Supply Chain Magazine 103 - Enquête e
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Supply Chain Magazine 103 - Enquête e
ENQUÊTE e-commerce Des livraisons à la carte C Les points relais se sont développés historiquement comme une alternative à la livraison à domicile. Aujourd’hui, c’est au tour du retrait en magasin et des consignes automatiques. Et demain, ne doit-on pas s’attendre à une transformation de l’écosystème de la livraison avec l’arrivée des géants du Web et des start-up de l’économie collaborative ? oup de tonnerre en 2015 ! La livraison à domicile est passée pour la première fois sous la barre des 50 %, 49 % pour être exact. Les points relais quant à eux représentent 45 % des livraisons, le retrait en magasin et les consignes respectivement 6 % (en croissance de 2 points par rapport à 2014) et 0,3 %. De nombreuses études rapportent que les options de livraison sont un « facteur de recrutement » de nouveaux clients. Stéphane Tomczak, Fondateur de Deliver et Coordinateur pour la Fevad de l’Observatoire logistique e-commerce, nuance ce constat : « L’e-commerce reste avant tout une affaire de produit 40 N°103 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2016 et de prix. En revanche, la livraison joue un rôle extrêmement important dans la fidélisation ». Quels sont les critères de choix d’un mode de livraison plutôt qu’un autre ? « Avec le phénomène mondial de la gratuité des livraisons, le prix est un élément prépondérant. La commodité est aussi un aspect important. Le consommateur souhaite une livraison perturbant le moins possible son quotidien », estime Stéphane Tomczak. Jean-Marc Soulier, Président de Metis Consulting, identifie, quant à lui, 4 attentes prioritaires : « La praticité (choix des modes, des lieux, des délais, des créneaux horaires,des solutions de retour, etc.), la vitesse, la fiabilité et l’interactivité. Le commerçant doit être capable d’assurer le suivi, ©M IPAN-FOTOLIA de communiquer des informations précises au consommateur et de lui proposer une re-planification de la livraison ». La plupart des experts croient à toujours plus d’accélération des flux et au raccourcissement des délais. « A iso-prix de vente, la vitesse améliore le taux de transformation. C’est ce qu’a compris Amazon qui garantit en France une livraison à J+1 pour les clients Prime et a même lancé depuis quelques mois un service de livraison le jour même en soirée sur des créneaux de 2 h. Le service attendu aujourd’hui en France est de plus en plus la livraison le lendemain. Aux USA, Amazon relocalise depuis 2 ans ses entrepôts à proximité des grosses agglomérations dans lesquelles il pro- … aux consignes automatiques Les réseaux, aujourd’hui très marginaux, sont en cours de constitution essentiellement dans des lieux à forte fréquentation. Inpost, producteur et opérateur de consignes automatiques, se fixe comme objectif à horizon fin 2018 l’installation de 2.500 Abricolis, contre 320 à présent. Il a annoncé en octobre dernier avoir conclu un partenariat avec Total pour équiper une centaine de stations-service à l’extérieur des boutiques. Fin novembre Le retrait en magasin, dans l’air du temps A la croisée du point retrait et du magasin, le Groupe La Poste a lancé il y a 18 mois son concept de Pickup Store, une boutique, située sur le trajet domicile-travail, offrant aux e-acheteurs une solution de livraison de colis et un accès à des services pratiques du quotidien (pressing, cordonnerie, café, etc.). 