LOI « TRAVAIL »: MODERNISATION DE LA MEDECINE DU TRAVAIL

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LOI « TRAVAIL »: MODERNISATION DE LA MEDECINE DU TRAVAIL
N° 115 - SOCIAL n° 56
En ligne sur le site www.fntp.fr le 20 octobre 2016
ISSN 1769 - 4000
LOI « TRAVAIL » : MODERNISATION DE
LA MEDECINE DU TRAVAIL
L’essentiel
La loi « Travail » poursuit la mise en place de la réforme des services de santé au travail
dont certaines dispositions avaient été intégrées dans la loi du 17 août 2015 relative au
dialogue social, dite Loi « Rebsamen » suite aux préconisations du rapport « Issindou »
publié fin mai 2015.
Ces nouvelles dispositions redéfinissent les missions des services de santé au travail et
modifient les procédures pour inaptitude physique du salarié.
Désormais, seuls les salariés affectés à des postes à risques particuliers bénéficieront d’une
visite médicale d’embauche. Les autres salariés auront une visite d’information et de
prévention. Par ailleurs, la procédure de constatation de l’inaptitude par le médecin du
travail est remaniée et son régime est unifié quelle que soit l’origine de la maladie ou de
l’accident du salarié.
Ces dispositions, à l’exception de certaines relatives au travail de nuit, entreront en vigueur à
la date de publication des décrets nécessaires à leurs mises en œuvre, et au plus tard
le 1er janvier 2017.
Contact : [email protected]
TEXTE DE REFERENCE :
Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours
professionnels, JO du 8 août 2016.
MEDECINE DU TRAVAIL
1) Cadrage de la notion
d’atteinte à la sécurité des
tiers
La notion d’atteinte à la sécurité des tiers avait déjà été intégrée dans la
loi relative au dialogue social de 2015.
2) Visites d’information et
de prévention remplaçant
les visites médicales
La loi prévoit le remplacement de la visite médicale d’embauche par
une visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche
dans un délai et selon une périodicité fixés par décret à paraître.
(article L. 4622-3 du Code du
travail)
(article L. 4624-1 modifié du
Code du travail)
Dans la loi « Travail », cette notion est précisée. Le médecin du travail
doit désormais éviter toutes altérations de la santé des salariés, ainsi
que tout risque manifeste d’atteintes à la sécurité des tiers évoluant
dans l’environnement immédiat de travail.
Cette visite d’information et de prévention n’est pas un examen médical.
Elle peut être effectuée par un professionnel de santé issu de l’équipe
pluridisciplinaire (collaborateurs médecins, internes en médecine du
travail, infirmiers et médecin du travail lui-même).
Le professionnel de santé, qui réalise la visite d’information et de
prévention, peut orienter le travailleur sans délai vers le médecin du
travail, dans le respect du protocole élaboré par ce dernier. Cette visite
donne lieu à la délivrance d’une attestation dont le modèle sera défini
par arrêté.
Les modalités et la périodicité de ce suivi prennent en compte les
conditions de travail, l’état de santé et l’âge du travailleur, ainsi que les
risques professionnels auxquels il est exposé.
Des décrets en Conseil d’Etat précisent les modalités d’action des
personnels concourant aux services de santé au travail ainsi que les
modalités du suivi individuel (dont la périodicité).
3) Surveillance renforcée
de l’état de santé des
salariés affectés à des
postes à risques
particuliers
(article L. 4624-2 à L. 4624-7 du
Code du travail)
Le principe des visites médicales réservées aux salariés affectés à des
postes à risques, intégré dans la loi Rebsamen de 2015, est revu et
précisé dans la loi Travail.
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Notion de poste à risques particuliers
Tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers
pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des
tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail bénéficie d’un
suivi individuel renforcé de son état de santé.
Ce suivi comprend notamment un examen médical d’aptitude, qui se
substitue à la visite d’information et de prévention prévue par la
nouvelle loi.
L’examen médical d’aptitude permet de s’assurer de la compatibilité de
l’état de santé du travailleur avec le poste auquel il est affecté, afin de
prévenir tout risque grave d’atteinte à sa santé ou à sa sécurité ou à
celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement
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immédiat de travail.
Compte tenu de la nature des activités dans les Travaux Publics, la
FNTP reste très attentive à la définition de la notion de postes à
risques particuliers afin de garantir la sécurité et la santé des salariés
des entreprises de Travaux Publics.
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Visite médicale préalable à l’embauche
La visite médicale est réalisée avant l’embauche et renouvelée
périodiquement. Elle est effectuée par le médecin du travail, sauf
lorsque des dispositions spécifiques la confient à un autre médecin.
