Discours prononcé le 26 juin 2013 par Anne

Transcription

Discours prononcé le 26 juin 2013 par Anne
Discours prononcé le 26 juin 2013 par Anne-Marie Bouzat
pour son départ à la retraite,
« Dans quelques jours, je ne serai plus parmi vous.
Emploi Développement doit retrouver un nouvel élan avec de nouvelles forces vives, recommencer à innover,
mettre en place de dispositifs adaptés à la période actuelle. Nous avons toujours été novateurs et nous
continuerons.
Je voudrais remercier,
- En tout premier lieu, Nicole Catala, la Présidente d’honneur, à l’initiative de ce dispositif.
- Les différents présidents, les administrateurs et les bénévoles.
Six présidents se sont succédé à Emploi Développement, et trois à Proxim’Services 75, j’ai une pensée
particulière pour deux d’entre eux, André Wan Wynsberghe et Pierre Dangles aujourd’hui disparus. J’ai toujours
travaillé avec les différents présidents en toute transparence et totale liberté.
- Tous les membres des équipes qui m’ont accompagnée depuis 23 ans et sans lesquels rien n’aurait été
possible. Merci à Lydie présente et efficace depuis 20 ans. Merci aux 15 permanents qui tiennent la barre sous le
contrôle de votre nouveau capitaine ! Vous avez une tâche difficile, savoir rester positifs et attentifs aux autres,
garder confiance en ces hommes et ces femmes qui ont des parcours chaotiques, leur redonner espoir et les
rendre responsables et acteurs de leur avenir.
- Et tous ceux qui se sont déplacés, partenaires, amis, famille pour me soutenir dans cette « nouvelle épreuve ».
Merci à vous tous de votre fidélité à Emploi Développement. Vous participez avec nous à la défense des
valeurs de l’économie sociale et solidaire
- Et bien sûr, une reconnaissance à toutes les personnes en difficulté qui s’adressent à l’association. Ce sont
elles qui donnent sens à notre engagement. Elles m’ont appris et enrichie sur le plan personnel et humain.
Revenons 23 ans en arrière, le lundi 10 septembre 1990,jour où nous ouvrions le bureau de « 14ièmeEmploi
Développement », dans les locaux de la SAGI au 207, rue Vercingétorix,
23 ans d’une aventure, ou plutôt d’un défi puis d’une passion….
Je ne ferai pas un bilan comptable ! Vous avez ici, quelques panneaux qui témoignent de nos résultats…..
Rassurez-vous, je ne vais pas vous infliger des souvenirs nostalgiques mais je veux simplement mettre en
lumière quelques anecdotes significatives qui ont jalonné ces 23 années pour montrer le chemin parcouru et
surtout pour en donner l’épaisseur humaine que ne sauraient traduire des chiffres.
Comme me le rappelait Danièle récemment, nous avions installé dans ce local une table trouvée dans une cave,
des tréteaux prêtés par Thierry Besançon, un téléphone et quelques chaises…..C’était là tout notre matériel !
Le démarrage fut totalement empirique, sans aucune expérience ni du public, ni du domaine d’activité. Devant
mon enthousiasme de néophyte, sans doute excessif, le Conseil d’Administration se demandait parfois avec
angoisse ce que je voulais encore entreprendre. Je me souviens d’une phrase de l’un d’entre vous me disant :
« Mais Anne-Marie on ne vous a pas demandé de faire tout cela », j’avais alors atteint 1 000 heures dans le
mois ! Le président se demanda même si tout cela n’allait le conduire en prison ! Depuis le début de l’année
nous procurons chaque mois plus de 17 000 heures de travail.
J’ai vu assez vite une occasion inattendue pour moi de travailler dans l’économie sociale et solidaire, dont
l’idéal et la philosophie me convenaient.