3 gares en sont pour l’instant équipées : Saint-Lazare, Ermont-Eaubonne et Evry Courcouronnes. Ce concept embryonnaire en France existe déjà en Angleterre à travers le réseau Doddle Store, constitué de 45 boutiques. A propos de magasins, qu’en est-il du phénomène du moment, le retrait en boutiques ? Le rempart des distributeurs contre les assauts des pure players, entend-on régulièrement. Click and collect, web-to-store, … tous ces anglicismes défraient la chronique pour évoquer le sujet de l’omni-canal. Augustin Gueldry, ©COLICOACH Fondateur de Colicoach Jean-Marc Soulier, ©M ETIS CONSULTING Président de Metis Consulting Stéphane Tomczak, Fondateur de Deliver et Coordinateur pour la Fevad de l’Observatoire logistique e-commerce ©ST Des points relais… Vous l’avez compris, la diversité des canaux proposés par le commerçant est un atout précieux. Historiquement, la première alternative à la livraison à domicile mise en œuvre fut les points relais. Il s’agit de la solution hors domicile la plus aboutie, le territoire étant correctement maillé et les clients habitués à cette alternative. On compte 4 réseaux en France : Pickup (7.800 relais) du Groupe La Poste, UPS Access Point anciennement Kiala (4.500 relais), Mondial Relay du Groupe 3SI (4.300 relais) et Relais Colis du groupe français Redcats (4.200 relais). Pour l’e-commerçant, elle est synonyme de mutualisation des flux et donc d’économies sur le coût de distribution, pour le client, d’un prix inférieur à la livraison à domicile. « La limite des points relais réside dans la pérennisation des réseaux car les commerçants considèrent souvent leur rémunération insuffisante au regard de la surcharge de travail générée », alerte Augustin Gueldry, Fondateur de Colicoach. Autre limitation, les horaires. Les consommateurs souhaitant s’affranchir de cette contrainte, les consignes automatiques, très répandues en Allemagne, ont récemment fait leur apparition en France. Celles-ci, susceptibles d’être accessibles 24h/24 et 7j/7, sont également utilisables pour les retours. 2013, Neopost Shipping a lancé Packcity. A l’inverse d’Inpost, sa stratégie ne consiste pas à constituer un réseau. Après une première association avec Relais Colis, Neopost Shipping a signé un contrat avec La Poste visant à installer 1.000 consignes Packcity en France (1/3 en bureau de Poste, 1/3 dans les gares, 1/3 dans le domaine public). 250 sont déployées à ce jour. Les consignes intéressent aussi les distributeurs dont les volumes de retrait en magasins sont importants. Neopost Shipping, qui considère ce matériel pertinent à partir de 20 à 30 colis par jour, a installé 20 consignes chez Decathlon, utilisées exclusivement pour gérer les flux du distributeur. Des tests sont actuellement en cours chez Auchan, en partenariat avec Mondial Relais, également pour des flux tiers (hors Auchan). Néanmoins, certaines questions restent en suspens : les moyens financiers seront-ils mis en œuvre suffisamment rapidement pour permettre aux consignes de s’inscrire dans le paysage auprès de la clientèle ? Quid des difficultés d’implantation potentielles sur les voies publiques ? Sans oublier, la démonstration nécessaire de la pertinence du modèle économique face au réseau de points relais déjà existants. Denis Labastrou, Directeur Commercial Groupe de SED Supply Chain Solutions ©SED pose un service « same day », inclus dans l’offre Prime. Par ailleurs, des tests y sont actuellement en cours pour de la livraison en H+1 », complète JeanMarc Soulier. Transporter un colis dans l’heure requérant la disponibilité du produit à proximité du lieu de livraison, les magasins sont un atout précieux pour les distributeurs traditionnels. AVRIL 2016 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°103 41 ENQUÊTE e-commerce En général, ce mode de distribution, déjà mature au Royaume-Uni, est proposé gratuitement aux e-consommateurs dans la mesure où le distributeur mutualise ses flux. A cela s’ajoutent les gains en matière de trafic dans ses magasins. « Le click and collect se développe très fortement en France et représente même environ 40 % du CA généré en ligne par les grandes enseignes (Fnac, Darty, Décathlon, etc.) contre 0 il y a seulement 2 ou 3 ans », détaille Stéphane Tomczak. Autre illustration avec le cas de Cdiscount qui s’appuie sur le réseau physique de sa maison mère, les magasins Casino. Rue