Les modalités d’identification et de suivi de ces salariés (dont la
périodicité) seront précisées dans un décret à paraître.
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Adaptations de poste lors des visites périodiques pour le
salarié apte
Après avoir examiné le salarié, le médecin du travail qui le déclare apte
à son poste peut proposer des adaptations de poste.
Celles-ci sont proposées par écrit et après échange avec le salarié et
l’employeur. Les mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation
ou de transformation du poste de travail ou les mesures
d’aménagement du temps de travail sont justifiées par des
considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé
physique et mental du travailleur.
Le médecin du travail peut également proposer à l’employeur l’appui de
l’équipe pluridisciplinaire ou celui d’un organisme compétent en matière
de maintien en emploi pour mettre en œuvre son avis et ses indications
ou ses propositions.
L’employeur est tenu de prendre en considération l’avis, les indications
ou les propositions émis par le médecin du travail au regard des risques
particuliers pour la santé ou la sécurité du salarié, de ses collègues ou
des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail. En cas de
refus, l’employeur fait connaître, par écrit, au travailleur et au médecin
du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
Si le salarié ou l’employeur conteste les éléments de nature médicale
justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par
le médecin du travail, il doit saisir le Conseil de prud’hommes en référé.
4) Démarche de maintien
dans l’emploi du salarié
(article L. 4624-1 du Code du
travail)
5) Suivi médical adapté
pour certaines catégories
de salariés
Tout salarié peut désormais, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude,
solliciter une visite médicale dans l’objectif d’engager une démarche de
maintien dans l’emploi.
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Le travailleur de nuit
Tout travailleur de nuit bénéficie d’un suivi individuel régulier de
son état de santé. La périodicité de ce suivi est fixée par le médecin du
travail en fonction des particularités du poste occupé et des
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caractéristiques du travailleur, selon des modalités déterminées par
décret en Conseil d’Etat (article L. 4624-1 du Code du travail).
Le travailleur de nuit, lorsque son état de santé, constaté par le
médecin du travail, l’exige, est transféré à titre définitif ou temporaire,
sur un poste de jour correspondant à sa qualification et aussi
comparable que possible à l’emploi précédemment occupé (article
L. 3122-14 du Code du travail).
L’employeur ne peut prononcer la rupture du contrat de travail du
travailleur de nuit du fait de son inaptitude au poste comportant le travail
de nuit, à moins qu’il ne justifie par écrit soit de l’impossibilité dans
laquelle il se trouve de proposer un poste correspondant à sa
qualification et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment
occupé, soit du refus du salarié d’accepter le poste proposé dans ces
mêmes conditions (article L. 3122-14 du Code du travail).
Le médecin du travail est consulté, selon des modalités précisées par
décret en Conseil d’Etat, avant toute décision importante relative à la
mise en place ou à la modification de l’organisation du travail de nuit
(article L. 3122-10 du Code du travail).
Date d’entrée en vigueur immédiate. Ces dispositions sont
entrées en vigueur le 10 août 2016.
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Le travailleur
d’invalidité
handicapé
ou
titulaire
d’une
pension
Tout travailleur qui déclare, lors de la visite d’information et de
prévention, être reconnu comme travailleur handicapé ou être titulaire
d’une pension d’invalidité attribuée au titre de tout régime de protection
sociale obligatoire, est orienté sans délai vers le médecin du travail et
bénéficie d’un suivi individuel adapté de son état de santé (article
L. 4624-1 remplacé du Code du travail).
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Les salariés en contrat à durée déterminée ou d’intérim
Pour les salariés en contrat à durée déterminée ou d’intérim, un suivi
individuel de leur état de santé d’une périodicité équivalente à celle des
salariés en contrat à durée indéterminée (article L. 4625-1-1 nouveau
du Code du travail).
Un décret précisera les mesures spécifiques de suivi individuel et de
suivi renforcé.
Le décret précisera également les modalités d’information de
l’employeur sur le suivi individuel de l’état de santé de son salarié et les
modalités particulières d’hébergement des dossiers médicaux en santé
au travail et d’échanges d’informations entre médecins du travail.
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MODIFICATIONS DES PROCÉDURES POUR INAPTITUDE PHYSIQUE
1) Avis du médecin du
travail
(art. L. 4624-4 du Code du
travail)
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Définition de l’inaptitude physique
Un salarié est déclaré physiquement inapte à son poste par le médecin
du travail lorsque celui-ci constate qu’aucune mesure d’aménagement,
d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est
possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de
poste.