Je n’étais pas issue du milieu des travailleurs sociaux, je n’appartenais à aucun réseau, je ne connaissais pas les
associations du 14e arrondissement. J’avais une ignorance absolue de cet environnement mais je savais les
valeurs que je voulais défendre et j’étais prête à apprendre.
Venant d’une entreprise (je travaillais dans l’industrie pharmaceutique) j’en ai appliqué les règles et les
techniques commerciales, ce qui n’était pas courant dans le monde associatif, et ce qui m’a facilité les contacts
avec les chefs d’entreprise que je rencontrais, par contre avec les assistantes sociales, c’était plus difficile !
J’ai professionnalisé au fil des années notre fonctionnement et nos procédures, sans jamais perdre de vue
l’objectif social et le projet de l’association.
Mais, ce qui m’a passionné toutes ces années c’est de maintenir l’équilibre des forces entre le SOCIAL et
l’ECONOMIQUE. Nous sommes de vrais équilibristes sur un fil, il faut garder le balancier à l’équilibre, sans
pencher ni d’un coté ni de l’autre.
Mon entrée à la Fédération COORACE m’a permis de rencontrer des militants professionnels de l’insertion, ils
m’ont ouvert les yeux sur ce nouveau métier, sur ce nouvel environnement. Le Président du COORACE à l’époque
était Jean Pinon (directeur d’une unité de la SNECMA), il m’a fait élire au Bureau National. C’était pour moi une
insertion….dans le militantisme du COORACE.
Grâce aux rencontres avec les directeurs des Foyers de Jeunes Travailleurs, avec les éducateurs de rue ceux de
Jean COTXTET, ceux de FEU VERT à la Porte de Vanves, avec les assistantes sociales de secteur, je me suis
formée et j’ai pu tracer la ligne que je voulais suivre.
La foi déplace des montagnes, dit-on, ici c’est la foi en l’Homme qui m’a faite avancer. Des opportunités, des
prises de risque, de la chance, une liberté de création et beaucoup d’acharnement nous ont permis de créer :
un restaurant associatif avec l’aide de la Banque alimentaire et d’un mécène « ED RESTO ».
une équipe de football pour des jeunes en errance dans le quartier « FOOT 14 ».
des ateliers de couture et de repassage dans les hôpitaux de l’APHP, chez L’Oréal et Lancôme.
une entreprise dans le bâtiment « CHANTIERS 14 ».
une association de services aux personnes « PROXIM’SERVICES 75 ».
une entreprise de travail temporaire d’insertion « OBJECTIF EMPLOI ».
de développer des partenariats pour travailler avec le PASTT (les transsexuels) ou AIDES(SIDA).
Toutes ces actions nous permettent de dire aujourd’hui que nous existons, qu’Emploi Développement occupe
une place importante et est reconnue dans le secteur de l’Insertion par l’Activité Economique.
Nous n’imaginions pas en 1990, qu’Emploi Développement, 23 ans plus tard permettrait chaque mois à 250
personnes de travailler, qu’elle signerait des appels d’offres dans les marchés publics et aurait des contrats avec
des grandes entreprises parisiennes, tout en faisant travailler toujours le même public éloigné de l’emploi et en
restant fidèle à nos valeurs.
Tous ensemble, en travaillant à Emploi Développement) nous exprimons pour ces personnes, notre refus de
l’exclusion, nous affirmons que « nul n’est inemployable » et que toute personne quelle que soit sa situation
et sa place dans la société peut se reconstruire par le travail, restaurer sa dignité et participer aux échanges
économiques.
Dans le cadre des clauses sociales des Marchés Publics, nous travaillons avec la société EUREST-COMPAS, un des
majors de la restauration collective (1000 restaurants en France, 100 millions de repas par an dans les
entreprises et les administrations), cela participe à faire « grandir » nos salariés. Quelle fierté, pour eux, quand
ils se présentent dans des lieux prestigieux comme les ministères, la Défense, le Louvre ou le palace « le Shangrila» avenue d’Iéna !