du Commerce dont l’acquisition par Carrefour a été finalisée en début d’année profitera certainement aussi du réseau de magasins du distributeur. Un maillage insuffisant Mais, contrairement à ce qu’oublient de rappeler les distributeurs, tout n’est pas complètement rose… « L’immense majorité des réseaux de vente, à l’exception de l’alimentaire, ont un maillage insuffisant. Les réseaux de distri- entrepôts. Outre-Manche, au-delà de sa propre filiale e-commerce (George.com), Asda, aidé de l’éditeur Manhattan, ouvre son réseau physique à d’autres e-marchands pour le retrait de commandes et la gestion des retours. Et demain ? Dans la veine de l’économie collaborative, la piste des « voisins » fait son apparition avec notamment la société Voisins Relais dont l’ambition est de constituer d’ici 2 ans une communauté de 45.000 voisins, bien plus que n’importe quel réseau de points relais. L’assurance pour le transporteur de trouver son destinataire dès le premier passage. La livraison à domicile, choix N°1 des consommateurs Au-delà de ces canaux de livraison imaginés pour réduire les coûts des e-commerçants et in fine, celui du consommateur, gardons à l’esprit que la livraison à domicile reste la préférence des clients. « Les études d’intention révèlent qu’environ 80 % des consommateurs préfèrent la livraison à domicile, toute chose égale par ailleurs. Dans les ©I NPOST Consigne automatique Abricolis (Inpost) à Nîmes bution sont souvent constitués de seulement quelques centaines ou dizaines de points de vente, autrement dit parfois très éloignés des consommateurs, explique Augustin Gueldry. Et d’ajouter : L’enjeu consiste à définir la manière d’intégrer des processus très opérationnels de gestion de flux de marchandises (réception, contrôle, accueil de la clientèle pour les retraits, etc.) aux opérations de vente. Les magasins doivent être suffisamment structurés (SI, organisation, place disponible, etc.) pour accueillir cette nouvelle activité. » Les grandes enseignes se retroussent justement les manches pour tenter d’appliquer aux magasins les bonnes pratiques de préparation en place dans les 42 N°103 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2016 faits, elles représentent moins de 50 % des volumes. Cette différence s’explique par le prix des frais de port », confirme Stéphane Tomczak. Une livraison à domicile, dans un délai rapide à un coût compétitif ? Une articulation jugée comme impossible il y a encore 3 ans, résignant le consommateur à opter pour des solutions alternatives. « Nullus tenetur ad impossibile », tel fut l’adage martelé par les e-commerçants. C’était sans compter la révolution opérée par Amazon avec son offre « Premium » : des livraisons à domicile illimitées à J+1 pour la modeste somme de 49 € par an. Un véritable changement de paradigme. Ces abonnements annuels, offrant des livraisons « à volonté » en express, sont également proposés par d’autres acteurs tels que Cdiscount ou même la Fnac. Mais à quel prix ? « 50 % des frais de port ne sont pas refacturés par Amazon à ses clients du fait de cette gratuité », révèle Augustin Gueldry. Pour Amazon, il ne fait aucun doute que cet investissement est de nature marketing. L’objectif est clair : capter et verrouiller une clientèle le plus vite possible. Cette démarche de « recrutement » de nouveaux clients est agressive mais efficace. Un client Amazon Prime par souci de rentabiliser son abonnement est moins tenté d’acheter ailleurs. En outre, il semble que la dépense moyenne des abonnés Prime soit largement supérieure à celle d’un client ordinaire. Pour les petits e-commerçants, le combat de la livraison est donc biaisé. C’est David contre Goliath mais sans le « happy end ». Difficile de ne pas imaginer qu’une fois la concurrence à terre, Amazon ne facturera pas le prix réel de la livraison… Comment rivaliser ? Faire cadeau de la livraison au consommateur au risque de déposer le