de l'apartheid » : Perez de Cuellar, Nelson Mandela, l'Abbé Pierre Qui a eu le Prix Nobel de la paix en 1964: Mandela, Martin Luther King, René Cassin? Quel député est à l'origine de l'abolition de l'esclavage en France: Abraham Lincoln, Victor Schoelcher, Victor Hugo ? Qui a présenté au Conseil économique et social le rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » en février 1987: Geneviève de Gaulle-Anthonioz, l'Abbé Pierre, Joseph Wresinski ? Qui a dit dans un célèbre discours: « Substituer à l'aumône qui dégrade l'assistance qui fortifie » : Jaurès, Victor Hugo, Gandhi ? Qui a dit : « Je rêve qu'un jour … les fils d'anciens esclaves et les fils de propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité » ?: don Helder Camara, Martin Luther King, Abraham Lincoln ? 3) Vrai ou faux ? • Le 4ème ordre c'est le « peuple des infortunés, des indigents... » • Le mot dignité figure dans l'article 1er de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. • Joseph Wresinski arrive au camp de Noisy le Grand durant l'hiver1954. • Le 17 octobre 1987 a été inaugurée une dalle en « l'honneur des victimes de la misère » sur le parvis des droits de l'homme, au Trocadéro à Paris . • « Ce jour-là je suis entré dans le malheur » a dit Joseph Wresinski en évoquant le jour où il est arrivé dans le camp de Noisy-le Grand. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -33/44 REPONSES 1) Faites correspondre la date aux événements • • • • • • • La conférence de San Francisco a adopté la charte des Nations Unies: ..................1945 Signature de la Convention européenne des droits de l'homme: ............novembre 1950 Abolition de l'esclavage en France: ..................................................................avril 1848 Déclaration universelle des droits de l'Homme: ......................................décembre 1948 Convention internationale des droits de l'enfant: ..............................20 novembre 1989 Vote de la loi contre les exclusions par le Parlement français: ......................juillet 1998 L'Assemblée générale de l'ONU a reconnu le ..............................................17 octobre Journée mondiale du refus de la misère: ............................................22 décembre 1992 • Création du Mouvement ATD Quart Monde: ..........................................................1957 2) Entourez la bonne réponse • Qui a évoqué le sort du 4ème ordre en 1789 ?: Dufourny de Villiers. • Qui a dit au Sommet mondial pour le développement social de Copenhague en 1995: • • • • • « La misère est le nouveau visage de l'apartheid »: Nelson Mandela. Qui a eu le Prix Nobel de la paix en 1964: Martin Luther King. Quel député est à l'origine de l'abolition de l'esclavage en France, Victor Schoelcher. Qui a présenté au Conseil économique et social le rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » en février 1987 : Joseph Wresinski. Qui a dit dans un célèbre discours: « Substituer à l'aumône qui dégrade l'assistance qui fortifie »: Victor Hugo. Qui a dit : « Je rêve qu'un jour... les fils d'anciens esclaves et les fils de propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité: Martin Luther King. 3) Vrai ou faux ? • Le 4ème ordre c'est le « peuple des infortunés, des indigents... »" : Vrai. • Le mot dignité figure dans l'article 1er de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : Faux. • Joseph Wresinski arrive au camp de Noisy le Grand durant l'hiver1954 : Faux. • Le 17 octobre 1987 a été inaugurée une dalle en " l'honneur des victimes de la misère sur le parvis des droits de l'Homme, au Trocadéro à Paris : Vrai. • « Ce jour-là je suis entré dans le malheur » a dit Joseph Wresinski en évoquant le jour où il est arrivé dans le camp de Noisy-le Grand : Vrai. Édité par ATD Quart Monde, le 17 octobre 2007 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -34/44 DOSSIER 2 - Quelques aspects socio-économiques de la pauvreté en France et en Europe 1/ PEUT-ON DEFINIR LA PAUVRETÉ ? A/ Mesures de la pauvreté (Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale 2005-2006) La mesure des