Avec la participation de chacun, vous m’avez permis de créer et de développer cette belle institution à
laquelle nous sommes tous très fiers d’appartenir aujourd’hui.
Un mot avant de m’arrêter pour dire que notre Association Intermédiaire, grâce au Conseil d’Administration, a
été la première à Paris à mettre en place pour les permanents une vraie politique salariale, une convention
collective, une retraite complémentaire art.83, une complémentaire santé, des primes quand les résultats le
permettent et pour cet été des chèques-vacances, de plus les permanents travaillent 35 heures par semaine sur
4jours et demi.
Je passe le relais, non sans émotion, à celle en qui j’ai toute confiance pour reprendre le flambeau, Gisèle tu as
cette foi, cette énergie qui m’a toujours animée et cette volonté de réussir dans notre beau projet. Tu devras
parfois tempérer tes ardeurs, prendre patience, écouter les autres, mais tu as avec toi une équipe solide sur
laquelle tu pourras compter, un Président et des administrateurs engagés et la toute nouvelle équipe de
bénévoles prête à s’investir. »
Et la réponse de Gisèle Billard :
Paul Valéry a écrit « que de choses il faut ignorer pour agir !!! ». Qui d’entre nous imaginait que
l’association deviendrait ce qu’elle est aujourd’hui !!!
Et, entre toi et moi, en 1993, lorsque nous nous sommes rencontrées à Montrouge, laquelle de nous
deux, aurait deviné que nous étions parties pour 20 ans et plus d’aventures et de rebondissements.
Comme elles sont belles ces rencontres ! Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez vous, disait
Paul Eluard et j’en aurai fini des citations.
Une page va se tourner, mais avant de passer à demain je voudrai te rappeler, avec humour, combien
tu as su mettre en acte tes valeurs et tes convictions.
Je commencerai par ton credo : Nul n’est inemployable et chacun a sa chance. Tu nous l’as prouvé
en commençant par cet agent d’accueil recruté sur le banc en face de l’association mais aussi par ta
méthode de recrutement très personnelle. Son père est alcoolique, sa mère est malade, elle a de
nombreux frères et sœurs ils vivent dans une caravane, elle fait de la moto et elle aime le cheval. Elle
est bien, on l’embauche !
Ton dynamisme et ton sens de l’improvisation : Te souviens-tu du départ pour rencontrer la DRH de
Lancôme. Allez Isabelle et Gisèle on y va ! Nous partons dix minutes avant le rendez-vous qui se situe
à Chevilly la Rue. On s’accroche dans la voiture, isabelle est inquiète son petit déjeuner ne va pas
résister … Dans la voiture nous te demandons ce que nous allons raconter. Tu nous rassures « on
verra sur place ! ». Comme tu as eu raison, nous avons parlé avec sincérité et passion et cela s’est
traduit par quelques années de collaboration avec L’Oréal et Lancôme.
A cette époque peu d’association avait osé se rapprocher de l’entreprise !!!
Ton sens de l’innovation au service de l’économie : La grève des transports de décembre 1995, nous
avions de nombreuses missions pour remplacer tous les salariés qui ne pouvaient pas se rendre à leur
travail. Nous allions réussir et faire que nos salariés se rendent sur les missions. Pour cela tu étais
prête à aller leur acheter des patins à roulette !!!!
Ton côté frondeur, qui a permis de faire bouger les lignes et de faire évoluer la loi : Les contrats aidés
embauchés et mis à disposition avant même que la loi l’autorise. Quand on t’interpelait sur les risques
ta réponse « on verra bien après !!! Ils viendront pas nous contrôler »
Ton besoin d’innover, d’aller de l’avant : Ainsi, Il y a eu l’équipe de foot, le resto, la convention de
partenariat avec l’ANPE, etc…. mais te souviens-tu de « Secrétariat express », et de « Relai cadres »,
les « services à domicile dans l’entreprise », et ton projet pas abouti de créer « une agence
matrimoniale d’insertion ». Tu avais déjà anticipé sur les besoins de lien social et tu étais déjà dans la
mixité.