bilan très vite, ou la facturer à son coût réel au risque de complètement se démarquer du « market maker ». Difficile dans un tel contexte de convaincre le client de payer le juste coût logistique. Le choc des titans En outre, le géant de la toile fait ses premiers pas dans le secteur de la livraison… Amazon négocie actuellement la location d’au moins 20 Boeing 767 cargo pour assurer son propre fret aérien sur le territoire américain, ouvre des centres de tri, travaille d’arrachepied sur son prototype de drone, achète des remorques, etc. En France, Amazon a décidé de racheter 100 % du capital de Colis Privé et ouvre ses propres consignes (Amazon locker). Même si l’idée initiale est de venir en complément et non en remplacement de l’offre existante, afin d’assurer les pics d’activité pour lesquels les moyens capacitaires du marché font défaut, l’ambition est pourtant sans ambiguïté : intégrer la chaîne logistique dans sa globalité. Pourquoi ne pas imaginer à terme Amazon proposer ses prestations de transport à d’autres e-commerçants sur le modèle de son Suite page 44 ENQUÊTE e-commerce Suite de la page 42 44 N°103 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2016 Virginie Ducrot Présidente d’EnvoiMoinsCher.com Aider les petits e-commerçants à améliorer leur offre en matière de frais de ports « ©ENVOI MOINSCHER.COM Notre offre de services englobe des expressistes (UPS, Fedex, TNT, Chronopost, DHL), des points relais (Relais Colis, Mondial Relais, Pick Up), Colissimo ainsi que des transporteurs de palettes. Notre module de livraison s’intègre sur le site e-commerce de nos clients. Ils ont accès instantanément aux transporteurs avec lesquels nous travaillons et aux tarifs pré-négociés par nos équipes (jusqu’à 75 % de remise). Cela signifie pour eux, un seul interlocuteur, une seule facture et un unique service client de qualité assuré par nos soins pour l’ensemble des transporteurs. Notre offre s’adresse aux petits ecommerçants avec des volumes modestes en quête de tarifs plus compétitifs et souhaitant élargir la palette de transporteurs proposée à leurs propres clients. Ils peuvent ainsi élaborer une vraie démarche marketing sur les frais de port visant à augmenter le taux de conversion. ■ BS La livraison : un élément crucial de l’achat en ligne ©PRODUCTION PERIG-FOTOLIA Star’s Services et l’Ifop ont conjointement mené une étude en novembre dernier portant sur les attentes des consommateurs français en matière de livraison ecommerce. On y apprend que de manière spontanée, les répondants citent la livraison comme le critère le plus important lors d’achats sur Internet. 1/4 des clients déclarent changer d’e-commerçant après une mauvaise expérience de livraison. A l’inverse, une bonne expérience incite presque systématiquement à renouveler les achats sur le même site. On retrouve parmi les attentes concernant la livraison : le prix (68 %), le respect des engagements (45 %), la traçabilité (37 %) et la rapidité (31 %). On y découvre également que plus de la moitié des répondants seraient intéressés par une livraison le jour même et par une livraison sur un créneau horaire de 2 h pour un prix de respectivement 4 € et 4,3 €. ■ BS SOURCE : ÉTUDE D’APPÉTENCE POUR DES SERVICES DE LIVRAISON PREMIUMS – STAR’S SERVICE & IFOP » ©FOTOLIA programme de Fulfillment (FBA) pour la logistique ? Mais serait-ce vraiment une situation de rêve pour les petits ecommerçants de confier leurs flux à la concurrence ? On peut en douter… Audelà d’Amazon, d’autres nouveaux acteurs pointent leur nez sur le marché de la livraison à domicile. Google fait parler de lui avec son service de livraison par drone et ses fourgons autonomes de livraison. Si les drones aériens vous paraissent encore romanesques, sachez néanmoins que depuis mars, la société Starship Technologies teste de la livraison de colis par drone terrestre à Londres. L’économie à la demande s’invite aussi dans la