phénomènes de pauvreté et d'exclusion sociale est tributaire des définitions retenues. Or il n'existe pas de définition unique et consensuelle de la pauvreté, que ce soit parmi les économistes, les sociologues ou les responsables administratifs et politiques, compte tenu de ses multiples dimensions. La seule définition « officielle » est celle retenue par l'Union européenne, qui considère comme pauvres « les personnes dont les ressources matérielles, culturelles et sociales sont si faibles qu'elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l'État membre où elles vivent (1). » Cette définition, bien que peu opérationnelle, fait apparaître trois éléments importants pour la mesure de la pauvreté : – la définition de la pauvreté est conventionnelle: le choix d'une définition de la pauvreté est un acte politique et, au moins implicitement, normatif, qui consiste à identifier, au sein d'une population totale formée d'un continuum d'individus, une population « pauvre », sur la base de critères reposant sur de multiples choix, qu'ils résultent de représentations sociales ou de considérations techniques ; – la pauvreté est un phénomène relatif, puisque définie en fonction des « modes de vie minimaux acceptables », par essence variables dans l'espace et dans le temps; c'est une approche en termes d'inégalités de répartition des ressources : sont considérées comme pauvres les personnes dont le niveau de ressources est sensiblement inférieur à celui de la population dans son ensemble; il existe d'autres approches (pauvreté absolue) qui cherchent à cerner les personnes qui ne peuvent couvrir un certain nombre de besoins jugés « fondamentaux » et universellement partagés ; – la pauvreté est un phénomène multidimensionnel et ne saurait se réduire à l'absence ou à la privation de ressources monétaires : ce sont l'ensemble des conditions de vie d'un ménage qui doivent être considérées pour évaluer les situations de pauvreté, ce qui implique de s'intéresser à d'autres dimensions du bien-être que les seules ressources monétaires ; on observe alors, pour chacune des dimensions étudiées (logement, santé, éducation...), l'existence de populations défavorisées, les populations pauvres se caractérisant par le cumul de difficultés dans plusieurs de ces domaines. B/ La pauvreté en Europe La riche Europe est loin d'avoir éradiqué la pauvreté : 15 % de la population dispose d'un revenu inférieur à 60 % du revenu médian.(1). Mais les disparités sont grandes entre la France et les pays nordiques d'une part et les pays du Sud, l'Irlande et le Royaume-Uni. (1) Seuil de pauvreté utilisé pour les comparaisons européennes, le revenu médian étant celui qui sépare la population en deux, la moitié recevant moins que ce revenu, l'autre plus (distinct d'une moyenne "). 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -35/44 2/ REVENUS ET TAUX DE PAUVRETÉ A/ Seuils de pauvreté en euros 2005 par mois euros constant 2005 euros courants seuil à 60% Seuil à 50% seuil à 60% seuil à 50% 1970 1975 1979 1984 1990 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 439 551 636 660 705 720 719 733 749 764 781 799 365 460 530 550 587 600 599 611 624 637 651 73 140 234 412 542 628 635 652 670 695 61 117 195 343 452 524 529 543 558 579 2002 2003 2004 2005 805 805 803 817 666 671 671 669 681 722 752 758 774 788 817 602 627 632 645 657 681 rétropolée* Champ : individus des ménages dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante Source : enquêtes revenus fiscaux 1970, 1975, 1979, 1984, 1990 et de 1996 à 2004, Insee-DGI B/ Taux de pauvreté et nombre de personnes pauvres de 1970 à 2005 Années Seuil à 60% Seuil à 50% 12,0 Nb de personnes pauvres (milliers ) 5 785 8 491 10,2 5 194 14,2 7 454 8,3 4 359 13,5 7 235 7,7 4 154 13,8 7 848 6,6 3 751 13,5 7 628 7,2 4 089 12,7 7 328 6,5 3 742 2001 12,4 7 167 6,1 3557 2002 12,2 7 147 6,0 3 493 2002 rétropolée * 12,0 6 976 5,9 3 431 2003 12,0 7 015 6,3 3 694 2004 11,7 6 867 6,2 3 635 2005 12,1 7 136 6,3 3 733 1970 17,9 Nb de personnes pauvres (milliers ) 8 649 1975 16,6 1979 1984 1990 1996 2000 Taux de pauvreté Taux de