1. Préambule 2. Eoliennes de pignon : à déconseiller Petit éolien

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1. Préambule 2. Eoliennes de pignon : à déconseiller Petit éolien
APERe – Petit éolien : état des lieux
Petit éolien : état des lieux
Une analyse de l’APERe rédigée par Bruno Claessens
Version du 23/04/2013
1. Préambule
L’éolien de petite et moyenne puissance est encore très peu développé en Wallonie : on
compte environ une cinquantaine d’éoliennes privées dont la puissance installée se situe entre
1 kW et 500 kW.
L’intérêt pour les éoliennes privées est néanmoins en augmentation. Il est stimulé par de
nouveaux promoteurs ainsi que par une presse qui semble annoncer une explosion du secteur.
Les guichets de l’Energie et certaines associations comme l’APERe font face à un grand
nombre de questions et de demandes de conseils, émanant tant de particuliers que
d’agriculteurs ou de PME.
Dans un contexte d’incertitude sur l’évolution du prix des énergies fossiles, l’éolienne
domestique présente l’avantage de permettre d’atteindre une indépendance énergétique. En
effet, avec une éolienne de 3 ou 4 kW de puissance installée et d’une hauteur moyenne de 15
mètres, il est possible en théorie de couvrir une consommation de 3500 kWh/an, soit le niveau
de consommation moyen d’un ménage wallon.
Le nombre d’heures efficaces (nombre d’heures durant lesquelles l’éolienne doit fonctionner
constamment à sa puissance nominale pour produire la quantité d’énergie escomptée sur un
an) s’élève en Wallonie à 1000-1200 h/an. Pour des panneaux solaires, ce nombre est
légèrement inférieur à 1000 h/an.
2. Eoliennes de pignon : à déconseiller
Avec son mât fortement raccourci, installer une éolienne sur le pignon d’un bâtiment
existant a de quoi séduire, mais attention : sans précaution, ce type d’installation est à
déconseiller car peu productif et dangereux pour le bâti. Les Compagnons d’Eole ont
fait un premier point, en s’appuyant notamment sur l’expérience française.
A priori, installer une éolienne sur le pignon de son habitation est tentant. Il permet de
raccourcir le mât en profitant de la hauteur du mur pour y placer l’éolienne. Moins d’espace
occupé, plus facile de respecter les distances minimales entre l’éolienne et la parcelle voisine,
prix d’achat réduit à l’éolienne et son kit d’ancrage, … De quoi être tenté par les promesses
alléchantes de certains vendeurs.
Mais attention, une éolienne de pignon se heurte d’emblée aux mauvaises conditions de vent
généralement rencontrée à proximité d’un pignon (vitesse de vent réduite et surtout caractère
fortement turbulent). Celles-ci réduisent d’une part la productivité de l’éolienne avec des
rendements généralement très inférieurs aux chiffres annoncés et d’autre part, elles peuvent
amener l’éolienne à causer des nuisances sonores et des dommages sur les pignons ou
toitures sur laquelle elle est ancrée.
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Généralement le mât porteur de l’éolienne est fixé au mur pignon avec deux ferrures. Elles
sont soumises à deux types de contraintes : un cisaillement vertical, sous l’effet du poids de
l’éolienne et des contraintes horizontales, sous l’effet de l’aérogénérateur soumis au vent en
tête de mât. Les maçonneries de briques, de pierres ou de parpaings composant les murs de
pignon résistent bien aux forces verticales. Mais les joints de maçonnerie ne supportent pas
très longtemps les forces horizontales, d’où un risque de fissuration.
En outre, les vibrations dues au fonctionnement de l’aérogénérateur viennent amplifier l’effet
des forces mécaniques. Sur la durée, les vibrations peuvent engendrer des fissures puis des
infiltrations, aboutissant à une dégradation de la structure. Il ne faut pas négliger la propagation
des ondes acoustiques par les matériaux de construction.
Autant savoir.
3. Eolien domestique : étapes à franchir pour installer
S’il est exact que bon nombre de citoyens, d’agriculteurs ou d’indépendants entreprennent des
démarches pour l’installation d’une éolienne domestique, peu de projets aboutissent.