danse. Uber avec UberRush aux Etats-Unis, un service de livraison pour les commerçants qui s’appuie sur son réseau de chauffeurs de VTC, mais aussi sur des livreurs pouvant aussi bien être à pied qu’en vélo. « Je crois beaucoup à l’ubérisation des transports de livraison. Evidemment, cela exige une réflexion en matière de cadre réglementaire (sûreté, sécurité, etc.) mais cette tendance est inéluctable et même une réponse évidente à la problématique de la livraison urbaine dans les grosses agglomérations », nous confie Denis Labastrou, Directeur Commercial Groupe de SED Supply Chain solutions, qui rappelle que « les premiers acteurs de messagerie étaient des cars de transport de passagers dont l’utilisation était détournée pour transporter sur les toits des petits colis ». Le match de demain risque d’opposer l’approche traditionnelle des acteurs historiques avec des moyens physiques à l’approche technologique reposant sur l’économie collaborative et des platesformes interactives de mise en relation. De nombreuses start-up dans le domaine du crowd-sourcing (livraison collaborative au moyen d’une communauté de particuliers) du dernier kilomètre voient le jour. L’émergence de ces jeunes sociétés visant à réduire le coût du dernier kilomètre et des géants du Web ne risque-t-elle pas de freiner l’essor ou même de balayer les solutions alternatives à la livraison à domicile déjà en place (points relais) ou en cours de développement (magasins, consignes, etc.) ? La réponse dans quelques années… ■ BRUNO SIGUICHE SOURCE : « CUSTOMER PULSE REPORT 2015 DE JDA Ailleurs en Europe… Une enquête (datant de 2015) menée conjointement par JDA et Centiro Pulse Report, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suède, révèle que les retards de livraison sont le problème N°1 des commandes en ligne. Elle met également en évidence que les consommateurs choisissent de plus en plus les distributeurs en fonction des options de livraison. « Au Royaume-Uni, 46 % des répondants ont choisi de faire leurs achats auprès d’un distributeur qui offrait de multiples choix de livraison au détriment de ceux qui n’en proposaient qu’un seul, suivi par 32 % en Suède et 29 % en Allemagne. Alors que de nombreux distributeurs ont mis l’accent sur l’importance de la livraison rapide voire le jour même, l’enquête indique que dans toute l’Europe, le coût et la commodité sont des éléments plus déterminants que la rapidité ». Les services comme le « Click & Collect » ou le « Drive » sont de plus en plus considérés comme des alternatives à la livraison à domicile pour des raisons de coût et de praticité. ■ BS Epicerie, fruits & légumes, repas : Amazon passe à table et accélère la cadence… Après les Etats-Unis (avec Amazon Fresh), Amazon a lancé début mars au Royaume-Uni, suite à la signature d’un accord avec la chaîne de supermarchés Morrisons, une offre de livraison concernant des produits secs, frais et surgelés. Celle-ci est réservée aux détenteurs d’un abonnement « Prime Now » et aux clients Amazon Pantry (service de livraison de produits d’épicerie lancé fin 2015 au Royaume-Uni). Rappelons que les clients « Prime Now » peuvent y être livrés en 1 h en s’acquittant de 6,99 £ supplémentaires. Ils ont aussi la possibilité de recevoir gratuitement leur commande dans un créneau de 2 h le jour même entre 8 h et minuit, et ce, tous les jours de la semaine. En février, c’est à Milan (Italie) que l’e-commerçant a lancé un service de livraison de fruits et légumes dans l’heure. Amazon a par ailleurs annoncé en janvier l’extension de son service de livraison de repas à domicile (Amazon Restaurants) à Chicago, la 6e ville américaine à en bénéficier, pour laquelle le temps moyen de livraison est de 39 min. D’autres « nouveaux » acteurs font leur entrée sur le marché de la livraison à domicile. Google Express teste actuellement la livraison de fruits, légumes, viandes et produits laitiers à Los Angeles et à San Francisco. Par ailleurs, UberEats a fait une arrivée remarquée à Paris en octobre dernier. Ce service de livraison à domicile, déjà existant dans une dizaine de villes aux Etats-Unis, propose une livraison… en moins de 10 min ! 