pauvreté Note: L'ERF 2002 rétropolée correspond, avec les enquêtes 2003 et 2005, au début d'une nouvelle série de statistiques sur les revenus, s'appuyant sur les résultats annuels du recensement de la population. Cette nouvelle série prend par ailleurs en compte les revenus soumis à prélèvements libératoires. Champ : individus des ménages dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante. Source : enquêtes revenus fiscaux 1970, 1975, 1979, 1984, 1990 et de 1996 à 2004, Insee-DGI C/ Évolution du niveau de vie moyen entre 1996 et 2003 selon les niveaux de revenus (en %) 10 % de personnes les plus modestes (1° décile) + 20,6 10 % de personnes les plus aisées (10° décile) + 16 % Niveaux de revenus intermédiaires (2° au 9° décile) + 13,0 % 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -36/44 3/ CARACTERISTIQUES DES POPULATIONS PAUVRES Proportion d'individus pauvre s selon le type de ménage Taux de pauvreté (en %) Individus appartenant à des ….. Seuil à 60% Seuil à 50% Ménages dont la personne de référence a moins de 65 ans - Personnes seules 12,7 17,4 7,1 12,5 Hommes vivant seuls inactifs 27,9 20,6 Hommes vivant seuls actifs 15,6 11,5 Femmes vivant seules inactives 27,5 19,7 Femmes vivant seules actives 13,5 9,1 - Familles monoparentales 27,2 14,8 Pères 15,4 8,6 Mères inactives 53,6 28,9 Mères actives - Couples 22,2 12,1 10,3 5,5 Couples d'inactifs avec ou sans enfant 18,2 11,5 Homme inactif - femme active avec ou sans enfant 23,5 16,3 Homme actif - femme inactive sans enfant 11,7 5,8 Homme actif - femme inactive avec un enfant 13,5 6,6 Homme actif - femme inactive avec deux enfants 13,1 5,5 Homme actif - femme inactive avec trois enfants ou plus 20,8 8,3 Couples d'actifs sans enfant 5,1 3,4 Couples d'actifs avec un enfant 5,9 3,1 Couples d'actifs avec deux enfants 5,9 3,0 10,5 4,8 18,0 8,0 9,1 2,9 13,0 6,7 6,0 0,9 12,1 6,3 Couples d'actifs avec trois enfants ou plus - Ménages complexes Ménages dont la personne de référence a 65 ans et plus Personnes seules Couples Ensemble des indi vidus Source : Insee-DGI, enquête revenus fiscaux 2005 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -37/44 4/ DEVENIR SCOLAIRE DES ENFANTS PAUVRES TABLEAU 1 – Répartition des jeunes selon leur «risque» de pauvreté (cumul plus ou moins important de facteurs de pauvreté) Groupe (1) Nombre de jeunes % de jeunes Groupe 1 (risque ++) 2 069 13,7 Groupe 2 (risque +) 3 132 20,7 Groupe 3 (risque –) 3 068 20,3 Groupe 4 (risque – –) 6 877 45,4 Ensemble 15 146 100,0 (1) Le groupe 1 (13,7 % des jeunes) vise à approcher la population des enfants pauvres. Les jeunes classés dans les autres groupes ont a priori un risque plus faible d’appartenir à une famille pauvre. TABLEAU 2 – Situation scolaire des jeunes en 2001–2002 En % 2nd cycle général et technologique : Groupe 1 32,8 Groupe 2 43,9 Groupe 3 55,2 Groupe 4 76,9 Ensemble 59,8 Terminale 17,0 24,9 32,3 50,2 36,9 – terminale générale 10,8 17,1 22,9 42,5 29,1 – terminale technologique 6,2 7,8 9,5 7,7 7,9 Première 13,2 17,2 20,6 24,2 20,6 – première générale 4,4 6,4 7,7 13,2 9,5 – première technologique 8,8 10,8 12,9 11,0 11,0 Seconde 2,6 1,8 2,3 2,5 2,4 2nd cycle professionnel : 42,8 41,1 36,6 19,0 30,3 1ère professionnelle 6,4 6,2 5,4 3,0 4,6 Préparation d’un BEP 27,6 25,5 22,1 12,0 18,9 – année terminale 23,3 20,9 17,9 9,2 15,2 – autre 4,3 4,7 4,3 2,7 3,7 Préparation d’un CAP 7,9 8,5 8,3 3,6 6,1 – année terminale 6,2 6,3 6,5 2,9 4,8 – autre 1,7 2,1 1,9 0,7 1,4 Autre classe professionnelle 0,9 0,9 0,8 0,4 0,7 1er cycle 0,4 0,1 0,2 0,0 0,1 Sortis du système scolaire : 24,1 14,9 8,0 4,0 9,7 Après une terminale CAP ou BEP 8,3 6,4 4,2 1,8 4,1 Après la troisième 12,2 7,4 3,3 2,0 4,7 Avant la troisième 3,6 1,1 0,6 0,3 1,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 Ensemble Source : Education et formation n° 70, décembre 2004. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -38/44 5/ LA PAUVRETÉ EN EUROPE Lors des Conseils européens de Lisbonne et de Nice en 2000, les États-membres de l'Union européenne (alors à 15) se sont engagés à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Comment se présente la pauvreté au sein de l'Union ? A/ Les formes de la pauvreté Pas de Pas WC d’eau chaude intérieu r en % en % 2 2 France Revenu médian par unité de consommation * 14 472 Revenu du 1° décile * Seuil de pauvreté, 60% du revenu médian 7 075 Poids de l’alimentation dans le budget en % 22,5 Espagne 4 2 Portugal 17 10 7 138 2 139 25,0 24,0 Pologne 30 16 3 667 1 948 39,6 Russie urbaine 23 17 3 260 1 424 53,1 Roumanie 47 33 1 663 873 59,0 Source INSEE, Economie et statistique, décembre 2005. *: valeur en euros en « parité de pouvoir d’achat », en tenant compte du coût de la vie dans chaque pays B/ Indicateurs de pauvreté et dépenses de protection sociale (hors pensions et maladie) Taux de pauvreté en % de la population (1) Dépenses de protection sociale en % du PIB Avant redistribution Après redistribution Belgique 10 23 11 Danemark 15 21 6 Allemagne 8 18 12 Grèce 6 45 44 Espagne 6,5 45 39 France 9,5 23 12 Irlande 8 41 31 Italie 4 33 30 Luxembourg 8 8 2 11,5 22 10 Autriche 8 16 7 Portugal 7 55 52 Royaume-Uni 10 31 17 UE 13 pays 8 28 20 Pays Pays-Bas Source: Eurostat 1996 (1): seuil à 60% du revenu médian. PISTES DE REFLEXION : 1. L'évaluation de la pauvreté. 2. La pauvreté est une notion relative. Etudier son évolution dans le temps. Comparer entre les différents pays européens. 3. Les caractéristiques des populations les plus touchées par la pauvreté. 4. Étudier le lien entre le risque de pauvreté des enfants et leur situation scolaire. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -39/44 Partie 3 - Bibliographie Les livres des Éditions Quart Monde sont disponibles à : www.editionsquartmonde.org z Collège Lycée Bandes dessinées Cours, Bong-gu Biyun Biyung Jun. Editions Kana, 2005, 12€50 Bong-gu et sa mère ont quitté leur village pour retrouver le père parti chercher du travail à Séoul. Un mendiant et sa petite fille les aident dans leur recherche. Une bande dessinée coréenne pleine d'humanité. z Paris-Trottoir Michel Constant, Michel Vandam Editions Casterman, 1999, 9€50 Chaque jour, Monsieur Charles entonne des chansons dans le métro en échange d'une pièce. Chaque nuit, il s'endort sur le trottoir glacé. Destins croisés, d'ailleurs et de nulle part. z Sans famille 1 : Mère Barberin 2 : La Troupe du Signor Vitalis 3 : Le cygne Yann Dégruel. Editions Delcourt, 2004-2005, 8€90. Une bonne adaptation en BD du roman d'Hector Malot au graphisme moderne et coloré qui transcrit bien l'émotion et l'ambiance du récit. CD Chanter contre la misère (Livre + CD) Mango-Jeunessse, Editions Quart Monde, 2004, 23€ Un livre/CD comprenant une dizaine de chansons et leur texte, illustré par des enfants Tapori et préfacé par Yann Arthus-Bertrand. Fictions Attention fragiles Marie-Sabine Roger. Seuil Jeunesse 2000, 9€95 Une femme et son enfant sous des cartons, un étudiant aveugle suicidaire. L'hiver rend la vie encore plus difficile mais chacun va rencontrer quelqu'un qui l'aide à s'en sortir. z L'ami Yaël Hassan Editions Casterman, 2003 (Romans Junior), 6€50. Samir et Pierre vivent en foyer ; ils sont "frères à la vieet à la mort" jusqu'au jour où Samir est placé dans une famille d'accueil. Qu'en sera-t-il de leur amitié ? Collège & Lycée z La boîte à musique Jean-Michel Defromont Editions Quart Monde, 1998, réédition, 8€ Ce roman, bâti à partir du témoignage de milliers d'enfants, introduit le lecteur dans l'intimité d'une famille très pauvre. Derrière la gare, il y a la mer Julia Richter. La Joie de lire, 2003, 9€20 A 9 ans, Nono en sait déjà long sur la violence et la survie. Pourtant, perdre en une nuit sa maman et sa maison, c'est trop, même pour un petit garçon courageux. Seul au monde, Nono erre dans la ville, avec pour seule lumière son rêve : voir la mer. D'étranges compagnons de route vont l'aider à y parvenir, mais en retour il devra donner ce qu'il a de plus précieux.