Ton énergie, qui nous amenait à déménager les bureaux tellement souvent que nous avions envisagé
d’acheter des roulettes pour mettre sous les meubles.
Surtout, avec toi, tout est possible, il y a toujours une solution !!! Isabelle qui prête ses après skis pour
que le cuisinier parte sur la classe de neige faire la mission, la salariée qui s’est endormie ivre chez le
client, qu’on ramène chez elle, un soir d’hiver dans une sombre cité de la porte de Vanves….
Des fois tu nous faisais trembler, lorsque nous te disions « on ne peut pas y aller comme ça, tête
baissée », tu avais l’air surpris et tu nous disais ah bon, pourquoi ???? Cela suffisait pour démarrer
une nouvelle action.
Ta générosité, ton enthousiasme, concrétisés par l’embauche d’un Monsieur qui souffrait
d’alcoolisme qui allait faire du démarchage. Je voyais le nombre de bars sur la route des prospects
quand tu voyais que tu allais lui donner du travail et, ainsi lui permettre de retrouver une dignité
Ta façon de motiver selon le principe du « toujours plus » assortie de la méthode Coué : vous pouvez
tenir à cinq dans le bureau !!! En Bretagne, il fait toujours beau ! Mais non Madame, il a bien repeint
votre plafond, il a fait du bon travail !
Des anecdotes j’en ai encore beaucoup, et je t’assure que certaines me serviront de repères, de
modèles dans l’exercice qui m’attend.
Ta volonté de ne pas dépendre des pouvoirs publics t’a aidée pour t’affranchir de certaines
contraintes et d’avoir une liberté d’action essentielle à la réussite. Ta réussite est bien la preuve que
l’innovation passe par la désobéissance.
En tout cas, au nom de tous ceux et ils sont nombreux à qui tu as permis de retrouver une dignité
une place dans la société, à qui tu as fait confiance, je te remercie.
Et demain ? De nouveau, et publiquement je te remercie de me faire confiance en me demandant de
reprendre le flambeau. Je ferai avec ce que je suis, mes convictions, mon respect de l’humain, l’envie
de créer, surtout, je n’aurai de cesse de ne pas te décevoir et de donner le meilleur de moi-même à
cette belle œuvre. Je m’emploierai à être digne de ta confiance et de la confiance que le
conseil d’administration m’a accordée.
Comme tu le dis, j’apporterai un nouveau souffle, un dynamisme certain, et comme on me l’a déjà
dit ailleurs « avec Madame Billard ça pulse !!! »
J’ai la chance de trouver une équipe de professionnels motivés, impliqués avec lesquels nous
partageons l’attachement à des valeurs humanistes et l’envie d’aller de l’avant. Je partage avec eux
la fierté de travailler dans une si belle entreprise et, ensemble, nous allons pouvoir mener le
changement dans la continuité de tes principes et de tes idéaux.
C’est un nouveau challenge, mais tu sais très bien que cela non seulement ne me fait pas peur mais
bien au contraire cela déclenche cette petite dose d’adrénaline qui me donnera l’énergie nécessaire
pour capitaliser le patrimoine que tu me confies aujourd’hui. Emploi Développement est parmi les
premières associations intérimaires en France avec l’équipe nous ferons tout pour qu’elle le reste.
Aujourd’hui, où nous vivons une mutation profonde des métiers, Emploi Développement a un rôle
essentiel à jouer dans l’intérêt du plus grand nombre et nous tâcherons de rester innovants.
Au nom de l’équipe, je te souhaite une longue et belle retraite avec beaucoup de moments de joies et
de rires avec tes enfants, tes petits enfants, tes proches, de beaux voyages, et surtout beaucoup
d’amour et de sérénité. Merci et à bientôt.