10.000 km plus à l’Est, Baidu, le géant de l’Internet chinois, livre aussi pour presque gratuitement des repas à domicile depuis 2011 via son offre Waimai. ■ BS AVRIL 2016 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°103 45 ENQUÊTE e-commerce La promesse logistique du Top 20 français Isabelle Badoc Chiffres clefs 2015 en France publiés par la Fevad ■ 64,9 Md€ dépensés sur Internet (+14,3 %) 46 à 78 € (environ -4 %) notamment liée à l’utilisation croissante de la livraison en points relais (la plupart du temps gratuite) et à l’augmentation de la fréquence d’achat ■ 23 transactions annuelles pour les cyberacheteurs (+13 % en nombre de commandes, +8 % des dépenses) ■ +10 % (>70 Md€) attendu en 2016 ©M LAMONT-FOTOLIA SOURCE : B ILAN 2015 DE LA FEVAD ■ 835 M de transactions (+19 %) ■ Baisse du panier moyen annuel N°103 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2016 ©GENERIX * Etude réalisée, durant le 3e trimestre 2015, par Generix Group sur la base des informations affichées en ligne par les leaders du e-commerce (hors alimentaire) selon l’EC30 LSA - Toluna - PWC Quelques données logistiques A l’occasion du salon e-commerce One to One, la Fevad et 3 autres membres fondateurs (WelcomeTrack, Neopost Shipping et DDS Logistics) de l’Observatoire de la logistique e-commerce ont rendu public des chiffres édifiants, fruits de l’analyse des données transmises par 1.000 marchands entre janvier 2015 et février 2016 : ■ Click-to-possession : 5,3 j (de 3,5 j pour le point relais express à 17,1 j pour le volumineux) ■ délai de livraison : 1,5 j ouvré ■ délais de préparation et expédition : 32 % le jour même, 95 % dans les 2 j après la commande ■ Délais d’expédition et livraison : 4 % le jour même de la commande, 60 % le jour même ou le lendemain, 94 % dans les 2 j après la commande ■ Taux de livraisons réussies dès la 1ère tentative : 79 % SOURCE : OBSERVATOIRE DE LA LOGISTIQUE E- COMMERCE – FEVAD ©GENERIX Generix Group, en partenariat avec Bruno Durand (Université de Nantes), a examiné les initiatives logistiques menées par 20 e-commerçants français (reconnus comme les leaders), hors alimentaire et hors service. « Nous avons étudié la promesse logistique faite par chacun de ces sites : disponibilité du stock, délai, le prix et le lieu de la livraison », nous explique Isabelle Badoc, Product Marketing Manager Supply Chain chez Generix Group. Et de préciser : « Nous estimons que l’offre logistique influe à au moins 50 % sur la décision d’achat du client final. Il s’agit donc d’un véritable levier sur lequel les e-commerçants souhaitent se différencier ». L’infographie suivante représente les principales bonnes pratiques observées. ■ BS ENQUÊTE e-commerce Christian Boileau Directeur Supply Chain de Delamaison.fr (groupe Adeo) « Nous veillons à apporter une réponse en termes de disponibilité produit très rapide » Le spécialiste de la décoration et du mobilier en ligne distingue 2 flux : les petits colis et les encombrants. En découlent des modes de livraison sensiblement différents. avec GLS à J+2/3, 10 % en J+1 avec Chronopost. Le prix dépend du seuil de commande, de la typologie du produit et du service de livraison. Nous menons actuellement une réflexion autour du bon positionnement des frais de ports. Supply Chain Magazine: Quels types de produits propose Delamaison.fr ? Christian Boileau : Delamaison est un pure player dans le monde de la décoration, du mobilier de maison intérieur et extérieur. La société a été créée en 2006, puis rachetée en 2012 par Adeo. La Supply Chain de Delamaison se caractérise par une double problématique : des produits dits mécanisables de petit format (jusqu’à 30kg) nécessitant des modes de