(Présentation de l'éditeur) z Esclave Pascal Maret. Milan, 2003 (Poche Junior Aventures), 5€ Fin XVIIIe, Ana, une Africaine de 10 ans, est vendue comme esclave au Vénézuela. Pour recouvrer la liberté, il lui faudra toute sa soif de s'instruire et beaucoup de détermination. Une aventure romanesque très instructive sur la condition des esclaves en Amérique du Sud. Fati Jean Michel Defromont. Editions Quart Monde, 2003, 10€ De Ti Paradis à la cité des Myosotis, ce roman croise le destin d'hommes et de femmes que tout sépare et nous fait découvrir comment l'amitié peut permettre aux plus démunis de sortir de la fatalité de la misère. La gare de Rachid Lycée Pascal Garnier. Syros Jeunesse, 2000, à paraître en Poche, 7€50 Rachid, algérien d'origine mais sans attache avec son pays, est balayeur dans une gare parisienne. Le jour où on lui annonce son licenciement, tout s'écroule autour de lui. La grève des bâttu Aminata Sow Fall. Le Serpent à Plumes, 2001, réédition, 6€90 Et si le peuple des exclus refusait l'aumône chichement distribuée ? Mais se mettre debout n'est pas si facile… Une fable sénégalaise, cinglante et drôle. z Histoire de la poule et de l'œuf José Luandino Vieira. Ecole des Loisirs, 2002, 8€ Dans un bidonville d'Angola une poule pond un oeuf. Qui a le droit de le prendre? Une parabole pleined'humour et de malice. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -40/44 z L'île de mon père Brigitte Peskine. J'ai lu, UNICEF, 2003, 4€50 Ce récit très émouvant, complété par un commentaire de l'UNICEF, dénonce un épisode tragique de notre histoire récente : en France dans les années 1960, de nombreux enfants ont été déportés de l'île de la Réunion pour être placés quasiment comme esclaves dans des fermes ou illégalement adoptés. Un enfant va retrouver son père disparu après avoir fait resurgir son passé… z Je serai cascadeur Collège Detty Verreydt. Editions Quart Monde, 2002, 8€ L'histoire d'une amitié entre deux enfants de milieux très différents, bousculée par l'incompréhension et le rejet des autres. Une fiction à la fois tendre et dure. Maestro Xavier-Laurent Petit. Ecole des Loisirs, 2005, 9€50 Dans une ville soumise à un dictateur et à sa police, des enfants abandonnés survivent durement et rencontrent un vieux musicien, riche et célèbre qui rentre dans son pays. z Minuit-cinq Malika Ferdjoukh. Ecole des Loisirs, 2002, 7€50 Une bande d'enfants misérables hante les rues de Prague le soir de Noël. Ils mènent une enquête pleine de dangers face à la méchanceté humaine avant de retrouver l'espoir auprès d'une troupe de théâtre ambulant qui leur offre un magnifique réveillon sous les étoiles … z Moi, Félix, 10 ans, sans-papiers Marc Cantin Milan, 2000 (Milan Poche Junior), 4€50 Décidés à fuir la misère en Côte d'Ivoire, Félix et sa famille s'embarquent clandestinement sur un paquebot. Resté seul, Félix doit lutter en France pour sa survie. Il se heurte au racisme mais aussi à la compassion. Roman réaliste et palpitant pour entrer dans l'univers des clandestins en France. Nuria la nomade Jean-Jacques Marembert, Jacques Ferrandez (ill.) Syros Jeunesse, 2004 (Les uns les autres), 7€50 A cause de la guerre qui ravage son pays, Nuria, issue d'une tribu nomade, doit fuir vers un camp de réfugiés. Quand retrouvera-t-elle sa vie d'antan ? z P'tite mère Dominique Sampiero, Monike Czarnieck (ill.) Rue du Monde, 2002 (Roman du monde), 10€50 Laetitia, p'tite mère de 6 ans, nous décrit à sa manière son quotidien, les difficultés, le froid, l'électricité coupée, la faim, la honte mais aussi l'amour et l'espoir. Un récit sensible d'une grande justesse. Le prince esclave Lycée Olaudah Equiano. Rageot, 2003, 7€30. L'autobiographie, écrite en 1789, d'un fils de roi africain qui , enlevé par des trafiquants d'esclaves, finira, après maintes péripéties, par recouvrer la liberté. Séraphine Marie Desplechin Ecole des loisirs (Medium), 2005, 9€ Paris, 1885. Séraphine, 13 ans, travaille chez Jeanne, pour qui elle finit les chemises. Mais elle veut changer de vie et changer le monde, pour en chasser la misère. A sa manière et avec l'aide de ceux qui l'entourent, elle parviendra à ses fins.