Les contraintes et obstacles à surmonter pour mener à bien un projet sont en effet nombreux :
3.1. Disposer d’un site venteux et suffisamment spacieux
Il faut impérativement mesurer comment et à quel point le site envisagé pour l’implantation est
réellement venteux. Une impression de vent n’implique pas automatiquement que les vents
soient suffisamment forts, réguliers et non turbulents dans la bonne direction pour rendre un
projet de petite installation viable. Deux méthodes existent identifier si le vent qui souffle sur
un site est exploitable pour produire de l’électricité: le mât de mesure et la modélisation
informatique.
La position idéale pour une éolienne est un espace plat, une côte ou le sommet d’une colline
dégagés, ou avec au moins un espace ouvert du côté des vents dominants.
Si des obstacles (village, maisons, bosquets, arbres ou forêts) sont présents, la rugosité du
sol et donc les turbulences augmentent. Il faudra alors placer l’éolienne à une hauteur
suffisante pour que le bas des pales du rotor soit en-dehors de la zone des turbulences et que
la machine subisse moins de contraintes physiques (qui entrainent un risque d’usure
prématurée voire de casse).
Il est recommandé d’implanter la machine de manière telle qu’elle se situe 6 m au-dessus de
tous les obstacles environnants comme les arbres ou les bâtiments dans un rayon de 75 m
(voir figure).
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Pour être placée de façon optimale, il s’agit donc pour le candidat investisseur de disposer
d’un site suffisamment ouvert et spacieux.
Pour bien produire sans que la mécanique ne souffre, une éolienne doit trouver un vent
puissant (vitesse élevée) et régulier (absence de turbulences). Ce vent n’est disponible
que dans des zones dégagées, loin du sol et de tout obstacle. Or, en appui sur un pignon,
ces conditions ne sont pas remplies.
A proximité du sol, le vent est fortement influencé par ce qui trouve sur le sol. D’une part, il est
freiné et d’autre part son écoulement perturbé.
Terrain agricole dégagé
0,05
Banlieue urbaine
0,5
Ville
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Tableau : Exemple de coefficient de rugosité
Le « freinage » est exprimé par le coefficient de rugosité. Il varie sensiblement en fonction
de l’occupation du sol.
Vent géostrophique
à 1 000 m d’altitude
Type de sol
Vent en m/s
à 10 m de hauteur
12 m/s
Terrain agricole dégagé
5,7 m/s
Banlieue urbaine
3,8 m/s
Ville
3,8 m/s
A même hauteur, la vitesse du vent varie en fonction de la rugosité. Le tableau ci-dessous
présente les valeurs de vitesses de vent calculées à 10 m au-dessus du sol pour les
différents types d’environnement, pour un vent géostrophique de 12 m/s (à 1 000 m
d’altitude, non influencé par l’occupation du sol).
Selon les règles européennes EC1, pour retrouver la densité énergétique du vent
observée à une hauteur de 10 m en rase campagne, il faut se placer à 45 m en banlieue
et à 72 m en ville.
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Les obstacles du sol modifient le mouvement de l’air. De laminaire, le vent devient plus
chaotique ou turbulent. Non seulement la part turbulente de l’écoulement n’est pas
exploitée par le profil aérodynamique des pâles de l’éolienne, mais d’autre part, les
turbulences affectent la durabilité de l’éolienne par les efforts mécaniques qu’elles engendrent
sur le rotor et le système d’ancrage.
3.2. Obtenir le permis de bâtir en compatibilité avec le plan de
secteur
Une petite éolienne ne requiert ni déclaration ni permis d’environnement. Par contre un permis
d’urbanisme est bel et bien requis, quelles que soient la hauteur et la puissance de la turbine.
Si l’implantation de la machine est envisagée à une distance des limites mitoyennes inférieure
à sa hauteur totale (mât + pale levée), l’intervention d’un architecte est également requise.
En fonction du diamètre de son rotor et surtout de la hauteur du mât, l’impact visuel d’une
éolienne de faible puissance est réel et son installation peut poser problème en termes
d’aménagement du territoire. La multiplication de ce type d’installation risque d’avoir un impact
non négligeable sur le paysage. De nombreux collèges échevinaux préfèrent dès lors refuser
le permis de bâtir, par crainte de créer un précédent qui n’obtiendrait pas l’assentiment des
riverains ou qui ouvrirait la brèche à de nombreuses autres demandes.