transport relativement standard, et des produits encombrants (meubles, canapés, etc.) plus compliqués à transporter. SCMag : Quid des produits encombrants ? C.B. : Nous veillons à apporter une réponse en termes de disponibilité produit très rapide, ce qui n’est pas le cas des marchands traditionnels de meubles dont les délais de livraison sont souvent de plusieurs semaines ou mois. Nous travaillons donc sur stock et essayons de rendre notre offre de transport la plus attractive possible. SCMag : Au-delà des transporteurs, comment améliorer la qualité de service de la livraison ? C.B. : La qualité de l’OMS impacte directement celle de la livraison. Par exemple, pour nos produits constitués de plusieurs cartons stockés sur des Delamaison en chiffres ■ 500 marques ■ 50.000 références ■ 1.500 nouveautés/mois ■ 60 M€ CA ■ jusqu’à 3 M de visiteurs uniques mensuels ■ 40.000 m² d’entrepôt ■ 180 salariés 48 N°103 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2016 ©DELAMAISON SCMag : La livraison est-elle un facteur de différenciation par rapport aux concurrents ? sites différents, l’OMS doit être capable de regrouper au bon endroit les bonnes expéditions pour les remettre au bon transporteur. Par ailleurs, le TMS impacte aussi directement la qualité de la livraison. L’évolution de nos outils est donc un de nos axes majeurs de travail. SCMag : Que proposez-vous pour les petits colis en matière de canal de distribution, de délai et de prix ? C.B. : La livraison à domicile est assurée par GLS. Sa solution FDS (Flex Delivery Service) permet au client de recevoir l’information concernant la livraison et lui donne la possibilité de modifier, si nécessaire, la date et/ou le lieu. Nous avons récemment mis en place avec Chronopost une livraison express. Enfin, nous proposons une livraison en point Relais avec Mondial Relais. Les flux se répartissent environ à 50/50 entre ces 2 canaux. 90 % des livraisons à domicile sont réalisées C.B. : Nous travaillons avec Relais Colis pour la livraison à domicile et avec Mondial Relais pour les points relais pour encombrants. Bien qu’il y ait une forte demande de nos clients (en raison du prix), l’offre existante en points relais pour encombrants est malheureusement insuffisante. Nous étudions actuellement au sein des enseignes Adeo la possibilité de mise en place d’un système alternatif. Par ailleurs, nous avons élaboré une offre de transport interne à Delamaison en région parisienne avec nos propres louageurs. Cette solution supprime les ruptures de charge (délais raccourcis) et fournit une qualité de service très élevée. Nous souhaitons la déployer à plus grande échelle dans les mois à venir. Nous avons également développé un « drive » (<1 % des volumes), c’est-à-dire un point de livraison dans notre entrepôt des Ulis, auquel nous avons adjoint un magasin. D’une manière générale, nous souhaitons faire évoluer notre offre transport en améliorant la qualité de notre panel de transporteurs et en enrichissant les services proposés. Pour les e-commerçants, le montant des frais de ports facturés est toujours inférieur à celui de la prestation logistique et au coût du transport. Mais cet écart se réduit sur des prestations à haute valeur ajoutée. ■ PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE ENQUÊTE e-commerce Julien Laurent Président de MissNumerique.com « Nous choisissons de faire payer la livraison considérant que ce service a une valeur » Le pure player du matériel photographique a étoffé depuis peu son offre de livraison avec l’ouverture d’une boutique. Au-delà de la palette des choix proposés au client, l’e-commerçant insiste sur l’importance de la qualité de la livraison. Julien Laurent : Notre société (30 personnes) a été créée il y a 10 ans. Nous vendions à l’époque des cartes mémoire. En 2006, nous avons étendu notre gamme au matériel de la photographie numérique (réflex, trépied, etc.) et depuis plus récemment, à