(extrait de la présentation de l'éditeur) z La source interdite Françoise Vgochukwu, Edicef, 2001, 3€10 Grâce à l'amitié des enfants, deux tribus du Nigeria arrivent à partager l'eau d'une source. z Le squat résiste Franck Pavloff. Syros, 1996 (Souris Noire), 4€90 La mère Noëlle et ses cinq enfants, nourris de Nutella, écoliers en pointillés, squattent une usine désaffectée jusqu'au jour où les gendarmes arrivent pour les déloger. z Le thé aux huit trésors Anne Thiollier. Hachette Jeunesse, 2002, 4€50 Yu-mei, onze ans, qui vit à Pékin avec sa grand-mère, rencontre par hasard Brin d'herbe, un orphelin très pauvre. Prélude à une amitié source d'aventures. z Le trésor des O'Brien Michael Morpurgo, William Geldart (ill.) Gallimard, 1999 (Folio Jeunesse), 5€90 En 1847, le long périple de deux enfants qui fuient la famine en Irlande pour rejoindre leur père en Californie. z Zohra l'insoumise Michel Leydier. Flammarion, 2004 (Castor Poche), 6€ Zohra, 14 ans, quitte le Maroc pour suivre une tante qui l'emmène chercher du travail en France. Le travail se révèle un nouvel esclavage : enfermée, privée de ses papiers, Zohra se révolte. Témoignages Abdou Karen Stornelli Editions Quart Monde, 2008 (En un mot), 2€ Au Burkina Faso, Abdou, enfant malade et trop tôt séparé de sa mère et de la Côte d'Ivoire qui l'a vu grandir, raconte la mer et les poissons, dessine, coud, rit avec ses amis, mais cherche désespérément sa place dans sa famille. Ce livre témoigne de ce petit Mossi au milieu des Peuls et de tous ceux qui l'ont aimé. Caroline Collège Anne-Marie Toussaint Editions Quart Monde, 2004 (En un mot), 2€ Un témoignage sur la vie d'une fillette et sa famille dans une grande précarité, qui montre que l'entraide et le partage permettent de combattre injustices et inégalités sociales. Ceux des baraquements Lycée Marcel Le Hir, Editions Quart Monde, 2005, 15€ Témoignage d'un homme qui a vécu dans la grande pauvreté et souhaite transmettre un extraordinaire message d'espoir pour tous ceux qui connaissent la misère. 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -41/44 Derrière les rideaux blancs Hélène Monier Editions Quart Monde, 2007, (En un mot), 2€ Pendant cinq ans, Hélène Monier fait la lente connaissance d'une famille dont les parents vivent cachés « derrière les rideaux blancs » de leur caravane, loin de tout droit, de toute aide qui ne soit quémandée et, surtout, sans leurs enfants, placés d'office des années auparavant. L'épine sur les roses Jean-Michel Defromont, 2006, Editions Quart Monde, (En un mot), 2€ Dans la boue d'un terrain de voyageurs, immobiles depuis 30 ans, ils sont expulsés « au nom du peuple français » sous prétexte qu'ils occupent illégalement une « zone naturelle »... Éva Nathalie Gendre Editions Quart Monde, 2005 (En un mot), 2€ À partir du colportage de livres à domicile fait par une volontaire du mouvement Atd Quart Monde, Éva et sa famille, isolées par la misère, découvrent la richesse de la rencontre et de l'amitié. Germaine Maryvonne Caillaux Editions Quart Monde, 2002 (En un mot), 2€ L'histoire vraie d'une famille africaine-américaine de la Nouvelle-Orléans, qui montre qu'une rencontre construite à partir de la confiance et de l'espérance peut ouvrir une voie vers l'avenir. z Le journal de Ma Yan Pierre Haski (présentation) Hachette Jeunesse, 2002 (Histoires de vies), 4€50 Journal authentique d'une écolière chinoise dont la soif de connaissances, la joie de vivre, la lucidité et la malice brillent à chaque page malgré la misère, la faim, et le froid. Kiffe kiffe demain Faïza Guène, Hachette, 2004, 16€ Doria a quinze ans et vit seule avec sa mère dans une cité de Livry-Gargan depuis que son père est rentré au Maroc. Elle nous décrit sa vie et son quartier. Un roman plein de sève et d'humour. z Mon coeur est dans ce caillou Noldi Christen, Christine Lesueur (ill.) Editions Quart Monde, 1999, 9€ Sept histoires illustrées, en 4 langues - français, espagnol, anglais, allemand - nous emmènent à la rencontre des enfants du monde qui tentent de construire un monde plus juste. Pierre d'homme Bernard Jährling Editions Quart Monde, 2004 (Racines), 13€ L'auteur nous décrit son arrivée et celle des siens, en 1955, au camp des sans-logis de Noisy-le-Grand. Documents z 17 octobre. Voix et voies du refus de la misère