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Procédure suivie par le médecin du travail avant la prise de
décision :
La procédure de déclaration d’inaptitude doit être composée :
- d’une étude de poste du salarié, effectuée par le médecin
du travail ou un membre de l’équipe pluridisciplinaire ;
- d’un échange entre le médecin du travail, le salarié et
l’employeur ;
- de l’examen médical du salarié* ;
- d’un rendez-vous entre le médecin du travail et le salarié
pour échanger sur la décision et les indications ou
propositions qu’il compte adresser à l’employeur.
* Attention : La loi « Travail » ne prévoit pas l’obligation pour le
médecin du travail de pratiquer deux examens médicaux.
Cependant, la procédure de constatation de l’inaptitude actuellement
prévue par les dispositions réglementaires ne peut être constatée
(sauf en cas de danger immédiat ou en présence d’une visite de préreprise) qu’après 2 examens médicaux espacés de 15 jours et une
étude de poste du salarié.
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Avis d’inaptitude assorti de conclusions écrites
L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des
conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du
travailleur.
L’employeur est tenu de prendre en considération l’avis et les
indications ou les propositions émises par le médecin du travail au
regard des risques particuliers pour la santé ou la sécurité du salarié,
de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat
de travail.
En cas de refus, l’employeur fait connaître, par écrit, au travailleur et au
médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
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Contestation de l’avis du médecin du travail devant le
Conseil de prud’hommes
Si le salarié ou l’employeur conteste les éléments de nature médicale
justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis
par le médecin du travail, il peut saisir le conseil de prud’hommes d’une
demande de désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des
experts près la Cour d’appel. L’affaire est directement portée devant la
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formation de référé.
Le demandeur en informe le médecin du travail.
Le médecin-expert peut demander au médecin du travail la
communication du dossier médical en santé au travail du salarié sans
que puisse lui être opposé le secret professionnel.
La formation de référé ou, le cas échéant, le Conseil de prud’hommes
saisi au fond peut, en outre, charger le médecin inspecteur du travail
d’une consultation relative à la contestation.
La formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais
d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en
justice n’est pas dilatoire ou abusive.
2) Obligation de
reclassement du salarié
inapte
(art. 1226-2 et 1226-10 du Code
du travail)
La loi « Travail » prévoit désormais que le régime juridique attaché à la
contestation de l’inaptitude physique s’applique au salarié, qu’il ait été
déclaré inapte en cours d’exécution de son contrat de travail ou à
l’issue d’un arrêt de travail.
Elle procède à l’alignement de la procédure de reclassement pour
raison non professionnelle sur celle applicable en cas d’accident ou
maladie professionnels lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un
accident est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre
l’emploi qu’il occupait précédemment.
L’employeur doit donc avant de proposer un reclassement au salarié,
consulter les délégués du personnel lorsqu’ils existent et ce, quelle que
soit l’origine de son affection.
L’emploi de reclassement proposé nécessite de remplir plusieurs
critères, il doit :
- être approprié aux capacités du salarié ;
- tenir compte de l’avis exprimé par les délégués du personnel ;
- être conforme aux conclusions écrites du médecin du travail ;
- être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment
occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que
mutations, aménagements, adaptations ou de transformations
de postes existants.
Lorsqu’il est dans l’impossibilité de proposer un emploi de reclassement
au salarié, l’employeur doit l’en informer par écrit et lui indiquer les
motifs qui s’opposent à son reclassement.
3) Dispense de
reclassement
(art L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du
travail)
La dispense de reclassement, lorsque le maintien du salarié dans
l’entreprise présente un risque grave pour sa santé, introduite par la loi
« Rebsamen » de 2015 était réservée aux salariés victimes d’un
accident du travail ou d’une maladie professionnelle titulaires d’un
contrat de travail à durée indéterminée.
Désormais, la loi Travail étend cette possibilité à tous les salariés,
quelle que soit l’origine de leur inaptitude physique – professionnelle ou
non – et quelle que soit la durée de leur contrat de travail.
Pour rappel, la mention expresse dans l’avis du médecin du travail, que
tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à
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sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout
reclassement dans un emploi, est nécessaire.
4) Refus d’une proposition
de reclassement
(art. L. 1226-2 -1 du Code du
travail)
Le refus par le salarié de l’emploi proposé en reclassement constitue
désormais un motif de la rupture du contrat de travail au même titre que
l’impossibilité de proposer un emploi répondant aux critères prévus aux
articles 1226-2 et 1226-10 du Code du travail (cf. infra).
L’obligation de reclassement serait donc réputée satisfaite lorsque
l’employeur a proposé au salarié au moins une offre de reclassement
loyale, sérieuse et conforme à l’avis du médecin du travail.
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