3.3. Choisir une machine performante
Plusieurs critères doivent conduire le candidat investisseur vers un choix de turbine approprié :
la courbe de puissance de la turbine : fournie par le constructeur, elle doit correspondre
au mieux à la distribution des vitesses de vent identifiée lors de l’étude du site. Par ailleurs,
la vitesse de démarrage de l’éolienne doit être la plus faible possible ;
la garantie du matériel : le constructeur doit fournir des garanties de résistance à la
casse. Entre autres, l’existence d’un système de mise à l’arrêt automatique de la machine
dès que les vents dépassent 25 m/s est un minimum ;
la machine doit être conforme à la norme IEC 61400-2 sur le plan de la sécurité.
Le secteur de l’éolien de faible puissance n’est actuellement pas soumis à de nombreuses
exigences de certification comme l’est l’éolien de puissance. Suite à cela, on observe des
niveaux de qualité de fabrication forts variables :
les niveaux de bruit des turbines sont parfois élevés (> 40 dB) ;
la fiabilité du matériel est relative ;
les courbes de puissance présentées par les constructeurs sont peu fiables, ce qu’ont mis
en lumière plusieurs tests européens.
Il serait donc souhaitable que des sites de tests ou de certification soient déployés en Wallonie
pour assurer la qualité du matériel disponible sur le marché. A noter que le Cluster TWEED
évalue en ce moment l’intérêt et la possibilité de développer un tel site sur notre territoire.
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3.4. Réunir un budget parfois conséquent
Les coûts d’installation d’une éolienne de faible puissance sont très variables et à examiner
au cas par cas.
Cependant, des ordres de grandeur grossiers peuvent être avancés :
éolienne raccordée au réseau : il faut compter environ 5.000 euros par kW de puissance
installée. Ce montant intègre les travaux de tranchées, les fondations en béton, la turbine et
son mât, la connexion au réseau et la réception de l’installation ;
éolienne non raccordée au réseau : dans des cas particuliers, cette solution peut être
envisagée. Il faut cependant compter un surcoût d’environ 25% par rapport au cas précédent
pour l’ajout d’un système de stockage de l’électricité (batteries).
Actuellement, le niveau de soutien accordé à la filière du petit éolien est relativement faible.
Le mécanisme de la compensation permet, pour toute installation de maximum 10 kW,
d’annuler sa consommation par sa production d’électricité verte sur base annuelle (compteur
« qui tourne à l’envers ») ;
La production d’électricité d’origine éolienne bénéficie de l’octroi d’un certificat vert (CV) par
tranche de 1.000 kWh (1MWh) d’électricité produite.
Le demandeur, s’il est un indépendant ou une PME, peut bénéficier :
d’une aide à l’investissement pour un montant minimum d’investissements éligibles de
25.000 €. Pour la petite entreprise qui n'est pas détenue par une moyenne ou une grande
entreprise qui relève du secteur de l'énergie et qui produit de l'énergie à partir de sources
renouvelables, le montant de l’aide s’élève à 30% du montant total de l’investissement
éligible hors TVA pour une éolienne de puissance inférieure ou égale à 500 kW. A noter que
les niveaux des aides à l’investissement vont être revus en 2013
du programme AMURE : prime à l’étude de pertinence pour les investissements en
énergie renouvelable (50% du montant de l’étude).
En outre, les investisseurs peuvent bénéficier, au niveau fédéral, d’une déduction fiscale pour
investissements économiseurs d’énergie (diminution de la base imposable à concurrence de
13,5% de la valeur d’acquisition des investissements).
Suite à ce faible niveau de soutien à la filière, l’investissement présente une rentabilité limitée:
dans le cas d’un particulier, le retour sur investissement se situe souvent entre 15 et 20 ans.
Pour un indépendant, il peut être plus rapide (8 à 12 ans environ).
En comparaison, pour les panneaux photovoltaïques, le système des certificats verts combiné
aux aides régionales permet actuellement de rentabiliser l’investissement d’un ménage moyen
en 5 à 6 ans. L’objectif du Gouvernement wallon suite à la révision du mécanisme de soutien
au photovoltaïque est d’atteindre un temps de retour simple de 7 ans.
4. Conclusion
Il résulte de l’ensemble de ces contraintes que l’éolien de faible puissance reste plutôt à
privilégier pour les agriculteurs et grands propriétaires. Pour des besoins domestiques, il
s’avère souvent plus pertinent d’installer des modules solaires photovoltaïques qu’une petite
éolienne.
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