Cidem - 2007 - 1,50 € « Repères pour éduquer » est une collection qui vise à donner les repères essentiels et l'envie d'aller plus loin sur un sujet en lien avec le civisme aujourd'hui. Ce numéro, consacré au 20ème anniversaire de la Journée mondiale du refus de la misère, préfacé par Pierre Saglio, président d'ATD Quart Monde France, et Marion Navelet, militante, a pour objectif de donner les informations essentielles pour mieux comprendre le contexte et les enjeux de cette journée. z C'est trop cher. Pourquoi la pauvreté ? Anne De La Roche Saint André, Brigitte Ventrillon, Béatrice Alemagna (ill.) Autrement jeunesse, 2002 (Autrement junior), 7€95. Un document conçu pour sensibiliser les lecteurs de 9-13 ans aux problèmes de société, leur faire comprendre qu'ils ont un rôle à jouer et les aider à former leur propre jugement, avec des repères précis, comme la loi. Ces ouvriers aux dents de lait Sigrid Baffert. Syros Jeunesse, 2001 (J'accuse), 7€50 3 récits avec des enfants d'hier et d'aujourd'hui contraints au travail forcé dans le tissage ou le textile, qui racontent les galères, la fatigue mais aussi la débrouille et l'espoir. Avec un dossier sur le travail des enfants dans le monde. Combattre l'exclusion Damien-Guillaume Audollent, Daniel Fayard. Milan, 1999 (Les Essentiels), 5€50 A partir de l'expérience du mouvement ATD Quart Monde, cet ouvrage synthétique montre comment le combat contre l'exclusion dont les plus défavorisés sont les premiers acteurs, peut et doit s'inscrire dans les politiques publiques et mobiliser tous les citoyens autour de la reconnaissance des droits de l'homme et de l'égale dignité de tous. L'économie solidaire. Prendre sa vie en main Jacques Prades, Bernadette Costa-Prades. Milan (Les essentiels), 2005, 5€50 Un petit livre clair qui, après avoir défini l'économie solidaire, décrit en deux pages chacune des actions et chacun des organismes qui, dans ce cadre de solidarité, luttent en France comme à l'étranger contre l'exclusion sociale L'exclusion en France Madeleine Mouget-Renault (dir.), 10€ Publications de l'Ecole moderne française (PEMF), 1999 (Regards sur le monde) L'engrenage de la pauvreté : des témoignages sur le monde des exclus, leur histoire, leur lutte quotidienne contre la misère, leurs déceptions et leurs espoirs. z Le grand livre des droits de l'enfant Alain Serres, PEF (ill.). Rue du Monde, 2000, réédition, 22€50 14 dossiers très documentés et mis à jour sur la situation des enfants dans le monde (santé, école, famille, racisme, etc.) avec des témoignages et des illustrations éloquents. z Joseph Wresinski - Non à la misère Caroline Glorion. Actes Sud junior, 2008, 7,50 € La collection Ceux qui ont dit non, édité par Actes sud junior présente des récits de vie de grandes figures qui ont eu un jour le courage de se révolter pour faire triompher la liberté ou la justice. Complété par un dossier documentaire et un dossier photo 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -42/44 z La pauvreté : combattre l'inacceptable Claude Faber. Milan, 2004 (Les Essentiels Junior), 6€ Ce documentaire de 40 pages en couleurs propose une approche claire et bien documentée des dimensions historiques, sociales et humaines de la pauvreté ainsi que des actions menées par les pouvoirs publics et par les associations pour combattre ce fléau. Viens chez moi, j'habite dehors Elsie, Jalan, 2004, 24€ Elsie dessine les sans-abri qui se retrouvent à « La Moquette », un lieu d'accueil et d'échange au coeur de Paris, ouvert à tous. Vidéos Ça commence aujourd'hui Bertrand tavernier, 1999, 114 minutes. Daniel, directeur d'une école maternelle près de Valenciennes, est confronté à la misère des familles, aux carences des aides sociales et continue malgré tout d'enseigner la joie et l'espoir à ses petits élèves. Geneviève de Gaulle-Anthonioz - Le chemin de l'Espérance Un film de Claire Jeanteur, 2007 - 26 mn Ce documentaire nous offre un portrait sensible de Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Membres d'ATD et compagnes de déportation témoignent ici de son engagement indéfectible contre « la