la vidéo et aux drones. Notre particularité est de tout gérer en interne : la logistique, les achats, le marketing, le service client, etc. Nous stockons nos produits pour assurer des délais d’expédition très courts. Notre siège se trouve à Nancy dans un entrepôt de 1.100 m2. Jusqu’à présent pure player, nous avons ouvert en novembre 2015 notre premier magasin à Nancy, utilisé notamment comme point de retrait (livraison gra- ©M ISSN UMÉRIQUE.COM Supply Chain Magazine : Pourriez-vous nous présenter MissNumérique.com ? tuite). Si les objectifs fixés sont atteints, nous envisagerons alors l’ouverture d’autres magasins. SCMag : Outre le magasin de Nancy, que proposez-vous comme canal de livraison ? J.L. : Au démarrage du e-commerce, la livraison se faisait exclusivement à ©M ISSN UMÉRIQUE.COM Préparateur MissNumérique.com 50 domicile. Sont arrivés ensuite les relais qui se sont réellement démocratisés depuis 3-4 ans. Dès lors, la part de nos flux hors domicile s’est envolée (environ 50 % de nos volumes) en raison d’une communication massive sur ce mode de livraison et de son prix moindre. Néanmoins, la proportion de consommateurs optant pour la livraison à domicile restera toujours conséquente. Nos clients ont le choix entre 2 délais de livraison : express en 24 h (pour une commande passée avant 17h à J, livraison à J+1 avant 13h) ou du standard en 48 h. SCMag : Quelle est votre stratégie en matière de frais de port ? J.L. : Ne pas perdre d’argent sur la livraison est quelque chose de difficile. Les mauvais résultats de certaines sociétés sont souvent liés à la gratuité de ce service, la logistique étant en général dans le top 3 des dépenses. Contrairement à beaucoup d’e-commerçants, nous choisissons de faire payer la livraison considérant que ce service a une valeur. Nous proposons des forfaits dont le montant dépend du canal de livraison et du délai choisi. Il faut compter un rapport de 1 à 2 entre la livraison hors domicile et celle à domicile en mode express. Le panier moyen élevé de nos acheteurs (environ 200 €) facilite l’acceptation par nos clients de ce coût. Nous maintenons ainsi une qualité de service élevée, une structure financière saine et notre indépendance. Par ailleurs, nous choisissons avec soin nos prestataires, en favorisant systématiquement la qualité de service au prix. SCMag : Comment gérer l’antagonisme entre l’appétence des consommateurs pour la livraison N°103 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2016 à domicile et la volonté du e-commerçant de développer des alternatives pour réduire les coûts ? J.L. : La livraison à domicile reste inévitable, notamment dans les zones moins denses. Nous assistons actuellement à la création de nombreuses start-up et à une « ubérisation » plus générale de notre économie. Ces startup visent à s’appuyer sur des particuliers pour assurer les livraisons. L’avenir nous dira si ce nouveau mode de livraison permet ou non de réduire les coûts. SCMag : Quels sont vos sujets de réflexion actuels en lien avec la livraison ? J.L. : Nous travaillons sur l’amélioration de l’interface d’achat pour simplifier la démarche du client au moment du choix de la livraison. En ©M ISSN UMÉRIQUE.COM Entrepôt MissNumérique.com outre, le sujet lié à notre développement à l’export (Suisse et Belgique historiquement, Allemagne, Italie, Espagne et Angleterre à la cible) nous occupe beaucoup, en particulier la problématique posée par les coûts de transport à l’international. Nous nous interrogeons sur la pertinence d’externaliser pour obtenir des prix plus intéressants ou au contraire d’élaborer une stratégie de développement à l’international plus ambitieuse avec les volumes ad hoc permettant de mieux négocier avec les transporteurs. La 2e option est pour l’instant celle favorisée. ■ PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE AVRIL 2016 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°103 51