destruction de ce qui constitue un être humain : sa dignité. » Le Grand Malentendu Film de Dominique Delattre Production la Cathode, CNC, documentaire de 52 mn Absentéisme, échec scolaire, violence. Pourquoi l'école d'un côté, les parents de l'autre s'en rejettent la responsabilité ? Trois établissements, suivis pendant un an, ont vécu et surmonté ces difficultés Joseph Wresinski - 50 ans de combat contre la misère Caroline Glorion et Gérard Lemoine, 2007, 52 mn Ce documentaire, diffusé sur France Télévision les 16 et 17 octobre derniers, a fait découvrir au grand public le parcours du Père Joseph et, plus largement, l'histoire d'ATD Quart Monde. Lady Bird Ken Loach, 1994, 102 mn Maggie a eu quatre enfants de quatre pères différents. Comment reconstruire sa vie lorsqu'on est entre les mains de l'administration et des services sociaux, en 1994 en Grande Bretagne ? Quand des voix se rencontrent Caroline Glorion, 21 mn, 15€, Editions Quart Monde Un samedi par mois, quarante personnes avec des réalités de vie bien différentes se retrouvent autour d'un chef de choeur et d'une pianiste pour chanter ensemble. Au fil des années, les participants ont de moins en moins peur de ne pas y arriver. Le regard change sur soi et les autres.. Enseignants Revues Quart Monde Elles abordent des questions de société telles que les vivent ceux que la misère fait taire, ceux qui, à leurs côtés, cherchent à comprendre et agir, ceux qui veulent porter ces questions au coeur de leur profession et de leurs recherches. 155 : Élèves aujourd'hui, citoyens demain, 183 : Le 17 octobre, un pacte pour l'avenir 185 : Apprendre : le désir et le droit 193 : La prison, au-delà des murs 194 : Parcours d'engagements 195 : Vivre en sécurité 196 : Vieillir 197 : Habiter avec les autres ? 198 : Littérature et misère : quelles rencontres ? 199 : Forger la mémoire d'un avenir commun 200 : Le refus de la misère a-t-il pris corps ? 201 : Le travail décent : un droit ? 202 : le 17 octobre, pour vivre ensemble demain 203 : Etre connu et reconnu 204 : Héritages. L'actualité de Joseph Wresinski 205-206 : Droits de l'homme : « Nous avons trouvé un chemin... » Pour en savoir plus : www.revuequartmonde.org Le croisement des pratiques : Quand le Quart Monde et les professionnels se forment ensemble Editions Quart Monde, 2002, 11€ Comment concilier les logiques institutionnelles et celles de la personne ? Comment améliorer la relation entre professionnels et personnes en situation de pauvreté ? L'école devant la grande pauvreté : changer de regard sur le quart monde. Claude Pair, Hachette, 1998, 21€80 Le partenariat entre l'école et les familles pauvres est la seule voie possible pour la réussite scolaire de leurs enfants, mais il est encore largement à inventer. La misère hors la loi Paul Bouchet, Textuel, 2000, 18€50 Une conversation avec l'ancien président d'Atd Quart Monde qui explique comment la misère est la nouvelle limite de la démocratie. Les pauvres et leur histoire : de Jean Valjean à l'abbé Pierre Pierre Pierrard, le Centurion, 2005, 23€ A travers des portraits des humbles et des anonymes, l'auteur écrit une autre histoire de la pauvreté : plus humaine et plus juste, plus près des réalités. Ecole, demandez le programme Philippe Meirieu, le café pédagogique, 2006, 12,50€ L'auteur nous partage ses questions sur l'avenir de l'école : Cinq chantiers sont définis : la maîtrise de la langue, identifier et enseigner ce que nul ne peut ignorer, éviter l'orientation par l'échec dans les voies professionnelles, retrouver la confiance dans l'école de la républiqu.e... On retiendra ses questions sur les pièges du « socle commun des connaissances et de compétences », la suppression des ZEP (zones d'éducation prioritaires), la diversification du collège sans briser l'hétérogénéité de son recrutement, l'ouverture de l'école aux parents, l'obligation de résultats liée à la liberté pédagogique pour les enseignants... 17 octobre 2008 – Journée mondiale du refus de la misère – Dossier pédagogique pour les collèges, lycées et associations -43/44 © Mouvement ATD Quart Monde - année 2008-2009